N° 232
Novembre

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Novembre 2022
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,

Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
Heureux ou Bienheureux !

        Dans l'Église, le mois de novembre évoque la fête des saints, les Bienheureux, et la commémoration de tous les défunts. Ces deux événements font de novembre, un mois des morts.

         En tout cas, novembre est le mois dédié à la mémoire des morts. La dévotion se manifeste par des actions en mémoire de nos chers défunts, mais aussi pour tous les défunts en général, et par une méditation profonde sur l'éphémère de la vie humaine, sur sa fragilité devant l'éternité.
        Oublier cette action humaine revient à oublier nos ancêtres et cela nous dénature au fond de nous-mêmes. Nos défunts ne doivent pas disparaître en nous mais leur faire l'honneur de nous souvenir d'eux et nous rappeler que nous avons un même destin.

         Comme chaque année, la fête de la Toussaint est accompagnée des sentiments nostalgiques de l'automne : les feuilles qui tombent, le vent plus frais qui fait ressortir les vestes et petites laines, le ciel traversé par des nuages mais très peu de pluie, les jours qui raccourcissent, en plus du changement d'heure.
         Pour nous, communauté exilée d'Algérie, il y a 68 ans, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une trentaine d'actions armées sont menées simultanément sur le territoire algérien, marquant le début du soulèvement et l'acte de naissance d'un mouvement inconnu jusqu'à alors : le Front National de Libération (FLN). C'était, pour nous, le début de véritables massacres subis et que la France ne veut pas reconnaître. Cela finira par notre exil, nous ne l'oublierons jamais tant qu'un souffle de vie traversera nos veines.
        D'ailleurs, la France paie sa forfaiture et connaît depuis quelques années des meurtres lâches et barbares qui deviennent de banals événements, comme ils avaient été surnommés chez nous.

         Nous ne parlerons pas de tous les tracas de la vie que nous ont réservé les " élus " du pays.
        Célébrons donc la Toussaint comme un rayon de soleil qui traverse ce ciel gris de novembre en osant être heureux à la manière de nos ancêtres, en sachant que la mort fait donc partie de notre histoire et la vie en est la partie éphémère.

Une grosse pensée à tous nos morts.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,         
         A tchao.


Photo envoyée par M. Algudo

68 ANS DÉJÀ
Par M. Alain Algudo
N'OUBLIE JAMAIS !
1er NOVEMBRE 1954 - 1er NOVEMBRE 2022
Acrostiche pour nos morts et disparus

              1er jour d'une fin annoncée.
              Nul ne pourra, encore cette année,
              Oublier cette terrible journée où
              Venus du fond des âges, des barbares,
              En semant la terreur sur le sol de
              Ma terre natale qui ce jour là
              But déjà le sang de tant d'innocents
              Reculèrent le seuil d'une sauvagerie qui
              Engagera pour nous le processus final.
STELE DU SOUVENIR ET DE LA MEMOIRE

Alain ALGUDO
Président d'honneur de CDFA/VERITAS
Comité de la Stèle du souvenir de nos martyrs
BÉZIERS, 1er Novembre 2022


1er NOVEMBRE 1954 : LA TOUSSAINT ROUGE
Par Hugues Jolivet

Image de M. Hugues Jolivet
Algérie : Carte des premiers attentats
dans la nuit du 31 octobre au 1 novembre 1954

              Le triste anniversaire de faits soixantenaires,
              D'une terrible nuit, entraînant dans la mort
              Des civils français et quatre militaires,
              Doit être commémoré; un maigre réconfort.

              Appuyés par Nasser, ces rebelles assassins
              Ont frappé un grand coup pour marquer les esprits.
              Attentant en tous lieux, en ce jour de Toussaint,
              Ils ont tétanisé un peuple jusqu'au mépris.

              Attaquant, par surprise, l'Armée dans ses casernes,
              Ils souhaitent affirmer leur détermination,
              Marquer leur territoire, démontrer qu'ils gouvernent,
              En ralliant à leur cause toute la population.

              Ils ignorent, cette nuit-là, que la guerre qu'ils entament
              Sera presque aussi longue que les deux guerres mondiales,
              Et que dans les deux camps, nombreux seront les drames,
              Endeuillant les familles, brisant le lien social.

              Pour toutes nos victimes, c'est un jour de recueil,
              Que ceux qui croient en Dieu, demandent qu'Il les accueille !
Hugues JOLIVET             
30 octobre 2014             
 
 


Toussaint
Par M. Marc Donato

          Toussaint arrive. Jusque là, l'événement le plus célébré en France : croyant, pas croyant, culte des défunts, respect des anciens. La fête des morts, en réalité, le 2 novembre, celle où les Français se déplacent le plus pour déposer comme chaque année le chrysanthème rituel sur la tombe de famille. Tant que tombe il y aura… Aujourd'hui, avec les crémations et la dispersion des cendres !!!
          Tous les ans, pour moi, Toussaint est un crève-cœur. Ne pas pouvoir honorer mes anciens restés outre-mer, et dans quel état ! Dégradation par le temps, déprédations humaines volontaires, disparition des cimetières… Certes, ces anciens, ils sont dans mon cœur et ce n'est pas une fleur qui va changer mes sentiments. Mais pouvoir être près d'eux, pouvoir leur adresser la parole même dans leur hiératique froideur, caresser le marbre, c'est quelque chose quand même ! La barrière toute psychologique qui s'est installée entre la terre de ces anciens et moi est infranchissable - comprenne qui pourra ! - et jamais plus je ne pourrai me recueillir sur les tombes familiales.
          Alors, la peine m'envahit tous les ans à la même époque.
          Je voudrais… C'est le texte que j'ai écrit pour mes petits-enfants. Toussaint ravive la nostalgie. Je vous invite à la partager un moment avec moi.

A mes petits-enfants qui n'auront pas connu mon pays…
Et Bône, ma ville…


JE VOUDRAIS…

          Je voudrais prendre ta main pour franchir ta montagne.
          Je voudrais avec toi traverser ta rivière.
          Je voudrais t'entraîner là où le vent apporte
          De ce qui fut chez moi, les parfums, les images.
          Je voudrais te porter sur la rive lointaine où mes yeux virent le jour.
          Je voudrais t'éblouir des reflets bleu marine de l'eau de mon enfance.
          Je voudrais t'enivrer des parfums d'orangers.
          Je voudrais gravir ma montagne avec toi,
          Ce n'était pas le Ventoux, elle s'appelait Edough.
          Je voudrais te montrer ma rivière,
          Ce n'était pas la Saône, elle avait nom "Seybouse".
          Je voudrais que tu respires toutes les épices du monde dans les rues de ma ville.
          Je voudrais que tu sentes le sable fin glisser entre tes doigts.
          Je voudrais que tu goûtes l'oursin fraîchement sorti de l'eau.
          Je voudrais t'offrir daube de poulpe et matzagounes (gambas).
          Je voudrais que tu trouves au creux des chênes-liège
          Le timide escargot tapi dans la fraîcheur.
          Je voudrais t'amener voir Emile, Raphaël, Antoinette
          Dans ce cimetière si beau qu'il donne envie de mourir(1).
          Je voudrais te montrer le lieu de notre premier baiser.
          Je voudrais que tu voies le balcon, la maison, le jardin.
          Je voudrais te guider dans les champs d'asphodèles
          Je voudrais que tu fasses avec moi le tour de la corniche.
          Je voudrais que tu voies au pied de la falaise le très vieux cabanon.
          Je voudrais partager avec toi un bon beignet arabe.
          Je voudrais que tu goûtes le glacial créponnet(2) sur le Cours Bertagna(3).
          Je voudrais m'attabler avec toi près de la Grenouillère(4).
         
          Je voudrais…

          N'oublie pas le pays d'où je viens.
          Je voudrais… Je voudrais… Je voudrais… Tant de choses…

Mais la vie a dit : NON !

          1 Dicton : Le cimetière de Bône, envie de mourir il te donne.
          2 Sorbet au citron.
          3 Promenade au cœur de la ville.
          4 Plage de Bône
Octobre 2022 - Marc DONATO


O CARNAVAL
Envoyé par M. Georges Barbara

            -" " Mamamille, Ouille M'an ! Agads moi çà Mémé, fais un peu entention, la madone de toi, pourquoi te viens de me marcher t'sur mon pied ! Mais où c'est que t'ya appris à danser toi ? On dirait un camion de chez Kaouki ! Et tout à l'heure combien j'avais raison, quand j' voulais pas me faire ce Bolero avec toi, mieux si je m'étais cassé une jambe. Et toi bouche en cœur pour faire le Dandalon te me disais que tu dansais mieux que Fred La Stère ! Pour un Fred La stère comme toi j'en chie un tous les jours !

            - " " Ca va laisse tomber ô Nanou, c'est juste que je me suis accroché le soulier t'sur ce madone de carrelage qu'il est cassé depuis la dernière kermesse. Et te crois que le patron de l'ARC EN CIEL il t'l'aurait reparé ? Manque un peu je me serai demis la cheville ! Et puis quand te dis que je suis pas un bon danseur, là te vas un peu loin ma sœur, Demande à Ninette ta cousine, même que c'est elle qu'elle m'a appris t'sur la terrasse de chez Fifine, et pis d'abord y avait meme son cousin Lulu a'c son accordeon ! Te vois, alors quand j'te dis que je sais danser, C'EST QUE JE SAIS DANSER MOI ! Mais de toi à moi agads de crier doucement devant tout ce monde, que te vas me faire perdre ma réputation ! Pace'qu'à debon on dirait que te le fais exprés. J'te jure. On croirait que c'est mad'moiselle Teuma celle qui te chante minuit chrétien à Saint Anne ! Te vois te me fais monter la honte à la fugure, tout ce monde y sont entrain de rigoler de nous !

            - " "Entrain de rigoler de nous ? Que si tu te crois qu'j'ai rien que ça à penser moi main'nant. Rogards un peu te m'a même déchiré le bas en fils des Corses que ma sœur à m'avait prété ! Vas le dire à ma mère et en plusque quand à va savoir que j'ai dansé avec le roi de la Matsame, à va me faire une putain de Chaklala. C'est le cas de le dire moi pour ce Mardi Gras, je suis allée me prendre le plus" CARNAVAL Des CARNAVALS !" Te crois pas toi ?

            - " "Bon Nanou, pour un truc de rien te vas pas me faire la tête de cochon de chez Grech pendant 15 jours des fois non ?,,, T'à l'heure quand on rentre on passe à chez moi et j'te donne une paire de bas toute neuf de ma sœur, qu'y sont encore dans le papier de Laussat !

            - " " Aouah ? Une paire de bas de ta sœur qu'y sont encore dans le papier de Laussat ? Mais pour qui te me prends toi ? Juste de ta sœur, cette Gougoutse qu'elle est grande comme un esquelette qu'elle en peut plus et surtout qu'elle chausse du 46 alors que moi c'est du 38 fillette. Alors de toi à moi ô Mémé, va voir qui te veux et vas passer l'hiver où c'est que t'ya passé l'été !

            ALLER VA FAIRE DES CAGES ET AGADS DE ME LAISSER TOMBER, OSSINON MON FRERE Y VA TE GONFLER VITE FAIT !! Ô Fred La Stère à la sisse quatre deux !

Georges Barbara août 2022



Toussaint Calloise 2012.
par Jean Claude PUGLISI, année 2000

( A tous nos êtres chers restés sur notre terre d'Afrique.)
Ô mon pays perdu,
Ô mon petit village.

Que de larmes amères je verse en ce jour.
Jour sacré où les gens vont en pèlerinage,
Sur la tombe d'êtres chers disparus pour toujours.

Je t'ai perdu,
Ô toi ! pays de mon enfance.
Mon âme d'exilée jamais ne pourra mieux,
Sentir son dénuement, combler ce vide immense.
Je ne t'ai pour prier, tombe de mes aïeux.

Lorsque j'étais enfant,
j'accompagnais ma mère.
Qui fleurissant la tombe priait doucement.
Sans trop comprendre, émue, je la regardais faire.
Sans bien savoir, troublée par son recueillement.

M'éloignant lentement au hasard des allées,
Oui ! je m'en souviens bien.
Il m'arrivait parfois,
Lorsque je trouvais une tombe abandonnée,
De mes mains d'enfant de redresser une croix.

Une croix que le vent,
Sans pitié, sans colère avait couchée,
Ainsi la mort fauchant l'humain.
Sur cette pauvre tombe où pas une prière,
Ne serait murmurée en ce jour de Toussaint.

Et j'allais demander à ma mère une rose,
Puis, je m'en revenais.
Pieusement alors,
A ce mort inconnu j'offrais,
Oh ! peu de chose.
Mais avec tout mon cœur,
Oui, j'offrais mon trésor.

Toussaint !
Jour où le glas sonne triste en mon âme.
Ô Dieu !
Si ce n' est une enfant avec candeur.
Qu'un de tes anges dépose,
avec mes larmes sur la tombe des miens,
une modeste fleur.


Confié par M et Mme Hugues PIRIS
de Bab El Oued ( Algérie ).
Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
83400 - HYERES.



Rue du Docteur Mestre !
Maryse d'Ambra
Envoyé par M. Jean Louis Ventura

        Je ferme les yeux et je me retrouve rue du docteur Mestre, dans la maison où j'ai grandi, tout près de la rue Sadi Carnot.

        Là, vivent six familles, plus la propriétaire, une brave femme voûtée, toujours habillée de noir et ressemblant à une sorcière.

        On y accède par un couloir donnant sur la rue. Je revois encore son carrelage dallé noir et blanc et au bout de l'obscurité, le rectangle de lumière donnant sur la cour intérieure.

         Ma tante habite au premier avec deux autres familles. Les appartements se distribuent le long d'une galerie bordée d'une rambarde à barreaux. Nous, nous habitions une petite maison indépendante construite en limite de la cour et devant laquelle se dressent deux bananiers et un immense palmier. De l'autre côté de la cour, il y a la buanderie où les femmes viennent à tour de rôle, faire la lessive dans deux grands bassins en ciment avec un plan incliné pour frotter le linge.

        Je revois ma mère boucher le trou des bassins avec un gros bouchon entouré d'un tissu blanc pour assurer son étanchéité et faciliter son retrait.

        Elle remplit les deux bassins d'eau claire, pendant que dans la grosse lessiveuse l'eau bout et vient arroser de lessive bouillante le linge qui y est entassé. Il fait chaud, la buée emplit la buanderie et ma mère, les yeux rouges, s'active. Plus tard, elle diluera dans la dernière eau de rinçage une grosse pastille de " bleu " pour donner un blanc éclatant qui sèchera au soleil, dans le jardin.

        J'aime cette odeur de lessive chaude et je pense déjà à la bonne odeur du linge que nous plierons et rangerons dans l'armoire.

         Dans le prolongement de la buanderie, une haute palissade nous sépare de la cour de la maison voisine, occupée par des maghrébins. Nous aimons, nous les enfants, y jeter un coup d'œil entre les planches, surtout lorsqu'il y a une fête de l'autre côté. Le rythme de la darbouka et des you-yous résonne alors pour notre plus grande joie.

        Mais ce que nous préférons, c'est le cinéma en plein air. Nous n'avons pas besoin d'aller bien loin, il est là, tout près, presque au coin de notre maison, dans une impasse. Son grand écran dresse sa toile blanche devant une série de chaises et de bancs. Nous allons voir presque tous les films mais il y en a une qui y va pratiquement tous les soirs, c'est Mme Dominique, la vieille italienne qui habite la première porte dans le couloir.

        Ah ! Mme Dominique, avec son petit chignon de cheveux blancs jaunâtres haut perché sur sa tête ! Elle porte toujours un tablier de devant sur ses habits et, quand elle est assise dans la cour pour prendre le frais, elle occupe ses mains à dérouler les grains d'un chapelet ou à faire les cornes, discrètement dans sa poche. Nous, les enfants, nous adorons la provoquer :

        " Bonjour Mme Dominique, vous avez bonne mine ce matin ! " Nous nous poussons du coude : la vieille nous fait les cornes pour déjouer le mauvais œil.

         Nous aimons aussi lui faire raconter le film qu'elle a vu la veille au soir. Elle y va gratuitement car les patrons du cinéma savent qu'elle a peu de moyens. Tous les soirs, elle s'installe au premier rang, juste devant l'écran et presque contre lui. Elle doit lever la tête pour suivre le film enfin, son film car, tous les soirs elle s'en fait une version différente en se fixant sur un personnage et nous raconte, le lendemain ce qu'il lui a dit " personnellement ". Ses versions sont délirantes et nous amusent beaucoup.

         Et puis, il y a le mozabite, au coin de la rue Sadi Carnot, avec son magasin " fourre tout ", le boucher Borg avec de l'autre côté de la rue, le café maure et ses arabes qui sirotent leur thé à la menthe. Plus loin, l'épicier maltais Zammit avec son magasin tout en longueur où je vais acheter le vinaigre à la tirette.

         Et puis, il y a le boulanger Lanaspre et ses délicieux pains viennois.

        Les femmes cuisinent encore au pétrole ou au charbon. Elles n'ont pas de four et c'est chez Lanaspre qu'elles portent leurs plats de gratins, leurs gâteaux. Il les leur glisse avec sa longue pelle dans le four rougeoyant, à côté de son pain et les leur rend cuits à point et dorés. Quel bonheur de rentrer à la maison avec le plat tout chaud recouvert d'un torchon et qui embaume ! On s'en lèche les babines à l'avance !

        Cela me fait penser au cérémonial des gâteaux de Pâques.

        Qui n'a pas participé à la confection de ces délicieux gâteaux saupoudrés de bonbons multicolores ? Toute la famille est réunie, du moins, les femmes et les enfants. Une atmosphère de fête règne dans la maison. Les femmes préparent la pâte et nous, les enfants, nous courons, jouons, rions en attendant notre moment. Quand la pâte est terminée, les femmes confectionnent les couronnes, les tresses ou d'autres formes. Elles incluent dans la plus grosse couronne des œufs retenus par une croix de pâte puis elles dorent le dessus à l'œuf et saupoudrent " le tout " de grains d'anis enrobés de sucre coloré.

        Nous, les enfants, nous confectionnons avec le morceau de pâte qu'on nous a donné, qui un cheval, qui une poupée, qui un poisson et tout cela partira à cuire dans de grandes plaques noires en tôle et le merveilleux Lanaspre se débrouillera pour que ce soit cuit à point sans rien brûler !

         Tout ce petit monde : italiens, maltais, arabes, kabyles se côtoie dans un climat bon enfant et veille sur nous, les enfants qui profitons de ce calme en toute innocence et en toute quiétude.

Maryse D'Ambra



Toussaint 2022.
Par M. Eric Wagner
      
         Nos cimetières pieds-noirs d'Algérie versus ceux de partout ailleurs en France..
         …Dont à la Réunion où en familles l'on ira, nombreux, ce 1er novembre fleurir les tombes entretenues des chers disparus. Par tradition, par piété filiale.
         Nos cimetières de l'île seront alors éclatants de couleurs, leurs allées vivantes, la joie aux cœurs de chacun d'honorer ainsi les siens, de générations en générations, animés seront les abords de ces lieux de repos éternels.

         Mais pour nous Français d'Algérie, Pieds-Noirs, il n'en sera tristement rien.
         Rien de tels moments de retrouvailles aux cimetières familiaux en terre natale algérienne. Comme il était pour nous là-bas, endimanchés, également de traditions, de piétés filiales.
         La guerre, l'exode, l'exil sont passés par là avec leurs cortèges de souffrances, puis le déracinement, cet arrachement violent, puis ce " grand déplacement " sans retour possible.
         Et le temps, passé si rapidement, a réduit notre petit peuple bigarré des natifs, vieilli trop vite, comme " peau de chagrin " selon l'expression consacrée. " Chagrin " étant en l'état parfaitement approprié et la transmission mémorielle s'avérant dans toutes ces conditions très difficile à se faire.

         Les Pieds-Noirs contraints sous la terreur (" la valise ou le cercueil " n'était pas qu'un slogan du FLN pour nous faire partir mais bien une réalité concrète mortelle que des milliers des nôtres subirent) de quitter en 1962 leur terre pays abandonnèrent TOUT de ce qui constituait leur vie d'alors de générations en générations.
         Dont bien sûr les tombes de leurs morts, impossibles à emporter dans leurs maigres bagages, dans une ambiance dantesque de fin du monde et d'une désorganisation d'Etat indigne de la France…ne restaient alors de leurs chers disparus restés en leur terre algérienne que quelques photos ramasser à la va vite pour se souvenir.

         Puis les douleurs du passé toujours présentes, des cicatrices non refermées régulièrement ravivées, le temps s'écoulant avec sa cohorte d'obligations pour refaire surface là où ils se réancrèrent, l'adversité sans cesse réaffirmée à affronter, les devoirs familiaux à remplir… empêchèrent l'extrême majorité d'entre nous de retourner sur ces tombes laissées derrière soi il y a 60 ans, pour les honorer. Mais pas seulement cela.

         Parce qu'assister au spectacle de cimetières ayant disparu car rasés sans autres formes de procès, de préventions, de précautions, de respect, pour y trouver en lieux et places des immeubles est une douleur profonde, indicible, n'incitant pas au déplacement.
         Ne retrouver de nos 600 cimetières laissés 1962 (et leurs centaines de milliers de tombes) - que la France et le nouvel Etat algérien avaient la responsabilité, l'engagement, le devoir, d'entretenir, de protéger, de sauvegarder - qu'environ 80 en 2022 n'encourage guère aux retours occasionnels vers la terre natale…

         Ce qui éclaire d'autant la responsabilité engagée des acteurs en question et son assumation (traduction : leurs reniements) !
         Pour autant depuis les années 80 nous sommes des milliers de Pieds-Noirs à faire malgré tout, parfois en famille et à des fins de renouements, le chemin à l'envers avec des sentiments très divers, contrastés, ambivalents, en creux, en bosses, en joies, en larmes, rythmés par des accueils chaleureux sincères, voire fraternels à souligner.

         Et donc y faire in situ le constat de la dégradation majeure, croissante, de nos cimetières restants pour qui a la chance de retrouver le sien...
         Je le sais car je suis de ces " voyageurs " là.
         Ce d'autant que parmi ces 80 " survivants " seuls 20% sont en relatif bon état. Le plus souvent grâce à l'action constructive concertée sur place d'associations pieds-noires de natifs de ces villes, villages.

         Un parfait contre-exemple de l'état général déplorable de nos cimetières, celui de Saint-Eugène qui est la vitrine officielle d'Alger au pied de la Basilique Notre Dame d'Afrique.
         Celui où se rendent en délégations, se donnant ainsi bonne conscience, nos présidents, nos ministres, nos huiles de passage en Algérie.
         Ainsi donc - ce qui, quoiqu'il en soit, est tant mieux pour notre mémoire collective - celui-ci est entretenu, repeint, refait à " neuf ". Il est d'ailleurs à lui seul un livre d'Histoire à ciel bleu ouvert.

         Quant aux 80% autres restants de ces 80 cimetières " survivants ", ils sont avec des hauts, rares, et des très bas, dans un état tel que pour aperçu les photos assez récentes jointes de tombes dans mon cimetière familial à Bône/Annaba ! Outrageant, révoltant.
         " Appréciez "… Or ce cimetière se trouve à 200 mètre des fenêtres du consulat de France à Annaba, de son Consul…C'est peu dire de la notion de…" responsabilités " !
         La Mairie (APC) de la ville est, elle, toute proche aussi…

         Au passage, sachez que la France, si généreuse par ailleurs à coups de milliards qu'elle n'a plus, a consacré en 2022 pour l'entretien de dizaines de nos cimetières français encore " debout " de l'Est algérien, un budget octroyé aux services du Consulat à Annaba de….14 000€ !!!
         Oui, vous avez bien lu : 14 000 honteux euros. Pitoyable. Indigne.
         Or ceux qui y " reposent " sont des Français - parfois " Morts pour la France " - qui n'ont pas démérités pour une patrie pourtant si oublieuse, si amère patrie.

         Quant aux responsabilités des coupables de ces outrages faits aux caveaux de nos défunts, à leurs cercueils, à leurs restes mortels, ces saccageurs auront un jour à rendre des comptes…divins.
         Encore " un petit effort " profanateurs patentés, car de la sorte il ne restera un jour plus rien ou presque de la trace de nos ancrages sur cette terre de rencontres. Les sectaires pourront alors ainsi affirmer (il le font déjà) que nous n'y avons jamais existé, ensemencé, construit…

         Ce 1er novembre 2022 les exilés que nous sommes fleuriront les stèles de la mémoire, mettront des bougies à leurs fenêtres, devant les portraits de leurs chers disparus, puis iront sur les tombes de leurs aînés inhumés en terre de non - naissance mais dont les plaques rappellent leurs villes d'origine en Algérie alors française.
         Car tous savent que " le vrai tombeau des morts est dans le cœur des vivants " (Jean Cocteau).

         Parce que si nous avons le cœur lourd chaque 1er novembre, peut-être un peu plus à chaque fois car viendra le temps du " dernier des Mohicans ", nous avons la mémoire longue, épaisse, et le souvenir toujours vivace que nous tentons de transmettre aux générations montantes.
         Pour ce qui en est des Pieds-Noirs de la Réunion et de leurs descendants nombreux ici, peut-être renoueront- ils en 2023 avec ce que nous avions initié au début des années 90 lorsque jeune trentenaire j'avais avec des aînés fondé l'Association des Pieds-Noirs de l'Océan Indien et de leurs Amis - Salam OI, un lancer de fleurs à la mer depuis le Barachois à Saint-Denis en mémoire des nôtres en leur terre algérienne ?

         Beaucoup nous ont quitté depuis 1990 qui de là Haut nous y encouragent.
         Je ne les oublie pas. En attendant ce 1er novembre 2022 nous répondrons tous dans nos demeures à l'appel à nous souvenir.
         IN MEMORIAM.

         Pour ce qui m'en concerne depuis quelques années je fais fleurir une des tombes (plusieurs fois ouverte) de mes aïeux à Bône, ma ville natale. Le relais se passe bien de mains en mains.
         En effet nombre d'Algériens considérant à raison que ce patrimoine nous est commun, que cette Histoire est aussi la leur, agissent avec les faibles moyens à leurs dispositions pour tenter de sauver, à nos côtés, ce qui peut l'être, sauvegarder, entretenir, embellir.
         Qu'ils en soient infiniment remerciés.

         Je connais quelques-uns de ces justes qui participent, avec ceux d'entre nous s'y investissant également, à bâtir ces indispensables passerelles pour le présent, pour l'avenir de nos rives méditerranéennes.
         Je souhaite au peuple réunionnais que je remercie de nous avoir si bien accueilli et adopté depuis 1962, un beau 1er novembre de Toussaint.

Eric - Hubert Wagner.
Pieds-Noirs de la 5ème génération
De Bône (1961), à la Réunion (depuis 1989) le 1er novembre 2022









D'AUTRES PHOTOS CI-DESSOUS
http://taddo.piednoir.fr/taddo/desolation.html

Certaines de ces tombes ont été réparées
mais d'autres ont été saccagées.
http://taddo.piednoir.fr/taddo/page-tete32.html


PHOTOS de EL-OUED
Par Abdou LABBIZE
http://www.labbize.net/French/Pictures/ Oasis/Souf/ElOued/ElOued.htm

VUE GENERALE











DUNES







VUE GENERALE













MUTILE N° 151 du 25 juillet 1920

Les Cimetières de la Guerre
PAR LE GENERAL BRUNEAU


               De l'Yser aux coteaux lorrains,
               Ils sont nombreux les cimetières.
               Nos enfants y dorment sereins,
               Leurs tombes sont des reliquaires.

               Partout on voit surgir les croix
               Faites de quelques bouts de planche;
               Ils coûtent, cher ces bouts de bois,
               C'est la rançon de la Revanche !

               Ces croix jalonnent le terrain
               Où nos soldats dans leur retraite
               Ont, arrêté l'ogre germain
               Changeant, sa victoire en défaite.

               De loin il semble qu'on ait pris,
               Pour les orner, des fleurs énormes
               De tous les tons du coloris
               Qui distingue nos uniformes.

               De près ce sont de vieux débris,
               Dés humbles couvre-chefs de France,
               Les uns sont bleus, les autres gris,
               Les plus anciens rouge garance.

               Et sur les lombes des héros,
               Les vieux képis d'avant la guerre
               Semblent de grands coquelicots
               Sous le soleil qui les éclaire.

               De ci, de là, dans ce décor
               Quelques corolles d'un bleu sombre;
               Bérets d'alpins, ornés du cor,
               Font sur l'azur des taches d'ombre.

               Les cimetières plus récents,
               Ceux de la guerre de tranchées,
               Font soupirer tous les passants,
               Tant les tombes sont rapprochées !

               Si triste est la forêt des Croix
               Sous les couronnes mortuaires,
               Que le poilu le plus narquois
               Ecrase un pleur sous ses paupières.

               Et c'est ainsi que tous les ans,
               Guillaume-Hérode renouvelle
               Le massacre des innocents
               Et qu'à torrents le sang ruisselle.

               Mais de, ce sang et de ces os
               Que le souffle de Dieu féconde,
               Surgit un peuple de héros
               Qui donnera, la paix au monde.

               Qu'ils soient anciens ou tout récents,
               Les cimetières de la guerre,
               Ils sont fleuris chaque printemps.
               Par ceux du front ou de l'arrière.

               En attendant que la maman,
               La veuve ou bien la fiancée
               Vienne planter au bout de l'an
               Le chrysanthème et la pensée.

               En attendant que le pays
               De tous ces humbles ossuaires
               Des territoires envahis
               Fassent d'augustes sanctuaires.

               En attendant qu'au ralliement
               De la trompette de l'Archange,
               Les morts deviennent, le froment
               Que le seigneur met dans sa grange.
              

Général BRUNEAU.


Électricité . .
Envoyé par M. Rateau
                 

           "La voiture électrique ayant roulé tout l'été,
           se trouva fort déchargée quand l'hiver fut venu...

            Pas un seul kilowatt pour le chauffage,le siège chauffant
           et autres avantages (Grève EDF).

            Elle alla crier au secours, chez sa voisine au diesel lourd,
           la priant de la dépanner, lui prêter de quoi rouler, jusqu'à la saison nouvelle...

            Je m'arrangerai, lui dit-elle, je paierai votre diesel, intérêt et principal .
           la voisine n'est pas rancunière, c'est sa qualité première .

            Que pensiez-vous, au temps chaud ? dit elle à cette emmerdeuse...

            Nuit et jour, ne vous déplaise, je roulais, toujours à l'aise .

            Vous rouliez, j'en suis fort aise...

            Eh bien pédalez, maintenant ! ! ! "
Auteur inconnu


UNE FIGURE ORANAISE
ECHO D'ORANIE - N° 215
L'ABBE LAMBERT

               Oran buvait de l'eau salée, les légumes secs cuisaient mal, le savon se refusait à quitter le linge et surtout l'anisette et le café étaient dénaturés par cette eau saumâtre qui devenait d'ailleurs de plus en plus salée à mesure que la population croissait et les besoins en eu augmentaient. La municipalité se décida à consulter un géologue d'Alger. Celui-ci déclara que l'unique réserve possible était la Sekba, le grand lac salé et que par conséquent la ville d'Oran serait à jamais privée d'eau douce.
                Or, en 1932, le Gouverneur Général de I'Algérie fit venir pour des recherches d'eau sur les Hauts-Plateaux les plus célèbres sourciers de France : l'un d'eux était l'Abbé Lambert. Avec M. Joseph Gaillard, il avait obtenu de nombreux succès dans la recherche d'eau à Perpignan, à Toulouse, à Antibes, dans le Gers, les Pyrénées Orientales et de nombreux endroits arides : Ils avaient fait jaillir une eau pure et fait la richesse des cultivateurs et des Sociétés qui avaient fait appel à eux. André Rastier écrivait dans l'Eclaireur de Nice du 26/12/1931 : " C'est avec un peu d'émotion que nous avons mis notre main dans celle de I'Abbé Lambert. Ce qu'il est et ce qu'il fait est bien exorbitant. Ah ! Monsieur l'Abbé, si vous ne portiez pas la robe respectée, aujourd'hui nous croirions qu'il existe autre part que dans les légendes enfantines des sorciers sympathiques et de tutélaires génies ". Or, M. L'Abbé Lambert n'était point sorcier mais sourcier et certes il avait du génie. Il donnait des conférences qui furent réunies en volume : " Les Mystères du Sourcier " chez Gallimard à plus de 10.000 exemplaires. Il fit aussi jouer une pièce en 3 actes et 6 tableaux au Studio des Champs-Élysées : " L'apprenti-Sourcier ".

                Le correspondant algérois d'Oran-Matin, Jean de Taillis, relatait les recherches et les succès : des terres arides des Hauts-Plateaux, le pendule miraculeux avait fait jaillir une eau inépuisable et pure. La Municipalité de M. Le Maire Ménudier, pharmacien à Oran, ne pouvait laisser passer pareille occasion : Elle appela donc I'Abbé. On lui donna carte blanche pour mener ses recherches partout où il le jugeait bon sauf dans la région proche de Breddah puisque le Professeur d'Alger avait affirmé qu'on ne trouvait là que de I'eau chlorurée.

                Né le 3 avril 1900 à Villefranche-sur-Mer, le jeune Gabriel Lambert fit ses études au Séminaire de St Flour dont il fut, disait-il " le plus indiscipliné mais le plus brillant élève ". Sa haute silouhete fut bientôt connue de tous les oranais : la soutane, les gros souliers de facteur de village, le casque colonial et les fines lunettes, le pendule à la main, il arpenta les environs d'Oran, et, bien entendu, il alla faire un tour dans la région de Brédéah... et c'est là qu'il fit creuser, à ses frais plusieurs puits d'où jaillit de l'eau douce. La Municipalité affirmait que I'eau pompée là en quantité considérable deviendrait irrémédiablement salée lorsque l'été reviendrait : elle refusa donc de payer à l'Abbé Lambert les 2 millions qu'elle lui avait promis en cas de succès.
                Or succès il y avait : Tout le monde pouvait venir goûter l'eau délicieuse et Oran attendait. L'Abbé était tenace, il commença à donner des conférences dans chaque quartier de la Ville. C'était un tribun de grande classe. Partout les foules se dressaient contre la Municipalité qui ne voulait pas lui donner l'eau douce de l'Abbé Lambert. " Pourquoi ne veut-on pas de mon eau ? Il y a une autre raison : C'est qu'elle n'est pas de I'eau bénite ... bénite par Mgr Durand !

