N° 231
Octobre

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Octobre 2022
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,

Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

Faire passer la pilule !

         En ce mois d'octobre, nous avons une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est que l'été est bel et bien fini même si quelques belles journées ensoleillées sont encore à prévoir comme tous les ans

         La bonne pour ceux qui se plaignaient de la chaleur, plus de doutes, est que, après des vacances très chaudes, la vie reprend son cours. La nature change ses couleurs, et le thermomètre descend dangereusement. Cette période de l'année est très redoutée par une grande partie des français. Surtout si on ajoute la crise financière, organisée et sans précédent afin de mater le peuple et imposer la dictature ; les violences de toutes sortes qui augmentent de façon très inquiétante ; la déception grandissante du peuple face à une politique sans lendemain…

         Il ne servirait à rien de rajouter du noir sur un tableau déjà noirci, mais le constat inéluctable qui s'impose dans le champ de ruines du paysage politique français, c'est que les partis se déchirent pendant que le pays va à vau l'eau.

         Le président Micron veut dissoudre l'assemblée s'il n'obtient pas la majorité sur ses projets funestes, toujours des menaces du va t-en guerre.

         En cas de nouvelles élections, est-il sur d'avoir une majorité, pour nous enfoncer un peu plus ? " La différence entre le PC et le beaujolais, disait Coluche, c'est que le beaujolais est sûr de faire 12,5 %. "

         Toutes les " bourdes " politiques s'accumulent. Tout cela m'interroge car ces malfaisants politicards méritent-ils que l'on fasse un édito détaillé et argumenté sur leurs vilenies ?

         Ma réponse est non, que ceux qui les ont élus se démerdent et se font cuire un œuf avec beaucoup de piment de cayenne pour leur faire passer la pilule.
         Cela me donne qu'une envie, c'est de ne plus faire d'édito.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.


LE BAL DES ANCIENS COMBATTANTS
Envoyé par M. Georges Barbara

            -"He o Titin, Diocane t'y a fini de bouger comme ça ou quoi ? Que j'arrive pas à te faire ce madone de nœud à la cravate. Continue,,, continue comme ça et alors la adebon on va t'etre en retard à ce cats de Bal des Anciens Combattants ! Que chaque année j'te jure ça commence à m'les gonfler,,,

            Que dans ce bal je suis obligée de me farcir toutes ces cancaneuses du passage Savino, qu'elles arrêtent pas de dire du mal de tout le monde. Elles ont la fugure comme leur darrière et laisse qu'elles t'habille les gens du pied à la tête. Et pis te sais de toi à moi jusqu'à quand que vous allez être des Anciens Combattants,,,,, Michkines il en reste plus y sont presque tous entrain de te faire la sieste à chez Taddo !

            -"Ah c'est çà, nous z'y 'oila... vas y...; c'est la jalousrie qui te fait parler, j'te 'ois venir comme le tram de Nuncie dans la descente de la Ménadia,,, Te crois pas que je 'ois pas la tête de galinette que tu fais quand je me tappe les séries de Tango ? Et à qui tu veux le faire toi ? Te sais quand toi tu vas moi je roviens ! Hein !
            -" Tes séries de Tango ? Ca me fait belle jambe, mais que tu vas à chaque fois demander pour danser la fille de Carmene celle qu'elle te courait derrière quand t'y étais jeune, et que tu t'la plaques contre toi comme une patelle dessur les rochers de Babaïo, te crois que j'le vois pas ? Et ben ça à moi tu vas pas m'la faire, mème si en vieillissant je suis devenue comme tu dis, Tcheugade ! !

            -"Mais tu veux mettre un peu ta bouche au point, arrête de maronner comme ça. T'les a à l'envers ce soir c'est pas possible que j'ai pu rester avec toi toute ma vie ? Et que j't'ai fait trois beaux oualiounes ? Mais la madone de toi, arrête,,, arrete un peu pourquoi ça que tu sais pas c'est que nous si on se molle au bal des anciens combattants, c'est parce que Monsieur Pantaloni le Maire y nous laisse la salle des mariages de la Mairie Aouf pour le jour du bal, oui madame Aouf!,,, Alors c'est la moindre des choses qu'ont lui rotourne l'ensenceur non ?

            -" Bon laisse toi du bal o monsieur du nœud, mais te vois pas qu'à chaque fois c'est la croix et la bannière pour te mettre ces bottines qu'elles datent de la comminion du petit, et par dessur le marché, elles te font boiter pendant une semaine tellement qu'elles ont rétrécie, ou alors manque un peu à tous les coups c'est tes pieds qu'y zont tellement gonflé que tu dirais les pieds de Paris soir ,, Assaouar ?

            -" Bon Nina aller finies moi ce cats de nœud et ne me gonfle plus, et pis tu t'es rogardée devant la glace de l'armoire de la chambre avant de parler toi, avec ton chapeau que tu dirais un panier de légumes de chez Vella le Maltais du Pont Blanc.

            -"Te peux te moquer de moi Titin,,,, Toi que t'yes bien placé pour parler, et pis agas ça que j'vais te dire, ne rocommence pas cette année encore à me faire monter la honte à la fugure quand tu fais le Dandalon et que tu veux mener le Quadrille des Lanciers, que tu es un vrai tchoutche dans la musique. Laisse faire un peu Nano le chikeur que lui oui y connaît. T'yes tout juste bon à chaque fois à me faire honte devant tout ce monde
            -"Agads moi ça la Madame quelle te connaît tout ! Pa Madone alors là tu me laisse axe !
            -" Ca te bouche un trou que je connais tout, areusement que je suis là, aller on y va mais entention quand y vont déboucher le champagne à la mémoire des anciens qu'y sont morts en 14, agas de pas t'amuser cette année encore à chanter ta chanson " QUAND IL REVIENDRA LE TEMPS DES CERISES "Pourquoi quand tu vas ouvrir cette madone de bouche,,, et Ckouniatte comme t'y es on va croire que c'est la grotte qu'y ya en t'sous le P'tit Mousse.

            -" Rogards ça que je te dis ce soir Nina, à toi que t'yes curieuse comme une canule à lavements ; tu peux faire la croix que c'est bien la dernière fois que nous allons ensemble au bal des Anciens Combattants, parce que moi j'en ai marre de m'entendre dire,,,
            "ALORS TU AS ENCORE SORTI TA MÈRE ?

Georges Barbara, juillet 2022


C'était la petite histoire de mon passé
" Une rêveries les yeux grands ouverts "

        A quoi rêver de mieux ? Si ce n'est à notre Bastion de France, qui est aujourd'hui loin de nous et hélas ! a changé de costume depuis déjà bien longtemps. Mais, puisque ma rêverie, devrait me conduire sur les rivages de Barbarie et ailleurs, faisons comme si rien n'avait changé, de toutes ces images connues de la cité du corail et du passé. Pourtant, il faut que je me rappelle du grand départ de là-bas, de mon arrivée en France et de mes périgrinations dans la ville de Grenoble où, je fus par un jour funeste rapatrié, puis, me rémémorer ensuite, ce que fut l'avenir qui m'attendait.

        Je venais à peine de me marier, c'était en novembre 1962 et ce devait être l'avant dernier mariage, célébré à Saint-Cyprien pour un ultime Callois. Quelques jours après, le cousin Daniel Pêpe était venu chercher la famille, pour nous emmener chez-lui à Bône où, devait être fêter le baptême de sa fille Lydia. Mais avant, je me souviens d'un triste jour de novembre 1962, c'était par une vilaine après-midi où, je quittais définitivement La Calle, pour partir en exil dans un pays qui n'était pas le mien et qui l'est encore moins aujourd'hui. Ce jour-là, il faisait un temps épouvantable : un ciel très sombre, du vent violent, une pluie incessante et très forte qui tombait à verse... La nature semblait me dire adieux, alors que nous montions la route de Bône, mais, dans ma tête je ne pensais pas, que je partais définitivement de chez-moi. C'était en quelque sorte, le sentiment que je me rendais en France, pour aller passer des vacacances ou, plutôt, je pensais partir comme je le faisais souvent, dans mon école Technique de Dellys... Comment se passa le trajet jusqu'à Bône ? Et bien sans aucun problème, puisque, comme je l'ai indiqué, dans mon esprit je n'avais quitté La Calle, que, pour me rendre en France, pour passer un agréable séjour, ou bien, dans l'E.N.Professionnelle de DELLYS - près d'Alger.

        Nous avions fêté le baptême dans la joie et moi j'étais tout à mon bonheur, avec ma petite femme Ginette +, sans penser seulement une seule fois, que je vivais les derniers jours dans mon cher pays. Avant mon départ, je me rendis au cimetière de Bône sur la tombe de mon père, de mon oncle Antoine et de mon grand-père, pour leur dire un aurevoir. Ma mère et Ginette étaient avec moi et c'est dans le cimetière que j'embrassais ma jeune épouse que je laissais en Algérie et qui pleurait à chaudes larmes de me voir partir, ainsi que ma mère qui était aussi bien triste, pour prendre congé de ces êtres aimés avec le cœur bien affligé.

        Dans l'après-midi, je devais prendre l'avion pour rallier Marseille et là sur l'aéroport des Salines, je conservais tout à fait le même sentiment apaisant : je ne quittais l'Algérie, que pour un agéable séjour en France et c'est tout. Mais arrivé le soir à Marseille par la Caravelle, je commençais tout de même, à me poser certaines questions. Il faisait une nuit noire, le temps était froid et pluvieux et nous étions le 05 décembre 1962. La famille Marchèse nos voisins Callois, qui étaient rapatriés et installés à Marseille, devait venir me chercher à Marignane, mais, nous nous sommes râtés et hélas ! je ne vis rien voir arriver à l'horizon. Je pris donc une navette, qui m'amena à la gare Saint Charles où, je devais prendre un train de nuit en direction de Grenoble, les lieux que j'avais choisis pour des considérations personnelles : c'était une ville très industrielle, qui me permettrait de trouver rapidement du travail, c'était aussi une ville proche de la Savoie, patrie natale de ma petite épouse et enfin j'avais tout de même l'idée et l'intention, de poursuivre des études techniques en assistant aux cours du soir.

        Le voyage devait durer toute la nuit et le matin alors qu'il faisait encore noir, nous arrivames à Grenoble où, les rues étaient encore vides de tout passant et couvertes de brûmes. Il faisait très froid et j'avais besoin de boire un bon café chaud et c'est pourquoi, j'apperçus un petit troquet juste en face la gare, dont la facade était faiblement éclairée par une petite lumière. J'entrais dans ce modeste établissement, qui était pratiquement vide à cette heure matinale et j'obtenais un grand bol de café chaud qui me réconforta, sauf, que je commençais tout de même, à me poser quelques questions : où, me rendre, tout seul dans cette grande ville ? où, allais-je me loger, le temps que je puisse trouver du travail et la location d'un logement...? Un sentiment de triste solitude devait alors soudain m'envahir et me laisser pensif cloué sur mon siège. Cependant, chemin faisant deux hommes, sûrement, des employés municipaux, rentrèrent en riant dans le bistrot où, ils avait bien l'air d'être coutumiers des lieux. Après avoir causé jovialement avec le patron et à ma grande surprise, ils commandèrent chacun un grand verre de rouge. Je croyais rêver, car, comment ? pouvait-on boire du vin rouge de si grand matin. Ce fut la première grande surprise, que devait me réserver la ville de Grenoble.

        Enfin le jour se leva, péniblement, triste et pluvieux. J'étais toujours figé sur mon siège de bistrot, mais, je commençais tout de même à me dire, qu'il faudrait me remuer si je voulais rêgler mes problèmes. En sortant du café j'inspectais la place de la gare et je repérais vers la droite un petit hôtel sans panache, dont je dirigeais rapidement mes pas. Mado la barman, devait m'accueillir très gentiment et ainsi je pus obtenir une chambre modeste, mais bien chauffée et confortable, avec une fenêtre qui donnait sur la gare. Par conséquent, puisque j'avais temporairement, résolu mon problème de logement, il importait maintenant, que j'aille au Centre des rapatriés pour me faire enregistrer, afin de pouvoir toucher quelques allocations qui seraient les bienvenues, car, à mon départ de La Calle, ma mère m'avait donné 500,00 fr afin de pouvoir assumer mes frais de séjour. Mais, bien que vivant chichement, je craignais fort que cette somme soit rapidement dépensée et de me retrouver à sec. Bien heureusement, après moult visites au centre des rapatriés, je touchais quelque argent qui me permis de survivre.

        Pour assurer mes repas, tous les jours j'achetais un grand pain frais et un pied de cochon mayonnaise peu onéreux ou, une boite de sardine à l'huile, des produits que je consommais en sandwitch matin et soir et pour boire je faisais appel tout simplement au robinet de ma chambre à coucher... Entre-temps, j'avais terminé de manger, un gros saucisson que m'avait donné mon cousin Daniel avant mon départ d'Algérie. Le reste du temps, je passais mes journées à déambuler dans les rues de Grenoble, à penser à je ne sais trop quoi. Bien que, au sein de ma chambre d'hôtel, il m'arriva souvent d'entendre siffler les trains, qui semblaient me dire de repartir chez-moi en Algérie. Repartir bien-sûr, cela me tentait ? mais, pour faire quoi, dans ce pays qui n'était plus du tout le mien. Entre-temps, alors que je me morfondais dans ma chambre d'hôtel, je me mis à ranger mes affaires et je trouvais alors, un petit billet que m'avait laissé ma petite épouse et qui me souhaitait "un bon courage." C'est vrai qu'il m'a fallut bien du courage, pour affronter les temps difficiles qui m'attendaient.

        Par un triste jour, alors que j'arpentais morose les rues de la cité, je passais devant une église et j'eus alors le désir de rentrer à l'intérieur, pour aller demander de l'aide au bon Dieu. Les lieux étaient déserts, sombres et froids. Tout à coup, j'aperçus dans la pénombre, un cercueil qui gisait là, tout seul, sans aucune personne veillant près de lui. Alors que je me posais des questions, un personnage rentra s'affairer dans l'église, c'était sûrement le bedeau de la paroisse. Je m'approchais de lui et lui demandais le pourquoi de ce ce rcueil isolé. Il me répondit que la famille n'avait pas souhaité, conserver le défunt à leur domicile et préféré laisser le corps en garde à l'église. Je n'ai pu comprendre cette façon de faire et ce fut pour moi la deuxième grande surprise de Grenoble.

        Un jour en sortant du Centre des Rapatriés, j'eus la surprise de rencontrer Claude BONTOUX, un ami avec qui j'étais au Collège Technique de Bône. Il était très heureux de me revoir et il devait m'inviter à aller chez lui, afin de faire la connaissance de son épouse et de ses parents, qui habitaient dans le même immeuble. J'eus l'occasion à plusieurs reprises de le revoir, ainsi que ses parents et sa charmante sœur. Mais, ensuite, nos relations se sont estompées, car, ma petite épouse était rentrée en France et moi j'avais commencé à travailler chez Caterpilar, si bien que nous n'avions plus eu l'occasion de nous rencontrer...Bien plus tard alors qu'un jour je me dirigeais vers la facultés des Sciences où, j'avais repris mes études, je rencontrais tout à fait par hasard mon ami Claude, qui me fit quantité de reproches pour avoir disparu de la circulation. J'ai eu du mal à lui expliquer le pourquoi de mon absence, puis, nous nous sommes quittés sans jamais plus nous revoir.

        Malgré toutes mes démarches, je ne trouvais aucunes usines succeptibles de m'embaucher. J'avais pourtant un solide bagage technique, puisque, je possedais le Brevet de Technicien supérieur en construction mécanique et que naïvement je pensais, que ce titre m'ouvrirait toutes grandes les portes de l'emploi, ainsi, je me voyais déjà en haut de l'affiche comme le chante Aznavour... De même je n'arrivais pas à trouver d'appartement en location, car, l'arrivée des rapatriés, en avaient notablement restreint leur nombre... Puis les fêtes de Noël arrivèrent et ma tante Filomène, qui était rapatriée dans la banlieue Lyonnaise, devait m'inviter à rejoindre la famille, ce que je fis avec une grande joie et ainsi tout content je m'embarquais sur un train en direction de Lyon. Ils habitaient, les pauvres, dans un espèce de taudis sans chauffage, mais, j'étais tout de même heureux d'être ensemble avec les miens. Mon oncle Antoine, avait été recasé dans les ateliers de la SNCF d'Oullins où, le travail et l'ambiance ne lui déplaisait pas. Je me souviens qu'avec mon oncle, nous nous promenions tristement dans la rue principale le soir de Noël et nous plaisantions en regardant les boutiques qui étaient si bien achalandées. Pour rire je lui disais, que, j'aimerais bien, être enfermé une nuit dans l'une de ces boutiques, afin de pouvoir bien me régaler, avec toutes les bonnes choses qui s'offraient à nos regards. Puis devenant sérieux, je poursuivais ma conversation en disant un peu amer : " qu'avons-nous fait au bon Dieu, pour être dans ce pays ?" Mon oncle devait acquiéser par un mouvement de la tête et me dire " tia raison !".

        Les fêtes étant passées, il me fallu penser à rentrer à Grenoble, pour continuer mes démarches qui n'avançaient guère. Cependant, un jour devait se produire un petit miracle : par un triste après-midi, je m'étais assis sur un banc dans un parc de la ville et je regardais plongé dans mes pensées, les pigeons qui picoraient presque à mes pieds. Soudain, j'aperçus des pieds qui se dirigeaient vers moi et lorsque je levais la tête, je vis un visage connu : le grand Alain Richert, un neveu de la famille Arnaud, tout content de me rencontrer. Il devait me demander ce que je faisais là, assis sur ce banc public et à penser à quoi ? Je lui ai donc fait part de mes difficultés, pour trouver un emploi et surtout un logis. Il me convia alors de le suivre jusqu'à son bureau où, il s'occupait alors de secrétariat volant et je restais avec lui toute une fin d'après-midi. Vers le soir, il me ramena à mon hôtel et voulu voir ma chambre. Nous avions pris l'apéritif ensemble et il m'invita à le rejoindre à son bureau, le lendemain samedi en fin de matinée, afin me dit-il, de prendre l'apéritif. Comme j'étais heureux d'avoir rencontré le " grand Alain ", car, soudain, je me retrouvais moins seul dans cette ville immense.
        Aussi, dés le lendemain à l'heure dite, j'étais dans son bureau à attendre qu'il finisse de rêgler une affaire. Il devait m'accueillir les bras grands ouverts en souriant, comme il savait si bien le faire. Alors, il me dit : " allons, jusqu'à ton hôtel prendre tes affaires, car, à partir d'aujourd'hui, tu vas venir habiter chez-moi ! " Un instant ébahi par cette proposition, je déclinais son offre en lui disant, qu'il était marié et père d'une petite fille, que sa femme avait ses occupations professionnelles. Par conséquent, je ne souhaitais en aucune façon aller les encombrer. Mais, malgré mes protestations rien n'y fit et je fus contraint de prendre mes affaires et de le suivre dans sa voiture. Chemin faisant, nous avions pris au passage, son épouse Nicole qui était professeur de mathématiques dans un lycée. Elle me salua poliment, mais, assez froidement, ce qui me fit penser, qu'elle n'était pas tout à fait d'accord avec son époux pour me recevoir et qu'elle avait dû avoir une sérieuse discussion avec lui.

        Combien suis-je resté chez la famille RICHERT ? Au moins deux mois je le pense. Comment ce séjour s'était-il passé ? Et bien, je dois avouer, que tout devait bien se dérouler, notamment, avec Nicole la mère de famille, qui avec le temps avait fini par m'adopter, car, le grand Alain, ne foutait absolument rien chez-lui et sa femme se tapait tout le travail de la maison, en plus de s'occuper de son enfant en bas âge et de ses activités scolaires. De mon côté ayant le temps, je me mis à participer à la vie du ménage, en me rendant utile. Par exemple, je faisais souvent la cuisine, parfois,les commissions, j'allais régulièrement à la cave, pour prendre le charbon nécessaire à la chaudière et vider les ordures ménagères... Toutes ces petites tâches étaient très appréciées par Nicole, car, elle ne pouvait jamais compter sur son époux pour l'aider. Aussi le temps passant, elle s'était très attachée à moi et me considérait un peu comme un frère.

        Durant ces deux mois, je m'étais organisé pour m'occuper de mes affaires et penser à mon avenir immédiat. Il fallait en premier que je trouve du travail et en même temps, me mettre à la recherche d'un appartement, afin de pouvoir me loger et recevoir mon épouse restée en Algérie, qui s'impatientait d'être loin de moi et de me savoir tout seul à Grenoble. C'est à ce moment-là, que, je devais comprendre, combien j'aurais des difficultés pour trouver un emploi. En effet, je pensais naïvement, que titulaire d'un BTS en Construction Mécanique, mon avenir était brillamment tracé et je me voyais déjà " en haut de l'affiche.". Mais, qu'elle ne fut ma déception, lorsqu'après avoir visité de nombreuses usines où, je ne fus pas retenu, je fus contraint d'accepter un emploi chez " Caterpillar France ", une Société Américaine implantée à Grenoble, qui me proposa un poste de dessinateur petites études dans son bureau d'étude, autrement dit, un poste au plus bas de l'échelle, alors, que le statut d'un Technicien supérieur, était d'obtenir des fonctions de dessinateur projeteur. La mort dans l'âme j'acceptais ce poste bien subalterne et je commençais à travailler au sein de cette usine où, je ne devais rester que quelques mois. Parallèlement, je courais d'agence immobilière en agence, à la rechercher d'un appartement en location.

        A cette époque, les locations étaient bien rares, compte-tenu de l'afflux des rapatriés d'Algérie. Aussi, je ne recevais que des refus des différentes agences. Alors que je désespérais de trouver un logement, un jour passant dans une rue, je vis sur une plaque " Agence Immobilière HENRY." Je rentrais dans les locaux, en me disant que j'allais encore obtenir une fin de non recevoir. Je fus reçu par un Messieur sympathique du nom de KRIEF qui était originaire de Tunis. Nous avons sympathisé et je lui ai fait part de mon désire d'obtenir un logement. Il réfléchit un moment, pour me dire qu'il voulait bien me louer un logement, mais, qu'il fallait que j'achète un appartement, qui était actuellement en construction. Après réflexion j'acceptais sa proposition, puisque, j'avais bien heureusement, quelque argent sur mon livret d'épargne de la Poste. Il m'emmena alors sur le chantier, situé à Seyssinet dans la banlieue de Grenoble où, la construction était déjà bien avancée et il me fit choisir un F3 situé au 3° étage surélevé. Dans la foulée, il m'entraîna ensuite, pour me faire visiter un appartement libre, situé presque dans le même secteur... Ce jour là, je pense avoir gagné ma journée, en achetant un appartement en voie de finition et en louant un F3, dans l'attente que les travaux de l'appartement se terminent. Ce fut le soulagement, pensez, un logement où, je pourrais enfin vivre et recevoir ma petite épouse.

        Entre-temps j'avais été embauché, chez Caterpilar France au poste de dessinateur petites études. J'avais au début été présenti, pour un poste intéressant dans un bureau de traduction technique, mais, je n'ai pu obtenir ce poste, puisque, ne maîtrisant pas l'anglais. Le bureau d'études où j'exerçais, était à l'époque situé dans un local préfabriqué provisoire, dans l'attente que soit terminés les locaux neufs qui devaient nous accueillir. A ce moment, les horaires de travail étaient conséquents, puisque, nous commencions tous le matin à 7 heures jusqu'à midi, puis, de 14 heures à 18 heures 30', 5 jours par semaine ce qui faisait 9 heures et 30' de présence dans l'usine, soit, 47 heures 30' de travail hebdomadaires. Rien à voir évidemment, avec les 35 heures actuels, Le temps passant, je me rendis rapidement compte, que l'usine n'était pas faite pour moi, car, en effet le travail ne me convenait pas du tout, ainsi que l'ambiance qui rêgnait dans cet établissement. Je me mis à ronger mon frein, en me disant qu'il fallait que je fasse autre chose de ma vie.

        Entretemps ma petite épouse Ginette était rentrée d'Algérie. J'avais été la chercher à Marseille-Marignane en bus et je la vois toujours souriante, me montrant de loin quelque chose suspendu à son bras, qui devait se révéler être une cage avec nos deux petits canaris. Cette fois-ci, la Famille Marchèse était venue nous chercher à l'aéroport et nous a emmené chez-elle à Marseille où nous avions soupé. En fin de soirée, ils devaient nous amener à la gare Saint-Charles où, en tant que rapatriés, nous primes gratuitement le train pour nous rendre à Grenoble. C'est la dernière fois que nous devions revoir cette si gentille famille... Nous sommes arrivés le matin à destination et en taxi nous avions rejoint notre domicile de Seyssinet que j'occupais depuis peu. L'ameublement était sommaire et dans la chambre un matelas demeurait sur le sol. C'est grâce au grand Alain et à un de ses amis pieds-noirs, militaire de carrière, que j'ai pu obtenir ce minimum de choses, ainsi, qu'un vieux vélo, qui devait bien me servir ultérieurement, notamment pour aller sur les lieux de mon travail.

        Ah ! Grand Alain Richert, je ne pourrais jamais assez te remercier, pour ton hospitalité et ta grande gentillesse. Aujourd'hui que tu es parti vers d'autres cieux, je prie le Seigneur afin qu'il puisse te donner le repos éternel que tu mérites bien.

        Cependant, nous étions si heureux d'être ensemble avec ma petite épouse, que cette vie toute simple ne nous dérangeait nullement. Nous attendions tout de même impatiement, que nous soit livré le cadre de nos affaires personnelles, qui tardait à arriver... Enfin lorsque nous le reçumes, ce fut la satisfaction et la joie de retrouver toutes ces choses de chez-nous qu'on avait pu emporter, en particulier deux lits avec leur matelas, les draps et serviettes, la batterie de cuisine et une cuisinière à gaz...etc.

        La vie s'écoulait agréablement et j'aurais pu continuer à travailler chez Caterpilar, sans me poser de question et laisser aller la musique. Cependant, plus le temps passait, plus je ressentais ce malaise de ne pas me trouver à ma place dans cette usine. A ce moment là, devait germer tout doucement dans mon esprit une idée absurde : devenir Médecin à tout prix, mais, il fallait que je travaille pour gagner ma vie et de plus, après renseignements pris auprès de la Faculté de Médecine, il était nécessaiire d'avoir le baccalauréat, afin pouvoir faire ce genre d'étude - un diplôme que je n'avais hélas pas. Cependant, je trouvais encore et une fois de plus, un bon Samaritain sur ma route en la personne de Mlle MARRON, l'assistante sociale de l'usine. Cette gentille personne devait m'aider à entreprendre des démarches en vue de mon admission en Faculté des Sciences. N'étant pas titulaire du Baccalauréat, je n'avais aucune possiblité de pouvoir être admis en PCB. ( Propédeutique de Sciences Physique-Chimie-Biologie ) qui ouvre les portes des études médicales. Cependant, je pouvais postuler au SPCN ( Propédeutique de Sciences Physique-Chimie et naturelles ), qui permettait de bifurquer vers les études Médicales. Malgré cela, j'étais poursuivi par ce Baccalauréat qui me manquait et même en réussissant ce propédeutique, il était impossible de me diriger vers la médecine. Bien heureusement, il fut créé un examen spécial, d'entrée en Faculté de médecine pour les nons bacheliers. Mais, je savais que les études médicales n'étaient pas simples et que le PCB n'ouvrait aucune voie en cas d'échec au sein des études médicales, par contre le SPCN me donnait la possibilité de partir en licence en Facultés des Sciences où, je pouvais prétendre me diriger vers l'enseignement.

        Je quittais alors sans regret Caterpillar, pour m'inscrire en SPCN dés la rentrée d'octobre 1963 et je préparais en même temps l'examen spécial d'entrée en Faculté de médecine. Le SPCN donnait droit ensuite à être admis en Médecine.... La première année devait très mal se passer, car, passer du technique, aux dissection de grenouilles et de plantes, était tout nouveau pour moi et malgré mes efforts, j'échouais lamentablement aux examens de fin d'année, ainsi qu'à l'examen spécial d'entrée en Faculté de médecine. Je n'ose dire dans quel état je me suis trouvé : dépressif et angoissé au possible, en refusant l'idée de ne jamais être Médecin. C'est ainsi, que je redoublais le SPCN, mais, cette fois avec l'expérience de la première année, ce qui me valu de réussir brillamment ce diplôme. Je réussissais du même coup, ce satané examen spécial d'entrée en Fac de Médecine et au mois d'octobre 1965 j'entrais très fièrement en 1° année de médecine : j'avais alors atteint l'âge de 27 ans.

        On pourrait me demander, comment j'avais fait pour vivre durant toutes ces années, ma chère petite épouse qui était malade ne pouvant travailler. Là encore un bon Samaritain en la personne de ma chère Maman est venue à mon secours. Entre-temps ma mère et ma grand-mère étaient rentrées d'Algérie et nous habitions tous ensemble. Lorsque j'ai voulu faire ces études de Médecine j'en ai parlé à ma mère qui m'a dit : " Fais ces études mon fils, maman continuera à travailler." C'est la plus grande preuve d'amour qui m'a été donnée par ma Maman.

        Ce fut une très belle expérience que ces études de Médecine. Il est vrai qu'à cette époque les bancs de la faculté, n'étaient pas comme aujourd'hui surchargés d'élèves. Dans notre promotion, nous n'étions que 80 élèves en première années et les cours se passaient presque en famille, puisque nous connaissions bien les professeurs. Pour les stages hospitaliers, qui débutaient en 2ème année de médecine, chacun de nous était affecté pour 6 mois dans un service et je dois dire, que nous apprenions beaucoup dans d'excellentes conditions. A cette époque, on nous faisait mettre " la main à la pâte ", pas comme de nos jours où, les étudiants en médecine, ne se bornent qu'à regarder faire leurs aînés. C'est ainsi, que nous pouvions acquérir une belle compétence en la matière et je ne remercierais jamais assez mes Maîtres, de m'avoir permis d'accéder à une telle formation. Chemin faisant, notre temps était employé de la façon suivant : les matins, c'était toujours les stages hospitaliers qui était de rigueur et les après-midi se voyaient réservés aux cours théoriques, si bien que nous sortions de la faculté vers les 18 heures, un peu fourbus mais toujours heureux de notre journée.

        Le temps passait si vite que bientôt à la rentrée d'octobre 1968, j'étais admis en 3ème année de médecine. tout heureux de commencer à faire partie des " grands " Mais ce bonheur fut vite mis au placard, car, le 25 novembre 1968, ma petite épouse chérie, devait décéder un vendredi soir, au Centre Hospitalier de la Tronche à Grenoble où, elle avait été admise quelques jours avant. Ce fut pour moi le drame de ma vie, car, j'avais alors 29 ans et elle 26. Toutes les années qui ont suivie, ne m'ont pas épargné un seul instant, en particulier un syndrome anxio-dépressif, qui a empoisonné très longtemps mon existence. Cependant, cahin-caha, je poursuivais mes études et passais le plus clair de mon temps à l'hôpital, notamment au pavillon des urgences où, je faisais chaque fois le constat, de toute la misère du monde. Je dois dire que grâce à l'hôpital, j'oubliais un instant mes propres malheurs et cela me permettait de vivre presque normalement.

        Arrivé en 6éme année, ce fut l'internat qui me consacra dans mes études médicales. Avec un collègue et ami de promotion - Jeau HATEM - , nous nous sommes retrouvés au Centre Hospitalier de Saint-Marcellin dans l'Isère. Le travail ne manquait pas, car, dés notre arrivée dans cet établissement, nous fûmes pris en amitié par nos " patrons ", qui nous ouvrirent toutes grandes les portes de cet hôpital. Je passe sur nos vies d'internes et leur côté paillard, avec des soirées coquines, des flirts amoureux, des sorties toujours bien accompagnées... etc. Le temps passa bien vite et arriva le moment de soutenir ma thèse de Doctorat, ce que je fis le 15 octobre 1971 où, je voyais se terminer, cette si belle et si nostalgique période qui a marqué mes études.

        Enfin, j'était devenu " le Docteur Jean-Claude PUGLISI ", un grade qui ne m'a jamais " monté à la tête ", car, je suis toujours resté le même, simple et très populaire avec mes patients, c'est ce qui m'a fait aimé par la population de la Presqu'île de Giens ( 83 ) où je m'étais installé en qualité de Médecin Généraliste. Je suis resté 10 ans en ces lieux où, je devais faire de l'excellent travail, cependant, dès le début de mon activité j'ai vite compris, que cela ne correspondait pas à ce que j'espérais sur le plan professionnel. Alors, je me suis remis à étudier, en m'inscrivant au Certificat de Gynécologie et Obstétrique à la Faculté de médecine de Marseille. Devait alors commencer pour moi de longues années de calvaire, car, en plus de mon travail de généraliste, j'était obligé de me rendre à Marseille deux fois par semaine, dans des conditions très difficiles dans la mesure où, l'autoroute n'existait pas encore, mais, il était absolument nécessaire de me rendre à ces cours, parce qu'il y avait un appel et après 3 absences non justifiées c'était l'exclusion du certificat.

        Après quelques longues et laborieuses années d'études, je décrochais enfin le Certificat National de Gynécologie et d'Obstétrique.

        Là, s'arrête, mon " rêve les yeux grands ouverts ", que je voulais raconter à la ronde. Mais que dire de ce rêve ? Eh, bien, je dois dire, qu'il m'a fait souffrir - parfois, sourire - souvent, me donner du bonheur - toujours !

Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
Paroisse de Saint-Cyprien de Carthage.
( à HYERES le 04 Juin 2018 )

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MUTILE N° 147, 148, 149, 150, 151 de juin/juillet/août 1920


               Après que la paix est redescendue sur la terre, il semble que l'oubli des atrocités passées, du carnage, se fasse plus pressant et plus rapide. Des fautes ont été commises, lamentables parfois ! L'esprit se refuse pourtant à semer la discorde et la victoire nivellent et estompe tous nos souvenirs.

               Toutefois, certains faits dépassent en horreur et en brutalité toutes les imaginations et toutes les indulgences permises. A leur lecture, la voix de la conscience et de la dignité humaine se révolte et s'indigne. Malgré toute notre modération il nous a paru que ces faits inconnus hier de nous-mêmes et de la masse, devaient aujourd'hui être connus de tous et qu'il appartenait au Mutilé de l'Algérie, organe de défense des anciens combattants et des victimes de la guerre de les révéler et les dénoncer.

               Ces faits constituent l'affaire Chapelant. Nous les avons trouvés dans un numéro de notre courageux confrère le Progrès Civique. Nous avions pensé d'abord à les résumer. Nous préférons les reproduire dans l'intégralité de ce lumineux article :
               J. A.

L'AFFAIRE CHAPELANT
NOUS RECLAMONS LA LUMIERE SUR L'OBSCURE ET DOULOUREUSE HISTOIRE DE CET OFFICIER QUI, BLESSE, A ETE FUSILLE SUR SON BRANCARD.
Par Emmanuel Bourcier

               Il y a une affaire Chapelant.
               Ce n'est pas nous qui l'avons ouverte. Ce n'est pas nous qui avons dressé l'acte d'accusation ; nous ne le prenons pas tout entier à notre compte. Mais telle qu'elle est, elle comporte des leçons ; elle réclame des sanctions.
               Surtout, elle exige impérieusement une solution que ni l'administration supérieure de la guerre, ni le gouvernement, n'ont encore consenti à lui donner.
               C'est pour cela que nous en voulons mettre le dossier entier sous les yeux de nos lecteurs.

L'ACCUSATION

               Le 6 septembre 1914, la 3ème compagnie du 98ème d'Infanterie occupait les tranchées du Bois-des-Loges, entre Beuvraignes et Lassigny.
               Elle était appuyée au long de la voie ferrée, par la section de mitrailleuses commandée par le sous-lieutenant Jean-Julien-Marie Chapelant, âgé de 23 ans, engagé volontaire, sergent à la mobilisation, promu officier le 2 septembre précédent.
               Dans la nuit du 6 au 7 septembre, vers une heure du malin, un intense bombardement, allemand commençait ; à 5 heures, les ennemis attaquaient.
               Arrêtés un instant, par un feu nourri des mitrailleuses de Chapelant, aidées par un tir rasant de 75, ils redoublent d'effort, arrivent au corps à corps.
               Une confusion affreuse mêle les combattants.

               Des deux côtés on emmène des prisonniers. Le sous-lieutenant Chapelant, ayant attendu vainement des renforts et du ravitaillement en munitions, ses deux mitrailleuses d'ailleurs hors d'usage, monte sur le talus pour se rendre compte de la situation ; une balle lui brise la jambe gauche ; il tombe.
               Ses quatre derniers mitrailleurs furent capturés, un autre s'enfuit, emportant les débris de sa pièce.

Pour faire un exemple !

               Deux jours après, le 9 septembre, un capitaine de chasseurs prévint, les brancardiers du 98ème qu'un officier de ce régiment était étendu, blessé, sur le talus du chemin de fer.
               Quatre brancardiers l'accompagnèrent.
               Ils ramassèrent le lieutenant Chapelant, épuisé, qui était demeuré deux jours et deux nuits sur le terrain.
               Ils le pansèrent sommairement. Le blessé fut ensuite transporté au poste de secours, puis évacué à l'ambulance, à 4 kilomètres en arrière.

               Mais le colonel commandant, depuis le 28 août, le 98ème avait pris une grave résolution, celle de faire un exemple.
               Cet officier supérieur n'admettait pas l'échec, même honorable, de son unité.
               Etabli dans son P. C., il avait donné, durant la bataille, des marques évidentes de son manque de sang-froid sous les obus, s'emportant contre les hommes, menaçant de son revolver jusqu'à des officiers supérieurs, se livrant même, parfois, à des voies de fait sur les troupiers, il en aurait, affirme-t-on, abattu un de ses mains.

               Il donna l'ordre au sous-lieutenant de réserve Collinol de rédiger un rapport sur la reddition en rase campagne du lieutenant Chapelant. Accusation absurde : la reddition en rase campagne n'est imputable, d'après le code militaire, qu'aux officiers supérieurs et généraux qui livrent leurs troupes.
               Un premier rapport, rédigé par le lieutenant. Collinol, ne donna pas tout d'abord toute satisfaction au colonel ; l'officier reçut l'ordre de le recommencer.
               Il s'exécuta, mais, dans sa conclusion, il ne put préciser si les hommes avaient capitulé ou s'ils avaient été pris de vive force.
               N'importe. Cela suffit au colonel, qui constitua une Cour Martiale de cinq juges, dont, accusateur, il s'attribua la présidence. Sans égard à la blessure de l'accusé, il fit transporter celui-ci, le 10 septembre dans un tombereau, couché sur un brancard, à travers 4 kilomètres de terrain dévasté, de l'ambulance à son P. C., pour comparaître.
               Et malgré l'opposition d'un des juges, l'hésitation des autres, rejetant les circonstances atténuantes, refusant de surseoir jusqu'après guérison, il fit prononcer la condamnation suprême.
               Le jugement fut écrit, au crayon, sur une feuille volante.

JUSTICE EST FAITE

               La scène de l'exécution est lamentablement tragique.
               Le 11 septembre au matin, le condamné fut ramené dans son tombereau, au château du PIessier.
               Le colonel, vivement surexcité, l'invective à la bouche, fit éloigner les témoins, tendit son revolver à Chapelant, qui protestant de son innocence, refusa de se tuer.
               Une vive altercation se produisit entre le chef, debout et le subordonné couché.
               Puis les brancardiers, appelés, transportèrent le blessé au lieu de l'exécution.
               Il affirmait encore son innocence.

               Un lieutenant le dégrada.
               On l'attacha, on lui banda les yeux ; on dressa le brancard contre un pommier.
               Le peloton s'avança, tira.
               Six balles pénétrèrent dans la poitrine, quatre dans le ventre.
               Le corps fut autopsié dans une grange, tandis que l'aumônier en sanglotant, récitait les prières des morts.
               Des officiers du 98ème ne dissimulèrent pas leur indignation.
               Un des juges, le capitaine Marinda en témoigna devant ses hommes. Mais trop tard : justice était faite.

CET OFFICIER AVAIT UNE FAMILLE

               La famille de Chapelant fut avertie seulement le 14 octobre par M. l'aumônier Lestrade, qui avait assisté en pleurant à l'exécution de l'officier, " mort, disait-il, avec courage, en bon chrétien ".
               Quelque temps après, le 10 novembre, une lettre émanant du dépôt du 98ème à Roanne, et écrite par le sergent-major secrétaire du capitaine trésorier, informait que la situation administrative de la C. II. R. du 9 septembre, portait l'officier " blessé et évacué ".
               On ne pouvait fournir aucun autre renseignement officiel.
               Cependant, des rumeurs étranges parvenaient à Ampuis, où résidait alors sa famille. On aurait, disait-on, fusillé le sous-lieutenant Chapelant.
               Surpris, alarmé, le père écrit au Ministre de la Guerre, à la C. II. R., à l'aumônier,
               Au capitaine-trésorier.

