N° 113
Janvier

http://piednoir.net
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Janvier 2012
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Ecusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les Textes, photos ou images sont protégés par un copyrigth et ne doivent pas être utilisés
à des fins commerciales ou sur d'autres sites et publications sans avoir obtenu
l'autorisation écrite du Webmaster de ce site.
Les derniers Numéros : 105,106, 107,108, 109,110, 111,112,
  Minuit Chrétien  
Par :Richard Verreau
EDITO
VŒUX ET SOUHAITS POUR 2012

    Chers Compatriotes, Amis et Amies de la Seybouse

    2011 a continué une période noire de trouble économique et politique ; d'agitation internationale transportée sur le sol national ; la mise à mal de l'Euro dont la disparition nous coûterait encore plus chère que la planche à billets qui fait grincer les dents des vautours de la finance ; l'effritement de nos avantages sociaux chèrement acquis par nos parents ; l'enfermement progressif de notre liberté de parole ou de pensée ; un chômage qui touche tous les ages de la société et largement entretenu par l'incurie de nos gouvernants.

    2011 a favorisé un peu plus la subversion où sont mis à terre nos symboles républicains bafoués ; les valeurs occidentales piétinées ; les libertés gagnées par nos ancêtres peu à peu emprisonnées ; où la guerre larvée est à nos portes sans que le Français sans rende compte ; où la démocratie et les libertés individuelles sont chaque jour entamées un peu plus afin de disparaître.
    Une subversion dont la majorité de la classe politique refuse d'en voir la réalité en face parce que cela nuirait à leur élection ou réélection donc à leur portefeuille pour lequel elle est prêtre à vendre son âme avant de vendre le peuple. Cela se traduit par une forte abstention lors des consultations électorales.
    Une subversion visible tous les jours au travers d'actes dit " d'incivilités " mais savamment fomentés dans des lieux où sont exploités la misère humaine grandissante ; la faiblesse et l'égoïsme des indifférents ; la peur et la lâcheté des timorés ; le recul et la bassesse des résignés et des fourbes.
    Sans aller trop loin sur le sujet pour éviter de déborder et d'en finir avec 2011, espérons que la légèreté et la frivolité des jugements du peuple français prennent conscience de l'enjeu de 2012 afin de redresser la barre de la vraie république de la France et contrer la révolte du " printemps français " en préparation subversive. Sauvons la paix, mais pas à n'importe quel prix.

    2012 est l'année de nos 50 ans d'exil forcé. Souhaitons que les communautés s'unissent pour en faire une grande commémoration respectueuse de ce malheur au nom de tous nos morts et disparus ainsi que pour la mémoire de nos ancêtres qui ont " créé le pays moderne " qui nous a vu naître. Emettons le vœu que les marchands d'illusions ne fassent pas de cette commémoration un vaste capharnaüm commercial qui ne serviraient que la cause de quelques-uns comme d'habitude. Commémorons cet exil afin que nul ne l'oublie et que cela reste en tête de nos enfants comme une priorité pour ne pas connaître à leur tour un nouvel exil plus terrible.

    La Seybouse, ses collaborateurs et moi-même souhaitons à nos fidèles lecteurs et amis ainsi qu'à leurs proches, beaucoup de Santé, de Prospérité, de Paix, de Réconfort, de Joie, de Bonheur afin que leurs espoirs se voient enfin pleinement satisfaits ; Que l'horizon 2012 ne soit pour tous que le début d'une vie meilleure avec plus de justice et de chaleur humaine ; Qu'au travers de notre modeste Gazette, perdure ce lien de fraternité qui nous unit, cet arbre qui nous permet de nous rassembler pour ne pas perdre nos racines et faire vivre sur ses branches notre mémoire encore et toujours après 50 ans d'exil forcé et regretté de chaque coté de la Méditerranée.
    Une pensée pour tous ceux qui nous ont quittés encore cette année et pour leur familles.