                L'abbé Lambert n'ignorait pas qu'aux yeux de tous l'évêque d'Oran avait toujours été l'allié politique de la Municipalité. De plus, I'Evêque commençait à trouver ce remuant jeune abbé un peu trop voyant et peu... catholique. Chaque jour Lambert écrivait un article, prononçait plusieurs discours. Les murs de la ville étaient couverts de ses proclamations. Il décida de se présenter aux élections municipales ; chaque dimanche, il loua des autocars qui transportaient à ses puits, gratuitement, des milliers d'oranais, il leur laissait servir des anisettes délicieuses et chacun repartait avec une petite bouteille d'eau dont le bouchon était surmonté d'une tête de I'Abbé Lambert coiffée de son casque pour les chrétiens, d'une chéchia pour les arabes et d'une toque pour les Juifs. Il avait un succès fou, les gosses l'escortaient en criant à tue-tête : "Vive Lambert, vive Lambert! ". Il fut élu conseiller municipal par la presque unanimité des oranais. Un photographe avisé mit son portrait en vente : il lui fallut engager trois aides occupés jour et nuit. La photo fut bientôt porteuse de vertus nombreuses : elle faisait gagner à la Loterie, protégeait des maladies et permettait d'accoucher sans souffrance. Un autre commerçant fit fabriquer des petits bustes en terre cuite de l'abbé Lambert. Sur le socle se détachaient ces vers :
" Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des méchants arrêter les complots".

                Le buste se vendait 2 francs sans les lunettes et dix sous de plus avec. Les pêcheurs placèrent le petit buste à I'avant de leur bateau pour obtenir des pêches miraculeuses. L'Abbé Lambert, c'était le Bon Dieu !

                La Municipalité Ménudier commit l'imprudence de convoquer le "Conseil Municipal, portes et fenêtres clouées pour éviter que, de là, I'Abbé Lambert haranguât la foule ; un ami de l'Abbé se précipita avec des tenailles et des pinces pour ouvrir les fenêtres ; la foule se rua, la mêlée devint générale. Quand les agents de police arrivèrent, ils relevèrent l'Abbé Lambert évanoui, le visage ensanglanté. La foule hurla à I'attentat et exigea la démission du Maire. Celui-ci était un brave homme. il remit au Préfet sa démission car il ne voulait pas être la cause de désordres et peut-être même d'effusion de sang.
                Léopold Gomez et son journal : " Oran-Spectacle " avaient aidé puissamment l'Abbé Lambert. Pour un motif futile ils se brouillèrent mais plus tard se réconcilièrent. Leurs démêlées héroï-comiques sont racontées par le journaliste dans son livre : " Don Quichotte et l'Abbé ".

                Les élections à Oran n'eurent jamais le caractère de luttes d'idées mais la candidature de l'Abbé Lambert souleva une vague de passion jamais vue. Chaque soir les lieux de réunions publiques étaient assiégés par les électeurs, les femmes, les gosses, les petits cireurs. On riait, on chantait, on s'interpellait : " Où vas-tu ? " et toute une bande criait : " A los toros ", écrit Jean Marsillat dans " L'Abbé Lambert et les oranais ". Les orateurs se succédaient ; dès que l'un d'eux avait fini sa harangue, l'auditoire scandait : " Otro Toro, Otro Toro ! ".
                L'abbé parcourait la ville de 200.000 habitants, chacun lui présentait sa requête : il notait et promettait. On entendait hurler cette ineptie : " Qui s'y frotte s'y pique avec Lambert y a pas qui pite ".

L'Abbé Lambert était Maire d'Oran.

                C'est alors que vraiment il fit des miracles : il fit construire le Marché Michelet, celui du Plateau, les Halles Centrales, les Magasins Généraux, la Recette Municipale, il a acheté le terrain de ce qui devait devenir le Parc Municipal, en a tracé les plans et planté les arbres.

                Du point de vue social, il a créé les Soupes Populaires, ancêtres des Restos du Cœur de Coluche, il a créé des Kms de routes et de rues pour donner du travail aux chômeurs par l'intermédiaire du Service du Chômage, il a installé des polycliniques dans tous les quartiers. Son rêve était de construire un grand boulevard Front-de-Mer qui sera réalisé bien plus tard et surtout il a posé les bases de ce qui sera la grande oeuvre de la Municipalité Fouque-Duparc en envisageant la conduite d'eau de Béni-Badel.

                En effet, il savait bien que l'eau de Brédéah n'était qu'une solution provisoire et ne pouvait donner de I'eau douce à une agglomération qui grandissait de jour en jour. De 1935 à 1941 , il travailla sans relâche à l'amélioration des conditions de vie de la ville d'Oran. Ardent, passionné, travailleur infatigable, il trouvait encore le temps de recevoir les innombrables solliciteurs qui venaient à la Mairie et même dans sa demeure ; en fait les couloirs de l'Hôtel de Ville ressemblaient aux souks et l'Abbé Lambert, malgré son immense bonne volonté ne pouvait satisfaire les exigences de tous : certains qui ne savaient ni lire ni écrire voulaient un emploi dans les bureaux... Peut-être avait-il soulevé de trop grands espoirs : il fut battu aux élections législatives. C'est sûrement dommage car il aurait fait un député de choc et donné à l'Assemblée Nationale un spectacle inoubliable !

                Entre temps, il avait abandonné la soutane pour revêtir la tenue bourgeois en m'écrit Mme Stoessel, il se maria avec une fort belle femme et racheta la ferme de M. Pierre Gobert à Clinchant (son commis était M. Munoz). Il se présenta à mes parents, continue ma correspondante, mon père était postier. Imaginez mon étonnement : l'abbé Lambert en costume, les bottes boueuses, il revenait des champs. Les habitants de Clinchant I'ont accueillit très amicalement. Les américains ayant débarqué, ce fut la chasse à ceux qui avaient soutenu le gouvernement de Vichy. Il fut interné au Camp de Méchéria avec les pétainistes, les chefs de la Légion des Anciens Combattants, les Doriotistes et Dieu sait qui encore ! Mme Lambert en son absence dirigea la ferme énergiquement. Elle était originaire de Trézel ou Trumelet, fille de colon, très instruite, très femme du monde. Elle se rendait souvent au camp de Méchéria avec du ravitaillement, les produits de sa ferme que M. Lambert partageait avec ses camarades.

                A Clinchant, il recevait quelquefois : J'ai vu Paul Reboux retirer son courrier à la Poste. Plus tard, Albert Camus vint se reposer au village...
                En fait, ce lut sous une fausse accusation d'antisémitisme que M. Lambert fut interné à Méchéria. J'ai sous les yeux I'attestation de M. E. Scali, officier ministériel en disponibilité ex-administrateur séquestre de biens ennemis qui écrit : " Je déclare pour rendre hommage à la vérité que j'ai adressé au Comité Français de la Libération Nationale à Alger, le dossier du capitaine Lambert ancien Maire d'Oran aux fins d'épuration (...) J'ai pu me rendre compte que la conduite du capitaine Lambert gagnait à être connue non seulement par le Ministre qui prit la décision par la Chambre Civique mais aussi et surtout par les membres de notre ancien comité et par moi-même. Ces faits sont de véritables témoignages de plus pur patriotisme et des actes de résistance qui rendent inique la décision de privation des droits civiques et politiques du capitaine Lambert notamment sa brillante conduite sur le front de Tunisie, ses faits de résistance rapportés par M. Malek, l'aide aux gaullistes sous Vichy (...) C'est pourquoi et spontanément j'ai offert au capitaine Lambert mon témoignage pour servir à sa réhabilitation et à la révision du jugement privatif de ses droits (...) Fait à Oran le 12 octobre 1948.


                Il est exact que jamais M. Lambert ne tint de propos antisémites. En font foi les discours qu'il prononça en 1935, 36 et 37 lorsqu'il revint de voyages en Allemagne où il avait été frappé par la folie sanguinaire de Hitler, par sa soif de conquêtes et sa rage arienne. Il le crie sans peur et ose réclamer que la France s'arme pour résister à cette poussée nazie qu'il sent inéluctable mais il ne sera pas écouté. Ces documents m'ont été transmis par M. Chaspoul et ne laissent aucun doute sur les sentiments patriotes de M. Lambert. Voici ce qu'il écrivait en 1935: " Je savais combien les juifs étaient persécutés, je savais que les catholiques étaient brimés. Mais je n'avais pas idée jusqu'où pouvait aller la folie de I'oppression. Quelques heures passées en Allemagne (...) m'ont édifié (...). L'Allemagne fait revivre en plein XXème siècle les jours les plus sombres du Moyen-Age et beaucoup d'autres écrits confirment ces opinions qui, hélas, seront vérifiées par I'Histoire.
                Tout le monde sait que Mgr Durand prononça l'excommunication de I'Abbé Lambert et du même coup de toute sa Municipalité. Cela donna lieu à quelques affrontements épiques. L'Eglise, alors ne plaisantait pas avec les fantaisies de ses prêtres. Pourtant M. Lambert ne renia jamais la foi de saine jeunesse. Il entretint d'excellents rapports avec Mgr Lacaste et fut toujours fidèle à son petit séminaire de Saint-Flour. De nombreux amis prêtres étaient reçus chez lui. Au moment de l'exode, il s'établit à Cagnes-sur-Mer où il mourut le 30 mars 1979. Il est enterré au vieux Cimetière de Cagnes dans le caveau familial et ses obsèques religieuses ont été célébrée à l'Eglise de la Sainte-Famille à Cagnes.

                Voici rapidement tracé le portrait d'un homme exceptionnel qui marqua profondément la vie de sa ville d'adoption, Oran, qu'il s'était mis à aimer de tout son cœur. Tous ceux qui l'ont connu en parlent avec admiration et affection car il était la bonté et la générosité même.
Geneviève de TERNANT

Sources : 'L'abbé Lambert et les Oranais de Jean Marsillat (1936)
Offert par Mme Vergeylen à l'Echo.
" Don Quichotte et I'Abbé " de Léopold Gomez (1980), que je remercie infiniment.
Documentation : Mme Faget et photos M. Roger Bourbousson
Mme Marie-Louise Stoessel, M. Jean Chaspoul
Henri GARCIA



C'était un jour de 1958.
par Jean Claude PUGLISI, année 2000

        J'avais 20 ans et je buvais la vie comme du petit lait. Mais parfois, il arrivait que cette boisson, pouvait devenir particulièrement aigre et dure à digérer. C'est pourquoi, j'ai très envie de vous raconter aujourd'hui, ce qui m'est arrivé par une fin d'après-midi d'octobre 1958, sur une route de la Grande Kabylie :

        " C'était la rentrée scolaire, j'étais très en retard d'une semaine et je devais prendre la direction de l'Ecole Nationale Professionnelle de DELLYS, sise, en Grande Kabylie. Après un voyage Bône - Alger par avion sans problème, j'atterrissais à Maison Carrée et me dirigeai tout droit vers Alger. Après une attente de deux heures environ, je grimpais dans un bus de la SATAC, qui devait relier Alger à Dellys distante de 80 kms à l'est. A mi-chemin nous atteignirent la ville de l'Alma et je devais constater, que j'étais le seul européen au milieu d'une foule d'arabes au sein du véhicule. En effet la rentrée ayant eu lieue, je ne fus pas étonné de la chose, puisque, tous les élèves avaient déjà regagné l'école.

        Je me souviens du nom du chauffeur, un certain Cheralla, qui était un pur-sang de race kabyle. C'était un homme très aimable de haute taille et d'environ une trentaine d'années, très bien vêtu de sa personne et qui connaissait à merveille la conduite de son véhicule.

        Nous avions repris tranquillement la route et il devait être aux alentours de 16 heures de l'après-midi. Alors que nous approchions de Dellys, qui devait se trouver à 25 kms environ, soudain ! J'aperçus au travers de la vitre avant droite, des individus en tenues militaires portant des armes. Ce sont des soldats pensais-je évasif ! Mais curieusement le bus après avoir ralenti, arrivé à leur hauteur accéléra brutalement et prit de la vitesse à la surprise quasi générale. Mais, je ne fus pas très long, pour comprendre le pourquoi de cette fuite, car, des coups de feu retentirent et brisèrent les vitres du véhicule. Assis sur une place de vis à vis, je m'étalais rapidement parterre les mains sur la tête, pour tenter de me protéger. J'entendis le bruit des mitraillettes qui tiraient sur le car, et qui faisait un bruit, qui ressemble à des graviers jetés sur la tôle du bus. Bien heureusement, un campement militaire situé dans une petite école était à proximité. La course folle du bus se termina donc dans la cour et Cheralla le chauffeur, épouvanté, sauta par la fenêtre pour se mettre à l'abri et sous la protection des militaires, laissant le véhicule continuer doucement à avancer. J'eus alors le réflexe de prendre la place du chauffeur et de tirer sur la manette des freins et enfin d'arrêter le bus dans sa progression. Mon regard fit alors le tour de l'intérieur du car où, j'entendis des plaintes et des sanglots = il y avait une pauvre petite fille couverte de sang et un adulte tombé au sol qui saignait abondamment. Je me suis à mon tour enfui vers les militaires qui m'ont secourus, puis, portés assistance aux blessés, pour les confier à leur infirmier, qui devait s'empresser de leur donner des soins...

        Moi, j'étais, il faut bien l'avouer quelque peu hagard, en prenant conscience du danger que nous venions de vivre, mais, pendant que je méditais, une étrange douleur dans la partie supérieure de l'épaule gauche, devait m'amener à y passer ma main, qui devait revenir couverte de sang. J'étais blessé et j'avais probablement, un impact de balle au niveau de la face postérieure de l'épaule. Je me souvins alors, que dans le bus à l'arrêt j'avais noté, qu'à ma place sur le dossier du fauteuil que j'occupais, se trouvait un impact rond de 10 mm environ et plusieurs petits trous bien groupés. En examinant ensuite mon bras gauche, je notais une longue trace rouge sur la peau de la face interne de mon bras. Manifestement un projectile était passé entre le côté gauche de mon thorax et raser la face interne du même bras et ce sont les multiples petits projectiles, issus sûrement d'un fusil de chasse qui devaient me blesser. Le brave infirmier me donna conscieusement les premiers soins, alors que dehors un camion de militaires, armés jusqu'aux dents arrivèrent en renfort et se lancèrent à la poursuite des fellaghas. On entendit quelques rafales de mitraillettes, mais, les vauriens s'étaient déjà volatilisés dans la nature.

        C'est en ambulance que je fus ramené dans mon école où, je fus admis à l'infirmerie immédiatement. Un brave médecin appelé à mon chevet est ensuite venu me consulter et m'administra une dose d'antibiotique et pansa mon épaule où, manifestement les dégâts n'étaient pas très sérieux. Je suis resté hospitalisé une dizaine de jours avec des hauts et des bas, notamment de la fièvre qui jouait au yoyo, malgré les injections d'antibiotiques. Notre infirmière dont hélas ! Je ne me souviens plus du nom, devait retirer de la plaie moult brins de tissus, venant d'une belle veste toute neuve en suédine, que ma maman m'avait offerte et qui à présent était percée de multiples trous.

        Dans l'école où, les élèves étaient tous pensionnaires, ce fut un même cri = " PUGLISI a été blessé par les fellaghas ! " et il est à l'infirmerie ! A compté de ce moment, dans les locaux de l'infirmerie, je devais recevoir de nombreuses visites, mais, celle qui m'a le plus touché, c'est la visite de TRABZI, un Kabyle pur-sang aux yeux bleus et cheveux blonds, qui occupait le poste de cuisinier en second dans notre école. Dès qu'il a su que j'avais été blessé, il laissa un moment son poste pour accourir me voir. Il est vrai que depuis toujours j'entretenais avec Tabzy des relations amicales voire fraternelles. Il savait que ma mère était cuisinière dans les hôpitaux et cela ne fit qu'augmenter sa gentillesse à mon égard. Souvent, il me disait, " si tu as faim dans l'après-midi, viens donc en cuisine et je te donnerai un bon goûter..."

        Durant tout le temps où, je restais hospitalisé à l'infirmerie, tous les midis et soirs, Trabzy me faisait parvenir de très copieux repas. Lorsqu'il vint me rendre visite la première fois, je lui disais la larme à l'œil = " Pourquoi ? m'ont-ils fait ça Trabzy, alors que je n'ai jamais fait de mal à personne." et Trabzy de me dire avec tristesse = " mon fils, c'est la guerre ! " Lorsque je sortis de l'infirmerie et que je regagnais mon dortoir, j'appris avec stupéfaction et bien du chagrin, que Trabzy était décédé tué par les militaires, qui étaient venus l'arrêter alors qu'il tentait de s'enfuir... Nous avons appris, que Trabzy était un chef de réseau fellaghas du secteur de Dellys et qu'il oeuvrait pour l'indépendance, ce qui ne devait pas l'empêcher d'aimer le petit Français que j'étais !

        J'ai eu plus tard l'occasion de rencontrer Cheralla le chauffeur Kabyle. Je l'ai remercié mille fois de m'avoir sauvé la vie, car, m'a-t-il dit, ma présence était signalée aux rebelles depuis la ville de l'Alma. Si Cheralla avait stoppé le bus, je ne serais pas là aujourd'hui pour vous en parler. J'ai retenu ce qu'il m'a dit en catimini =" Arrêter mon bus t'aurait conduit à la mort. Moi, je n'ai pas voulu qu'on t'assassine !" Brave Cheralla, il faut être de race Kabyle pour raisonner comme cela.

        J'ai gardé au plus profond de mon cœur et je n'ai pas oublié, ces deux personnages exceptionnels à qui je dois beaucoup =

        - Cheralla - le chauffeur du car de la SATAC, à qui je me permets de baiser respectueusement la main.

        - Trabzy - qui a bien mérité de rejoindre le paradis d'Allah et pour lequel vont toutes mes meilleures pensées.

        Il y a dans l'existence des choses qu'on ne peut oublier. C'est pourquoi, aujourd'hui, j'ai eu très envie de retourner dans le passé, pour me souvenir qu'un jour d'automne, deux braves Kabyles m'ont tendus généreusement leurs bras = Cheralla et Trabzy.
Docteur Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


Algérie catholique N°3 de juillet, 1936
Bibliothéque Gallica

L'EVECHE DE CONSTANTINE

       Avant la création du Diocèse

       Comme celle d'Oran, la province ecclésiastique de Constantine, après avoir été administrée de 1831 à 1838 par des aumôniers de l'Armée (le plus célèbre est M. l'Abbé Banvoy), fit partie du diocèse d'Alger pendant un bon quart de siècle.
       Le 28 août 1839, Mgr Dupuch, premier évêque d'Alger, vint bénir, sur la colline d'Hippone, la première pierre de la basilique élevée en l'honneur de Saint Augustin, le grand docteur africain.
       Dès 1841, Il déléguait dans la province de Constantine, comme vicaires généraux, avec mission d'y organiser le service religieux : d'abord, M. l'Abbé Suchet, "prêtre d'une haute valeur et d'un dévouement admirable", auquel il donna le titre d'"archidiacre de Saint Augustin d'Hippone", - puis, M. l'Abbé Landeman, premier curé de Bougie, qui résilia bientôt ses fonctions pour s'occuper d'une œuvre de colonisation par l'enfance.
       Le 28 octobre 1842, Mgr Dupuch rapporta de Pavie à Bône et, le surlendemain, à Hippone l'ulna du bras droit de Saint Augustin ; dans une allocution émouvante il exprima son bonheur et, plaçant sa main sur la châsse contenant la précieuse relique, il s'écria : "Jungamus dexteras, joignons nos mains, ô vous qui êtes mon frère, mon prédécesseur et mon ami ; joignons nos mains pour bénir cette nouvelle Hippone qui vous reçoit aujourd'hui avec tant de joie, pour bénir ce peuple que vous n'avez pas connu mais qui veut devenir votre peuple..."

       En 1852, Mgr Pavy, deuxième évêque d'Alger, chargea son frère, M. l'Abbé Claude Pavy, "homme au zèle ardent", de le représenter dans la province de Constantine qu'il visita lui-même plusieurs fois, poussant activement à la construction des églises de Bône et de Philippeville, organisant 22 nouvelles paroisses, et faisant embellir la mosquée devenue église, puis cathédrale, de Constantine. C'est à la fin de son épiscopat que fut décidée, par le Saint-Siège, la création des évêchés d'Oran et de Constantine.

       Depuis l'érection du Diocèse
       Le 26 juillet 1866, le Pape Pie IX signait la Bulle "Clementissimus Deus" érigeant la province de Constantine en diocèse, suffragant d'Alger qui devenait archevêché. Dès le mois de janvier suivant, Mgr de Las Cases était promu évêque de Constantine et d'Hippone : on lui doit la construction du Séminaire de Sainte Hélène qui, pendant 38 ans, fut le berceau du Clergé diocésain. Il démissionna le 22 août 1870, et Mgr Lavigerie, archevêque d'Alger, administra le diocèse pendant deux ans. En février 1872, le Saint Siège nomma Mgr Robert, qui consacra la cathédrale de Constantine (8 juin 1876). Transféré à Marseille en 1878, il eut pour successeur, de 1879 à 1880, Mgr Dusserre qui institua dans le diocèse sept vicariats-forains.
       Lorsqu'il fut nommé coadjuteur de l'archevêque d'Alger, le Souverain Pontife promut à l'évêché de Constantine Mgr Gillard : il succomba à une maladie foudroyante quelques jours avant son sacre.
       Durant la vacance du siège (mars 1880-octobre 1881), le Cardinal Lavigerie administra une seconde fois le diocèse et acquit, à ce moment, pour 50.000 fr., l'illustre colline d'Hippone. Nommé en 1881, Mgr Combes se dépensa à la construction de la basilique de Saint Augustin, "gloire et tourment de son épiscopat ".

       Appelé en 1893 au siège primatial de Carthage, il eut pour successeur Mgr Laferrière que la maladie empêcha de donner sa large mesure. A sa mort (1896), le Saint Siège nomma Mgr Gazaniol qui dirigea le diocèse de 1897 à 1913 : le 20 février 1900 il inaugurait à Biskra la statue du Cardinal Lavigerie et, un mois après, il présidait la consécration de la basilique d'Hippone ; le Séminaire de Sainte Hélène ayant été vendu, il fit construire, dans l'un des faubourgs de Constantine, un nouveau Séminaire dont, à défaut des Lazaristes partis en 1905, il donna la direction à des membres éminents du Clergé diocésain : hélas ! ce Séminaire dut fermer ses portes en 1908. Démissionnaire pour raisons de santé (1912), Mgr Gazaniol fut remplacé par Mgr Bouissière ( 1913 - 1916), qui, le 16 avril 1914, érigea devant la basilique d'Hippone une monumentale statue de Saint Augustin et, en pleine guerre, fit construire, à Constantine même, au faubourg d'EI-Kantara, l'église Sainte Jeanne d'Arc.

       De Mgr Bessière (1916-1923) le grand souci fut la construction d'un Séminaire en remplacement de celui du faubourg Lamy, devenu l'Ecole Normale de Garçons : le 18 novembre 1918, il eut le bonheur d'y accueillir un groupe de jeunes lévites qu'il confia aux Prêtres de la Mission. A lui succéder le Pape Pie XI appela, le 20 février 1924, Mgr Thiénard ; pour lui aussi, le recrutement sacerdotal occupe la première place dans sa pensée et dans son cœur : à côté du Grand Séminaire agrandi par ses soins, il a fait construire un Petit Séminaire où logent 60 élèves ; lui aussi professe une tendre piété envers Saint Augustin : en mai 1933, il appelait auprès de la basilique d'Hippone les Ermites de Saint Augustin ; répondant à son invitation, S. E. Mgr. Leynaud, archevêque d'Alger, venait, le 25 avril 1935, bénir solennellement, dans la même basilique, la statue-reliquaire renfermant, à sa place naturelle, l'ulna du bras droit du saint Docteur ; enfin, sur
       Sa demande, le Souverain Pontife a daigné, le 15 février dernier, "constituer et déclarer " Saint Augustin Patron du diocèse de Constantine et d'Hippone.

       Nous ne dirons rien de l'Evêché lui-même, immeuble modeste qui n'a de remarquable que le salon de réception (105 m2), orné de tableaux donnés par l'Etat en 1873 et 1877. J. D.

ADMINISTRATION
DU DIOCESE DE CONSTANTINE

       Mgr Jean - François - Emile Thiénard, né à Ravel-Salméranges (Puy de dôme), le 14 avril 1873, ordonné prêtre à Alger, le 3 novembre 1895, élu Evêque de Constantine et d'Hippone, le 21 février 1924, préconisé le 24 mars, a pris possession du diocèse par procuration le 20 avril, à été sacré le 1er mai dans la Cathédrale d'Alger et intronisé à Constantine le 15 mai suivant.
       Précédemment curé-archiprêtre de la Cathédrale et doyen du chapitre métropolitain d'Alger.

       Vicaire général : Mgr Bats, Prélat de la Maison de Sa Sainteté.
       Mgr Bats, vicaire général, est chargé de tout ce qui regarde le personnel du clergé, le service des paroisses et annexes, les Missions paroissiales, les Conseils paroissiaux, comptes et budgets, les communautés religieuses, les œuvres, les examens des jeunes prêtres, les Conférences, les examens de première Communion dans la ville de Constantine et dans les paroisses des vicaires forains.
       M. Gauthier, secrétaire général, est chargé des fondations, des dispenses de toute nature, de l'expédition des titres et autres pièces de la chancellerie, de la légalisation des actes, des renseignements, de l'Adoration perpétuelle, de la Propagation de la Foi et de la Sainte Enfance.

       M. Delpy, secrétaire, est chargé des archives, de ce qui regarde le temporel du diocèse, le Denier du Culte, l'Œuvre du Séminaire, les bordereaux trimestriels, l'" Echo diocésain " et l'Œuvre de Saint François de Sales.


LES ENFANTS AU POUVOIR
Envoyé par M. Georges Barbara

            - " "Et Zotch, ô les Artisses, adebon vous le faites, Z'avez vu l'heure que c'est ? C'est la " génération Swing " métenant à ce que je 'ois ! Chacun y fait comme y veut et on s'la porte à la longue et vas y on se gène plus ! On aura tout vu !

            - " "Ouais c'est bon PA, t'l'es z'a de travers ce soir ou quoi ? Te vas pas nous faire un plat de paste e fazoule pour un peu de retard qu'on a ? C'est juste Chounette ma copine qu'elle a voulu qu'on reste avec Nano pour manger, même que c'était son anniversaire ! Et pis d'abord où il est le mal ?

            - " " Où il est le mal ? Agas moi ça qu'y faut qu'j'entends à mon age ? Alors comme ça ta Miss elle a décidé que vous allez rester à manger,,, Où il est le mal ? Et pourquoi pas à dormir pisqu'elle y était ! Et vous savez que pendant ce temps là dans quel état a s'était mise Cyprie votre pauvre mère ? Michkinette qu'elle faisait que me dire " Te ois pas Dieu préserve qu'y z'ont eu un accident ? Je vais vous dire la franche vérité moi, et ben c'est que nous les deux Couacouas que nous sommes on s'est cagué dessur toute la soirée, et pour qui ? Pour deux Gouailles qu'y savent meme pas encore lever la jambe pour pisser….C'est pas beau ça ?

            - " "Ô vous pour porter la chcoumoune, pour ça vous êtes bons !!
            - " "Et oui c'est que nous les vieux on voit loin ! Et pis d'abord on avait pas fixé l'heure à minuit si je m'arrapelle bien ? Non, ? Et rogardez le reveil ça qu'y marque,,,C'EST DEJA DEMAIN DIOCANE !

            - " " A sa'oir aussi si y marche bien ton reveil .
            - " "Ah celle la à l'est belle, y fallait que tu la trouves ! Et toi Cyprie tu l'entends la gatée pourrie de ta fille, elle la prend à la légére métenant ! Et ben pisque c'est comme ça écoutez bien vous les noceurs du dimanche, comme je m'appele Gugu, vous pouvez faire la croix que c'est pas demain que je vais vous donner la permission pour sortir le soir ! T'sur la vie des yeux ,,, TERMINE !

            - " " Cyprie (la mère),, C'est bon Gugu, te vas reveiller toute la Colonne, dés que t'ya le cats en l'air toi entention les 'oitures, et qui sait qu'y te rotient ! Y sont là métenan alors laisse tomber.

            - " " Atso parc'que toi aussi te vas leur donner raison à ces deux moins que rien. Cournoude et Bastonade. Celle-la a l'est bonne, alors la prochaine fois ô tête de lune que t'y'es, t'iras pleurer chez ta mère. Et pis d'abord moi pour plus que je vois des cats pareils, j'te jure t'sur la tombe de mes morts, qu'a partir de demain je m'en vais aller dormir à bord du Plongeon le chalutier de Mossieu Stella mon patron !

            - " "(La mère,,, à voix basse) Bon allez les enfants faites-le pour moi, faites les morts et montez vous coucher que demain vous devez aller à la messe. Et lui vous allez voir quand y va se lever il aura fini de faire des necks, que ça lui va pas à ce Binguèche qu'il est ! Et pis vous savez tout ça qu'y dit, comme elle disait ma mère, c'est que des paroles verbales !

            - " " (Gugu en criant de la chambre ) " Cyprie belle, sois gentille,, agas t'oublies pas, de me monter le P'tit Pot pour quand je pisse la nuit , !…

Georges Barbara, Août 2022


Opinion de Kaddour sur les Elections
Chronique de Kaddour
BONJOUR N° 64, 13/10/1933, journal satyrique bônois.

               En cit moment. mossios, madames, y en a on grande baroufa, à cause di z'alictions, bour fire sortir cinque gonsillis, i abris y sont fire la fote bour voir qui ci missio l'Mire.
               Y en a de z'hastoires miglaouidales, ji crois, j'ti jore, qui en aura di morts i di blissis cen bor cent.
               Y en a deux mechtas qui sont fire l'brisentement. On ci la côti di missio Sarda, l'autre ci la côti di missio Boule Bantaloni. La doxième il en a on grande frousse, j'va t'spliqui borquoi L'Boule ça fi dire. " in aâl oueldik j'si bas comment on dise en francis, enfin quoi… la bicement, Bantalouni ça fi dire li sarouel.
               Nos autres li z'arabes, quand on veut dire que quelquon il a beur, on die " y boule fi sarouêlou." ça fi dire i fiton co d'bicement dans son bantalon.
               Ci on grand'chitane ci tybe là, et il a dit " béssif li gens y faut y fotent bor moi, atroment ji li s'quinte afic la mitarlloses et i la cano di soixante quize "

               L'annie darrière il a fit candidat bour y sor débiti, rasse louisa il a bris i au camp di dates il a sorti.
               A cit moment là il a die aux arabes :
               " Si vous vouli qu'li z'endigents y sortent çatoyens, bour y font la fote, y faut qu'vos cassi la tîte à tote ci salobris di francis qui z'iti contre moi..
               Nos autres on a marchi, borquoi on l'conni bas.
               Mat'nant, y voudra y sort Mire, alors y nous a die ; " Diboue, rassembelment en ligne sur trois rangs, missios li z'arabes, si vous vouli qu'vos dites di brinces à Bône, brouni la fousi i touyi li cornanes qui sont bas d'accord afic moi ".
               Asba, qu'nos sont dire, mime bas ti crive on f'ra ça. Ti souis on grand'canaille bromire qualité. Oullah ci grand dommage, qu'nos sont bas foti, atroment ak-Rabbi, ti viens bas mime grand chambitre (garde champêtre) i ba mime Caid khraâ.
               Marosment la fote, nos sont bas la droit, alors nos sont risti bien tranquille on rogarde sol'ment.
KADDOUR ben NOLUOT.
 


Le rail
Envoyé par M. Christian Graille

                 Qu'ont fait les diligences pour la civilisation de l'Algérie ? Beaucoup.
                 Elles sillonnèrent les routes nouvellement tracées, établirent des communications entre les villages naissants et les cités déjà existantes portèrent d'un point à un autre des hommes et des marchandises permirent la création de nouvelles villes là où l'agglomération des troupes constituait un noyau de population.
                 Ces services de diligences furent des entreprises privées auxquelles l'état des choses attribua des votes de monopoles.
                 Les unes réussirent ; d'autres échouèrent ; d'autres encore végétèrent comme elles purent.

                 Et cela dura jusqu'au jour où la construction de chemins de fer fut commencée et où le sifflet de la locomotive couvrit victorieusement le claquement de fouet des postillons.
                 Qui s'en plaignit en dehors des entrepreneurs de véhicules ? Personne.
                 Qui versa un pleur humide sur les pataches disparaissant ? Personne.
                 Qui songe à défendre les droits des organisateurs de roulage ?
                 Personne n'osa défendre les prérogatives des guimbardes poussiéreuses et cahotantes contre le railway. Personne, disons le mot, n'ose se couvrir de ridicule, ni provoquer un tollé général.

                 C'est qu'il n'est pas un colon, habitant des villes ou vivant dans la brousse lointaine qui ne sache ce que nous devons au rail.
                 Le rail est à la route ce que la route est à la piste.
                 C'est par lui que la colonisation ébauchée s'est triomphalement poursuivie.
                 C'est par lui : que nos céréales ; que nos vins ; que nos produits de toutes sortes se sont entassés sur nos quais d'embarquement pour s'acheminer vers les marchés de la métropole.

                 C'est par lui que l'Algérie vécut des heures prospères et c'est par lui qu'on en attend le retour.
                 Après l'acier de nos armes, c'est l'acier du rail qui a fait la conquête du pays.
                 Comment ne pas s'étonner après cela qu'une sympathie irraisonnée s'attache à la société des omnibus d'Oran ? Parce que les propositions ont été faites à notre municipalité de remplacer cet antique et primitif système de locomotion par la traction électrique, des âmes s'émeuvent.

                 Vous rencontrez des gens qui disent (le pensent-ils réellement ?) qu'il faut se montrer miséricordieux vis-à-vis d'entrepreneurs, qui, à leurs beaux deniers assurèrent des communications entre la basse ville et les faubourgs.
                 On n'ose pas se risquer jusqu'à prendre parti contre les tramways électriques, mais ils ne réussiraient pas à triompher des obstacles qu'on leur suscite, qu'on en serait pas entièrement fâché.
                 Et ces obstacles sont de toutes sortes.

                 On va même jusqu'à imposer comme condition sine qua non le remboursement intégral des actions et le rachat du matériel.
                 Est-ce qu'on obligea les compagnies de chemins de fer à racheter les diligences hors d'usage désormais ? Non.
                 Est-ce qu'on les contraignit à faire l'acquisition de postes et relais ? Non.
                 Non, eh bien alors !

                 Un de nos confrères a posé la question sur son véritable terrain, sur le terrain d'ailleurs de l'intérêt général en dehors de toute considération étroite de personnes.
                 Le monopole concédé par la ville à la Société des Omnibus Oranais ne s'applique qu'aux omnibus.
                 C'est net ; c'est précis ; c'est formel, ; ça ne prête pas à l'équivoque.

                 Dans ces conditions toute concurrence est permise à n'importe quelle société de tramways à traction mécanique ou électrique qui recevra l'autorisation gouvernementale.
                 Que les omnibus battent en retraite s'ils ne peuvent soutenir la lutte.
                 Mais qu'est ce que cela peut faire à la population du moment que toutes les facilités de circulation économique lui seront assurées ?