               Le trésorier Savoye ne sait rien.
               Votre fils, écrit-il, a été fait, sous-lieutenant au début de la guerre. il n'y a donc aucune raison de croire à ce bruit malveillant...
               Enfin, le 26 novembre seulement, le capitaine Haoux, commandant la C. II. R, annonce officiellement l'exécution " pour n'avoir pas réagi contre l'influence néfaste du sergent-major qui se rendait avec ses hommes et avoir suivi son mouvement. "
               Voilà une famille terrassée par la douleur et la honte. Elle s'incline el pleure.

L'ENQUETE DU PERE

               Puis, le père doute de l'infamie de son fils. Il va à Roanne, au dépôt, du 98ème.
               Il enquête. ICI ce qu'il apprend provoque son indignation, mais lui rend l'espoir :
               Son fils, blessé, fusillé, ne méritait pas cette peine !
               Des témoins attestent son courage et son supplice.
               Des renseignements parviennent. Ils sont longs à réunir. Mais aucune, difficulté, aucun obstacle, n'empêcheront le père de poursuivre l'œuvre de justice et de réparation.
               Il interrogera sans arrêt, recueillera tous les témoignages, tous les indices, remuera ciel et terre. Il rassemblera un dossier formidable.
               Il veut qu'on lui rende, l'honneur, qu'on révise le procès de son fils, qu'on réhabilite sa mémoire.
               Bientôt les preuves de l'innocence abondent.
               Elles semblent, indéniables.
               Des sympathies viennent. La certitude naît. Mais c'est la guerre encore. Le pays se défend.
               M. Chapelant, père, attend.
               Il ne veut pas, malgré sa conviction et son chagrin, paraître anti-patriote et anti-militaire, en accusant un officier supérieur français, d'avoir, dans d'atroces circonstances, fait, fusiller un innocent.

Pour la révision !

               Enfin, le 4 mars 1919, la paix venue, sa résolution est prise. Il rassemble son dossier et présente au Garde des Sceaux, une requête tendant, à la révision du procès.
               Au Ministère de la Justice on ne bouge pas.
               Cependant des parlementaires s'émeuvent. Un jour, à la Chambre, on demande M. Ignace, sous-secrétaire d'Etat à la justice militaire, d'apporter des explications. Il les donne, et ce sont, les suivantes ;
               L'officier supérieur accusé, coupable, est mort pour la France à Salonique : il a expié ; qu'on laisse en paix sa mémoire !
               Cet argument suspend, depuis le 4 mai, toute action en réparation.
               En vain, tous les témoignages concordent.
               En vain, les soldats qui étaient, le 7 octobre, sous les ordres du sous-lieutenant Chapelant, affirment qu'il ne s'est pas rendu.
               En vain, un juge de la Cour Martiale avoue qu'il s'est commis une iniquité.
               En vain, privée de son honneur, une famille souffre.
               En vain, le décret du 6 septembre 1914 sur les Cours Martiales, a été violé sur trois points : il faut un fait nouveau, pour que la justice, la vraie, suive son cours, et que la révision soit, ordonnée, risquant de ternir la mémoire du colonel défunt.
               Ce fait nouveau, le voici.

               Lorsque M. Ignace, sous-secrétaire d'Etat à la Justice, déclarait à la Chambre que le bourreau du lieutenant Chapelant était mort, glorieusement, à Salonique, il mentait. Ignoblement, ET IL SAVAIT QU'IL MENTAIT !
               Il savait que, depuis l'armistice, partout où passe cet officier, on colporte sur son compte maintes anecdotes témoignant de sa brusquerie.
               Il savait ceci :
               Le Colonel " MORT A SALONIQUE EST VIVANT ". Il a gagné les étoiles.
               C'est M. le Général Didier (Léon-Jules), ancien Lieutenant-Colonel de la direction technique de l'infanterie, commandant actuellement la place de Reims.

               Maintenant, voici la défense. Nous l'avons recueillie, non sans doute des lèvres du colonel Didier lui-même, du moins dans son entourage le plus immédiat :
               Le général Didier, ancien colonel du 98ème n'a pas présidé la Cour Martiale. Celle-ci, nommée, par la brigade, fut présidée par le Commandant Baure, commandant actuellement le 98ème.
               Blessé à la jambe gauche le 8 septembre à vingt heures trente, le colonel Didier n'a même pas paru devant la Cour, dont les débats durèrent trois heures et demie.
               Après l'arrêt, le colonel Didier ayant renvoyé Chapelant à l'ambulance, a téléphoné à la 25ème division pour demander de surseoir à l'exécution jusqu'après la guérison du condamné.
               Par un ordre, écrit s'appuyant sur la circulaire du Ministère de la Guerre du 1er septembre 1914, la division a répondu que " si douloureuse que soit la situation, la loi étant formelle devait être observée sans sursis".
               Cet ordre écrit existe. Il est en la possession du Général Didier.

LE COLONEL DIDIER AU FEU

               L'attitude au feu du colonel Didier est attestée par :
               Une blessure, à l'oreille, causée par une balle, en première ligne, dans la tranchée du capitaine Rigot, le 7 septembre au matin.
               La blessure en séton à la jambe gauche, du 8 septembre, à huit heures et demie du soir.
               Une blessure par commotion à Salonique, ayant causé le chevauchement, de deux vertèbres et atteint la moelle épinière, provoquant un léger tremblement, des membres.

LA VERSION DU COLONEL.

               Le général Didier, à propos de l'affaire Chapelant, estime :
               Le 7 septembre 1914, la bataille était finie à dix heures du matin. A ce moment, 450 prisonniers boches environ étaient, capturés. Toutes les liaisons étaient rétablies.
               A douze heures, le capitaine Herail, adjudant-major, vint prévenir que le capitaine Rigot, commandant la 3ème compagnie était tué.
               A douze heures et quelques minutes, un homme accourait des tranchées au P. C. prévenir que le sergent-major Gérodiaz, de la 3ème compagnie venait de se rendre avec 20 de ses hommes, emportant 4.000 francs dont il avait dépouillé le cadavre du capitaine Rigot.
               Le lieutenant Chapelant avec ses mitrailleurs, avait suivi le mouvement, franchissant les 80 mètres séparant les tranchées françaises du sommet de la Butte où commençaient les positions boches.
               Le sergent-major Gérodiaz avait une influence certaine sur ses hommes et était soupçonné, bien auparavant, d'internationalisme Antimilitariste par le capitaine Rigot, qui en avait rendu compte.
               II y avait, au moment de la reddition, deux sections de soutien derrière Chapelant et une compagnie de réserve auprès du colonel.
               Craignant une ruse, le colonel Didier donna l'ordre de tirer sur tout ce qui se présenterait venant de chez l'ennemi.
               A quinze heures, le sergent Caïen, de la 3ème compagnie, vint au P. C. sommer le colonel de capituler.
               Une altercation se produisit avec un des déserteurs, revenu, reprochant à ce gradé d'avoir menti en engageant ses camarades et lui à se rendre, et en affirmant que la situation était intenable et le colonel tué.
               A quinze heures et quelques minutes, le capitaine Héralt, adjudant-major, vint prévenir le colonel que Chapelant étant venu sommer les français de se rendre, on avait tiré, conformément aux ordres donnés, et qu'il était tombé.

TEMOIGNAGES RECUSÉS

               En ce qui concerne les témoignages, le général Didier dit :
               - Le docteur Paul Guichard, qui témoigne par articles contre moi, n'est pas qualifié. En Alsace, à deux reprises, il n'a rejoint sous le feu son ambulance que menacé. Les autres témoins sont : pour une part, les hommes qui se sont rendus et sont, de ce fait, condamnés à mort par contumace ; pour une autre part, les hommes des sections de soutien ou de la compagnie de réserve, et qui n'ont rien vu.

SCENES PENIBLES

               Pour ce qui est de l'exécution, le 11 septembre, il dit :
               - Toute cette affaire eut lieu en pleine bataille, pendant le combat que, bien que blessé, je dirigeais.
               La preuve en est que, le 11 septembre est le jour où le 98ème s'empara du drapeau du 49ème Poméranien.
               L'exécution ordonnée pour neuf heures quinze, à laquelle je n'avais pris aucune part comme juge, et qui résultait des ordres écrits de la division, n'eût lieu qu'à neuf heures quarante cinq.
               Je ne devais pas y assister, pouvant d'ailleurs à peine marcher.
               Le retard vint de ce qu'on me prévint de la présence sur les lieux d'une trentaine d'hommes ayant quitté la tranchée pour y assister et qui manifestaient leur désapprobation.

               Commandant une troupe engagée, je ne pouvais tolérer l'abandon des tranchées devant l'ennemi sous quelque prétexte que ce fut.
               Je sortis discuter avec les hommes qui sifflaient et ne regagnèrent la tranchée que sous la menace du conseil de guerre pour abandon de poste. "
               Le colonel tendit alors son revolver à Chapelant pour lui éviter le peloton.
               Chapelant, refusa au nom de ses principes.
               Les choses, alors, suivirent, leur cours.

NOUS DEMANDONS LA VERITE

               Nous ne prenons point parti.
               Des d'eux côtés, des faits troublants sont allégués. Avec la plus scrupuleuse impartialité, nous les avons relatés. Ce n'est pas à nous à conclure.
               Nous constatons seulement, que pendant quatre années, on a laissé, un père gravir ce calvaire douloureux, frapper à toutes les portes, implorer tous les concours, crier sa foi en l'innocence de son fils.
               On n'a pas répondu..
               La Ligue des Droits de l'Homme s'émeut.
               On ne répond, pas.
               Les journaux de la région de Lyon, ceux de Saint-Etienne mènent campagne, soulèvent l'opinion, jettent le trouble dans les esprits.
               On ne répond pas.
               La presse parisienne s'empare de l'affaire. L'Humanité désigne presque ouvertement l'officier supérieur incriminé ?
               On ne répond pas.
               Une seule fois, un représentant du Gouvernement, mis en cause devant la Chambre, laisse tomber une parole officielle et C'EST UN MENSONGE CYNIQUE.

               Ce mensonge porte à laisser accuser des pires forfaits un officier général pourvu d'un commandement important. On ne le défend pass : on ne poursuit, pas ses accusateurs ; on ne fait rien pour mettre fin à leur campagne.
               Ce n'est pas contre M. le général Didier que nous nous tournons en ce moment. C'est contre la haute administration militaire ; c'est contre M. Ignace, ancien sous-secrétaire d'Etat à la justice.
               Ou bien on croit à l'innocence du général Didier, on en a les preuves certaines, et alors on doit les fournir.
               On ne doit pas permettre que la campagne continue, qu'on trouble plus longtemps le pays avec celle horrible vision d'un officier, français innocent, blessé devant l'ennemi, fusillé sur un brancard par la volonté d'un chef ivre et demi-fou.
               Ou bien, on n'est pas certain que le père, du lieutenant Chapelant se trompe. On n'est pas certain que les témoignages qu'il a réunis soient mensongers. On ne sait pas au juste si le fusillé du Plessier a été un traître ou un martyr.
               Eh bien : Il faut le savoir et quand on le saura, il faut le dire une bonne fois.
Emmanuel BOURCIER


               N. D. L. R. du Mutilé - Toutefois certains faits dépassent, en horreur et en brutalité toutes les imaginations et toutes les indulgences permises. A leur lecture la voix de la conscience et de la dignité humaine se révolte et s'indigne. Malgré toute notre modération il nous a paru que ces faits inconnus hier de nous-même et de la masse devaient aujourd'hui être connus, de tous et qu'il appartenait au Mutilé de l'Algérie, organe de défense des anciens combattants et des victimes de la guerre que tout doute soit dissipé et que tout ceci soit éclairci, blessé grièvement, Chapelant n'était-il pas mutilé ?

               Ces brutalités n'ont malheureusement pas été isolées pendant, la guerre. Tous ceux qui ont combattu en connaissent de douloureux exemples. Il faut que les chefs coupables - heureusement très rares - soient châtiés, eux qui, pour de pauvres poilus, n'ont souvent marchandé ni le poteau ni la prison.

               Le Mutile de l'Algérie inscrit dans son programme de luttes la révision de l'affaire Chapelant. Par tous les moyens dont il dispose, il s'engage à faire luire la vérité qui délivrera le pays de cet horrible cauchemar d'un officier français gravement blessé, fusillé sur un brancard, par un ordre abominable, sous la huée des poilus et la protestation magnifique de juges indignés !
" LE MUTILÉ ".

               Cette affaire Chapelant rappelle d'autres souvenirs de la guerre d'Algérie avec entre beaucoup d'autres : L'exécution du Lieutenant Degueldre ; La traîtrise d'autres généraux ; La félonie de 1956 à 1962, d'un chef d'état (qui capitaine s'était illustré en 1916 en agitant le drapeau blanc et où il aurait du être fusillé, dejà, le deux poids, deux mesures) ; Le 26 mars et le 5 juillet ; La pleutrerie de la quasi-totalité des politiques ; Et la honteuse réception d'une majorité de français à notre encontre, nous les exilés, qui équivaut à un fusillement public des morts-vivants qui débarquaient des bateaux. Est-ce bien ça la France ???



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Envoyé par M. Divers contributeurs

UN KSOUR A DJANET




LA VILLE





LA VILLE




RUINES D'UN KSOUR





LES MONTAGNES




LES TUMULUS A DJANET




COLLO EN 1862   
Par Jean Marie De GUIGNET (récit, extrait)
Par ACEP-Ensemble N° 305 de septembre 2017
                  
                " C'était la deuxième fois que j'avais l'honneur d'embarquer à Marseille.
                Nous fûmes conduits à STORA, alors le port de Philippeville où nous eûmes bien des misères à débarquer car le temps était mauvais. De STORA, nous allâmes à Philippeville où il y avait deux bataillons de notre régiment.
                L'autre bataillon, le troisième était disséminé entre DIIDJELLI et COLLO.
                Ce fut dans ce dernier, que je fus mis et encore dans la deuxième compagnie qui se trouvait justement à COLLO

                Il me fallut donc reprendre encore le bateau pour aller rejoindre ma compagnie. Nous étions six, désignés pour la deuxième du trois, mais aucun de mes camarades de route ne se trouva avec moi.
                En arrivant à COLLO, toute la compagnie vint nous chercher au port, capitaine en tête, car dans ce coin isolé, c'était un événement quand le courrier s'y arrêtait pour débarquer quelqu'un ou quelque chose.

                Le capitaine de cette compagnie était un vieux à barbe grosse, qui portait le nom du plus célèbre charlatan qu'il y eut alors en France, peut-être dans le monde entier, I'illustrissime MANGIN.

                Ce capitaine n'était pas charlatan comme son homonyme, mais il aurait pu l'accompagner car c'était un musicien, un violoniste mélomane. N'ayant rien à faire dans ce trou. Il passait son temps à racler les cordes de son violon. Le lieutenant faisait de la pathologie et étudiait l'anatomie du cheval car il avait demandé à entrer dans la gendarmerie. Le sous lieutenant était un ancien sergent-major passé officier après la campagne de Chine, à dix-huit ans de service, aussi ignorant que mon sous-lieutenant du 26ème, mais moins faquin, moins pitre et moins méchant à cause de son âge avancé sans doute.

                Le sergent-major était un pauvre bougre déjà à moitié tué par le climat, qui ne convenait pas à sa faible constitution. En fait, personne dans cette compagnie ne paraissait s'occuper de nous, je n'en fus pas fâché pour ma part, car, de cette façon personne ne s'était aperçu que j'avais été sous-officier.
                N'ayant rien à faire là, j'allais me promener dans les environs, au bord de la mer où l'on voyait encore quelques ruines romaines, comme on en voit partout en Afrique.

                Souvent je m'arrêtais à considérer le grand pic, semblable à un volcan dont les "pieds s'étendent sur deux côtés, jusqu'à la mer, car COLLO se trouve sur un promontoire.
                Les Arabes disaient que tous ceux qui montaient au sommet de ce pic y restaient, ils étaient dévorés par une bête monstrueuse qui ne quittait jamais ce sommet. Plusieurs fois, j'avais manifesté le désir d'y monter, mais les camarades disaient que c'était bien dangereux. D'abord il était presque impossible d'arriver jusqu'au pied du pic à cause des précipices et d'une broussaille inextricable, et plus impossible encore probablement de monter au sommet, qui semblait uni comme un pain de sucre.
                " Oh ! dis-je, pour les bêtes, monstrueuses, fabuleuses ou mythologiques, celles-là ne me font pas peur. Des bêtes naturelles, il ne doit pas y en avoir non plus "".

                Un jour, je demandai qui est-ce qui voulait venir avec moi jusque là-haut. Mais personne ne voulut. Alors je partis seul avec mon fusil, de l'eau-de-vie dans mon bidon, une petite gamelle, du sucre et du café dans ma besace.
                Un Arabe parlant un peu le français m'avait déjà indiqué par où je pourrais facilement atteindre le pied du pain de sucre, mais après il me dit que je ferais bien de ne pas aller plus loin. Je pensai : "je verrai quand je serai là ".

                J'atteignis donc facilement le pied du pain. Là, je m'arrête à considérer cette masse énorme qui d'en bas paraissait si petite. Après m'être reposé un instant, car je suais, je cherchai par où commencer l'ascension.
                J'avais mis mon fusil en bandoulière afin d'avoir les deux mains libres pour m'accrocher aux rochers, puis me voilà allant à droite, revenir à gauche, tournant de ci, de là, montant toujours cependant. Et au bout d'un quart d'heure à peu près, j'arrivai au sommet qui était assez large pour y bâtir un château.
                Je ne vis point de bête fantastique ni autres, mais il faisait joliment froid.

                Ayant ramassé du bois mort au pied du pain, que j'avais mis dans ma besace, je m'empressai d'allumer du feu dans un trou de rocher sur lequel je mis la gamelle dans laquelle je jetai pêle-mêle l'eau-de-vie avec de l'eau, sucre et café et quand tout fut chaud, je l'avalai tel et me mis en devoir de descendre car je sentais le froid me saisir.
                Quand je fus au pied, je restai là un moment à fumer ma cigarette. Je fus de retour au camp à l'heure de la soupe. Alors tout le monde me demandait ce que j'avais vu là-haut. Ils savaient que j'avais été au sommet puisqu'ils avaient vu la fumée de mon feu.

                J'aurais pu certes, à l'exemple de tant de farceurs, menteurs et imposteurs, raconter bien des choses incroyables à tous ces gens puisque je venais d'un endroit d'où selon les Arabes personne n'était jamais revenu, et un endroit fabuleux, mais je n'ai jamais pu raconter les choses que telles que je les ai vues.

                N'ayant rien vu là-haut que des rochers nus, je ne pouvais pas dire que j'avais vu autre chose, seulement ils firent les étonnés quand je disais qu'il y faisait joliment froid. J'aurais pu leur en donner I'explication scientifique de ce phénomène météorologique comme j'en avais déjà donné là-bas sur les Apennins et sur le Mont Cenis, mais je connaissais trop bien l'inutilité et même le danger de parler science à des ignorants.

                Nous allions aussi quelquefois la nuit à la chasse aux sangliers dans une forêt appelée la forêt des singes, mais dans laquelle vivaient tous les fauves de l'Afrique depuis le roi, le lion, jusqu'au chacal. Les officiers nous permettaient cette chasse car ils en profitaient largement en prenant toujours les meilleurs morceaux. Une nuit nous étions allés une demi-douzaine. Mais à peine étions-nous mis à l'affût au bord d'une clairière où les sangliers avaient l'habitude de venir manger des oignons sauvages, qu'un formidable rugissement de lion se fit entendre non loin de nous.
                Aussitôt la panique saisit mes camarades qui se mirent à détaler à toutes jambes.

                Je partis aussi, mais mes camarades étaient déjà loin. Je marchais lentement en regardant tout autour de moi.

                Tout à coup, j'aperçois à dix mètres sur ma gauche les deux yeux comme deux chandelles du roi de la forêt. L'animal m'avait vu et s'était arrêté, Moi je ne m'arrêtai pas, je continuai à marcher lentement les yeux fixés sur la bête, tenant mon fusil des deux mains, prêt à faire feu et à croiser la baïonnette en cas d'attaque. Mais je ne voulais pas attaquer,

                J'avais entendu dire que le lion ne faisait jamais de mal à l'homme, à moins que celui-ci ne l'attaque le premier.

                Lorsque je fus à quelque distance, je vis l'animal continuer son chemin majestueusement à pas lents, en battant ses flancs de sa longue queue, ce qui voulait dire : " Ne me cherche pas noise, si tu veux mon petit bonhomme, autrement je te croque ".

                Je pensai pourtant alors à ce fameux Gérard, le tueur de lions qui allait tout seul à la chasse de ces terribles fauves. Il en avait tué beaucoup, mais il finit par en être victime tout de même.
                J'arrivai au camp longtemps après les autres. Ceux-ci croyaient que j'étais dévoré. Quand je leur avais conté l'aventure. Quelques-uns dirent que je devais être réellement un ensorceleur, et ils promirent de ne plus aller à la chasse aux sangliers.

                A la pointe de Collo il y avait un phare, j'y allais souvent faire des promenades.
                II y avait là comme gardien, un vieux marin décoré.

                Je causais souvent avec lui, car il avait fait aussi la campagne de Crimée.

                Un jour il me demanda si je voulais donner quelques leçons à sa fillette car lui ne savait ni lire ni écrire et sa femme n'avait pas le temps où plutôt ne voulait pas s'occuper de ces soins ennuyeux.
                Je répondis au vieux marin que je viendrais volontiers mais que pour cela il me faudrait la permission du capitaine.
                " Oh trôun de ler ! dit-il, des permissions vous en aurez autant que vous voudrez, votre capitaine et moi nous sommes des grands amis, nous sommes du même pays.
                " - Et puis vous savez, dit-il, je suis le maire de COLLO...".


                N.B. : Il est souvent question de COLLO dans l'histoire Africaine arabe. Au dire de l'écrivain EDRISI, le commerce y était très florissant au 2ème siècle de notre ère : en 1282, Pierre d'Aragon (Espagne), dirigea une expédition sur le port de COLLO, espérant ainsi la conquête du département de Constantine, mais fut déçu et retourna en Sicile avec sa flotte. Cent ans après, les Gênois et les Pisans fréquentaient le port de COLLO ou ils achetaient toutes sortes de produits qu'ils exportaient. A partir de cette époque, COLLO se perd dans la nuit des temps ; plus de traces ni de l'occupation romaine, ni arabe.
                L'occupation française de COLLO date du 11 avril 1843, par le Général BARAGUEY d'HILLIERS, qui y installa une petite garnison ; depuis, ce centre a toujours été occupé militairement.

    


DE LA MONTAGNE DES LIONS
A L'OPERA DE PARIS
ECHO D'ORANIE - N° 296
Une exploitation industrielle assez méconnue :
les carrières de marbre.

               Ainsi que Pline l'Ancien l'avait déjà constaté, le marbre était une des richesses de l'Afrique du Nord qui possédait les marbres les plus variés. L'Oranie renfermait une matière ornementale unique. Elle faisait l'admiration d'Eugène Delacroix qui disait "n'avoir jamais rien vu de plus beau hors les tapis de Perse". Mais ces carrières cessèrent d'être exploités au lVème et Vème siècles.

                Il faudra attendre le milieu du XlXème siècle et plus précisément 1840 pour voir leur remise en exploitation par un jeune Florentin : Jean-Baptiste Del Monte.
                Qui est-il ? Jean-Baptiste est issu d'une ancienne famille de Florence. Après sa scolarité dans sa ville natale, il s'inscrit à l'Ecole des Beaux-Arts de Carrare.
                C'est au cours de ses éludes qu'il découvre l'existence des marbres d'Algérie, restés inexploités depuis la période romaine. Pressentant l'intérêt futur d'une remise en activité de ses marbres précieux, qui allaient revenir à la mode sous le Second Empire, Jean-Baptiste Del Monte arrive en Oranie à la suite des armées de Charles X. Il s'installe dans la ville d'Oran.
                Déjà en 1834, sur une population de 3000 âmes, 1500 civils européens vivaient à Oran et trois ans plus tard cette population tripla. Elle était formée d'environ un tiers de Français, d'un tiers d'espagnols et le dernier tiers d'Italiens, d'Anglais, d'Allemands et de Portugais.
                A l'origine, cette cité n'est qu'une petite bourgade portuaire située face à l'Espagne qui sert surtout de refuge aux contrebandiers et aux pirates. Au XVlème siècle, les Espagnols entreprennent la conquête de la cité pour mettre fin à la piraterie en méditerranée. Ils rendront ce port actif et commerçant.
                Jusqu'à l'occupation française, Oran, cité de 25.000 habitants, était le théâtre de luttes incessantes qui l'ont fait passer successivement entre les mains des Turcs, des Arabes et des Espagnols.

                Cette cité prospère fut victime à plusieurs reprises de séismes qui la détruisirent en partie. C'est au milieu des ruines que s'installèrent en 1831 les Français. Il ne subsistait que quelques traces d'édifices espagnols, quelques mosquées récentes, les beaux remparts de la nouvelle Casbah, le fort du Château Neuf. Tout était à refaire ou à créer.
                C'est dans cette ambiance où il côtoyait de nombreux aventuriers, que Jean-Baptiste Del Monte prospecta le pays pour retrouver l'emplacement des carrières et fit des démarches auprès de l'administration française afin d'obtenir les autorisations d'exploitation.
                Les premières carrières dont il obtiendra la concession par bail emphytéotique se trouvent à Kléber, commune de Saint-Cloud, dans la montagne du djebel Orousse où Montagne dite des Lions. Il s'agit de carrières de marbre rouge, rosé et bréchiforme. La région était particulièrement sauvage, presque hostile, on raconte que les ouvriers qui exploitaient les carrières devaient se protéger des fauves en utilisant de gros chiens qui portaient des colliers cloutés.

                Bientôt, Jean-Baptiste Del Monte rencontre du succès dans cette entreprise et ouvre, en 1855, une seconde exploitation située sur la commune du Pont de l'Isser au lieu-dit Aïn-Tekbalet à une centaine de kilomètres d'Oran, près d'Aïn-Témouchent.

                Puis il découvre une troisième carrière à Oued-Chouly, entre Sidi-Bel-Abbès et Tlemcen, carrière de marbre rouge et vert, proches de la qualité du porphyre. Les carrières d'Aïn-Tekbalet exploités dès l'époque romaine ont fourni entre autres les dalles de la grande salle des thermes de Cherchell, la diane chasseresse, veinée de jaune et rouge du musée de Cherchell. Ces marbres étaient transportés par barges sur la Tafna jusqu'à la mer d'où ils étaient exportés dans l'empire romain. Sous la domination arabe, ces carrières fourniront des dalles, de larges vasques à ablution, des colonnes pour les mosquées de Tlemcen et Mansourah.
                Par la suite toute exploitation cessa. Ce marbre a une grande analogie avec I'albâtre antique des romains et des plus beaux albâtres d'Egypte mais il emporte sur eux par sa dureté et le rend susceptible d'un poli remarquable. Il est d'une belle transparence et d'une grande variété de tons, depuis le blanc pur ou coloré de rose et d'incarnat, de jaune clair et de jaune orange, de brun foncé jusqu'au vert maritime. Jean-Baptiste Del Monte sut parfaitement commercialiser les différents marbres de ses carrières.

                Un des plus grands sculpteurs orientalistes français de son époque, Charles Cordier, séduit par la richesse des coloris et la finesse de ces marbres les utilisera pour réaliser ses bustes en sculptures polychromes. Ils seront exposés avec succès au salon des artistes français de 1857 et les onyxs de l'Oranie seront particulièrement appréciés par les amateurs anglais notamment par la reine Victoria qui se rendit acquéreur d'un buste de Cordier. Récemment, eut lieu à Paris, au Musée d'Orsay, une rétrospective des oeuvres de Charles Cordier qui seront également présentées au Canada et aux USA.

                C'est ainsi que l'on retrouve ce marbre utilisé à l'Hôtel de Ville d'Oran comme à l'Opéra du Palais Garnier où il sera utilisé pour réaliser les majestueuses rampes de l'escalier d'honneur et les statues de Thomas. L'Opéra sera inauguré en 1875 après 13 ans de travaux. Cette prestigieuse commande fit la renommée de l'entreprise de J.B Del Monte. Elle lui valut la visite du duc d'Aumale, désireux de racheter ses carrières, mais son offre ne fut pas reçue. En effet, à cette époque, l'entreprise était en pleine extension, avait des succursales en Europe et exportait ses productions jusqu'en Amérique du Sud.
                Par la suite, avec I'apparition de nouveaux matériaux, moins coûteux et plus facile à travailler, l'exploitation déclina.
Marc DEL MONTE

                NDLR : Lors de leur séjour à Oran, les Espagnols avaient exploité, pour les colonnes du palais de la Casbah, un gisement de marbre blanc veiné de bleu pâle, dans une carrière, aujourd'hui épuisée, sise à Mers-El-Kébir.
                Il est curieux de constater que les Turcs n'ont jamais soupçonné les richesses marbrières du sol oranien, redécouvertes par Del Monte, et ont toujours acheté - ne pouvant les razzier - des marbres italiens, au prix fort, pour élever et orner leurs monuments et édifices...
                Belle ignorance sur le marbre... comme celle de nos compatriotes... Quels sont ceux, parmi nous, qui savaient que l'escalier d'honneur de l'Opéra de Paris venait de "chez nous" ?


Aubergines à la parmesane.

        Ingrédients :

        1 kg d'aubergines moyennes.
        ½ litre de sauce tomate, maison, bien assaisonnée.
        Gruyère râpé.
        Sel et poivre.

        Préparation des aubergines à la parmesane :

        Lavez, essuyez et coupez les aubergines en tranches dans le sens de la longueur sans les peler.
        Rangez dans un plat, saupoudrez de sel fin et laissez dégorger 30 à 45' environ.
        Épongez, farinez et faire dorer les tranches d'aubergines sur 2 faces dans de l'huile d'olive.
        Retirez et faire égoutter sur papier Sopalin.
        Salez très peu, poivrez au moulin.
        Dans un plat réfractaire, versez un peu de sauce tomate, puis, rangez une couche de tranches d'aubergines frites.
        Versez 1 louche de sauce tomate et saupoudrez largement de Gruyère râpé.
        Mettre de nouveau : 1 couche de tranches d'aubergines et de la sauce tomate et du Gruyère râpé.
        Recommencez l'opération jusqu'à épuisement des ingrédients.
        Finir par de la sauce tomate, en saupoudrant bien de Gruyère râpé.
        Faire gratiner 10' à four très chaud.
        Servir bien doré dans le plat de cuisson.

        Conseils culinaires :
        - Il est possible de bonifier cette recette, en ajoutant à la préparation : 6 oeufs durs coupés en rondelles + 150 g de Gruyère coupé en fines lamelles.
        - Ces deux éléments seront répartis sur les différentes couches d'aubergines ( sauf sur la dernière couche ) et nappés de sauce tomate.
        - Ce plat servi froid est également un vrai délice.
Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


Algérie catholique N°1, 1936
Bibliothéque Gallica

Les églises algériennes
Notre-Dame d'Afrique
Origines - Description - Culte

DES L'EPOQUE ROMAINE LE CULTE MARIAL ETAIT REPANDU EN BERBERIE OU L'ON COMPTAIT TROIS SANCTUAIRES DE LA VIERGE : CARTHAGE, CHERCHELL ET CEPTA (CEUTA)

       Dans les premières années du christianisme, l'on trouve soit peinte, soit dessinée au trait l'image de la Mère de Dieu sur les murs des catacombes de la ville de Rome. Fait remarquable : la Vierge-Marie est presque toujours accompagnée de l'Adoration des Mages ou des trois hébreux dans la fournaise. L'on retrouve les mêmes représentations aussi bien à Rome, qu'à Carthage, et à Cherchell.

       Aussitôt que la paix de l'Eglise fut assurée après trois siècles de luttes et de persécutions presque continues, on vit surgir un peu partout des sanctuaires en l'honneur de la Mère de Dieu, surtout dans l'Afrique romaine.
       Un auteur latin, Procope, témoin oculaire des faits qu'il raconte, nous cite dans ses ouvrages que l'empereur Justinien pour protéger l'Afrique septentrionale la mit sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie. Il lui fit élever trois sanctuaires :
       Le premier au centre même de ses possessions africaines, à Carthage ;
       Le second à Leptis-Magna, actuellement Tripoli,
       Et le dernier à l'extrémité occidentale de ses provinces, à Cepta, aujourd'hui Ceuta, près de Tanger.
       Le premier sanctuaire marial élevé à Carthage fut édifié par l'empereur Justinien dans les dépendances mêmes du palais impérial (493-523). Cette Basilique nous dit le père Mesnage dans son "Afrique chrétienne" (p.15) doit être identifiée avec l'église byzantine de Teotokos. Il y avait alors à Carthage 22 basiliques dédiées pour la plupart à des saints locaux.

       A Leptis-Magna, nous raconte encore Procope, l'empereur Justinien dédia à la Vierge-Mère le plus beau des cinq sanctuaires qu'il avait fait élever dans cette ville.
       Le sanctuaire de Cepta (Ceuta) également remarquable, disparut ainsi que les premiers lors des invasions arabes et ne fut relevé de ses ruines qu'à la fin du XVème siècle.

       Mais ce qui confirme surtout l'existence du culte de la Mère de Dieu dans l'Afrique septentrionale, ce sont les nombreuses effigies de la Vierge-Mère retrouvées dans les fouilles effectuées tant à Carthage qu'à Tébessa, à Cherchell et en combien d'autres lieux. Elles représentent presque toujours la Vierge-Mère offrant son cher enfant à l'adoration des fidèles, où le nourrissant amoureusement de son lait.
       Ces statuettes en général sont en terre cuite, de la même pâte que les lampes communes en argile ; elles ont une hauteur moyenne d'environ de 18 à 20 centimètres et l'on peut en voir un assez grand nombre dans les Musées de Carthage, de Cherchell et de Tébessa.
       Ce qu'il y a de plus remarquable, ce sont les bas-reliefs en marbre qui ont été découverts notamment à Carthage et à Cherchell et qui représentent l'Adoration des Mages. Celui de Cherchell est au Musée du Louvre, quant à celui de Carthage, par les soins de Son Excellence Mgr Leynaud, a été reproduit sur le monument marial, se trouvant à l'entrée de la Basilique de Notre-Dame d'Afrique, dont il occupe le centre, au milieu de scènes mariales remontant à l'époque romaine. Ce geste filial de notre Archevêque prouve une fois de plus son amour envers la Mère de Dieu.

L'initiative
de deux prédestinées

       La Providence se sert toujours de très faibles moyens pour accomplir de grandes choses, l'édification de la Basilique de Notre-Dame d'Afrique nous en est une nouvelle preuve.
       Succédant à Mgr Dupuch, Mgr Pavy. dès son arrivée à Alger, songea à élever un sanctuaire à la Vierge Marie, afin de renouer les anciennes traditions de l'Eglise d'Afrique, plusieurs fois séculaires. Mais comme il en convient du reste lui-même dans ses mémoires, cette pensée n'avait été qu'une lueur fugitive, qui s'éteignit rapidement dans la préoccupation des affaires diocésaines.

       Deux prédestinées, pauvres et simples filles, venues de France en Afrique. apporter leur dévouement à leur évêque, privées de la consolation qu'elles avaient eu à Lyon de prier journellement aux pieds de Notre-Dame de Fourvières, prirent l'habitude, leurs occupations terminées, d'aller se promener dans un ravin désert situé près de la demeure de l'Evêque, dans la Vallée des Consuls, à Saint-Eugène. Elles conçurent dans toute la simplicité de leur âme de créer en cet endroit retiré un petit pèlerinage en l'honneur de la Sainte Vierge. Elles placèrent donc à cet effet, dans le creux d'un olivier plus que centenaire, une statue de la Vierge Marie devant laquelle chaque jour elles offrirent leurs prières et leurs hommages.

       Petit à petit, des gens d'Alger en promenade dans ce ravin presque désert, remarquèrent leurs actes de piété et suivirent leur exemple en faisant brûler des cierges et des bougies en l'honneur de la Mère de Dieu. Le pèlerinage était créé, il ne manquait plus que la consécration officielle de l'évêque.


       Ce fut en l'année 1853 que cette consécration fut donnée et que Sa Grandeur Mgr Pavy inaugura le pèlerinage en plaçant une statue plus grande que la première, à l'abri dans le creux d'un rocher. Ce jour-là fut une véritable fête de famille que Mgr Pavy présida en habits de chœur entouré de tous les élèves du Petit Séminaire. A partir de ce jour Notre-Dame du Ravin vit sa notoriété grandir tant à Saint-Eugène, qu'à Bab-el-Oued et à Alger. Les pèlerins devenant plus nombreux, l'on dût songer à la construction d'une chapelle pour les mettre à l'abri les jours de trop grande chaleur ou de mauvais temps.

Construction de la Chapelle provisoire

       C'était en l'année 1854, le 8 décembre, le dogme de l'Immaculée Conception venait d'être proclamé à Rome par Pie IX, Mgr Pavy profita de cette occasion pour s'occuper de l'édification d'une chapelle provisoire.
       Un appel fut lancé dans toute l'Algérie par mandement du 2 février 1855 pour la construction d'une chapelle. Ce fut de ses propres deniers que l'évêque acheta à un nommé Cougot le terrain nécessaire qu'il paya dix mille francs, somme très élevée pour l'époque.
       Dès la première réunion du Comité l'on mit en question le vocable sous lequel l'on édifierait la chapelle, après plusieurs propositions l'on s'arrêta à celui de Notre-Dame d'Afrique. Ce n'était pas un vocable nouveau pour l'Afrique septentrionale, car c'était déjà le vocable d'une église de Ceuta, près de Tanger, vocable choisi en 1415 par le roi du Portugal Jean 1er pour célébrer sa victoire sur les habitants de la ville.

L'HISTOIRE D'UNE STATUE

       Au nouveau sanctuaire marial algérien, il fallait une statue. Mgr de Quélen, Archevêque de Paris, avait fait exécuter une statue de la Vierge en bronze avec une inscription "Virgo Fidelis", la Vierge fidèle. C'était un pieux souvenir qu'il voulait laisser en mourant au pensionnat du Sacré-cœur de la rue de Varenne, en reconnaissance de l'hospitalité qu'il avait reçue dans les jours mauvais de la révolution de 1830.
       Pendant sa quête annuelle en France, Mgr Dupuch vit cette statue et émit le désir d'avoir la pareille. Les Enfants de Marie de Lyon répondirent à son appel et lui en offrirent une semblable. A son arrivée à Alger, après de nombreuses hésitations pour son placement provisoire elle échut à la Trappe de Staouéli, d'où Mgr Pavy la fit venir pour orner le nouveau sanctuaire qu'il élevait.
       La pose de la première pierre eut lieu le 14 octobre 1855, au milieu d'une foule attentive et émue. Puis il fallut par la suite solliciter des dons pour passer à la réalisation du projet, l'évêque prit la tête des quêteurs. A cette époque, les colons d'Algérie étaient en général très pauvres, mais ce qu'ils donnaient, ils le donnaient de bon cœur. Cependant que de refus le pieux évêque ne dut-il pas essuyer ? PHOTO

LA RECONNAISSANCE
DU GENERAL PELISSIER

       Enfin, au retour de sa première tournée, il eut le bonheur de verser à la caisse du Comité une somme de 10.099 fr. 33. Nous étions à l'époque de la guerre de Crimée. Le Maréchal Pélissier, un fervent de la dévotion à Marie, venait d'entrer dans Sébastopol, le jour de la Nativité (8 septembre). En hommage il envoya à Mgr Pavy pour l'ornementation du nouveau sanctuaire, un riche don en espèces, une cloche, une croix de fer ouvragée provenant d'un temple de la cité vaincue. Il légua même l'épée qu'il portait en Crimée comme un trophée d'honneur et de reconnaissance.
       Mais la nécessité d'avoir un abri plus vaste pour les pèlerins qui venaient toujours de plus en plus nombreux s'imposait. La Commission décida de mettre provisoirement à la disposition de l'évêque une somme de 7.000 fr. pour la construction d'une chapelle provisoire en attendant la construction de la Basilique. L'on ouvrit les fondations de cette chapelle le 2 juillet 1857, jour de la fête de la Visitation, et l'édifice fut terminé courant septembre de la même année. Le 20 du même mois, Mgr Pavy bénit le petit sanctuaire, et y installa le même jour la statue de la Vierge fidèle, amenée de la Trappe de Staouéli sur un char à bœufs.
       Il y avait à cette inauguration cent dix prêtres qui faisaient comme une couronne sacerdotale autour de leur évêque bien aimé. Les religieux Prémontrés prirent le service de la Chapelle à partir de 1868.
       Et nous voyons revenir sur les lieux les instigatrices du pèlerinage de Notre-Dame ; l'une, Agarithe Berger, devint la sacristine du nouveau sanctuaire et ne cessa ses fonctions qu'à sa mort.
       L'eau manquait sur le plateau. Mais, après une neuvaine, une source se révéla à 13 m. de profondeur, c'était en la fête de Notre-Dame des Neiges.