    Je vous souhaite, Nous vous souhaitons, à toutes et tous de bonnes fêtes de fin d'année et meilleurs vœux 2012.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

Photo Albert

 Nostalgie des Noëls d'autrefois
là-bas de l'autre côté
de la méditerranée.
Envoyé par Joceline MAS

            
             Pour Noël, mon grand-père nous fabriquait des jouets en bois : un chariot pour mon frère, on pouvait s'asseoir dedans et descendre à toute vitesse l'allée jusqu'au portail ; une armoire de poupée pour moi, je pouvais y ranger tous les petits vêtements que ma grand-mère cousait pour mes poupées avec des chutes de tissu.
             La véranda aux grandes fenêtres changeait de décor, une vraie féerie de boules multicolores, des guirlandes d'or et d'argent s'entrecroisaient, et volaient d'un mur à l'autre, un sapin décoré de petits morceaux de coton semblait vraiment crouler sous la neige. Sur une table décorée posée à côté du sapin, des personnages peints vivaient leur vie de tous les jours ; il y avait des fermières avec leurs poules et leurs paniers, une mare avec des canards, des bergers au milieu de leurs moutons, tous les animaux domestiques, un pont qui enjambait une rivière de papier argent, long ruban bleuté, une crèche bien sûr, des rois mages aux vêtements multicolores, et pour illuminer tout cela, des dizaines de petites bougies.
             Une année, j'eus la permission de les allumer. Quel désastre, avec mes grands cheveux, je fis basculer une bougie dont la flamme toucha un petit morceau de coton, et se propagea à toute vitesse, l'arbre de Noël prenait feu ! Attirée par nos cris, ma grand-mère arriva et jeta une grande casserole d'eau qui eut raison de ce début d'incendie. J'étais vexée et j'avais de la peine pour mes grands-parents qui se donnaient tant de mal pour nous faire plaisir. Mon frère et moi, nous avons fait sortir tout le monde de la pièce et nous avons épongé, nettoyé, redressé tous les petits sujets et à genoux devant Jésus, la Vierge Marie, Saint Joseph nous avons demandé pardon de faire tant de bêtises. Ma grand-mère entra la première et vint nous embrasser en nous disant que ce n'était pas si grave que cela. Nous avons passé quand même une bonne soirée, tous réunis sous les reflets changeants de la lampe à pétrole. Dans une vieille poêle à trous, posée sur les bûches de la cheminée, les marrons éclatent et on n'hésite pas à se brûler les doigts, pour les savourer plus vite. Nous avons laissé nos chaussures devant la cheminée en allant nous coucher, espérant bien être pardonnés par le Père Noël aussi.

             Pendant les vacances scolaires, nous allions faire du ski à Tijda ou à Chréa. Quelle joie de contempler ces étendues immaculées du Haut Atlas, aux blancheurs veloutées. Au loin, les montagnes gigantesques du Djurdjura, auréolées de nuages. Avant notre passage, seules les traces de pattes des écureuils et des chamois étaient visibles. Les sapins énormes sont tout courbés par la neige. Il y a des odeurs alpestres pénétrantes, senteurs de résineux et de neige. C'est une vision féerique, l'atmosphère est feutrée. Sur le toit du refuge, la joubarbe des toits, ajoute une touche magique au paysage. Magique, cette plante l'est à plus d'un titre ; pour les Romains et les Grecs, sa présence sur les toits, éloignait la foudre et appliquée sur les mains les rendaient invulnérables. Les lichens sont les peintres des rochers, formés de champignons et d'algues vivant en symbiose, ils colonisent tous les milieux et tous les substrats dont ils trahissent la composition par leur couleur : blanche sur le calcaire, verte sur la silice, jaune au contact des nitrates.

             C'est le désert et c'est la vie qui se succède tour à tour, sous nos regards émerveillés J'avais des skis en bois assez courts, un pantalon serré aux chevilles un peu bouffant, un bonnet rouge avec un pompon, une gourde en métal toute cabossée contenant du lait accrochée à ma ceinture. Les luges étaient aussi en bois et à l'époque, il n'y avait pas de remontées mécaniques, et le soir quand on reprenait le car, au bout de quelques kilomètres, tout le monde dormait terrassé de fatigue et ivre d'air pur.