                 Est-ce que d'ailleurs quand la société des omnibus se constitua, elle songea aux préjudices qu'elle pouvait causer aux propriétaires de calèches ? Non assurément. Elle cédait au progrès.
                 Qu'elle s'incline devant la Société nouvelle qui elle aussi marche avec le progrès et la devance. Mais qu'on se rassure, nous aurons nos tramways électriques. L'obstruction de quelques-uns (ils sont une douzaine) ne prévaudra pas contre l'intérêt de tous.

                 Notre assemblée départementale saisie de la question lui donnera la sanction qu'elle mérite.
                 Et Oran qui, par sa population, son commerce, son mouvement, est la seconde ville de l'Algérie et occupe un rang honorable parmi les cités de France, se trouvera sur ce point encore à la hauteur de ses destinées

Lebrun. L'Impartial (25-09-1895)


L'homme de la montgolfière
Envoyé par Annie

        Un homme, dans la nacelle d'une montgolfière, ne sait plus très bien où il se trouve.
        Descend et aperçoit une femme au sol. Il descend encore plus bas et l'interpelle :
        - Excusez moi, ma p’tite dame, pouvez vous m'aider, je ne sais plus où je me trouve et j'ai promis à un ami de le rejoindre à midi ? »

         La femme lui répond :
        - Vous êtes dans la nacelle d'un ballon à air chaud, à environ 10 m du sol. Vous vous trouvez exactement à 49°, 28' et 11'' nord et 8°, 25' et 23'' est. »
        - Vous devez être ingénieur », dit l'homme
        - Je le suis, en effet, lui répond la femme, mais comment avez-vous deviné ? »
        - Eh bien, dit il, tout ce que vous m'avez dit a l'air techniquement parfaitement correct, mais je n'ai pas la moindre idée de ce que je peux faire de vos informations, et, en fait, je ne sais toujours pas où je me trouve. Pour parler ouvertement, vous ne m'avez été d'aucune aide. Pire, vous avez encore retardé mon voyage ».

         La femme lui répond : « Vous devez être un homme politique ».
        - Oui, dit il, comment avez-vous deviné ? »
        - Eh bien, dit la femme, vous ne savez ni où vous êtes, ni où vous allez. Vous avez atteint votre position actuelle en chauffant et en brassant une énorme quantité d'air. Vous avez fait une promesse sans avoir la moindre idée de comment vous pourriez la tenir et vous comptez maintenant sur les gens situés en dessous de vous pour qu'ils résolvent votre problème. Votre situation avant et après notre rencontre n'a pas changé mais comme par hasard, c'est maintenant moi qui, à vos yeux, en suis responsable ».




Les Arabes en Algérie
Envoyé par M. Christian Graille

                 Il sen faut que les Arabes constituent, comme on l'a cru longtemps, le fond même de la population indigène ; ils n'apparaissent dans l'Afrique du Nord qu'au VIIème siècle ; encore les compagnons d'Okba et de Hassan étaient-ils peu nombreux.
                 L'invasion du XIème siècle amena un flot d'émigrants que les historiens musulmans évaluent à un million.
                 Ces nouveaux venus se répartirent dans tout le Maghreb, plus serrés à l'Est, plus clairsemés à l'Ouest.

                 Aujourd'hui encore l'élément arabe est bien moins important au Maroc que dans la Tunisie ou la Tripolitaine.
                 En Algérie on arrive difficilement à une estimation précise ; les deux tiers au moins des indigènes parlent exclusivement la langue du Prophète ; mais la langue ne prouve pas l'origine ; d'après des opinions autorisées, la race arabe comprendrait à peine un sixième de la population musulmane. (Carette et Hanoteau disent un tiers. On comprend que les évaluations varient, mais dans tous les cas on s'accorde à reconnaître que les Arabes sont en minorité.) Malgré cette infériorité numérique, l'élément arabe est le plus important.
                 Quand un peuple a fait adopter : sa langue, sa religion, ses institutions et ses mœurs, il n'est plus en minorité.
                 La plupart des autochtones qui parlent, pensent et vivent à sa manière, finissent par faire corps avec lui.

                 C'est ce qui est arrivé en Algérie, où les populations berbères se sont presque partout assimilées aux Arabes.
                 L'Arabe pur-sang est : grand, élancé, musculeux ;
                 il offre un mélange remarquable d'élégance et de vigueur ; les extrémités sont fines, les membres allongés, souples et forts.
                 La figure est d'un ovale un peu tiré avec des traits réguliers ; le nez aquilin l'œil vif, les dents éclatantes ; seul le front étroit et fuyant, manque de noblesse.
                 Le grand air, la poussière, le soleil tannent la peau et lui donne cette belle teinte bronzée qui se marie si bien au dessin énergique du visage.

                 C'est surtout parmi les nomades, dans l'aristocratie saharienne, que ce type se retrouve dans toute sa beauté ; on voit réellement un magnifique spécimen de l'espèce quand un homme de grande tente apparaît drapé dans ses burnous ; Le vêtement aux larges plis, sans gêner l'aisance des mouvements, les enveloppe d'une ampleur majestueuse.
                 Le haïk blanc, serré par la corde en poli de chameau, encadre le visage et en fait ressortir la chaude coloration.
                 Ce n'est pas à dire que tous les Arabes ressemblent aux superbes cavaliers de Fromentin.

                 La race est le plus souvent altérée par des mélanges ou abâtardie par la misère et le vice.
                 Il est rare cependant qu'elle n'ait pas conservé : ses qualités physiques, sa vigueur, son étonnante agilité.
                 On a beaucoup vanté les cavaliers arabes ; mais les piétons, il faut les voir sur quelque route poudreuse, en plein soleil, marcher de leur pas allongé, égal, infatigable.
                 Ils supportent les privations et les peines avec une force de résistance qu'on ne trouve chez aucun autre peuple ; enfants, on les a laissées à eux-mêmes, exposés tout nus au chaud au froid, au vent, au soleil, à la pluie.

                 La sélection s'est faite toute seule ; ce qui était mal venu, imparfaitement constitué a succombé ; les survivants sont comme l'acier trempé. Même la maladie ne peut les terrasser. Des tribus entières empoisonnées par la syphilis ne semblent pas s'en ressentir ; on ne se douterait pas de la présence du fléau si un individu plus mal traité que les autres ne montrait son masque hideusement déformé.
                 Les affections cutanées, les maux d'yeux, les rhumatismes, produits par la mauvaise hygiène et la malpropreté, sont des compagnons incommodes, mais qu'on accepte assez gaillardement.
                 Quand viennent les épidémies : fièvre, variole, typhus, ils n'essaient pas de se préserver ou de se défendre, ils meurent par milliers avec plus d'indifférence encore que de résignation.

                 Parmi les Arabes et les Berbères assimilés, l'élément nomade est le plus nombreux. Ils sont nomades par disposition héréditaire mais surtout parce que la nature du pays leur impose ce genre d'existence.
                 En l'état actuel la plus grande partie du Sahara et de la région des plateaux n'est pas susceptible d'une culture régulière.
                 Ces grands espaces, nus et brûlés pendant la saison sèche, couverts après les pluies d'une belle végétation, forment des pâturages intermittents, des terrains de parcours.
                 La richesse des nomades consiste dans leurs troupeaux ; il faut qu'ils leur trouvent de la nourriture et de l'eau ; de-là les migrations régulières du Sud au Nord et du Nord au Sud concordant avec le mouvement des saisons.
                 Aux approches de l'été, les caravanes se mettent en route vers le Tell ; elles y arriveront après la moisson faite ; les bêtes trouveront encore leur pâturage dans les champs dépouillés

                 A l'automne, quand tombent les premières pluies, on revient sur les hauts plateaux et dans le Sahara. C'est un curieux spectacle que celui d'une tribu en marche : les chameaux s'avancent gravement, en file, portant les provisions, les tentes, les ustensiles de ménage. Puis viennent quelques bœufs ou vaches maigres, les chèvres et la masse serrée des moutons qu'entoure un nuage de poussière ; les femmes, les enfants sur le dos, cheminent à pied ; seules les grandes dames du désert prennent place dans l'attatouch, le palanquin installé sur le chameau.
                 Les hommes, le fusil au poing, sont en avant pour éclairer la route ou en arrière pour la protéger ; d'autres courent sur les flancs de la longue colonne, surveillant les bêtes les empêchant de s'égarer ou d'être volées.
                 Le soir l'on s'arrête et l'on campe.

                 La demeure du nomade c'est la tente ; un grand poteau et deux perches, quelques pieux fichés en terre supportent ou assujettissent la grande pièce d'étoffe formée de felidj cousus ensemble.
                 Le felidj est une longue bande de laine et de poil de chameau que les femmes tissent dans les journées où l'on n'est pas en marche.
                 La tente, si belle qu'elle soit est un médiocre abri ; elle défend mal ses habitants contre : le soleil, la pluie, la neige, mais elle est portative et légère.

                 Elle leur suffit et ils l'aiment ; le nomade repose mal sous un toit, il a horreur de nos maisons de pierres.
                 Un jour un général en tournée vers le Sud engagea quelques chefs à se construire des maisons, ils obéirent à un conseil qu'ils considéraient comme un ordre ; quand le général passa de nouveau, les maisons étaient bâties, mais leurs propriétaires campaient à côté.

                 L'ameublement d'une tente est d'un simplicité rudimentaire : deux pierres pour former le foyer, des tellis où sont les provisions, des peaux de bouc pour l'eau, une marmite en terre, quelques plats en bois ou en alfa, des nattes grossières et chez les riches un tapis.

                 On a vu des caïds s'offrir le luxe d'une table avec des couverts, mais chez les nomades on peut compter ces sybarites.
                 La nourriture habituelle est le kouskous, sorte de gruau que les femmes fabriquent elles-mêmes, avec de la farine d'orge ou de froment ; des galettes légères assez semblables à nos crêpes tiennent lieu de pain. Le lait, le miel et les dattes figurent pour une grande part dans l'alimentation.
                 Rarement on mange de la viande ; il faut pour cela : une grande occasion, une fête religieuse, une cérémonie familiale, une diffa offerte à des étrangers.
                 Alors on égorge un mouton, on le dépouille, on le traverse d'une sorte de broche et on le fait tourner doucement devant un feu de broussailles en l'arrosant de beurre fondu ; c'est le met le plus succulent de la cuisine indigène.

                 Les nomades cultivent peu, l'élevage est leur grande affaire, le mouton leur donne la viande, la chèvre, la vache, la chamelle leur fournissent de lait.
                 Avec la laine ou le poil de ces animaux ils ont la matière première de leurs vêtements et de leurs tentes.

                 Le commerce leur est aussi de quelques secours : Ils échangent des dattes récoltées dans les oasis du Sud contre les céréales du Tell, ils vendent pour l'exportation une partie de leurs troupeaux ; ils n'achètent guère que des grains, quelques armes, et des bijoux pour leurs femmes.
                 En somme, ils ont peu de besoin et savent presque toujours y suffire eux-mêmes.

                 L'instinct nomade se retrouve chez les sédentaires du Tell, ils se meuvent dans un rayon moins étendu, mais ils se déplacent facilement ; en été, la plupart habitent sous la tente ; l'hiver, le froid les oblige à se fabriquer des gourbis, les murs sont en terre ou en sable grossièrement maçonné, la toiture en diss ou en alfa. Ni portes ni fenêtres, ni cheminées ; le sol n'est pas même battu.
                 Bêtes et gens s'entassent pêle-mêle dans cet abri moins léger que la tente, mais plus malpropre et plus malsain.
                 Avec ses tentes ou ses gourbis rangés en cercle, à l'écart des routes et des chemins fréquentés gardés contre les fauves et les intrus par ses chiens maigres toujours grondants, le douar à moins l'air d'un village que d'un campement.

                 Les chefs plus sensibles aux avantages du confort, se bâtissent, quand ils le peuvent, de vraies maisons où il y a : des portes et des fenêtres, des murs solides soigneusement blanchis à la chaux. L'installation est celle d'une ferme très simple, on utilise presque toutes les chambres comme magasins à grains et à fourrage ; quelques meubles français, tout dépaysés, se mêlent aux nattes, aux tapis et aux coffres indigènes.

                 Les Arabes du Tell ont : des bœufs, des chèvres, des moutons mais l'élevage n'est pour eux qu'une occupation accessoire ; en général ils sont cultivateurs.
                 Beaucoup sont employés dans les exploitations européennes ; ceux qui, sont propriétaires font valoir leurs fonds, mais ils mettent rarement la main à la charrue ; le travail est fait par les khamès, métayers partiaires qui sont payés du cinquième de la récolte ; la condition des khamès et des bergers, ces prolétaires de la société arabe, est assez misérable, le petit propriétaire lui-même est bien loin d'être riche.

                 Malgré sa fertilité le sol cultivé maladroitement donne une production très irrégulière ; depuis que le commerce leur est devenu facile, les indigènes ont perdu l'habitude d'entasser des réserves de grains dans leurs silos ; les années mauvaises les trouvent sans épargne, sans défense contre la misère.
                 Ce qui réunit les pasteurs du Sud et les laboureurs du Tell, c'est la religion ; tous sont musulmans.
                 Les mosquées, les zaouïas, les koubas des marabouts leur servent de point de ralliement.

                 La plupart sont enrôlés dans les confréries de Sidi-Abd-el-Kader, la plus dangereuse de ces confréries, celle dont l'hostilité contre nous est la plus prononcée est celle des Snoussi qui a son centre dans la Tripolitaine.
                 L'ordre de Tedjini au contraire nous serait plus favorable, de Moulay-Taïeb, de Tedjini, des Snoussi, des Aïssaoua, associations puissantes et souvent dangereuses.
                 Très attachés à leur foi il en est peu qui n'observent fidèlement les rites extérieurs, blutions, prières, jeûne du ramadan.

                 Cette ferveur religieuse est le principal obstacle que nous ayons rencontré en Algérie ; elle a supplée à l'esprit national pour animer les colères et encourager les résistances ; presque toutes les révoltes ont été dues à des prédications de marabouts ; pour la guerre contre l'infidèle, les divisions cessent, les haines de tribus s'oublient.

                 Telle est la cause toujours agissante dont on peut atténuer les effets, mais qu'il est bien difficile de détruire.
                 La conversion des Arabes au christianisme que quelques-uns ont rêvée n'est qu'une chimère dangereuse.
                 L'islam d'ailleurs, avec la simplicité de son dogme et la clarté de sa morale, n'est pas tellement inférieure aux autres conceptions monothéistes.

                 Comme elle, il a un caractère exclusif et il crée la division parmi les hommes.
                 Le musulman est fanatique et intolérant, mais l'est-il plus que les Hébreux de la Bible et les chrétiens du moyen âge ?
                 A côté de paroles violentes de sanglants appels à la force, le Coran contient des préceptes de charité et de justice.
                 En cherchant bien, on peut trouver les mêmes oppositions dans l'Ancien Testament ou dans les Evangiles.
                 La forme théocratique est un état inférieur des sociétés humaines ; quand la religion règne seule, quand elle n'est pas tempérée, équilibrée par l'activité économique et intellectuelle, partout elle produit les mêmes résultats. Elle fait des nations inertes, momifiées dans le formalisme, incapables de comprendre tout ce qui n'est pas elles ; pleine d'horreur et de haine pour tout ce qu'elles ne comprennent pas.

                 Le moyen de combattre l'influence excessive de l'islamisme n'est donc pas dans un prosélytisme dépourvu de toute chance de succès.
                 Les Arabes cesseront d'être des fanatiques : le jour où ils seront gagnés à la civilisation ; quand les réalités de la vie sociale auront chassé les rêveries superstitieuses, quand les voyages d'affaires auront succédé aux pèlerinages, quand des idées vivantes secoueront ces esprits assoupis, alors le problème sera résolu.

                 L'indigène sera peut-être encore musulman comme le Français est catholique, mais avant tout il sera un homme moderne, un contemporain du siècle.
                 En attendant le peuple arabe se modifie lentement ; avec ses croyances religieuses il a conservé ses anciennes institutions.
                 Le Coran, les commentaires qu'il a inspirés les coutumes qu'il a créées ou admises constituent toujours la loi civile.

                 Comme au temps de la conquête, malgré l'établissement des douars communes et des communes mixtes, l'unité sociale est la tribu. (Le code de Sidi-Khélil traduction Seignette et l'excellente introduction qui précède l'ouvrage).
                 Ce groupe étendu, pareil à la gente romaine, comprend, avec les descendants de l'ancêtre éponyme agnats les uns des autres, des familles rattachées par le lien de l'affranchissement ou de la clientèle.
                 Si elle est nombreuse, la tribu se fractionne en ferkas ou douars.
                 Si elle est faible, elle noue des alliances. Elle a son nom, ses chefs, son existence propre ; elle est personne civile ; son domaine, l'arch, ne peut sortir de ses mains, ni par vente, ni par donation, ni par testament ; les détenteurs ne sont que les usufruitiers héréditaires d'une propriété collective.

                 Autrefois, le commandement appartenait toujours par droit de naissance à la famille du fondateur ; il n'en est plus ainsi dans le Tell où les caïds deviennent de plus en plus des fonctionnaires.
                 Mais les chefs de fraction portent encore le titre de cheick (vieillard) qui atteste le caractère patriarcal de leur autorité.
                 Dans la famille proprement dite, le père est un maître plus respecté qu'aimé, plus craint que respecté ; nul ne s'assied en sa présence, il mange seul et c'est seulement quand il est rassasié que la femme et les enfants ont leur tour.
                 La condition des femmes est mauvaise, le mariage est un marché, les parents de l'épousée sont des vendeurs, le mari achète, paye et dispose à sa guise de ce qu'il a payé.

                 La femme arabe n'a point de jeunesse ni de maturité ; encore enfant lorsqu'on la marie, elle vieillit vite au dur métier de servante qu'on lui fait faire.
                 La polygamie est loin d'être générale, on compte à peine 20.000 ménages polygames parmi les indigènes sédentaires ; (V. Ricoux, démographie figurée de l'Algérie) c'est que pour avoir plusieurs femmes, il faut d'abord être en mesure de les nourrir.
                 Un Arabe n'a qu'une femme pour les mêmes raisons qui n'obligent un Européen à n'avoir qu'un domestique ; la plupart des pauvres gens, bergers ou khamès sont condamnés, par leur pauvreté même, à un perpétuel célibat.
                 Le législateur qui connaissait le peuple auquel il avait à faire à essayer de protéger les femmes contre les abus de la force.
                 Il n'a pas interdit la polygamie, mais il l'a limitée.
                 Un musulman ne doit pas avoir plus de quatre femmes et, s'il n'en a qu'une, cela est mieux.

                 Dans les cas de divorce ou de veuvage, un douaire doit être assuré à l'épouse.
                 Mais ici les mœurs ont été plus fortes que la loi, et les artifices juridiques ne manquent pas pour tourner le Coran au détriment des femmes. (V. le code de Sidi-Khelil)
                 Elevées dans l'ignorance, maltraitées, frustrées, celles-ci se vengent du mieux qu'elles peuvent.
                 Malgré une surveillance jalouse, malgré des châtiments terribles, les cas d'adultère sont fréquents. Les occasions ne manquent pas, elles sont saisies avec un cynisme et une audace qui confondent.
                 Si l'on veut croire à la pureté des mœurs primitives, il ne faut pas venir la chercher parmi les Arabes de la tente.
                 Hommes et femmes, adolescents ou vieillards la corruption est la même chez tous ; l'enfance même n'est pas respectée ; des spectacles dégoûtants et d'ignobles exemples la dépravent dans sa fleur.
                 La brutalité sensuelle n'est pas le seul vice des Arabes ; Ils n'ont en aucune façon le respect du bien d'autrui. A leurs yeux le vol est une action indifférente en elle-même, bonne quand on est adroit, mauvaise pour qui se fait prendre.
                 Ils sont âpres au gain, licite ou non ; pour mieux dire ils n'en connaissent point d'illicite. Ils ont des habitudes de ruse qui les rendent souvent dissimulés et dangereux. Malgré la fierté de leurs allures, ils sont souples et flexibles devant la force ; ils mentent avec une effronterie sans égale, ils flattent avec une abondance de langage inépuisable.

                 Leurs passions inconstantes les ballottent sans cesse de la fidélité à la révolte et de la révolte à la soumission.
                 Avec cela de vraies vertus : la bravoure, le mépris de la mort, l'héroïque, insouciance devant le danger ; malgré la réputation de paresse qu'on leur a faite, ils supportent les plus durs labeurs ; à part quelques favorisés, ils vivent presque de rien et s'en contentent.

                 Il faut les juger sans engouement romantique mais sans aveugle prévention.
                 Tout vieux qu'il soit comme peuple, ce sont de grands enfants ; ils ont de l'enfance : les convoitises, les naïves grossièretés, les appétits irraisonnés, la mobilité des sensations ; ils en ont aussi parfois la facilité d'humeur et la droiture naturelle.
L'Algérie par Maurice Wahl
Ancien élève à l'école normale supérieure,
Professeur agrégé d'histoire au lycée d'Alger. 1882.


Aux Sons des Guitares
Envoyé par M. Joachim Sardella

        Il y avait sur la droite de l’une de ces rues pentues menant à La Place d’Armes, un petit bar nommé « Aux Sons des Guitares » Etait-ce la rue Philippe ou celle du Capitaine Genova. Mais qu’importe, le nom oublié d'une rue n’estompe en rien la transparence et l’indélébilité du souvenir.
         Deux ou trois marches nous acceptaient dans une petite salle obscure aux fenêtres voilées par des rideaux à damiers rouges et blancs, et au parterre de carreaux en terre cuite variolée.
         Dans cette modeste et romantique exigüité, seules étaient admises cinq à six petites tables de bois aux robustes pieds. La nôtre se cachait au coin à droite de l’entrée.

         J’avais fait connaissance de ces lieux propices aux évasions spirituelles et musicales, un jour de l’an 1958 où chez Sarfati, marchand de musique, j’avais acheté ma première guitare, une « Couesnon Demie-Jazz ».
         Ce brave artiste m’avait alors indiqué un endroit où Corses et quelques Gitans, grattaient et pinçaient avec une caressante fougue les six cordes des ces filles de bois à taille de guêpe que l’on aurait pu, avec un brin d’imagination, comparer à ces dames corsetées du début du siècle.
         Et je me suis habitué à fréquenter l’endroit où Polo le patron grattait et balançait pour attirer le client, des chansons Corses et autres airs populaires. Mais il y avait surtout en fin de soirée, ces ineffaçables complaintes et improvisations que l’on aurait pu croire accouchées des montagnes et importées par le vent traversier et turbulent de Corse.

         J’étais bien loin de ces improvisateurs à la virtuosité innée, me contentant de leur voler un accord ou les bribes d’une mélodie.
         Quelle bonhomie chez ce tenancier rempli de sagesse et de modestie. On devinait en lui un être nonchalant, un artiste contraint de travailler pour nourrir sa progéniture. De temps en temps, sa jeune épouse apparaissait, poussant le rideau séparant le logement du bar, le dernier de ses rejetons sur ses bras, mais ce n’était là qu’un audacieux et furtif franchissement.

         Quand dans ma mémoire renaissent ces instants, il me vient comme un ressentiment de l'histoire et de ses rapines.
         Ce retour sur passé m'a permis de dédier modestement le poème qui suit.
MES GUITARES DE LA BAS
Vous guitares échevelées,
Vous que l'on aime, vous que l'on bat,
Vous me faites si bien rêver
Emportez-moi plus loin la bas.

Là bas dans ce monde irréel,
Dans ce monde de la pensée,
Mon petit monde artificiel
Où je voudrais bien m'égarer.

Venez en moi porter l'oubli,
De mes rêves espérés.
Jouez guitares toute la nuit,
Allez, jouez, jouez, jouez.

Je veux de vos notes légères,
Combler mon âme de regrets,
Je veux aussi de la colère,
Des mains qui claquent, des Ollé.

Vous guitares à panse vernie,
Aux cordes vibrantes et tendues,
Ramenez moi vers mes amis,
Un jour La Bas....Perdus.....
Extrait de MES MOIRES - 11/11/1962 (Joachim Sardella)



Les Français en Algérie
Envoyé par M. Christian Graille

                 Les Français en Algérie composent la majeure partie de la bourgeoisie urbaine ; ils sont : fonctionnaires, médecins, hommes de loi, négociants, industriels.
                 Hors des villes, un grand nombre appartiennent à la classe agricole, cultivent ou font cultiver colons et propriétaires ; on en trouve dans les professions manuelles et surtout dans les industries du bâtiment.
                 Les colons, les commerçants, les propriétaires, tous ceux qui ont dans le pays leurs intérêts, forment l'élément fixe, installé d'une façon définitive.
                 Les fonctionnaires sont naturellement moins stables ; toutefois, sans parler de ceux qui, appartenant à l'administration algérienne proprement dite, ne sauraient être employés ailleurs, il est certain qu'ils n'ont pas la même mobilité que dans la métropole. La plupart habitent l'Algérie sans esprit de retour ; ils se sont attachés à son climat, à son genre de vie spécial ; ils ne pourraient plus se faire à d'autres habitudes.
                 Beaucoup de retraités civils et militaires viennent réchauffer leurs vieux jours aux rayons du soleil africain. Cet attrait est général, il s'exerce sur les hommes de toutes les classes.

                 Même les nomades de l'industrie, ces ouvriers qui vont du Nord au Sud et de village en village, ne rentrent pas volontiers en France, " l'armée roulante " tient garnison en Algérie.
                 Pendant longtemps les départements du Midi ont été presque les seuls à recruter l'émigration. les "vieux Algériens" comme ils s'intitulent avec quelque fierté, sont pour la plupart : Marseillais, Provençaux, Languedociens ou Corses.

                 Les récents ravages du phylloxera ont amené une précieuse affluence de vignerons : de l'Hérault, du Gard, de Vaucluse.
                 Quelques Francs-Comtois groupés en village : à Vesoul-Bénian, à Saint-Hippolyte, à Jemmapes des Alsaciens-Lorrains venus depuis 1871 représentent les provinces du Nord-Est.
                 Les déportés politiques de 1848, de 1851 et de 1858 appartenaient un peu à toutes les régions ; ils ont su se refaire une patrie sur la terre d'exil ; les fonctionnaires et ceux des habitants qui exercent des professions libérales viennent aussi des diverses parties de la France.
                 Mais déjà il existe des générations de vrais Algériens, enfants du sol, nés dans le pays même ; leur nombre va naturellement en grossissant. En 1876, ils étaient déjà 64.512, ce qui représente environ les deux-cinquième de la population française, défalcation faite de l'armée.

                 Chaque région de la France a fourni son contingent à l'Algérie ; les types différents sont venus s'y fondre comme dans un creuset. Les croisements avec les étrangers ont été fréquents, les mariages mixtes s'étant produits dans la proportion de 1 sur 5, c'est un élément de variété de plus.

                 Aussi le créole algérien ne ressemble-t-il exactement ni au Français du Midi ni à celui du Nord.
                 Les traits sont plus réguliers que dans le Midi, le teint plus clair les physionomies sont plus vivantes et plus colorées que dans le Nord.
                 Le costume européen s'est conservé avec quelque chose de libre et de dégagé.
                 Les citadins abandonnent le disgracieux chapeau de soie pour le casque indien ; les colons portent le feutre gris à larges bords, quelques-uns adoptent le commode burnous, les femmes s'habillent d'étoffes légères à couleur vive en harmonie avec la lumière ambiante ; souvent jolies, elles ont toutes en partage la grâce et l'élégance.
                 L'Algérienne est la Parisienne de l'Afrique.

                 Les mœurs ont eu assez longtemps une mauvaise réputation ; une colonie nouvelle n'a jamais la tenue d'une société bien assise.
                 Pendant les premières années, les émigrants étaient des aventureux et parfois des aventuriers, gens hardis que ne gênait pas le respect humain.

                 Les fonctionnaires envoyés en Algérie étaient le plus souvent ceux dont les allures effarouchaient les vieilles cités pudibondes de la métropole. On cherchait dans les spéculations fiévreuses les mines d'or d'une autre Californie, on s'enrichissait, on se ruinait, on ruinait les autres, l'argent, facile à acquérir, se dépensait sans compter.
                 Alger surtout était la ville des plaisirs. Ayant besoin soi-même de tolérance, chacun fermait les yeux sur les fautes d'autrui. Les ménages réguliers étaient en petit nombre ; pendant longtemps on fut obligé d'admettre dans les réunions officielles avec les maris gradés les épouses d'occasion.
                 Tout a bien changé depuis.
                 La vie ne se mène plus à grandes guides ; on bâtit mieux, vite et plus solidement ; les faillites et les catastrophes financières ne sont plus des évènements de tous les jours.

                 On ne compte plus les fortunes sérieuses et les maisons de commerce honorables ; la considération est recherchée et accordée à bon escient.
                 La famille s'est enfin constituée ; la proportion des naissances illégitimes, autrefois formidable, s'est abaissée jusqu'à un taux presque normal : de 165 pour 1.000, elle est descendue à 91 ; elle est à peine supérieure à celle qu'on observe en France. Avant peu, le niveau moral sera le même ; on gardera toujours en Algérie des manières plus libres, on continuera à en prendre à son aise avec les hypocrisies et les conventions, mais on aura autant de sérieux dans les affaires, autant de probité dans la conduite, autant de dignité dans la vie privée.
                 On doit la vérité aux hommes de valeur et aux peuples d'avenir.
                 Nos Franco-Algériens ont pris au contact des populations parmi lesquelles ils vivent des habitudes fâcheuses. Ils sont souvent exclusifs et intolérants ; libres penseurs fervents, ils sont volontiers agressifs, oubliant que toutes les convictions sincères ont droit au respect. Français civilisés et instruits, ils dédaignent trop : les ignorants, les arriérés, les pauvres d'esprit.

                 Les préjugés de race inconnus dans la mère-Patrie s'épanouissent en toute vigueur ; les philosophes du XVIIIème siècle, les hommes de la révolution qu'on revendique comme des maîtres n'entendraient pas sans étonnement le langage que tiennent certains de leurs disciples.
                 Tel démocrate prononcé vous dira qu'il ne considère pas les indigènes comme des hommes, sans s'apercevra qu'il fait ainsi une profession de foi aristocratique au premier chef. Dans la bouche des enfants les noms : d'Arabe, de Juif d'Espagnol, de Maltais sont des termes de mépris.
                 Des publicistes, des hommes politiques ne rougissent pas de surexciter ces détestables passions. Qu'on y prenne garde, il y a là un reniement des valeurs généreuses de la France moderne, Il y a aussi un grave danger pour la paix sociale et pour l'avenir de l'Algérie.
                 En ce pays presque tout est de création gouvernementale : Villages, routes, chemins, conduites d'eau, même aujourd'hui les départements et les communes ont peine à se suffire avec leurs ressources propres ; la tutelle officielle, quelquefois nécessaire est réclamée plus que de raison ; l'État fait beaucoup, mais on lui demande davantage.
                 Individuellement ou collectivement, on est quémandeur : les particuliers sollicitent des places ou des concessions ; les localités veulent des secours, des travaux, des immunités ; on voit des villes se disputer avec acharnement une garnison ou un tribunal.
                 L'horizon se rétrécit les questions générales disparaissent, les élections ne sont plus que des batailles d'intérêts.

                 Si l'on a à choisir un conseiller général ou même un député on recherchera moins l'homme le plus instruit et le plus capable, mais le plus influent, le plus habile à agir sur l'administration. Il y a évidemment d'honorables exceptions, mais la tendance générale que nous signalons n'est que trop visible.
                 Les choses n'ont pas toujours été ainsi ; attachés avec passion aux idées démocratiques, les Algériens les ont servies vaillamment ; au risque d'encourir les rancunes de l'Empire, ils votaient non au plébiscite de 1870.
                 Mais, depuis que la République est hors de cause, ils se sont divisés ; l'ancien accord presque unanime a disparu et avec lui, les enthousiasmes et les nobles élans. Il n'y a plus de partis, mais des coffres à la manière indigène ; chefs et soldats mettent en commun moins leurs idées et leurs principes que : leurs passions, leurs convoitises et leur haines. L'animation qu'on apporte dans les discussions et les polémiques n'en est que plus vive, les injures tiennent lieu de raison, les voies de fait suivent souvent les injures.
                 Peu s'en faut qu'en temps d'élection, chaque cité algérienne ne ressemble à une commune kabyle.
                 Ces mœurs politiques sont peut-être celles de l'Amérique du Nord ou de l'Amérique du Sud, elles ne conviennent pas à des hommes libres ni à une démocratie respectueuse d'elle-même.
                 Il faut séjourner quelques temps en Algérie pour s'apercevoir de ces travers.

                 Le nouveau venu ne les soupçonne pas ; avant qu'il ait pu se reconnaître, il est séduit et charmé ; toutes les maisons lui sont hospitalières. Il suffit, d'une recommandation d'une rencontre du moindre prétexte qu'on lui passe, partout l'accueil le plus cordial.
                 L'aménité, l'entrain, la belle humeur, toutes les aimables qualités du caractère français, bien loin d'avoir perdu la transplantation, ont été ravivées et stimulées par l'excitation du climat. Pas de garnison lointaine, pas de petit coin où ne s'épanouissent la vie de société et les plaisirs mondains.

                 Même enjouement, même insouciance intrépide chez les colons ; des villages prospèrent en plein pays indigène, au milieu des souvenirs menaçants de l'insurrection récente.
                 Dans des fermes isolées, on trouve des femmes qui vivent seules, entourées d'Arabes. Elles n'ont aucune appréhension ; vienne le danger, elles se défendront comme des hommes. Ces jours-ci (septembre 1881, journaux d'Algérie Wahl.) sur un chemin de fer de la province de Constantine, la femme d'un garde-barrière est menacée par deux bandits indigènes ; elle les tient en respect, fait les signaux d'usage sans se laisser intimider ; puis quand le train a passé, elle se retourne et les tue à coups de revolver.

                 L'âge ni le sexe n'y font rien, tous sont résolus et braves jusqu'aux enfants qui ont déjà la crânerie d'allure de leurs aînés. Il a fallu ce courage brillant et aussi l'énergie résistante qui supporte les assauts quotidiens de la fatigue, de la maladie, de la misère. On se sent pris d'admiration à la vue de cette Mitidja florissante, quand on songe aux vaillants qui l'ont les premiers défrichée.
                 Nulle sécurité, l'ennemi toujours présent, le pillage, le meurtre, l'incendie en perspective, chaque année la fièvre plus redoutable encore ; avec cela, un maigre pécule, d'insuffisantes ressources, des espoirs incertains.
                 N'importe, ils ont tenu bon et ils sont restés victorieux ; mais combien avaient succombé pendant la lutte ! La hardiesse fameuse du pionnier américain, la ténacité anglo-saxonne, ne sont-elles pas au moins égalées ?
                 Aujourd'hui la tâche est moins rude, mais l'élan est donné et ne s'est pas ralenti. Le colon algérien est travailleur amoureux de la terre, tout comme le paysan français de qui il sort, mais il n'a pas sa timidité routinière.
                 Il ne retarde pas sur le siècle, il le devancerait plutôt. Instruit intelligent, il aime les nouveautés, les initiatives hardies, procédés, inventions, machines, il essaye de tout modifiant ses façons de faire d'après l'expérience, poursuivant de plus grands résultats par de plus grands efforts.