Où l'on voit des séminaristes,
évêque en tête, creuser des fondations


       La construction d'une grande basilique s'imposait ; l'édification en fut confiée à l'architecte Fromageau qui venait de faire ses preuves en menant à bien les travaux de l'église-cathédrale d'Alger.
       Les séminaristes ne voulurent pas laisser à des mains étrangères le soin de creuser les fondations. Le 2 février 1858 jour de la fête de la Purification de la Sainte Vierge patronne du séminaire, maîtres et élèves, l'évêque en tête, se mirent à l'œuvre. Le 25 mai suivant, les fondations étaient terminées, la maçonnerie arrivée à fleur de terre, les pierres étant fournies par les carrières de Kouba. L'ouvrage avançait assez rapidement grâce aux oboles qui vinrent de toutes parts. N. D. L. R. - Le 11 février de cette même année 1858, la Vierge apparaissait pour la première fois à Bernadette Soubirous, à Lourdes.
       En dehors de la question matérielle, de nombreux artistes apportèrent leur concours : Reboul chanta les louanges de Notre-Dame d'Afrique ; le grand Mistral fit résonner sa lyre provençale ; l'abbé Emery retrouva pour louer dignement la Reine des Cieux les mélodies de Mireio et combien d'autres !
       Cependant, pour mener à bien son œuvre, le pieux évêque dut reprendre le bâton de pèlerin, et s'en aller parcourir la France en quêtant.
       Au retour de son dernier voyage, il songea à planter sur le dôme de sa Basilique, le signe de la rédemption. A cet effet il fit exécuter un magnifique travail d'art en fer forgé de plus de cinq mètres de hauteur, à la base duquel jaillissait une gerbe de lys surmontée d'une couronne royale. La croix, entièrement dorée, était toute à jour afin de ne pas donner de prise au vent.
       Mgr Pavy en fixa la mise en place au jeudi 31 mai 1866, jour de la Fête-Dieu, qui se trouvait être également la clôture du mois de Marie.

INOUBLIABLE JOURNEE
QUE CELLE-LA !

       Le tout Alger couvrait entièrement l'esplanade de Notre-Dame d'Afrique et ce fut dans l'enthousiasme général que s'éleva dans les airs le signe de la rédemption du monde. Monseigneur contemplait longtemps son œuvre presque achevée de la maison Ferraton ; mais à ce moment il eut le pressentiment de sa fin prochaine et de fait il mourut le 16 novembre 1866.

Description
de la Basilique

       L'église est bâtie sur le plateau de l'un des mamelons détachés du Bouzaréa, la façade est tournée vers la mer, en regard de la France. Elle domine la ville d'Alger et son golfe splendide.
       Un large porche à deux ouvertures arquées en fer à cheval et surmontées de trois petites coupoles donne accès à une nef unique ayant une abside au fond du chœur ; deux absides en regard en forme de transepts. Le mur de façade percé d'une ouverture géminée s'effile en ogive très brusquée à la base. Un pied-droit assujetti en saillie au-dessous de la toiture monte et franchit le faîtage pour dresser la statue de la Vierge-Mère.

       De chaque côté du vitrail, dans l'esprit du fondateur devaient être placées les Armes du Saint Père à droite et à gauche celles de Mgr Pavy.
       Chaque angle de la façade est flanquée d'une tourelle qui s'ouvre au niveau du cheneau afin d'y laisser voir une statue d'angle entourée de colonnettes portant de petites calottes de coupoles fermées. Le toit se courbe en dos d'âne.
       Au centre du raccordement de la nef et des absides se dresse le tambour d'une grande coupole percée comme les absides d'un rang de fenêtres espacées et abritées par un ornement fort saillant qui rappelle un peu dans ses détails les dais dont les statues sont surmontées à la fin de la période romane et pendant la période ogivale ; ces dais se touchent tous ici n'ayant leurs pignons séparés que par des boules de cristal.

       Plus haut, la coupole fuit en pointe et s'entoure à mi-hauteur d'une ceinture de lys, couronne emblématique de la virginité de la Vierge Marie ; plus haut, une couronne formée de roses, symbole de sa maternité ; au sommet, une couronne d'étoiles représente sa royauté. Enfin un bouquet de branchages forgés enveloppant une croix légère et très élancée surmonte l'édifice dont la silhouette générale est pleine de charme et de variété. Aux angles du mur de la façade et des absides cette large et haute excroissance de la coupole s'appuie sur de robustes contreforts terminés par une arcature aveugle portant une statue d'angle aux ailes redressées en pointe. Le faîtage de la nef est orné de découpures en pierre.
       A la partie supérieure de la façade et des pignons brille une frise en faïence émaillée, bleu turquoise qui entoure la Basilique entière. Cette ornementation qui jette un si vif éclat au soleil levant et au soleil couchant est un emprunt à l'architecture Hispano-mauresque de l'Afrique du Nord.

       L'ouverture centrale du porche est bouchée. On y a placé ces dernières années la statue du Christ ressuscité provenant de l'ancien Carmel. Mais, dans la pensée du fondateur, cet emplacement devait être occupé par une chaire qui devait s'avancer à l'extérieur en encorbellement et d'où, les jours d'affluence, on aurait pu parler à la foule, ainsi que la coutume existait dans plusieurs églises de France et de l'étranger, notamment à Strasbourg, à Fribourg, en Suisse, à Saint-Lô, à Vitré et dans d'autres villes datant la plupart de l'époque des Croisades.
       Les quatre pieds-droits du porche étaient destinés à recevoir dans leurs niches les statues des quatre rédempteurs : Jean de Matha, Félix de Valois, Raymond de Pennafort et Pierre de Nolasque.

       Les calottes des coupoles grandes et petites affectent une forme ovoïdale qui rompt heureusement avec la forme aplatie et épatée du dôme central. En arrière de cette coupole centrale s'élève le campanile qui devait en premier lieu être situé sur la façade de la maison des religieux.
       Une tribune supporte les grandes orgues offertes il y a deux ou trois ans par M. Weddel.
       Cette Basilique fut restaurée et remise entièrement à neuf par les soins de Son Excellence Mgr Augustin Leynaud, Archevêque d'Alger.

LE CULTE DES PERIS EN MER
       Il nous reste à parler en terminant d'un monument funéraire placé à quelques pas de la façade, et devant lequel, chaque dimanche, l'absoute est donnée par le clergé de la paroisse. A ce propos, on sait qu'actuellement ce sont les pères blancs qui desservent Notre-Dame d'Afrique.
       Mais ce culte des morts en mer a son histoire. La voici :

       Dans le mois de septembre de l'année 1867, Son Eminence le Cardinal Lavigerie assailli dans la traversée de Marseille à Alger aux approches des Iles Baléares par une affreuse tempête de Nord-Ouest se voua, lui, le Commandant de l'équipage et les passagers à Notre-Dame de la Garde et à Notre-Dame d'Afrique. Sa confiance ne fut pas vaine, car tout le monde fut sauvé par l'intervention de la Reine du Ciel. Aussitôt à terre leur premier soin fut de gravir la Sainte Colline et d'aller remercier leur protectrice. Une association de prières fut fondée pour tous les marins morts en mer et un monument en granit fut élevé, devant lequel chaque dimanche après-midi sont récitées les prières pour les défunts.
Henri MURAT.

LES MUSULMANS
ET NOTRE-DAME D'AFRIQUE

       Je me rappelle que lors d'un pèlerinage que je fis à Notre-Dame d'Afrique pour une solennité de la Vierge, je ne pus pénétrer dans la Basilique tant elle regorgeait de fidèles qui, pour un certain nombre, étaient des "infidèles"...
       Et, quotidiennement, de nombreux indigènes, des familles musulmanes entières gravissent les marches de l'église chrétienne et entrent s'y agenouiller et prier, s'aidant parfois d'un formulaire imprimé en arabe. Les femmes demeurent enveloppées dans leur haïk immaculé, et les hommes, venus la plupart du temps à seule fin d'accompagner leurs épouses ou parentes, conservent en tête leur chéchia.
       La vue de cette manifestation de dévotion à Marie peut surprendre, émerveiller certains, qui placeront au rang des fables le "fanatisme musulman". Qu'on ne se hâte pas trop de formuler une opinion à ce sujet.

       Les musulmans ne voient en la Basilique qu'un temple de Marie, un lieu de pèlerinage renommé à la Vierge noire, et ne considèrent pas dans leur action que c'est une église catholique, qui abrite avant tout la Sainte Eucharistie, qu'ils visitent ; ils seraient même vexés si l'on pensait que le but de leur démarche est autre chose que la Vierge Marie.
       La répulsion qu'ils pourraient éprouver à pénétrer dans cette église catholique disparaît devant son architecture byzantine, qui rappelle d'assez près leurs mosquées, et ils font volontiers leur une Vierge africaine - n'est-elle pas noire, et depuis si longtemps naturalisée ? - que le Coran, par ailleurs, ne répudie point. La Vierge Marie, en effet, fait partie de leur martyrologe en tant que Mère du Prophète Jésus (Aïssa bent Mariam).

       Indépendamment de cette dernière considération, il y a la crédulité qui s'attache à tous les lieux de pèlerinage, qui amplifie ou dénature les faits, qui brode tout autour un tissu de légendes et - je dirais presque - relève de la superstition populaire. Cette crédulité dégénérée, qui fait demander à Marie des faveurs dont l'énoncé - griffonné au crayon sur le marbre des ex-voto - fait sourire parfois, est le fait d'européens, mais aussi d'indigènes, et si l'on ne rencontre pas d'inscriptions arabes, cela prouve seulement que ces derniers ont encore en eux, à l'encontre des premiers, le sentiment de la pudeur et du respect.
       Je ne pense pas que, parmi les musulmans visiteurs de Notre-Dame d'Afrique, il s'en trouve qui aient envers Marie une dévotion assez définie et désintéressée, qu'ils auraient puisée dans les allusions du Coran à la Sainte Vierge. J'ai cherché en vain un musulman qui m'eût dit : "Je viens vénérer Marie, selon la parole du Coran: "Célèbre Marie... Célèbre les jours où elle s'éloigne de sa famille du côté de l'Orient" (chap. XIX) ; "Marie... que Dieu a choisie ; qu'il a faite exempte de toute souillure ; qu'il a élue parmi toutes les femmes."

       On rencontre pourtant, au dire d'un Père Blanc, le pèlerin musulman qui vient rendre à la Vierge puissante et bonne un tribut d'hommages, un salut respectueux, ainsi qu'il agirait envers un cheikh ou un caïd renommé pour sa sagesse et son influence.
       Certains ne peuvent expliquer d'où vient ce respect et cette confiance, sinon de la tradition familiale ou régionale, qui remonterait à l'apostolat des premiers Missionnaires d'Afrique, ou, plus directement, au rayonnement des Pères Blancs.
       - Les musulmans, d'après leur religion, sont prédestinés ; les pèlerins de Notre-Dame d'Afrique viennent implorer seulement les grâces matérielles : la guérison d'une personne chère, un heureux mariage, etc... Certains demandent pourtant des faveurs spirituelles, comme le montre le trait suivant que m'a rapporté un Père Blanc. Ce Père trouve un jour sous le vaste dôme une vieille mauresque affaissée sur son banc, la tête dans ses mains, comme absorbée dans une fervente prière. Il lui parle avec douceur ; pas de réponse ; il la secoue, et la vieille enfin lève vers le Père ses yeux rouges d'avoir pleuré : " Je prie, lui dit-elle en substance, je prie Lalla Mariam de me consoler dans ma grande détresse, car ma fille vient de mourir et j'ai le cœur brisé".

       Cette femme était sur le chemin de la vie spirituelle ; demander la consolation, c'est déjà s'élever au-dessus du monde matériel ; elle demandait la résignation : une vertu chrétienne... Voilà un vrai point de contact entre les deux religions, auquel peut conduire cette dévotion des indigènes à la Vierge noire.
       Car ces pratiques des musulmans dans une église catholique n'impliquent aucun rapprochement, sinon matériel, des deux religions. Les indigènes, je l'ai dit, ne viennent dans cette église que parce que c'est le temple de Marie et que Marie fait partie du paradis islamique. Ces pratiques ne peuvent donc, par elles-mêmes, amener aucune conversion par une évolution naturelle, et les conversions qui pourraient s'en suivre relèveraient de l'extraordinaire, de la puissance de la grâce obtenue gratuitement par la Sainte Vierge.
       Cependant, ces musulmans peuvent être édifiés, en entrant dans l'église catholique, par le respect et le recueillement des fidèles ; la majesté de nos cérémonies, la célébration de la messe, mystérieuse pour eux, peuvent frapper leur imagination et toucher leur cœur. Mais la plupart du temps, nos rites ne réussissent à éveiller en eux qu'un sentiment de curiosité.

       La Sainte Vierge, certainement, ne demeure pas inactive devant cette foule d'âmes encore si éloignées de la vérité, qui vient l'implorer, bien que pour les faveurs terrestres. Elle doit y guetter des terres moins arides et des cœurs plus malléables, et semer çà et là une petite grâce qui peut-être sera le prélude de bien d'autres.
       Mais, au simple, point de vue social, on peut présumer que cette fréquentation mixte d'une église catholique ait une heureuse répercussion, détruise certains préjugés, donne meilleure opinion des chrétiens. Tous se coudoient sous le même dôme, dans une ambiance propice à l'éclosion de la fraternité des races.
       Cela est bien peu de chose, mais compte tout de même, surtout si l'on considère que les pèlerins musulmans à la Basilique de Notre-Dame d'Afrique deviennent de plus en plus nombreux.
André SAURY.


LE PETIT BONOIS
Envoyé par M. Georges Barbara
J'SUIS DE BÔNE ....ET ALORS ?
OÙ C'EST QU'IL EST LE MAL ?

            Moi les cahiers d'honneur je les ai pas connus,
            Mais les cahiers d'honneur si seulement "j'aurais su"
            Aujourd'hui je pourrais pratiquer le français
            Dans un pays où tout pour moi est étranger.
            J'étais un enfant des ruelles
            Ma vie c'était toujours l'été
            Du peintre j'étais la palette
            Je parlais français " mélangé "
            Ma prose à moi elle était simple
            De Diocane en Canemourte,
            L'école ne me rendait pas j'bingue
            C'était pour moi une cage à poule.
            J'étais un gosse d'la choumarelle
            Qui courait la tête à pieds nus,
            Soir et matin dans les ruelles
            Mon pote à moi s'ap'lait Gugu.

            Mes univers c'était la mer,
            A la colonne ou sur le port,
            Je me foutais de la " Grand Mère "
            Le passé simple c'était ma mort.
            Pour moi la seule école qui fut
            Celle où l'on a que des amis
            C'était l'école de la rue
            La grande école de la vie
            J'étais un mélange de gavroche
            De Yaouled et de Oualliounes,
            Qui n'avait pas un sous en poche.
            Ma bande s'ap'lait les "Mortfallounes ".
            Oh que les syntaxes étaient loin
            Les conjugaisons bien étranges,
            Quand je flannais au p'Tit jardin
            De la colonne tous les dimanches.

            Je fus aussi de la famille
            De ces Tanoudes, ces moins que rien
            Que l'on croisait le soir en ville
            Costard trois pièces et mocassins.
            Pendant des années j'ai parlé
            Un genre de sabir, de patois
            Une langue véhiculée
            Que l'on appelle le " Bonois ".
            Alors Molière mon Ami
            Si de te lire est épineux,
            Signons de suite un compromis
            Réécrivons l'avare à deux !
            Moi les cahiers d'honneur je les ai pas connus,
            Mais les cahiers d'honneur si seulement "j'aurais su "
            Aujourd'hui je pourrais pratiquer le français
            Dans un pays où tout pour moi est étranger.
            Voir moins

Georges Barbara, Août 2022


ESQUISSE SEYBOUSE pages 1 à 47
Document de Gallica

GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE
BULLETIN DU SERVICE DE LA CARTE GÉOLOGIQUE DE L'ALGÉRIE
2ème SÉRIE STRATIGRAPHIE - DESCRIPTIONS RÉGIONALES
PAR JOSEPH BLAYAC DOCTEUR ÈS SCIENCES
PRÉPARATEUR DE GÉOLOGIE A LA FACULTÉ DES SCIENCES
DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS RÉPÉTITEUR A L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE COLLABORATEUR AUX SERVICES DES CARTES GÉOLOGIQUES DE LA FRANCE ET DE L'ALGÉRIE
Avec 53 figures dans le texte et 5 planches
ALGER ADOLPHE JOURDAN, ÉDITEUR 1912


ESQUISSE GEOLOGIQUE
DU BASSIN DE LA SEYBOUSE
ET DE QUELQUES RÉGIONS VOISINES
INTRODUCTION

              La Seybouse est un des fleuves les plus importants de l'Afrique du Nord par la longueur de son parcours, le nombre de ses affluents et la superficie de son bassin. Le nom de Seybouse ne s'applique qu'à une partie de son cours, celle comprise entre son embouchure, à Bône, et le coude qu'elle présente à Medjez Amar. Entre Medjez Amar et le Moulin Rochefort, point où elle pénètre dans le Tell, elle a reçu le nom d'oued Cherf, puis, sur les Hautes Plaines, celui d'oued Hammimine et enfin d'oued el Trouch. Sous la dénomination de bassin de la Seybouse, il faut entendre tous les vastes territoires de l'Est constantinois drainés par ce fleuve aux multiples appellations et par ses tributaires.

              Mes recherches ne se sont point étendues à la région littorale, c'est-à-dire à la plaine de Bône et du massif cristallin de l'Edough, dont le flanc est dépend d'ailleurs seulement du domaine de la Seybouse. Mais j'ai, par contre, étudié bien des régions limitrophes, notamment la haute vallée de la Medjerda jusqu'aux confins de la Tunisie, une partie des vallées de l'oued Mellègue et de l'oued Meskiana, (Ouenza, région de Clairefontaine), les hautes plaines sans écoulement vers la mer, du Tarf, du Guéliff, de l'Ank Djemel, la longue chaîne des Chebka mta Sellaoua, qui sépare la plaine des Harectas, dépendance de la Seybouse, de celle des Sellaoua appartenant en partie au bassin de l'oued Bon Merzoug.

              Toutes ces régions occupent dans la partie orientale de la province de Constantine une surface qui est presque égale à celle de deux départements français.
              Je m'excuse de n'avoir pas donné à ce travail un titre rigoureusement exact quant à l'ensemble des régions assez disparates dont il fait l'objet. J'ai pris cette décision pour ne pas embarrasser la littérature géologique d'un titre trop long.

              Quand j'ai fait mes recherches sur le terrain, la plupart des cartes au 1 : 50.000 et au 1 : 200.000 du Service Géographique de l'Armée, intéressant le bassin de la Seybouse, n'étaient pas encore publiées ; j'ai eu seulement à ma disposition, pour les deux tiers environ du territoire que j'ai étudié, la carte au 1 : 400.000, levée d'ailleurs fort anciennement, au début de la conquête de l'Algérie.
              Je ne peux donc donner qu'une esquisse géologique de ce vaste bassin et des régions qui l'avoisinent, car en outre de la pauvreté des documents cartographiques, d'autres circonstances indépendantes de ma volonté m'ont obligé à restreindre la durée et parfois le champ de mes observations : d'abord, ma santé, fâcheusement affaiblie par la malaria contractée au cours de mes explorations, puis des obligations inhérentes à mes fonctions universitaires et à d'autres causes m'ont empêché de continuer mes études au fur et à mesure que paraissaient les belles cartes au 1 : 50.000 et au 1 : 200.000.

              Fort de l'assurance que m'en donnent mes maîtres et mes confrères, je pense que le travail que j'ai accompli dans ces contrées algériennes, si ingrates par certains côtés pour le géologue, si déshéritées de la nature en bien des régions, constitue, surtout au point de vue des résultats stratigraphiques des terrains secondaires, un ensemble digne d'être publié.
              C'est presque à regret que je me résous à cette publication ; j'ai conscience qu'il eût été préférable de faire de cette partie de la province de Constantine une monographie géologique plus détaillée, réalisable, il est vrai, seulement avec la cartographie actuelle. Je m'y décide un peu pour ne point perdre le fruit du labeur accompli et aussi parce que j'ai le devoir d'être utile, par l'exposé détaillé de mes observations, à ceux qui viendront après moi, qui viennent déjà étudier la géologie de ces régions.

              M. Dareste de la Chavanne vient de faire paraître un mémoire sur la région de Guelma, qui comprend une partie du bassin de la Seybouse. Ce mémoire a pour objet spécial les terrains tertiaires de la région et n'apporte à l'étude des terrains secondaires aucun fait bien nouveau qui n'ait été antérieurement signalé par moi.
              On ne s'étonnera pas de la disproportion qui existe entre les pages que je consacre aux terrains secondaires et celles qui ont trait aux terrains tertiaires et quaternaires : les premiers ont fait de ma part l'objet d'une étude plus approfondie que les seconds très déshérités en restes organiques, comme on pourra en juger. Aussi ai-je pensé, en raison de mon travail détaillé relatif au Secondaire, qu'il était bon de comparer les résultats stratigrapbiques de mon étude du Trias et du Crétacé de la Seybouse avec ceux déjà connus dans les autres régions de l'Afrique du Nord et dans les principales régions classiques du bassin méditerranéen.

              Je dois un hommage spécial à la mémoire de A. Pomel et de J. Pouyanne, les regrettés directeurs du Service Géologique d'Algérie. Ces savants, dont le nom est à jamais gravé dans les annales de la géologie algérienne, voulurent bien, sur la demande de MM. E. Ficheur et G. Vasseur, m'accueillir dès 1892, à mes débuts, en qualité de collaborateur au Service qu'ils ont si longtemps dirigé.
              M. Jacob, Inspecteur général des Mines, directeur actuel de ce Service, ne m'a jamais ménagé sa bienveillance et l'appui de la haute autorité qui s'attache à sa personne et à ses fonctions. Il a toujours suivi mes recherches avec beaucoup d'intérêt et facilité mes déplacements. Qu'il veuille bien agréer mes vifs remerciements.
              Grande est ma reconnaissance envers M. E. Ficheur, doyen de la Faculté des Sciences d'Alger et directeur-adjoint du Service Géologique. L'amitié qu'il m'a témoignée m'est des plus chères. Il m'a fortement aidé à me familiariser avec les faciès si variés des divers terrains, en m'accompagnant dans différentes régions des trois provinces d'Algérie. Je ne lui saurai jamais assez gré d'avoir su, dès mes premiers pas sur cette belle terre d'Afrique, me faire aimer cette seconde France et m'apprendre à goûter tout le charme de son exploration géologique. J'ai pu enfin suivre beaucoup de ses leçons à l'Université d'Alger et m'initier ainsi soit dans le laboratoire, soit en excursion, à toutes les questions importantes de la Géologie algérienne sur laquelle il possède une compétence incontestée.

              Ma gratitude va naturellement aussi vers mes maîtres de Paris et de Marseille, MM. E. Haug et G. Vasseur. M. E. Haug, professeur à l'Université de Paris, a bien voulu me confier les fonctions de préparateur au laboratoire qu'il dirige et auquel il a su donner une vitalité exceptionnelle. Il m'a honoré de son amitié des plus bienveillantes et laissé tout le temps que j'ai cru nécessaire à l'élaboration et à la rédaction de ce travail. Je lui en exprime une reconnaissance d'autant plus vive que je me suis beaucoup instruit au cours de nos entretiens journaliers et grâce à son remarquable enseignement de la Sorbonne. Il est presque superflu d'ajouter que j'ai mis largement à profit ses conseils si recherchés et sa vaste érudition toujours ouverte à ceux qui l'approchent.
              C'est à M. G. Vasseur, professeur à la Faculté des Sciences de Marseille, que je suis redevable d'avoir pris goût aux sciences géologiques. Je suis fier d'être un disciple et un ami de ce maître dont l'exquise bonté n'a d'égale que le savoir. La remarquable direction qu'il a su donner aux levés de la carte géologique du bassin tertiaire de l'Aquitaine m'a été des plus précieuses dès le début de ma carrière ; sa méthode de travail sur le terrain, si féconde, si consciencieuse, m'a toujours servi de guide.
              J'ai invariablement trouvé auprès de M. Henri Douvillé, membre de l'Institut, l'accueil le plus obligeant dans les galeries de Paléontologie de l'Ecole des Mines. Sa connaissance si parfaite du groupe des Rudistes m'a été du plus grand secours.
              M. L. Cayeux, professeur à l'Ecole des Mines, qui a bien voulu me choisir pour collaborateur dans sa chaire de l'Institut national agronomique, m'a donné, avec beaucoup d'amitié, des conseils et des encouragements incessants. Je lui dois des renseignements relatifs à l'étude de préparations microscopiques de quelques roches sédimentaires. C'est certainement en grande partie grâce à M. Cayeux que j'ai persévéré à parachever ce mémoire. Je ne saurais trop le remercier.
              Ce m'est un agréable devoir de remercier aussi M. Kilian, professeur à l'Université de Grenoble, qui m'a reçu par deux fois dans son laboratoire où il m'a prodigué, avec le dévouement qu'on lui connaît, les ressources de sa profonde connaissance des faunes de Céphalopodes du Crétacé.
              Je ne peux oublier que, dans ce même laboratoire de Grenoble, j'ai reçu de précieux avis de M. P. Lory ; que M. V. Paquier, aujourd'hui professeur à l'Université de Toulouse, a examiné avec beaucoup de soins mes récoltes de Rudistes, dont il a su, malgré leur mauvais état de conservation, déterminer quelques exemplaires ; enfin, que M. G. Sayn, à maintes reprises, a revu avec sa complaisance coutumière certaines de mes déterminations d'Ammonites du Crétacé inférieur.
              M. E. de Margerie m'a souvent donné de précieux conseils et s'est intéressé à mon travail avec une sollicitude dont j'apprécie grandement la valeur.

              Mes amis et confrères du Laboratoire de Géologie de la Sorbonne m'ont souvent obligé. M. Louis Gentil, maître de conférences, m'a donné de nombreux renseignements sur tout ce qui touche à la pétrographie ; en outre, nous avons souvent échangé nos idées, pour le plus grand bien de nos travaux personnels, sur diverses questions d'ordre stratigraphique, notamment sur le Trias ; nous avons fait ensemble une série d'excursions très profitables, aussi bien dans quelques-unes des régions que je décris ici que dans celles étudiées par lui en Oranie. M. A. Derelms a toujours pris beaucoup d'intérêt à mon travail. M. L. Pervinquière dont le champ d'études, situé en Tunisie, est tout voisin du mien, s'est souvent entretenu avec moi sur les principales questions que je traite dans ce mémoire. Je suis heureux de constater que nous avons été sans cesse en communauté de vues sur la géologie de la province de Constantine et colle de la Tunisie et particulièrement sur la situation du Trias et les faciès des terrains crétacés.

              Je suis très obligé à M. J. Boussac et à M. Robert Douvillé d'avoir examiné quelques-unes de mes Nummulites.
              J'ai eu l'occasion de faire, avec M. H. Lantenois, alors ingénieur du Corps des Mines à Constantine, des excursions en divers points de la province. Nous avons, ensemble, vu certains affleurements de Trias et longuement causé de tout ce qui concerne la géologie de l'Algérie. Son amitié, ses avis, ses recommandations m'ont été des plus utiles.
              Enfin, je ne saurais trop remercier M. Lanquine de l'obligeance si affectueuse qu'il m'a témoigné et du concours qu'il m'a si généreusement prêté pour la correction des épreuves de ce mémoire.
              Au cours de mes explorations, j'ai été accueilli dans ces régions par bien des personnes qui ont facilité ma tâche au point de vue matériel et m'ont offert l'hospitalité la plus large. Les chefs indigènes m'ont rendu d'inappréciables services, particulièrement dans la chaîne des Chebka, presque inhabitée, et dans les Hautes Plaines semi-désertiques des Harectas et des Sellaoua. Mais je dois surtout le plus de reconnaissance à M. Dubouloz, alors administrateur de la commune mixte d'Oum el Bouaghi. Il m'a été d'un secours inestimable en de nombreuses circonstances, par son appui si cordial auprès de ses administrés européens et indigènes et par l'accueil tout familial que j'ai toujours reçu chez lui.
              De même, j'ai beaucoup d'obligation à M. P. Bouyeh, directeur de l'hôpital civil de Bône et à MM. Léon Rouyer pour les services qu'ils m'ont rendus dans la région de Hammam Meskoutine ; à M. Garbe, directeur des domaines de la Compagnie Algérienne à Aïn Regada, grâce à qui j'ai trouvé de bons gîtes dans les agences isolées de cette Compagnie ; à M. Allaman, chef de l'une de ces agences, et à bien d'autres qui m'excuseront de ne point les nommer.
              Je garde enfin un souvenir ineffaçable de l'hospitalité que j'ai reçue au moulin Dubourg, à l'oued Cheniour, de la part de M. Ferelli, homme d'une extrême bonté. Je n'oublierai jamais l'aide intelligente qu'il m'a apportée dans la récolte des Ammonites pyriteuses de cette remarquable localité, ni surtout les bons soins dont lui et sa famille m'ont entouré dans cette région alors bien isolée de tout centre de colonisation.

              Dans tout le cours du texte, les numéros entre se rapportent â ceux de la liste bibliographique. Ces numéros sont souvent suivis d'autres numéros précédés de la lettre p., indiquant la page du volume ou de la note dont il est question. Les termes arabes de géographie sont souvent cités en abrégé. Voici les plus importants :
              Dj. = Djebel, montagne.
              Kt. = Koudiat, pie, piton.
              K. = Kef, crête, piton rocheux.
              Kr. = Kranguat, gorge, défilé.
              0. = Oued, cours d'eau.
              Ch. = Chabet, torrent, ravin.
              A. = Aïn, source.
              R. = Ras, sommet, pic.
              Beaucoup de noms géographiques cités n'ont pu trouver place dans les cartes à petite échelle jointes â ce travail. On devra alors se reporter aux feuilles de la carte topographique au 1 : 300.000 du Service Géographique de l'Armée portant les titres suivants : Bône, Philippeville, CONSTANTINE, SOUK-AHRAS, BATNA, AÏN-BEÏDA, CHERÎA.

APERÇU GEOGRAPHIQUE
BASSIN DE LA SEYBOUSE

              Situation et limites. - Le bassin de la Seybouse est, après celui de la Medjerda. le plus important de la partie orientale de l'Afrique du Nord. Il couvre environ un septième de la surface totale de la province de Constantine. Au N.-E., il n'est séparé de la Tunisie que par les territoires tributaires de l'oued bou Namoussa, dont la constitution géologique est identique à celle de la Kroumirie tunisienne, formée par les grès de Numidie. Ce sont des territoires éminemment forestiers. Au sud de ces derniers, la haute Medjerda et ses nombreux affluents; puis, plus bas, l'oued Mellègue, son plus fort tributaire, drainent un pays mitoyen de celui de la moyenne et de la haute Seybouse; ce sont d'abord les régions si accidentées de Souk-Ahras et de Tifech appartenant encore au Tell et où le Trias joue le plus grand rôle, puis celles d'Aïn Beïda qui confinent déjà aux Hautes Plaines et dont le Crétacé supérieur forme l'ossature.

              Au sud, le bassin du Haut-Cherf qui n'est autre que celui du cours supérieur de la Seybouse, comme je l'ai indiqué dans l'introduction, empiète beaucoup sur les plaines élevées et ses limites restent alors un peu indécises ; ses rivières, sans profondeur, sont dépourvues d'eau durant une grande partie de l'année, en raison du climat sec de ces contrées d'assez grande altitude (800 à 1.000 m. ); leur lit divague d'une saison à l'autre et on passe des Hautes Plaines dépendant du Cherf à celles des chotts salés du Guéliff, du Tarf de l'Ank Djemel, sans dos de terrain apparent.

              Quelques accidents rompent la monotonie de ces régions :
              1° les cartes hors textes placées à la fin du volume, sur lesquelles je n'ai malheureusement pas pu porter tous les noms géographiques cités;
              2° les feuilles de la Carte au 1 : 200.000 mentionnées p. 8. aplanies ; parmi ceux-ci, le djebel Sidi Rghis, vaste dôme de calcaire aptien, appartient par son flanc nord au domaine de la Seybouso et, par son flanc sud, à celui des chotts précités.

              A l'W., la grande plaine des Harectas est séparée de celle des Sellaoua par une chaîne dont j'aurai souvent à parler : celle des Chebka mta Sellaoua et que je désignerai simplement sous le nom de Chebka. Cette chaîne, à structure imbriquée, dirigée N. E.-S. 0. comme toutes celles, plus méridionales, des environs de Batna, comme les monts Aurès, est drainée dans sa partie méridionale par des oued qui coulent vers la plaine du chott Mzouri ; son côté E. se trouve en partie tributaire de l'oued Bou Merzoug. Ce dernier se réunit au Rummel, en passant au pied des rochers de Constantine et devient plus loin l'oued El Kebir. La haute plaine des Sellaoua, située à l'est de la chaîne des Chebka, appartient donc seulement dans sa moitié nord au contingent territorial de la Seybouse. Elle est bornée à l'E. par les chaînons anticlinaux de calcaires aptiens récifaux des dj. Djafïa, Foum el Alik et Fortas dont les versants E. font partie du bassin de l'oued Bou Merzoug. Au-delà, toujours à l'E., le bassin de la Seybouse est encore limitrophe de ce dernier par les monts des Ouled Rhamoun. par le massif calcaire du dj. Oum Settas. Puis, plus au N., il touche aussi à une région faite des mêmes grès, très forestière comme celle de Jemmapes et qui présente une dépression très malsaine où se loge le lac Fetzara, déversoir des eaux du massif cristallin de l'Edough qui est en bordure de la mer.

              Dans cette partie de leur domaine, les territoires de la Seybouse ont une limite très nette ; c'est la chaîne dite numidique dont l'axe dirigé E.-W. est jalonné par les dômes et anticlinaux de calcaires récifaux néocomiens du kef Hahouner, des dj. Taya et Debar. Le côté N. de cette chaîne dépend ici du bassin du lac Fetzara ; le côté S., de l'oued Bou Hamdane, gros affluent de la Seybouse.
              Si l'on examine la carte géologique générale de l'Algérie [223], on se rend aisément compte que le bassin inférieur de la Seybouse entre Bône et Medjez Amar est comme étranglé entre ceux du lac Fetzara à l'W. et de l'oued Bou Namoussa à PE. il est, à ses débuts, très enserré entre des voisins de moindre importance, alors que dans ses cours moyen et supérieur il s'étale et s'élargit remarquablement. Cet état de choses s'explique assez bien : dans son cours inférieur, la Seybouse a rencontré une barrière très difficile à franchir ; c'est d'abord la chaîne numidique, puis l'épaisse couverture de grès de Numidie et le massif cristallin de l'Edough ; tout cela en bordure ou très près de la mer. Les plissements y sont parallèles au littoral et cette direction a facilité l'écoulement direct des eaux vers la mer, en multipliant les oued directement tributaires de la Méditerranée.

              Mais en amont de cette partie septentrionale du Tell, la Seybouse s'attaque à une région où les terrains crétacés et tertiaires plissés donnent au relief une résistance très variable à l'érosion et alors ses vallées se ramifient grâce à des phénomènes de capture ; aussi son bassin prend-il, à TE., à l'W. et au S. une largeur démesurée par rapport à celle qu'il avait au N. Cette largeur, cette expansion devient encore plus marquée quand elle atteint les Hautes Plaines où elle trouve de vastes et plats espaces à drainer.
              Voyons, après avoir ainsi délimité et situé ce vaste bassin, comment se trouvent disposés son réseau hydrographique et les diverses masses orographiques qui le constituent.

              La Seybouse a ses origines les plus éloignées de la mer dans les Hautes Plaines qui s'étalent à une altitude de 800 à 1.000 m. au sud du Tell constantinois. Dans ces régions, son régime, son réseau sont bien différents de ceux qu'elle acquiert en pénétrant dans la montagne, c'est-à-dire dans le Tell. Et même, comme je l'ai montré à la page précédente, ce fleuve et ses affluents effectuent avec plus d'aisance le drainage du pays tellien méridional, c'est-à-dire du pays situé au sud de la chaîne numidique, que celui du Tell situé au nord de cette même chaîne. Nous considérerons donc dans le bassin de la Seybouse trois parties bien différentes :
              1° Celle des Hautes Plaines (Haute Seybouse) ;
              2° Celle du Tell méridional (Moyenne Seybouse), qui commence au Moulin Rochefort, point où l'oued Cherf pénètre dans le Tell, et qui finit à Duvivier ou cet oued devient alors la Seybouse proprement dite ;
              3° Celle du Tell septentrional (Basse Seybouse), à travers laquelle le fleuve garde le nom de Seybouse.

1° HAUTE SEYBOUSE

              Oro-hydrographie. - loi, le réseau hydrographique se ramifie en patte d'oie, parce que des dômes d'importance inégale, formés par les terrains crétacés et tertiaires émergent en plusieurs points à travers les encroûtements de tufs calcaires quaternaires, qui constituent le sol même de ces plaines. Les diverses artères maîtresses, les oued principaux convergent tous, les uns vers le Moulin Rochefort ou dans ses abords immédiats, les autres, au nord des Ghebka, vers l'oued Mgaïsba. C'est en ces lieux que l'oued Cherf proprement dit, a fait sa coupure par érosion régressive à travers le Tell méridional pour venir capter les eaux des hautes plaines autrefois sans écoulement vers la mer.
              Ces oued sont de TE. à l'W. :
              L'oued Tifech, qui suit l'axe de la plaine synclinale du même nom. Cette plaine, recouverte, comme presque toutes les autres, d'une sorte de carapace dure, calcaire, d'âge quaternaire, est séparée de celle de Khamissa-Sedrata, beaucoup plus étroite, par le chaînon anticlinal de Dréa, à noyau triasique (altitude de 900 à 1.123 m.), qui, avec une direction N. E.-S. W., finit vers le S. sous les dépôts quaternaires de la grande plaine des Harectas. La plaine de Khamissa, qui est aussi due au comblement d'un synclinal, est arrosée, si l'on peut s'exprimer ainsi quand il s'agit d'oued algériens, par l'oued Crab.
              Oued Tifech et oued Crab se réunissent sous le nom d'oued Hammimine, qui coule au pied de l'imposant massif tel lien de Trias du djebel Zouabi pour atteindre l'oued Cherf au Moulin Rochefort.
              Viennent ensuite, l'oued Aïn es Snob, l'oued et Trouch dont les sources se trouvent aux points les plus éloignés de l'embouchure de la Seybouse, l'oued Settara et ses affluents alimentés surtout par les quelques torrents qui descendent du dj. Sidi Rghis et du flanc E. de la chaîne des Chebka, enfin l'oued Mgaïsba qui draine la plaine des Sellaoua.
              Tous ces oueds ont un cours indécis, changeant aux caprices des pluies. Ils sont d'ailleurs à peu près à sec, sauf en hiver ou au début du printemps ; leurs eaux y sont souvent croupissantes et malsaines. Leur pente est des plus faibles et contraste étrangement avec celle des rivières de la moyenne et même de la basse Seybouse qui sont torrentielles. Ce fait est la conséquence des captures pratiquées par la Seybouse à la limite du Tell et des Hautes Plaines. Grâce à ces captures, dont j'ai indiqué plus haut l'emplacement, les Hautes Plaines constituent aujourd'hui le bassin supérieur de la Seybouse après avoir été des bassins fermés comme ceux, plus méridionaux, du Guéliff, du Tarf ou celui bien connu du Hodna.

              Haute Plaine des Harectas. - Cette grande plaine s'étend très loin vers le S. et se soude avec celle des chotts ou gara et du Tarf et du Guéliff, atteignant ainsi les premiers contreforts des monts Aurès. Son altitude, toujours au-dessus de 750 mètres, atteint jusqu'à 1.000 mètres. Une grande partie des Harectas est tributaire de la Seybouse, d'abord par l'oued Aïn es Snob qui descend des affleurements crétacés du nord d'Aïn Beïda, puis par Y oued el Trouch qui, par de nombreuses ramifications, recueille les eaux du N. du dôme (1.115 m.) à large amplitude d'Aïn Beïda, fait de calcaires sénoniens à Inocérames. Ces deux oued courent parallèlement l'un à l'autre dans leur cours inférieur et rejoignent l'oued Hammimine, non loin du Moulin Rochefort.
              Parmi les protubérances crétacées ou tertiaires qui jouent un rôle dans la topographie de cette immense plaine, il faut citer, au N., le dj. Hamimat (1.036 m.), dôme à noyau aptien très décapé et presque à fleur de sol comme l'indique sa faible altitude ; sa bordure est suivie par plusieurs oued dont les diverses branches ont un cours très indécis. Ce sont l'oued Dahmane et l'oued Bou Elman qui, par leur jonction, forment l'oued Settara. Ce dernier, désigné aussi sous le nom d'oued Gourm, reçoit l'oued El Ouassa qui serpente à l'E., à travers la plaine, après être sorti du point le plus élevé de cette dernière, Aïn el Attab (993 m.).
              L'oued Settara débouche exactement au Moulin Rochefort. L'oued Bou Elman, le plus occidental de tous, est alimenté par de nombreux ruisseaux provenant du flanc E. de la longue chaîne des Chebka mta Sellaoua, ce qui lui vaut d'avoir un peu plus d'eau que les autres.