             La nostalgie est la nourriture des déracinés.
             Là-bas, une autre rive détient mes bonheurs. Une basilique est abandonnée de ses croyants. La Vierge noire étend ses bras vers ses enfants dispersés par le vent de l'Histoire. Partout dans le monde, ils pleurent de son absence, leurs regards montent vers le ciel et de leur cœur s'élève la même fervente prière.
             Les souvenirs d'enfance sont une brise parfumée dont les bouffées se font de plus en plus rares. Les hommes de la Méditerranée ne sont heureux qu'avec le contact physique avec la nature, le soleil et la mer.
             Revoir son école, passer dans le quartier de son enfance, retrouver ses amies : Malika, Bahia, que sont-elles devenues ?
             Retourner dans son village, sentir le parfum intense, frais, fruité, légèrement musqué qui semblait flotter dans l'air, revoir ses anciens voisins : plus jamais.
             S'asseoir sur les bancs du square de sa jeunesse, plus jamais.
             Revoir les petits ânes du square Bresson. Chemins perdus de sa jeunesse. Senteurs oubliées du bigaradier.
             Retrouver le goût des oranges, gorgées de soleil. Retrouver le parfum des mandarines dont l'écorce si odorante laisse longtemps son parfum sur nos mains.
             Sentir la caresse du vent chaud sur nos bras nus. Avez-vous remarqué que l'on entend le vent avant de le sentir. Il s'engouffre dans les feuillages en un long murmure et c'est seulement après que son souffle chaud nous enveloppe. Et l'on se surprend à attendre avec volupté, le souffle suivant.
             Chaque fois en Automne, quand les arbousiers rougissent de leurs fruits, je revois celui qui était à côté de mon école. Il décorait l'entrée de ses petites boules rouges, comme une lanterne de bienvenue.

             Pourquoi, faut-il que lorsque notre pensée s'en retourne en Algérie, nos yeux s'emplissent de larmes ? surtout ne pas montrer aux enfants, notre chagrin, ils ne comprendraient pas. Garder les yeux grands ouverts, pour éviter que la grosse larme qui y flotte, ne roule sur nos joues.
             On se sent amputé de son passé. Et on regrette la paix des soirs heureux.
             Passer la main, caresser tendrement le dessus d'un bahut, en se disant ma mère, ma grand-mère, ont eu les mêmes gestes. Non. Pas de grenier où s'entassent berceau des enfants, cheval à bascule, poussette en bois du siècle dernier, grandes malles découvrant leurs trésors.
             Plus de jouets d'enfance, inutiles et trop encombrants mais combien indispensables pour un enfant.
             Jouets trop neufs, sans souvenirs, meubles trop neufs sans âme, et sans la patine du temps, n'ayant jamais appartenu à personne.
             Seule poupée a avoir traversé la Méditerranée, ballottée sur les routes, malmenée, robe décousue, d'avoir été la seule confidente des chagrins d'une petite fille. Cachée dans un tiroir d'une commode, cinquante ans après a encore le pouvoir de faire couler des larmes sur le visage d'une vieille dame.

             Plus de grand-mère non plus, qui racontera à ses petits enfants, blottis au coin du feu, le respect des femmes, de leur mystère, de leur générosité, sa vie passée, ses parents, leur façon de vivre à l'époque. Quand il n'y avait ni réfrigérateur, ni lave-linge, ni lave-vaisselle, ni télévision, ni téléphone etc. mais la lampe à pétrole, le garde-manger tout grillagé, la glacière et son gros pain de glace, la cuisinière à bois, la lessiveuse, le puits pour avoir de l'eau fraîche, les toilettes dans le jardin.
             Ni comment se soigner avec de l'essence algérienne, ou placer des ventouses. Et qui vous dira que les fleurs sont nées d'un sourire de Dieu. Et que lorsque la lune est pleine il faut mettre une bassine d'eau entre le lit et la fenêtre, afin qu'elle emmagasine les rayons de la lune, vous aurez ainsi de l'eau de lune pour la toilette du lendemain.
             Plus personne pour dire les contes de Noël où se mêlent le merveilleux, les croyances, la magie et les superstitions.