                 Cette population algérienne a ses défauts que le temps et la réflexion pourront corriger ; elle le compense largement par les qualités brillantes et solides qu'elle a acquis ou reçu en héritage. Elle ressemble à ces enfants remuants, mal élevés, tapageurs, plein de sève et de santé, la joie et la terreur de leurs mères.
                 La France s'étonne parfois de ces allures impétueuses, de cette intensité de la vie algérienne ; mais elle peut se réjouir, car elle a mis au monde, sur la terre d'Afrique, un rejeton, vigoureux, fortement constitué, taillé pour la lutte et qui ne succombera pas de sitôt dans les combats de la concurrence vitale.

L'Algérie. Maurice Wahl
ancien élève de l'école normale supérieure
professeur agrégé d'histoire au lycée d'Alger 1882 (1882)


CARTE D'ALGERIE de 1848
Envoyé par M. D. Bonocori

           
           


Les esclavagistes maghrébins
Envoyé Par M.José CASTANO,

Bonjour,

       Suite à mon article « Et les clameurs se sont tues !... », un correspondant de sensibilité « extrême gauche » activement opposé en son temps à l’Algérie française, n’a de cesse –à chacun de mes envois- de justifier et d’absoudre les exactions commises par le FLN, arguant que nos maux sont la résultante d’un « colonialisme éhonté dont a souffert le peuple algérien (sic) ».

       Alors que j’exprimais dans ce texte un ressenti propre à tout exilé (forcé), il blâma –comme à son habitude- l’occupation française de l’Algérie en faisant montre d’une méconnaissance totale du sujet.

       Pour lui, « La guerre a été atroce et elle a commencé en 1830 avec le débarquement de l'armée française à Sidi Ferruch puis elle s'est poursuivie avec la conquête d'un pays étranger. Celle d'indépendance a été cause de souffrances indicibles… il aurait fallu éviter ces violences en accordant leur liberté et leur dignité aux Algériens, etc…. (sic) »

       Quel rapport avec mon article ? Aucun ! Mais, tout de même, que l’ignorance est cruelle !... Que de préjugés persistants et immoraux depuis toutes ces années !... Ce « pasionario » de la cause indépendantiste algérienne ignore tout des raisons qui ont poussé la France à investir un territoire barbaresque sans identité, sans frontières, occupé par les Turcs depuis quatre siècles… mais qui, sans le moindre scrupule colporte, via son blog, toutes sortes de contre-vérités farfelues et fallacieuses…

       Afin d’éclairer notre « historien » (et ses semblables), voici un article de circonstance rédigé par l’abbé Alain ARBEZ.

       Bonne lecture, Bien cordialement, José CASTANO

Saint Vincent de Paul et les esclavagistes maghrébins
PUBLIÉ PAR ABBÉ ALAIN ARBEZ LE 18 JUILLET 2014

       L’aventure humaine et spirituelle de St Vincent de Paul au 17ème siècle mérite réflexion. Comment un saint homme, connu pour sa compassion et son esprit pacifique, en est-il venu à souhaiter et préparer une intervention armée en Méditerranée pour secourir les dizaines de milliers de chrétiens déportés comme esclaves ou emprisonnés et maltraités dans les geôles islamiques du Maghreb ?

       Auparavant, après la prise de Constantinople en 1453, durant laquelle les Ottomans allèrent jusqu’à violer les religieuses sur les autels des basiliques chrétiennes pour savourer leur victoire, la géopolitique de l’Europe s’est transformée. Les Ottomans étendent leur zone d’influence, ils conquièrent l’Egypte des mamelouks, la Mecque et l’Arabie, Bagdad et la Mésopotamie, ils occupent les Balkans où ils brutalisent les populations.

       C’est alors que les pirates barbaresques établis au Maghreb apportent leur puissante contribution au Sultan de la Sublime Porte qui déploie sa domination sur toute l’Afrique du Nord, à l’exception du Maroc. Leur intense activité de razzia et de rançonnement va faire vivre les populations maghrébines et enrichir Istanbul de manière fulgurante. Comme les Barbaresques vouent une haine féroce envers les chrétiens, ils attaquent systématiquement les villes côtières en Méditerranée, pour les piller et massacrer les habitants. Ils brûlent les églises, capturent les jeunes femmes et les jeunes garçons qu’ils expédient à Istanbul pour les harems et les loisirs sexuels des dignitaires musulmans.

       Année après année, la méditerranée est constamment le théâtre de tragédies : les Barbaresques interceptent les navires européens chargés de marchandises et de richesses. Ils récupèrent le butin et font prisonniers les passagers, hommes, femmes et enfants destinés à être vendus comme esclaves. Des personnalités de la noblesse française, italienne, espagnole sont prises en otages et libérées contre forte rançon. C’est ainsi que leurs forfaits vont contribuer à consolider l’Empire turc et à développer leurs implantations au Maghreb.

       Alger et Tunis deviennent les places fortes et les bases arrières de la piraterie musulmane. Les Turcs et les pirates maghrébins organisent ensemble les trafics humains et les prises de butin, rendant de plus en plus difficile la situation des états chrétiens dans les échanges commerciaux.

       Le pape Pie V cherche à mettre en place une stratégie qui puisse desserrer l’étau des Turcs sur l’Europe et la méditerranée. Cela aboutit à la bataille de Lépante en 1571, qui met en échec une des tentatives turques de conquérir l’Europe chrétienne et de faire flotter la bannière islamique dans toutes ses capitales.

       Mais le brigandage massif se poursuit grâce aux réseaux des pirates barbaresques qui interceptent tout ce qui doit effectuer la traversée, matériaux, épices, objets précieux, êtres humains. Les états chrétiens comme la France, l’Angleterre, l’Espagne, ne réagissent pas, ils acceptent de payer des tributs considérables, des rançons énormes, tandis que d’autres comme les Républiques italiennes, les Etats pontificaux, Malte, l’Autriche et la Russie refusent catégoriquement de négocier avec les pirates de Barbarie.

       Les captifs de toutes origines s’entassent néanmoins au cours du 16ème siècle dans les bagnes de Tunis et d’Alger. C’est l’expérience que fait Vincent de Paul lui-même, puisqu’il est fait prisonnier avec beaucoup d’autres passagers lors d’un voyage en 1605.

       Vincent de Paul est né en 1576 près de Dax. Brillant dans les études, il s’oriente vers l’Ordre des Cordeliers (Franciscains) et il est ordonné prêtre en 1600. En voyage à Marseille, il prend le chemin du retour vers Narbonne en prenant le bateau. Mais les pirates sachant que le navire est chargé de marchandises l’arraisonnent sabre à la main. Ils l’escortent jusqu’à Tunis, où l’entrée du port est noire de monde criant « Allah ou Akbar » et exultant d’avance à la vue du navire marchand capturé.

       Après l’accostage, les notables sont mis à part pour être restitués contre rançons, et les autres passagers acheminés vers le lieu de vente des esclaves. Alger compte alors environ trente mille esclaves chrétiens, Tunis autour de six mille. Vincent est vendu à un vieux fondeur alchimiste chez lequel il doit tenir douze fourneaux.

       Ayant constaté son intelligence et sa culture, son maître cherche par tous les moyens à le convertir à l’islam, sans succès. Puis il le revend à un propriétaire terrien. Vincent est conscient de la condition insupportable des milliers d’esclaves chrétiens en terre d’islam. Il apprend que la Sublime Porte ne respecte pas le traité signé en 1604 avec la France pour libérer les esclaves. Il se demande comment alléger les souffrances des prisonniers.

       Mais les circonstances favorables de ses allées et venues dans la propriété où il travaille lui permettent un jour de s’enfuir, après deux ans de captivité et de travail forcé. Accompagné d’un autre candidat au retour, c’est dans une barque qu’ils traversent périlleusement la mer pour aboutir finalement à Aigues-Mortes.

       De là, Vincent de Paul se rend à Rome où il partage son souci du sort des esclaves avec l’ambassadeur de France. De retour à Paris, il fait la rencontre du cardinal de Bérulle, et met au point – grâce à des mécènes – son projet de fonder une société au service des pauvres, la société des dames de Charité. Nommé aumônier des galères du roi, il va au devant des condamnés pour les assister. Sensible au sort tragique des enfants abandonnés dans les rues de Paris, il parvient à en sauver des milliers en quelques décennies. Sa rencontre prolongée avec François de Sales, évêque de Genève, l’enracine dans sa volonté d’apporter des secours spirituels à ceux qui en ont le plus besoin.

       En mai 1627, il crée les Prêtres de la Mission, avec l’appui du roi Louis XIII. Cette congrégation prendra le nom de « lazaristes ». Le désir d’organiser le soulagement des souffrances, c’est aussi pour Vincent le projet de venir en aide aux esclaves prisonniers des bagnes de Barbarie, au Maghreb. Il fonde une œuvre en 1645, qui lui permet de faire délivrer plusieurs milliers de captifs chrétiens par paiement de rançon, mais il met en place une sorte d’aumônerie qui se soucie d’offrir un soutien spirituel et une amélioration des conditions de vie.

       Les missionnaires envoyés par Vincent vont se heurter à l’hostilité des chefs musulmans qui répugnent à voir des prêtres sur le sol de l’islam et qui ont déjà à plusieurs reprises refusé catégoriquement la construction de chapelles. La conversion surprise au catholicisme du fils du bey de Tunis parti avec sa suite se faire baptiser en Espagne n’arrange pas les choses.

       Avançant en âge, et actif au service des pauvres et des souffrants de son temps, Vincent se rend compte que les accords et traités passés avec les autorités islamiques ne sont jamais respectés. Les navires des Barbaresques mandatés par le Sultan et sous l’autorité des deys de Tunis et d’Alger abordent les bateaux marchands des états chrétiens, les pillent et capturent les passagers. Les captifs sont traités comme du bétail, et vendus à leur arrivée. Les jeunes femmes, y compris les religieuses, sont expédiées dans les harems des dignitaires et du sultan. Les souverains européens protestent continuellement contre ces exactions, et pourtant rien ne change. Le roi de France montre des réactions assez molles, et il ne semble pas décidé à faire la guerre aux pirates musulmans. Le dey d’Alger a beau jeu de souligner ironiquement cette attitude velléitaire : « Ces Européens ont des cœurs de femmes ! Ils ne tourmentent point leurs ennemis ! »

       De son côté, le grand Bossuet, dans son éloge de Pierre de Nolasque, écrit : « S’il y a au monde quelque servitude capable de représenter la misère extrême de la captivité horrible de l’homme sous la tyrannie du démon, c’est l’état d’un captif chrétien sous les mahométans, car le corps et l’esprit y souffrent une égale violence… »

       Un prêtre genevois de la Mission, le père Noueli, raconte que circulant en soutane dans les rues d’Alger pour visiter les esclaves chrétiens mourants, appartenant à des musulmans, il est pris par les autochtones pour un juif, et les enfants lui crachent au visage, en l’appelant « papa des hébreux » et en l’insultant copieusement. Tout chrétien ou tout juif, en tant qu’infidèle, peut être poignardé dans le dos à tout moment.

       Face à cette redoutable dégradation générale, ayant essayé tous les moyens pacifiques, diplomatiques, mis en échec par la stratégie musulmane, Vincent de Paul en arrive à ne plus se satisfaire de son Œuvre des Esclaves, et il envisage donc à partir de 1658 la manière forte pour résoudre le problème lancinant des captifs chrétiens en Barbarie. Pour cela il s’appuie sur son réseau de consuls présents dans les villes maritimes du Maghreb.

       N’obtenant aucun résultat concret de la part du roi de France, Vincent de Paul constate que les succès défensifs déjà réalisés en Afrique du Nord par les Vénitiens, les Génois et les Maltais sont utiles mais insuffisants, et il prend la décision de financer lui-même une expédition militaire pour aller au secours des esclaves et des captifs, et pour stopper les persécutions et les exactions permanentes des Barbaresques. Des notables contribuent aux frais de cette entreprise de nettoyage des côtes de l’Algérie. Mais Vincent de Paul meurt en 1660, avant d’en voir les premiers résultats. La même année, Louis XIV envoie enfin une quinzaine de navires au devant des Barbaresques. Cela aboutit à un traité, signé par le dey d’Alger en 1666, garantissant la sûreté de la navigation chrétienne en Méditerranée.

       En 1668, l’abbé Alméras, successeur de Vincent de Paul, prend en charge la supervision des esclaves chrétiens en Barbarie. Mais la piraterie islamique reprend de plus belle, et la situation continue de se péjorer. Toutefois, le sultan du Maroc accepte de négocier avec la France et ouvre Fès aux Européens, ce qui n’empêche nullement les Algériens de continuer de nuire.

       Lors des funérailles de Marie Thérèse d’Autriche, Bossuet s’exclame : « Alger ! Riche des dépouilles de la chrétienté, tu disais en ton cœur avare : je tiens la mer sous mes lois et les nations sont ma proie. Mais nous verrons la fin de tes brigandages ! »

       Un nouveau traité signé en 1684 est de nouveau violé par les forbans islamiques. La France bombarde Alger et Cherchell. En représailles les Algérois exécutent de nombreux captifs. Nouveau bombardement.

       Atermoiements du roi de France. Un peu plus tard, un nouveau projet de libération des territoires maghrébins est proposé à son successeur le roi Louis XV. Dans ses annales, le prêtre et savant italien Ludovico Muratori écrit : « Ce sera toujours une honte pour les Puissances de la chrétienté, aussi bien catholiques que protestantes, que de voir qu’au lieu d’unir leurs forces pour écraser, comme elles le pourraient, ces nids de scélérats, elles vont de temps à autre mendier par tant de sollicitations et de dons ou par des tributs, leur amitié, laquelle se trouve encline à la perfidie ».

       Ce sont les Espagnols qui maintiennent la pression et qui reprennent Oran en 1732. Mais ils ne parviennent pas à briser les chaînes des milliers de prisonniers.

       Nouveau traité signé par le Premier Consul avec Alger en 1801, aussitôt transgressé, comme d’habitude, mais le trafic s’atténue quelque temps. Lors du Congrès de Vienne, les Anglais et les Français semblent d’accord pour une intervention contre les pirates d’Alger. L’amiral Smith adresse un message à tous les gouvernements européens. En 1824, les esclaves chrétiens sont toujours au nombre d’arrivages de dix mille par an.

       C’est en 1830 que le corps expéditionnaire français fort de trente sept mille hommes débarque à Alger. Deux cent ans après son initiative, le projet de Vincent de Paul aboutit sur le terrain. Les esclaves sont libérés.

       La presse internationale salue avec enthousiasme la réussite de l’expédition. La Suisse déclare que la prise d’Alger est une victoire de la civilisation.

       « Un succès vient de couronner une glorieuse entreprise tentée contre le plus puissant des états d’Afrique asile du brigandage ! Elle promet la sécurité de la Méditerranée, elle brisera les fers des esclaves chrétiens ».

       Jules Ferry lui-même y voit un « acte de haute police méditerranéenne ».

       Les Lazaristes de Vincent de Paul maintiennent leur Œuvre en Algérie, en Tunisie et au Maroc, au service des plus pauvres.
Abbé Alain René Arbez
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.
https://www.dreuz.info/2014/07/saint-vincent-de-paul- et-les-esclavagistes-maghrebins-2-69403.html
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10 000 soldats russes
envoyés en Algérie en 1918
Par Pierre Magnan
Envoyé Par Annie Bouhier


          Début février 1918, des bateaux chargés d'environ 10.000 "travailleurs russes" quittent les ports de Toulon ou de Salonique - où les Alliés combattaient les Empires centraux - pour Alger. Qui sont ces mystérieux Russes envoyés en Algérie ?

          En fait, ces Russes ne sont en rien des "travailleurs". Ce sont des soldats qui ont été plus ou moins démobilisés sur les théâtres d'opérations français de la guerre de 1914-1918. Ces soldats russes avaient été envoyés en France dans le cadre de l'alliance franco-russe scellée à la fin des années 1870 face à la montée de la puissance allemande. Quand la Première guerre mondiale éclate en août 1914, les Allemands doivent combattre sur deux fronts, contre les Français et les Britanniques à l'Ouest, contre les Russes à l'Est.

          40.000 soldats russes livrés à la France

          En 1915, la guerre a déjà été terriblement meurtrière pour les Français. Paris décide alors de mendier auprès du Tsar Nicolas II des hommes contre des armes. La France espère récupérer 500.000 soldats, elle n'en obtient que 40.000 qui vont se battre à partir de 1916 sur le sol français et sur le front de Salonique.

          1917. Arrive la Révolution russe. L'agitation gagne les rangs des soldats russes. Le commandement français, qui doit déjà faire face aux mutineries des poilus français, préfère isoler ces Russes dans un camp, à La Courtine (Creuse). En juillet, ces soldats enfermés dans ce camp se soulèvent. En septembre, la mutinerie est réduite par l'armée française (avec un bilan officiel d'une quinzaine de tués, beaucoup plus selon d'autres sources). Alors que les bolcheviques prennent le pouvoir à Petrograd et engagent des négociations de paix avec les Allemands, Paris se demande alors que faire de ces soldats russes sur le sol français ?

          A part quelques centaines de volontaires qui choisissent de continuer à se battre, et quelques dizaines de leaders de la mutinerie qui se retrouvent détenus sur l'île d'AIx, les autres (environ 10.000) sont transformés en "travailleurs"… et Paris décide de les éloigner en Algérie pour fournir des bras dans ce territoire alors français dont beaucoup d'hommes, "Européens" comme "musulmans", ont été envoyés se battre contre les Allemands.

          "Ces Russes, on s'en méfie, ce sont ceux qui ont refusé de poursuivre la guerre. Il faut se souvenir qu'en ce début 1918, la situation est encore très tendue et la France craint encore de perdre la guerre", explique l'historien Frédéric Guelton, spécialiste du conflit, ancien chef du département de l'armée de terre au service historique de la Défense.

          En Algérie, coincés entre la mer Méditerranée et le Sahara, ces militaires paraissent tout de suite moins dangereux…

          10.000 Russes en Algérie

          A la fois libres (en principe) et militaires, travailleurs et déplacés (Frédéric Guelton refuse d'employer le terme "déporté", "en raison de la connotation du mot après la Seconde guerre mondiale"), ces Russes envoyés en Algérie ont un statut des plus flous. " Leur statut n'a jamais été définitivement réglé, ce sont les soldats démobilisés d'un pays qui n'est pas reconnu par la France. Ils sont sans vrai statut légal en droit ", explique Frédéric Guelton. Ils ne sont plus militaires mais ne sont pas autorisés à faire ce qu'ils veulent. Et restent placés sous l'autorité militaire.

          Ce nombre important s'explique. En effet, ces hommes, en général issus de la classe paysanne, n'ont qu'un souhait, revenir au pays. Résultats : les volontaires pour continuer à se battre sont très peu nombreux. " Il faut comprendre ", explique Frédéric Guelton que " quand vous proposez à ces hommes d'un pays qui a signé la paix et distribue la terre ", ils n'aient qu'un souhait: " rentrer ".

          Mais l'heure n'est pas au voyage de retour… C'est le temps de l'installation. Une installation qui inquiète… même en Algérie. " L'arrivée de ces Russes a fait peur ", confirme Frédéric Guelton. Les Français voient en effet en ces soldats des agitateurs révolutionnaires, des bolcheviques venus soulever les populations "indigènes ".

          A tel point que lorsque ces " travailleurs " débarquent à Alger, ils le font " sous escorte militaire, mitrailleuses en batterie ", raconte l'historien. Que deviennent alors en Algérie ces " travailleurs " un peu forcés ?

          " Fainéants bolcheviques " ?

          Ils se retrouvent en général dans des camps militaires, répartis dans les trois grandes régions algériennes, l'Oranais, l'Algérois et le Constantinois. Une fois installés, ils dépendent beaucoup du commandement militaire français local, qui s'implique plus ou moins dans leur vie quotidienne. Les Russes sont, semble-t-il, biens traités dans le Constantinois où ils bénéficient d'une grande liberté mais sont considérés comme des " fainéants bolcheviques " dans l'Algérois.

          " On ne sait pas grand-chose de leur vie quotidienne ", reconnaît l'historien. Les seules sources sont quelques rapports militaires retrouvés dans les archives, et surtout le contrôle de leur correspondance (la censure) par l'armée française. On apprend ainsi que quand la peur s'est dissipée, leurs employeurs estiment qu'" ils travaillent bien et sont peu payés ", au point qu'ils apportent "une telle satisfaction que les employeurs ne veulent pas les rendre".

          Officiellement ils sont payés un franc par jour, plus un franc destiné à assurer les dépenses quotidiennes (logement, nourriture, vêtements), mais cette consigne ne semble pas respectée partout. Certains estiment qu'il " faut maintenir les Russes pour remplacer les indigènes dont la perte se fait sentir ". En effet, la guerre continue de tuer et les troupes venues d'Algérie ne sont pas encore rentrées.

          Que font-ils en Algérie ? " Ils sont majoritairement paysans tandis que 8 à 10% sont employés par les chemins de fer. Mais il est difficile de définir une situation type. Chaque cas est un peu unique. Rien de commun entre un homme qui travaille dans une ferme et celui qui se trouve sur un chantier du chemin de fer; ceux détenus à la compagnie disciplinaire de Mers el-Kébir ou les employés par les chemins de fer à Alger, ou Bône; les travailleurs agricoles à Mostaganem ou à Maison Blanche ou encore mineurs dans les mines de plomb de Chabet-Kohol."

          Les archives permettent de savoir qu'en théorie, ils avaient des contrats de travail de trois mois renouvelables, qu'ils avaient un salaire d'un franc par jour plus des primes, que la religion était respectée (le dimanche était férié) et que le jour de la fin de ramadan de 1918 fut aussi férié…

          Le retour vers la Russie

          La guerre se termine officiellement même si la France n'hésite pas à guerroyer ici et là après l'Armistice, contre les forces bolcheviques notamment. La France ne reconnaissant pas le nouveau pouvoir des soviets, pas facile de trouver une solution pour les soldats russes toujours perdus en Algérie. Des pourparlers discrets ont cependant lieu à Copenhague entre Français et Soviétiques qui aboutissent en avril 1920 à un accord qui permet aux Russes volontaires de gagner l'URSS (reconnue par la France seulement en 1924).

          Reste la question de savoir si certains Russes sont restés en Algérie ? Pour Frédéric Guelton, le mystère reste entier. Surtout que les archives ne sont guère loquaces.

          La présence Russe en Afrique du Nord ne s'est curieusement pas arrêtée à cet épisode. En effet, alors que nos soldats russes regagnaient ce qui allait devenir l'URSS, de nombreux autres Russes sont arrivés dans la région…
Pierre Magnan - Rédaction Afrique



Les Forêts Algériennes
Source Gallica
ALGER ETUDIANT
N° 141, 1932

              Il est amusant, mais aussi un peu navrant, pour les Algériens, de voir combien leur pays est peu connu dans la Métropole.
              Qui de nous ne s'est pas trouvé en France, devant un interlocuteur tout surpris de ne pas nous voir noir ? Cet étonnement peut se comparer à celui de cette femme arabe qui ne pouvait imaginer qu'une Martiniquaise soit une Française.

              D'autre part, pour nombre de personnes, le Sahara est presque aux portes d'Alger, et, pour elles, l'Algérie c'est le désert, d'immenses étendues sans arbres, exposées au soleil brûlant. Les céréales, la vigne, les tomates, sont la seule végétation de ces pays africains.

              Et la surprise est telle, qu'elle confine à la stupéfaction lorsque l'on parle des " forêts algériennes ". C'est tout jute si l'on ne vous prend pas pour un aimable fumiste.

              Cependant ces forêts ne sont pas un mythe, pas même un mirage et elles couvrent bien, de leurs vertes frondaisons, d'importantes surfaces de la terre algérienne.

              On nous concède sur la foi de certains guides touristiques, les pins rabougris, les palmiers échevelés, on nous accorde encore les orangers aux fruits vermeils, les oliviers, mais ce ne sont pas là des arbres forestiers.
              Or si Ion parcourt les parcs nationaux (dénominations des forêts algériennes) d'Akfadou, du Djurdjura, de Chréa, de l'Ouarsenis dans le département d'Alger du Djebel Gouraya, de Dar el Oued et de I'Edough, dans le département de Constantine : des Planteurs en Oranie ; on est frappé de la diversité des essences rencontrées, émerveillé de la beauté des sites.

              Les cèdres au feuillage vert clair, les chênes-lièges au tronc rougeâtre, comme saignant encore du dernier démasclage, les chênes verts, les peupliers, les ormes, les frênes, les érables, les tuyas, les arbousiers, les pins d'Alep, rendent nos forêts infiniment variées et toujours plus attrayantes.

              On trouve même, près de la station de Tikjda, quelques centaines de pins ladinos, probablement les seuls qui existent en Algérie.

              De belles routes ombragées, des sous bois délicieux, des points de vue de toute beauté font de nos forêts de véritables coins de France. Leur sauvage grandeur leur donne d'autre part, un charme étrange et prenant.

              Dans les forêts de Kabylie, les singes, en toute liberté, viennent, jusque prés des voitures, montrer leurs faces grimaçantes et longtemps ils accompagnent les touristes de leurs amusantes gambades.

              Là les Alpes algériennes atteignent leur point culminant au pic de Latta Khedidja, avec 2.308 mètres. On peut accéder à ces sommets par une nouvelle route, actuellement en construction, qui double celle existant déjà entre Maillot et Michelet, mais celle-là évitant le col de Tirourda, souvent obstrué par les neiges, atteint le parc national au col de Tizi-N'Kouilal.

              Le lac qui se trouve dans la forêt d'Akfadou, près de la maison forestière d'Aguelmine Aberkane, comme celui de Tigoumamine dans le Djurdjura, les cascades nombreuses qui dans ce même massif tombent en chutes joyeuses et bruissantes, font de nos coins charmants des sites enchanteurs pour le touriste d'été.

              Ces sites pittoresques, facilement accessibles, aisément ravitaillés, doivent devenir dans un avenir prochain des centres de tourisme importants, non seulement pour les estiveurs algériens mais pour tous les hôtes de la terre algérienne.

              Malheureusement, chaque année, nos forêts sont sur des centaines d'hectares la proie des flammes, et il faut louer les services compétents des mesures de prudence et de sauvegarde qu'ils mettent en oeuvre pour enrayer les incendies dus à la malveillance ou à des imprudences. Le domaine forestier algérien doit être non seulement maintenu, mais encore agrandi pour le plus grand bien du pays.
Henri PASTRE..



PHOTOS de MARHOUMA
Par Abdou Labbize
REFUGE DE CHARLES DE FOUCAULD


GRAVURES RUPESTRES







OUED SAOURA




PUITS A BALANCIER



OUED SAOURA





PESANTEURS
De Jacques Grieu


     
         Certains trouvent bien lourd le poids de l'existence
          D'autres vivent légers en surfant sur la chance.
          De grands sages expliquent le poids du silence,
          Mais il est des discours... qui ont un poids immense.

          Le poids des souvenirs est tel le poids des ans :
          Il pèse sur chacun, mais bien différemment.
          La solitude aussi pèse d'un poids variable.
          Selon l'âge ou les goûts, plus ou moins elle accable.

          Une absence, un départ, pèsent parfois des tonnes
          Alors que bien des gens ne veulent voir personne...
          Raisonner, c'est peser, mais sur fausse balance :
          Celle de nos désirs. Il y a connivence !

          Si le poids de la dette, à certains politiques,
          Paraît un lourd fardeau, une épée fatidique,
          Pour d'autres c'est bénin, une charge légère
          Qu'effacera le temps : rien là de bien sévère !

          Peser est donc complexe et la juste balance
          Est un art qu'à l'école, aucun prof ne dispense.
          Même en apesanteur, monsieur Thomas Pesquet
          A senti sur son dos le poids de ses traités.

          Le poids de ce qu'on croit pèserait-il plus lourd
          Que le poids du savoir, de tout notre parcours ?
          Sur Mars ou bien la Lune, Saturne ou Jupiter,
          Le poids n'est pas celui qu'on pèse sur la terre !

          Peser le pour et contre est un dur exercice
          Et qui dépend souvent d'inattendus caprices.
          Le " poids " est donc un mot bien rude à définir
          Et le psy le plus fin risque de s'y meurtrir.

          Car le poids d'une charge, toujours, est fluctuent
          Suivant celui qui porte, la tête du " portant ".
          Surpoids et contrepoids deviennent nos soucis
          Bien plus que liberté, devoir, écologie.

          Sous le poids du progrès plie l'humanité ;
          On l'a rendu si lourd qu'elle en est écrasée.
          Alors lourd ou léger, on pourrait dire, en somme,
          " Porter le poids du temps est l'angoisse de l'homme".


Jacques Grieu                  



EN MEMOIRE
Envoyé par M. Louis Aymés ;
                
 
              J'ai présenté du 19 au 23 octobre 2022 une exposition " L'ALGERIE de 1830 à 1962 " à Gilly les Cîteaux, village de 720 habitants, près de Dijon. J'ai commémoré le 60ème anniversaire de notre exode dans le village où sont arrivés en fin juin 1962 mes parents.

              Une petite plaque a été inaugurée au cimetière, en hommage aux morts restés là-bas des familles Pieds-Noirs installées au village. L'Association des amis de l'histoire et du patrimoine de Gilly les Cîteaux m'a apporté son aide pour la réalisation de cette exposition. Les Pieds-Noirs contactés ont été présents.

              L'exposition comporte 30 panneaux dont 13 fournis par l'Union Nationale des Combattants de Côte d'Or, et quelques objets.

              Je remercie le Maire et toutes les personnes qui ont découvert dans cette exposition une autre histoire de l'Algérie Française.























Section Administrative Spécialisée de Seddouk (Petite Kabylie)
où j'étais Adjoint Civil.















Authentique bouteille " Amer Picon " de l'usine de Philippeville.






Bouteille (encore pleine) de vin
TARGUI de 1959.





ECHO-SOIR ORAN 24 juin 1962

Photos, documents et objets présentés de ma collection personnelle,
Louis Aymes


Tirailleur Algérien,
N°41, 13 mai 1900

Source Gallica

Le Cochon de ma Tante

            Il y a vingt ans, les hordes teutonnes foulaient de leurs lourdes bottes le sol sacré de notre patrie. En Alsace, en Loraine, en Franche-Comte, ils grouillaient, les bons petits Kapers, comme une vermine immonde, salissant tout, volant tout, tuant tout ce qui s'opposait à leur passage.

            Le 11 novembre, jour de la Saint-Martin, patron du village, ma tante Joséphine, restant fidèle quand même à la tradition, avait choisi dans sa porcherie le plus gras des animaux chers à Monselet et, aidé de ma cousine Sidonie et de mon petit cousin. Jean-Pierre, l'avait mis à mort.

            Elle supputait, déjà le nombre de mètres de boudins qu'allait rendre la défunte bête et se réjouissait à l'idée d'en faire parvenir une aune ou deux à mon oncle, vieux soldat d'Afrique qui, un beau soir, ne pouvant, résister au désir de voir de près les vautours allemands, avait abandonné la chaumière familiale pour aller à Besançon s'engager dans un corps franc, lorsque soudain, les cris de "voilà les prussiens " " retentirent dans le bourg suspendu connue un nid d'aigle au flanc des montagnes au bas desquelles le Doubs roule ses eaux tumultueuses et claires.

            En femme de tête qu'elle était, et qu'elle est encore malgré ses 70 ans bien sonnés, ma bonne tante se garda bien de la perdre et après une seconde de réflexion elle dit à ses enfants qui, apeurés, se serraient déjà autour de ses jupes.

            " Mes enfants, il ne faut pas que ces gueux de prussiens nous prennent notre cochon, Que dirait père s'il ne voyait, pas arriver le morceau de boudin qu'il attend ! Allons ! Nous allons le mettre dans un endroit où ils ne viendront pas le chercher.

            Leste, Sidonie découvre le lit et toi Jean-Pierre aide-moi à mettre la bête dedans. "

            Les enfants intrigués, obéissent sans répliquer et voilà mon animal dûment couché, enfoui. Sous les draps et la couverture, la tête dissimulée, dans un des bonnets de coton de mon oncle.

            Puis, ma tante dispose sur la table voisine deux bougies allumées encadrant un pot d'eau bénite dans laquelle baignait la branche de buis religieusement conservée depuis le jour des rameaux. Ensuite, s'asseyant près du lit, elle tira son mouchoir et se tamponnant les yeux, elle recommanda, à ses enfants de l'imiter en attendant que les prussiens, qui s'étaient déjà répandus dans le village, arrivassent à la maison.

            Tout à coup l'huis gémit sous les coups de crosse répétés d'un soudard aviné. Avec un sang-froid imperturbable, ma tante va ouvrir la porte toute grande et se trouve en présence d'une bande de prussiens qui, à la vue de deux lumières brûlant en plein midi, se doutent que la mort a passé par-là et interrogent, du regard la bonne femme qui, en s'épongeant les yeux au risque de pleurer pour de bon, leur dit :

            "Mari mort, petite vérole. " Aussitôt les prussiens de faire demi-tour et de galoper comme si le défunt leur eût mordu les chausses.

            Et voilà comment la bonne femme de tante, qui n'était pas une bête, conserva son cochon et pourquoi sa maison marquée à la craie rouge n'abrita de toute la campagne un seul casque à pointe. Les voisins n'ont jamais su pourquoi et elle se garda bien de leur révéler son secret.

X. Y.Z.



Dessèchement du lac Fetzara.
Source Gallica
EST ALGERIEN N°9, Bône, le 8 décembre 1868.

             Un projet éclos déjà depuis longues années parait prendre aujourd'hui une consistance particulière. Une enquête est ouverte au sujet du dessèchement du lac Fetzara ; la question est des plus considérables pour nous, au point de vue de l'assainissement et des intérêts agricoles.
             Le lac situé, comme chacun sait, à 18 km de Bône, entre deux massifs de montagne, est i le récipient d'un bassin de 50,000 hectares. Son altitude est de quatorze à seize mètres j au-dessus du niveau de la mer. La salure des j eaux est due à leur concentration : car il ne s'y trouve, d'après les rapports, aucun gîte ; salifère. C'est donc par suite de la longue stagnation des eaux et par l'accumulation des détritus de toute espèce que le lac exerce, pendant l'été surtout, son influence pernicieuse. L'évacuation de ces eaux et le lessivage des terres par les pluies d'hiver auraient pour résultat, au bout de trois ou quatre années, de faire disparaître le principe de cette influence.