              Avant de parler de cette chaîne, je ne dois pas oublier de citer le dj. Sidi Rghis, que j'ai déjà nommé et quelques autres protubérances de même nature.
              Dj. Sidi Rghis. - C'est un dôme parfait de calcaire aptien, seulement entr'ouvert au sud grâce à une faille orientée N. E.- S. O. ; son grand axe a 4 kilomètres de longueur. Il domine la plaine des Harectas de près de 700 m. C'est la montagne la plus élevée du bassin de la Seybouse ; son point culminant est à 1.636 m. On l'aperçoit de très loin vers le S., à cause de sa position isolée qui lui donne l'apparence d'une montagne plus haute qu'elle n'est en réalité.
              Dj. Oumchkrid, Dj. Tarf, Dj. Fedjouje.-- Au S. du dj. Sidi Rghis, les plaines des chotts salés offrent encore des accidents de terrain dus à l'apparition de chaînons anticlinaux de calcaires aptiens. C'est d'abord une chaîne dirigée E.-W., vaste anticlinal de calcaire aptien, le dj. Oumchkrid qui se soude au pied sud-ouest du Rghis et se poursuit très étroite avec des variations d'axe jusqu'à l'affleurement triasique du bord N. du Guerrah el Marzel.
              C'est aussi le dj. Tarf, autre anticlinal à flanc N., affaissé par faille et qui se relie à l'W. à la chaîne anticlinale du Fedjouje, faite encore de calcaires récifaux aptiens. Tarf et Fedjouje, dirigés W.-N. E., ne sont que les prolongements du dj. Bou Arif des environs de Batna.
              Tous ces dômes ou anticlinaux qui agrémentent ces hautes plaines constantinoises sont à peu près dépourvus de végétation.

              Chaîne des Chebka mta Sellaoua. - Revenons à la chaîne des Chebka qui sépare la plaine des Harectas de celle des Sellaoua. Elle s'étend sur une longueur de 30 à 32 kilomètres et de 10 à 15 km. de largeur.
              Elle est formée de terrains crétacés marneux et marno-calcaires de l'Aptien au Sénonien et de terrains tertiaires (Nummulitique et Néogène) affectés de plis très aigus, souvent chevauchant les uns sur les autres. La direction des plissements de cette chaîne, qui présente le type classique de la structure imbriquée, est nettement S.W.-N.E. Comme on peut s'en rendre compte en consultant la carte géologique, cette chaîne des Chebka occupe une aire synclinale surélevée par les plissements et dont les bords sont jalonnés par les masses de calcaires aptiens relevés en dôme ou en anticlinaux du Sidi Rghis, du dj. Oumchkrid, des djebel Hazebri, Fortas, Foum el Alik et Djafïa. Ces quatre derniers se distribuent sur la bordure occidentale de la plaine des Sellaoua qui se développe à l'VV. des Chebka. L'altitude de cette dernière chaîne se maintient presque toujours au-dessus de 1.000 m. et atteint jusqu'à 1. 181 mètres.

              Haute Plaine des Sellaoua. - Cette plaine qui, au N., prend le nom de Temlouka, est à une altitude variant entre 800 et 900 mètres. Recouverte de dépôts tufacés et d'alluvions quaternaires, elle ne présente que deux protubérances de faible importance ; c'est, d'abord, le dj. Hamimat Arko, massif de calcaire probablement aptien (altitude, 936 m.) d'où sort la source principale de l'oued Mgaïsba, puis un affleurement de calcaire à Inocérames, situé près du village de Montcalm, d'où sort une autre source qui alimente un affluent de ce même oued. Cette plaine était, à une époque probablement assez récente, sans écoulement vers la mer; il y avait, entre Hamimat Arko et Temlouka, un lac où se concentraient toutes les eaux de cet ancien bassin fermé.
              L'oued Mgaïsba, tributaire de l'oued Cherf, a traversé, par érosion régressive, les calcaires à Inocérames dont les couches très plissées forment les derniers contreforts du Tell au N.-E. de la plaine. 11 est ainsi parvenu à atteindre cette dernière et en a drainé les eaux à son profit.
              Cependant, cet état de choses n'était pas encore parfaitement réalisé, il y a seulement 18 ans, car au moment de la création du village de Montcalm, l'Administration, afin d'assainir une partie de la plaine, notamment entre Arko et Montcalm, a dû faire creuser des fossés larges et assez profonds pour amener la plus grande partie des eaux stagnantes dans l'oued Mgaïsba.
              La plaine des Sellaoua, qui correspond à une cuvette synclinale très évasée, se soude au S.-W. à celle de Taxas, autre cuvette synclinale, faite de Crétacé supérieur et de Nummulitique, dont les dépôts émergent à fleur de sol. La plaine de Taxas est du domaine du Bou Merzoug, ainsi que l'imposant massif de calcaires récifaux et de dolomies aptiens du dj. Guérioun (1.729 m. ), formant un vaste dôme suivi d'un synclinal, orientés N. E.-S. W.
              Le Guêrioun, qui nous sert de limite à LE., est la montagne la plus élevée parmi celles qui surgissent à la surface des Hautes Plaines de l'Est constantinois. Le Sidi Rghis (1.636 m.) qui est à sa droite chez les Harectas et le Nif Enser (1.540 m. ) qui est à sa gauche dans la plaine d'Aïn M'iila, présentent les trois points les plus élevés de ces régions.

              Cultures, colonisation dans la Haute Seybouse. - Toutes ces plaines sont assez fertiles. La colonisation française n'en a pas encore tiré un très grand parti ; le climat y est rude, très chaud en été, très froid en hiver. Le régime des pluies est précaire, les eaux potables sont rares et pourraient être fort améliorées. On y cultive les céréales (orge et blé) et on y fait l'élevage des hôtes à cornes, surtout du mouton ; les indigènes, assez nombreux, appartiennent à la race Chaouïa ; ce sont des Kabyles, vivant surtout sous la lente ou le gourbi, moins actifs et intelligents que les vrais Kabyles du Nord. Quelques villages, créés par l'Administration, y sont installés ; leur prospérité, assez médiocre au début, semble s'améliorer. Certains d'entre eux, comme Montcalm, près Temlouka, au N. de la plaine du même nom, ont été établis dans des conditions hygiéniques bien mauvaises, au beau milieu de remplacement de l'ancien lac ou chott que l'oued Mgaïsba est venu capter et qui a laissé de nombreux marécages. Pour sauvegarder la population de Montcalm qui a été renouvelée en peu de temps deux ou trois fois, décimée qu'elle était par la malaria, on a dû pratiquer un drainage très coûteux vers l'oued Mgaïsba dont la capture trop récente n'avait pas suffisamment assaini la plaine.
              Les principaux centres français sont chez les Harectas, Sedrata au N. de la plaine, non loin de l'antique Khamissa des Romains, tout en bordure du Tell, puis Canrobert (Oum el Bouaghi) au pied sud du dj. Sidi Rghis, dans une situation fort pittoresque, enfin Aïn Beïda sur le dôme de calcaire à Inocerames dont j'ai déjà parlé. Aïn Beïda est une véritable petite ville et comme la capitale de ces régions. Un chemin de fer à voie étroite relie Aïn Beïda à Constantine (90 km.) d'une part, et à Khenchela de l'autre, au pied des Monts Aurès.
              La chaîne des Chebka est plus mal partagée de la nature ; en raison des plissements très aigus dont elle est affectée et de la diversité des terrains, les ravins y sont profonds. Les terrains crétacés marno-schisteux donnent lieu à un réseau de ravinements variés. Chebka signifie en arabe filet ; ce nom exprime assez justement l'état très déchiqueté du sol. Aucun centre européen n'existe dans la chaîne même dont le sol se prête mal à la culture. Seuls quelques indigènes très clairsemés y vivent sous la tente.
              A la pointe S. des Chebka, en bordure de la plaine des Sellaoua, un village français, Aïn Fakroun, est la seule ressource du voyageur ; dans la plaine des Sellaoua, en outre de Montcalm, on trouve à l'W. le village de Sigus installé sur l'emplacement d'un ancien centre romain.
              La colonisation romaine paraît avoir été beaucoup plus prospère que la nôtre, si on en juge par les restes de constructions que l'on rencontre en si grand nombre dans ces vastes plaines qui constituaient d'ailleurs une partie des territoires orientaux de l'Afrique du Nord désignés par les auteurs latins sous le nom de " grenier de Rome ".
              La fertilité du sol en céréales y est, il faut le reconnaître, des plus remarquables. Le chemin de fer d'Aïn Beïda à Constantine couvre* largement ses frais grâce au transport des grains. La cause de cette fertilité réside certainement en grande partie dans ce fait que le Suessonien qui renferme des couches de phosphate de chaux de trop faible teneur pour être exploitées, affleure en bien des points, soit dans la plaine, soit dans les montagnes environnantes. Les terres alluviales qui se trouvent à la surface des plaines se sont certainement enrichies des phosphates démantelés et charriés grâce aux phénomènes d'érosion.

2° MOYENNE SEYBOUSE

              Les eaux du bassin supérieur de la Seybouse pénètrent dans le Tell par deux issues. La première, celle vers laquelle convergent les oued de la plaine des Harectas, est située au Moulin Rochefort. La deuxième, due à la capture pratiquée par l'oued Mgaïsba, se place non loin du village de Montcalm, à la bordure N.-E. de la plaine des Sellaoua.
              A partir du Moulin Rochefort, la Seybouse a reçu le nom d'oued Cherf. Les populations indigènes de l'Afrique du Nord ont toujours baptisé les diverses parties des rivières de noms différents et ces noms répondent généralement à un changement dans le régime du cours d'eau. Le mot arabe Cherf signifie abrupt. En effet, le fleuve abandonne définitivement les Hautes Plaines pour entrer dans le territoire montagneux du Tell, où il s'est ouvert péniblement sa voie et où il est souvent encaissé dans des gorges profondes.
              Le bassin de la moyenne Seybouse est vaste ; il est situé entre les Hautes Plaines et la chaîne numidique. Je rappelle que cette chaîne (E. Ficheur et A. Bernard [159]. Les régions naturelles de l'Algérie, p. 231 ) nettement dirigée E -YV. s'appuie contre le revers sud des massifs anciens de la Petite Kabylie et de Collo. Elle dresse ses crêtes clans le nord du Tell où elle est jalonnée par les pics de calcaire liasique des Babors et par diverses autres masses rocheuses dont les plus orientales qui nous intéressent ici, sont les dômes de calcaires récifaux néocomiens du kef Hahouner, du dj. Taya, du dj. el Grar et du dj. Debar.

              Seul, le versant méridional de cette chaîne est en partie tributaire de la Seybouse, le versant septentrional ayant ses rivières directement dépendantes de la Méditerranée. Le réseau hydrographique de la moyenne Seybouse possède quatre artères maîtresses principales :
              1° L'oued Cherf proprement dit, du Moulin Rochefort à Medjez Amar.
              2° La Seybouse de Medjez Amar jusqu'à Duvivier.
              3° L'oued bou Hamdane qui devient l'oued Zenati dans son cours supérieur et dont le confluent avec la Seybouse est à Medjez Amar même.
              4° L'oued Ranem, qui débouche dans la Seybouse à Duvivier.


              Oro-hydrographie du pays compris entre le Cherf, la Seybouse et l'oued Ranem. - L'oued Cherf, la Seybouse et l'oued Ranem enserrent un territoire très accidenté, sur lequel M. Dareste de la Chavanne a publié un mémoire auquel je dois renvoyer le lecteur pour ce qui concerne la géographie de ce pays [216, p. 9].
              J'indiquerai seulement que le relief est ici constitué surtout des grès siliceux, très durs, du Nummulitique supérieur (grès medjaniens) des marnes et des calcaires de divers autres étages du Nummulitique, des marnes et marno-calcaires du Sénonien et de quelques rares affleurements des autres étages du Crétacé moyen et inférieur. Toutes ces formations sont affectées de plis souvent à structure imbriquée, dirigés E.-W., dans les parages mêmes du lit de l'oued Cherf et N. E.-S. W quand on va vers l'est, c'est-à-dire vers l'oued Ranem.
              Ainsi s'explique pourquoi l'oued Cherf, dans son ensemble, est orienté N.-S. ; c'est une rivière véritablement sécante, qui a creusé son lit normalement à la direction des plissements.
              Ses affleurements de la rive droite, l'oued el Nil (en partie seulement), l' oued el Aar, l'oued Cheniour et l'oued Sebt sont des rivières orientées E.-W. comme l'axe des principaux plis. Quant à l'oued Ranem, appelé oued el Malah dans son cours supérieur, sa direction N. E.-S. W. lui est imposée par celle du bombement triasique qu'il traverse au dj. Nador et par le changement d'orientation des axes des plis.
              Le cours de la Seybouse entre Medjez Amar et le village de Nador est perpendiculaire à celui du Cherf; il est nettement E.-W. Là, le fleuve s'est heurté à la chaîne numidique qui a cette même orientation. Il y a d'ailleurs rencontré la dépression de Guelma et son bassin tertiaire dont il a suivi le grand axe. Entre le Nador et Duvivier, il oblique vers le N.-E. en raison de la direction des plis qui affectent les formations triasiques qui se trouvent en cet endroit.
              Entre Duvivier et Medjez Amar, la Seybouse reçoit, outre l'oued Ranem, l'oued Helia, l'oued bou Sorra et le chabet Zemba dont les directions parallèles sont certainement influencées par les plissements.

              Les principaux éléments du relief.- A la bordure de la plaine des Harectas, le massif gypso-salin triasique du dj. Zouabi (1.164 m.) joue un très grand rôle dans l'orographie.
              Cette montagne, fort connue dans toute la province par son gypse et son sel gemme, est un énorme bombement de Trias. Entre elle et l'oued el Aar proéminent le djebel el Meïda (1.423 m.) formé par le flanc S. très relevé d'un synclinal de grès médjanien ; puis, lui faisant suite à l'E. le dj. Mouidct (1.271 m.) le Slah Damous (1.161 m.) les dj. El Abiod et Bir el Menten formés surtout par les calcaires blancs à Inocérames du Crétacé supérieur. En face d'eux, outre les vallées anticlinales de l'oued el Aar et de l'o. Cheniour, ces mêmes terrains fortement redressés sur les bords d'un synclinal E.-W. forment les hautes falaises et les crêtes du kef el Besbass (977 m.) el du ras Stah (1.258 m.). Entre le confluent de ces deux oueds, le relief s'abaisse ; il est même transformé en un véritable plateau constitué par un travertin très épais. Ce travertin presque marmoréen a été déposé par une source thermale qui existe en contre-bas du plateau. Cette source dépose toujours du calcaire, mais elle est certainement moins forte qu'elle ne l'était dans le passé. Elle est aujourd'hui à quelques mètres seulement au-dessus du thalweg de l'oued Cheniour; elle s'est, fait jour probablement à la faveur des plissements suivis de faille en profondeur qui ont amené à jour le dôme de l'oued Cheniour à noyau de Barrémien et d'Aptien.

              Entre l'oued Cheniour et l'oued Sebt les terrains suessoniens et lutétiens forment les premiers contreforts du dj. Mahouna qui dans son ensemble est un vaste synclinal de grès medjaniens, dont les strates redressées s'élèvent jusqu'à 1.417 mètres. Legrand massif de la Mahouna est coupé en deux parties par l'oued Cherf ; nous parlerons plus loin des massifs de grès medjaniens situés sur la rive gauche de cette rivière, le dj. Baïbouel le kef Ensour, qui constituent les bords ouest de ce synclinal.
              A l'E. de la Mahouna, les plis subissent une inclinaison d'axe vers le N.-E. ; toutes les rivières qui sont plutôt des torrents, coulent dans cette direction jusqu'à leur rencontre avec la Seybouse. Les principales sont de l'E. à l'W. les oued Banem, Helia, Bou Sorra et Zemba ; ces deux derniers descendent de la bordure E. de la Mahouna.
              Ces oueds débitent un certain nombre de masses orographiques où les calcaires à Nummulites et les calcaires à Inocérames jouent le principal rôle.
              Ce sont, d'abord, dans la haute vallée du Ranem et faisant suite aux chaînes qui bordent l'oued el Aar : le Ras Berda (1187 m.) le Ras el A lia (1307 m.) le djebel Aloaï. Ces hautes chaînes calcaires qui se continuent encore par d'autres de même direction, occupent le bord sud d'un synclinal qui sépare àl'E. le bassin de la Medjerda, le grand fleuve tunisien, de celui de l'oued Ranem au N., de celui de l'oued el Aar à l'W., de celui de l'oued Crab au S.
              Cet ensemble montagneux est donc une unité orographique des plus marquantes de la province.

              Sur le flanc sud du Ras el Aloia, on voit courir parallèlement entre eux un certain nombre de torrents : ils se dirigent tous vers la haute plaine de Khamissa ; ceux de droite viennent se brancher sur la Medjerda qui coule dans cette plaine synclinale à contre pente ; ceux de gauche opèrent leur jonction dans la plaine de Sedrata qui fait suite au S. à la précédente et forment alors l'oued Crab, tributaire de la Seybouse. Entre l'oued Ranem et la Medjerda le relief très accidenté comprend le dj. Azega (1100 m.) où se trouve un affleurement de Trias et toute une série de crêtes élevées dirigées N. E.- S.W. constituées par les calcaires à Inocérames, surmontées de formations marneuses et calcaires du Nummulitique. Ce sont le dj. Tebaga (1.227 m.) le Fedj Zakia, le koudiat el Adjerad (1.096 m.) puis le kef Snebsa (1091 m.) le dj. el Arômet le dj. Kelaia (1.286 m.). Ce dernier qui est dans les parages du village d'Aïn Seinour, sépare la haute vallée de l'oued Rirane, affluent du Ranem, de celle de l'oued Djedra, affluent de la Medjerda, et de celle de la Medjerda elle-même.

              Le bassin de l'oued Ranem comprend outre les chaînes de son haut territoire que je viens d'énumérer une série de hauteurs importantes dues au relèvement des bords d'un vaste synclinal dont les calcaires à Nummulites et les calcaires à Inocérames constituent en grande partie les dj. Bou Diss, Safiet el Aoueïd (1.010 m.), kef el Talr (1.035 m.), dj. el Koutz (1.031 m.). Le cours moyen du Ranem et celui du Rirane se sont fait jour à travers le bombement de Trias du Nador déjà cité. Ici, les rivières sont profondément encaissées et impénétrables en bien des points. Contre cette aire anticlinale triasique, qui n'a pas moins de 28 kilomètres dans son grand axe, tous les terrains plus récents se redressent parfois à la verticale. Je citerai, à TE., tout le pays de grès medjaniens recouvert de belles forêts, dont le kef el Mengoub (1.146 m.) elle Dr a cl Barouak (993 m.). Enfin, j'indiquerai aussi sur le Trias môme, dans une dépression synclinale, le petit bassin tertiaire du Nador, dans les dépôts duquel se trouvent des gîtes exploités de calamine et de nadorite, et celui d'Aïn el Hamimine dont les strates redressées reposent sur le bord E. du dôme triasique. Entre la vallée du Ranem et le massif de la Mahouna, des oued torrentiels, qui se rendent à la Seybouse avec une direction N. E.-S. W. parallèles à celle des plissements du sud du bassin tertiaire de Guelma. Ils découpent dans les terrains néogènes de Guelma et dans les marnes et grès du Nummulitique supérieur (grès medjaniens) une série de croupes d'altitudes assez faibles.

              Oro-hydrographie des régions comprises entre l'oued Bou Hamdane et la rive gauche de l'oued Cherf. - L'oued Bou Hamdane qui se jette dans la Seybouse à Medjez Amar, en est l'affluent le plus important après l'oued Cherf. Dans son cours inférieur, entre son confluent et Bordj Sabath, cette rivière a creusé son lit parallèlement à la direction de la chaîne numidique aux pieds même des dj. Debar et Taya ; elle a mis à nu, sur une partie de son trajet, les terrains crétacés dont j'aurai longuement à parler aux chapitres de stratigraphie. Ces terrains étaient autrefois recouverts par un épais manteau de marnes et grès rouges siliceux du Néonummulitique (grès medjaniens) que l'on retrouve d'ailleurs de part et d'autre des deux rives de l'oued.
              A partir de Bordj Sabath, ce cours d'eau reçoit Y oued Sabath qui parcourt des régions forestières faites des mômes grès et dont je ne détaillerai point l'orographie. L'oued Sabath coule dans une direction générale qui est celle du Bou Hamdane et que la chaîne numidique lui a certainement imposée. Le Bou Hamdane se continue par l'oued Zenati qui fait d'abord un coude brusque et se trouve orienté N. W.-S. E. jusqu'au village d'Oued Zenati. Dans cette partie de son trajet, cet oued a coupé, par érosion régressive, une série de plis, dirigés N. W.-S. E. ; il a rencontré ensuite l'aire synclinale, d'assez large amplitude qui se développe entre les prolongements N. des chaînons anticlinaux de calcaires aptiens du dj. Oum Settas d'une part et des dj. Djaffa et Fortas de l'autre. Il en a suivi l'axe et drainé tout le territoire par des affluents subséquents.

              Les rivières qui se jettent dans le Cherf dont l'oued Mgaïsba et l'oued Hou el Fras sont les principales ont plus d'activité que les autres. Le lit du Cherf est plus approfondi ; et à une altitude bien plus basse que celle de l'oued Zenati ; le niveau de base des torrents affluents du premier est plus bas que celui des torrents affluents du second, aussi la ligne de partage des eaux est-elle beaucoup plus rapprochée de la vallée du Zenati que de celle du Cherf.

              Le territoire compris entre l'oued Cherf et les oued Bou Hamdane et Zenati est constitué en majeure partie par les marnes et grès medjaniens et affecté de plis moins serrés que les formations sous- jacentes qui appartiennent au Sénonien. Ces dernières, fortement plissées vers le S., dans une direction voisine de W.-E., forment, entre le Mgaïsba et le Bgarra, les collines du dj. Dra el Hofra (926 m.) et du dj. Dra el Abiod, qui sont le prolongement de la chaîne dominant la vallée de l'oued el Aar. Sur le Dra el Abiod s'adosse une cuvette synclinale tertiaire dont les dépôts, d'âge probablement politique, occupent de vastes espaces dans la région du village de Rénier (poudingues et travertins) ; le flanc S. de ce synclinal se redresse sur le dj. Ancel (grès medjaniens) qui atteint 1.128 mètres, dont les couches se relient par celles du dj. Haïbou (1.018 m.) au grand synclinal de la Mahouna fait des mêmes grès. Ces vastes reliefs, taillés dans les grès, sont interrompus par l'aire anticlinale N. E.-S. W. de Ras el Akba-Clauzel dans lesquelles affleurent des formations crétacées et nummulitiques très plissées constituant, entre autres, le dj. Announa (986 m.).

              Au N., entre cette région et le Bou Hamdane, est une cuvette synclinale, dirigée à peu près E.-W. sous l'influence de la chaîne numidique qui est située en face, sur l'autre rive du Bou Hamdane. Les bords sud très redressés de ce synclinal sont formés par les crêtes gréseuses très apparentes du Dra Reteb ( 1.056 m.), du kef Ensour (1.104 m.), du dj. es Sada (1.108 m.) et du dj\ Groura.
              Le Bou Hamdane a creusé sa vallée dans cette aire synclinale affectée de nombreux plis qui sont fortement chevauchés les uns sur les autres; il a mis à nu les terrains crétacés et tertiaires que surmontent les grès medjaniens fortement démantelés. Sur la rive droite de la rivière qui nous intéresse seule d'abord, le relief est surtout formé de terrains crétacés marno-schisteux (Barrémien, Aptien) et degrés medjaniens; mais une source thermale très réputée, celle d'Hammam Meskoutine, venue à jour grâce à un pli-faille, a déposé des travertins d'une grande épaisseur, constituant une série de plateaux étagés jusqu'au bord même de la rivière. Cette source jaillissante, rime des plus chaudes du monde (9G°), est encore très belle ; ses eaux s'élèvent à une hauteur de 25 à 30 mètres au-dessus de la vallée et forment, par leurs dépôts travertineux très chargés en sels de fer variés et en carbonate de calcium, de remarquables vasques de couleurs très vives et des cônes surélevés très pittoresques. Les sources d'Hammam Meskoutine ont dû être dans l'antiquité beaucoup plus importantes, si on en juge par les énormes quantités de travertins marmoréens qui se trouvent aux alentours et en amont de leur point d'émergence actuel.

              Nous verrons plus loin que des sources identiques ont dû exister dans la région ; le petit bassin tertiaire de Guelma, par exemple, est recouvert, en bien des points, de travertins de même qualité, ayant la même origine que ceux d'Hammam Meskoutine.
              Nous voici arrivés dans la région la plus septentrionale du bassin moyen de la Seybouse, c'est celle qui est située sur la rive gauche de ce fleuve et de l'oued Bou Hamdane, et qui appartient au revers méridional de la chaîne numidique.

              Oro-hydrographie du territoire situé sur la rive gauche de la Seybouse et du Bou Hamdane, entre Bordj Sabath et Duvivier. - Sur cette rive la Seybouse et son affluent le Bou Hamdane ne reçoivent que des torrents de faible longueur qui n'ont pu pousser leur tête au-delà des crêtes de la chaîne numidique. Cette chaîne est ici beaucoup plus rapprochée du thalweg de la Seybouse et du Bou Hamdane que du littoral. Les rivières tributaires soit du cours inférieur de la Seybouse, soit des autres cours d'eau qui se jettent dans la Méditerranée, sont beaucoup plus actives et il en est même une, l'oued Mouger, qui a profité d'un abaissement d'axe de la chaîne numidique entre le dj. Debar et le koudiat Bou Fertout pour venir, sur le versant méridional, capter des torrents appartenant au Bou Hamdane.
              De Duvivier à Nador, le fleuve a creusé son lit dans le dôme triasique de Laverdure-Nador ; il semble qu'il ait profité de la direction N. E.-S.W. des plissements de ce dernier pour se faire jour à travers les marnes et les gypses du Trias. A partir du Nador où il rencontre le bassin tertiaire de Guelma, le fleuve suit Taxe de ce bassin orienté E.-W. ; il est d'abord dominé par des massifs formés de marnes et surtout de grès siliceux medjaniens ; le dj. Aouara (932 m.) et les monts des Béni Mczzcline (830 m.). Ces massifs recouverts de forêts, affectent dans leur ensemble, entre le dôme triasique et la vallée de Guelâa bou Sba, l'allure d'un synclinal à bords assez redressés et très démantelés par les nombreux torrents qui se rendent à la Seybouse. Le bord W. de ce synclinal laisse affleurer les marnes et marno-calcaires du Sénonien qui, entre la vallée de Guelaâ bou Sba et le brachy anticlinal du dj. Debar (calcaire récitai néocomien) constituent un relief très dénudé de faible altitude.
              Ces marno-calcaires s'arrêtent dans les parages de l'axe du dj. Debar. On peut considérer cette montagne comme le dernier jalon oriental de la chaîne numidique. Il subit, à sa pointe E., un abaissement d'axe très notable et s'ennoie à une altitude voisine de 400 m., au douar el Amessel, sous des sédiments du Crétacé supérieur. Mais, dans la direction de l'extrémité E. du Debar, à 2 kilomètres N.-W. environ du village d'Héliopolis, affleurent à nouveau des calcaires compacts, appartenant sans aucun doute à un anticlinal dont on ne voit que le sommet presque à fleur de sol. C'est là le point terminal de la chaîne numidique qui disparaît sous les marno-calcaires du Sénonien et l'épais manteau des marnes et grès néonummulitiques du dj. Aouara.

              Le dj. Debar, dont le grand axe n'a pas moins de 12 kilomètres dresse ses calcaires et dolomies à une altitude de 1.049 mètres. Dans le prolongement de son axe se trouve le dôme de calcaires néocomiens du dj. Taya, à coupole effondrée, qui s'élève à 1.200 mètres. Le dj. el Grar, situé un peu en arrière, n'est que le liane S. de ce dôme. Entre le Taya et le Debar, un infléchissement d'axe de la chaîne, probablement suivi de faille, a fourni à l'oued Mouger un passage facile à conquérir pour venir se ramifier jusque sur le versant méridional du Taya. Des sources thermales, qui sont aujourd'hui à peu près disparues, ont déposé là des bancs épais de travertins marmoréens formant un vaste plateau sur lequel se trouvent les célèbres dolmens de Roknia.
              C'est, sur ce revers méridional de la chaîne Taya-Debar, se prolongeant à l'W. par l'anticlinal du kef llahouner, que se trouve la partie méridionale de l'aire synclinale dont nous avons vu le bord N. sur la rive droite de la Seybouse (dj. Groura, dj. es Sada, etc). Cette aire synclinale est certainement la plus plissée que je connaisse dans le bassin de la Seybouse. Fortement affouillée par le fleuve, elle se révèle particulièrement sur la rive gauche, entre Medjez Amar et la station du chemin de fer de Taya, constituée par des plis très nombreux, très serrés et chevauchant les uns sur les autres. Cette structure a facilité singulièrement l'œuvre d'érosion des nombreux torrents qui descendent des sommets de la chaîne vers la Seybouse. Ce versant méridional est constitué surtout par les marnes des divers étages, tous à faciès bathyal, du système Crétacé. On y voit aussi quelques restes des bords très redressés de l'épaisse couverture de grès medjaniens qui forment la contre-partie du dj. es Sada, le djebel Mcrmera (995 m.) par exemple et le dj. Betome (623 m.) ; un petit bassin tertiaire lacustre se trouve conservé au centre de celte aire synclinale, un peu au N. d'Hammam Meskoutine.

              Après le dj. Taya, vers l'W., les grès dits numidiens jouent le plus grand rôle dans le relief. La chaîne numidique est comme recouverte par ces formations dont les ondulations synclinales et anticlinales donnent lieu au dj. el Oucheni (1 .220 m.), région forestière par excellence qui se relie sans solution de continuité à celle de Jemmapes. C'est au travers de cette énorme masse gréseuse que pointe le kef Hahouner ; ce dôme de calcaire néocomien est dans le prolongement des dômes Taya-Debar. C'est un autre jalon de cette chaîne, mais il est déjà dans le domaine de l'oued Safsaf et nous n'avons pas à nous en occuper ici.
              Quant au pays situé à l'W. de la vallée de l'oued Zenati, je n'en dirai que quelques mots: on se trouve là dans le prolongement de l'aire synclinale de la Seybouse, que l'oued Zenati entaille à partir de Bordj Sabath pour gagner l'aire anticlinale qui fait suite à la précédente, c'est-à-dire celle qui se trouve dans le prolongement du dôme de calcaire aptien de l'Oum Settas. Sur cette rive gauche de l'oued Zenati, à part quelques affleurements intéressants de terrains crétacés très plissés et qui ne se rencontrent que dans le voisinage de la rivière, le relief est surtout façonné dans une énorme couverture de grès medjaniens recouverts de forêts qui, moins plissée que son substratum, vient se redresser sur les flancs du dj. Oum Settas et laisse seulement apparaître, sous ses strates, les marnes et calcaires suessoniens et quelques lambeaux de calcaires à lnocérames dans la vallée de l'oued Zenati. Les principaux massifs degrés sont: le kef el Teboul (1.151 m.), le kef el Arsel (941 ni.) qui dominent Aïn Regada, le dj. Merkouma et le lira Krebaouët (952 m.) aux pieds desquels se trouvent Bordj Sabath; au-delà vers l'W., on gagne le bassin du Bon Merzoug.

              La Seybouse et ses terrasses quaternaires. - La Seybouse est encore à un stade de jeunesse. A 15 km. de son embouchure, dans la plaine d'alluvions déposée par elle au sud de Bône, son lit n'est qu'à 16 m. d'altitude. A Pont-de-Duvivier, situé en amont, à 60 km. de la mer, elle est à 74 m. ; à Guelma, à une distance de 120 km. de la mer elle est à la cote (au pont) 191 ; 12 kilomètres plus loin, à Medjez Amar, à sa rencontre avec l'oued Cherf et l'oued Bou Hamdane elle est à 270 m.
              L'oued Cherf, au moulin Rochefort, est à 750 m d'altitude en un point de son parcours situé à environ 250 km. de Bône. Ces chiffres suffisent pour montrer le régime encore fortement torrentiel de la Seybouse et de ses diverses branches. Cependant depuis les débuts de son existence, la Seybouse et certains de ses affluents se sont fortement encaissés. Dans certaines parties de leur vallée, on constate jusqu'à quatre niveaux différents de terrasses alluvionnaires. La plus haute de ces terrasses est surtout remarquable dans le bassin tertiaire de Guelma où elle atteint des cotes voisines de 400 m. en se tenant à près de 200 mètres au-dessus du lit actuel. Les autres terrasses, toujours comme la précédente, très riches en énormes graviers roulés, s'échelonnent entre cette dernière altitude, 400 mètres, et celle du lit majeur du fleuve.
              Elles sont très nettes entre Nador, Guelma et Medjez Amar, puis dans la vallée de l'oued Zenati entre Bordj Sabath, Oued Zenati et Aïn Regada. Par ailleurs tous les cours d'eau sont tellement encaissés qu'ils n'ont pu que rarement alluvionner sur place.
              Sur les Hautes Plaines, l'alluvionnement est très faible. Les rivières sont à sec, une grande partie de l'année. Les dépôts quaternaires qu'on y rencontre ont une toute autre origine ; j'y reviendrai à la fin de ce travail.

              La basse plaine, celle qui correspond au lit majeur parait immense dans la région sud de Bône, mais je manque de documents, sur son étendue dans tout le cours inférieur du fleuve. Dans le bassin moyen, notamment entre Nador et Medjez Amar, cette basse plaine, c'est-à-dire celle qui est inondée au moment des crues, est assez large par endroits mais n'atteint jamais plus de l km. On peut dire que tous les cours d'eau principaux du bassin moyen, sauf dans leurs vallées supérieures où leur pente est très forte, ont un lit très divagant ; les méandres qu'ils forment en grand nombre, sont tour à tour abandonnés ou repris en partie d'une saison à l'autre. Dans les limites de leur lit majeur, les cours d'eau tantôt presque à sec, tantôt roulant un volume d'eau qui parfois est considérable, changent leur lit mineur avec la plus facile aisance, semant de ci de là des flaques d'eau stagnante. Ce sont ces marécages, témoins de l'activité hivernale et printanière des oued, qui rendent malsains bien des endroits de ces basses plaines et de leurs abords et y ont répandu de tout temps la fièvre paludéenne. Ce phénomène ne se réalise pas seulement dans les régions telles que celles de Bône ou de Guelma, où la Seybouse est à une altitude relativement assez basse, mais même dans les gorges de l'oued Bou Hamdane, si encaissées cependant, et dans la vallée de l'oued Zenati. Dans la vallée du Bou Hamdane, notamment à la station du chemin de fer dite du Taya, le paludisme dû à ces causes est particulièrement redouté.

              Colonisation. - Les moyens de communication sont assez nombreux dans ce vaste territoire du cours moyen et inférieur de la Seybouse : les vallées de l'oued Zenati, du Bou Hamdane et celle de la Seybouse sont suivies par la voie ferrée Constantine-Tunis. Mais, entre celle-ci et le chemin de fer qui va de Constantine à Aïn Beïda en passant à la pointe sud du chaînon des Chebka, il n'en existe pas d'autres. Il y a cependant un réseau de routes suffisant pour se ravitailler. Les indigènes, presque tous appartenant à la race Chaouïa, sont assez nombreux ; ils vivent sous le gourbi ou sous la tente ; quelques-uns, plus fortunés, ont des bordj. Ils sont assez clairsemés dans les régions forestières où dominent les grès medjaniens qui se prêtent mal à la culture et, au contraire, assez nombreux là où affleure le Nummulitique inférieur et moyen dont les marnes et les calcaires renferment des couches de phosphate de chaux. Ces dernières, malgré leur faible teneur, donnent de bonnes terres à céréales, ainsi que le Crétacé supérieur dont les sols cependant sont moins fertiles.

              La colonisation française est depuis longtemps implantée dans ce territoire, mais surtout au voisinage des artères maîtresses du réseau hydrographique. La région entre Bône et Du vivier, quoique encore malsaine, est très prospère et les villages européens y sont nombreux. Le bassin de Guelma est une des plus belles régions de colonisation. Les villages s'échelonnent le long de la Seybouse dans un site très pittoresque. Les massifs montagneux qui l'enserrent sont presque tous très boisés. Grâce à son altitude moyenne peu élevée, 200 à 400 mètres, à son climat tel lien, à la quantité suffisante d'eau qui y tombe, la région de Guelma est très fertile ; la culture potagère (primeurs), la vigne, l'olivier y sont d'un bon rendement. La vallée du Bou Hamdane, entre Medjez Amar et Bordj Sabath, est peu habitée par les Européens. On ne peut guère y signaler que la station thermale d'Hammam Meskoutine et quelques rares moulins, notamment à Bordj Sabath. Quelques bons centres de colonisation ont été créés dans la haute vallée de l'oued Zenati où affleure, sur de grandes étendues, le Suessonien à phosphate de chaux ; le village à'Oued Zenati en est comme la capitale. C'est là que se trouvent aussi les principaux domaines agricoles de la Compagnie Algérienne dont la direction est à Aïn Regada. Mais ici l'altitude est peu favorable à la culture de la vigne; ce sont surtout les céréales qui sont d'un grand rendement.
              La vallée de l'oued Cherf est moins bien partagée. Cependant le petit bassin tertiaire de Iténier offre un asile au voyageur : c'est le village de ce nom. Dans les territoires situés entre la haute plaine des Harectas et le bassin de Guelma, la colonisation est peu avancée ; cependant dans ces dernières années, elle a fait quelque progrès. Deux ou trois villages ont été récemment fondés : Gounod à 50 km. environ de Guelma, dans la vallée de l'oued Cheniour ; Lapaine, dans la haute vallée de l'oued Helia. La basse vallée de l'oued Ranem (oued Mellah) et de ses affluents est mieux partagée. Il y a là quelques bons centres de colonisation, Lavcrdure, Oued Cham, Villars. Duvivier, etc...

3° BASSE SEYBOUSE

              Entre Duvivier et Bône, la Seybouse qui a l'allure d'un fleuve roule un volume d'eau considérable pour l'Algérie. Cependant sur ce trajet elle ne reçoit pas d'affluents dignes d'être signalés, mais son débit, entre Medjez Amar et Duvivier, est fortement accru par tous les tributaires déjà énumérés qui drainent les vastes régions dont il vient d'être question. Son cours inférieur intéresse un territoire de très petit étendue ; à l'E. ce dernier est contigu à celui de l'oued Bou Namoussa, à l'W. il est d'abord limitrophe du bassin fermé du lac Fetzara dont il est séparé par les croupes septentrionales du dj. Aouara (981 m.) que j'ai déjà signalé au N. du bassin tertiaire de Guelma. Au N. du lac, le massif de l'Edough qui s'élève jusqu'à 1.008 m. n'a que son versant abrupt du N.-E. qui dépend de la Seybouse.

              Avant d'arriver à la mer, la Seybouse a fortement nivelé le pays entre Mondovi et Bône et déposé sur ses deux rives un manteau d'alluvions quaternaires qui se soudent à l'E. avec celles de l'oued bou Namoussa. C'est là que s'étendent les plaines de Duzerville et de Morris encore très marécageuses, malsaines, mais d'une remarquable fertilité.