             Plus de grand-père, qui apprendra aux petits enfants à ne pas maltraiter les plantes et les fleurs, à protéger les coccinelles : " petites bêtes à Bon Dieu ", à respecter les choses de la vie, tout ce qui vit sur terre, arbres, animaux, hommes. À s'amuser, d'un petit bateau de papier, à fabriquer une brouette de bois, à offrir un cadeau que l'on a fait de ses mains, il aura plus de valeur, car tous ces instants passés à le construire prouvera l'amour que l'on porte à la personne à qui on l'offre. Plus de grand-père non plus, pour apprendre quel est le meilleur moment pour semer le blé, en observant la lune. Si elle est rousse, ou entourée d'un halo, si c'est la pleine lune, si le ciel au coucher du soleil est rouge, il y aura du vent demain.
             Et qu'au crépuscule le vent tombe toujours. Pourquoi, tombe ? qui évoque la loi de Newton, la pomme qui tombe de l'arbre attirée par l'attraction de la terre. Puisque le vent, ce n'est que du vent !
             Passer Noël sans eux. Quelle tristesse.

             Pourtant dans chaque famille Pied-Noir, vous trouverez l'amour, l'affection, la passion des enfants, le respect des vieux parents, la chaleur humaine. Quelque chose qui fait que l'on s'y sent bien, on y rit mais on y souffre aussi. On affronte la vie avec courage. Et quand ils vous parlent de leur pays, de leur terre, ils en parlent avec amour.
             Cette terre a fait jaillir la vie en eux et ils ne peuvent l'oublier.
             Mémoire et oubli. Présent et passé, tout se mêle, ce sont les maux de l'âme.
             Nous sommes en manque de souvenirs.

Extrait de " Chez nous en Algérie, la méditerranée était au nord "  « Poèmes des deux rivages »
Prix des Arts et Lettres de France.

Jocelyne MAS
Poète-Ecrivain
Chevalier dans l'Ordre National du Mérite
Membre de la Société des Poètes Français.

Site Internet : http://www.jocelynemas.com


  LA CAROUBE :
LES COPAINS

par M. Charles Ciantar

de G à D               assis sur le sable Gérard Stella,
sur le ciment : Jacky Russo Marthe Papagno, ?, Altmann. 
Derrière : J José Jardino et J Claude Zammit

de G à D :  devant Mano Zammit, ? Piccioli ? , J Claude Stella, Nicole Pétroni
derrière : Jacques Stella, Anne Marie Stella, Aline Vermeuil, Yves Lucas, Gérard Stella, J. Bernard Pétroni lla

       

 Mimi Khodja , Piccioli, B Boutamine,          Altman et Brahim
         J Stella et    Boutamine                             Altmann était un Harki

  

     Brahim Boutamine et Mano Zammit               Brahim Boutamine   

Le père de Brahim était un fin pêcheur à la ligne. Il était pratiquement le seul à pêcher des « Tchelpes » SAUPES ou BOOPS SALPA, car il était aussi le seul à connaître une algue qui servait d’appât.

             Mano Zammit                                          Gérard Stella

 

 Brahim Boutamine

Fêtes de la Saint Michel

  

 Jean Claude Zammit et Gérard Stella          Hubert Dibatista sur
                                                         les épaules de Mano Zammit


La Saint Michel : Départ de la course
Avec le bob : Emmanuel Zammit et Gérard Stella

    

      Jacques Stella qui reçoit le ballon                            Guy Colandréa

 Debout de G à D : Charles Ciantar, J. Claude Zammit, Hubert Dibatista, Claude Costaglioli, Emmanuel Zammit et J. Louis Bianchi.
Devant : J Pierre Cardinal, Marc Martin, Guy Martin, Yvon Marfaing et J. Claude Stella.

Joueurs de l’OCB  H.Dibatista, E Zammit, JC Stella et Gérard Stélla

de G à D : Yves Lucas, Marthe Papagno, Elisabeth Jardino, Jacques Stella, André German, Yvette Axisa, Guy Martin, Emmanuel Zammit, Pierre German, J José Jardino, Nicole Pétroni, JC Stella

Debout : X ,Yves Lucas, Emmanuel Zammit, X ?, J José Jardino,  X ?, Gérard Stella, J Claude Stella
Devant : J. Bernard Pétroni, Guy Colandréa,, Marthe Papagno, Brahim Boutamine, Anne Marie Stella.