             Ce n'est pas sans crainte toutefois que nous verrons entreprendre un travail dont il est facile de prévoir les conséquences. Nous avons tous la faiblesse de tenir à la génération actuelle ; il est à craindre qu'elle n'ait beaucoup à souffrir de l'extraction d'une immense quantité de bourbier infect et d'eaux croupissantes. Il faut que tôt ou tard on fasse disparaître ce foyer constant de corruption et de maladies ; il faut donc se résigner aux dangers du moment.
             Deux projets sont en présence : l'un à peu près indifférent aux terres que l'on pourrait arracher aux eaux, visant d'une façon spéciale l'intérêt des plaines avoisinantes, l'autre que préoccupe particulièrement la restitution ; à l'industrie des terres du lac.

             Le premier aurait pour objet, après l'écoulement des eaux stagnantes, d'établir un vaste réservoir pour les irrigations des plaines voisines : on pourrait utiliser, dans la saison des chaleurs, déduction faite de l'évaporation, une quantité d'environ 48 millions de mètres cubes d'eau. On ne rendrait à l'agriculture, sur les terres du lac, qu'une quantité d'environ 2,200 hectares.
             Le deuxième projet aurait pour résultat d'arracher aux eaux une quantité d'environ 12,000 hectares de terre. La moitié de cet espace présente, d'après les expériences faites, les qualités d'une bonne terre végétale. Le voisinage du chemin de fer donnerait au sol une valeur particulière.

             Bien que le dernier projet semble destiné à prévaloir, nous avouons que toutes nos préférences sont pour le premier.
             Au point de vue d'abord de l'utilité agricole, quels seraient les avantages en rapport avec cette immense quantité d'eau que l'on utiliserait pendant la chaleur et qui fertiliserait nos plaines ?
             Ce ne sont pas les terres qui font défaut vu le nombre des colons, mais seulement les terres productives, celles dont l'irrigation peut quintupler le rapport et la valeur.
L. DETARRlER


PHOTOS DIVERSES
Par Abdou LABBIZE
MACAQUE DE TIKJA



DJUDJURA




TAGUEMOUNT KABYLIE








TAMANRASSET ERMITAGE DU PERE FOUCAULD




TAMANRASSET MOSQUEE ILAMANE



LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica

III
LA ROUTE

pages 32 à 43

         Les trois chariots s'ébranlèrent vers deux heures du matin. Ils franchirent les portes avec un grand tapage, et bientôt commença la montée interminable des coteaux de Mustapha. Pierangélo ouvrait la marche. Rafael venait ensuite, puis un Marseillais nommé Victor, qui, comme lui, faisait la route pour la première fois. Sur le chariot de Pierangélo était couché Kadour, l'Arabe qui servait d'homme de peine.

         C'était au commencement de juillet. La nuit était ai dente et pleine de feux. Rafael, qui s'assurait de la tension des câbles, éprouva une volupté à toucher le fer de la tavelle, à l'avant du chariot. Mais, que lui faisait l'humidité chaude de la nuit ? Avec l'allégresse de la délivrance, un sentiment infini de liberté soulevait tout son être. Sa joie s'exaltait au bruit des grelots et au tumulte du char perdu dans les ténèbres et le silence. Les onze bêtes de l'équipage tendaient le jarret, déployant la file profonde des colliers étincelants.

         L'orgueil de dominer cette masse énorme et gémissante qu'elles traînaient, l'illusion du départ vers ces pays inconnus du Sud, mais surtout la fierté d'être en marche pour s'en aller si loin, tout cela s'effrénant dans l'âme de Rafael, l'emportait d'un tel élan qu'il inquiéta Pierangélo en envoyant des coups de fouet au hasard, uniquement pour se sentir vivre et répandre en larges ondes sonores le débordement de sa force.

         Au tournant du Bardo, à l'endroit où se dresse la croix de fer, soudain Alger éclata avec sa couronne de feux et les lueurs de ses phares. Rafael se retourna pour voir la ville une dernière fois. A ce moment même, une étoile filante sembla jaillir des profondeurs de la mer, et sa parabole radieuse s'infléchit magnifiquement vers les espaces, où elle se perdit dans le ruissellement des constellations. Mais l'équipage s'engageait dans le tournant. Rafael, les yeux éblouis, courut au cordeau.
         L'instant d'après, il ne s'occupait plus que du grincement des moyeux, sans doute mal graissés par l'homme de peine. Il courut en avant demander des explications à Pierangélo, et, comme la montée était toute droite, ils cheminèrent côte à côte, en échangeant de rares paroles.

         Les bruits du jour commençaient à renaître: des maraîchers attardés passaient à fond de train, se hâtant vers les halles. Des claquements de fouet et des roulements de chariots montaient des avenues de Mustapha, et de Belcourt.
         Rafael revint au cordeau pour le dernier tournant du bois de Boulogne, puis on s'arrêta devant l'auberge de la Colonne, au sommet de la côte. Deux chariots de vin étaient déjà garés devant la maison. Rafael retrouva devant le comptoir deux camarades du Faubourg, le verre de café en main. On trinqua ensemble. Ceux-ci le plaisantèrent sur son départ.

         Qu'est-ce qu'il allait faire dans ce pays de sauvages, avec les chacals et les vipères à cornes ?" Mais Rafael les traita de " jardiniers ", et c'est très sérieusement qu'il ajouta d'un air de dédain superbe :
         - Eh ! vous autres, qu'est-ce que vous parlez, espèces de marins d'eau douce ! Vous n'êtes jamais seulement sortis de la Carrière !...
         Ce fut dit d'un ton si bravache que Pierangélo éclata de rire.
         Quand ils se remirent en route, l'air frais les saisit. Le petit jour était venu. Annonçant le soleil, une large tache de sang flottait sur la mer, tout au bord de l'horizon.
         Le jeune homme songea à jeter son caban sur ses épaules. Mais cette fraîcheur du matin achevait d'alléger ses pensées.
         Pierangélo était déjà en marche. Alors Rafaël commanda ses bêtes, et, levant son fouet avec un grand geste, bien décidé à ne plus vivre dans cette ville, où il avait vécu humilié, il affirma d'un claquement magnifique l'énergie de sa volonté. Le char s'ébranla vers la descente de Birmandreis, et Alger disparut derrière la colline.

         En route, Rafael fit connaissance avec ses compagnons. Une ou deux fois, il avait rencontré Pierangélo dans les cabarets du Faubourg, et c'est tout au plus si, avant de s'embaucher, il avait entendu son nom. Il se rappelait seulement sa grosse figure rougeaude marquée de petite vérole et les soies rudes de ses épaisses moustaches blondes. Pierangélo parlait peu et gardait volontiers son quant à soi de patron. De belles blouses d'Aix, toujours neuves, le distinguaient des autres. Il passait pour avoir des terres dans son pays, des maisons à Turin et, comme il n'était pas marié, qu'on lui connaissait un oncle riche à Alger, les charretiers s'étonnaient de sa fortune. Durant les marches, son mutisme les intriguait. On le croyait absorbé par des calculs profonds, et, quand ils le voyaient faire des gestes tout seul, camper son béret à droite, puis le recamper à gauche, ses garçons disaient : " Tiens, voilà Pierre qui est en train de tirer des plans!... "

         D'autres singularités étaient pour eux un perpétuel prétexte à commentaires. Tout en nourrissant très bien ses hommes, Pierangélo était extrêmement sobre, ne buvait ni vin ni absinthe et ne mangeait que des choses extraordinaires, qu'il cuisinait ou triturait lui-même et gardait dans une boîte fermée à clef tout au fond du caisson. Sa seule friandise était le chocolat. De temps en temps, il en grignotait un morceau et, à chaque départ d'Alger, il ne manquait jamais d'en emporter une provision.

         Ces allures étranges et taciturnes contrarièrent un peu Rafael, qui était loquace, sinon pétulant, comme son père. Il crut d'abord qu'il s'entendrait mieux avec Victor, son nouveau camarade. Celui-ci était un petit homme aux chairs un peu grasses et trop roses, qui étalait un pantalon à pied d'éléphant sur des bottines claquées déjà cagneuses. Malheureusement la vantardise du Marseillais écarta tout de suite Rafael.

         Il n'avait à la bouche que les choses et les gens de Marseille, déblatérant contre l'Afrique et parlant sans cesse de la route d'Aubagne, où il avait travaillé pour un minotier.
         Pierangélo était choqué des airs de supériorité que prenait le Marseillais et surtout de son flux de paroles :
         - Ne parle pas tant, Victor !... On les connaît, les Marseillais ! Tous feignants, bavards et menteurs !... Attends un peu que nous soyons aux Gondoles ou au Banc-de-Sable : on verra ce que tu sais faire. Pierangélo, dont la figure se rembrunit, ajouta :
         - II faut que je sois fou pour être parti d'Alger avec deux apprentis comme vous autres, deux nouveaux débarqués !... Si la route est mauvaise comme la dernière fois, qu'est-ce que nous allons devenir ! Le sable était pourri et la roue enfonçait jusqu'au moyeu... Heureusement qu'à Blida je vais retrouver Salvador et les autres !...

         Ces paroles humilièrent Rafael. Mais il ne dit rien, se promettant d'émerveiller Pierangélo. Avec le soleil couchant, ils entrèrent à Blida, par la porte d'Alger.
         Il y avait tant d'équipages dans la cour de l'auberge que les arrivants furent obligés de se garer dans la rue, le long du trottoir. Un tumulte joyeux emplissait les écuries. C'était une allée et venue perpétuelle de garçons qui portaient des colliers, d'autres qui ramenaient de l'abreuvoir des rangées de mulets liés par des longes. Rafael reconnut des voisins du Faubourg, d'anciens amis de Ramon qui venaient autrefois à la maison.

         Quand il eut fini sa besogne, ceux-ci l'entraînèrent au café de la Place, prendre l'absinthe, en attendant le dîner. Sous les arcades, il y avait déjà toute une bande de charretiers attablés. Parmi eux, Salvador le Valencien se distinguait par sa haute. faille, par la pompe de ses gestes et l'exubérance de ses paroles. Un cercle l'écoutait. D'autres suivaient avec attention un compte que le vieux Vicente élaborait sur son calepin. Un peu en dehors de la bande, quelques-uns, étendus paresseusement sur leurs chaises, causaient tranquillement en se faisant cirer leurs bottines par de jeunes Arabes.

         Du plus loin qu'on vit Rafaël et ses compagnons, on les interpella, on les salua par leurs noms, en français et en valencien. Des plaisanteries et des rires accueillirent leur arrivée : - Salut, Rafaelète ! dit Salvador de sa voix de théâtre.
         Rafaël le connaissait. On se toucha la main, et Le jeune homme fut fier de cet accueil d'un ancien de la route.
         Les autres, les coudes sur la table, le dévisageaient. Lui se trouvait un peu dépaysé au milieu de tous ces hommes, bien que ce fussent, comme lui, des Espagnols de Valence ou d'Alicante. Sans doute ils ressemblaient à ceux du Faubourg, mais le métier leur avait tanné et desséché le visage, brûlé la peau, disloqué les doigts et les épaules. Ils avaient des figures de vieux routiers, semblables à celles de ces ouvriers de guerre que les condottières de jadis traînaient par le monde.

         Rafael examinait surtout le vieux Vicente (il n'était vieux qu'en apparence, car il avait à peine quarante-cinq ans). C'était un Mahonnais de haute taille. Mais on aurait dit que le soleil et la fatigue avaient vidé son corps. Il était d'une maigreur superbe, ses larges épaules perçant sous la chemise, sa tête osseuse toute grisonnante, avec deux petits yeux aigus comme ceux d'un oiseau de proie. Il avait eu le nez cassé d'un coup de pied de mulet, et une estafilade sillonnait sa joue droite, souvenir des batailles d'autrefois. Tous les muscles de son visage bougeaient sous la peau brûlée du soleil, et. quand il fixait ses prunelles, une flamme jaune comme l'or en sortait, avec une expression de volonté et de férocité terribles. Rafael, se sentant regardé par lui, baissa les yeux, et il vit sa main, couverte d'écorchures et de croûtes, dont un doigt manquait. se crisper au bord de la table, comme un grappin.

         Les autres offraient plus ou moins les mêmes traits. Chez presque tous, les instincts de ruse et de bataille se révélaient dans la plissure de la bouche et le scintillement fauve des pupilles sous les paupières clignotantes. Puis, lorsque l'attention faiblissait, lorsque la volonté semblait sommeiller dans le songe intérieur, à travers les traits détendus apparaissait une candeur d'entant, qui rajeunissait les visages.

         Quand ils quittaient le valencien, leur langue était celle qui se parle au Faubourg, cutis avec quelque chose de plus prétentieux qui sentait le commis-voyageurs. On y retrouvait les expressions boulevardières d'il y a dix ans, à côté des vieilles élégances de corps de garde apportées jadis par les troupiers de 1830. Des métaphores marseillaises se heurtaient à des dictons espagnols, des mots de sabir ou d'arabe bigarraient le français officiel appris à l'école des Frères. Et, parfois, au milieu de ces phrases bâtardes, martelées avec les rudes intonations gutturales de l'Afrique, s'enlevait une belle image robuste et saine, sortie toute vive du riche terroir de Valence, ou étincelante et dure comme les roches d'Alicante et que le mauvais français du Faubourg laissait transparaître, ainsi qu'une loque misérable.

         Rafael avait assez battu le pavé d'Alger et il avait la langue assez prompte pour se mettre tout de suite à l'unisson. Salvador, dès le premier coup d'œil, parut lui témoigner une certaine déférence et se préoccupa visiblement de son approbation. Il le regardait avec des clins d'œils, tandis qu'il accablait de ses brocards deux malheureux paysans de la banlieue de Blida, qui venaient apporter des commissions pour des parents de Bâb-el-Oued. Comme disaient dédaigneusement les Espagnols d'Alger, c'étaient deux pataouètes débarqués de l'année d'avant et reconnaissables à leurs sombreros en pointes et à leurs petites blouses de lustrine noire. Rafael en avait tant rencontré de semblables ! On les voyait errer dans les rues d'Alger, avec des airs craintifs, chaque fois qu'un bateau arrivait de la côte d'Espagne.
         Toutes les tables étaient en liesse des plaisanteries de Salvador. Quand on se leva pour aller dîner, les conversations s'échauffaient, les rires sonnaient haut et profond, un air de plaisir circulait dans les groupes.

         Sur la place s'alignaient des chaises, pour la musique militaire. La nuit tombait lentement. Par delà les arbres de la grande avenue toute droite qui s'abaisse vers la gare, le ciel était d'or rouge. Des vapeurs ardentes montaient des plaines de la Mitidja comme l'haleine lumineuse des moissons. Une faible brise rafraîchissait l'air, et la grande douceur des nuits d'Afrique descendait sur Ies choses.

         Maintenant les hommes s'en revenaient vers l'auberge. Ceux qui avaient eu le temps de changer de vêtements se déployaient en avant, en une large rangée qui occupait toute la rue, et le balancement étudié de leurs épaules, entraînant leurs blouses, rythmait les ondulations des plis. Mais sous le jeu de l'étoffe brillante, on sentait la force repliée et la violence assidue de l'effort qui avait roidi les membres et desséché les chairs. Ils allaient dans la douceur de l'air et de la nuit. La rumeur de t'ôte qui montait de la ville et de l'immense plaine les conquérait, leur donnait un besoin de plaisir et de caresses. La poussière de la route ne souillait plus leurs visages, ne collait plus leurs yeux. Leurs pieds étaient délivrés des lourds souliers qui les rivaient au sol et les faisaient se traîner parmi les sables"et les fondrières. Dans cet allègement d'une heure, dans cet-te trêve de l'incessant labeur, qu'ils savaient si brève, avec le rythme joli de leurs blouses fraîches, leurs bottines légères à talons hauts, ils se sentaient devenus des êtres précieux, des êtres de luxe, et ils triomphaient.

         Bientôt la voix de Salvador monta par-dessus les autres. Il parlait avec emphase de l'Espagne, où il était allé tout enfant, de Valence et de ses jardins, et des merveilles de sa feria. Ceux qui y étaient allés aussi confirmaient ses paroles, et ils prenaient leur part de la considération qui entourait Salvador. Quand il raconta les courses de taureaux, tout le monde fit silence.
         Il ne tarissait pas sur la grandeur de la Plaza, la magnificence des attelages de mules, l'enthousiasme, la générosité du public. Quelqu'un lança le nom de Mazzantini :
         - Quéf... Mazzantini ?... riposta Salvador, d'un ton de parfait dédain... Parle-nous de Fabrilo ! En voilà un homme!...
         - C'est celui qui a joué au Faubourg l'autre année, interrompit un grand garçon aux yeux de velours et aux moustaches victorieuses : moi, j'y étais...
         L'interrupteur, - un Arabe baptisé et vêtu à l'européenne, - excita une violente colère chez Salvador :
         - Qu'est-ce que tu parles-... Est-ce qu'un Bicot comme toi sait seulement ce que c'est qu'un taureau ? Il faut avoir vu ça en Espagne!... il ne faut pas venir nous comparer les taureaux d'Alger avec ceux de Valence, non !...
         L'Arabe humilié baissa ses beaux yeux, tellement était grand le prestige de Salvador.

         Pendant ce temps, Pierangélo faisait une scène à Kadour, l'homme de peine qui était venu s'asseoir au bout de la table - Depuis quand est-ce que les hommes de peine mangent avec les charretiers ?...
         Une autre fois tu iras manger à la cuisine.
         En attendant, tâche moyen d'avaler vite ton morceau et de retourner à tes bêtes : il faut que, dans dix minutes : j'entende racler l'étrille...
         Pierangélo ayant tiré sa montre la garda dans sa main. Les anciens l'approuvèrent : " Au jour d'aujourd'hui tout le monde voulait commander. Les hommes de peine se croyaient charretiers !... Et pourquoi pas ? Maintenant on ramassait un morveux dans la rue, on lui mettait un fouet dans la main, une culotte bleue aux jambes, un couteau à la ceinture... et voilà un charretier !...)
         Les jeunes, qui se sentaient visés, se levèrent pour éviter une dispute. Toute une bande sortit d'un air majestueux, les mains dans les poches et le torse redressé, comme pour protester contre les paroles des anciens. Sur la porte, l'Arabe injurié par Salvador fredonnait un refrain de cantique, appris jadis chez les Pères Blancs : Porte du ciel, ô Vierge mère...

         Il passa son bras sur l'épaule de Rafaël avec un geste câlin - Rafael, tu viens faire un tour ?... Il clignait de l'œil malicieusement vers le quartier des Mauresques.
         Mais celui-ci avait besoin de changer de costume. Puis, il réfléchit qu'il n'avait pas d'argent. Il rentra dans la salle où Pierangélo continuait une discussion avec Vicente et Salvador :
         - Dis ? Pierre ?... donne-moi cent sous : il faut que j'aille voir les payses !...

         Pierangélo, sans s'interrompre, tira de dessous sa blouse sa grande bourse en cuir et avança l'argent à Rafael. L'Arabe l'attendait dans la cour. Ils allèrent ensemble au chariot, d'où Rafael tira son sac à linge.

         Il se lava dans l'abreuvoir, se passa un pantalon et une blouse propres, chaussa ses bottines et secoua son béret plein de poussière. Puis ils partirent vers la Place en balançant leurs épaules, avec l'illusion d'occuper à eux deux toute la rue.
         Rafaël, à son tour, passa son bras autour du cou de son compagnon. Ce n'était pas qu'il se fût pris tout à coup d'amitié pour lui, c'était le hasard de la rencontre.
         Il avait aperçu quelquefois l'Arabe dans les guinguettes du Faubourg et l'air et les façons de celui-ci lui plaisaient.
         On l'appelait le Papas, d'un surnom que les Musulmans donnent aux Arabes convertis. Il avait été baptisé par le cardinal Lavigerie pendant la grande famine, puis élevé par les Pères Blancs. Son nom chrétien était Charles, celui du cardinal son parrain. Il avait roulé toute l'Afrique ; il avait même été jusqu'à Marseille et jusqu'à Cette, exerçant un peu tous les métiers, et il avait fini par revenir à Alger, où son astuce et sa souplesse réussissaient mieux.

         Tantôt il était portefaix, d'autres fois rempailleur de chaises, - un métier que lui avaient appris les Pères, - d'autres fois maçon, mais plus souvent charretier, car il se plaisait autour des équipages. Et quand il ne trouvait pas à s'employer plus honnêtement, il louait ses services à des Anglaises amoureuses de couleur locale.
         Il était, en effet, très beau. C'était, avec quelque chose de plus robuste, la beauté andalouse dans tout son épanouissement. Le torse fièrement jailli de la taillotte rouge et drapé de la chemise d'un bleu sombre et luisant comme un acier, il formait avec Rafaël un merveilleux couple.

         Sur la place, les charretiers s'écartèrent pour les faire entrer dans la bande. La musique jouait. L'air était toujours très doux. Seulement la chaleur des respirations et des sueurs humaines l'alourdissait un peu. On s'assit sur la terrasse du café, puis, gagnés par le mouvement de la foule, troublés par les valses sentimentales de l'orchestre, ils partirent " en bombe " pour le quartier des Mauresques.

         Avec la marche et les conversations, la fureur de plaisir s'exaspéra. Des cris brutaux, des rires s'élevèrent. Dans une petite rue, on croisa Pierangélo et le vieux Vicente, qui rasaient les murs d'un air mystérieux.
         - Hô ! Pierre ! cria Rafael, par besoin d'expansion.
         Mais ceux-ci firent semblant de ne pas entendre.
         - Laisse les patrons ensemble, va ! dit le Papas... chacun de son côté!...
         L'Arabe baissant la voix, confia à Rafael que Vicente et Pierangélo connaissaient dans le quartier une Italienne qui, par ses talents,, valait à elle seule toutes les Mauresques et toutes les Espagnoles.
         Tous deux poussèrent un grand éclat de rire, puis ils pressèrent le pas pour rejoindre les autres, tandis que le Papas lançait d'une voix traînante le refrain de son cantique :
Porte du ciel, ô Vierge mère...

         Le lendemain ils ne partirent qu'à six heures, car chacun était brisé de fatigue. Salvador s'était joint à eux, avec le chariot qu'il avait fait charger à Blida.
         Alors, pour Rafael, les étonnements commencèrent. Ce furent d'abord les gorges de la Chiffa et la fraîcheur des montagnes, où de minces filets d'eau forment des cascades. La verdure des chênes-lièges et des pins qui descendaient jusqu'au fond des vallées rafraîchissait encore les yeux, quand les roches de la route s'échauffaient avec le soleil et renvoyaient des ondes de chaleur sèche. Au coucher du soleil, Médéa apparut au milieu de ses jardins peuplés d'arbres de France. Des cerisiers encore chargés de fruits, des pêchers et des pruniers lui faisaient une ceinture verdoyante. Avec les bâtisses régulières de ses casernes, dominant les cimes et les vallées du Nador, elle avait l'air d'une petite sous-préfecture de France, dans un pays perdu.

         Cependant Médéa avait à cette époque une animation particulière qu'entretenait le roulage. Les charrons et les bourreliers travaillaient sans cesse, les cabarets étaient nombreux et bruyants. Il y avait des bals et des cafés-concerts, dont les charretiers, plus que la troupe, formaient la clientèle.

         Rafaël, promené dans la ville par Salvador y goûta une dernière impression de confort et de plaisir, avant de s'enfoncer dans la sauvagerie du Sud. Il y retrouvait quelque chose de la douceur et de la mollesse d'Alger. Le soir, au café, les toilettes des chanteuses l'enthousiasmèrent.
         Puis, avec toute la bande, il courut les petites maisons mauresques, où des Juives les accueillirent, accroupies sur des nattes, au fond d'un patio peint en bleu.
         Après le joli village de Damiette, la solitude se fit plus grande, les vallées plus arides, les montagnes plus brûlées de soleil. On pressentit l'haleine étouffante du Sud et la stérilité des sables.

         Sur les sommets sans ombre, entre les roches roses des vallées, la chaleur devint plus âpre. On traversa Berrouaghia, après y avoir couché, et, le même paysage recommença.
         Une somnolence semblait engourdir les équipages. Pierangélo boudait Victor et ne lui adressait la parole que pour le quereller. Salvador chantonnait sur son Porte-feignant. Mais Rafael, tout à la joie de ce premier voyage, luttait contre la brûlure continue du soleil et l'aveuglement de la lumière. Il ouvrait sur tout des yeux avides, comme s'il eût voulu se nourrir de la force de ce pays, où désormais il allait vivre.

         Lorsque les équipages arrivèrent au sommet du Mongrono, à l'endroit où la route fait un coude brusque, il eut un moment de stupeur devant l'immensité de l'horizon. Des cimes ondulaient à perte de vue jusqu'à Boghar. Le soleil, qui se couchait derrière l'Atlas, déployait au-dessus des montagnes deux grandes cornes de lumière, dont l'envergure démesurée semblait reculer encore la profondeur du ciel. Rafael songea aux camarades rencontrés à la Colonne, le jour de son départ ; il vit ceux des carrières, toujours collés au cordeau dans les rues étroites d'Alger, sous l'œil du maître et de la police, et il en eut pitié.

         Eperdu par la liberté de l'espace, il aspira l'air à pleins poumons avec une véritable ivresse.
         Après une nuit reposante au Camp des Zouaves, on vit enfin les bâtisses militaires de Boglhar, tout en haut de la montagne.
         Au-dessous, le rocher aride de Boghari s'ouvrait en une brèche farouche, comme la vraie porte du Sud. Par delà le village européen, les murs blancs du Ksar luisaient au front de la colline, et, avec ses petites maisons aux fenêtres mystérieuses, il avait l'air antique comme la terre elle-même.

         C'est le repaire des marchands juifs et des Ouled-Naïls, servantes d'amour. Depuis des siècles, sans doute, elles se tiennent là, sur cette porte du Sud, pour accueillir ceux qui s'en vont vers les régions désertes. Immobiles sous leurs diadèmes de pièces d'or et leurs bracelets massifs comme des entraves, elles semblent attendre éternellement celui qui passe. Elles sont la joie violente et brève entre les longues journées de fatigue, et le souvenir de leur chair accompagne le voyageur à travers les sables.

         Suivant la coutume, les charretiers, eux aussi, montèrent chez les Ouled-Naïls. Cette montée du Ksar était pour eux comme un rite essentiel, une des obligations du voyage. Mais, lorsque Rafael les vit pour la première fois accroupies sur le seuil de leurs portes, avec leurs joues teintes de carmin, leurs gros yeux stupides et leurs lèvres voraces, il en éprouva un tel dégoût qu'il ne voulut pas subir leurs caresses. Salvador se moqua de lui, et pour l'habituer, disait-il, il offrit immédiatement à une des femmes désireuses de revoir son pays de l'emmener sur son chariot jusqu'à Djelfa.

         A la pointe du jour, elle parut dans la cour de l'auberge, enveloppée de ses voiles et traînant derrière elle une forte odeur de musc et de girofle. Salvador lui avait préparé à l'avant de son chariot ce qu'il appelait une guitoune. Il avait étendu un matelas sous la bâche et disposé celle-ci de manière à former une petite tente, comme celles qu'emploient les Arabes pour faire voyager leurs femmes à dos de chameau.

         La Mauresque (c'est ainsi qu'on les appelle indistinctement) refusa toute aide pour grimper jusqu'à son nid. Elle escalada lestement les barils et les caisses, en faisant tout un cliquetis de colliers et de plaques de métal; et déjà, rejetant son voile, elle s'installait sur le matelas, lorsque Pierangélo vint se camper devant le chariot, en la regardant d'un air de mauvaise humeur.
         - Salvador, un peu gêné, lui dit : - J'emmène une gazelle jusqu'à Djelfa...
         Pierre ne répondit pas, et, fronçant les sourcils, il tourna les talons.
         - Il est drôle, le patron ! dit Salvador à Rafael.
         C'est en effet la coutume des rouliers du Sud d'emmener des Mauresques avec eux. Les uns les prennent par intérêt (car souvent elles paient une rétribution), les autres, par plaisir, et il est rare de rencontrer un convoi où il n'y en ait pas au moins une. Elles s'y prêtent d'ailleurs très volontiers, obéissant peut-être à une très ancienne tradition, comme ces femmes qui, jadis, suivaient les armées des mercenaires, confondues au milieu des goujats et des marchands de vivres.

         En parlant, on vit luire une dernière fois les murailles du Ksar par une fente du rocher, et l'on entra dans un pays étrange. Les équipages s'engagèrent dans ce long couloir qui conduit à Bougzoul. Le soleil se levait. L'air était frais comme dans le voisinage des sources. Derrière les crêtes, la lumière indécise avait quelque chose de suave. De grands voiles de vapeurs lilas revêtaient les contours tremblants des montagnes. Aux flancs des roches arides, les violets et les mauves s'adoucissaient, les verts et les roses devenaient plus pâles. Les sommets s'arrondissaient comme des seins.
         Trois autres, plus élevés, semblaient des coupoles de porcelaine peinte. Sous les voiles légers du matin, la terre prenait une couleur vermeille. Elle luisait ardemment à travers les vapeurs languissantes. Elle vibrait déjà au choc du soleil.

         C'est la fin des cultures et des villes. Plus rien que les grands espaces blancs de lumière, où la vie paraît éteinte. Il faudrait aller jusqu'à Djelfa pour retrouver les coutumes et les choses familières. Victor, à cette idée se désespérait. Le soleil plus haut le criblait de ses brûlures. Puis il l'enveloppa bientôt comme l'haleine d'une fournaise. Ses lèvres se gercèrent : il mourait de soif.
         Mais Rafael, en entrant dans ce Sud depuis si longtemps désiré, éprouvait comme la joie d'une conquête. Sous les ondes de la chaleur, son énergie s'exaltait. Il triomphait de sentir ses veines plus ardentes que le soleil.

         Lorsqu'au bout de la route il vit briller les puits de Bougzoul dans la blondeur des terres, il courut en avant toucher les margelles, et, comme un enfant, il se pencha par l'ouverture de la kouba, pour troubler l'eau noire en y jetant du sable.
         Avant de pénétrer dans la cour du premier caravansérail, Salvador lui montra un peu plus loin celui de Juan le Mahonnais, l'ancien ami de son père. C'était le type du caravansérail algérien, avec sa forme quadrangulaire, ses murs blanchis à la chaux et flanqués de tours rondes, ses étroites meurtrières et sa haute porte de forteresse. Rafael apprit qu'on s'y arrêterait en descendant de Laghouat.

         Tandis qu'ils buvaient l'absinthe devant le comptoir de l'auberge, la petite vieille qui les servait jasait intarissablement avec Pierangélo, comme si elle déliait enfin sa langue, après des semaines de silence. Elle portait une coiffe de dentelles à la mode des femmes du Poitou, et ses petits yeux noirs brillaient comme des yeux d'oiseaux. Montrant la maison vide, elle dit à Pierangélo ; Ils sont partis pour Guelt-es-Stel !
         Rafael entendait ce nom de Guelt-es-Stel pour la première fois. Il sonna étrangement à ses oreilles. C'était sans doute un pays merveilleux, et il se réjouit d'y arriver.

         Dehors, la houle de la lumière et de la chaleur les enveloppa de nouveau. Le désert de Bougzoul commençait. Il était midi. Les terres se confondaient avec le ciel incandescent. Pas un arbre, rien que l'étendue brûlante, où le mirage faisait lever des vapeurs au-dessus de lagunes illusoires. Par delà les dunes d'El-Krechen et pour quinze jours, dit Salvador... Pour sûr, je vas sentir le musc jusque Alger...
         La Mauresque ne parut ni surprise ni fâchée de cette visite. Elle les regarda monter l'un après l'autre avec ses gros yeux inertes. Rafael se décida le dernier. Il finit par s'assoupir auprès d'elle, accablé par la chaleur étouffante qui s'amassait sous la bâche. Vers trois heures, une petite brise imperceptible fit passer un peu de fraîcheur sur ses tempes. Il ouvrit les yeux. La Mauresque, assise sur ses talons, chantait une interminable et monotone mélopée, qui se perdait dans le grand chant de la terre.

         Un cavalier passa très vite, son fusil en travers de la selle ; au bord de la route, un berger chassait les troupeaux effrayés par les chariots, en levant ses bras maigres avec de grands geste. Puis la chanson grêle d'une flûte et une rumeur de voix lointaines arrivèrent portées par la brise. C'étaient des moissonneurs arabes dans un champ de blé, tout au bout de l'horizon. Cette rumeur de flûte qui passait à travers la plaine déserte et ces voix perdues à des lieues frappèrent étrangement Rafaël et le réveillèrent comme en sursaut.

         Immédiatement il sauta à bas du chariot. Les Gondoles commençaient, et Pierangélo s'inquiétait déjà de ne pas le voir, à côté de ses bêtes.
         Ces Gondoles, - la terreur des charretiers, - sont des rigoles profondes creusées par les eaux de pluie, qu'elles amènent des hauteurs d'El-Krechen jusqu'à une vaste cuvette, où elles forment un lac. L'hiver, les équipages s'y embourbent jusqu'aux essieux. L'été, elles sont pleines de surprises. Le sable mouvant se creuse tout à coup, l'équipage s'arrête, comme si un coup de frein immobilisait les roues. Souvent il faut batailler des heures entières pour se ravoir.

         Cette fois, grâce à la grande sécheresse, on passa sans encombre. Néanmoins la piste devenant de plus en plus mauvaise, il fallait guetter sans cesse les ornières possibles. Chacun ne s'occupa plus que de son équipage.
         Ils marchaient encore, lorsque soudain le crépuscule tomba. Les montagnes bleues de Guelt-es-Stel se dessinèrent avec une netteté splendide sur la limpidité du ciel pâli.
         L'horizon fuyait vers des lointains lumineux, et l'on eût dit qu'un grondement de houle roulait à travers la steppe. Rafael sentait ses oreilles bourdonner, comme un plongeur sous la vague. Puis il lui sembla entendre un fracas de tonnerre qui se perdait dans les solitudes illimitées. Un grand vent s'éleva tout à coup et les choses entrèrent dans la nuit.

         La bâche du chariot claquait au vent. Les bêtes rafraîchies hennissaient de plaisir. Les poitrines des hommes se dilataient au souffle venu du large. Comme balayées par lui, les profondeurs cristallines du ciel resplendissaient. On voyait toutes les étoiles.
         Le chariot paraissait monter et grandir avec l'ombre. La masse sombre de la bâche s'élevait très haut et se détachait sur le vaste horizon, comme le dos d'une bête gigantesque. Une lune de sang incendia le ciel, et ce fut la pleine mer. Cette chose énorme, en marche à travers les terres silencieuses, en augmentait le vide et la désolation. Elle mit au cœur de Rafael une soudaine détresse, comme si brusquement tout l'abandonnait. Une sourde inquiétude ; l'obligea à tourner les yeux autour de lui, puis à lever la tête, et, pour la première fois de sa vie, il regarda le ciel.