              Entre Mondovi et Duvivier le fleuve s'est frayé sa route dans une direction générale à peu près N.-S. à travers la zone septentrionale du Tell uniquement constituée par les marnes et grès du Néonummulitique (grès medjaniens et grès de Numidie). Ces formations se poursuivent presque sans interruption sur le versant nord de la chaîne numidique; nous les avons vues aussi recouvrir de grandes superficies dans le bassin moyen de la Seybouse. La zone du nord comprend, ici, à gauche du fleuve, la région de Penthièvre, à droite celle des Beni Salah et de La Calle, puis plus à l'E., en Tunisie, la Kroumirie.
              C'est dans cette zone que se développent la plus grande partie des belles forêts algériennes si réputées où poussent entre autres essences remarquables le chêne zéen, le chêne afarès et le chêne liège qui donnent lieu à des exploitations très prospères.
              La Seybouse, de Mondovi à Duvivier où elle rencontre l'affleure ment de Trias dont j 'ai parlé, est un cours d'eau sécant. Il a coupé, perpendiculairement à leurs directions, les divers plis dirigés N. E.- S. W., formés par les marnes et grès précités. 11 recueille sur son passage les torrents conséquents qui suivent les axes synclinaux ou anticlinaux de ces plis, et longe parfois, sur un petit parcours, quelques-uns de ces axes. Ceci me paraît ressortir assez nettement sur les cartes au 1 : 50.000 du Service géographique de l'Armée et sur la carte d'ensemble au 1 : 200.000 du même Service. L'oued Bou Namoussa qui se jette dans la Méditerranée à 15 kilomètres de Bône, présente les mêmes caractères avec plus de netteté même que son voisin la Seybouse.
              Je n'ai pas étudié le bassin inférieur de la Seybouse ; je me suis seulement rendu compte de la direction des plissements qui est bien celle indiquée par MM. Bernard et Ficheur, N. E.-S. W. C'est même à partir de la région de Penthièvre que, définitivement jusqu'au cap Bon, les plissements nord-africains, particulièrement ceux qui intéressent le littoral, garderont cette direction.
         


 
L'avocat et sa famille
Envoyé par Annie

        C'est l'histoire d'un avocat, père de 12 enfants qui se voyait toujours refuser la location d’un logement, justement parce qu’il avait 12 enfants.

         Un jour, il dit à sa femme de faire une promenade au cimetière avec onze enfants. Il partit avec le douzième pour tenter de louer un logement. Lorsque le propriétaire lui a demandé s’il avait d’autres enfants, l’avocat (qui ne doit jamais mentir) a répondu :

         " Onze autres. Ils sont au cimetière avec leur mère ".

         L’avocat a obtenu son logement. Il dit alors à son fils :

         " Tu vois, il ne sert à rien de mentir, il s’agit simplement d’utiliser les bons mots ".

         Le fiston est devenu politicien…et il continue à entuber tout le monde




RUE DU DOCTEUR MESTRE
Par Maryse d'Ambra
Envoyé par M. Ventura

             Je ferme les yeux et je me retrouve rue du docteur Mestre, dans la maison où j'ai grandi, tout près de la rue Sadi Carnot.
             Là, vivent six familles, plus la propriétaire, une brave femme voûtée, toujours habillée de noir et ressemblant à une sorcière.
             On y accède par un couloir donnant sur la rue. Je revois encore son carrelage dallé noir et blanc et au bout de l'obscurité, le rectangle de lumière donnant sur la cour intérieure.

             Ma tante habite au premier avec deux autres familles. Les appartements se distribuent le long d'une galerie bordée d'une rambarde à barreaux. Nous, nous habitions une petite maison indépendante construite en limite de la cour et devant laquelle se dressent deux bananiers et un immense palmier. De l'autre côté de la cour, il y a la buanderie où les femmes viennent à tour de rôle, faire la lessive dans deux grands bassins en ciment avec un plan incliné pour frotter le linge.

             Je revois ma mère boucher le trou des bassins avec un gros bouchon entouré d'un tissu blanc pour assurer son étanchéité et faciliter son retrait.
             Elle remplit les deux bassins d'eau claire, pendant que dans la grosse lessiveuse l'eau bout et vient arroser de lessive bouillante le linge qui y est entassé. Il fait chaud, la buée emplit la buanderie et ma mère, les yeux rouges, s'active. Plus tard, elle diluera dans la dernière eau de rinçage une grosse pastille de " bleu " pour donner un blanc éclatant qui sèchera au soleil, dans le jardin.
             J'aime cette odeur de lessive chaude et je pense déjà à la bonne odeur du linge que nous plierons et rangerons dans l'armoire.

             Dans le prolongement de la buanderie, une haute palissade nous sépare de la cour de la maison voisine, occupée par des maghrébins. Nous aimons, nous les enfants, y jeter un coup d'œil entre les planches, surtout lorsqu'il y a une fête de l'autre côté. Le rythme de la darbouka et des you-yous résonne alors pour notre plus grande joie.

             Mais ce que nous préférons, c'est le cinéma en plein air. Nous n'avons pas besoin d'aller bien loin, il est là, tout près, presque au coin de notre maison, dans une impasse. Son grand écran dresse sa toile blanche devant une série de chaises et de bancs. Nous allons voir presque tous les films mais il y en a une qui y va pratiquement tous les soirs, c'est Mme Dominique, la vieille italienne qui habite la première porte dans le couloir.
             Ah ! Mme Dominique, avec son petit chignon de cheveux blancs jaunâtres haut perché sur sa tête ! Elle porte toujours un tablier de devant sur ses habits et, quand elle est assise dans la cour pour prendre le frais, elle occupe ses mains à dérouler les grains d'un chapelet ou à faire les cornes, discrètement dans sa poche. Nous, les enfants, nous adorons la provoquer :
             " Bonjour Mme Dominique, vous avez bonne mine ce matin ! " Nous nous poussons du coude : la vieille nous fait les cornes pour déjouer le mauvais œil.

             Nous aimons aussi lui faire raconter le film qu'elle a vu la veille au soir. Elle y va gratuitement car les patrons du cinéma savent qu'elle a peu de moyens. Tous les soirs, elle s'installe au premier rang, juste devant l'écran et presque contre lui. Elle doit lever la tête pour suivre le film enfin, son film car, tous les soirs elle s'en fait une version différente en se fixant sur un personnage et nous raconte, le lendemain ce qu'il lui a dit " personnellement ". Ses versions sont délirantes et nous amusent beaucoup.

             Et puis, il y a le mozabite, au coin de la rue Sadi Carnot, avec son magasin " fourre tout ", le boucher Borg avec de l'autre côté de la rue, le café maure et ses arabes qui sirotent leur thé à la menthe. Plus loin, l'épicier maltais Zammit avec son magasin tout en longueur où je vais acheter le vinaigre à la tirette.

             Et puis, il y a le boulanger Lanaspre et ses délicieux pains viennois.
             Les femmes cuisinent encore au pétrole ou au charbon. Elles n'ont pas de four et c'est chez Lanaspre qu'elles portent leurs plats de gratins, leurs gâteaux. Il les leur glisse avec sa longue pelle dans le four rougeoyant, à côté de son pain et les leur rend cuits à point et dorés. Quel bonheur de rentrer à la maison avec le plat tout chaud recouvert d'un torchon et qui embaume ! On s'en lèche les babines à l'avance !
             Cela me fait penser au cérémonial des gâteaux de Pâques.
             Qui n'a pas participé à la confection de ces délicieux gâteaux saupoudrés de bonbons multicolores ? Toute la famille est réunie, du moins, les femmes et les enfants. Une atmosphère de fête règne dans la maison. Les femmes préparent la pâte et nous, les enfants, nous courons, jouons, rions en attendant notre moment. Quand la pâte est terminée, les femmes confectionnent les couronnes, les tresses ou d'autres formes. Elles incluent dans la plus grosse couronne des œufs retenus par une croix de pâte puis elles dorent le dessus à l'œuf et saupoudrent " le tout " de grains d'anis enrobés de sucre coloré.
             Nous, les enfants, nous confectionnons avec le morceau de pâte qu'on nous a donné, qui un cheval, qui une poupée, qui un poisson et tout cela partira à cuire dans de grandes plaques noires en tôle et le merveilleux Lanaspre se débrouillera pour que ce soit cuit à point sans rien brûler !

             Tout ce petit monde : italiens, maltais, arabes, kabyles se côtoie dans un climat bon enfant et veille sur nous, les enfants qui profitons de ce calme en toute innocence et en toute quiétude.
Maryse D'Ambra
Décédée


Et les clameurs se sont tues !...
Par M.José CASTANO,

Notre mémoire… Dernier volet de la trilogie sur le soixantenaire de l’EXODE et de l’EXIL
       " « Le souvenir du bonheur n'est plus du bonheur ; le souvenir de la douleur est de la douleur encore » (George Gordon, Lord Byron)

       Il était environ onze heures en ce mois de juillet 1962. Le ciel était pur, avec de légers flocons de nuages, très espacés. Une lumière douce et éclatante baignait les immeubles du Front de Mer, à Oran. Le « Kairouan » s’était rempli en un temps record… Il y avait du monde partout, dans les cales, sur le pont, dans les entreponts et si, sur les quais, c’était la panique, à bord, les malheureux « vacanciers » (comme les avaient surnommé Robert BOULIN et Gaston DEFFERRE) ne demandaient plus rien. Ils s’affalaient, prostrés, et regardaient les contours de leur terre. Ils voulaient s’imprégner une dernière fois de cette vision qui avait été le cadre de leur enfance, se souvenir de chaque mot, de chaque geste, pour être enfin dignes de s’envelopper du linceul immuable des choses définitives.

       Ils entraient en exil par de honteuses poternes, traînant derrière eux, comme un fardeau et un tourment, le manteau d’apparat de leurs souvenirs rebrodés de mirages.

       L’Algérie, tant servie, tant chantée, tant aimée, c’était le passé de bonheur, d’héroïsme et d’espérance, et ce n’était plus en cet instant tragique, que le désespoir de milliers de cœurs calcinés au fond de milliers de poitrines humaines…

       Il n’est pas de douleur plus grande que de se souvenir des jours de bonheur dans la misère !...

       En l’instant, tout à leur chagrin, ils ne savaient pas encore qu’une fois arrivés en France, épuisés et malheureux, ils y seraient accueillis comme des étrangers, qu’on les jugerait, qu’on les montrerait du doigt, qu’on les traiterait de parias, de pestiférés, qu’on dirait que « leur misère est un juste châtiment » et qu’on rirait de leur désespoir.

       Quel douloureux instant que celui où l’on quitte sa maison, son site aimé, ses amis, sa famille, tout ce qui tient au cœur, avec la conviction, plein l’âme, que plus jamais on ne les reverra. Et l’on pense aussi, sans le dire, à toutes les profanations de tous ces êtres chers qui seront faites après le départ…

       « Notre église, ce petit bijou, a été décapitée. Notre cimetière a été saccagé… Tous les cercueils ont été ouverts… J’aurais préféré être aveugle ! » C’est un prêtre français qui parle…

       Aujourd’hui, il ne reste plus comme vestiges qu’un grand rêve, des souvenirs douloureux, des milliers de morts et de disparus, des milliers de déracinés dépossédés, humiliés, violés, des ruines, une odeur de sang caillé, un reniement immense, et, sous le soleil de « là-bas », une déréliction de plaines rases rendues à l’abandon et le vent de la mer dans sa morne complainte sur les vignobles et les vergers en friches…

       Soixante ans « après », les rangs se sont « éclaircis » mais des milliers d’âmes déracinées ne font, encore, que survivre loin des paysages dorés qui ont émerveillé leur enfance. De cette terre douce et triste, tombeau de leurs aïeux et nid de leurs amours, un immense vide les sépare, fait de sable, de regrets, de mirages, de promesses et de serments révolus, où s’irréalisent les oasis perdues de leurs souvenirs.

       Algérie qui leur a donné la vie et qui a pris leur cœur, rongée par le désordre, la pauvreté, la prévarication et l’immoralité d’apparatchiks, que triste est ton sort aujourd’hui !...

       De-ci de-là, les mousses recouvrant les murs joignent leur lèpre rouille à l’ombre des palmiers aux branches mutilées. Les grands arbres sous la lune, frissonnent de nostalgie et renouvellent chaque nuit leurs appels éplorés dans l’espoir que l’amour voudra bien y renaître. Et dans leurs branches désolées, les lettres qu’on déchiffre avouent aux voyageurs que d’autres en ces lieux ont connu des bonheurs dont les traces ne sont point effacées…

       Le temps a pu faire son office, jouer au sacrificateur, il n’a pas eu le front de dévorer ces noms des heures familières. Pourtant à notre départ nous n’avons rien inscrit. Nous n’avons pas voulu que s’y fixent nos cœurs. Mais nous n’avons pas trahi nos secrètes tendresses afin que reste bien à nous cette gerbe de fleurs qu’on respire à genoux parmi les souvenirs de toutes nos ivresses.

       Des souvenirs… Voilà ce qui reste désormais : des souvenirs merveilleux et cruels qui subsistent à jamais dans les mémoires… Avec le temps, les vagues murmureront longtemps autour de ces souvenirs là… Dans les tempêtes, elles bondiront comme pour venir lécher leurs pieds, ou les matins de printemps, quand les voiles blanches se déploieront et que l’hirondelle arrivera d’au-delà des mers, longues et douces, elles leur apporteront la volupté mélancolique des horizons et la caresse des larges brises. Et les jours ainsi s’écoulant, pendant que les flots de la grève natale iront se balançant toujours entre leur berceau et leur tombeau, le cœur de ces exilés devenu froid, lentement, s’éparpillera dans le néant, au rythme sans fin de cette musique éternelle.
José CASTANO       
e-mail : joseph.castano0508@orange.fr

       …« O mes amis Pieds-Noirs, ne pleurez plus la terre et le sol tant chéris qui vous ont rejetés ; laissez les vains regrets et les larmes amères ; ce pays n’a plus d’âme, vous l’avez emportée » (Camille Bender – 1962)
       https://www.youtube.com/watch?v=mOn9-6kXURg

       Et aussi :
Paras, bérets bleus, verts et rouges, tous unis !
Forum pour Parachutistes et Sympathisants de par le Monde
Courriel webmestre : beajp08@sfr.fr

       En Algérie, la mort lente des cimetières pieds-noirs
       En quittant le pays, les Européens ont laissé leurs morts. Malgré le travail des associations, les nécropoles tombent en ruine....

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       - 19 MARS 1962 - LE CESSEZ LE FEU… Ou la victoire du FLN
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Une page d'histoire méconnue du 11eme CHOC
Par M. Samier
Envoyé par Mme Annie Bouhier


          Il est bon de rappeler en effet que les unités du 11eme CHOC ont été très directement impliquées dans la préparation du plan " Résurrection ", qui devait donner le pouvoir au Général de Gaulle. Le rôle exact qu'a joué le colonel Erouart du 11eme CHOC dans cette affaire n'a pas encore été dévoilé par les historiens.

          Depuis 1957, les accrochages entre soldats de l'ALN et militaires français sont devenus de plus en plus fréquents le long de la frontière qui sépare la Tunisie et l'Algérie. Ces affrontements vont atteindre leur paroxysme au début de l'année 1958. Le 11 janvier, au cours d'une véritable bataille rangée, 14 soldats français sont tués, 2 blessés et 4 autres capturés.

          Le 8 février, le général Salan envoie donc 25 avions bombarder le village de Sakhiet Sidi Youcef. L'opération, qui fera plus de 70 tués et 140 blessés, va déclencher un grave conflit diplomatique entre la France et la Tunisie.

          Mais ce conflit géopolitique devient une affaire de politique intérieure lorsque, questionné par l'Assemblée, le président du Conseil Félix Gaillard est obligé d'admettre qu'il n'avait pas été informé de la décision prise par le général Salan. Face à la polémique qui s'ensuit, le chef du gouvernement est finalement contraint à la démission le 14 avril. Deux pointures de la IVème République, sont pressentis pour lui succéder mais renoncent l'un après l'autre. C'est finalement le président du RMP, Pierre Pflimlin, qui va accepter de former un gouvernement, qui ne sera toutefois investi que le 13 mai.

          A Alger pendant ce temps, on s'agite d'autant plus que, le 9 mai, on a appris que trois des soldats français capturés ont été exécutés par leurs geôliers. Dans l'après-midi du 13 mai, une foule en colère manifeste et finit par prendre d'assaut le siège du gouvernement général d'Alger. Depuis plusieurs mois déjà, Alger bruissait de rumeurs de complots. Dans l'ombre, des groupes d'intérêts s'agitaient. Très habilement, des émissaires gaullistes ont fait de leur mieux pour tenter de canaliser ces contestataires et les unir vers un objectif commun : assurer le retour au pouvoir du général de Gaulle.

          Dès le 13 mai donc, l'armée sort pour la première fois de sa traditionnelle réserve. Au motif qu'il lui incombe de ramener l'ordre et le calme dans la ville d'Alger, le patron de la 10ème division parachutiste, le général Jacques Massu, constitue sous sa présidence, un Comité de salut public qui s'empare du pouvoir à Alger puis rapidement dans le reste de l'Algérie. Le 15 mai, cédant aux pressions de son entourage, le commandant interarmes, le général Salan, lance un appel solennel à de Gaulle pour que ce dernier accepte de revenir au pouvoir afin de régler une fois pour toute la question algérienne. Il est vrai que l'ancien chef de la France libre se tient très bien informé de la situation et surveille de près les initiatives de ses soutiens.

          Dans la soirée du 15 mai, le général décide finalement de sortir de son mutisme et, à travers un communiqué transmis à l'AFP, annonce qu'il se tient désormais prêt à " assumer les pouvoirs de la République ". A Alger, des scènes de " fraternisation publique " se produisent alors entre Européens et Musulmans, faisant croire que l'heure de la paix et de la réconciliation est enfin venue.

          Face à cette sécession algérienne et aux manœuvres gaullistes, le gouvernement de Paris semble comme frappé de paralysie. Après avoir vainement tenté de s'entendre avec le général Salan, Pierre Pflimlin décrète l'état d'urgence le 17 mai mais se refuse pourtant à user de la force. Le 19 mai, Charles De Gaulle accorde une conférence de presse pendant laquelle il va chercher à désarmer toutes les peurs qui s'attachent encore à son nom. La situation semble malgré tout, bloquée et c'est finalement du 11ème Choc que va venir le coup qui va faire tout basculer.

          Car le 11eme CHOC, unité d'élite va être la véritable cheville ouvrière du changement de régime. La responsabilité en revient à Jacques Foccart et à ses proches, Pierre Lefranc et André Jarrot, qui ont su conserver de très nombreux amis au sein du SDECE et vont adroitement mobiliser leurs hommes.

          Depuis le camp de Cercottes et sous leur autorité, certains réservistes du 11ème CHOC vont piloter le travail de leurs camarades et l'organisation des événements. Ainsi, c'est à un officier du 11ème CHOC, Pierre Thébault, que Foccart va confier la sécurité personnelle du général de Gaulle, tâche d'une grande importance en ces instants d'extrême tension. En Algérie, c'est à Aïn-Taya, dans un camp du 11ème CHOC que le Comité de salut public va faire interner les hauts fonctionnaires qui ont refusé de se soumettre à ses ordres.

          Lorsque le général Massu voudra déterminer celui à qui il va confier la direction des forces de l'ordre dans le département d'Alger, c'est au colonel Yves Godard, l'ancien patron du 11ème Choc, qu'il choisira de s'adresser. Et lorsque ce même Massu devra missionner un officier pour aller rencontrer les principaux chefs militaires de Métropole et les convaincre de soutenir, au besoin par les armes, le retour du général de Gaulle, c'est encore une fois un ancien officier du 11ème CHOC qu'il va choisir, le commandant Robert Vitasse.

          Entre le 18 et le 24 mai, Vitasse va ainsi échanger avec les patrons de diverses unités parachutistes, les commandants de plusieurs régions militaires et même avec le directeur de la DST, Roger Wybot, et celui de la police judiciaire, Michel Hacq. Le supérieur direct du 11eme CHOC, le général Roger Miquel (1898-1978), commandant de la 5ème région militaire, sera l'un de ceux qui vont offrir leur plus entier soutien aux putschistes, à tel point qu'il sera d'ailleurs choisi pour devenir le responsable opérationnel de l'opération Résurrection, cette manœuvre qui doit permettre aux parachutistes de s'emparer par la force des institutions républicaines.

          Quant au colonel Erouart du 11eme CHOC, on sait qu'au début du mois de mai 1958 il avait reçu de ses supérieurs l'ordre de constituer une unité d'intervention rapide. Composée de 300 hommes, elle devait pouvoir se projeter en seulement 12 heures sur n'importe quel point du territoire. On peut raisonnablement penser que cette initiative aura contribuée à mettre en place les structures qui servirent lors de la suite des événements.

          Toujours est-il que c'est encore du 11ème Choc que va venir le coup décisif, celui qui va effectivement renverser la IVème République. Dès le 14 mai 1958, aux lendemains des événements d'Alger, un Comité de salut public a été mis en place à Ajaccio sous la présidence d'Henri Maillot, un parent du Général. Mis au courant de la situation sur place, Jacques Foccart, finit par se convaincre que c'est de là que pourra venir l'étincelle. Il décide donc de contacter le capitaine Ignace Mantéi, le patron du 1er CHOC, afin qui se prépare à agir. Installé à Calvi et Corte, ce dernier n'a que 260 hommes à mettre à sa disposition mais qu'à cela ne tienne, ils feront l'affaire. Tout se met alors rapidement en place.

          Le 24 mai au petit matin, un avion Dakota venu d'Alger atterrit donc sur l'aéroport d'Ajaccio. A son bord se trouvent plusieurs militants gaullistes, dont Freddy Bauer, qui est alors le chef du GM-11(unité opérationnelle du 11eme CHOC). Ignace Mantéi du 11eme CHOC vient en personne les accueillir sur le tarmac. Quelques heures plus tard à 18h15 exactement, les parachutistes investissent sans coup férir la préfecture d'Ajaccio. Gendarmes, CRS et policiers, bien que très nombreux, choisissent de ne pas résister malgré les ordres qui leur parviennent en ce sens depuis le ministère de l'Intérieur. Les centres téléphoniques sont occupés et de fausses émissions radio sont même diffusés par les gaullistes afin de faire croire qu'ils sont soutenus par une foule en liesse.

          Le lendemain, 25 mai 1958, d'abord à Corte, puis à Bastia, la même scène va se reproduire, une poignée de militaires du 11ème CHOC, ouvrant à chaque fois la voie aux membres des comités de Salut public qui vont ainsi pouvoir prendre le contrôle des affaires. L'envoyé de Salan, le colonel Thomazo va ensuite arriver depuis Alger pour occuper la fonction de gouverneur civil et militaire de la Corse.

          Dans la soirée du 25 mai, lorsque le ministre de l'Intérieur Jules Moch présente son plan de reconquête de l'île de Beauté, ses collègues refusent de le suivre. Dans la nuit du 26 au 27 mai, Pflimlin et de Gaulle se rencontrent secrètement dans le parc de Saint-Cloud. L'échange est tendu mais les deux hommes se quittent finalement sans que rien n'ait été décidé. Dès le lendemain pourtant, forçant le destin, de Gaulle annonce publiquement qu'il a entrepris de constituer un gouvernement.

          Le 28 mai, face aux pressions du président de la République René Coty, Pierre Pflimlin finit par accepter de donner sa démission. Le 29 mai, le chef de l'Etat envoie un message aux assemblées pour qu'elles donnent l'autorisation au " plus illustre des Français " de pouvoir former un nouveau gouvernement, sans quoi il menace de démissionner à son tour.
          Dans la nuit du 30 juin au 1er juin, les chambres votent la confiance à de Gaulle par 329 voix contre 224. L'opération " Résurrection " est aussitôt annulée.

          Le 15 février 1959, quelques mois après ces événements, le colonel Erouart va accueillir personnellement le chef de l'Etat à Perpignan afin de lui présenter son unité. On ne sait pas ce qu'ils ont pu se dire à cette occasion. Les soldats du 11eme CHOC qu'il avait devant lui ce jour-là étaient bel et bien ceux auxquels ils devaient d'être revenu au pouvoir.

          C'est ainsi que le 11eme Choc a participé au retour au pouvoir du Général de Gaulle.
          https://www.chemin-de-memoire-parachutistes.org/ t20284-une-page-d-histoire-meconnue-du-11eme-choc
Samier



PHOTOS de DJANET
Envoyé par Divers contributeurs

JABBAREN





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GRAVURES DJABAREN




PAYSAGE DJANET





VILLAGE D'IDAREN





PAYSAGE TADRART OUEST-JAREN ILLIZI





LES TERRASSES DE LA-BAS…
Par M. Marcel CUTAJAR
Envoyé par M. J.L. Ventura

              J'écoute d'une oreille distraite un vieux disque en vinyle datant de 1975, qui diffuse la célèbre chanson " LE SUD " du regretté Nino FERRER.
              " C'EST UN ENDROIT QUI RESSEMBLE A LA LOUISIANE, A L'ITALIE ; IL Y A DU LINGE ETENDU SUR LA TERRASSE, ET C'EST " JOLI ".

              Un souvenir revient dans ma mémoire rue de la Surprise il y avait une terrasse quand j'allais chez mon cousin Pierre.
              Et brusquement je me remémore les terrasses de là-bas…
              Dans la vieille ville chaque maison avait la sienne. Qui ne se souvient d'elles, avec leur sol légèrement en pente, pour faciliter l'écoulement des eaux, revêtu de gros carreaux ou de tommettes rouges protégées par des parapets peints à la chaux contre lesquels étaient fixés, de loin en loin, quelques piquets reliés entre eux par des fils de fer destinés à recevoir le linge fraîchement lavé.
              Elles étaient des espaces de vie incontournables.

              Les femmes musulmanes étaient à leur aise, là-haut. Elles y préparaient leur cuisine, ou se réunissaient pour bavarder autour d'un thé à la menthe. C'est ici que naissaient - à distance !- leurs idylles : les promis ne pouvant se rencontrer que le jour de leur mariage, une vieille commère s'entremettait souvent pour ménager aux tourtereaux un rendez-vous " visuel " entre deux terrasses pas très éloignées l'une de l'autre afin que le fiancé puisse entrevoir le visage de sa dulcinée avant l'heure…

              Nous nous y livrions à toutes sortes d'activités. C'est là que certains faisaient sécher leurs tomates au soleil, soit simplement coupées en deux, soit en coulis, qui seront ensuite précieusement conservées pour accommoder les plats, l'hiver venu. C'est là encore que le matelassier installait ses tréteaux pour redonner une nouvelle jeunesse aux matelas défraîchis, en cardant la laine ou le crin fatigués. Là aussi que les soirs d'été, les parents se réunissaient, assis sur des chaises basses ou des petits bancs, pour siroter une anisette ou tout simplement un café, tandis que les enfants s'amusaient " à la marelle ", ou " aux métiers muets ", ou " à chat perché "…

              Mais les terrasses étaient surtout l'endroit où chaque famille de l'immeuble faisait tour à tour sa lessive. En parlant de " tour ", ce n'était pas toujours une mince affaire pour le propriétaire - généralement chargé de gérer cette comptabilité - que d'autoriser l'usage de la buanderie, pour deux ou trois jours, à l'un plutôt qu'à l'autre.
              Souvent en effet, une voisine (la lessive était, à l'époque, une tâche essentiellement féminine) venait vertement cogner à sa porte pour contester sa décision, estimant que, suivant son propre calcul, il y avait parti-pris de sa part…
              Pour en revenir à la lessive elle-même, sa préparation était un vrai cérémonial.
              Chaque terrasse avait sa buanderie avec, dans un coin, le foyer, dans un autre, les deux bassins en ciment, avec au-dessus, le robinet d'arrivée d'eau, la grande cuve circulaire en zinc où le linge serait déposé, étant calée entre foyer et bassins, sur une caisse renversée

              Le linge était d'abord trempé dans l'eau froide, puis dans la cuve (parfois, entre les draps étaient glissés quelques feuilles d'eucalyptus ainsi qu'un sachet de cendres, pour renforcer l'action de la potasse, qu'on était allé récupérer au four arabe voisin) ; il était ensuite arrosé lentement et de nombreuses fois, d'une eau bouillante dans laquelle avaient dissous des cristaux de soude. Une fois lessivé, le linge était encore savonné à l'eau froide, frotté, battu, rincé, azuré par une eau légèrement teintée au bleu indigo…
              Cette phase n'était pas toujours de tout repos. En effet, surtout en période estivale, l'eau n'atteignait pas facilement les étages supérieurs en raison d'un manque de pression. Alors, dans l'escalier on entendait crier : " Eh ! En-bas ! Un peu d'eau, s'il vous plaît ! ".

              Enfin, une fois propre, le linge était sorti de la buanderie et étendu sur les fils de fer de la terrasse.
Autre moment délicat que celui du séchage. Combien de fois étaient signalés des vols que des garnements, profitant d'un moment d'inattention de leurs victimes, notamment l'après-midi, à l'heure de la sieste, venaient effrontément commettre. Alors, pour les contrer, le seul moyen était de monter la garde. C'étaient les enfants de la famille qui s'en chargeaient à tour de rôle.

              Quant à moi, cette " mission de gardiennage " ne me déplaisait pas…
              J'aimais l'odeur du linge qui séchait au soleil en claquant au vent, lorsque la brise se levait, vers Midi.
              Notre immeuble étant situé rue Caraman, tout prés de la Mairie, je me laissais bercer par la rumeur du quartier, très animé, qui montait jusqu'à moi, me donnant l'impression de flotter entre ciel et terre. Le temps était ponctué par le carillon de l'horloge de l'hôtel de Ville, qui marquait même les quarts d'heure, ou encore, par le clairon des tirailleurs de la caserne Yusuf qui annonçait l'heure du " rata ".

              De là-haut, on entendait aussi les femmes qui chantaient en faisant leur ménage. Je me souviens de l'une d'entre elles dont la chanson préférée était : " O ! SOLE MIO ! ".
              Paroles toujours de circonstance sous un ciel uniformément bleu que zébraient seulement les vols rapides des hirondelles et des martinets, ou ceux, plus lents, des cigognes qui rejoignaient leurs nids, sur le toit de la Mairie, pour y craqueter sans fin…
              Et lorsque me parvenait l'appel lointain de quelque sirène de bateau, de l'autre côté de la vieille ville, vers le port, je me prenais à rêver…

              Mais la chanson de Nino FERRER, que j'avais oubliée, se termine et me ramène à la réalité
              : UN JOUR OU L'AUTRE, IL FAUDRA QU'IL Y AIT LA GUERRE,
              " ON LE SAIT BIEN,
              " ON N'AIME PAS CA, MAIS ON NE SAIT PAS QUOI FAIRE,
              " ON DIT : " C'EST LE DESTIN ".
              " TANT PIS POUR LE SUD.
              " C'ETAIT POURTANT BIEN,
              " ON AURAIT PU VIVRE, PLUS D'UN MILLION D'ANNEES,
              " ET TOUJOURS EN ETE… "
Marcel CUTAJAR



LA REFORME DE LA PRESSE
Par Albert Camus
Envoyé par divers

Editorial paru dans le journal résistant Combat du 1er septembre 1944, l'écrivain Pied-Noir et philosophe résistant Albert Camus appelle de ses vœux une profonde réforme de la presse à l'occasion de la Libération. Image issue de la Collection du Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne.

              Comme il est difficile de toujours être le premier en ce qui concerne la grande information, puisque la source actuellement en est unique, on se précipite sur le détail que l'on croit pittoresque. Et dans un temps où la guerre déchire l'Europe, où nous n'avons pas assez de nos journées pour énumérer les tâches qui nous attendent, pas assez de toute notre mémoire pour le souvenir des camarades que nous devons encore sauver, tel journal monte en tète de ses colonnes, sous un gros titre, les vaines déclarations d'un amuseur public qui se découvre une vocation d'insurgé après quatre ans de veules compromissions. Cela déjà était méprisable lorsque Paris-soir donnait le ton à toute une presse, Mais cela est proprement désespérant quand il s'agit de journaux qui portent maintenant tout l'espoir d'un pays.

              On voit ainsi se multiplier des mises en page publicitaires surchargées de titres dont l'importance typographique n'a aucun rapport avec la valeur de l'information qu'ils présentent, dont la rédaction fait appel à l'esprit de facilité ou à la sensiblerie du public ; on crie avec le lecteur, on cherche à lui plaire quand il faudrait seulement l'éclairer. A vrai dire, on donne toutes les preuves qu'on le méprise et, ce faisant, les journalistes se jugent eux-mêmes plus qu'ils ne jugent leur public.

              Car l'argument de défense est bien connu. On nous dit: " C'est cela que veut le public. " Non, le public ne veut pas cela. On lui a appris pendant vingt ans à le vouloir, ce qui n'est pas la même chose. Et le public, lui aussi, a réfléchi pendant ces quatre ans : il est prêt à prendre le ton de la vérité puisqu'il vient de vivre une terrible époque de vérité. Mais si vingt journaux. tous les jours de l'année, soufflent autour de lui l'air même de la médiocrité et de l'artifice, il respirera cet air et ne pourra plus s'en passer.

              Une occasion unique nous est offerte au contraire de créer un esprit public et de l'élever à la hauteur du pays lui-même. Que pèsent en face de cela quelques sacrifices d'argent ou de prestige, l'effort quotidien de réflexion et de scrupule qui suffit pour garder sa tenue à un journal ? Je pose seulement la question à nos camarades de la nouvelle presse. Mais quelles que soient leurs réactions, je ne puis croire qu'ils y répondent légèrement.
Albert CAMUS

              NDLR. : Nous sommes en 2022 et cet Editorial n'a pas pris une ride depuis près de 80 ans. La Presse actuelle en générale, est toujours aux ordres, n'a pas de scrupules dans la désinformation et ne pense qu'à l'argent.


Piqûre de Rappel -Soixante après
Par M. Alain Algudo avril 2022
LA GRANDE POSTE D'ORAN
5 JUILLET 1962


         Il est 11h30. Le soleil règne sur la place de la Grande Poste. Une légère brise marine empêche encore la grosse chaleur de dominer l'atmosphère.
         Brusquement, alors qu'un silence lourd, compact, inhumain, vient de s'établir pour une seconde, un immense tapage, comme un brusque coup de tonnerre, déclenche l'enfer sur le centre ville.
         Plus de klaxons, plus de voitures, de vélos, de poussettes, un ouragan recouvre tous les bruits.
         Des rues adjacentes, de la place, de partout, des femmes, des vieillards, des enfants, des hommes de tous âges, se mettent à courir de tous les côtés, en tous sens, se croisent, se bousculent, paraissant agir comme des déments.
         Déjà le sang est omniprésent, il gicle des gorges ouvertes, des poitrines, des bras, des jambes, des visages défigurés. De profondes blessures transforment les êtres humains en mannequins rouges.

         La foule, dense à cette heure, se rue vers la Grande Poste, espérant y trouver un quelconque salut. Les employés n'ont guère le temps de fermer les lourdes portes d'entrée, les tueurs sont déjà mêlés aux victimes.
         Tous pénètrent comme des bolides dans le hall. En un instant, il n'y a plus d'employés des Postes, plus de visiteurs, plus de clients. Ce n'est qu'un grand troupeau poursuivi par des hordes de bouchers hurlant, fous de rage et massacrant tout être vivant !
         Le sang est partout. Il recouvre les comptoirs, les tables, les tableaux, les vitres. Il coule à flots. Les postiers, mêlés aux clients, tentent en vain d'échapper à l'holocauste débutant.
         Les clients, d'abord, sont abattus, malgré leurs hurlements de douleur et de terreur, leurs supplications. Les femmes ont les seins coupés, puis sont achevées. On leur arrache les yeux, le nez. Les visages ne sont plus, bientôt, que bouillies sanglantes…
         Après les clients, les fonctionnaires des deux sexes, par centaines, sont achevés de la même manière. Beaucoup tentent de survivre, aveuglés par leur sang, ils courent dans les couloirs, les toilettes, les moindre recoins … Ils sont tous tués !

         Un homme a tout vu, il a compris que son heure était venue. Il est préposé à la radio, tout en haut de l'édifice :
         IL ENVOIE IMMÉDIATEMENT DES S.O.S. AU MONDE ENTIER. Le bruit du massacre lui parvient de plus en plus fort. Il déverse dans l'unique escalier de fer, seul moyen de l'atteindre, le contenu de tous les extincteurs d'incendie qu'il détient. IL SAIT QU'IL A PEU DE TEMPS POUR ALERTER LES AUTORITÉS COMPÉTENTES et reculer ainsi, le plus possible, l'échéance atroce qui l'attend.
         Sa longue agonie commence ! Il appelle à l'aide la police, l'Armée, les Autorités navales de Mers-el-Kébir, les journalistes du monde… Par tous les moyens, il essaie de faire comprendre la situation dans laquelle se trouve Oran.
         Il hurle au monde entier ce qui se passe à Oran, il hurle que l'enfer s'y est déchaîné, qu'une ville entière sombre dans la folie ! Aucune réponse. Les ordres venus de l'Autorité supérieure française " Ne rien faire quoi qu'il se passe " seront appliqués * !...

         Les assassins, au pied de l'escalier, hurlent de rage et essaient, en vain, de monter les marches… Pendant longtemps, ils piétineront et se bousculeront avant d'y arriver…
         Alors, lentement, l'homme comprend que tout est fini, que le monde entier, ce monde dit civilisé, abandonne à un sort atroce toute une population dont le seul crime est d'être française. Il persiste pourtant à appeler sans cesse AU SECOURS !
         Rien… Seul le silence… Un silence de mort …Pas une seule réponse ! Un silence qui le condamne à mort, après la multitude déjà sacrifiée, par l'obéissance aveugle à des ordres criminels, au nom d'une prétendue discipline militaire qui, à ce niveau, n'est plus qu'une complicité avec des assassins !
         D'un instant à l'autre, sa porte sera abattue. Il prie. C'est un croyant. Il revoit sa chère chapelle du Saint Esprit, de l'autre côté de la place où il allait si souvent prier avec sa famille…
         La porte s'abat avec fracas, l'escalier vient d'être franchi. En un instant, il n'est plus qu'une boule de chair et d'os… Ce nouveau martyr, dernier fonctionnaire des Postes d'Oran, se nommait M. Brosse. Ce sacrifié là fut, comme des milliers de Français d'Oran, livrés à une barbarie sans nom le 5 juillet 1962. POURQUOI ?

         Deux jours après que l'indépendance de l'Algérie soit déclarée par Charles De Gaulle ! Qui portera, dans l'Histoire, la responsabilité d'avoir donné, ou d'avoir fait appliquer les ordres criminels de non-intervention, bien que sachant parfaitement ce qui allait se passer, et s'est bel et bien passé !
         L'Histoire est têtue comme l'est aussi LA VÉRITÉ. Elles doivent tout remettre en place !
         SI LA JUSTICE EXISTE, IL FAUT QUE CETTE ABOMINATION SOIT RECONNUE ET EXPIÉE !
         Témoignage retrouvé et transmis par Alain ALGUDO

         Nous possédons une Attestation sur l'honneur du témoignage Lieutenant Colonel Robert FOURCADE, Officier de l'Ordre National du Mérite à titre militaire à qui le Général KATZ a déclaré : " Le 5 juillet 1962, j'ai été mis au courant dont étaient victimes un grand nombre de citoyen Français d'Oran : J'ai téléphoné personnellement au Général DE GAULLE pour lui rendre compte de ces assassinats et pour lui demander si je pouvais faire intervenir les troupes placées sous mon commandement afin de rétablir l'ordre dans la ville. Le Chef de l'État m'a répondu simplement : " SURTOUT NE BOUGEZ PAS ! " Et une fois de plus j'ai obéi. "
         · Le Comité VERITAS a alors entamé, contre le général Katz, une procédure judiciaire pour OBÉISSANCE A DES ORDRES CRIMINELS. Malheureusement Katz est décédé pendant la procédure !
         · Charles De Gaulle, donneur de cet ordre criminel, alors qu'à Oran se trouvaient 22.000 soldats français consignés dans leurs casernes dont la seule présence aurait empêché les massacres, serait-il considéré, comme RESPONSABLE, MAIS PAS COUPABLE ???


         Et pourtant voilà ce qu'avait déclaré DE GAULLE lors de son discours à ORAN le 7 juin 1958 :
         " OUI, OUI, oui, La France est ici pour toujours, elle est ici avec sa vocation millénaire qui s'exprime aujourd'hui en trois mot : Liberté, Égalité Fraternité….Vive ORAN, ville que j'aime et que je salue, bonne, chère, grande ville d'ORAN, grande ville Française. "


         · Extrait des déclarations, entre autres, de Charles De Gaulle :
         · " Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur Alger ! "
         " Je ne livrerai jamais l'Algérie au FLN, cette clique de gens qui n'existent pas,
         et qui sont incapables de se gouverner "


         Puis, le 3 juillet, dans ses félicitations à l'état algérien :
         " Cette indépendance nous l'avons voulue et aidée ! "


         Cerise sur le gâteau, définition du Gaullisme par Michèle Alliot Marie :
         " Le Gaullisme, ça n'est pas la détestation de l'autre, au contraire, c'est la main tendue à l'autre "

         Vous apprécierez !!

En souvenir de la petite Myrthille DUBREUL qui, ce jour là, a perdu 14 membres de sa famille !
Alain ALGUDO ex Président CDFA/UCDARA
- ex Vice Président de VERITAS


Abondance, a-t-il dit.
par M. Robert Charles PUIG.
Envoyé par Mme N. Marquet


         Ainsi nous étions un pays de nababs. Tous en haut du mât de cocagne, tous riche comme mille Crésus. C'est bien l'humour de l'Élysée cette façon de nous présenter notre passé et de noircir notre présent en duo avec E.Borne. Il font la paire et nous promettent des lendemains sans beurre et sans électricité.