Les Photos sont d’Emmanuel Zammit                 

Ciantar.charles@wanadoo.fr


Le cœur a ses saisons
ECHO D'ORANIE Septembre/Octobre 2004 - N°294

L'été s'est trop vite enfui
Laissant place à la pluie
Au pied des arbres en deuil,
S'amoncellent en tapis d'or, les feuilles.

Le temps est ainsi fait et se passe
Au rythme des saisons, ici celle de glace.
Demain il fera beau, demain il fera chaud.
Dans les près et les bois fleuriront les pavots.

J'ai vécu tant de fois, au cours de tant d'années
Cette métamorphose... et toujours extasiée
Par toutes ces beautés, ces dépaysements,
Qui font que chaque saison est un enchantement !

Mais si toutes ces années ont écourté ma vie...
Si les humeurs du temps m'ont souvent envahie,
Je ferme un peu les yeux et voyage en pensée
Au-delà du présent, je revois mon passé.

Avec lui je revis ce bon temps merveilleux,
Dans ce pays si cher qui demeure à mes yeux,
Comme un paradis où longtemps encore...
J'aurais voulu y vivre sans y frôler la mort.

Le temps nécessaire pour l'aimer davantage.
Respirer ses parfums et courir sur ses plages...
Avant que le destin m'entraîne à l'horizon
Emportant avec lui mes plus belles saisons !

ROUAYROUS-EYMARD Chantal       
de Mostaganem                     
  



CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI BORRICOT Y LI CHIANN
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             Quant ji bisoann, donne un coup d'main.
             Cit comme ça, qui veut li mon Dion.
             On borriquot on jor, y dir' ji ni vo pas.
             Borquoi ? Ji ni si pas- Ji I'conni bon garçon,
             Y ji si quand y po, tojor y donne la main.
             Voila comment j'acoute, cit zaffir son bassi
             On jor y marche la rote, afic one Sidi Chiann
             Barsonne y parti riann.
             Ji crois y son brissi
             Ji crois pas : son batron, y si coche bot dormir.
             Li borriquot content, y mange bor blisir
             Di l'hirbe qui son trovi, y qui li bon comme tout.
             Y mange pour crivi, barc' qui yana beaucoup.

             Li chiann, alors y dire :
             Ji souis faim, ak'arbi. Ty ana dans l'cofin,
             To c'qui faut bor mangi. Si ti vo tir blisir,
             Coche toi mon zami, por ji prendra di pain. "
             L'borriquot répond riann ;
             Bor barli pas moyann.
             Y mange comme un allouf,
             Sa bouche y son rempli, ji crois qui ji m'itouf.

             Li chiann v son fâchi, l'borriquot y loui dit:
             Millor ti attendra, qui sidi li batron,
             Son finir di dormir ;
             Alors ti trouvera to c'qui faut bor choisir.
             Quand y barli comme ça y viendra la Lion,
             Qui sarche bor magi, y qui son faim bocoup.
             L'bourriquot y son por, Y I'hirbe y lisse lou.
             Il appil la chiann : çoui la y boge pas ;
             Y loui di : Cit zaffir, moi ça migarde pas.
             Attan qui li batron, y viendra rivilli,
             Bor touilli la Lion, ji crois ti eu a l'tann, "
             Foti loui coup d'souilli
             Ou biann tot souit vatann.
             Pendant qui son barli, la Lion y viendra,
             Y trappe li borriquot, y son tête y cassra.

MORALE

             Ti voir j'en a rison !
             Quand ji bisoann, donne on coup d'main,
             Cit comme ça, qui veut li mon Diou.
 

SOIRÉES
                ALGERIENNES            N°12

CORSAIRES, ESCLAVES ET MARTYRS
DE BARBARIE   (1857)
PAR M. L'ABBE LÉON GODARD

ANCIEN CURE D'EL-AGHOUAT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE
AU GRAND SÉMINAIRE DE LANGRES

Dominare in medio inimicorum tuorum.
Régnez, Seigneur, au milieu de vos ennemis.