         Pierangélo l'aborda à ce moment-même, et, lui prenant le bras, il lui montra dans le champ des constellations les sept pointes brillantes du Chariot. Ensuite, par la ligne des roues, il conduisit son regard jusqu'à l'étoile du pôle :
         - Si jamais, la nuit, tu perds le frayé, tu n'as qu'à chercher celle-là, dit Pierre, celle qui brille plus fort que les autres : c'est le nord, c'est la côte d'Alger !... là-bas, c'est Laghouat, Chellala, Bou-Saada...
         De son bras étendu, il désigna les quatre points de l'espace.

         Alors Rafael, les veux fixés sur le Char céleste, s'imagina voir un attelage prodigieux, roulant au-dessus de leurs têtes, dans l'étincellement des harnais et l'éclair du fouet brandi aux côtés des chevaux par le Charretier divin. Celui-là aussi, au milieu des solitudes du ciel, il semblait infléchir sa course vers quelque Sud inaccessible. Et Rafael, l'ayant contemplé un instant, sentit une obscure fraternité le lier à ce lointain conducteur qui menait le chariot des étoiles.
         Ses yeux retombèrent aussitôt sur son équipage à lui, qui, en ce moment, gravissait la montée d'EI-Krechen. On passait auprès d'écuries abandonnées. Le vent engouffrait dans les ruines ses grandes ondes sonores.
         Puis on vit luire faiblement les murs blanchis de l'auberge. Elle était si misérable que Pierangélo préféra camper et faire la cuisine de ses hommes un peu plus loin. On se borna à attacher les bêtes dans les hangars, où elles seraient mieux pour se reposer.

         Ce fut un cruel désappointement pour Victor le Marseillais, qui attendait avec impatience l'arrivée à l'étape, et qui, au seul nom d'auberge, s'était ressouvenu de sa route d'Aubagne. Il venait de perdre une de ses petites bottines claquées, dans un trou de boue vaseuse, et, comme il n'avait pas d'autres chaussures, il avait dû accepter les espadrilles de Salvador.
         La vue de la casserole, où chacun plantait sa cuillère dans le riz au safran, lui ôta ses dernières illusions. Il regarda ses compagnons de route : ceux-ci paraissaient goûter fort cette nourriture épaisse. Décidément il n'était pas d'avec eux, il n'était ni de leur race, ni de leur métier.

         Quand il se coucha aux côtés du chariot, il eut presque peur du grand ciel clair où des rafales passaient encore au-dessus de sa tête et des terres pleines d'ombres qui, par une descente rapide, semblaient s'enfuir, comme une plage, vers des mers inconnues.
         Le lendemain, quand on se fut engagé sur le plateau brûlant d'Aïn-Oussera, Victor, aveuglé par la lumière, les poumons brûlés par l'haleine des sables, sentit tout à coup sa volonté fléchir. Il se crut perdu. Il eut envie de laisser là son équipage, de se coucher n'importe où. Puis, se roidissant, il s'accrocha des deux mains à la mangeoire, qui ballottait à l'arrière du chariot, et il se fit traîner ainsi jusqu'au caravansérail.
         Maintenant ses pieds saignaient dans ses espadrilles, où s'étaient glissées de petites pierres très dures. Il n'attendit même pas d'avoir dételé ses bêtes pour demander son compte à Pierangélo. Le soir même, il prit la diligence, et, deux jours après, il se rembarquait pour Marseille.

         On parla longtemps de l'aventure du Marseillais. Ses bottines claquées furent célèbres. Salvador en fit une chanson. Pierangélo, enchanté du départ de Victor, obligea Kadour à prendre son équipage, en attendant qu'il lui eût trouvé un remplaçant. Rafael se compara - fièrement au Marseillais, et la certitude de sa force lui fit oublier sa fatigue.
         D'ailleurs la soirée fut moins accablante. Un orage, dans la région de Djelfa, avait rafraîchi l'air, et, en arrivant à Bou-Cedraya, chez Patrocinio l'alfatier, on trouva, pour se réconforter, une excellente soupe aux garbanzos.
         C'était un petit coin d'Espagne perdu dans te Sud africain. Le patron, avec ses grandes bottes de cuir jaune, sa ceinture de chasse sanglant son ventre trop fort et son gigantesque sombrero, était un vrai type de Sancho Pança. A table, on rencontra des jeunes gens d'Alicante et de Carthagène, qui travaillaient à l'alfa. Ils lièrent tout de suite conversation avec les charretiers. Bientôt les guitares sonnèrent, et l'on chanta des romances du pays. Des femmes, avec des enfants sur le bras, vinrent demander des nouvelles de leurs parents d'Alger.

         Au lever du soleil, après la nuit passée sous le chariot, les toits en pisé des écuries resplendirent dans la lumière d'or du matin. Rafael but une eau glacée que les Arabes venaient de tirer du puits, et l'on se remit en marche à travers l'alfa. Dès sept heures, le rayonnement de la lumière redevint aveuglant et la chaleur accablante. On chemina, les yeux à terre, au bruit monotone des essieux et des grelots. Un Arabe à cheval, avec un enfant en croupe, s'approcha pour demander à boire.

         Puis on compta les jujubiers et les pistachiers, qui s'échelonnaient à de très grandes distances les uns des autres. Salvador, pour faire parade de sa mémoire, les annonçait longtemps d'avance à Rafael. Tout au long de la steppe, d'une splendeur morne sous le ruissellement du soleil, les montagnes bleues de Guelt-es-Stel semblaient fumer à l'horizon dans une buée de vapeurs ardentes.
         On y arriva, enfin, après une matinée si torride que l'étape avait paru double. C'était un couloir de roches, envahi par une coulée de blocs erratiques. Au fond, l'éternel caravansérail, avec ses murs blancs et ses étroites meurtrières.
         Quelques cultures alentour, puis plus rien que des pierres. Rafael en fut secrètement déçu. Guelt-es-Stel s'éteignit dans son souvenir, et il ne se rappela de son passage que d'étranges papillons noirs, aux ailes lourdes comme du velours, qui se posaient sur les touffes d'alfa et jusque sur les colliers des bêtes.
         En passant, Pierangélo embaucha un garçon d'écurie arabe pour remplace Kadour, qui se plaignait déjà de son surcroît de besogne, et, comme le trajet était fort court, on ne se pressa pas pour arriver au Puits-Baba.

         Par delà les Terres Rouges, soudain la plaine s'élargit comme un grand lac, de nouvelles montagnes apparurent à l'horizon, très loin. La kouba du puits commença à briller dans les sables. On distingua une petite maison blanche et quelques gourbis disséminés aux environs. Des équipages étaient arrêtés auprès, que Salvador reconnut immédiatement pour ceux de Bacanète.
         On vint se ranger à côté d'eux, à proximité d'une hutte en terre, habitée par un Espagnol de Carthagène, qui vendait de la paille et de l'orge aux charretiers et qui leur prêtait ses ustensiles et sa vaisselle pour leur repas.

         Un des garçons de Bacanète, celui qu'on appelait le Grand-Philippe, surveillait deux énormes chaudrons posés sur .des briques. La taille ceinte d'un sac en guise de tablier, il s'avança vers Pierangélo, une spatule de bois à la main, et lui tit goûter un morceau du foie et du gésier de la volaille, qui cuisait pour le souper.
         On prit l'absinthe avec ceux de Bacanète, après quoi on détela les bêtes, on tendit les hamacs entre les timons en guise de mangeoires, et on musa longtemps à placer et à déplacer des caisses et à retendre les câbles. Il était nuit depuis longtemps quand les hommes se décidèrent à venir manger. Ils s'assirent en cercle autour du chaudron, sur des seaux renversés et des sacs de paille. Bacanète, gaillard courtaud, aux cheveux crépus et aux oreilles évasées, fit la joie des convives par ses plaisanteries et ses incongruités. C'était le loustic de la route. Il disait d'énormes sottises, puis tout à coup il se soulageait avec fracas, et les hommes riaient aux larmes, comme de grands enfants.

         La nuit fut rayonnante et paisible. Rafael, roulé dans sa couverture, se laissait aller à la douceur menteuse de la terre endormie. La blancheur du puits brillait vaguement sous les étoiles, et l'ombre transparente de la kouba faisait une oasis de fraîcheur et de recueillement au milieu des sables. Salvador, qui grattait ses colliers, chantait à voix haute:
Cierrame el pestillo,
Que esta noche vengo
Para dormir contigo (i)...

Ferme bien la porte, car cette nuit je viens, pour dormir avec toi.

         La voix montait dans le silence de la steppe et, avec ses modulations traînantes, elle était d'une ampleur grave, presque religieuse.
         Ils n'arrivèrent que le soir au Rocher-de-Sel. Ils virent les roches tumultueuses, figées dans une ébullition géante, sur les berges de l'oued, le sel à fleur de terre, comme une tombée de neige.

         Le lendemain, les sommets boisés se développèrent jusqu'au morne Djelfa aux constructions géométriques. Pierangélo s'y arrêta toute une journée pour décharger des marchandises. Dans l'après-midi, après avoir passé des blouses propres, les charretiers allèrent déposer une couronne sur la tombe du vieux Fernando, un ancien du métier qui était mort écrasé au cours du précédent voyage. Le soir, ils firent la visite accoutumée à la rue du M'zab, où se tiennent les Ouled-Naïls.
         On se remit en route à travers les plateaux dénudés de Djelfa. On vit l'Oued-Cédeur et son auberge abandonnée, les petites maisons blanches d'Aïn-el-Ibel, les lauriers roses de Gueit-el-Ouest, où l'on s'arrêta pour faire boire. La monotonie des horizons désespérait Rafael, et il était de plus en plus impatient de voir Laghouat. Enfin, le second jour, vers trois heures du soir, une large. ouverture apparut dans les montagnes, comme celles que font, à Bougzoul, les estuaires des fleuves formés par les mirages. Le ciel, extraordinairement pur, paraissait d'une hauteur démesurée. On eût dit la porte immense d'un nouveau Sud. Des plages de lumière allaient se dérouler à l'infini.
         - Regarde ! dit Salvador à Rafaël : Laghouat est là-bas, tout au fond, derrière le soleil !...;
         Le quatrième jour, à l'aube, après avoir franchi la brèche du Chapeau-de-Gendarme, on aperçut l'oasis de Laghouat, avec ses verdures miraculeuses, au milieu des rochers et des sables.

         Immédiatement commença la Prise d'eau, cette large cuvette sablonneuse, que creuse, en se perdant, la boucle de l'oued M'zi. Rafael s'en effraya, sachant, par les récits des anciens, que c'est un des endroits les plus dangereux pour les équipages. Il fallut doubler. Mais, quand il se vit à la tête de vingt-deux mulets, au milieu du claquement des fouets et du tintamarre guerrier des grelots, sa poitrine se dilata de joie et d'orgueil, et il lança si vigoureusement l'attelage qu'il ne s'arrêta que sur l'autre rive, devant le café maure, Pierangélo lui dit :
         - Tu n'es pas un figurant, toi, au moins!... Tu seras un meneur de bêtes...

         Le compliment de Pierre sonnait encore à ses oreilles, lorsque les équipages s'engagèrent dans l'avenue de platanes qui conduit à la ville.
         Dans son impatience de tout voir, Rafael s'irrita des lenteurs de Pierangélo, qui n'en finissait pas de décharger les chariots. Quand tout fut terminé, il s'empressa de faire sa toilette, et, accompagné de Salvador, il se mit à rouler par les rues. Ils visitèrent d'abord un marchand juif, un client de Pierre, à qui Salvador extorqua un mouchoir de soie, puis ils firent des stations chez les innombrables cabaretiers européens.
         Ils virent les casernes et le cimetière et, à la nuit tombante, ils montèrent jusqu'à la plate-forme de l'hôpital, d'où l'on domine la ville.

         C'était l'heure où les M'zabites se rassemblent sur les terrasses pour la prière du soir. De toutes parts s'élevait une psalmodie grave, l'Angélus tintait à l'église, et le peuple des palmiers, serrant sa ceinture d'ombre autour des murailles, faisait une rumeur de foule. Rafael et Salvador, s'étant accoudés sur le parapet du rempart, regardaient la mer des sables :
         - Tu vois là-bas ? dit Salvador... c'est Ghardaïa !
         - Tu y as été, toi ?
         - Non ! mais on ira un jour, pour sûr...
         Devant eux, ils voyaient comme une houle violette miroiter dans le crépuscule et rouler vers le désert. Des glacis roses, pareils à ceux des lames au soleil couchant, glissaient par places sur la nappe changeante. En un instant, tout se rembrunit.
         L'étendue des terres devint mate et dure. Une petite lumière intermittente s'alluma très loin. Les psalmodies avaient cessé. On n'entendait plus que l'aboiement des chiens et le craquement éternel des palmes.

Louis Bertrand



VOYAGE
Par M. Bernard Donville
                Chers amis,

            Salut à tous, j'espère que c'est la besse!

            Notre hiverneur s'aventure (avec le N° 3) vers l'ouest en direction de l'oranie en partant au plus près de la mer par la côte turquoise. C'est en bout de cette étape qu'il va rencontrer l'histoire ancienne de notre pays avec le tombeau de la chrétienne et le site de Tipasa( pour moi un régal).

            Le N° 4 nous améne à Cherchell, Tenes, Mostaganem et enfin voilà Oran. Ca fait un long trajet. Mais il faut revenir et le choix s'est fait par l'intérieur vers l'Ouarsenis Et l'ami Duboucher fut content de voir qu'ils étaient passé par le village de son enfance: Teniet el Haad. Découvrez tout ça en attendant la prochaine fois de vous retrouver à Alger .

            Bonnes lectures,
            Amitiés, Bernard
Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers

3 - Vers Oran

4 - Oran

A SUIVRE



LA PARODIE DU CID
EXTRAIT envoyé par M. Parent et M. Brasier



La seule parodie amusante et curieuse des grands maîtres est faite
par leurs disciples et leurs admirateurs.
Théophile Gautier




La Parodie du Cid a été
représentée pour la première
fois le 3 novembre 1941
au Théâtre du Colisée, à Alger



PERSONNAGES et INTERPRETES

     DODIÈZE, marchand de brochettes courtier électoral :.... Gabriel ROBERT
     GONGORMATZ, dit "Le Comte3, Ancien patron coiffeur,: Raoul ROLLAND
               courtier électoral
     RORO, chômeur, fils de Dodièze : ………………....................L'AUTEUR
     Monsieur FERNAND, député : ………………….............Philippe ROBERT
     ALPHONSE, agent électoral : …………………..........................BALDINI
     AYACHE, Agent électoral : ………………….................Emmanuel ORTS
     ALI, petit commissionnaire ……………………................................X...
     CHIPETTE, sans profession, fille de Gongormatz, : ……Hélène MELE
               fiancée de Roro
     Madame CARMEN, propriétaire : …………………........Paule JOURDAN
     FIFINE, bonne à tout faire chez les Gongormatz : ………Nicole HEBERT
     FATMA, femme de ménage chez Madame Carmen : ……Jean VAROR
     LA SANCHE
     La scène est à Bab-El-Oued, à Alger, sous la IIIème République

La dernière reprise publique, du vivant de l'auteur, a eu lieu en 1964 au théâtre de Bobino, à Paris, avec, dans les rôles principaux, Françoise FABIAN (Chipette), Marthe VILLALONGA (Madame Carmen), Albert MEDINA (Dodièze), Philippe CLAIR (Roro) et Lucien LAYANI (Gongormatz).

ACTE IV

SCENE PREMIÈRE
(Sur la place publique
Devant la maison de CHIPETTE)

FIFINE ; CHIPETTE

     CHIPETTE
     I sont vrais, ces faux bruits ? Allez, joue, ô Fifine !

     FIFINE
     Ça qu'il a fait Roro, jamais tu l'endevines.
     Tout le monde i reste axe et personne i le croit
     Que ce petit bâtard i n'en vaut deux ou trois.
     Les morts, en devant lui, i z'ont mouru de honte.
     I s'les prend, i s'les garde, i s'les cahe, i s'les compte
     Et c'matin à bonne heure i s'les a fait voter !
     La victoire à Fernand bessif qu'i va rester,
     Et Lopez le vendu, la tomate i s'avale.

     CHIPETTE
     A de bon c'est Roro qu'i fait cet escandale ?

     FIFINE
     Oir-moi ces esculett' qu'i sont là tous les deux.
     I s'les a fait cadeau, pour sa fête, à le vieux.

     CHIPETTE
     Aousque ti'as trouvé ces blocs ! Au bout du mole ?

     FIFINE
     Tout Bablou'ette i le dit, alors, je suis pas folle?
     Rien que le monde i chante : " Et vive à Rodriguez
     Qu'en-d'sur les oss des morts i fait tomber Lopez ! "

     CHIPETTE
     Ouais, mâ Monsieur Fernand, comment qu'i prend l'affure ?

     FIFINE
     Atso ! tu oudrais pas qu'i marronne, ô fugure ?
     Et si tu ois le vieux, c'est le mi, le papaz.
     De tant qu'il est content, tu te crois qu'il est gaz.
     T't à l'heure i va venir. I se met la jaquette
     Pour qu'on fait sa photo vec les deux esculettes.

     CHIPETTE
     Aousqu'il est Roro ?

     FIFINE
     Le bon Dieu qui le sait !
     Oh tu viens pâle et tout ! Ti'as peur qu'il est blessé ?

     CHIPETTE
     Qu'est-c' que j'a peur ? J'a peur que le boeuf i me tombe.
     A ma pauve manman j'y a juré d'sur la tombe.
     Je suis là, je t'écoute et je perds le compass,
     Roro 'est le lion, Roro c'est l'as des as !
     Allez ! l'honneur d'abord et l'amour en errière !
     S'il a charrié les morts, i m'a tué mon père.
     Cinq cents francs du docteur et des médicaments !
     Sanche encore qu'on a pas des frais d'enterrement !
     Avant qu'il est guéri, y'en a pour trois semaines.

     FIFINE
     O Chipette, entention que la grosse i s'emmène.

SCÈNE II

CHIPETTE, FIFINE
Madame CARMEN, FATMA

     Madame CARMEN
     Va, je viens pas ici pour lancer des calembours.
     Je viens pourquoi je sais aussi ça qu'c'est l'amour.

     CHIPETTE
     Quel amour ? Y'a des saints autant qu'y'a des églises.
     Le commerce i va pas ? qu'estc' tu veux ? C'est la crise !
     O Carmen, fais risettes et laiss'-moi marronner.
     Çuilà-là qu'i se mouche il a la morve au nez,
     Va, tu fais pas semblant que tu joues au triate,
     Comme un qu'i n'en a gros en-dessur la patate !
     A Fernand la victoire, à Roro le pompom !
     C'est moi, c'est rien que moi qu'j'a pris le saucisson !

     Madame CARMEN
     O Chipette, il a fait un coup !... Cet un' merveille !

     CHIPETTE
     Ça fait deux fois qu'ce bruit i m'revient dans l'oreille.
     Radio-Trotroir tu prends ? Tu retard', et continent !
     Dernièr' nouvell' du soir : je vas m'fair un amant !

     Madame CARMEN
     Va de la ! qu'est-c tu chin' a'c les gens qu'i connaissent ?
     O Chipette, à Roro ti'as donné la promesse.
     S'il est oyou dans l'âme, i connaît rien qu'à toi ;
     S'i s'rait même un voleur, tu sanges pas le choix.

     CHIPETTE
     S'i s'rait rien qu'un voleur, ô Carmen, je t'le donne,
     Mâ un p'tit assassin, je m'le laisse à personne
     Le lait on me retourne en causant de Roro !
     Ouais, je ois ça qu'je perds quand je ois ça qu'i vaut.
     I vaut six mois d'prison et deux cents francs d'amende.
     Les dommag' entérêts, cent mill' francs je demande.
     Comm' je dis, le de'oir i marche avant l'amour.
     La plainte elle est portée et pis laiss'-Ià qu'i court !

     Madame CARMEN
     A hier encor le monde i comprend ta colère,
     Mais à preusant qu'on oit comment qu'i va ton père,
     Qu'i votait pour Topez à huit heur' du matin,
     Et qu'i se mèn' la brisque à six au bar Tintin,
     Tu veux le bon conseil ? Carmen i te le donne.

     CHIPETTE
     Comment donc ? Pourquoi pas ? Madame elle est trop bonne !

     Madame CARMEN
     On oit que ti'as pas lu le jornal d'aujord'hui.
     Rodriguez, méteunant, y'en a pas deux comm' lui.
     Ti'as fait courir la plainte ? I courira, ma belle,
     Jusqu'à tant qu'on la oit se ramasser la pelle !
     Roro, c'est un capabe, un crack, un p'tit ténor,
     Le roi de Bablouette et la terreur des morts!
     Comme il a dit Fernand : " Çuilà-là, je m'l'accroche.
     Faut n'aoir un bras droit, quâ même qu'on est de goche.
     Si son père i s'rait mort (ça, il a dit Fernand)
     Ça me ressemblerait de oir un revenant ! "
     Total, pour t'espliquer ça qu'c'est la poulitique,
     S'il y'arrive un malheur, adios la Répiblique !
     Atso ! Pasque ton père i s'a mangé des coups,
     D'sur la tête au lion tu vas sarcher les poux ?
     Et tout le monde i doit s'porter les conséquences
     Que n'avais commandé ]es croqu'-iiiorts en avance ?
     Après tout, ce june homme, eh ben ! laiss'-Ie tomber !
     Rends-y la bague en or, et pis fous-y la paix !
     T'en fais pas, va, ma fille ! I manque, pas des femmes,
     Et ce soir, s'i veut lui, sangement de programme !

     CHIPETTE
     Allez ! Si je m'le lâche, i tombe en moins de rien.
     De le oir qu'i maigrit, j'aurais trop du chagrin.
     Mâ quâ même i viendrait pareil ces esculettes,
     Tant qu'y' aura des lois pour y couper la tête,
     Tant que la oix des morts i crie dans le cercueil,
     Jje veux porter la plainte et pis porter le deuil !

     Madame CARMEN
     Toi, tu port' la schkoumoun et oilà ça qu'tu portes !
     Dieu garde qu'on met pas le drap dessur la porte !
     Si ton père i t'entend, sûr qu'i te tue de coups !
     Reusement qu'il est guitche et qu'i sait rien du tout !
     Moi, de toi, le petit, je m'te laisse en carafe.
     Mala je vas msalir pour y donner deux baffes ?
     Pas de procès, ni rien. Le j'm'enfoutisme en grand !
     Et d'abord, qu'est-c' tu crois qu'i n'en dira Fernand ?

     CHIPETTE
     Fernand ? Qui c'est, Fernand ? T'le connais, toi, Fifine ?

     Madame CARMEN
     On cause pour ton bien, ma belle, et toi tu chines ?
     Adios ! tu diras pas que d'as pas des amis.

     CHIPETTE, refusant le baiser de Madame CARMEN
     Rien qu'un seul i m'embrasse. Aucun i me l'a mis !
     (Madame CARMEN, se croise avec
     LA SANCHE, qu'elle remarque avec un visible intérêt)

SCÈNE III

CHIPETTE, FIFINE, LA SANCHE, à l'arrière-plan;
RORO, un peu plus loin, se dissimulant

     FIFINE
     Fais gaffe, oilà La Sanche !

     CHIPETTE, appuyant le front au mur de sa maison
     O pauve michquinette !
     O qué tache ineffab' à un' maison honnête !
     Dire que, la purée ! y'a pas dans tout Alger
     Un zouave (ou un civil) capabe à me venger !
     On m'a tué mon père et le monde i rigole !
     C'est Roro, l'assassin ! Ah ! ouatt ! c'est Rocambole !
     Non, c'est Robin-des-Bois ! Disons Robert Taylor !
     Si c'est pas pour papa, je vas jurer des morts !
     (Examinant ses charmes )
     Ça fait rien ! Çuilà-là qu'i prendrait ma défense,
     I perdrait pas son temps en cas de récompense !
     Va, je vaux pas chipette, aussinon, ça c est sur,
     Y'a longtemps que Duchnok i tombait d'sur un dur !
     Je me révais d'un homme.. Il y jétait sa carte,
     Pis d'un seul coup d'un seul, il y mettait un' tarte !
     Après, i s'l'en'oyait, vengeur de l'orphélin,
     A mes pieds, de sa part, me demander ma main !...
     Ah ! Qu'il est beau, le rêve ! Aousqu'il est, l'aztèque
     Qu'i sera le gagnant de ce coup d'téménièque ?

     LA SANCHE, tonitruant
     Fésez chauffer la colle ! Un bufteck bien saignant !
     Je suis ce téménièque, ou plutôt ce gagnant !
     (CHIPETTE joue la surprise, puis veut lui parler)
     Inutil' d'ensister, pourquoi le temps i presse.
     En-devant des témoins tu m'as fait la promesse.
     Lagardère i passait, il a tout entendu.
     Quâ même y'aurait besoin qu'i s'déguise en bossu,
     En ptit nain, en géant d'environ deux-trois mètres,
     (il met un genou à terre)
     A partir d'à preusant, il est ton p'tit soldat !
     (il tournle, en fredonnant la "Charge" , autour de CHIPETTE
     et sort, la laissant interdite. A part, tirant un jeu de cartes de sa poche)

     S'il est d'accord, Roro, j'le prends à la ronda !

SCÈNE IV

CHIPETTE, FIFINE, RORO,

     FIFINE
     Barakous ! Oilà l'aute !

     CHIPETTE
     Eh ben ! Jean, ti'as d'l'audace !
     Va, va, l'honneur je perds si tu me fais cett'crasse !

     RORO, lugubre
     Je vas mourir, Chipette.
     (CHIPETTE pouffe)
     Ouais, je dis ça sérieux.
     Le coup il est mortel ! je m'en crois pas les yeux !

     CHIPETTE
     Tu vas mourir ? Après ? Pense à ceuss-là qu'i restent.
     Et pis d'abord, ici, c'est pas les Pomp' Funestes !

     RORO, sombrement sarcartique
     De Nevers i passait, il a entendu tout !

     CHIPETTE, à FIFINE
     Ho ! Tu comprends quelt' chose à cette histoir' de fous ?

     RORO
avec un mouvement de menton vers les coulisses

     Ti'as lâché le lion en dihiors de la cage ?
     Au ptit bonheur... la sanche ! Accectez mes hommages !...
     (Fausse sortie)

     CHIPETTE, avec une pointe d'inquiëtude
     Tu vas mourir ?

     RORO, tournant autour de la scène
     Je cours après mon enterr'ment !
     Les dames i sont priées de presser le mouv'ment.

     CHIPETTE, affolée, suivant RORO
     Mourir tu vas ? La Sanche il est si tant capabe
     Qu'i te vient le sousto comm' s'i serait le diabe ?
     Avant qu'i t'a touché, tu te crois en enfer ?
     Toi ti'es le pot en terre et lui le pot en fer ?
     Çuilà qu'il a pas peur des morts ni de mon père,
     Quand i oit un La Sanche i oit son cimitière ?
     Vec les crevés ti'es fort, mâ vec yles forts, zbouba !

     RORO
     Je vas m'emsuicider et oilà où je va!
     I faudrait final'ment sa'oir qu'est-c'ti'as envie ?
     Ti'as oulu me oir mort ? A preusent ti'es servie.
     C'est pas pasque j'ai peur, mâ je lèv' pas le bras
     Quâ mêm que ton La Sanche i m'le tord comme un drap !
     D'un peu de pluss, cett' nuit, je f'sais un' couillonnade
     Si me retenait pas gued-gued un camarade.
     J'allais plonger de tête ! Horeus'ment qu'i me dit :
     "L'apéritif d'HONNEUR, elle est bien pour midi ? "
     C'est la question d'honneur qui m'a sauvé la vie.
     Eh ben ! c'était moins cinq que j'me trompais d'sortie,
     Méteunant que l'honneur il est bien enterré,
     Tu m'en'oies à la mort ? Je descends à l'arrêt !

     CHIPETTE
     C'est triste, alors, de oir un chos' sans conséquence
     Comm' d'aoir porté plainte à cause de tes violences,
     Sanger un Rodriguez, le dur des isoloirs,
     Dans un p'tit mouton blanc qu'on porte à l'abattoir !
     Ne fais pas le cougoutse et n'oblie pas une chose :
     Que la question d'honneur encore elle est en cause,
     Et que, tant des succès j'qu'à preusent que ti'as eus,
     Quand on saura qu'ti'es mort, on dira qu'ties foutu !
     Ton honneur i t'est cher, plus cher que la vie chère ;
     Il a trompé tes mains dans le sang à mon père ;
     I t'a fait rônoncer, toi que ti'es bon garçon,
     A n'aoir vec le vieux deux mots d'esplication...
     Tu fais pas la demande ?.. I t'attend... Eh ben ! monte !
     Ti'as peur qu'i va t'manger ? Allez, qu'est-c' ti'as ? Ti'as honte ?
     (RORO hésite, puis fait un pas vers la maison de CHIPETTE)
     Laisse ! Il est alité... Le toupet ti'aurais eu ?
     Déjà qu'tu t'l'as tué, tu t'le tues un peu plus ?
     Rien que vec les cadav', alors, d'as du courage ?
     La généreusité, c'est fait pour les sauvages ?
     Et ti'as tapé papa jusquà tant qui n'en meurt
     Pour te faire esquinter par un p'tit beloteur ?
     Va, si tu veux mourir, attends la Cour d'Assises,
     Et défends ton honneur, au lieur d'fair' des bêtises !

     RORO
     Après la mort du Comte " et les morts de comptés,
     A ma réputation je peux rien rajouter.
     J'y a donné la tannée ? Eh ben ! je vas m'la prendre.
     Çuilà qu'i comprend pas qu'i serch' pas à comprendre.
     On sait que j'suis capabe et que, pluss que mes yeux,
     J'me tiens à mon honneur, pourquoi j'en ai pas deux !
     Va, va, dans ce duyel vec un joueur de brisque,
     Un... Duchnok dans mon genre i peut mourir sans risque,
     Et sans qu'on va raconter que l'homme il a eu peur
     Et sans qu'y'a ni vaincu ni même un seul vainqueur.
     Oilà ça qu'on va dire : " I s'aimait à Chipette ;
     Il a tué son père, il a perdu la tête ;
     Comm' tout l'mond' i s'a cru qu'le Comte il était mort ;
     Alors, baissant la tête, il a compris ses torts ;
     Elle a oulu sa tête, il en avait rien qu'une,
     Lui qui était un homme à lui porter la lune !
     Pour venger à l'honneur, il a perdu l'amour ;
     Pour venger à Chipette il est mort à son tour,
     Soigissant bille en tête, et toujours, et quâ même,
     L'honneur avant Chipette et Chipette en deuxième ! "
      (il se découvre)
     Oilà ça qu'on va mett' en-dessur mon tombeau.
     C'est court, mâ laiss' courir. Plus c'est court, plus c'est beau.
     Et pis, j'aurai l'honneur, quand je s'rai d'ssous la terre,
     D'aller fair' temps en temps un' visit' à ton père...

     CHIPETTE
     Puisque ti'as décédé de rôjoindre à papa,
     Allez, au r'oir, Roro, moi je te rôtiens pas.
     Mâ si tu t'arrapell' encor de l'aut' dimanche,
     Tach moyen d'fair' en sort' qu'il est battu La Sanche,
     Que je veux pas de lui, pas même à condition,
     Et que quand je m'le ois, c'est un' dégoutation !
     Et Pis, m'veux qu'jte dis ? méfie-toi en avance !
     Arregare a ses mains, pourquoi j'ai pas confiance !
     Et pis, tape en premier ! Et pis, si ti'as compris,
     A cinq heur' un d'ces jours, en fac' de Monoprix !...
     Adios ! J'a dit le mot, mâ le rouge i me monte !
     (Elle, rentre chez elle en courant )

SCÈNE V

RORO, seul

     Si y'a des amateurs, à preusent, qu'i se comptent !
     Sortez dihiors, Indiens, Chinois et Ostrogoths,
     Et tous ceuss de la bande à Pépé-le-Moko !
     Mettez-vous cinq contre un, grands lâches que vous êtes !
     Et pour un coup de pied je rend dix coups de tête !
     Bisaïeux, trisaïeux, allez les sarcher tous !
     Vec les oss de vos morts, je me fais des debbous !
     (Exit)

SCËNE VI

Madame CARMEN, FATMA,

     Madame CARMEN, chantonnant
     Je oudrais bien saoir qu'est-c'qu'i fait ce june homme,
     Si c'est un fonctionnaire et s'i touche la gross' somme...
     (Elle accroche un lampion à l'entrée de sa maison. Amèrement)
     Chante, rossignol chante ! En avant, la gaîté !
     La fête ell' continue... Et viv' not' député !
     (Apercevant FATMA)
     Qu'est-c' tu fous là, Fatma ?

     FATMA
     Ji fir' comm' toi, Madame !
     Rigoulons, rigoulons... Ça nous fit d'la riclame !

     Madame CARMEN
     Cuilà qu'i rit dimanche i pleur' le vendredi.

     FATMA
     Si l'amour il ist poire, encor toi plouss qui loui !
     Dans ton la tîte encor ti fabriqu' di cirage ?
     Ti sis pas qu'vot' Roro por Chipette i rengage ?
     Quand cit baroud d'honnor c'ist tot à fit fini,
     S'i n'ist pas porti mort, il ist son prisounni !

     Madame CARMEN
     Ah ! qu'i s'en fout' encor !

     FATMA
     Ji ni pas bian comprendre.

     Madame CARMEN
     Qu'i se foutent des coups et qu'i vont aux calandres,
     Aussinon aux tchibecks ! A preusent, tu comprends ?
     Manque je veux saoir qui c'est le concurrent !
     L'amour, ce p'tit sauteur, de temps en temps i glisse.
     I finit le roman dans un feu d'artifice !
     (Elle allume un feu de Bengaale)

     FATMA
     Oh, comme il ist jouli ! You ! you ! comme il ist beau !
     You ! you ! you ! C'ist kif-kif la ritraite aux flambeaux !
     Chipette, ou'allah ! ji crois qu'i perdi la tîte.
     I court, i court darrière, it c'ist ça la porsouite !
     It pis, por diclari la guerre à son l'enn'mi,
     l sarche on tiraillor, i trove on riformi !
     La Sanche il ist foti !

     Madame CARMEN, sursautant
     Qu'est-c' ti'as dit ? C'est La Sanche ?
     Ce june homme si bien qu'il a tant de la branche ?

     FATMA, grave
     Ji crois qu'c'ist la branchite. I n'ist pas tris costaud.
     Mektoub ! En cas d'malhor i donne on coup d'couteau !

     Madame CARMEN
     Ah ! mes affair'de coeur i march comm' le commerce !
     Je tombe à tous les coups de renverse en renverse.
     Ay man ! si je me perds La Sanche après Roto,
     C'est sûr que j'a tiré le mauvais niméro !
     (Elle rentre chez elle)

SCÈNE VII

FATMA, FIFINE,

     FATMA
     Bababa! Ji sis pas qu'ist-c' qu'il a ma mitresse !....