         Nous devenons les bourgeois de Calais et c'est eux qui nous ont mis la corde au cou. En effet, pourquoi avoir stoppé Fessenheim en sachant que la moitié des sites nucléaires sont à l'arrêt ? Pourquoi avoir misé sur le solaire ou les éoliennes sans que ces outils soient opérationnels ? Depuis hollande et plus avec macron nous marchons sur la tête à cause de leurs bêtises et maintenant ils veulent nous faire payer leurs erreurs. Rationnement, sobriété... Il s'agit tout à coup d'une économie dirigée, une éducation de masse style république de Chine alors que les coupables sont les hommes politiques.
         Nous avions le meilleur outil avec le nucléaire. Il a fallu le saboter et nos laissons faire ? Rabelais avait raison. le peuple français est identique aux moutons de panurge, à suivre en aveugle les ordres supérieurs et c'est pour cela que Macron a du être réélu ! Quelle catastrophe pour la France.

         Alors, Maintenant, fini de rire, fini de vivre. Il va falloir souffrir pour rester vivant et bien entendu nous serons surveillés grâce à notre compteur électrique connecté qui permettra de nous couper l'électricité cet hiver si nous consommons trop. Voilà le pays ! Il est soumis aux laïus d'individus qui nous font avaler des pilules ou considérer que manger une viande au barbecue c'est être un macho qu'il faut emprisonner à vie.

         Pourtant avec plus d'intelligence nous n'aurons du manquer ni d'essence ni de gaz. D'ailleurs macron vient de nous prouver sa grande idée. Acheter du gaz à l'Algérie. Pour cela il dit "aimer" l'Algérie, considérer ce pays avec "amour" et vouloir faire "ami-ami". Il ne se rend pas compte que les gouvernants algériens nous haïssent et dressent leur peuple depuis des lustres sur cette idée que nous leur devons beaucoup alors que cette ruine ou le peuple se trouve c'est du fait de leur oligarchie dictatoriale.

         Je me souviens de mes jeunes années à Alger. Lorsque vers les Tournants Rovigo je voyais deux arabes main dans la main, cela me surprenait... Est-ce cet amour que prône le président ? Il y a dans ses propos quelque chose de pas net. Finalement il nous veut obséquieux, rampants, asservis et inféodés aux exigences algériennes qui nous disent "coupables" depuis 1962. Va-ton encore baisser la culotte comme au temps gaulliste ?

         En vérité, a-t-on un président à la hauteur de l'enjeu actuel avec l'Ukraine et la Russie ? Nous faisons le jeu d'un Joe Biden qui depuis sa Maison blanche nous veut en guerre en Europe en nous mettant à la merci d'un coup de colère de Poutine et d'un autre côté il y a la Chine où il veut faire sa guerre ?

         C'est triste cette période où nos représentants politiques, depuis leurs bunkers nous mentent, nous promettent l'Apocalypse mais nous veulent en première ligne face aux diverses catastrophes, économiques, financières avec le pouvoir d'achet, écologiques par manque d'intelligence et même la guerre.

         Pauvre monde si mal dirigé.  
       
Robert Charles Puig / 30 août 2022

        


1830-1962 des enseignants d'Algérie se souviennent
Un ancien sectionnaire se souvient
Envoyé par M. Louis Aymés ;
..NOUS VIENDRONS VOUS CHERCHER A LA GARE.                
 

            Le récit qu'on va lire a été entièrement écrit par H. Carbuccia. Il porte témoignage du respect, de la confiance, du loyalisme des populations musulmanes envers les instituteurs de l'enseignement des Indigènes.

            Septembre 1927. L'année de section spéciale terminée, je suis nominé, avec mon épouse, à Aguemom-Aït-Khiar, direction à deux classes. Je me rends à l'inspection académique de Constantine, où l'on m'indique qu'il s'agit d'un village du Guergour, commune mixte de Lafayette, et que l'on descend à la gare de Takriest, sur la ligne de Béni-Mansour à Bougie, après Akbou. C'est Tout.

            La chance voulut que, le soir même, place de la Brèche, je rencontre des camarades qui me présentèrent un jeune sous-lieutenant musulman qui se promenait avec eux.
            - Lieutenant Haderbach Kaçah, 7ème tirailleurs !
            - Enchanté!
            Au cours de la conversation, je fis part de ma nomination, mais à peine eus-je dit le nom de mon nouveau poste qu'Haderbach s'exclamait : Mais c'est chez moi ! J'y suis né ! Toute ma famille est là-bas.. Nous viendrons vous chercher à la gare..
            J'eus beau dire que c'était trop de gentillesse, qu'il ne fallait pas. Qu'ils se dérangent, rien n'y fit. " Nous viendrons vous chercher à la gare ! " Je remerciais, ben heureux de ne pas débarquer en pays tout à fait inconnu.

            Et le 28 septembre, après une nuit de train dans une cage à poules, à l'aube. Nous voilà arrivés à Takriest, toute petite gare de la vallée de la Soummam, entre Akbou et Sidi Aïch. Sur le quai quatre montagnards. L'un deux parle un peu le français et se présente " Le frère de Kaçah ". Des sourires accueillante chauds, très amicaux. Nous serrons bien fort les mains qui se tendent vers nous.

            Le quatrième, qui se tenait un peu en retrait, attend que nous lui tendions la main les premiers, la porte à son cœur et à son front. On nous le présente " Simoud " C'est lui qui vous fera les commissions, comme aux instituteurs qui sont partis. " Il est âgé mais svelte, une face burinée, imberbe, un peu angulaire, des yeux doux sous des sourcils épais...
            Pendant ce temps le fourgon à bagages dépose sur le quai nos deux malles, des caisses, des valises, des ballots, un matelas roulé, le landau d'Odet, car nous avions un bébé... Cela faisait du volume et du poids. Nos hôtes nous interdisent de nous donner la moindre peine, se chargent de tout transporter à la sortie de la gare où, sur la petite place attendent six mulets. Sans dire un mot, ils chargent les bêtes, nous arrêtant du bras lorsque nous voulons prendre au moins notre part de travail.

            Sur ces entrefaites arrive une auto conduite par un jeune homme très avenant.. André nous a téléphoné et je viens vous chercher... Je suis Léonce Gross, le fils du maire de Seddouk. " André, c'était Cravéro, un camarade de promotion de l'école normale de Constantine, marié à Mlle Gross, tous deux instituteurs.

            La famille Haderbach nous met à l'aise, nous dit de monter dans l'auto. Ils nous retrouveront à Seddouk. Au village, nous faisons la connaissance de la famille Gross. Le papa est un directeur d'école retraité, qui avait pour adjointe son épouse, retraitée elle aussi. Un couple magnifique respirait la bonté et l'hospitalité. Léonce est agriculteur, Georges poursuit ses études. Il y a d'autres enfants... Tout le monde est charmant et l'on nous retient à déjeuner

            " Ne vous faites pas de soucis pour vos amis kabyles. Nous allons leur dire de prendre leur temps, de faire leurs commissions et vous partirez tous vers une heure de l'après-midi pour la montagne... "
            En effet, à une heure, la caravane apparaît devant la demeure du maire. Remerciements, embrassades. On mous aide - beaucoup - à grimper sur les mulets, et en route !
            Cent mètres sur le bitume et voilà la piste... Caillouteuse, ravinée, à pente très forte dès le départ. Je ne donnerai pas plus de détails car nos lecteurs, pour la plupart, ont connu ces chemins kabyles, lits de petits torrents qui descendent de la montagne, serpentent entre deux murs de pierres sèches sur lesquels se penchent, par endroits, quelques oliviers curieux, quelques figuiers apathiques et surtout d'innombrables cactus qui étalent leurs raquettes menaçantes armées de piquants et de figues de barbarie, celles que, paradoxalement les Indigènes appellent " kermouss enneçara " (les figues des Européens)... Il me semble qu'elles sont tellement urticantes que personne ne veut en assumer la paternité ! Qu'est-ce qu'elles font là, ces figues de Barbarie ?... D'habitude, elles trônent au marché des Galettes, à Constantine, à deux pour un sou, et Boutaleb leur coupe la tète, fend et étale leur peau pour les offrir toutes nues aux clients, qui les retirent précautionneusement de leur châsse de dards, et s'en délectent... Là. au bord de ce chemin, elles ont l'air de vous dire " Défense de toucher " !... Les prétentieuses !... Ah ! si Boutaleb était là !...

            Au bout de trois quarts d'heure de chemin. nous traversons Seddouk Oufella. Nous commençons l'ascension du Djebel Trouna, la montagne en dos de chameau, qui domine la région.. Piste par endroits très étroite, large parfois d'une semelle, clans un sol schisteux très friable.. Chemin pénible, pente très forte, des précipices... Les mulets donnent du collier et de la croupe, coups de reins qui nous valent des secousses, nous tenons très fort.

            La saillie avant du barda... Odette et moi nous nous passons alternativement. Odette qui, bercé par la marche, dort son saoul... Nos hôtes vont à pied... Je veux descendre pour laisser la place à l'un de nos guides, à tour de rôle, mais il n'y a rien à faire, et cela les fait bien rire... J'insiste, deux ou trois fois, ayant honte de ne pas partager l'effort... Rien à faire... Plus tard, lorsque j'applaudirai aux performances des El Ouafi et Mimoun, je penserai toujours aux performances des montagnards kabyles... Quel fond !...

            Quatre heures de marche, quatre heures de côte, quatre heures dures pour nos reins et nos fesses, peu habitués à pareil traitement... Autour de nous peu de terres cultivées, pas de villages, c'est bien pauvre... Du schiste, du schiste... En bas, au loin, la vallée de la Soummam qui, bientôt, disparaît dans les replis de terrain... Des collines, des collines, des talwegs, et cela monte toujours... C'est long!

            Le jour baisse... Nous passons un col et laissons le Trouna à notre gauche. Encore une demi-heure de marche, quelques cultures clairsemées et soudain, à droite, dans la nuit tombante, sur une colline, un gros village, tellement gros qu'il me semble une ville, une masse déjà estompée dans la nuit, où s'allument peu à peu quelques fenêtres tremblotantes et pâles...
            - Aguemoun l... Dit une voix.
            - Mais c'est un grand village ! Tant mieux ! Et dire que des villages aussi importants ne figurent sur aucune carte... Pas de route ! Pas de bureau de poste, sans doute pas de boulanger, pas d'épicier, puisque toutes les commissions seront faites par Simoud à Seddouk.
            - Oui, il y a ainsi toute une Algérie qui ne figure pas sur l'almanach des Postes, sur la carte qui se trouve sur le calendrier que nous donne le facteur, le 1er janvier... Les Algériens n'ont même pas l'idée que cela peut exister... Moi, jusqu'à ce jour, j'ignorais qu'il y a une Algérie des montagnes, une Algérie à laquelle on n'accède qu'après des heures et des heures de mulet, et qui est très grande, très belle, très peuplée... Vraiment, je n'en crois pas mes yeux...

            Nous passons à gauche du village, sans y entrer, en restant à son pied. Une légère descente et nous arrivons sur un terre-plein que termine une source. La nuit est complètement tombée et elle est d'un noir d'encre... Simoud fouille dans un zernbil, double couffin que porte un mulet, et en retire une " lampe-tempête " qu'il allume... Ils avaient même prévu cela !... Un portail de bois, vétuste et vermoulu, qui semble fait de planches de caisses... Un mur décrépit... Plaques et lézardes... Voilà l'école... Un homme se présente, le garde-champêtre.
            - Chambit!...

            Un large sourire, une grande poignée de main. Il sort une clé, ouvre le cadenas, tire un verrou qui grince, grince,... pousse un des deux battants du portail, qui résiste, car le bois a gonflé et racle contre le sol... Puis il tire l'autre battant et le convoi entre dans la cour.

            Une petite cour... Au fond, une sorte de hangar, sans doute le préau. A droite, une construction, deux fenêtres et une porte, surmontée d'un vasistas. A gauche, un autre bâtiment, deux portes et quatre fenêtres... Sans doute, les classes... Tout cela, entrevu dans la pâle lueur du falot...

            On descend, on décharge les mulets, tandis que le chambit cherche en vain à ouvrir la porte de l'appartement... Un enfant monte sur l'épaule de Simoud, passe par le vasistas dont la vitre était simplement poussée et, Dieu seul sait comment, nous ouvre de l'intérieur... Nous entrons. Odette a allumé une bougie. Nous explorons notre domaine. Un petit vestibule. A gauche, la cuisine. Un évier, mais pas de robinet. Il n'y a pas d'eau, à l'école. Il est vrai que la source est si près. En face, la salle à manger, assez grande... Murs peints à la chaux, depuis longtemps... Plafond lézardé. A gauche, une chambre à coucher peinte plus récemment. Un lit, un sommier en bon état, mais heureusement que nous avons apporté notre matelas ! Celui de l'administration doit être rempli de peaux de cacahuètes ! Enfin, nous voyons tout cela avec les yeux de l'optimisme. Pendant ce temps, nos amis déchargent nos bagages, ce qui est bientôt fait.

            Je veux payer, je tiens à payer, bien sûr, mais il n'y a rien à faire. Personne ne veut un sou. En insistant, je les désobligerais... Il faut leur laisser la joie de bien accueillir ceux qui viennent vivre parmi eux et qui vont partager leur existence. Leurs yeux, tout, en eux, crie " Bienvenue ". Ils veulent nous faire sentir "qu'ils savent, qu'ils sont contents, et que nous pouvons compter absolument sur eux ". Nous sommes déjà parmi des amis.
            On nous dit au revoir en prenant notre main, qu'on garde et qu'on porte à son cœur.
            - Merci beaucoup, M'siou... C'est toi le maâlem. Nous sommes très contents... Esselam l...

            Et bientôt, nous restons seuls. Odette s'assoit sur l'unique chaise, et moi sur une caisse. Trois bougies, pour donner un air de .Fête. La musette, d'où nous sortons quelques provisions. Sur la table, une très belle table ronde très lourde, qui semble en chêne, table dont l'origine ne doit pas être administrative, et qui doit avoir son histoire... Et nous cassons la croûte !
            - C'est bizarre, dit Odette, il me semble que nous sommes dans un autre monde... Et dire, qu'il n'y a pas vingt-quatre heures, toutes nos familles étaient avec nous, sur le quai de la gare... Il me semble que nous sommes loin. Loin, mais pas perdus... Les gens sont si gentils !
            - Tu te rends compte ! " Ma famille viendra vous chercher à la gare ! " Ce n'était pas le coin de la rue, hein ! Comment aurions-nous fait, sans eux ? Ils ont dû partir à minuit, hier ! Une journée entière de marche à pied ! Soixante kilomètres, au moins !...
Henri Carbuccia
Photos Louis Aymes



DEGAZAGE
De Jacques Grieu


PLEIN GAZ
     
          Le temps des bec de gaz étant bien révolu,
          De ce fluide là on ne discutait plus ;
          Mais voilà tout à coup que sur la terre entière
          Le gaz revient de mode, énerve et exaspère :
          Si lui, n'éclate plus, c'est son prix qui explose ;
          Le simple citoyen en fait une overdose.
          Les hommes politiques ne sont pas rassurants
          Qui craignent que ce gaz ne soit gaz asphyxiant.

          La pénurie est là et soudain s'accélère
          En fonçant à plein gaz vers de sombres hivers.
          Mais de quoi s'agit-il ? Serait-ce un "gaz de ville"?
          Pourquoi pas "gaz des champs" sans doute aussi utile?
          Le combat "gaz de schiste" conduit à "gaz de schisme" !
          La manette des gaz doit montrer son civisme…
          On pleure le rond bleu du gaz dessous la poële ;
          Le gaz lacrymogène impose son modèle…

          Pour la "note" de gaz, on connaît la… musique
          Qui de " moderato " ignore la supplique.
          " Le bonheur est un gaz " a dit un philosophe :
          Si c'est vrai, nous courons vers une catastrophe !
          Si de l'eau dans le gaz vient à trop apparaître,
          C'est aussi dans leur vin que certains vont la mettre.
          D'une " fuite de gaz ", la terre serait née :
          En reste-t-il assez notre humanité ?

Jacques Grieu                  



Promenade dans la ville.
Source Gallica
EST ALGERIEN N°7, 12 Avril 1868

             Bône, le 4 décembre 1868.

             Redire les échos de la ville, c'est chose toute dangereuse, me disait encore hier mon amin, Oudène, il vous en cuira, je tiens de fort bonne source que l'on a des lanières tontes prêtes, à la moindre erreur vous serez fustigé.
             Eh bien, en dépit des bons conseils de notre ami, nous reproduirons sans relâche toutes les plaintes qui nous paraîtront légitimes, et voici pourquoi.
             En admettant que nous commettions parfois une erreur involontaire, M. Communiqué se gardera bien de ne pas la rectifier. Mais par cela même il attestera la vérité de tout ce qui n'aura pas été démenti. D'où nous aurons le droit de conclure, si l'on ne tient pas compte des critiques vraies, qu'on aime mieux réformer les erreurs que les abus.

             Donc, marchons sans crainte et constatons tout d'abord le déplorable étal de nos rues et de certains quartiers de la ville.
             De la boue jusqu'aux aisselles, des mares infectes, des cloaques sans nombre, voila ce que nous y voyons.

             Nous ne comprenons vraiment pas que l'on ne prenne pas d'urgence les mesures nécessaires pour parer à cet état de choses. Il est tel point de la ville où l'on trouve de véritables marécages, les eaux y croupissent et nous ne sommes ni dans un pays ni dans un temps à dédaigner les questions de salubrité.
             Si ce n'était encore là qu'un état de choses momentanés, il sérail permis de ne pas s'en préoccuper, mais tout a été si bien agencé, coordonné, administré, qu'à moins de réparations continuelles, les choses ne peuvent aller que de mal en pis.

             Pourquoi donc attendre davantage ? Pourquoi ne pas faire les remblais nécessaires, les rigoles, les canaux destinés à déverser les eaux ? Pourquoi, si la commune n'a pas de fonds, ne pas stimuler l'industrie privée, l'association même des propriétaires du quartier ? Il nous semble, qu'à part même les avantages sanitaires el ceux de la circulation, ce serait un moyen de réaliser des économies puisqu'on n'aurait pas à renouveler constamment les travaux intermittents qui ne peuvent jamais qu'atténuer le mal du moment.

             Une petite observation ici en l'honneur de l'administration : nous constatons avec satisfaction qu'on se livre depuis quelque temps aux travaux de nivellement, c'est un progrès, voyez en effet la nouvelle ville, quel bon nid à procès et que d'indemnités à payer car nous ne pensons pas que ce soit pour leur bon plaisir que les propriétaires aient élevé des constructions que l'on enterre dans l'existant ! L'existant du sol.

             De-ci, de-là, nous avons aussi remarqué quelques baraques qui jurent avec les édifices qui les avoisinent. Notre ville ne tient guère à briller par la coquetterie : on nous dit que ce n'est que du provisoire ; que de provisoire qui s'éternise dans ce pays !
             Il nous semble à ce propos qu'il existait ; bien un arrêté quelconque qui prohibait la construction de ces baraques. Nous ignorons jusqu'à quel point cet arrêté est légal. Mais s'il est légal, il est bon que la commune soit la première à l'exécuter : s'il ne l'est pas, qu'on l'abroge. Ces dispositions soi-disant tombées en désuétude ne sont propres qu'à susciter des tracasseries.

             Il nous advient qu'il aurait été vendu à quelques personnes de la viande malsaine. Il s'agit encore ici des intérêts de notre bien être, de notre santé. L'administration doit exercer sur ce point une sérieuse surveillance. On ajoute que la viande livrée était poinçonnée ; ceci devient plus sérieux : car, s'il en est ainsi, le boucher, sauvegardé qu'il est par la garantie légale, est à l'abri de toute répression. A qui s'en prendre, dans ce cas ? Nous : aimons mieux penser ou qu'on se trompe ou | que, vu la saison, la viande s'est corrompue par suite d'une prédisposition naturelle. Nous nous étions bien promis encore de parler de l'éclairage, du marché, de l'abattoir, de l'abreuvoir el de mille autres choses bonnes à dire et même à répéter. Mais ce ne sera ; que partie remise.

             Car c'est une étude pleine d'enseignements que celle de notre ville de Bône. Ah ! La bonne ; tête que la tête du Turc ! I Nous nous proposons de faire part au public de toutes nos études à ce sujet. Nous demandons encore une fois que chacun nous fasse part de ses réclamations : ce qui se dit tout bas doit être dit tout haut, sous peine d'éterniser les abus.
L. DUBARBIER


PHOTOS de DJANET
Envoyé par divers Contributeurs
LE TASSILI



HOGGAR



CANYON ESSENDIENNE



ESSENDIENNE



DESERT ROCHEUX DU TASSILI


GRAVURE DANS LE TASSILI



LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica
II
RAFAEL


         Si loin qu'il remontât dans le passé, l'enfant ne se souvenait point d'autre chose que d'avoir bercé dans ses bras ses frères et ses sœurs. Se balançant sur un pied, il imitait le rythme des berceaux, et, tout petit lui-même, ployant sous la charge trop lourde, il s'arrêtait souvent de chanter sa berceuse, pour raffermir son fardeau entre ses bras.

         Peut-être se serait-il complu à ces soins, si sa mère n'eût interrompu trop souvent ses jeux pour l'en charger. Il se les rappelait comme une chose maussade, qu'il associait au souvenir de sa grand'mère, la tia Pépa. Celle-ci, avec sa petite figure de chouette, son fichu noir sur la tête et son châle de laine noire, avait été la terreur de son enfance. Elle le battait fréquemment, et, le dimanche, elle le poussait à la messe, en lui donnant des coups avec le gros rosaire qu'elle portait enroulé sur son poignet.
         De là, sans doute, la répulsion instinctive de Rafael pour les vieilles gens. Il avait une véritable peur des vieux qui faisaient la partie avec son grand-père dans un petit cabaret borgne, tout proche de la maison.

         Mais Rafael ne connut pas longtemps ses grands-parents. Un beau jour, se trouvant assez riches, ils retournèrent en Espagne, après avoir inutilement essayé d'emmener avec eux Ramon et son frère cadet. Ce jour-là il y eut à la maison une terrible scène, qui ne sortit jamais de la mémoire de Rafael.
         Le vieux rendait Ramon responsable de la désertion de son second fils, Pascual, qui, lui non plus, ne voulait pas quitter l'Afrique. Mais ce qui "indignait surtout, c'est que Ramon eût formé la résolution de ne jamais revenir au pays natal. Ils échangèrent de dures paroles dans leur dialecte valencien aux intonations sauvages :
         - Qu'est-ce que vous voulez que j'aille faire dans votre pays de misère? disait Ramon... Si vous êtes riches, moi, j'ai ma femme et mes enfants à nourrir...
         - Ecoute! Ramon, - disait le vieux, en adoucissant sa voix. - qui abandonne son pays renie son sang. Et le sang ne se renie pas, vois-tu, c'est plus fort que tout!...
         Puis, s'exaltant soudain, les yeux farouches :
         - Qui renie son sang renia le Christ, et le Christ le maudira au jour du Jugement...
         Entends-tu, Ramon ?
         Celui-ci, sans lever les yeux vers son père, répondit simplement
         - Non !
         Toute la force d'inertie de la race apparut dans ce seul mot c'était la volonté indéracinable comme un roc.

         Alors le vieux lui sauta au visage, et, lui prenant les moustaches, il les secoua avec fureur :
         - On ne porte pas de moustaches quand on n'est pas un homme! Non, tu n'es pas un homme, tu n'es pas un homme...
         Un éclair de haine passa dans les yeux de Ramon. Cependant il se borna à croiser les bras :
         - Vous pouvez me battre si vous voulez, puisque vous êtes mon père, dit-il. Mais si c'était un autre, la main lui aurait tombé avant de toucher un poil de ma figure !
         Il tendit la joue avec un air de défi. Le vieux lui détacha immédiatement un soufflet, puis, comme Ramon ne bougeait pas, il fondit en larmes. Son fils le laissa pleurer. Le vieux rentra ses pleurs avec effort :
         - Que Dieu te le paie ! dit-il,
         - et il s'en alla.
         Après le départ de son père, Ramon se sentit délivré d'un grand poids. Il entraîna son frère Pascual sur la route de Blida et se mit à faire le plus de fourbi qu'il put, avec cette âpreté au gain, cette endurance à la peine des peuples et des races, dont les énergies ont longtemps sommeille. Cette Afrique à demi sauvage, tous ces Espagnols la considéraient comme leur conquête : ceux de Muhon défrichaient les champs incultes, forçaient le sol aride à produire, tondaient les plaines d'alfa. Ceux. De Valence et d'Alicante, avec des efforts surhumains, entraînaient de lourds chariots chargés de vivres et de matériaux à travers les sables mouvants du Sud. Tous rançonnaient l'Arabe et l'Européen, tous se volaient entre eux, comme ceux qui, jadis, partaient par bandes des ports de San-Lucar et de Palos, pour aller conquérir l'or du Mexique et du Pérou.

         Vint l'insurrection de Kabylie. Ramon y gagna beaucoup d'argent. Au risque de se faire prendre et fusiller cent fois, il fit passer de la poudre aux Arabes. Il est vrai que la plupart du temps il leur vendait du charbon pilé, que des amis du Faubourg lui scellaient dans des boîtes de fer-blanc.
         Avec le bénéfice, il se monta deux équipages pour le service des Carrières, ce qui était son rêve depuis longtemps. Son frère. Pascual, qui avait pris part au gain, se maria aussi et fut s'établir dans une guinguette, du côté de Cherchell.
         Comme les bénéfices augmentaient, Ramon s'associa à un Français de Perpignan, et bientôt il eut quatre équipages. Puis sa femme l'excita à reprendre l'auberge de Mme Charles, que celle-ci voulait quitter, ayant fait fortune. Lui continua à s'occuper de ses galères et de ses bêtes, tandis que Rosa dirigeait l'auberge et le café.

         Ramon était au comble de ses vœux. Jamais il n'avait tant manié d'argent. Il lui sembla qu'il gagnerait tout ce qu'il voulait, qu'il était riche pour toujours. Alors un changement complet se fit dans ses habitudes. Entraîné par son ami Pascualète le Borrégo, qui était assidu à la maison, il se mit à boire avec la frénésie des Espagnols, buveurs d'eau depuis des générations. Il porta une blouse à la française, il commença à rouler les cafés-concerts et à fréquenter les filles. Son caractère Batailleur reprit le dessus. Souvent on le ramena à la maison ivre-mort et couvert ,de blessures.
         Quelquefois même il ne rentrait qu'après deux jours d'absence, et c'étaient des scènes avec la Rosa : - Tu n'as pas honte, disait-elle, toi, un homme marié !... avec des enfants !
         - Qu'est-ce que tu as à te plaindre ?
         Ripostait Ramon... Est-ce que je ne te donne pas, tout ce qu'il te faut ?... Dieu merci, tu n'as jamais manqué de rien, ni toi, ni les enfants : ils ont à boire et à manger, du linge blanc sur eux et des souliers aux pieds.
         Et, quand Rosa lui reprochait de gaspiller tout l'argent de la maison et de ne pas songer aux petits :
         - Est-ce qu'ils n'ont pas des bras comme moi ? disait Ramon. Ils travailleront comme leur père. Moi, mon père ne m'a rien laissé !...

         Plus souvent ces querelles se terminaient par des batailles où Ramon n'était pas toujours le plus fort. Une fois qu'il était revenu ivre au logis, il avait envoyé un tel soufflet à Rafael que le visage du petit en fut inondé de sang. A cette vue, Rosa indignée avait pris un couteau de cuisine et s'était précipitée sur lui en criant à l'assassin. Ramon, soudainement dégrisé, s'était mis à pleurer.
         Plus d'une fois Rosa avait dû se rappeler les remontrances de sa mère : " Comment peux-tu l'épouser, lui qui est si méchant ? "...
         Mais elle était restée fidèle à son serment de l'aimer quand même. Ses tristesses s'oubliaient sur le seuil du lit. Elle et Ramon s'aimaient dans la force de leur chair et la beauté de leur sang.
         Elle enfantait avec une sorte de fureur, et comme les grands-mères antiques, elle était fière de sa fécondité des dix enfants qu'elle eut, plusieurs étaient, morts au berceau. Mais les petits cercueils blancs, qui franchissaient si souvent la porte de la maison, n'avaient point apaisé son ardeur.

         Rafael avait grandi au milieu de ces événements domestiques, sans presque les remarquer. Comme son père, il fuyait le logis. Ce n'était pas tant les jeux qui l'attiraient que la vie des carrières, la beauté des équipages et l'incessant va-et-vient des chariots et des bêtes.
         Après sa première communion, Rosa parla tout de suite de lui faire apprendre un métier, tandis que Ramon aurait désiré qu'il continuât encore quelque temps à fréquenter l'école :
         - Qu'est-ce que tu veux qu'il aille à l'école ? disait la mère. Tu sais bien qu'il a la tête dure comme un caillou c'est une race d'Espagnol comme nous autres il n'apprendra jamais rien...
         Rafael, enchanté de ces propos, flattait sa mère pour qu'elle obtînt de Ramon sa liberté. Celui-ci, obsédé par sa femme, finit par se rendre. Un soir, pendant le souper, il interrogea solennellement son fils :
         - Voyons! quel métier est-ce que tu veux faire ?
         - Charretier ! dit fermement Rafael.
         La mère se récria : " Un métier de galérien ! Il ne savait pas la misère que c'était ! Jamais ! Jamais!... " Et Rosa déclara qu'elle lui couperait plutôt les mains que de lui voir prendre un fouet.

         Elle venait de deviner que Rafael serait le même homme que son père, le vrai fils de son sang : et, dans ce cri d'alarme, éclataient toutes les désillusions, toutes les souffrances et toutes les rancunes de son mariage.
         Ramon, au contraire, était flatté de cette préférence de son fils pour son métier à lui. Mais Rosa ajouta tout de suite :
         - Sois plutôt bourrelier ou charron... En voilà de jolis métiers ! Tu gagneras de l'argent et tu pourras te reposer les dimanches...
         L'idée que Rafael pourrait être patron, qu'il aurait un magasin et deviendrait presque un monsieur finit par séduire Ramon.
         Il décida que l'enfant serait bourrelier. On le confia donc, pour son apprentissage, à un ami de la famille, qui avait un atelier au Faubourg, à côté des écuries de la Compagnie.

         Rafael prit le tablier de lustrine des apprentis. et, selon la coutume, on l'employa tout de suite à cirer du fil et à faire les commissions. Le changement de régime lui plut d'abord. Puis sa vocation contrariée se tourna en une espèce de culte pour les harnais ; il maniait les brides et les colliers avec dévotion. Pendant les premiers jours, il s'arrêta cent fois dans son travail pour regarder le premier ouvrier achever une bride merveilleuse, destinée à un attelage de mules espagnoles et qui devait être un chef-d'œuvre. Elle était cousue de cuirs multicolores qui formaient des dessins éclatants et bizarres d'un travail compliqué et dont la bordure s'incrustait d'étoiles de nickel et de verroterie. Quand le harnachement complet fut exposé à la vitrine, Rafael se montra un des plus assidus à l'admirer. Il s'extasiait surtout sur les colliers, que des pompons de soie, des guirlandes de fleurs en papier et de petits miroirs plantés entre les attelles décoraient d'un luxe puéril et précieux.

         Mais ces admirations cessèrent vite d'amuser Rafael. Tandis qu'il cirait son fil, ou cardait son crin, son imagination voyageait derrière les chariots, parmi les chemins poudreux des carrières, les claquements des fouets. les jurons et les cris. Il connaissait les beaux équipages au son des grelots et même au pas des bêtes. L'oreille sans cesse dressée, - dès que l'un d'eux s'annonçait sur la route, - il courait à la porte pour le voir passer, surtout quand c'était celui de Pascualète le Borrégo, l'ami de son père, qui avait quitté la route de Laghouat, pour entrer dans une minoterie.
         Au premier grincement des essieux, Rafaël se levait précipitamment de son tabouret. Dans le flamboiement de la route, au milieu du tapage des roues, du tintement des grelots et du cliquetis des traits, la petite mule de volée apparaissait, balançant ses hanches, avec son époussette qui balayait le sol suivant le rythme de la marche et dont les clous de cuivre et les passementeries resplendissaient. Derrière elle, en file profonde, d'autres flammes s'allumaient dans les miroirs à la cime des colliers, dont les hautes cornes recourbées oscillaient comme les piques d'une armée en marche. Les huit bêtes de l'équipage se déployaient avec lenteur devant le chariot où des piles de sacs tremblants sous les câbles montaient presque aussi haut que les maisons du Faubourg.

         Cette masse puissante qui s'avançait en ordre, ce gémissement des essieux, ce tapage guerrier des sonnailles et des claquements de fouet faisaient bondir le cœur de Rafaël. Il nourrissait ses yeux de ce spectacle. Il contemplait surtout le Borrégo, qui passait superbe, le fouet levé et le feutre en arrière. Celui-ci envoyait un salut joyeux au bourrelier. La petite mule se balançait en avant, puis les huit bêtes défilaient avec leurs hauts colliers, puis t'était l'énorme masse oscillante qui fait gémir les essieux et craquer les cailloux; et peu à peu tout se confondait dans la poussière et la cohue des attelages. Le grand char avait disparu, continuant sa marche tranquille et indifférente vers la ville et la mer, vers les lointains horizons des montagnes et des plaines.
         Et pendant que ses yeux le cherchaient encore, Rafael sentait les larmes lui gonfler le cœur. Il restait sur le seuil tristement, regardant sa vie tout entière qui s'écroulait.

         Ces allures déplaisaient fort à son patron, qui dès le premier jour, le jugea un déplorable apprenti. De même que l'instituteur, il déclarait que Rafaël avait la tête dure comme un caillou et qu'il n'était bon qu'à faire un charretier. De tels propos humiliaient Ramon et surtout sa femme ; mais ni leurs remontrances ni leurs coups n'y pouvaient rien : il fallut retirer l'enfant.
         Alors commença pour lui un rude apprentissage :
         - Puisque tu veux être charretier, lui dit son père, on va te montrer ce que c'est, mon ami ! Seulement ne t'avise pas de changer d'idée, autrement je cale la roue avec ta tête !

         Pendant les premiers jours, Rafael ne souffrit pas trop des rigueurs du métier. En plein épanouissement d'adolescence, le sang frais dans les veines, toute l'ivresse de sa jeune force au cerveau, il acceptait avec enthousiasme les dures corvées.
         Ramon, dévoré par sa rage de travail se levait avant tous les autres. Dès une heure du matin, il était debout, il allait faire un tour à l'écurie, donnait des rations fraîches aux bêtes, et, vers deux heures, il tirait Rafael de son lit. Méticuleux à l 'excès, il l'obligeait à panser soigneusement toute une moitié de l'écurie, tandis que lui-même jouait de l'étrille à l'autre bout. Puis on partait pour les carrières. Rafael conduisait; et de s'enfoncer ainsi dans la nuit, de cheminer par les rues désertes et les routes silencieuses, avait pour lui tout le mystère d'une initiation. On pénétrait au milieu des hautes roches encore chaudes de soleil, et, à de certains détours, des bouffées fraîches arrivaient avec le petit bruit des sources. On dételait après avoir mis en place les galères vides, et on réattelait aussitôt les galères remplies la veille par les chargeurs, Rafael prenait plaisir à détacher les traits, à faire tourner les bêtes, à crier les commandements : toutes ces besognes viriles le grandissaient à ses propres yeux.

         On redescendait ensuite vers le Faubourg endormi. Ramon s'arrêtait chez le tio Chimo, un cabaretier valencien, pour prendre un verre de café. La plupart du temps, celui-ci n'était pas encore levé. Ramon faisait tout un vacarme, tapant aux volets avec le manche de son fouet, criant des quolibets et des gaillardises :
         - Hô ! tio Chimo, laissez la vieille tranquille !...
         Le vieux, un mouchoir roulé autour de la tête, entrebâillait la porte, et l'on entrait dans la salle obscure chauffée comme un four, où les mouches réveillées par la petite lampe à pétrole s'envolaient soudain en se cognant contre les visages. Le tio Chimo allumait les réchauds pour le café, d'un air las, les yeux brouillés et répondait d'une voix molle aux taquineries de Ramon. Les paroles résonnaient étrangement dans la salle vide et le silence de la nuit. Puis des charretiers passaient, montant aux carrières. Ramon les appelait sur le pas de la porte. On trinquait ensemble devant le comptoir et, ravi d'avoir quelqu'un pour, l'écouter, il recommençait d'éternelles plaisanteries sur le tio Chimo et les gens de Callosa, d'où il était. Car ceux d'Alicante les tournent volontiers en ridicule :
         - En voilà du café de Callosa ! disait Ramon... Ah ! le vieux voleur ! il nous donne du jus de chapeau, et de chapeau d'Auvergnat encore !...

         Les rires étaient faciles et, bien que la plaisanterie fût toujours la même, le tio Chimo ne manquait jamais de s'en fâcher.
         Alors Ramon, mis en éloquence, redoublait ses facéties, à la grande joie de l'auditoire.
         Rafaël admirait son père ainsi écouté par les hommes, et c'est avec un véritable orgueil qu'il obéissait, quand celui-ci prenant son fouet lui disait :
         - Allez, Rafaelète, en route maintenant !
         L'aube montait alors. C'était, pour l'adolescent, une minute unique. Son sang coulait plus vif, ses membres s'allégeaient dans l'allégresse de l'heure.
         Puis c'était le déjeuner de sept heures, le pain et les poissons frits du couffin et mangés sur le timon de la galère en marche ; et, quand on ne pouvait pas rentrer pour midi, le dîner dans les auberges et la sieste jusqu'à deux heures, à l'ombre du chariot.

         Ces plaisirs nouveaux trompèrent d'abord pour lui la lassitude des longues journées de travail. Mais, surmené par 1activité fébrile de son père, il fut bientôt excédé. Ce lever quotidien en pleine nuit était épuisant. Et quand il remontait vers les carrières, le soleil de neuf heures tombait comme un plomb liquide sur ses épaules. La poussière enflammait ses paupières et troublait ses yeux. Il croyait voir vaciller et tournoyer autour de lui les collines et les pins. Défaillant aux côtés du chariot, il aurait voulu s'étendre, se coucher au milieu des ornières de la route. Mais le sol brûlait sous ses pas, tout semblait dévasté, et il n'avait pour rafraîchir ses yeux dans ces montées accablantes que les maigres verdures du petit cimetière d'el-Kear, dont les tombes brillaient en face parmi les figuiers et les eucalyptus.

         Peu à peu sa paresse reprit le dessus. Pendant le pansage, tandis que son père sommeillait sur le coffre à orge, il lui arrivait fréquemment de jeter l'étrille et d'aller se coucher dans la paille, où il ne tardait pas à s'endormir. Ramon n'entendant plus le raclement régulier de l'étrille se réveillait bientôt. Il entrait dans des colères furieuses contre Rafael, et quand l'enfant, rompu de fatigue, tardait à se lever, il prenait un bois de trait et lui frappait les côtes à les briser. Ces durs traitements n'excitaient aucune haine chez Rafaël c'était son père, il obéissait. En revanche, quand c'était sa mère qui essayait de le tirer du lit, elle l'aurait plutôt tué de coups que de le faire bouger. Son entêtement était invincible. Plus tard, se remémorant ces lointaines années, il ne se sentait plus qu'une grande reconnaissance pour son père, qui avait vaincu sa paresse.

         Ce qui d'ailleurs étouffait en lui toute velléité de révolte, c'était l'admiration qu'il éprouvait pour Ramon.
         Son endurance et sa force, ses veilles et ses fatigues, la crainte qu'il inspirait aux autres, tout cela donnait à Rafael l'idée d'un être extraordinaire.

         Un jour que celui-ci avait eu le pouce écrasé par une pierre tombée du chariot, il fallut lui extraire l'ongle, qui s'était fendu et décollé. Ramon s'adressa au perruquier du Faubourg, qui était un peu chirurgien.

         Le perruquier, - un petit homme maigre et pâle, - n'avait pas l'habitude de ces opérations. Quand il vit Ramon assis tranquillement sur une chaise lui présenter son pouce et quand il sentit le fil du rasoir entrer dans la chair et qu'il vit le sang couler il devint livide :
         - Pique, va ! dit Ramon, c'est du bon sang espagnol !
         Mais l'homme, s'appuyant sur la table, avait posé le rasoir :
         - Ramon, dit-il, je ne veux pas, va voir le médecin !
         Alors Ramon. haussant les épaules, prit lui-même l'instrument et, levant son pouce bien au jour, il se mit à dégager l'ongle, tranchant dans la chair et rabattant la peau, d'un air aussi calme que s'il eût dégrossi une cheville avec son couteau.
         Quand ce fut fini, il se fit laver et bander le pouce par le perruquier, et il rentra à la maison, fort content de lui. Rafael, qui avait assisté à la scène, la raconta à sa mère, qui le redit aux voisines, et ainsi l'histoire fit bientôt le tour des carrières : 0n en parla longtemps dans les cafés et dans les écuries.