     FIFINE
     Ah ! Fatma, vassaoir ! c'est un vraie bouillabaisse.
     Gongormatz à Dodièze i donne un coup d'soufflet.
     Rodriguez i s'emmène et tâf ! i s'l'a gonflé.
     Après ça tu dis : khlass ! Tu te crois qu'i sont quittes ?
     Barakous ! mon z'ami, pourquoi y'a la petite.
     Et tsais pas pourquoi qu'c'est qu'elle a dit barakous ?
     Fifine i va t'l'apprendre, ô fugure de couscous !
     Mâ entention à toi, Fatma, si t'le répètes !
     Ben, c'est le cinima qu'il y'a tourné la tête.
     Et Roro, c'est pareil, mâ rien qu'un, tout p'tit peu.
     Pas ouloir ça qu'on a, pas saoir ça qu'on veut,
     Pas faire ça qu'on dit et pas pou'oir se taire...
     Total, dans trois semaines, i vont à chez le maire !
     La vérité, c'est dur de gagner son bufteck !
     La vie ell' est t'amèr !

     FATMA, scandaiisée
     Touh ! In âl dine i mek !

SCËNE VIII

(Sur la place publique)
Monsieur FERNAND, DODIÈZE, RORO
LA SANCHE, AYACHE, ALPHONSE, LA FOULE

     Monsieur FERNAND
     Valeureux héritier d'une honnête famillee,
     Descendant des héros qui prirent la Bastille,
     Contemporain de ceux qui prennent le Métro,
     Modèle de tous ceux qui prendront l'apéro,
     Pour te récompenser ma force est trop petite
     Et j'ai moins de pouvoir que tu n'as de mérite.
     Le Parti délivré d'un si rude ennemi,
     Mon mandat dans ma main par la tienne affermi
     Et les morts assurés par ton éxploit nocturne
     Sans qu'il me fût besoin de kidnapper les urnes,
     Ne sont point des exploits qui laissent à l'élu
     Le moyen ni l'espoir de te payer ton dû...

     RORO, l'interrompant,
     Timidement d'abord, puis élevant le ton par degrés

     Monsieur le Député, vous voulez me fair' honte ?
     Ça que vous me devez, je vous ferai le compte.
     Mâ y'a de quoi rougir, à de bon, y'a de quoi,
     Quand on s'entend causer comm' ça la premièr' fois.
     Citoyens ! Je suis pas un fourachaux quelconque !
     On connaît à mon père, on connaît à mon onque,
     Et quâ même, que moi je suis pas électeur,
     Je vous salue à tous avec gloire et honneur !
     (Vifs applaudissements)

     Monsieur FERNAND
     Le Progrès souverain s'affirme en ton langage.
     Honneur à ta harangue et gloire à ton courage !
     Mais doucement, petit ! Ne va point dans l'excès
     Et gardes toi toujours des faciles succès,
     Souffre que je te coupe et de cette victoire
     Apprends-moi plus au long la véritable histoire.

     RORO
     Ouais !... Vous s'arappelez d'un coup de coup d'souflet,
     Que mon père i oit pas que c'était pour rigoler ?
     A'c l'ami Congormatz on s'espliquait l'embrouille ;
     Oilà qu' d'un mot dans l'aute on s'donn' la ratatouille.
     Le resrant, qué des fois nous s'l''avons répété !
     Je le répète pas pour pas vous embêter.
     Là-dessur, je m'apprends le coup des morts de Bone.
     Je rentre à chez papa je cause a'c ces personnes.
     Mâ moi, qu'au guitche-à-l'oeil j'avais cassé les dents,
     Si je sortais dihiors, on me foutait dedans !
     La pendule i tournait. Comment qu'i fallait faire ?
     Oilà qu'on s'a donné la parole à mon père.
     " O Roro, qu'i me dit, si n'es bon pour six mois,
     Prends-les pour un Franca'o, mais pas pour un Chinois ! "

     Monsieur FERNAND J'excuse ta chaleur à venger ton offense.
     Le Parti défendu me parle en ta défense.
     Crois que dorénavant, Chipette a beau parler,
     Je ne l'écoute que pour rigoler.
     Mais poursuis.

     RORO
     Pour le flouss, mon père i fait l'avance,
     Et i s'écrit les noms, rapport à l'assurance.
     On a parti cinq-six ; mâ de dans qu'i n'en sort,
     Qué chiée on était, madone, en bas le port !
     Pourquoi de oir comment qu'on se prend les virages,
     Le pluss péteux de tous i fait demi-courage.
     Je m'en cache un bon peu, que c'est pas des cavés,
     Dans le fond d'un canote, a'c un tas des pavés.
     Le restant, qu'i croyait de compter pour du beurre,
     Je leur fais : " Pantience, y'en a pour dimi-heure,
     Plongez d'sur le parterre et, sans faire du bruit,
     Vous se tapez aouf un bon morceau de nuit ! "
     A mon commandement, tout le monde i se couche ;
     Et moi, je fais semblant qu'c'est l'ordre au Comité,
     En cas qu'un calamar i serche à discuter.
     Ce noir en moitié blanc qu'i jettent les étoiles...
     (Il s'interrompt. Depuis un momment, LA SANCHE,
     un œil poché, la tête bandée, s'entretient à voix basse avec AYACHE)


     LA SANCHE, haut
     ...Et oilà le oualio qu'il ahisse la toile !
     I m'annonce une ronda, moi j y sors une tringla,
     Et pour finir, un coup de câo et missa.
     Alors j'y dis comm' ça : " La victoire elle est nette.
     Ça suffit de risquer dieu sait quoi pour Chipette ;
     Mâ pisque le gagnant par malheur c'est pas toi,
     Tu vas la oir en douce et tu lui dis qu'c'est moi. "
     Qu'est-c' qui me dit Roro ?

     RORO
     Attends que j'm'arappelle !
     Mâ ce coup-là je veux que le cul i te pèle !

     LA SANCHE, humblement
     Escus'moi, ti'as raison.

     RORO
     Le fil i s'a cassé !
     Aousque que j'en étais-je ? Ah ? ouais, je ois ça qu'c'est...
     Ce noir en moitié blanc que les étoil' i jettent,
     Oilà qu'i nous fait voir des tas des esculettes !
     Du cimitière de Bone, en vrac dans des tonneaux,
     I s'les avaient portés dessur un Schiaffino !
     Je me pense entre moi : Quâ même, i z'ont pas honte !
     I s'les ont démontés et pis i s'les remontent !
     C'est vrai qu'le résultat, d'un côté, c'est kif kif,
     Et qu'en pièc' détachées i paient dimi-tarif.
     Pour le laissez-passer, Lopez il est tranquille :
     Manque un douanier du port, manque un agent d'la ville !
     Et je dis aux copains, pour faire un peu d'l'esprit :
     " Silence et garde-à-vous ! Oilà les p'tits conscrits ! "
     Là-dessur, mon Lopez, i s'emmène a'c sa bande ;
     I vient prendre caf Alger livraison d'la commande.
     Nous se levons debout...
     (Cependant, LA SANCHE et AYACHE ont
     continué leur conversation à voix basse)


     AYACHE, haut
     I te fait renoncio ? ! !

     LA SANCHE , même jeu
     Ouais ! Moi j'y dis: " je joue avec un provinciau ? "
     I me fait: " Final'ment, tu me serch' un' dispute ? "

     RORO, plus haut
     Nous se levons debout...

     LA SANCHE, même jeu
     Au bout de cinq minites...

     RORO, hurlant
     Nous se levons debout !...

     LA SANCHE, même jeu
     Nous se levons debout !
     I me fait

     RORO
     Assis-toi !
     (Et il l'assoit, d'une tape formidable sur la tête)

     LA SANCHE, d'une voix qui s'éteint
     Alors j'y fais : " C'est tout ? "

     RORO
     Je disais... Ouais, j'étais dans la marin' marchande...
     Calamar !.. Caf Alger... Livraison d'a commande...
     Nous se levons debout et, pour faire semblant,
     Nous se poussons le cri des cadav' ambulants !
     Ceuss-là du canote, alors, i jett' la bombe,
     " O funéraill', i crient, rentrez-nous dans la tombe ! "
     Lopez i oit ses morts a'c la tête à pieds nus,
     Avant qu'il a compris, i n'a trop entendu.
     I venait pour les morts, i trouve à des fantomes.
     I se serchait des oix, qu'est-c' qu'i n'en prend, cet homme !
     On s'avait répété, d'avance et en cinq-sec,
     Un coup de Dans' Macab', a'c les parol' avec ;
     Pourquoi c'est pas le tout de connaît' la musique,
     I faut s'la pratiquer : oilà la poulitique.
     (A AYACHE)
     Qui c'est qui'a commencé ?

     AYACHE
     C'est Parascandola,
     Qu'en premier a'c la bouche il a tapé le " la "
     Après, c'est Babylas, l'as de la contrebasse,
     Qu'i joue à l'Opéra pour pas payer la place.
     Y' avait Adjbet ? Sliman' qu'i travaille au charbon
     Et que pour le tam-tam, alors, lui, c'est un bon !
     Y'avait, comment ? Çuilà qu'il a la calot'jaune * ,
     Qu'i se gonflait de force un madone de trombone.
     Y' avait un' ptit' gross'-caiss' qu'à de bon i vaut dix ;
     Perpendiculano, premier prix des topzis ;
     Bagur, l'onque à Bagur, qu'on s'l'appell' As-de-Cope,
     Que dans les mariag' i fait le ventrilope ;
     L'aveug' d'à chez Cassar, a'c son accordion,
     Qu'il était sourd-muet, à l'époque, aux bas?fonds ;
     Enfin, ceuss du canot' qui leur tapaient la tierce,
     De tant qu'i font la basse, un peu de pluss i versent !
     Le monde, en haut la rampe, i devaient dire :" Au moinss,
     I s'l'arrang' comme i faut, la musique à Saint-Sainss ! "

     RORO
     Ay man ! Que du bon sang, que boss' de rigolade !
     La moitié des collègu' i z'ont tombé malades.
     Dans la bande à Lopez, tous i claquaient des dents,
     Tagadac ! Tagadac ! et comm' ça tout le temps.
     Oilà qu'un gros i crie: " Lâchez les esculettes,
     Aussinon, la schkoumoun ces bâtards i nous jettent ! "
     L'aute i fait : " je viens fou ? J'me tiens le gaz, ou quoi ? "
     Et d'enfilade, allez, vinga qu'i fait la croix ! i
     I se serch' à Lopez : ouallou ! Tous i s'ensauvent.
     On s'ramasse à les morts, quI disaient rien, les pauves,
     Mâ qu'à vingt francs par tête i z'étaient bien contents.
     Total : cinq mille inscrits, six mill' neuf cents votants !
     (Applaudissements. Bas, à Monsieur FERNAND)
     C'est pourquoi qu'sur les frais y'a pas du bénéfice...

     ALPHONSE
     Mata ! Oilà Chipette a'c un agent d'poulice !

     Monsieur FERNAND
     Nous n'en finirons pas, sapristi ! Quel rasoir !
     (A RORO)
     Mais je ne te veux pas obliger à la voir.
     Pour connaître son coeur il faut que je la tâte.
     Va, je te donnerai le Nitram lfrikate.
     (RORO se dissimule)

     DODIÈZE
     Chipette i s'le poursuit pour s'le faire endêver.

     Monsieur FERNAND
     On m'a dit qu'elle l'aime et je veux l'éprouver.
     Montrez un œil plus triste.

SCËNE IX

LES MÊMES, CHIPETTE, FIFINE
UN AGENT DE POLICE, Madame CARMEN
FATMA, ALI

     Monsieur FERNAND
     Alors, es-tu contente,
     Chipette ? Le succès répond à ton attente.
     Si Roro sot vainqueur du coup qu'i a conçu,
     Il est mort à nos yeux de ceux qu'il a reçus.
     La Sanche l'a surpris savourant son triomphe
     Et...
     (Il donne un coup de coude à LA SANCHE)

     LA SANCHE, modestement
     J'a tapé dessur jusqu'à tant qu'i vient gonfe !

     CHIPETTE, le dévisageant avec horreuur
     0 fugur' d'assassin !

     Monsieur FERNAND
     Quoi ! Ne lui as-tu pas
     Toi-même, ici, tantôt, ordorné son trépas ?

     CHIPETTE
     Ti'as dit ça p'tit menteur ?

     LA SANCHE, écoeuré
     Allez, ramass'les billes,
     Ti'as gagné !

     Monsieur FERNAND
     Non, La Sanche.
     (A CHIPETTE)
     Il faut payer, ma fille
     Et tenir ta promesse au vainqueur de Roro.
     (Dêsignant LA SANCHE)
     Il sera ton époux !

     Madame CARMEN
     Marque un but à zéro !

     Monsieur FERNAND
     Nous pleurons un ami, mais te voilà vengée.
     (à DODIEZE)
     Vois comme en un clin d'oeil sa couleur est changée !
     (CHIPETTE pâme)

     DODIÈZE, guilleret
     Je ois qu'i s'évanouille. Elle a mal de partout.
     Ça y'a tourné le cœur, le foie et pis le mou.
     Oilà ça qu'c'est l'amour, diocane-à-madone !
     Question des bons morceaux, personne i me couillonne.

     CHIPETTE, revenant à elle
     Lequel c'est qu'il est mort ?

     Monsieur FERNAND
     Va, Roro vit toujours
     Et te conserve encore un immuable amour.
     Calme cette douleur qui pourtant m'intéresse...
     (il l'a serre d'un peu plus prés)

     CHIPETTE, le repoussant
     Oh! Qu'est-c' que vous croyez ? Je suis pas à confesse.
     La joie i m'a tuée ! Alors ça c'est curieux !
     Mâ pisqu'il est pas mort, on va oir un pt'it peu !

     Monsieur FERNAND
     Tu veux qu'en ta faveur nous croyions l'impossible ?
     Chipette ta douleur a paru trop visible

     CHIPETTE, de la violence à l'égarement
     Eh ben ! et pis après ? Mettons qu'c est la douleur.
     Qué douleur ? La douleur qu'un assassin i meurt.
     Comment qu'on perdrait pas, cest vrai, la carabasse,
     Quand on s'a foudroyé dans un pareil impasse ?
     Qu'i meurt dedans le lit, qu'i meurt d'sur l'échafaud,
     Ouais, je ois ça qu'je perds quand je ois ça qu'i vaut.
     I vaut six ans d'prison et cent mill' francs d'amende.
     Les dommag' enterrés, un miyion je demande.
     Tant que la oix des morts i crie dans le cercueil,
     Je veux porter la plainte et pis porter le deuil !

     DODIÈZE
     Encore i rôcommence !

     CHIPETTE, de plus en plus égarée
     On s'l'a moitié tué !...

     Monsieur FERNAND
     Mais c'est de la démence !

     CHIPETTE
     Mon père i va mourir !

     DODIÈZE
     I rôcommence encor !

     Madame CARMEN, à CHIPETTE
     T'y'as donné les cachets ?

     CHIPETTE, sans entendre
     Il est en moitié mort !
     Et d'abord, tout le monde i connaît au coupabe !
     Et d'ailleurs, on oit bien de quoi qu'il est capabe.
     (Montrant DODIËZE)
     C'est le vieux ! C'est c'typ'-Ià qu'i a l'air constipé !
     La tête elle est coupabe ! Eh ben ! faut la couper !

     DODIÈZE, tragique
     Çuilà qu'i peut mourir quand sa tête i vient grise....

     FATMA
     Hakarbi, ça va pas !

     Madame CARMEN
     Qu'est-c' tu veux, c'est la crise !
     (DODIÈZE brandit son espadrille sous le nez de CHIPETTE.
     Monsieur FERNAND s'efforce de le retenir)


     CHIPETTE, trépignant et hurlant
     Lévez-moi ce souyer, je peux pas le sentir !

     Monsieur FERNAND, hors de lui
     Calmez-vous l'un et l'autre et parlez à loisir !

     CHIPETTE, tragédienne
     0 Roro qui l'eût cru ?

     AYACHE à La Sanche
     Ça va mal et ça dure !

     CHIPETTE, entre les imprécations de Camille et les fureurs d'Oreste
     Va petit assassin !... Entention les oitures !...
     Reculez en errière !... Avancez d'sur l'avant !..
     Pour qui c'est ce sifflet qu'i sort Monsieur l'Agent ?
     Comment qu'i faut vous dire ? On m'a tué mon père !...
     (Elle pique une crise de nerfs.. Agitation générale. L'agent, à tout hasard, lance un coup de sifflet)

     DODIÈZE, farceur
     Ce bras, qu'il a lévé des sacs des pons de terre,
     Ce bras, ce bras d'honneur...

     CHIPETTE, naturelle
     Tu peux t'asseoir dessur !

     DODIÈZE, riant
     Qué rabbia ! Qué malheur ! Mort je suis, ça c'est sûr !...

SCËNE X

LES MÊMES, RORO
puis CHIPETTE et RORO seuls

     RORO
     0 Chipette, entention ! Si ti' ensultes à cet homme,
     Je t'en donne un à toi qu'à de bon je t'assomme !
     Le deoir avant tout, toujours je sors ce mot.
     J'ai fait ça qu'il fallait et je fais ça qu'i faut.

     CHIPETTE
     0 Roro, ça c'est sûr, quâ même que je rage,
     Je peux pas t'en ouloir que ti'as eu du courage.
     Ti'as fait que ton de'oir tant qu'à ça je dis rien.
     Achpète, un peu, bientôt Chipette i fait le sien !

     RORO, rêveur
     Qui c'est qu'il a dit ça ?

     DODIÈZE
     C'est papa !
     (se reprenant)
     C'est Chipette,
     Grand couillon !

     RORO
     T'J'as, d'jà dit !

     DODIÈZE, vexé
     Ça fait rien, j'le répète.
     Moi j'a l'âge, ô petit, j'a le droit d'raboter.
     (Explosant à retardement)
     Ce bras, ce bras d'honneur, qu'on vient de s'l'ensulter...

     CHIPETTE, les yeux au ciel
     0 misère des coqs !

     Monsieur FERNAND, avec l'accent
     La pièce i rôcommence !

     Madame CARMEN
     Entention qu'le piblic i perd pas la pantience !

     CHIPETTE
     Qué piblic ? Ousqu'il est ? je crois qu'ti'as de visions.
     De piblic, par ici, je ois que ta maison !

     Madame CARMEN, souriant à LA SANCHE
     Mieur on s'entend dir'ça qu'aoir les orrill 'sourdes ! ( A FATMA)
     Et pis toi, qu'est-c'tu fais, que ti'es là comme un' gourde ?

     LA SANCHE, à CHIPETTE, montrant RORO
     Je oudrais pas qu'tu crois qu'c'est moi que j'l'a tapé...

     CHIPETTE, du ton de Mme Berthe Bovy au téléphone
     Pas libre !

     LA SANCHE
     Atso ! c'est lui qu'i m'a dit...

     CHIPETTE, même jeu
     C'est coupé !

     LA SANCHE, sa dignité retrouvée
     Allez, au r'oir, Roro. Ti'as trouvé la cocagne.
     Mes félicitations! Ti'es fort, à qui perd gagne !
     (Il sort, au bras de Madame CARMEN)

     DODIÈZE, ému
     On part nous aut' aussi. J'me sens la larm' à l'œil...

     CHIPETTE, à RORO
     Ho ! Ton pèr', pour les morts, i fait pas les cercueils ?
     (Exit DODIEZE)

     Monsieur FERNAND, solennel
     Chipette, je m'en vais où le devoir m'appelle...

     CHIPETTE
     Punaise ! ... I sont collants, alors, les arapèles !
     (Monsieur FERNAND s'éloigne dignement)

     Et pis i sont pressés !
     (Monsieur FERNAND se hâte vers la sortie. tous les autres Personnages ont fait de même. Il ne reste que l'agent de police.)
     Qu'est-c' qu'i veut, cet agent ?
     Pendant ctemps, les voleurs i peuv'tuer les gens !
     (Exit l'agent, CHIPETTE s'empare du bras de RORO)
     Je m'l'attrap'sans courir ; pas besoin des poursuites.
     Allez ! qu'on fait la noce, et surtout qu'on fait vite !

     RORO, joyeux
     Enfin, un' bonn' parole !

     CHIPETTE
     Allez ! rouvrez les bans !

     RORO, souriant à une vision
     Je mets le costum' noir et toi le costum' blanc...

     CHIPETTE
     Ousqu'i sont les témoins ? Bessif faut qu'i déposent !

     RORO
     Je mets la chimis' bleue et toi la chimis' rose...

     CHIPETTE
     Mala je veux qu'i meurt ou qu'i reste en prison ?
     Mieur je m'le prends chez moi, pour la vie !

     RORO, aux anges
     Ti'as raison !

     CHIPETTE inexorable
     Je donne pas trois jours qu'il est vengé mon père.
     L'eau d'la fleur d'oranger, faut qu'tu t'la trouves amère !
     Je m'a pris le poisson ? En avant l'aquabatz !
     Ah ? T'la connaissais pas, la fille à Gongormatz ?
     Attends qu'on est mariés, tu vas n'en oir des bonnes !
     (Au public pour finir)
     Et d'abord, cette histoire, i régare à personne !

RIDEAU



DEPART

De Jacques Grieu


Un jour, je m'en irai, conscient ou inconscient
En un très grand voyage hors la terre et le temps.
Pour aller quoi y faire, on ne sait pas du tout :
C'est là le grand secret. Qui fait penser beaucoup.

Un jour, je m'en irai, loin des guerres et des frondes
Oubliant sans regret les remugles du monde.
Pourrais-je encor écrire ? Et peindre ? Ou bien skier ?
De mer et de soleil, serais-je donc privé ?

Un jour, je m'en irai sans date ni sans lieu
Voir si quelqu'un m'attend, là haut, sous d'autres cieux.
Y verrais-je parents, ancêtres et amis ?
Auront-ils bien vielli ? Peut-être rajeuni ?

Un jour, je m'en irai, quittant les zizanies
Avec plein de questions qui viennent à l'esprit.
Les sages en on dit des choses remarquables
En prédisant beaucoup de faits invérifiables…

Un jour, je m'en irai, en laissant mes enfants
Et mes petits enfants affairés et confiants.
Si je pouvais les suivre au long de leurs parcours
Alors je partirais rassuré à mon tour.

Un jour, je m'en irai, et vite on m'oubliera
Mais la vie d'ici bas, je ne l'oublierai pas .
Un jour, on s'en ira. Et tout sera fini ?
Là est bien la question, comme une litanie...

Jacques Grieu                  




AFRIQUE SEPTENTRIONALE.
Gallica : Revue de l'Orient 1849-1 pages 137 à 141

COLONIES FRANÇAISES.
ALGÉRIE. Nouvelles

         Province d'Alger. - Alger. - La ligne télégraphique d'Alger à Tlemcen est ouverte depuis le 1er janvier, et les nouvelles de la frontière occidentale peuvent parvenir maintenant avec une extrême rapidité. Un projet de ligne télégraphique d'Alger à Philippeville, passant par Médéah, Aumale, Sétif et Constantine, avait été étudié avec le plus grand soin par M. Lair, qui avait heureusement résolu les graves difficultés de ce parcours. Ses idées avaient été adoptées, les fonds étaient faits pour procéder à l'exécution; mais, à cause de l'état de nos finances, les fonds ont été retirés, et le projet s'est ajourné, comme tant d'autres choses utiles. Espérons que des temps meilleurs permettront de compléter le système télégraphique de l'Algérie, en mettant la province de l'Est en aussi rapide communication avec le centre que celle de l'Ouest l'est aujourd'hui. Une petite ligne télégraphique provisoire a été, en outre, établie par les soins de M. le gouverneur général, entre Alger et Cherchell, en vue de la colonisation, et afin que l'autorité puisse suivre pour ainsi dire, heure par heure, les travaux des nouveaux colons, et leur venir en aide, avec toute la rapidité désirable, dans les divers besoins qui peuvent se manifester dans le début de leurs établissements.
         -- Monseigneur l'évêque d'Alger vient enfin d'obtenir ce qu'il sollicitait depuis longtemps.

         Quatorze nouvelles paroisses viennent d'être érigées dans les nouvelles colonies agricoles : c'est le 25 janvier que monseigneur l'évêque en a reçu l'annonce officielle, et le mémos jour il a nommé les quatorze nouveaux desservants.

         Ces paroisses sont établies ainsi qu'il suit :
         Province d'Alger. - Castiglione (Ste-Geneviève) ; l'Afroun (Ste-Marcienne) ; Lodi (St-Victor) ; Montenotte (St-Gérùme) ; Marengo (St-Fortunat) ; Zurich (St-Arcade).

         Province d'Oran. - St-Cloud (St-Cloud) ; St-Leu (St-Leu) ; Aboukir (St-Serapion) ; Fleurus (St-Papinien)

         Province de Constantine. - Mondovi (St-Théogène) ; Millesimo (St-Ambroise) ; Gastonville (Ste-Victoire) ; Jemmapes (St-Sperat).
         - M de Lachevardière de Lagrandville, lieutenant de grenadiers au 51ème de ligne et détaché au bureau arabe de Blidah, vient de découvrir, pendant une tournée topographique et statistique exécutée dans le cercle de Blidah, une carrière considérable de marbre blanc veiné. Si la carrière dont il s'agit n'est pas située de telle sorte que les transports soient difficiles et onéreux, ce sera une précieuse découverte pour le pays, car jusqu'ici le marbre nous vient presque exclusivement d'Italie. Nous exceptons le piédestal de la statue du duc d'Orléans, qui est fait avec du marbre extrait d'une ancienne carrière romaine, située auprès du fort Génois, dans les environs de Bône.

         - Le califat d'Abd-el-Kader, Bel-Hadj, est toujours dans l'Ouest-Sout, d'où il vient de faire, à la tète de 1,000 Arabes montés sur 500 méharis, une razzia de 4,000 chameaux sur le chef de Tugurt, qui est notre allié et notre tributaire. Cette nouvelle, que l'on a voulu révoquer en doute, est très-exacte cependant : les deux partis sont en présence, et le plus fort n'est pas le chef du Tugurt, qui demandera aide et protection à la France. Nous ferons remarquer que le duc d'Aumale avait pensé à diriger en personne une expédition coutre le Souf pour en retirer un impôt de 600,000 F

         Teniet-el-Had. - Les constructions entreprises par les Arabes du cercle de Teniet-el-Had sont arrivés au dernier degré d'achèvement. Elles se composent de 21 maisons, dont 17 chez les Blaels, avec enceinte et écurie, 2 chez les B. Ayaa, Traction des Guled-Ryad, une très-vaste à Toukria, et enfin celle du caïd des Ouled-Bessam-Gharabas.

         Bougie. - Les communications entre Sétif et Bougie deviennent de plus en plus fréquentes; des convois s'organisent chaque jour pour porter les denrées d'approvisionnement sur cette place, et, malgré les inconvénients de la saison, ces opérations ont pris un tel développement, que le prix de transport d'un quintal métrique n'est plus que de trois douros ; l'an dernier il n'était pas moins de cinq douros, et s'était mérite élevé jusqu'à six.
         Un convoi de 120 muleta a été organisé ces jours derniers par l'administration et payé d'après ce tarif, qui permet au commerce de ces deux villes un bénéfice raisonnable.

         Province d'Oran.- La frontière marocaine est de nouveau troublée par la reprise des hostilités entre les B. Iznassen-Fouaga, les B. Iznassen-Sahta et les Angades. Le cheik Bou-Tertass des Mzaonner ayant enlevé un troupeau à un des villages de Si-Mohammed-ben-Bachirbou-Messaoud, ce dernier a réuni tout son monde ainsi que ses alliés les Ouled-Setteul, les Ouled-Sghir, un contingent des B. Bou-Zeggou, et aurait pris immédiatement l'offensive sur les B. Izoassen et les Angades. D'après les dernières nouvelles, il aurait remporté un succès éclatant, mais aurait perdu son jeune frère dans le combat.

         - Les colons s'occupent de la culture des lots de jardin qui leur ont été partout distribués. Dans plusieurs villages on a labouré et ensemencé les terres défrichées en blé, en orge et en pommes de terre. Cinquante mille pieds de vigne de Mascara et deux mille cinq cents arbres provenant des pépinières de Miserghin et de Sidi-Bel-Abbès vont être plantés. Il a été distribué aux diverses colonies 176 bœufs, 328 truies ou verrats, et un nombre de vaches ou de chèvres suffisant pour assurer un demi-litre de lait aux enfants en bas âge. L'état sanitaire ne laisse rien à désirer ; les maladies qui se sont déclarées, en très-petit nombre du reste, proviennent presque toutes de refroidissements. Les colons ont senti la nécessité de prendre les précautions hygiéniques qui leur avaient été recommandées, et ils ne cessent de se louer du zèle que témoignent en toutes circonstances les officiers de santé chargés du service des villages.

         - Un industriel d'Oran vient d'inventer une charrue spéciale pour l'extirpation du palmier, qui jusqu'à présent, n'a été arraché qu'à la pioche et à grands frais (200 F l'hectare environ). Cette charrue a bien fonctionné dans les terres de M. Mistral, à Sidi-Marouf, et elle doit être prochainement essayée dans des terrains très-résistants, situés aux environs d'Oran.

         Mostaganem. - Il y a peu de jours, les israélites de Mostaganem ont enterré une femme qui s'était empoisonnée dans d'étrange circonstances. Son fils, jeune homme de vingt-trois ans, était malade de la fièvre. On conseilla à la mère de lui administrer de l'arsenic jaune, qui devait, disait-on, produire l'effet du sulfate de quinine. Il parait que ce médicament fut employé à trop forte dose, car le jeune homme ne tarda pas à succomber. Quelques imprudents reprochèrent à la malheureuse mère d'avoir tué son enfant. " Pour vous prouver que ce n'est pas du poison, s'écria-t-elle, je vais en prendre moi-même, et vous verrez qu'il n'y pas de danger. " La pauvre femme s'était trompée. L'arsenic jaune fit bientôt son effet ; après de violentes convulsions, elle expira dans d'épouvantables douleurs.

         Province de Constantine. - La province de Constantine continue à jouir d'une parfaite tranquillité ; les labours et l'ensemencement des terres paraissent être la seule préoccupation des indigènes qui veulent réparer, par leurs travaux de cultures,, les désastres causés depuis quelques années par l'intempérie des saisons et le fléau des sauterelles. Des précautions toutes particulières ont été prises pour préserver le pays : Dieu bénira ces efforts.

         Raffina. - Le caïd de l'Aurès, Sidi-Bel-Abbès, vient de donner une nouvelle preuve de dévouement et de zèle. Il y a près de quatre ans, Bel-Hadj, khalife d'Abd-el-Kader, à la suite des affaires de Biskra, avait fait cacher et enfouir une grande quantité d'armes dont il comptait faire usage dans des circonstances plus favorables. Sidi-Bel-Abbès fit faire, à ce sujet, des recherches qui, plusieurs fois déjà, ont été couronnées de succès ; l'an dernier, il fit rapporter à Batna deux pièces de canon de montagne, dont une était dans un état parfait ; dernièrement il découvrit encore un dépôt contenant 46 fusils, 51 bombes, 13 boites à mitraille, 2 affûts de canon, des bats d'artillerie, etc. Ces munitions avaient été enterrées au Dachera de Bazira et des Bou-Ben-Soliman. Aussitôt après leur découverte, notre fidèle caïd s'empressa de les faire transporter à Batna, où elles ont été remises entre les mains du commandant français.

         Un nouveau marché vient d'être créé à Ras-el-Ainou près de la maison du caïd Si-Mektar. Tout fait espérer que cette nouvelle institution aura le plus grand succès.

         Biskra. - Une collision a eu lieu entre les Ouled-Smira et les Ouled-Recbeuh, au sujet de la distribution des terres de culture. Dans l'engagement qui a eu lieu, six hommes ont été tués et dix-huit blessés. Le caïd Si-Mokran, prévenu par le chef de ces fractions, a envoyé aussitôt des cavaliers pour ramener le bon ordre. Plusieurs arrestations ont été opérées.

         État indicatif par province des colonies fondées en 1868, conformément au décret du 19 septembre. - Répartition des 16 convois.

         Province d'Oran. - 1er convoi, Saint-Cloud, près Arzew. - 2ème, Saint-Leu, près Arzew .- 3ème, Rivoli près Mostaganem. - 6ème, Fleurus, près Oran .- 7ème, Saint-Louis, près Mostaganem. - 15ème, Aboukir, près Orion.

         Province d'Alger. - 4ème convoi, l'Affroun, sur la route de Blidah à Milianah et de Castiglione, près de Coléah. - 8ème, Lodi et Damiette, environs de Médeah. - 9ème Montenotte, route de Ténès à Orléans-ville. - 12ème, Marengo, Novi, près Cherchell. - 13ème Zurich et l'Argonne, près de l'Atlas, route de Blidah et de Milianah.

         Province de Constantine. - 5ème convoi, Robertville et Gastonville, entre Philippeville et El-Arouch, route de Constantine à la mer. - 10ème, Jemmapes, près Philippeville, route de Bône. - 11ème, Mondovi, près Bône. - 14ème, Héliopolis, près Guelma. - 16ème, Millesimo, près Guelma.

Le village de Jemmapes
Revue de l'Orient 1849-1 page 330

         Le village de Jemmapes est situé dans la vallée du Fendek, à 32 kilomètres de Philippeville, à 35 kilomètres d'El-Arouch et au point de jonction des deux routes qui doivent relier à Bône ces deux centres de population.
         Les tribus indigènes qui avoisinent Jemmapes sont riches, hospitalières et franchement soumises à l'autorité française. Aujourd'hui, bien qu'aucun établissement européen n'existe encore entre Philippeville et Bône, des voyageurs isolés parcourent sans danger cette distance de 102 kilomètres. La sécurité est donc parfaite. La vallée du Safsaf, distante de quelques kilomètres à peine, est entièrement livrée à la colonisation.

         La position du village sur un monticule aéré est non moins rassurante sous le rapport de la salubrité. D'ailleurs, la vallée est généralement saine; quelques travaux de dessèchement et la culture du sol suffiront pour procurer un assainissement complet.
         Le territoire du village comprend 2,850 hectares ; il est très-fertile et très-propre à toutes les cultures. Les indigènes, qui sont essentiellement agriculteurs sur ce point, en tirent d'excellents produits en blé, orge, mais, millet, melons, pastèques, etc. Ce territoire est, en outre, assez généralement boisé ; les chênes liéges, les chênes verts, les frênes, les ormes, les peupliers sont les essences les plus nombreuses.

         Les cours d'eau le sillonnent en tous sens. L'Oued-Fendek, le plus important, coule au pied du village et fournit en abondance une eau saine et limpide, même pendant les plus grandes chaleurs. Quelquefois il sort de son lit et inonde une partie de la plaine; mais celte inondation ne dure jamais plus de quelques heures, et l'eau, en se retirant, laisse un limon précieux qui contribue considérablement à la fertilité des terres. Il a de nombreux affluents, dont les principaux sont l'oued Mezerla et l'oued El-Arab. Il sera possible d'établir sur l'oued Fendek, au nord du village, des moulins et des usines.
         D'un autre côté, ce sol est couvert de ruines romaines qui seront très-utilement employées pour les constructions. On trouve encore en abondance sur les lieux le sable de rivière, la terre à brique, les bois de construction, enfin des carrières de grès et de pierres calcaires, c'est-à-dire tous les matériaux nécessaires à l'établissement des colons, avec de riches et divers éléments d'industrie.

         Indépendamment de ces ressources, le village de Jemmapes est appelé, lorsque la route de Bône sera terminée, à devenir le siège d'un commerce de transit assez important, et des relations commerciales ne tarderont pas à se nouer entre ses habitants et les tribus industrieuses des Beni-Mehenna, des Zerdezas et des Radjetas.
         C'est à Jemmapes qu'ont été réunis les colons partis de Paris le 13 octobre 1848, sous la désignation de dixième convoi.


« Ne viens pas nous donner des leçons, Macron ! »
Par M.José CASTANO,

« Je n’aime que ma patrie ; je ne crains que les dieux ; je n’espère que la vertu » (Montesquieu) – Pensées-
       Giorgia MELONI, « En voilà une qui en a ! » (aurait dit Coluche). Voyez-la lors d’un meeting, interpeller le Président français en ces termes : « Ne viens pas nous donner des leçons, Macron ! ». La vidéo est éloquente et mérite de faire école dans la sphère des apprentis orateurs. C’est du grand art !

       http://popodoran.canalblog.com/archives/2022/10/01/39651174.html

       Lors d’un grand meeting en 2019 à Rome, Giorgia Meloni, leader de Fratelli d’Italia, parti souverainiste conservateur, s’était déjà écriée : « Je suis Giorgia Meloni. Je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne et ça, vous ne me l'enlèverez pas ! ».
       En France, cet « excès de patriotisme » aurait été qualifié de « séditieux ». Giorgia aurait été vouée aux gémonies et fait l’unanimité des censeurs… Les laquais de télévision et les scribouillards l’auraient traitée de « raciste » du moment qu’elle voulait libérer la France de l’intégrisme islamiste et de l’immigration sauvage.
       On aurait tendu à sa sincérité tous les pièges possibles. Au lieu de l’aider et admirer, on se serait occupé à la faire trébucher, à la déconsidérer, à l’écœurer. Hélas ! On y serait sans doute parvenu car quel cœur propre pourrait survivre aux ignominies de la « politicaille » ?

       Dans cette France désormais méconnaissable soumise à la « pensée unique » cette machine du mensonge, livrée au terrorisme, à l’islamisme, aux bandes des cités, gangrenée par les syndicats, les associations adeptes de la tartufferie des droits de l’homme et de l’antiracisme, minée par l’insécurité, les émeutes, les grèves et le chômage, décérébrée, sans mémoire, résignée à la stagnation, au recul, à la déchéance et à la fin, que pourrait faire Giorgia ?
       En Italie, elle a brandi l’étendard de la reconquête face à l’invasion-immigration qui frappe tous les pays d’Europe et qui les vouent à une fin inéluctable. Elle a proposé aux siens l’ardeur, l’action, l’honneur, l’élan, le sacrifice, le travail, la patrie, la famille en se battant comme un vrai soldat, non pas parce qu’elle haïssait ceux qui étaient en face d’elle, mais parce qu’elle aimait ceux qui étaient derrière elle.
       Découragés par l’incapacité de leurs élites à les maintenir à la hauteur de leur destin, les Italiens l’ont entendue et l’ont portée au pouvoir… alors qu’en France il n’est toujours question que de combinaisons, de petites alliances opportunistes et, par-dessus tout, de zèle excessif afin d’attiser la haine entre Français. Et pendant ce temps, la France crédule et soumise est en danger…
       La France inexorablement se meurt, sourde à cette recommandation de Georges Bernanos : « L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait ! ».
José CASTANO       
e-mail : joseph.castano0508@orange.fr

       Et aussi :

Courriel webmestre : beajp08@sfr.fr
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La France tangue.
par M. Robert Charles PUIG.

         · La Nupes ne sait plus à quel saint présenter ses députés " insoumis " Quatennens et Bayou, fautifs d'agressions contre des femmes et des vagues de mises en examen secouent " Renaissance " qui a du mal à trouver une majorité pour voter les lois à l'assemblée. Dupond-Moretti, Garde des Sceaux en exercice est mis en examen par la Cour de justice de la république, tandis qu'Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée est soupçonné de " conflit d'intérêt " avec l'armateur italo-suisse MSC, un des plus grands transporteurs de containers au monde. Macron ne semble pas choisir entre son rôle de " Chef " de la maison France et celui de " chef " de clan… Cela promet de belles batailles avec l'opposition en sus des lois sur la sécurité sociale et les retraites. La menace du 49.3 se précise pour un passage en force du système Macron mais la censure n'est pas loin pour une dissolution prochaine de l'Assemblée nationale ! Les LR, avec 61 députés, sont les " maitres " des prochains votes. Sauront-ils bien utiliser cet avantage ? Il est évident que depuis la réélection d'Emmanuel Macron, la France ne tourne pas rond, ni politiquement avec les grèves chez les pétroliers, ni sur le plan de la sécurité.

         · Le pays est soumis aux exactions diverses de bandes de criminels ou d'islamistes, à la désobéissance aux ordres de policiers et aux séries de meurtres. Marseille ? Les kalachnikovs résonnent avec trois morts de plus en ce mois d'octobre… Grenoble ? Un individu refuse de stopper son véhicule pour un contrôle policier. Il fonce sur les forces de l'ordre et tire. Les policiers ripostent et c'est la passagère du véhicule en fuite qui meurt. Le personnage était connu de la justice. Il sortait de prison et se trouvait sans permis de séjour… Encore Marseille, un homme tué dans le quartier de la " Belle de Mai " … En Alsace un professeur est menacé d'une " Samuel Paty " et cela continue… Nanterre : un lycée est aux mains d'élèves qui exigent de porter des vêtements islamistes… Paris : une gamine blanche, blonde et aux yeux clairs est violée, torturée et tuée par une algérienne en situation irrégulière, avec des complices… Il y a une sorte de silence du pouvoir sur cette tragédie, juste après que Macron est commémoré la manifestation du 17 octobre 1961 mise en place par Hollande, en regrettant les arabes tués ce jour-là et surtout avoir envoyer Elisabeth Borne et 15 ministres se soumettre au président Tebboune afin de distribuer des visas aux algériens et confirmer l'arabe dans les écoles de plus en plus sous la coupe d'une surenchère islamiste : voile et nikab, contestation de certains élèves à respecter les lois républicaines. Il semble que nos élus ne veulent pas voir la réalité de notre décadence en matière scolaire ni en en sécurité. Le cas de la malheureuse Lola étant le dernier incident à " étouffer " par un gouvernement sans honneur.  
       
Robert Charles Puig / octobre 2022


Le prix de la Liberté :
Envoyé par M. Barisain le 25/10/2022
" lettre ouverte à Monsieur Macron "

P. Mulsant

        Non, je ne veux pas payer ce que vous appelez ; à tort " le prix de la liberté " et qui n'est que le prix de vos fautes, de votre aveuglément, de votre ambition.
        Monsieur Macron vous avez décidé que nous devions payer le prix de la liberté !
        S'il est incontestable que la liberté a un prix, encore faut-il analyser où et par qui la liberté est menacée, qui sont les responsables des atteintes à cette liberté, qui en sont les défenseurs et finalement quel en est le prix et qui doit payer.

        La liberté de la France est-elle menacée ? celle de l'Allemagne ? de la Belgique ? de l'Italie ? de la Grande-Bretagne ? de l'Espagne ? La réponse est évidemment non.

        VOS FAUTES
        Oui votre responsabilité engagée dans cette crise et votre faute est énorme :
        En 2014 à l'initiative du président F. HOLLANDE, de la Chancelière A. MERKEL, du Président V. POUTINE et du président ukrainien POROCHENKO, mais surtout, en l'absence des USA, sont signés les accords de MINSK II (suite à l'échec des accords de MINSK I) Ces accords resteront dans l'Histoire sous l'appellation " format NORMANDIE ".

        Ces accords stipulaient principalement :
        - un arrêt des combats entre l'armée ukrainienne et les séparatistes russophones de l'Est Ukrainiens (majoritaires dans le Donbass)
        - un échange des prisonniers
        - le retrait des armes lourdes
        - l'ouverture d'un processus de large autonomie des zones russophones via une réforme constitutionnelle ukrainienne.

        En ce qui concerne l'issue tragique que l'Europe est en train de vivre, quelque soient les responsabilités de V. POUTINE sur lesquelles le peuple français n'a aucun pouvoir, en ce qui vous concerne VOUS ETIEZ RESPONSABLE de la partie incombant à la France que vous prétendez représenter : veiller au respect de ces accords. Vous ne l'avez jamais fait !
Il ne s'agit pas d'erreur, il s'agit d'une faute lourde car
VOUS ETES RESPONSABLE

        Monsieur Macron, vous avez raté le rendez-vous avec l'Histoire. La place de la France historiquement a toujours été d'équilibrer les forces, de stabiliser l'Europe. Mais il est vrai qu'en faculté d'économie on apprend à faire de l'argent et on réduit l'histoire à une conversation de bistrot.
        Cette place de la France, gagnée au prix de milliers de morts, de paroles données, d'engagements tenus vous aurait permis d'être l'arbitre ce cette crise, d'en éviter l'horreur qui vient, de remplir enfin le véritable rôle de la France. Pour cela il fallait s'élever au-dessus de la mêlée bêlante, tenir à distance les cabinets de conseils. Vous auriez laissé dans l'Histoire votre nom et probablement au parlement suédois.

        Comment peut-on croire que l'on veut la paix en livrant des armes lourdes appartenant au peuple français sans même demander au parlement son aval ?
        De quel droit engagez-vous notre pays, nos enfants dans une cobelligérance de plus en plus évidente ! Les conventions de la Haye de 1903 sont claires : Former des soldats d'un pays belligérant est interdit, laisser transiter sur son sol des armes d'un pays belligérant est un acte de cobelligérance. Que direz-vous aux Français si la Russie en conformité avec ces accords de la Haye en venait à frapper la France. C'est au peuple français de décider, pas à vous !

        N'est pas de Gaulle qui veut. Tous les cours de théâtre, même avec les meilleurs professeurs ne pourront vous donner une stature internationale car pour obtenir une telle stature il faut justement oublier le théâtre, la " com ", le business et se plonger dans la raison et apprendre un minimum l'Histoire !

        Le prix de la Liberté comme vous dites, n'est qu'un camouflage de votre immense ratage. Vous ne pourrez pas longtemps mettre sur le dos de l'Ukraine tous les maux consécutifs à votre gestion désastreuse :
        - Non, la crise des hôpitaux n'est pas due à l'Ukraine
        - Non, la pénurie de médecins dans nos régions n'est pas due à l'Ukraine
        - Non, la crise des Gilets Jaunes n'est pas due à l'Ukraine
        - Non, les rodéos urbains mortels ne sont pas dus à l'Ukraine
        - Non, la circulation de la drogue dans nos banlieues n'est pas due à l'Ukraine
        - Non, l'effondrement moral de notre pays n'est pas dû à l'Ukraine
        - Non, la désertion des enseignants n'est pas due à l'Ukraine
        - Non, l'augmentation de la violence, les agressions, les meurtres ne sont pas dus à l'Ukraine.


        Cela, c'est VOTRE bilan, l'Ukraine a bon dos. Elle est bien utile cette crise pour faire diversion !
        Nous ignorions d'ailleurs que l'Ukraine était le premier producteur de chocolat (hausse du chocolat 14% !), un grand producteur d'huile d'olive (hausse de 15% du prix de l'huile d'olives), fabriquant de moutarde et autres balivernes. Vous prenez les français pour des gogos et pour le moment ça ne marche pas trop mal je dois le reconnaître.
Alors NON, NON et encore NON,
je ne veux pas payer vos fautes et votre ambition

        Ce que vous appelez hypocritement le prix de la liberté n'est que le prix de votre incompétence et de votre ambition!
        Et puisque vous vous pensez chef de guerre je vous dédie ces paroles du grand Georges Brassens :
" Ô vous les boutefeux
Ô vous les bons apôtres
Mourrez donc les premiers
Nous vous cédons le pas
Mais de grâce morbleu
Laissez vivre les autres
La vie est à peu près
Leur seul luxe ici-bas "


P. Mulsant, est ancien officier du renseignement intérieur
5 septembre 2022

Source : Place d'Armes
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https://www.place-armes.fr/post/le-prix-de-la- libert%C3%A9-lettre-ouverte-%C3%A0-monsieur-macron



LA SANTE AVANT TOUT !
Envoyé par M. Georges Barbara

            -" " Aller Jeannot y'en a marre de faire ta tête dure métenan, envale moi ça et en vitesse ! Et après rogards de t'la fermer pourquoi toi quand t'yes malade pauvres de nous. Te mets tout le quartier de l'Elisa en dessus dessous. Te fais un madone d'escandale et après qui c'est qui le sait pas !

            - " " O Man, te vas me donner quoi encore ? A tous les coups moi je vais vomir après c'est sur ! Et pis d'abord cette chose a sent pas bon. J'te jure que je me croirai à la poissonnerie d'en bas le marché !

            - " " Cette chose la Meussieu le difficile, c'est pour que tu viens un grand garçon et que tu peux jouer dans ta JBAC, que tu m'a gonflé avec elle qu'elle perd toujours ! Et ben ça pour ta gouverne ça s'appelle " l'HUILE DU FOIE DE LA MORUE " Et pis aller vas te mettre au lit que je te pose t'sur la poitrine le papier gris de l'épicerie avec à bloc du pétrole dessur. Après te vas 'oir ta tousse que t'ya si a va pas murir. Aller fais courage mon fils !

            - " "Non M'an fais-le pour moi, pas le papier d'l'épicerie si te plait que ça brûle trop aprés.

            - " " Ou alors si te préfères je te fais les ventouses, que j'en ai une boite pleine que c'etait à Mémé la pauvre quand a l'été de ce monde, et ça c'est le meilleur pour que ta grippe a murisse !

            - " " Des ventouses métenan, Aïe Man ça jamais, je m'arappelle que l'année dernière quand tu m'les a fait et que je suis été à la plage de Chapuis, toute la bande du quartier y se sont moqué de moi et Lulu lui y m'a même dit " O Jeannot Diocane c'est plus un dos que t'ya, te dirais un jeu de Dames du café maure ma parole " Alors te vois ! Et pis d'abord j'ai plus rien, ma tousse a l'est passée.

            - " " Ta tousse a l'est passée ? C'est pour ça que tu nous a pas fait fermer l'œil de la nuit, que ton père même y voulait aller chercher le docteur Camillieri.

            - " "Ossinon si tu veux o Man pour me soigner, agas de m'emmener chez la vieille Nina la mémé Italienne de la rue Danton à la Colonne qu'elle soigne a'c la prière de Saint Antoine ! Arappelle toi, même qu'une fois a m'avait enlevé le coup de soleil que je m'étais attrapé dans le champ derrière la caserne des gardes Mobiles. A m'avait mis un verre d'eau t'sur la tête, du sel t'sur la langue et a m'avait fait une prière !

            - " " Nano la madone de toi te vas finir par m'les gonfler, rogards que tu te mets au lit dare dare, pourquoi si tu continues je vais t'en mettre une t'surla fugure qu'elle va te guerir sec sec !

            - " "M'an tu sais t'es pas gentille, et ben pisque c'est comme ça, la prochaine fois j'te jure t'sur la tombe de Mémé qu'elle a l'était gentille, que je tomberai plus malade,,, Oila !

Georges Barbara, Août 2022


LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Fratricide à la cité de l’Orangerie (Annaba)

Envoyé par André
http://lestrepublicain.com/index.php/annaba/ item/9037291-la-peine-de-mort-en-heritage


lestrepublicain.com - 23 Oct 2022 Annaba - Ahmed Chabi

La peine de mort en héritage

         Le président du tribunal criminel d’Annaba a prononcé sereinement la sentence capitale à l’encontre de Mohamed Rochedi A. D., né en 1975, rejoignant ainsi le réquisitoire du procureur général adjoint qui avait réclamé la peine de mort.
         L’assassin pour avoir commis un homicide volontaire avec préméditation et actes de sauvagerie tel que rapporté par l’acte de renvoi de la Chambre d’accusation n’a pas bénéficié de circonstances atténuantes.

         Les articles 254, 255,256 alinéas 1, et 262 du code pénal ont été appliqués par le tribunal criminel dans toute leur rigueur.
         Les faits dramatiques qui se sont déroulés le 15 février 2022 dans une villa cossue, sise au 16 rue Abdelaziz Boutefnouchet dans la cité de l’Orangerie avaient semé la stupeur chez les voisins et la famille des deux frères.
         Le cadet, auteur du crime avait porté plusieurs coups de couteau de cuisine à son aîné Lyès pour une histoire de vente de la villa familiale dont ils sont les héritiers. Le corps ensanglanté de son frère n’avait pas suffit à Rochedi qui avait versé du diluant sur le visage et la tête avant d’y mettre le feu en se servant du briquet de la cuisine où s’était déroulé le drame.
         Les voisins ayant entendu des cris s’étaient précipités dans la cour de la villa et avaient évacué le mourant à la clinique El Farabi où il devait rendre son dernier souffle. Le défunt laisse derrière lui une veuve et trois filles. La veille du crime le cadet avait convenu d’une rencontre avec son ainé pour réparer le réseau d’assainissement de leur maison.
         Un ouvrier se trouvait sur place pour vider la cour qui était inondée par les eaux usées. Ce rendez-vous laisse supposer que le coup était prémédité. Une famille connue et honorable vient d’être ainsi bousillée par ce crime dont l’atrocité n’est plus à démontrer d’après l’accusation. Le condamné a cependant dix jours pour se pourvoir en cassation.
Ahmed Chabi           


La volaille a le vent en poupe !

Envoyé par Cécile
http://lestrepublicain.com/index.php/annaba/ item/9037326-la-volaille-a-le-vent-en-poupe


lestrepublicain.com - 24 Oct 2022 Annaba - Nejmedine Zéroug

Envolée des prix de la viande rouge à Annaba

         S’étant rendu compte que les marchands de volailles qui ont pignon sur rue sont en train de faire recette, nombre de bouchers connus sur la place Annabie se sont reconvertis en marchands de volaille, en raison de la flambée des prix de la viande rouge.
         De nouveaux magasins de vente de volaille s’ouvrent, chaque jour, dans plusieurs quartiers de la ville des jujubes.

         En effet, le poulet rapporte gros, nous dit-on. « Avec cette fréquence inouïe, nous allons nous retrouver, dans les semaines à venir, face à une prolifération de vendeurs de volaille », a affirmé un ancien boucher qui refuse, bon gré, mal gré, d’abandonner son métier.
         Et de poursuivre ironiquement : « D’ici là, il y aura, entre deux marchands de volaille, un autre marchand de volaille ». Lors de notre virée, les prix de la viande rouge affichés sur les étals de la boucherie ont donné le tournis aux consommateurs qui n’ont pas hésité à se rabattre sur la viande blanche. Le prix d’un kilo d’agneau est cédé à 2.000 dinars, tandis que celui du veau oscille entre 2.100 et 2.400 dinars. Quant au poulet, qui continue de prendre des ailes, le prix de cette viande très convoitée, notamment par les citoyens à faible revenu, passe de 320 à 360 dinars le kilo. Les prix des matières de première nécessité connaissent une augmentation faramineuse, alors que dans moins de cinq mois, les Algériens accueilleront le Ramadhan. « Il est donc urgent de mettre en place une batterie de mesures pour freiner cette frénésie des prix. Elle risquerait de chambouler davantage le marché et de les déclarer ainsi incontrôlables, à la veille du mois sacré », a fait remarquer un ancien contrôleur des prix.
Nejmedine Zéroug           


La justice fait sa rentrée à Annaba

Envoyé par Brice
http://lestrepublicain.com/index.php/annaba/ item/9037232-la-speculation-est-un-acte-de-terrorisme

lestrepublicain.com - Par: C. 21 Oct 2022 Annaba

« La spéculation est un acte de terrorisme »

          Le Président de la Cour de Justice d’Annaba et le Procureur général, Ahmed Fethi Kébir et Farid Gouasmia, ont procédé solennellement à l’ouverture de l’année judiciaire 2022-2023 avant-hier, jeudi 20 octobre en présence du wali d’Annaba Djamel Edddine Berrimi et des autorités civiles et militaires de la wilaya.

          Les responsables directs des instances judiciaires de la wilaya d’Annaba ont, chacun à son tour, insisté sur l’application des lois afin de mettre un terme à un grand nombre de crimes et délits.
          Des milliers d’affaires ont été traitées au cours de la période s’étalant entre les mois de septembre 2021 et ce mois d’octobre 2022.
          « On doit revoir les produits de premières nécessité et ceux subventionnés par l’Etat sur les étalages des commerces, et mener une lutte sans merci contre la spéculation qui est qualifiée maintenant et considérée comme étant un acte de terrorisme ».
          La lutte contre le marché informel, les bandes de quartiers qui sèment la panique au sein des populations, la fuite des capitaux, la pyromanie qui a fait des dégâts humains dernièrement dans plusieurs wilayas du pays, en particulier dans celle d’El Tarf, les crimes importants, les accidents de la circulation qui ont causé un grand nombre de victimes et des infirmités, les atteintes au patrimoine foncier publics et privés, le trafic de stupéfiants et des produits hallucinogènes sont des crimes à ne pas pardonner.
          On a même cité le cas de détenus qui ont réussi à obtenir des diplômes après des études ou des stages suivis dans les différentes maisons de rééducation et qui peuvent maintenant profiter d’une réinsertion dans la société. Les efforts doivent être constants afin d’arriver à mettre un terme aux dépassements des lois et des règlementations principalement en matière de commerce.
          Des personnes veulent en effet par ce moyen arriver à pousser les populations à s’en prendre à l’Etat alors que la spéculation et les trafics sont des faits à reprocher à ces mêmes personnes.

          Au total 176 affaires criminelles seront jugées

          Le tribunal criminel d’Annaba, siègera à partir de demain, dimanche 23 octobre jusqu’au 22 novembre 2022, pour examiner 176 dossiers ayant trait à des affaires criminelles enrôlées.
          Le Procureur général près la Cour d’Annaba a précisé que toutes les affaires en attente de jugement seront traitées au cours de cette session. Ainsi les personnes impliquées dans des affaires de crime de sang, d’association de malfaiteurs, de viol, d’atteinte à l’intégrité des personnes, de terrorisme, de trafics de drogue ou de substances hallucinogènes seront jugées sur la base des preuves déposées des propres des témoins et des dispositions de la loi.
          Le fratricide de l’Orangerie où le cadet avait tué son aîné pour une histoire d’héritage, le féminicide de la Place d’Armes où le criminel avait égorgé son épouse, une mère de famille, le trafic de comprimés de substances psychotropes dans lequel sont impliqués des pharmaciens, l’assassinat au fusil harpon de la cité du 11 décembre 1960, les deux affaires de terrorisme, la contrefaçon de monnaie pour une valeur d’environ cinquante millions verront leurs auteurs jugés.
          Le crime atroce de Jebenet Lihoud dans lequel est impliqué un père de famille « Jamel » qui aurait assassiné son épouse et ses trois enfants ne sera pas jugé durant cette session, sans doute à cause de son état de santé. A noter que l’accusé vient d’être placé sous mandat de dépôt il y a quelques semaines après un long séjour à l’hôpital.
C.             


Frik

Envoyé par Hubert
https://www.tsa-algerie.dz/frik-comment- sont-produits-ces-grains-concasses-de-ble-dur/

tsa-algerie.com - par : Djamel Belaid 29 Mars 2022

Comment sont produits ces grains concassés de blé dur ?

           Dans l’Est du pays, à l’approche du mois de Ramadan, la récolte des épis de blé pour en faire du « frik » a démarré. Les épis encore verts sont grillés et les grains concassés pour être utilisés dans la préparation de l’incontournable « chorba frik » du Ramadan. Cette pratique ancestrale permet aux petits agriculteurs de mieux valoriser une partie de leur récolte.

           La chorba frik de l’Est algérien
           Contrairement à la hrira oranaise ou à la chorba-vermicelle algéroise, la chorba-frik de l’Est algérien contient des grains de blé dur grillés et concassés.

           Absorbant une partie du bouillon, ils acquièrent une texture malléable sans être trop molle. Cela donne une texture et un goût incomparable à ce type de chorba. Traditionnellement, dans l’Est algérien, il n’est pas rare de voir au printemps, des particuliers s’arrêter au bord des routes pour cueillir quelques épis de blé afin de faire leur propre frik.

           Une démarche commerciale sans CCLS ni minoteries
           La commercialisation du frik passe par des réseaux privés en s’affranchissant du réseau habituel des Coopératives de Céréales et de Légumes Secs (CCLS). En cela, ils renoncent au prix public de 6 000 DA le quintal. Cela s’explique par le prix de vente : 16 000 à 20 000 DA le quintal.

           En fait, les agriculteurs réalisent eux-mêmes la transformation du grain. Cette démarche est originale. Traditionnellement, dès la récolte, les agriculteurs se pressent aux portes des CCLS pour livrer leurs grains. Il peut arriver qu’ils patientent 48 heures avec leur remorque devant les silos.

           Ce sont des moulins privés, qui se chargent ensuite de la transformation des grains en semoule puis souvent en couscous ou pâtes alimentaires. Cette transformation procure aux propriétaires de moulins une valeur ajoutée liée à la vente de semoule mais aussi du son de blé.

           La production de frik par les producteurs représentent une ré-appropriation de cette valeur ajoutée. Une valeur ajoutée qui reste donc dans le secteur agricole contrairement à la politique des minoteries.

           Une démarche technique innovante
           Le matériel homologué ne permet que la récolte de grains, aussi, les producteurs de frik ont dû innover. Pour la récolte des épis, ils utilisent une faucheuse accolée à une remorque qu’ils ont munie d’un rabatteur récupéré sur une moissonneuse-batteuse. Les épis ainsi fauchés tombent directement dans la remorque.

           Une autre innovation concerne le procédé utilisé pour griller les épis. Ces derniers sont séchés quelques heures au soleil en petits tas à même le sol. Puis est utilisé un brûleur composé d’une longue lance en métal reliée par un tuyau flexible à une bouteille de gaz.

           Les tas sont enflammés durant un court instant et retournés à l’aide d’une fourche. Une fois refroidis, les épis ainsi grillés sont ensuite introduits dans une moissonneuse-batteuse à poste fixe afin de récupérer les grains. Ces différentes manipulations exigent une nombreuse main d’œuvre.

           Labelliser la production de frik
           La production de frik bio mériterait d’être labellisée en Algérie. Ce type de production est typique de l’Est Algérien. On retrouve également cette pratique en Syrie.

           Il serait intéressant que les producteurs locaux puissent définir un cahier des charges. Des améliorations de la qualité du produit final sont possibles : taux de protéines des grains, variétés les mieux adaptées, date de récolte, techniques optimales pour griller les épis et concasser le grain tout en respectant une granulométrie précise, packaging.

           La mise en sachets d’un kilo ou de 500 grammes dans un emballage approprié avec identification de la zone de production et du producteur pourrait être un gage de confiance vis-à-vis du consommateur.

           Des efforts publicitaires pourraient permettre de gagner de nouveaux consommateurs à l’Ouest du pays. En effet, dans cette région l’utilisation du frik est peu développée.

           D’autres consommateurs potentiels pourraient être approchés, telle la diaspora algérienne à l’étranger où le consommateur ne trouve que le « boulgour » d’origine turque. C’est dire le potentiel offert en matière de commercialisation.

           Développer la filière frik
           Ce type de production est actuellement marginal. Il est possible d’augmenter rapidement les volumes. Cela peut passer par un échelonnement des dates de maturité afin d’étaler la pointe de travail lors de la récolte.

           Pour cela, il s’agit, à qualité égale, d’envisager l’utilisation de variétés de blé à date de maturité décalée. L’Algérie bénéficie de différents étages climatiques, aussi il devrait donc être possible d’étaler la production de frik entre le nord et le sud du pays.

           La mise au point d’un système artisanal de récolte des épis par des paysans de Biskra lève ce qui constituait jusqu’à présent un goulot d’étranglement.

           La nouveauté vient d’une autre innovation concernant l’opération visant à griller les épis. Jusqu’à présent celle-ci était manuelle. La mécanisation de cette opération est récemment apparue. Des agriculteurs ont recours à un énorme cylindre métallique animé d’un mouvement rotatif grâce à sa liaison à la prise de force du tracteur. Les épis secs sont introduits à une extrémité du cylindre et récupérés à une autre une fois être passés rapidement au-dessus d’un brûleur à gaz.

           Producteurs de frik, des hommes libres
           Les céréaliers qui produisent du frik le font en dehors de la filière blé dur des CCLS et des minoteries. Ils ne sont pas intéressés par les prix à la production soutenus par les pouvoirs publics. A ce titre, il s’agit de producteurs autonomes ou libres.

           Il est certes trop tôt pour parler d’une filière, celle-ci reste à créer. L’inventivité des agriculteurs concernés montre les potentialités que recèle la production de frik.

           Que ce soit sur le plan des innovations matérielles ou des circuits de commercialisation en dehors des CCLS, à chaque étape les producteurs de frik innovent.

           Avec un marché de plus de 40 millions de consommateurs et de réelles possibilités d’exportation, la production de frik peut permettre d’assurer un complément financier notable pour l’équilibre des petites exploitations céréalières des zones marginales.

           Ce qui est remarquable, c’est que ce revenu ne vient pas de l’élevage ovin, souvent plus rémunérateur que les céréales. Il provient d’une production végétale; non pas d’une production irriguée telle la pastèque gourmande en eau, mais d’une production de céréales menée sans aucun recours à l’irrigation. Cet exemple montre combien le potentiel économique des céréales peut être sous-estimé.

           Frik, un lien au lieu
           Cette production est parfois injustement critiquée au motif qu’il s’agit d’un détournement de volumes de céréales aux dépends des minoteries. En fait, la production de frik est une production de terroir. Elle est propre au blé dur. Cette production témoigne d’un lien au lieu. Elle fait l’objet de savoirs ancestraux qui ont su évoluer dans le cas de la récolte.

           Son expansion et sa structuration pourraient être l’œuvre des élites rurales de ces territoires : paysans leaders, jeunes cadres, jeunes chômeurs ou retraités disposant d’une expérience. A cette élite rurale de rassembler les moyens agronomiques de production, de récolte, de transformation et de commercialisation d’un produit unique si apprécié en période du mois de Ramadan.
Djamel Belaid             


Spéculation sur l’huile de table

Envoyé par Carine
https://www.tsa-algerie.dz/speculation-sur-lhuile-de-table- des-commercants-pris-la-main-dans-le-sac/

  - Par tsa-algerie.com - Par: Rédaction 06 Oct. 2022

Des commerçants pris la main dans le sac

           Une nouvelle crise de l’huile de table sévit depuis quelques jours en Algérie. Subventionné par l’État, ce produit de large consommation s’est raréfié dans les magasins depuis fin septembre, mais la pénurie ne s’est pas installée dans la durée.

           Les services de lutte contre la spéculation et le stockage illégal de l’huile de table ont mené des opérations sur le terrain pour lutter contre les spéculateurs qui profitent des tensions sur la distribution de ce produit pour augmenter les prix.

           Au marché de gros de Semmar dans le sud d’Alger, des commerçants ont été pris la main dans le sac par des contrôleurs du ministère du Commerce, avec des stocks injustifiés de l’huile de table et de lait en brique qui connaît une pénurie, en raison de la fermeture de l’usine Candida Algérie, faute de poudre de lait.

           Certains commerçants ont expliqué avoir acheté de l’huile de table en « deuxième ou troisième main » en raison des problèmes de disponibilité sur le marché.

           « Ce commerçant stocke ce produit (huile de table) en temps de crise. Il prétend qu’il n’a pas d’ordinateur pour facturer, alors que nous avons vérifié que la machine fonctionne normalement. Ce commerçant est un spéculateur », a expliqué au micro de l’ENTV Zahra Hamrouche, inspectrice du commerce à la circonscription administrative de Bir Mourad à Alger.

           Ce commerçant dont la marchandise objet de la spéculation a été saisie sur place sera poursuivi en justice et risque la prison. « La sortie d’aujourd’hui a été ponctuée par la saisie de 12500 litres d’huile de table et de la farine », a indiqué Amel El Hachemi, de la sûreté de la wilaya d’Alger, qui a accompagné les contrôleurs du ministère du commerce lors de cette opération menée mercredi 5 octobre.

           La loi sur la spéculation qui a été promulguée en janvier dernier punit sévèrement les spéculateurs de produits alimentaires de base. Elle stipule dans son chapitre relatif aux dispositions pénales que la spéculation illicite est punie d’un emprisonnement de trois à dix ans et d’une amende de 1.000.000 DA à 2.000.000 DA.

           Le texte prévoit une peine d’emprisonnement de 10 ans à 20 ans et une amende de 2.000.000 DA à 10.000.000 DA contre les auteurs de la spéculation sur les céréales et leurs dérivés, les légumes secs, le lait, les légumes, les fruits, l’huile, le sucre, le café, les carburants et les produits pharmaceutiques.
Rédaction                


De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 161A                                                  PDF 162
    PDF 163                                                  PDF 163A
    PDF 164                                                  PDF 165
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Humour russe
Envoyé par Louis

    Poutine a rendu visite ce matin à une école à Moscou. Il a commencé à dire aux élèves à quel point l'État est fort et comment il se soucie des citoyens.
    À la fin, il a demandé aux élèves s'ils ont des questions à lui poser.
    Un élève se lève et dit :
    - Je m'appelle Igor et j'ai deux questions.
    Oui, dit Poutine, s'il vous plaît :

     L'étudiant demande 1. Pourquoi la Russie a-t-elle attaqué la Crimée ?
    2. Pourquoi la Russie a-t-elle envoyé des troupes en Ukraine ?
    Poutine répond : très bonnes questions, je suis content que vous les ayez posées.

     À ce moment la cloche sonne et les élèves sortent faire une pause.
    Après la pause, Poutine demande de continuer avec les questions des élèves.
    Un autre étudiant se lève et dit :
    - Je m'appelle Sasha et j'ai quatre questions :
    1. Pourquoi la Russie a-t-elle attaqué la Crimée ?
    2. Pourquoi la Russie a-t-elle envoyé des troupes en Ukraine ?
    3. Pourquoi la sonnerie de la récré a-t-elle retenti 20 minutes plus tôt ?
    4. Où est passé Igor ?



Si vous avez des documents ou photos à partager,
n'hésitez-pas à nous les envoyer. D'avance, Merci.

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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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