         De tels exemples stimulaient la paresse de Rafael et le rendaient plus docile aux corrections de son père. Bientôt l'éveil de la puberté l'emplit d'une sorte d'enivrement et d'un besoin d'activité, de déploiement de force et de prouesses qui émerveilla Ramon. C'est vers ce temps-là qu'il se mit à courir avec son ami Pépico, un garçon de son âge, qui était casseur de pierres aux carrières. Ils s'étaient connus presque dès le berceau, et, à mesure qu'ils avaient grandi, l'amitié de Rafaël et de Pépico était devenue plus étroite, celui-ci se laissant conduire aveuglément par l'autre, quand son entêtement de petit Mahonnais à la dure cervelle ne le poussait pas à d'inexplicables révoltes contre l'autorité de Rafael.
         Le goût des cartes les prit d'abord, et ils y apportèrent toute la passion des Arabes et des espagnols. Le soir, après le souper, Ramon permettait â Rafael daller faire sa manille avec Pépico, dans un petit cabaret où se réunissaient tous les jeunes gens de leur âge. Mais il n'entendait pas que son fils se débauchât. Quand Rafael se levait de table, il tirait sa grosse montre d-argent :
         - Tu entend ? disait Ramon, tu as tout le temps pour t'amuser ! Mais, si tu n'es pas rentré pour neuf heures, je vais te chercher au café et je te ramène à coups de trique !
         Rafael imaginait mille mensonges pour prolonger sa partie. C'était un tour à faire à l'écurie, un collier ou une bride à porter chez le bourrelier. Et comme ces défaites réussissaient souvent, son penchant à mentir s'en fortifiait.
         Ce fut bien pis, quand Pépico l'eut emmené dans les ruelle arabes qui montent à la Casbah. Tout fiers de l'appel des filles fumant des cigarettes sur le pas de leurs. portes, ils rôdaient anxieusement. Mais ils n'osaient pas entrer.

         Cependant un soir que Rafael ramenait sa galère d'Hussein-Dey, en compagnie de son ami, une vieille Mauresque, surgie tout à coup des roseaux qui bordent la route, les convia à l'amour avec des gestes obscènes. Comme la galère de Ramon était très loin en avant, il ne résista plus, il jeta son fouet à Pépico et, tandis que l'attelage ralentissait encore son pas, il se laissa attirer par la vieille.

         Depuis cette aventure, Pépico et lui abandonnaient souvent la manille pour monter à la Casbah. Quand ils n'avaient pas d'argent, ils volaient un pain à la maison. Ce pain, avec la jeunesse et leur sang et la joie orgueilleuse qu'elles allumaient dans leurs prunelles, payait Ies caresses misérables des pauvresses.

         Avec Pépico pour complice, Rafael se serait certainement perdu, sans la terreur que lui inspirait son père.
         Ramon le surveillait, le retenait à la maison, comme s'il se repentait maintenant d'avoir fui le logis et abandonné les siens. Mais Ramon mourut au moment où Rafael aurait eu le plus besoin de ses conseils.

         Ce fut au commencement de l'hiver et de la saison des pluies. Un matin, il s'obstina à se laisse tremper jusqu'à midi plutôt que d'envoyer Rafael chercher son caban. Comme il était épuisé de travail et de plaisir, la phtisie marcha très vite : au bout de quinze jours de lit il était méconnaissable. Mais il gardait toujours l'énergie de sa volonté et sa fureur de vivre, s'occupant des comptes avec les entrepreneurs, donnant des ordres à son fils, s'impatientant à l'idée des écuries au pillage et des équipages en mauvaises mains. Le dernier soir, il s'assoupit malgré le terrible râle qui soulevait sa poitrine.

         Sa femme le veillait, faisant réchauffer les tisanes et préparant la soupe de Rafael, qui n'était pas encore rentré. Tout à coup un bruit de grelots se fit entendre, puis une rumeur sourde d'essieux. Ramon réveillé en sursaut, se dressa sur son séant :
         - L'équipage de Pascualète !..

         Ce cri parut jaillir du plus profond de son être, avec une déchirante expression d'agonie et de désespoir. Ses yeux fixes s'éteignaient. Rosa, croyant qu'il voulait voir une dernière fois Pascualète, courut à la fenêtre qu'elle ouvrit précipitamment et cria vers le charretier. Mais quand elle se retourna vers le lit, Ramon était retombé.
         Elle lui prit ses mains en sueur, tandis que le pas lourd de Pascualète retentissait dans l'escalier. Ensemble, ils soulevèrent le corps ; mais déjà le corps se raidissait. Il était mort.
         " Que Dieu te le paie ! " avait dit le père en s'en allant. La malédiction avait été entendue, pensait Rosa, puisque Ramon mourait ainsi dans toute sa force et quand la fortune commençait à lui venir. Cette pensée la fit sangloter plus fort. Elle eut peur pour elle-même, pour ses enfants, pour Rafael surtout.

         Quand celui-ci rentra de l'écurie, il vit le cadavre de son père. Jamais il n'avait éprouvé une émotion pareille. Depuis, cette image resta vivante dans sa mémoire, et il en garda longtemps une affreuse angoisse de la mort. A genoux au pied du lit, parmi les voisins qui récitaient des rosaires, il .se mit à pleurer. Mais, dans son cœur humilié, naissait pour la première fois une tendresse qui redoublait ses larmes, et ce fut à partir de ce jour qu'il aima son père.
         Dés lors une vie nouvelle commençait pour la maison. Rosa était veuve, à trente-cinq ans. et, des dix enfants qu'elle avait eus, il ne lui restait plus que trois garçons et une fille. Rafael, l'aîné, devenait, à seize ans, le chef de la famille.

         Il était aussi peu préparé que possible pour ce rôle. Ce qu'il vit tout d'abord dans ce changement de fortune, ce fut la liberté de s'adonner à sa paresse et à son appétit grandissant de plaisir. Pascualète le Borrégo fut invité par Rosa à reprendre l'équipage de Ramon. Il s'intronisa dans la maison, se vit écouter comme homme d'expérience et devint patron en fait. Car Rafael qui l'aimait beaucoup, se laissait entièrement diriger par lui.
         D'ailleurs Pascualète lui témoignait une affection toute paternelle. Le jour où il consentait à se mettre au travail, comme il y apportait toute sa belle humeur de jeunesse et toute la fougue de son père, l'autre prenait plaisir à le former au métier. Il lui apprit à ferrer un mulet, à soigner une bête malade, à raccommoder les harnais et, pour qu'il n'ait peur de personne, il lui apprit aussi à se battre. C'était Le matin à l'écurie, tandis que les bêtes garnies achevaient l'orge au fond des mangeoire. qu'il lui donnait ses leçons. Il lui enseigna ce fameux coup de tête qui lui avait valu le surnom de. Borrégo (mouton, bélier, en espagnol) et qui le rendait si redoutable dans les batailles.

         En même temps il excitait chez Rafael ce goût de la parure et du costume qu'ont naturellement tous les Espagnols. Il faisait son admiration avec les belles draperies de ses blouses provençales, amples, étoffées et luisante comme du satin, Quand il marchait, le rythme des plis enchantait les yeux de Rafael. Le sens et la beauté des gestes grandissaient par l'ampleur des étoffes. Le frémissement du corps animait les ligne onduleuses de la toile. Soulevées par le labeur des muscles, ou frémissantes dans le vent de la marche, ces belles blouses émerveillaient l'adolescent.
         Rafael s'empressa d'imiter le Borrego. Sa prestance avec la grâce de son costume lui valut des succès. Mais sa grande folie temps-là, ce fut une jeune femme de Malaga, qui était cigarière dans une fabrique du Faubourg.
         - Cette Malaguena était très experte en caresses et encore plus avide de la jeunesse de Rafael. Elle l'initia véritablement à tous les jeux de l'amour. L'un et l'autre y mirent un superbe emportement. Ils passaient ensemble des nuits et des journées entières et, quand le jeune homme se décidait à rentrer au logis, sa mère s'indignait de le voir ainsi pâle et défait, les paupières bleuies et se traînant à peine. Cette Malaguena devint le cauchemar de la tia Rosa.

         Elle l'invectiva même un jour à la fontaine devant ses voisines. Mais rien n'y faisait. Rafael était pris, et la mère, qui n'avait jamais eu beaucoup de tendresse pour son aîné, sentait son aversion s'accroître et se préciser tous les jours.

         Etait-ce le mauvais exemple donné par Rafael, ou le seul emportement de son ardente nature, toujours est-il qu'elle finit par s'éprendre du Borrégo, qui d'ailleurs ne quittait pas la maison. Elle commença par lui ôter tout espoir de mariage par égard pour ses enfants, puis très franchement elle se consola avec lui de son veuvage.
         A mesure que l'intimité s'établissait entre elle et Pascualète, elle se prenait à détester la mémoire de Ramon, que cependant elle avait tant aimé. La haine qu'elle en éprouvait rejaillissait sur son fils, en qui elle reconnaissait de plus en plus le portrait de son père. Ainsi Rafaël, qui sentait l'hostilité sourde de sa mère, se désintéressait davantage des choses de la maison. Il continuait ses folies avec son ami Pépico et ne quittait pas la Malaguena. De cette façon, Pascualète restait le maître du café et des équipages. Comme il n'espérait plus épouser Rosa, il se mit à tirer de son côté, à voler sur les transports et sur les comptes du bourrelier et du charron. Rafaël en faisait tout autant pour ses noces, et ainsi tout allait de mal en pis.

         Au bout d'un an, ils vinrent à bout du crédit de Ramon qui, d'ailleurs, n'avait pas laissé d'économies. Il fallut d'abord vendre le café, puis les équipages partirent l'un après l 'autre. Rafael se vit obligé de gagner son pain et de nourrir sa mère, sa sœur et ses frères.
         A la fin, il prit une grande résolution. Il partit pour la province de Constantine, où l'on construisait à cette époque le chemin de fer de Biskra.
         A peine arrivé, il regretta d'avoir quitté le Faubourg. Tout lui déplaisait là-bas, les choses et les gens. Le plus grand nombre étaient des Pi6montais et des Napolitains, et leur langue, qu'il comprenait mal et qu'il entendait sans cesse l'irritait et lui rappelait cruellement son exil. Alors il se laissa aller. Machinalement, comme les bêtes qu'il attelait, il conduisait sa galère du matin au soir, et, la journée finie, quand il rentrait à la cantine, une cambuse perdue dans les sables, il s'accoudait sur la table, la tête entre ses mains, tandis que les autres riaient et chantaient.
         Il lui arrivait fréquemment de ne pas dire un mot de tout le repas. Il ne connaissait plus ses enthousiasmes d'autrefois, quand il accompagnait son père sur les routes des carrières. La fierté même de sa jeunesse s'en était allée. Il souffrait les caresses hideuses de la patronne, une vieille Alsacienne édentée, dont il acceptait l'argent. Quelquefois il prenait la diligence de Batna, où il allait faire la débauche avec des Piémontais, et ce furent les seuls moments où il goûta un peu de joie.

         Rafael s'enlisait dans cette vie stagnante. Sa paresse même reprenait le dessus, et il aurait continué ainsi peut-être bien longtemps, lorsqu'un jour il lui arriva une lettre de sa mère, qui lui apprenait la mort de son frère cadet et le suppliait de revenir.

         Il revit donc le Faubourg. Il visita la tombe de son frère, où il pleura ; puis il chercha une place au plus vite, car sa mère était dans un grand besoin, bien qu'elle se fût mise à faire des lessives et que sa sœur fût entrée comme cigarière dans une manufacture de tabacs. Rafael vit alors combien sa réputation était détestable. Personne ne voulait de lui. On lui disait partout : "Tu es mauvaise tête, comme ton père... Si seulement tu travaillais comme lui !... " : Ce reproche qu'on lui jetait sans cesse devenait pour lui le plus cuisant des remords. Il commença à avoir honte de lui-même et à sentir que le temps de son adolescence où il se levait à deux heures pour étriller ses bêtes, était celui où il avait vraiment vécu, où il fallait puiser le courage et l'exemple. Il avait fini par obtenir un tombereau d'un entrepreneur qui l'avait connu tout enfant. Alors, avec un grand élan de volonté, il se mit à l'œuvre, se rappelant les leçons de Ramon et celles de Pascualète. La fougue de son sang lui faisait faire des prodiges, comme autrefois. Il s'imposa à ses camarades et aux anciens du métier, et maintenant les vieux charretiers disaient en le regardant : "Il a ça dans le sang, Rafaelète !... ce sera un meneur de bêtes, pour sûr !... "

         Cependant il n'était pas heureux. L'inquiétude de son humeur, son grand besoin de vie errante le tourmentaient et le poussaient vers l'inconnu.

         Des rouliers qui revenaient du Sud lui faisaient des récits dont s'éprenait son imagination. Ce n'était plus à Blida qu'ils s'arrêtaient. Ils allaient jusqu'à Laghouat, quelquefois même jusqu'à Ghardaïa. Des forts et des lignes télégraphiques se construisaient dans ces parages. Des chariots montaient et descendaient sans cesse, portant les vivres et les matériaux. Les patrons gagnaient tout ce qu'ils voulaient, et les garçons, largement payés, faisaient encore du trafic pour leur compte. Ils revenaient bien vêtus, les visages épanouis, étalant les emplettes et les curiosités qu'ils rapportaient de leurs voyages. Ils dépensaient sans compter, ne se refusant rien pour leurs plaisirs ou leur parure. Les cafés se disputaient leur clientèle, et jamais les marchands juifs de la rue Bab-Azoun n'avaient vendu tant de blouses de luxe ni de complets de velours.
         Rafael, en voyant leur démarche conquérante, brûlait d'envie de s'en aller avec eux.

         Mais les craintes de sa mère, qui avait peur de perdre son aîné après les autres, le retenaient au Faubourg. Il avait ainsi des élans bientôt combattus par les paroles maternelles. Son exaltation tombait quand les rouliers étaient partis.
         Souvent, le dimanche matin, quand il allait, avec son ami Pépico, pêcher des oursins, parmi les rochers de Saint-Eugène, ils causaient de cette route de Laghouat, si belle dans les récits des aînés et si émouvante pour leurs ardeurs de vingt ans. Assis sur un écueil, ils se redisaient les exploits de Juan le Mahonnais, qui, dans le Sud, s'était fait une légende. Ils s'enflammaient tous deux par leurs paroles, et ils formaient des projets, en regardant la mer frissonnante et les grands navires qui passaient au large.

         Un jour, un garçon d'écurie de l'hôtel du roulage apprit à Rafael que Pierangélo, un Piémontais qui possédait des équipages, cherchait un charretier pour la route de Laghouat : Pép'Andrès, un de ses hommes, venait d'avoir le bras cassé par un transport.

         Il n'en demanda pas davantage. Sans même prévenir sa mère, il courut s'embaucher et, comme il fallait partir le soir même, il revint à la maison chercher du linge, que Rosa lui arrangea dans un sac, en poussant des lamentations sans fin. Il s'acheta une paire d'espadrilles et un couteau neuf, puis, après avoir soupé une dernière fois au logis, il embrassa sa mère, et, impatient de voir son équipage, il alla rejoindre Pierangélo.

Louis Bertrand



LA PARODIE DU CID
EXTRAIT envoyé par M. Parent et M. Brasier



La seule parodie amusante et curieuse des grands maîtres est faite
par leurs disciples et leurs admirateurs.
Théophile Gautier




La Parodie du Cid a été
représentée pour la première
fois le 3 novembre 1941
au Théâtre du Colisée, à Alger



PERSONNAGES et INTERPRETES

     DODIÈZE, marchand de brochettes courtier électoral :.... Gabriel ROBERT
     GONGORMATZ, dit "Le Comte3, Ancien patron coiffeur,: Raoul ROLLAND
               courtier électoral
     RORO, chômeur, fils de Dodièze : ………………....................L'AUTEUR
     Monsieur FERNAND, député : ………………….............Philippe ROBERT
     ALPHONSE, agent électoral : …………………..........................BALDINI
     AYACHE, Agent électoral : ………………….................Emmanuel ORTS
     ALI, petit commissionnaire ……………………................................X...
     CHIPETTE, sans profession, fille de Gongormatz, : ……Hélène MELE
               fiancée de Roro
     Madame CARMEN, propriétaire : …………………........Paule JOURDAN
     FIFINE, bonne à tout faire chez les Gongormatz : ………Nicole HEBERT
     FATMA, femme de ménage chez Madame Carmen : ……Jean VAROR
     LA SANCHE
     La scène est à Bab-El-Oued, à Alger, sous la IIIème République

La dernière reprise publique, du vivant de l'auteur, a eu lieu en 1964 au théâtre de Bobino, à Paris, avec, dans les rôles principaux, Françoise FABIAN (Chipette), Marthe VILLALONGA (Madame Carmen), Albert MEDINA (Dodièze), Philippe CLAIR (Roro) et Lucien LAYANI (Gongormatz).

ACTE III

SCENE PREMIÈRE
(Devant la maison de CHIPETTE)

RORO l'espadrille à la main ; FIFINE

     FIFINE
     0 Roro, qu'est-c'ti'as fait ? Où tu viens, misérabe ?

     RORO
     Siouplaît, c'est pas ici qu'on oit la danse arabe ?

     FIFINE
     Ti'as perdu la vergogne ? Un calembour tu sors,
     Du temps que ta victime il est en moitié mort ?
     Aman' ! Chez lui tu viens lui salir le parterre ?
     D'un peu pluss tu t'le tues !

     RORO
     Eh ! challah qu'on s'l'enterre !
     L'honneur de la famille i m'a forcé la main.

     FIFINE
     Le mort i rôçoit pas ; ti'as compris, l'assassin ?
     Ici ti'as le toupet de sarcher la cachette ?

     RORO
     Ici je viens pourquoi je veux oir à Chipette,
     Un peu pour s'espliquer, un peu pour s'amuser.
     Oilà le tribunal, je peux pas mieux causer.

     FIFINE
     Va, tu la serches pas, aussinon tu la trouves.
     Entention le kanoun ousqu'ya le feu qu'i couve !
     Lève, lève de là, fais fissa, mets les bouts !
     Dans les premiers rabords elle est capabe à tout !

     RORO
     Non, non, je bouge pas, les sept fugur' par terre !
     Et pisque ma poupée on l'y'a fait des misères,
     Mieux mourir d'un p'tit coup qu'i me donne de a'c le doigt
     Que n'en prendre un de ces jour pour un' pièc' de sis mois !

     FIFINE
     Pauve ! Elle est allée oir à l'avocat des pauves !
     Tu veux le bon conseil ? A preusant tu t'ensauves.
     0 Roro, l'atchidente ! un peu d'la volonté !
     Si le Monde i te oit, qu'est-c' qu'i vont popoter ?
     " Popopo ! qu'i diront, Chipette, eh ben ! j'espère !
     Comme il est beau garçon, l'assassin à ton père ! "
     La oilà qu'i s'emmène. Entention ! Je la ois.
     Si t'le fais pas pour elle, allez ! t'le fais pour moi.
     (Roro se dissimule)

     

SCÈNE II
FIFINE, CHIPETTE, LA SANCHE

     LA SANCHE
     Ouais, ma belle, i te faut la tête à ce sfatchime.
     Quand la cause elle est juste, on peut commett' un crime.
     Souviens-toi ça qu'j't'a dit t't à l'heure avant d'causer.
     Ni je veux t'endormir et ni te chinoise ;
     Mâ si pour un coup d'main tu crois qu'je suis capabe,
     Alors, oilà la main pour drobzer le coupabe !
     (Il met un genou à terre)
     Et la main d'sur le coeur et le coeur d'sur la main,
     Ti'as La Sanche à tes pieds
     (Un temps)
     Dis-y quelt' chose, au moins !

     CHIPETTE, froide
     Un zouave il a resté cent ans à la mêm' place.

     LA SANCHE
     Je ois pas le rapport.

     CHIPETTE
     Régar'-toi dans la glace !

     LA SANCHE, se relevant fièrement
     Çuilà- là qu'il est zouave, il est brave en même temps !
     Toujours, quand on s'le tue, i s'élance en chantant !
     (Il fredonne " la charge ")

     CHIPETTE
     Aie! je crois qu'i va pleut !

     LA SANCHE vexé
     C'est tout pour ton service ?

     CHIPETTE
     je t'l'ai dit cinquant' fois: j'a saisi la justice.

     LA SANCHE
     La justice ? Ah ! là, là ! tout l'monde i la saisit,
     Et si sézigue i veux, i la saisit aussi.
     C'est facile à saisir, ça match' comme une tortue.
     Si ti'as raison, ti'as tort; si ti'as tort, le tort...tue !
     Mieur un bon arrang'ment. Moi j'l'arrange a'c plaisir !

     CHIPETTE
     C'est trop du dérang'ment, mâ je vas réchéflir,
     Et si pour mes oignons encor tu t entéresses,
     Je tâcherai moyen de m'rapp'ler d'ton adresse.

     LA SANCHE, au comble de la joie
     Qu'est-c'qu'i demand' le peup' ?
     (Il salue CHIPETTE chevaleresquentent, tire de sa poche un jeu de cartes qu'il brasse, et sort. On l'entend crier à la cantonade):
     0 Roro, ti'as du coeur ?
     Çuilà qu'il en a pas, entention qu'i n'en meurt !

SCÈNE III

CHIPETTE, FIFINE

     CHIPETTE mimant le coup de rasoir
     Enfin, c'est pas trop tôt !.. Ns' avons porté la plainte.
     L'avocat i m'a dit comm'ça : "Soyez sans crainte. "
     Sors-moi le banc dihiors que j'me prends la fraîcheur.
     Je peux te dire à toi ça qu'j'ai dessur le coeur.
     Mon père i dort, Fifine ? Han ! c'est la destinée
     S'il est pas mort de suite en s'mangeant la tannée
     Ti'as vu Roro, comment qu'i s'l'y a monté l'œil ?
     La moitié de ma vie i met l'aute au cercueil !
     En comptant mes deux mienn' et un' qui fait la sieste,
     Y'en a quat' à venger d'sur la moitié qui reste.

     FIFINE
     Qu'est-c' tu te cass' la tête ?

     CHIPETTE
     Oh ! tu m'la cass' à moi !
     Entention qu'la rabbia je m'la pass' pas d'sur toi !
     Comment qu'on perdrait pas, c'est vrai, la carabasse,
     Quand on s'a foudroyé dans un pareil impasse ?
     La mort du criminel, on s'l'attend, on s'la veut,
     Et pis calbette ! on oit qu'on l'aime encore un peu.

     FIFINE
     Après ça qu'il a fait ? Eh ben ! ti'as du courage !

     CHIPETTE
     Ti. C'est pluss que de l'amour, ti'entends, c'est de la rage.
     Qu'est-c' tu veux, c'est comm' ça. Je fais du sentiment.
     En plein le carattère à ma pauve manman !
     Et dans mon coeur, quâ même i me prend la colère,
     je me ois mon Roro qu'i se jongle à mon père ;
     I s'le tourne, i s'Ie trompe, en erriére, en avant,
     Et pis, chtâk : il y colle un parpaing dans les dents !
     On a gagné ! Mais moi, je perds pas la baraque.
     Dans mon coeur en morceaux, la tête i reste intaque ;
     Et le coem, ça fait rien qu'i sont bons les morceaux,
     La colle i peut chauffer, je prends pas le pinceau !

     FIFINE
     Ti'as lancé la poursuite ?

     CHIPETTE
     Ouais, nous s'l'avons lancée.
     C'est drole, après un homme i court sa fiancée ;
     Et qu'est-c' qu'i veut de lui ? Sa tête, et pas sa main !
     Y'a de quoi rigoler quand on réchéflit bien !

SCÈNE IV
CHIPETTE, RORO l'espadrille à la main, FIFINE


     RORO

     RORO
     Alors, sans fatiguer à faire la poursuite,
     Tu m'attrap' à presant : l'affaire elle est finie.

     CHIPETTE
     0 Fifine, où nous somm'et quoi c'est que je ois ?
     Roro dans ma maison ? Rodriguez à chez moi ?

     RORO
     Ti'as raison, ma poupée. Appelle à la poulice ;
     Mâ si je s'rais de toi, y me fais la justice.

     CHIPETTE
     Malheur !

     RORO
     Ecoute un peu !

     CHIPETTE
     Mieux je meurs !

     RORO
     Ti'as le temps !

     FIFINE soutenant CHIPETTE
     Va, laisse-là qu'i meurt.

     RORO
     Non, d'abord i m'entend !
     Après, pour la réponse, i prend ce porte-plume.
     (il tend l'espadrille)

     CHIPETTE
     C'est de l'encre, assassin, que ti'as sur le costume ?

     RORO
     Chipette...

     CHIPETTE
     Va, va, va, lève moi ce souyer,
     Que si ti'aurais du coeur, ti'aurais pu l'essuyer !

     RORO
     Aga-le, aga-le, qu'i te vient la colère
     Pour me frapper dessur et venger à ton père !

     CHIPETTE
     Il est tout plein du sang !

     RORO
     Oh ! là, là, ça va bien !
     A'c un p'tit peu du blanc personne i oit plus rien.

     CHIPETTE
     Si je s'rais un' p'tit mouche, à de bon tu me tues,
     Pourquoi c'est pour l'odeur et c'est pas pour la vue.
     Lève-moi ce souyer, je peux pas le sentir !
     Si t'le remue encor, je crois qu'je vas mourir.

     RORO
     Je fais comm' tu veux toi. Mâ si ti'es t'une amie,
     Tu me lèv' a'c les mains cette pitain de vie.
     Oh ! tu fais pas des necs ! I faut pas qu'tu confonds.
     Je viens pas m'escuser de demander pardon.
     Mon père à moi, michquine, il a reçu le compte.
     La tête à ma famille i trompait *' dans la honte.
     Moi, ce coup de soufflet, ça m'a touché l'honneur.
     Je serche à ton papa, que tous i z'en ont peur ;
     je m'le trouve, on se donne ; et pis, oilà l'affaire.
     Et j'y refais l'aute oeil, s'i serait pas laouère !
     je dis pas que l'amour que je me tiens pour toi
     Elle a pas travaillé contre mon père à moi.
     Tu dis comme elle est forte ! En plein dans la donnade,
     Entre moi je pensais : " Fais gaffe, ô camarade !
     Ou tu perds à Chipette ou tu gardes à l'affront.
     Les calembours, toujours le monde i z'en diront.
     Mieux ça vaut oir venir et garder la pantience. "
     Et l'amour i faisait bon poids dans la balance.
     Mâ si j'aurais laissé la honte en-d'sur mon nom,
     Tu me dis plus bonjour ! Allez, c'est vrai ou non ?
     Je le redis encor et les oss dans la tombe,
     Si Je le redis pas, que le cul i me tombe !
     Ooais, je t'a fait la crasse. A qui la fatue ? A qui ?
     Pourquoi qu'un bandit corse i se prend le maquis ?
     A preusent qu'j'a donné la delcade à ton père,
     I faut qu'c'est toi bessif que tu me prends la colère.
     Le de'oir avant tout ! Toujours Je sors ce mot.
     J'ai fait ça qu'i fallait et je fais ça qu'i faut.

     CHIPETTE
     0 Roto, ça c'est sûr, quâ même que je rage,
     Je peux pas t'en ouloir que ti'as eu du courage.
     Ti'as fait que ton de'oir, tant qu'à ça je dis rien !
     Achpète un peu, bientôt Chipette i fait le sien !
     On s'apprend tous les jours un peu du saoir-vivre.
     Le kilo des tomat', i vaut partout deux livres.
     Çuilà qu'il a raison, je dis qu'il a pas tort.
     Si ti'es du même avis, ça fait qu'on est d'accord.
     Pasque toi ti'as tapé, tu oudrais que je tape ?
     Moi je te cours après et pis toi tu m'attrapes ?
     En rétraite, aujord'hui, ti'as pris mon père à moi.
     En rétraite, à preusent, je veux te prendre à toi !

     RORO
     Alors, à qui ti'attends ? Les gens, pour qu'i répètent: ?
     Ti'as besoin des flambeaux pour me prendre en rétraite ?
     Un peu d'courage, aIIez ! Kss ! kss ! Pense à papa,
     Qu'il a un oeil tout gonfe et que l'aute ioit pas.
     Oilà le gonfleur d'oiel. Vinga ! Don-z'y sa mère !
     Rends-moi les sacs de coups qu'il a mangés ton père.
     je mourirai content si tu m'en rends de trop.

     CHIPETTE
     Va, va-t'en chez Rouby, aussinon chez Porot * !
     Tu m'fais cadeau ta tête et moi je vais m'la prendre !
     Si je t'attaque à toi, ti'as rien qu'à te défendre.
     Soigis-toi l'avocat, n'as pas peur d'en lâcher.
     I te poursuit, Chipette, i veut pas te toucher.

     
     RORO
     De quoi c'est ? Sors la langue ! On dirait un' langouste
     Au pluss i la remue et au pluss je m'enigouste
     0 Chipette, à de bon, pour venger à papa,
     Qu'il est mort Gongormatz, ou bien qu'il est mort pas,
     Ti'as besoin l'avocat, ti'as besoin la justice ?
     Michquinette, avec euss, tu perds le bénéfice !

     
     CHIPETTE
     Quel oeuf, alors çuilà ! Dès, ti'es pas fatigué ?
     Tu t'as vengé tour seul et tu veux m'engréguer ?
     Je fais pas pareil que toi, pourquoi j'ai pas la pète.
     Elle a pas de leçons à rece'oir, Chipette !
     Quand je veux je t'attrape et si c'est pas ce soir,
     C'est demain, après-d'main ou l'aut'jour, assaoir !

     RORO
     Qué combinations, alors, qu'i font les femmes !
     Spliquez-moi ça qu'i z'ont dans les oss de leur âme ?
     On s'affogue à leur père, on s'ensulte à leurs morts,
     Manque i z'ont le courage à vous sortir dihiors !
     Arrégardez-moi-la comment qu'elle est bien sage.
     A de bon, c'est l'amour, aussinon c'est la rage !

     CHIPETTE
     Va, petit assassin !

     RORO
     Dis moi : grand !

     CHIPETTE
     Je peux pas !

     RORO
     Et Ti'as pas peur qu'on fait patati-patata
     Quand on sait que pour moi ti'as perdu la fugure,
     Toi que ti'as pas le droit de me oir en peinture
     L'escandale il est sûr ; ô Chipette, entention !
     Perds à Roro, ma sauve à ta réputation.

     CHIPETTE
     Pour ma réputation, ti'as bien qu'à pas t'en faire.
     Quand le monde i sauront que ti'as tué mon père,
     Que j'a porté d'sur toi la plainte au procureur,
     Quâ même qu'à la mort ti'as resté dans mon coeur,
     N'as pas peur, i oiront comment qu'i sont les femmes.
     Kif-kif Grera Garbo je me tap'la réclame !
     Allez, vogue, atroment l'honneur il est foutu.

     RORO
     Mieux je meurs !

     CHIPETTE
     RORO, lui tendant l'espadrille
     Tape et tu me ois plus !

     CHIPETTE
     Quâ même Azrin i vient, je fais pas la couillonne.
     Pour venger à papa, je m'attends à personne !
     Mâ, pour te rendre à toi les coups qu'il a mangés,
     Je crois pas que j'aurai le cœur à le venger...

     RORO
     0 misère des coqs !

     CHIPETTE
     0 punaise d'affaire!

     RORO
     Qué coup de trafalgar qu'i nous a fait ton père !

     CHIPETTE
     0 Roro, qui l'eût cru ?

     RORO après un temps
     Atso ? comment qu'ti'as dit ?

     CHIPETTE
     Allez ! Causez français : résultat garanti !

     ROROaprès une fausse sortie
     Qui c'est ce Lustrucru ? Tu veux pas me le dire ?
     Adios ! tu m'as tué ! Si je meurs, c'est de rire !

     CHIPETTE
     Si tu meurs à de bon, si ti'es même archi-mort,
     Tu peux crier cent ans, moi je sors pas dihiors.
     Allez, roule ! Et surtout, entention les oitures !
     (Exit RORO)

     FIFINE
     Chipette, allez, va, viens. Si tu ois ta fugure...

     CHIPETTE
     Toi, va t'la pillancoul, pour l'amour du bon Dieu !
     Je me serche un mouchoir pour m'essuyer les yeux.
     (Exit)


DODIÈZE
(Sur Ia place publique)

     DODIÈZE
     Jamais la cassouéla jusqu'au bout on s'la tape.
     L'homme i s'emmène à Rome et i oit pas le pape.
     Toujours, quand on se croit que c'est le bon moment,
     En avant la schkoumoun et les emmerdements !
     je me tiens la popa kik-kif un' contrebasse,
     Et pis zdag ! tout d'un coup oilà la corde i casse !
     Gongormatz le laouère i s'a pris la drobza
     Et manque je peux oir à çuilà qu'i'a fait ça !
     Tout gancho que je suis, serche-le que te serches !
     Ce Roro de malheur, assaoir ousqu'i perche ?
     Pour oir à la Marine, allez ! descends en bas !
     Pis après, monte en haut pour oir à la Casbah !
     P'têt' il est chez Carmen, diocane à madone !
     Que si je le saurais, que tabacca j'y donne !
     A moins qu'il a tombé dessur des falampos...
     Aie, aie, aie ! Ça c'est sûr, i n'en veul' à sa peau !
     Mâ de quoi c'est ? Que ois-je ? " 0 créature étrange ! "
     Ouais, c'estt lui que je ois-je et c'est lui que j'entends-je.
     Grâce à dieu, dieu merci, merci mon dieu, merci
     Que vous m'avez levé ce bon dieu de souci !

SCÈNE VI

DODIÈZE, RORO l'espadrille à la main

     DODIÈZE
     0 Roro, ti'es pas mort ? Qué bont vent qui t'emmène ?

     RORO
     Tchaô !
     (il s'éloigne vers la maison de CHIPETTE)

     DODIÈZE
     Si ça t'fait rien, j'te cause, ou si j'te gêne ?
     Laiss'-moi faire en avance un coup d'respiration
     Pour pou'oir te sortir mes félicitations.
     Ti'as fait gloire et honneur, de ce coup d'espadrille,
     A tous les sparteros qu'y'a eu dans la famille.
     Au pluss je t'arrégare, au plus, je le crois pas
     Que ce petit bâtard, c'est le fils à papa
     Et que, s'il a besoin des leçons d'poulitesse,
     Ce bâton d'poulailler c'est mon bâton d'vieillesse !
     Touche à ces cheveux blancs que tu leur as lavé
     L'affront qu'i leur a fait, par erreur, un cavé !
     Viens oir si y'a la bosse encore à la mêm' place,
     Et rends-moi mon souyer; qu'j'a le pied comm'la glace !

     RORO lui rendant son espadrille
     Méteurnant qu'j'l'a rendu, je peux m'laver les mains ?
     (geste à la Ponce Pilate)
     Y'a plus rien à laver ? C'est bien sûr et certain ?
     Alors n's'allons laver son ling' sale en famille.
     La langue i me chatouille et le coeur i m'fourmille.
     Moi, ça m'a fait plaisir d'vous fair' plaisir à vous.
     J'vas m'fair' plaisir à moi, comm'ça y'a pas d'jaloux !
     Un pneu gonflé de trop, force à force il éclate.
     Vos discours i me font la têt' comm' un' tomate !
     C'est pas qu'je me repens de vous l'aoir donné,
     Mâ de ce coup de main je suis bien couillonné !
     Ce bras, i perd Chipette en vengeant à son père.
     je reste un' main devant et pis un' main derrière
     (DODIEZE veut parler)
     Oh ! là, là ! y'en a marre, en parlant par respect.
     On est quitt' moi et toi ? Tourn' la page, s.v.p. !

     DODIÈZE
     Va, va, tu peux marcher de partout la têt' haute !
     Tout le monde i pourront te léver la calote.
     Tu m'a rendu l'honneur, que c'est pir' que le flouss,
     Et tu vas m'empêcher que j'le raconte à tous ?
     De quoi c'est, ce lion qu'i vient fou pour des poules ?
     Une i part ? Y'en a dix à côté, va fangoule !
     L'amour, c'est à de rire, et l'honneur, à de bon !

     RORO, rêveur
     Qui c'est qu'il a dit ça ?

     DODIÈZE, sévère, mais juste
     C'est papa grand couillon !

     RORO scandalisé
     Pour vous sauver l'honneur, moi j'me perds un p'tit ange,
     Et comm' ça vous causez ? Bizarre autant qu'étrange !
     La honte à la fugure i me monte en c'moment.
     je me mang' le fourrage et mon père, final'ment...
     Me faisez pas monter la honte à la fugure !
     Pour la fidélité, c'est juré, ça j'le jure !
     Quâ même i vient Azrin me tirer par les pieds,
     Que ça serait ouallou pour casser les papiers ;
     Et pisque ni je prends, ni je laisse à Chipette,
     Ça qu'i me reste à faire, il est là, dans ma tête !

     DODIÈZE
     0 Roro, l'atchidente ! écoute à ton papa
     Ça qu'i te reste à faire, il est là, dans ton bras.
     Fernand, c'est un ami ? Demain, faut qu'i repasse.
     Mâ Lopez, pour l'aoir, i risque un coup de classe.
     I mont' la concurrence, i fait voter les morts !
     (Retentit la sirène d'un navire)
     Ti'entrnds, le taffarel ? Y'en a deux mille à bord !
     Au cimitièr' de Bône en gros i s'les achète.
     Ce soir, vers les minuit, i s'les sort d'la cachette,
     L'hasard il a oulu qu'après mon coup d'soufflet
     " N'as pas peur, i m'ont dit. Gongormatz, on s'l'arrange ! "
     " Merci, j'a dit, mon fils, à tout seul i me venge. "
     Ti'as fait ça qu'i fallait. Ça qu'i faut méteunant
     C'est qu'tu march' avec euss pour la cause à Fernand.
     Cours vite à la maison, ces mecieux i t'attendent.
     En haut les coeurs, diocane et pis, en bas le port !
     Qu'est-c' tu pens' à mourir ? Va sarracquer les morts !
A SUIVRE


VOYAGE
Par M. Bernard Donville
                Chers amis,

            Nous allons changer complètement de sujet pour revenir sur une période que nous n'avons pas connue, celle des HIVERNEURS avec le N°1.
            Ce dont je vais vous conter pendant de longues semaines résulte d'une conférence commune avec le Docteur Georges Duboucher, grand amateur de cartes postales de l'Algérie de préférence anciennes.
            Nous avions centré notre exposé sur la période du début du XXeme siècle favorite des touristes européens qui en période fraiche de l'hiver avaient jeté leur dévolu sur notre région ( surtout l'algérois, la côte et le sud) bien avant de favoriser les piémonts pyrénéens (Pau) ou la Côte d'Azur.
            Nous allons donc pendant un certain temps nous mettre à leur place et parcourir notre pays à l'époque de son attrait maximum.
            J'espère que vous ne m'abandonnerez pas en route et y prendrez beaucoup de plaisir.

            Avec le N°2, Monsieur Dubouville commence sa visite touristique par la ville d'Alger déjà en plein boum (1910).
            Algérois vous allez retrouver beaucoup de coins qui devraient vous rester chers mais avec un petit air de vieillot. On passera Dans le centre par la grande Poste,la rue de Constantine,le square Bresson, la place du Gouvernement jusqu'au lycée "Bugeaud".
            Belle balade de souvenirs ou de découverte pour les non algérois.

            Bonnes lectures.
            Amitiés, Bernard
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1 - Hiverneurs

2 - En ville

A SUIVRE



BOULOPHOBIE

De Jacques Grieu

COSSARDISATION

"Le travail: un trésor" ! affirmaient bien des gens.
"L'enfer, c'est le chômage", entendait-on souvent.
"L'oisiveté n'est pas si aisée qu'on le dit:
Et la peur de l'ennui très souvent l'interdit ".
Autant que le travail elle exige vertus ;
Se tuer au travail est un bien meilleur but.
"Le travail nourrit l'homme est dicton des anciens.
"Le travail vaut santé , disaient les médecins.
Toute course à l'emploi était sport intrépide ;
PDG, DRH, en étaient les caïds,
Croulants sous les CV , les demandes et les pleurs.
C'était avec pitié qu'on traitait les chômeurs...

C'est bien ce qu'on voyait jusqu'à ces derniers temps,
Jusqu'à ce qu'un virus calme ce mouvement.
Les méfaits " covidiens " et leur confinement
Sont venu retouner tous ces beaux arguments :
Car il faut bien le dire : personne maintenant,
Ne cherche à travailler. C'est bien trop fatigant !
Le travail a soudain perdu tous ses attraits
Et le goût de l'effort, son aura, ses bienfaits.
On rêve de vacances et grasses matinées.
Les jeunes ont la passion… de leurs taies d'oreiller.
N'aimer pas son travail est courant alentour ;
Et comment espérer qu'aux autres, il plaise un jour ?

Entre travail manuel et le télétravail,
Il n'y a pas beaucoup de points communs qui vaillent…
Penseurs et philosophes étudient la question,
Citant Marx et Le Pen, Mélenchon et Platon.
Qui donc au restaurant apportera leurs plats ?
Videra leurs poubelles ou bien les coiffera ?
La fin des garagistes, bouchers et boulangers ?
Des maçons, charpentiers, peut-être des pompiers !
Semaine à quatre jours, trente heures et RTT :
C'est la révolution ; plus jamais de corvées !
D'ailleurs, écrire en vers me paraît épuisant.
Je pose là ma plume, et m'endors doucement…

Jacques Grieu                  




AFRIQUE SEPTENTRIONALE.
Gallica : Revue de l'Orient 1849-2 pages 99 à 102
PRATIQUES SUPERSTITIEUSES DES MAURES, DES ARABES ET DES JUIFS.

Sacrifices aux sources.

         Les Maures et les Juifs attribuent également la plupart de leurs maladies à des génies malfaisants, djenoun (les génies), qu'ils supposent habiter les sources des montagnes ou les rivages de la mer. Ils cherchent à les apaiser et à se les rendre favorables en leur immolant des victimes. Au pied de l'Atlas et le long de la Méditerranée, ces traditions se sont également perpétuées. A Alger, a pu en faire la remarque qui a voulu.
         Ces autels en plein air ont leurs prêtres, comme ceux du vrai Dieu, seulement, ce ne sont pas les malades eux-mêmes, mais bien des nègres qui les desservent. Nommés par le chef de la nation, ils sont toujours au nombre de sept, et dès que l'un vient à mourir, il est de suite pourvu à son remplacement. Un grand sacrificateur est choisi parmi eux, et les sacrificateurs lui témoignent, en toutes circonstances, une vénération profonde.

         Aux sacrificateurs ordinaires, sont adjointes deux ou trois négresses. Ces femmes ou prêtresses sont préposées à la garde des sources, autour desquelles elles placent et allument des cierges.
         Avant d'être immolée, la victime doit être purifiée. On l'immerge d'abord (Dans la mer, lorsque la source en est voisine.) ; puis, pendant la durée des sacrifices, on la parfume, elle et les sources, avec de l'encens et divers aromates, qu'on brûle ensuite sur des réchauds. Chaque prêtresse est armée du sien.

         Quand les victimes sont des quadrupèdes, des chèvres, des moutons, etc., on les soumet à des onctions d'huile et de feuille de henné (Lawsonia inermis. La plante est broyée dans l'huile, ce qui pro-duit une matière d'un jaune brunâtre. C'est la même dont se servent les indigènes pour se teindre les ongles et les cheveux.) Ces onctions, qui s'appliquent sous la forme de raies, sont au nombre de trois principales : la première s'étend de la tête, à partir du museau jusqu'à l'extrémité de la queue; la seconde, d'une épaule à l'autre, jusqu'au bas des membres, et de manière à former une croix avec la première; la troisième, d'une hanche à l'autre, jusqu'aux pieds. Après les onctions, on administre à l'animal une préparation blanchâtre, qui parait être de la crème ou du lait caillé.

         Si les victimes, au contraire, sont des volatiles, avant de les immoler, on les promène plusieurs fois autour de la tête des patients. A peine ont-ils cessé de vivre, que les assistants se hâtent d'en détacher les plumes, de les faire voltiger sur les sources, et les femmes ne manquent même pas d'en emporter une certaine quantité pour les convertir en amulettes.

         Ces premières cérémonies terminées, le sacrificateur tourné vers l'orient, auquel il présente le tranchant du couteau sacré, appuie le pied gauche sur le corps de la victime; puis il en assujettit la gorge de la même main et la lui coupe de l'autre. Le coup porté, les quadrupèdes meurent toujours sur place. Les volatiles, au contraire, sautent encore plus ou moins, et lorsque, par hasard, ils plongent dans la mer, on en tire un heureux augure.
         Les victimes sont fournies aux sacrificateurs par les malades, ou, en leur nom, par d'autres personnes, ordinairement par des parents. Lorsque le malade est lui-même présent, le sacrificateur le marque avec le pouce du sang de la victime, si la maladie est générale, et sur les parties souffrantes, si elle n'est que locale.

         Les animaux immolés sont repris par les malades, qui les mangent eux et les leurs. Il ne reste sur la place que les extrémités que, depuis notre occupation, quelques femmes européennes viennent ramasser après la cérémonie.
         Les prêtresses entretiennent la lumière des cierges qui brûlent autour des sources, qu'elles parfument de temps à autre, en passant à la surface de l'eau les réchauds d'où se dégagent les aromates qui servent à purifier les victimes. On voit des malades boire de cette eau et s'en frotter différentes parties du corps, d'autres en recueillir dans des vases pour en faire ailleurs le même usage. Communément, dans l'intérieur des familles, on en boit pendant trois jours, en même temps qu'on s'en sert pour les ablutions.

         Enfin, avant de se séparer, les sacrificateurs se rassemblent autour de leur chef, et récitent en commun une prière à laquelle les malades prennent mentalement part; après, les uns et les autres se baisent réciproquement les mains et se retirent.
         Les sacrifices commencent tous les mercredis au lever du soleil, et se prolongent jusqu'à midi et même au-delà. Leur durée se règle sur la quantité des victimes à immoler. C'est du moins ainsi qu'ils ont lieu prés de l'hôpital de la Salpetrière, à Alger, au pied d'un rocher schisteux d'où s'échappent plusieurs petites sources. Les sacrificateurs y précèdent toujours les malades, et ils les expédient dans l'ordre de leur arrivée. Le tribut qu'ils exigent pour chaque victime varie de deux à dix sous de notre monnaie. L'affluence des assistants n'est pas toujours la même, mais elle est quelquefois si considérable qu'il peine les prêtres peuvent-ils y suffire (Il n'est pas rare que le nombre des victimes immolées dépasse deux ou trois cents.). Mais, lorsque des intervalles plus ou moins longs s'écoulent entre l'arrivée des uns et des autres, les sacrificateurs s'assoyent sur le rocher, s'étendent sur le rivage, et, en tournant leurs regards vers la ville, se plaignent et de l'indifférence des fidèles et de leur mauvaise journée.

         Voici la prière que récitent ordinairement les assistants :
         " 0 Sidi-Slimân, vous qui avez sans cesse pitié des fidèles serviteurs de Dieu!
         You, you, you (cris de joie) !
         O Sidi-Ben-Abbas Essebti, vous qui êtes le vrai roi de la terre et de la mer !
         You, you, you !
         Ayez compassion de moi, malheureuse créature ; je viens me placer sous votre protection ; faites que ma guérison soit prompte, et ma reconnaissance sera aussi éternelle que votre renommée !
         You, you, you ! "


         Pendant tout le temps que s'accomplissent ces bizarres pratiques, Juifs, Maures, Arabes, nègres, sont paisiblement côte à côte. Point de dissentiments, point de troubles ; c'est le même recueillement qu'en un lieu saint. En religion, les hommes différent ; en superstition il y a confraternité générale. Le matelot à son bord, le soldat dans les camps, chacun a les siennes. Partout des erreurs, et en changeant de ciel, on ne fait 'souvent que changer de rêve.
GENTY DE BUSSY

        


ALGER ETUDIANT
N° 135, 7 mars 1932
Source Gallica
LE GRAND FERNAND

              C'est par un' sombre nuit d'hiver
              Qu'il fut trouvé le ventre ouvert
              D'un' plaie mortelle
              Et d'puis c'temps-là le pauv' garçon
              N'peut plus supporter les can'çons
              Ni les bretelles.

             On l'transporta chez un potard
              Mais comme il était un peu tard
              L'apothicaire
              Croyant son mal sans gravité
              Lui fit un onguent bismuthé
              Pour l'urticaire.

             C'est d'puis c'temps-là qu'en tout' saison
              Il éprouv' des démangeaisons
              Intolérables.
              N'me parlez pas des pharmaciens
              C'est des cocus, ces paroissiens,
              Des misérables...

             Ainsi mourut assassiné
              Un soir qu'il sortait, du ciné
              C'est dégueulassé,
              Le grand Fernand qu'est au tombeau
              Et qu'on app'lait l'roi des barbeaux
              De Montparnasse.
Edmond BRUA.

LE COSTAUD RICO DE COSTA-RICA

             Il était fils d'un sénateur
              Et d'un' pâle prostituée,
              En prenant l'tram ell' fut tuée
              Par un détective amateur.
              Elle aurait pu et' sénatrice
              Et s'épargner tous ces tracas,
              On le r'trouva dans la motrice
              Vivant mais frêle et délicat
              Le costaud Rico de Costa-Rica.

             Il resta toujours maladif
              Avec un' pauv' petite figure
              Et la nuit pour s'offrir des cures
              Il vadrouillait sur les fortifs.
              Un matin d'vant la guillotine
              Frissonnant d'peur on l'débarqua
              Il s'rait p't-êt' parti d'la poitrine
              C'est qu'il était si délicat...
              Le costaud Rico de Costa-Rica.
Edmond BRUA.



LE MOUNADJEL
Envoyé par M. Georges Barbara
( Mounadjel,,,, O Munacciello,,,, Lutin, Esprit, Revenant Fantôme ?)
OU QUAND LA LEGENDE REJOINT LA RÉALITÉ !

            Le parler Bonois était bien souvent, dans les foyers qui avaient un ancêtre issus des régions de Naples ou de Sicile, un mélange du Français avec des mots Napoliains, Siciliens et Arabes quelques fois !
            Si nôtre vocabulaire, ô combien coloré, ne manquait pas de surprises, reconnaissons au passage que les transformations de syntaxes étaient - monnaie courante. - Mais toute langue n'est-elle pas un mélange de mots venus d'ailleurs ?
            On parlait chez nous il est vrai, plus avec sa gueule qu'avec ses connaissances littéraires. Les différentes ethnies venues lors de la création de notre ville, avaient dans leurs bagages un vocabulaire riche en couleurs, le seul héritage que nous cultivons çà et là dans notre jardin aux souvenirs ! Cela étant dit, je vais essayer de remonter aux sources, d'un des mots qui se pratiquait couramment dans notre vie de tous les jours, et qui a marqué pour beaucoup, notre prime enfance.

            " O MONACCIELLO !" Prononcez Mounadjel ou petit moine, était un mot Napolitain employé couramment par les grands mères Bonoises pour imager " le Babaou, les Esprits, les Revenants, ou les Sorcières et Fantômes de tous poils ! " Ah ! Combien la peur du Mounadjel n'a-t-elle pas accompagné notre jeunesse !....
            Dans ces entrées de couloirs d'immeubles sombres à souhaits, dans la pénombre des petites ruelles mal éclairées, que l'on empruntait pour rentrer le soir après une séance de cinéma, etc etc. Partout et toujours planait la présence du " Mounadjel ". Son pouvoir s'est surtout exercé sur moi, autant que je m'en souvienne, lors de ces après-midi voués à la sieste, quand l'enfant turbulent que j'étais, entendait encore et encore cette phrase inoubliable venue de l'au delà, lancée à la volée par mes parents : " Enttention, reste tranquille et dors, atroment le Mounadjel y va venir ! " Et le trouillomètre à zéro, je retrouvais un calme passager bien sur, par crainte de voir apparaître cette chose maléfique, indéfinissable aux contours imprécis, sortie directement de la lointaine mythologie Napolitaine.

            LE MOUNADJEL ! - O Monacciello !
            Que de légendes ne t'attribue-t-on pas ! De combien d'images fortes n'as-tu pas été affublé ! A ma connaissance, les Napolitains ont toujours eu plusieurs versions au sujet de ton personnage légendaire, si jamais tu as existé bien sûr ! Pour ma part ! Je crois dur comme fer que tu n'étais pas un mythe, et je pense que ta personne a bien été réelle car elle a marqué dit-on, de son sceau, toute la période du règne du puissant Roi de Naples. Tous les Napolitains connaissent cette figure qui est la plus crainte et aimée de la table exotérique. La première légende tient en quelques lignes : Selon les uns : " O MONACCIELLO " aurait été un imprévisible petit fantôme qui se montrait sous la forme d'un vieil enfant, avec un froc comme celui des orphelins dans les couvents. Selon la tradition, c'était le surnom par lequel était appelé un orphelin dans une période entre la première et la deuxième Renaissance, né d'un malheureux amour et mort jeune dans le mystère.

            Son fantôme errait par les rues en laissant des monnaies sur le lieu de son apparition. Selon les autres : tu étais un petit lutin pas plus haut que trois pommes, poupin, joufflu, rougeaud, dodu, bedonnant sur pattes, triple menton, gros nez rouge et retroussé, glabre , bouche en tirelire et réjouie , œil vif mais cerné, chauve, voilà à quoi ressemblait notre MONACCIELLO ! Vêtements ?: Froc et capuchon de moine tout rouge, de même que les sandales et le chapeau rond et plat d'évêque qu'il porte les jours de pluie. Il leur arrive de " squatter " de jolies et anciennes demeures où ils mènent un tel tapage que plus personne n'ose venir les habiter. Mais ils sont obligés de rester trois cents jours par an auprès des trésors dans les cavernes et les grottes. Les soixante-cinq jours restants, ils envahissent toute l'Italie, la Grèce, la Sicile, et bien entendu.....Bône.

            Le Monacciello est gourmand, se gave de Polenta à la viande, aime le vin et les liqueurs, méprise les pâtes et anémiques légumes. Le Monacciello ou Manchetto Napolitain, le Mamucca Sicilien, le Monaciccio Calabrais n'ont vraiment de moine que l'habit ; Ce sont tous de fameux sacripants, voleurs, espiègles, pinceurs de fesses, terreurs des couvents des religieuses qu'ils harcèlent dès le matin pendant leurs prières, et surtout la nuit.... ! Ils gardent mal les trésors des Nains et des Fées. Ils surveillent les magots que les morts ont laissés derrière eux. Mais pour ce qui est une légende beaucoup plus crédible à mes yeux, entendue lors d'une émission sur Radio Monte-Carlo, c'est celle qui va faire se délecter en passant mes amis Bônois, ces personnages très friands de légendes et de contes qui jaillissaient chez nous de la bouche de nos grands-pères, assis sur leur chaise devant les pas de portes, par ces belles soirées d'été.

            Du temps du Roi de Naples donc, la grande ville italienne qui couvait en son écrin ce merveilleux golfe méditerranéen, souffrait d'un manque évident d'eau potable. Seules les riches demeures en étaient pourvues, et pour cause : les eaux souterraines qui parcouraient les sous-sol de la ville desservaient par d'astucieux canaux, les hôtels particuliers et les riches demeures de cette grande citée. Ces réseaux de canaux, très étroits en l'occurrence, débouchaient par endroit dans des réserves faites de briques et d'argile, accessibles aux gens de maison uniquement par un escalier de fer. Situés sous les grandes cuisines des demeures de l'Aristocratie Napolitaine, ces canaux, s'ils alimentaient convenablement et suffisamment les privilégiés de cette grande cité méridionale, avaient un gros défaut, à savoir : leurs dimensions très réduites ne pouvant laisser passer pour leur entretient qu'une personne de petite taille. Cette délicate opération avait été confiée, pour plus de sûreté, par le Régent de la ville au Clergé local qui, à cette occasion, récoltait moult deniers pour son diocèse.

            Le Clergé avait trouvé parmi ses serviteurs de Dieu, un moine de taille au dessous de la moyenne, pratiquement un nabot, qui assumait avec zèle cette lourde tâche. Et seul, il curetait du matin au soir ce réseau de distribution d'eau potable avec amour et passion ! Tout au long de l'année, notre petit moine - o Monacciello - , s'adonnait à ce travail, ô combien fastidieux, mais sommes toutes assez lucratif comme vous pouvez le deviner : on ne faisait rien pour rien en ce temps là ! Ces canaux, qui possédaient donc une ouverture dans chaque cuisine de ces belles villas Napolitaines, avaient attisé la curiosité de notre moine. Filou comme personne, il profitait de l'absence des maîtres des lieux, pour s'introduire dans les demeures et passer en revue les somptueux salons et salles d'armes qui s'offraient à ses yeux, ce qui à l'occasion, le conduisait à " s'attarder " sur les objets rares, les menues monnaies et les bijoux qui traînaient çà et là. Son butin en poche, il disparaissait et reprenait son travail avec ardeur, d'autant que la journée avait été bonne. Et ainsi de suite, demeures après demeures, les curetages dans tous les sens du mot, étaient pratiqués par notre Monacciello.
            Ces " disparitions " inexpliquées, ne laissaient pas indifférents les propriétaires des lieux à leur retour ; mais malgré les plaintes déposées auprès des Gens d'Armes de l'époque, les objets d'art et les bijoux ne faisaient plus jamais surface. Alors, en désespoir de cause mais sans en avoir la preuve, on prenait par habitude, dés que quelque chose était égarée ou disparaissait de dire : " C'est sûrement le Monacciello."

            Pour terminer, je voudrais vous conter une petite histoire que j'ai vécue, lors de la savoureuse période Bônoise de ma vie : Ayant été invité par un oncle à aller " faire " des crabes pour la pêche, au Lever de l'Aurore en bas du cimetière Arabe par une nuit sans lune, avec comme seul éclairage une vieille lampe à carbure, je me suis retrouvé en sa compagnie et celle d'un arrosoir, après avoir crapahuté dans les rochers qui surplombaient la plage. Là, la récolte de crabes effectuée, nous avions repris le chemin du retour, pour rejoindre notre 4 CV stationnée au bas de ce fameux cimetière Arabe lampe à carbure en main. Mais arrivés à une cinquantaine de mètres de notre véhicule, ce sacré Oncle Vincent, étouffa la flamme de cette antique lampe, et plongés alors dans le noir le plus absolu, il se mis à crier à haute voix:" SAUVONS NOUS, VOILA le MONACCIELLO " !! Et jambes à notre cou, nous nous sommes retrouvés, en deux temps trois mouvements, contre cette 4 cv qui n'en demandait pas tant, le cœur battant mais avec un fou rire de circonstance. Un fou rire comme seuls peuvent en avoir les Bônois quand ils ont, par une nuit sans lune, " o Monacciello aux trousses " ! Et oui, il ne nous fallait pas grand chose pour être heureux en ces temps là, Mes Amis Bônois !

            Alors O MONACCIELLO : Revenant, Esprit, Babaou, Fantôme ou je ne sais quoi encore, pour moi tu resteras, quand je prononce ton nom, ce joyeux petit Lutin qui me rappelle " LE WAY OF LIFE ", " Mode de Vie " de cette ville qui m'a forgé. N'est-ce pas là l'essentiel ?

Georges Barbara, Août 2022


Tirailleur Algérien,
N°2 du 27/08/1899

Source Gallica
Le Miracle de Sidi-Belmehel

            Le vieux Kaddour ben Ali était immensément riche, mais néanmoins il s'estimait le plus malheureux des hommes. Allah ne lui avait pas donné d'enfant qui pût hériter de ses grands biens.
            Certes, si Kaddour n'avait pas goûté les joies ne la paternité, ce n'était pas faute d'avoir employé les moyens usités en pareil cas. Il avait successivement épousé et répudié douze femmes ; il avait abondamment labouré et semé ; mais. hèlas la semence n'avait pas germé.
            A l'âge de 70 ans, voulant tenter un dernier coup, et n'étant nullement superstitieux, il chercha une treizième épouse. Or, il y avait précisément dans le douar voisin une jeune fille appelée Nedjema, belle comme les étoiles dont elle portait le nom, car Nedjema veut dire étoile.
            Elle était fiancée à Lounis, fils du caïd ; mais le vieux Kaddour l'obtint de son père moyennant une surenchère de mille douros.
            Chez les Arabes, en effet, les jeunes filles ne se marient pas selon leur cœur. La pauvre Nedjema dut donc obéir à son grigou de père et suivre sous la tente le vieux décrépit que le sort lui donnait pour mari. Je vous laisse à penser combien fut grand son désespoir et celui de Lounis.

            Une année se passa et rien n'annonçait encore l'héritier tant attendu.
            Le pauvre mari était désolé et pensait bien que tout espoir était perdu, lorsque Nedjema, à la suite d'un entretien mystérieux avec Kredidja, une de ses vieilles servantes qui jouent dans les douars un rôle bizarre, vint le trouver et lui dit en baissant pudiquement les yeux :
            - " Maître, si vous n'avez pas d'enfants ce n'est pas de votre faute, car vous êtes encore jeune, malgré votre âge. C'est votre épouse qui n'est pas bénie d'Allah.
            Pourquoi ne me laisserez-vous pas invoquer le puissant marabout Sidi Belmehel, dont la Koubba s'élève au sommet de cette colline.
            Vous savez que ce grand saint a la réputation de rendre fécondes les femmes stériles qui vont le prier à la nuit close ; il daignera peut-être faire un miracle "...

            Tu as raison, répondit le vieux Kaddour, agréablement flatté de voir sa femme le trouver encore jeune. Vas invoquer le marabout, notre servante Kredidja t'accompagnera.
            A partir de ce jour, Nedjema se rendit tous les soirs à la Koubba de Sidi-Belmehel. L'ardeur qu'elle mettait à accomplir son pèlerinage dénotait la force de sa dévotion et le désir qu'elle avait de devenir mère.
            Son oraison se prolongeait longtemps. Elle revenait quelque peu chiffonnée, mais d'humeur si joyeuse que son mari voyait là un effet déjà sensible de la grâce déjà opérante du marabout.

            Un jour le vieux Kaddour trouvant que sa femme s'attardait un peu plus que d'habitude, fut pris d'une vague inquiétude et partit à sa rencontre.
            En approchant de la Koubba, il entendit des sons qui le rassurèrent. C'était Nedjema qui, dans l'intérieur de l'édicule, poussait de tendres soupirs entremêlés d'invocations : " Allah !... Allah !... ia Rabbi ! "...
            Comme elle prie avec ferveur, pensa Kaddour.
            Et, emporté par t'attendrissement, il se pencha pour voir dans l'intérieur de la Koubba.
            Dieu ! quel spectacle. .
            Il aperçut Nedjema couchée sur la natte, dans les bras de Lounis, qui l'aidait efficacement à obtenir du saint marabout la grâce d'avoir un fils.
Said.


Fiction ou prémonition ?
par M. Robert Charles PUIG.
Envoyé par Mme N. Marquet

         Depuis la station spatiale tournant autour de Mars, l'ingénieur cosmonaute observait la planète terre et plus précisément cette partie européenne entre l'Atlantique et la Méditerranée, principalement la France, l'Allemagne et l'Espagne, ces pays qui contrairement aux pays nordiques ou au sud, l'Italie et la Grèce, alliées aux pays de l'Est avaient tous fait sécession hors l'U.E., pour conserver une liberté démocratique, occidentale et chrétienne. Ces nations étaient imperméables au flux migratoire du sud contrairement à la zone des FAE (France, Allemagne, Espagne)

         Depuis son observatoire dans le lointain des cieux, le contrôleur coupa les images de ce monde nouveau et appuya sur une autre touche pour faire apparaître les informations concernant l'évolution du monde dont les premières erreurs remontaient en France à l'année 1968, l'année où la liberté de faire n'importe quoi s'imposa. Bien entendu le pire se développa à partir de 2017 et des années suivantes. Il est vrai que l'enfant-président qui dirigeait le pays, à travers ses "ni-ni" ou ses "en même temps" désorientait les esprits les plus intelligents du pays. Une sorte de fronde sans grande influence sur le destin du pays à cause de trop d'égoïsme, ou de prétentions individuelles.

         Ce qui caractérisait les changements subis par ces pays, c'était l'évolution inattendue quasi-innocente de gouvernements conquis, acquis en quelques années au progressisme destructeur du patriotisme. La France par exemple devenait plus orientale qu'occidentale et les autochtones en perdaient leur latin depuis que l'arabe était imposé dans les écoles. Les nouvelles populations prenaient le pouvoir au fil des ans et transformaient les peuples locaux en peuples soumis.

         Pourquoi ce changement interrogeait le cosmonaute. La réponse était dans son ordinateur. Au XXIème siècle le monde avait brusquement évolué en donnant une place de plus en plus importante aux migrants du sud en rejetant la culture européenne pour le multi racisme, la mixité obligatoire et la prison pour les contestataires nationaux. Cette évolution offrait à l'individu le goût de la liberté dans tous ses états et principalement la liberté du corps en prônant le genre et la fin des sexes différents. Il est vrai que la médecine, la chirurgie aidaient ces changements physiques du corps des seins au nez, aux lèvres ou au sexe même mais aussi à l'esprit à travers le woke importait des USA. C'était pour tous, la mise en place de cette individualité égoïste, cette personnalisation de l'ego qui faisait fi de l'esprit de groupe, de l'Agora où se discutait le présent et le futur.

         C'était l'égocentrisme ; l'amour de soi contre l'altruisme, l'indépendance contre la solidarité. Tout était sujet à contestation lorsque l'on appartenait au monde occidental jugé fautif de ses conquêtes anciennes et responsables des populations africaines ou orientales qui n'avaient pas su prendre le train de la modernité. Il fallait payait et la gauche progressiste avec une certaine fausse droite, rentraient dans ce piège progressiste, anti conservateur et écologique qui devenait le grand thème d'une loi imposée. Il fallait plier, s'incliner, se soumettre et même plus stopper les naissances d'Occident pour laisser sa place à l'Orient. De ce fait, entre la liberté des corps et l'égoïsme des esprits, la pilule pour les femmes, l'avortement autorisé, le monde occidental dont la France perdait une partie de sa population au profit des étrangers dans le pays.

         Ce n'était pas suffisant pour éliminer l'Occident. Pour augmenter la possibilité de chacun à vivre jusqu'au bout de sa vie son égoïsme, l'euthanasie se présenta comme une règle fondamentale de l'élimination de la population de ce monde déjanté et le suicide "assisté" fut légalisé. Ainsi pensa le cosmonaute, je comprends mieux la fin de ce monde européen. L'Occident s'autodétruisait et laissait la place libre à l'étranger. Il se rappela comment la France et son gouvernement d'une époque lointaine, n'ayant pas la volonté et le courage de renvoyer les migrants débarqués en force dans le pays ne trouvèrent comme solution de les garder et d'ouvrir les zones rurales, les campagnes désertées par les autochtones aux migrants salafistes, sans conditions. C'est ainsi que les villages, les villes, les mairies, les départements, puis l'Assemblée nationale et le Sénat devinrent des lieux où l'islam fut roi et le vieux peuple français son valet.  
       
Petit conte de l'an 2050.
R.C. PUIG.
       


LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 

NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Cyclisme/ Coupe d'Algérie VTT en XCO

Envoyé par Jérome
https://www.lesoirdalgerie.com/flash/ la-4eme-manche-samedi-prochain-a-annaba-9945


LESOIRDALGERIE.COM - 21-09-2022, APS

La 4eme manche samedi prochain à Annaba

         Les épreuves de la 4eme manche de Coupe d'Algérie VTT en XCO auront lieu samedi prochain au centre équestre d'Aïn Achir à Annaba, a-t-on appris mercredi des organisateurs.

         Cette manifestation sportive, organisée par Cyclo-Bône Club d'Annaba de cyclisme en collaboration avec la fédération algérienne de cyclisme, verra la participation de plus de 70 vététistes représentant plusieurs clubs issus de 16 wilayas du pays dans les catégories, cadets, juniors et seniors.

         Cette course cycliste de cross-country olympique se déroulera sur un circuit fermé de 5 kilomètres. Un parcours plus exigeant et technique avec des cols rocheux et secs. "Tous les ingrédients seront réunis pour faire de ce trophée de Dame coupe une grande réussite", a-t-on souligné.

         Le programme prévoit le déroulement des épreuves VTT XCO. Les cadets et seniors dames devront parcourir 3 fois la boucle de 5km, les juniors 4 fois et les seniors en 5 tours.

         Cette compétition de la Coupe VTT XCO est composée de cinq manches dont la cinquième et dernière aura lieu fin octobre dans la forêt de Baïnem (Alger).
APS           


Souk Ahras

Envoyé par Elodie
https://www.lesoirdalgerie.com/flash/ colloque-international-sur-saint-augustin-les-1er-et-2-octobre-10010


LESOIRDALGERIE.COM - 25-09-2022

Colloque international sur Saint Augustin les 1er et 2 octobre

         Un colloque international sur Saint Augustin se tiendra les 1er et 2 octobre prochain à Souk Ahras sous le thème "saint Augustin de Thagaste à l’universalité", a indiqué dimanche le coordonnateur de la rencontre.

         La première édition de cette rencontre, placée sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts, est organisée à l’initiative de la fondation allemande Konrad-Adenauer (bureau d’Algérie) en coordination avec la faculté des sciences sociales et humaines de l’université Mohamed-Chérif-Messaadia et la wilaya de Souk Ahras, vise à faire connaitre les œuvres de cette figure sur les plans intellectuel et philosophique et leur impact sur la pensée universelle, a déclaré à l’APS le coordinateur du colloque Faouzi Bendridi.

         La rencontre qui se tiendra à la maison de la culture Tahar-Ouettar regroupera des spécialistes de la pensée augustinienne d’Algérie, de l’Autriche, de l’Allemagne et de la France, en présence du secrétaire général du Haut conseil islamique, Dr. Bouzid Boumediene.

         Seront débattus au cours du colloque plusieurs thèmes relatifs à "le parcours et les œuvres de Saint Augustin", "l’évolution du savoir à l’Est de la Numidie antique", " l’histoire scientifique et culturelle de l’Est algérien notamment Thagaste et Bône", "les relations économiques et commerciales entre l’Afrique du Nord et Rome" et "l’évolution de la pensée augustinienne vers le dialogue interculturel anticipant les notions de cohabitation et de citoyenneté".

         Selon Bendridi, la première journée de la rencontre verra la présentation de plusieurs communications dont celles du Dr Ouiza Kelaz intitulée "préambule et notions", celle du Dr. Abdelkarim Khizaoui sur "l’histoire et la philosophie chez Augustin" et celle intitulée "Augustin, du philosophe africain à l’universalité".

         Yacine Khedhairia présentera une intervention sur "la paix et tolérance dans la pensée d’Augustin" tandis que Laurent Bercher interviendra sur le thème de "Souk Ahras, ville antique".

         Les participants au colloque seront à l’occasion invités à visiter plusieurs monuments historiques de la wilaya dont l’olivier de Saint Augustin au centre-ville de Souk Ahras et le site archéologique de Madaure en plus de l’organisation d’une exposition sur l’artisanat traditionnel à l’initiative des deux directions de la culture et des arts et du tourisme et de l’artisanat.(APS)
          


Changement climatique

Envoyé par Denis
http://lestrepublicain.com/index.php/regions/item/ 9036711-le-prix-du-miel-a-double-a-mila

lestrepublicain.com - Par Kamel B. 19 Sep 2022

Le prix du miel a doublé à Mila

          Les conditions climatiques particulières qui sévissent depuis le printemps ont eu un impact désastreux sur l’élevage apicole à Mila. Plus de 30 % du patrimoine local de l’activité ont été perdus, selon l’estimation du président du Conseil interprofessionnel de la branche de l’Apiculture de la wilaya. En effet, l’absence de précipitations depuis le mois d’avril, conjuguée aux fortes chaleurs qui ont caractérisé toute la saison estivale cette année, a été derrière la mort de colonies entières d’abeilles dans la région.
          Notre source affirme, chiffres à l’appui, que l’absence totale de pluie et la longue période de canicule ont impacté, comme jamais auparavant, les élevages apicoles et compromis fortement la production du miel. Pour ce responsable, la quantité de miel récoltée est pratiquement insignifiante, voire nulle ou presque.

          Plus de 30 % des essaims d’abeilles de la wilaya ont été tout simplement décimés par les effets conjugués de la canicule et la sécheresse. Pis, dans des communes où la moyenne des températures estivales dépasse les quarante degrés Celsius, les dégâts ont été encore plus importants. Il affirme que dans des communes comme Ferdjioua, Zeghaia, Tiberguent, Oued Endja et Derrahi Bousselah, où les étés sont toujours plus chauds qu’ailleurs dans la wilaya, le taux de mortalité des abeilles d’élevage frise le chiffre des 40 %.
          En outre, les feux de forêt qui ont affecté les zones montagneuses du nord de la wilaya, où justement les apiculteurs de la région ont l’habitude de louer des terrains pour leurs élevages, sont pour beaucoup dans le désastre qui s’est abattu sur la branche de l’apiculture.
          D’ailleurs, les aléas climatiques et les incendies ont contraint de nombreux apiculteurs à délocaliser leurs ruches et à les déplacer vers d’autres régions plus clémentes, dans une tentative de sauver les meubles.

          Par ailleurs, la montée fulgurante des températures pour la cinquième année consécutive a fini par provoquer le tarissement des points d’eau traditionnels en montagne, ainsi que la déshydratation de la cire des ruches. Des colonies entières d’insectes sont mortes à cause de la soif, affirme notre source.
          Ce manque endémique d’eau a, d’autre part, engendré la disparition, ou du moins la raréfaction, des plantes épineuses qui fleurissaient en été et servaient, en période de disette estivale, de source de nourriture pour les abeilles. Aussi, les éleveurs qui n’ont pas déplacé leurs ruches ont été obligés de consentir des dépenses supplémentaires pour sauver leur saison.
          Ils ont créé des bassins d’eau dans la proximité de leur élevage et nourri leur cheptel au moyen de produits d’industrie. Toutes ces considérations ont eu un impact fracassant sur la quantité de miel produite et les prix. Ainsi, on assiste ces jours-ci à du miel de ruche vendu entre 6.000 et 7.000 dinars le kilo au bas mot.
          Ces valeurs représentent, selon notre source, presque le double de celles pratiquées avant l’avènement de cette calamité. Signalons que la wilaya de Mila compte plus de 1.400 apiculteurs professionnels, selon les statistiques de la Chambre d’Agriculture. Pour le rendement par ruche cette année, il a été d’environ trois kilos.
Kamel B.             

Arbres du Cours de la Révolution à Annaba

Envoyé par Céline
http://lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/ 9036540-l-elagage-c-est-pour-demain

Est Républicain - par : Nejmedine Zéroug 09 Sep 2022

L’élagage, c’est pour demain ?

           Les riverains occupant les immeubles qui donnent sur le Cours de la Révolution et sur la rue Ibn Khaldoun (ex-Gambetta) ont manifesté leur mécontentement au sujet des arbres de cette magnifique place dont les branches inutiles à la beauté du lieu n’ont pas été coupées.
           « Notre balcon donne non seulement sur le cours de la Révolution, mais aussi sur la rue Ibn Khaldoun. Mais l’abandon de la réglementation relative à l’élagage périodique des arbres nous a lésés.
           C’est-à-dire que nous n’avons plus le loisir de contempler comme avant cette belle rue qui, jadis, n’avait rien à envier aux artères des pays européens.
           En l’absence d’élagage, les branches qui atteignent aujourd’hui la hauteur de deux étages d’un immeuble nous gênent », a fait remarquer un des résidents. « Où sont passés les responsables en charge du service d’entretien des espaces verts ?», s’est-il demandé.

           Le Cours de la Révolution, qui voit défiler à longueur de journée des centaines de promeneurs, est alors abandonné à son triste sort. « Comment voulez-vous que les touristes viennent visiter la quatrième ville du pays alors que sa vitrine, en l’occurrence cette magnifique place publique, est laissée sans entretien ni aménagement depuis quatre décennies ?
           N’importe qui l’ayant visité il y a quarante ans de remarquer cette situation de négligence », a ajouté avec regret un quinquagénaire en emboîtant le pas à ses amis. « Une fois élaguées, ces branches ont la forme d’un cube, vues d’en haut. Aujourd’hui, elles poussent d’une façon sauvage en l’absence d’un taillage périodique», ont-ils dit à l’unisson. Et d’ajouter: « Qu’est-ce qu’ils attendent pour procéder à la coupe régulière de ces arbres et permettre ainsi aux résidents de ces immeubles de contempler à nouveau la rue Ibn Khaldoun et les va-et-vient de la foule qui l’emprunte ? ».
           Il importe de souligner que les paysagistes de la commune faisaient, à l’époque, un travail remarquable, digne des gens des beaux arts. Ils coupaient les branches de ces arbres à la perfection.
Nejmedine Zéroug             


Le vol de bétail à Oued el Aneb (Annaba) :

Envoyé par Gérard
https://elwatan-dz.com/le-vol-de-betail-a-oued-el-aneb-annaba- un-reseau-de-trois-individus-neutralise-par-la-gendarmerie

  - Par El Watan - Par: M. F. Gaïdi 30/08/2022

Un réseau de trois individus neutralisé par la gendarmerie

           Un réseau de voleurs de bétail a été démantelé, hier, par les éléments de la brigade de la gendarmerie de la commune de Oued El Aneb, dans la wilaya de Annaba. Composé de trois personnes, il a été à l’origine du malheur de plusieurs éleveurs notamment à la veille de l’Aïd El ADha.

           Deux parmi eux, L.N. E. 35 ans et K.W. 48 ans ont été arrêtés à Oued El Aneb et le dernier, H. H., 37 ans à la localité d’El Kalitoussa. Ils seront présentés, hier, devant le parquet près le tribunal correctionnel de Berrahal, avons-nous appris de sources judiciaires. Il faut dire qu’avant qu’ils ne soient mis hors d’état de nuire, ces présumés voleurs de bétail ont semé la terreur parmi les éleveurs de la région. En effet, depuis le mois de mars dernier, les écuries de plusieurs éleveurs ont été visitées par ces voleurs professionnels de bétail.
           En chiffres, en un seul mois, les éleveurs déplorent la disparition d’une vingtaine de vaches laitières et autant de moutons. Ni les dépôts de plaintes auprès de la brigade de la gendarmerie de la commune de Oued Aneb, ni la fourniture des renseignements et autres indices permettant à même d’identifier les mis en cause encore moins les récidives réguliers ont pu mettre hors d’état de nuire ce réseau.

           Ainsi, ces voleurs sont accusés de plusieurs vols réguliers au nez et à la barbe des propriétaires. «Nous sommes certains que ceux qui en sont l’objet de vol perpétré ces dernières semaines sont bel et bien les auteurs de tous les vols qui nous ruinent.
           Dans la commune de Oued Aneb, ceux qui ont investi dans l’élevage sont toujours victimes de vols de bétail», regrettent des éleveurs de cette région. Dans la commune chef-lieu de cette commune à vocation agropastorale, carrefour à destination de toutes les régions du pays, l’inquiétude se dissipe désormais.

           Déçus auparavant par l’absence d’une couverture sécuritaire de leurs bestiaux, les groupes d’éleveurs ne cachent plus leur satisfaction aujourd’hui à l’annonce de l’arrestation de leurs ennemis jurés. A suivre…
F. Gaïdi                 


De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 161A                                                  PDF 162
    PDF 163                                                  PDF 163A
    PDF 163B                                                  PDF 164
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Méfiez vous de certains avocats !!!
Envoyé par Annie

    Un parrain de la mafia découvre que son comptable, Guido, lui a volé 10.000.000 $. Son comptable est sourd et muet et c'était la raison pour laquelle il a obtenu le poste en premier lieu.

     On a supposé que Guido ne pouvant rien entendre n'aurait donc jamais avoir à témoigner en cour contre le parrain !

     Lorsque le parrain va faire face à Guido sur les 10.000.000 $ disparus, il emmène son avocat, qui connaît la langue des signes.
     Le Parrain dit à l'avocat :
     "Demandez-lui où est l'argent."
     L'avocat, en utilisant la langue des signes, demande à Guido:
     «où est l'argent ?"
     Guido répond par signes: "Je ne sais pas de quoi vous voulez parler"
     L'avocat traduit au Parrain:
     "Il dit qu'il ne sait pas de quoi vous voulez parler."
     Le Parrain sort un pistolet, il le met à la tête de Guido et dit: «Demandez-lui à nouveau ou je vais le tuer!"
     L'avocat, en utilisant la langue des signes, dit à Guido: «Il te tuera si tu ne le dis pas."

     Guido tremble et par signes répond:
     - OK ! Vous avez gagné. “L'argent est dans une mallette brune, enterrée derrière le hangar de mon cousin Bruno qui demeure juste à côté de l'épicerie."
     Le Parrain demande à l'avocat :
     "Qu'est-ce qu'il a dit?"
     Réponse de l'avocat :
     "Il dit que vous n'avez pas assez de cacahuètes pour appuyer sur la gâchette"


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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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