SOIREES ALGERIENNES
DOUZIÈME SOIRÉE
Les martyrs indigènes.

        On était au dernier jour du mois de mai. Une brillante cérémonie, toute parfumée de fleurs et d'encens, venait de clore ce temps de fête consacré à la vierge Marie. Carlotta descendait les degrés rapides qui conduisent de la rue Bab?el-Oued dans l'ancienne mosquée aujourd'hui dédiée à Notre-Dame-des-Victoires. Elle était suivie de Fatma, chargée de tous ses bijoux d'argent et de corail. La négresse avait voulu accompagner sa jeune maîtresse, et prier aussi Lella Mariem. Par honneur pour la Vierge, elle s'était parée de ses plus beaux atours, et n'avait épargné ni le souak à ses lèvres rouges, ni le henné jaune à la paume de ses mains, ni le zebed ou le musc à son voile bleu.
        Elles montèrent sur la terrasse, où déjà le vieux moine avait commencé ses récits.
        " Les conversions au christianisme, disait-il, sont très rares chez les Arabes, et la persévérance dans la conversion plus rare encore.
        - A quoi donc attribuez-vous ce malheur, mon révérend père ? Demanda Mme Morelli.
        - La malédiction qui pèse sur les disciples de Mahomet, Madame, est encore un mystère pour moi. Toutefois, je m'explique jusqu'à un certain point leur endurcissement et leur peu de fidélité à la grâce. Le Coran est un livre qu'on présente à ces malheureux comme une révélation. Il est obscur et plein de contradictions ; mais sa forme est poétique, et il renferme une certaine somme de vérités religieuses qui peuvent satisfaire des esprits ignorants et apathiques. Or, j'ai remarqué que les missionnaires entament difficilement les peuples qui se rattachent à un livre. Les Hindous, par exemple, savent par cœur un code abrégé de morale, un symbole de croyances contenues en quelques vers ; et l'on éprouve d'invincibles obstacles à leur enlever ce livre, il en est autrement lorsqu'on évangélise un peuple sauvage, sans littérature, sans traditions écrites.
        Pour compléter cette première idée, je remarquerai que les musulmans ne sont ni des sauvages, ni des hommes arrivés, par la voie du progrès, de l'état sauvage à l'état barbare, mais plutôt des civilisés qui se meurent. Grenade, Fez, Tlemcen, Kairouan, vous n'avez jamais été aussi splendides ni aussi savantes que nos poètes se l'imaginent ; votre civilisation, comme celle des Grecs ou des Romains du paganisme, a toujours été privée de certaines lumières essentielles ; mais la race qui vous peuplait est évidemment déchue. Elle a cependant l'orgueil des souvenirs ; elle se croit encore haut placée dans la famille humaine, et je conçois qu'elle ferme l'oreille à l'apôtre chrétien. On guérit difficilement celui qui ne se croit pas malade; on ne purifie guère le sang corrompu dans les veines d'un vieillard agonisant.

        Ensuite le musulman ne discute pas. Il coupe la tête à celui qui essaie de le convertir. En Algérie, la parole d'un chrétien est celle du conquérant qu'il déteste et qu'il évite ; nous avons peu de chances d'être écoutés là même où nous pourrions parler. De, plus, la faculté d'enchaîner des idées ou de faire un raisonnement est excessivement faible chez les Arabes. Ils ne saisiront pas la démonstration la plus évidente de la vérité du christianisme. Et pour moi, je l'avoue, toutes les fois qu'il m'a été donné de parler religion avec leurs tholbas, j'ai été vraiment désespéré par le défaut presque absolu de sens logique qui se trahit dans leur conversation. Du syllogisme le mieux conditionné ils accordent tout excepté la conséquence.
        Enfin, malgré certains dehors d'austérité, le mahométisme lâche la bride à la passion la plus impérieuse de l'homme. Les ablutions, le ramadan n'empêchent pas qu'il n'affranchisse la chair du joug de l'esprit.
        Il est au contraire de l'essence du christianisme, continua le moine, de soumettre le corps à l'âme. Le musulman trouvera donc infiniment plus commode une religion qui flatte les sens et ménage les instincts brutaux de l'homme déchu. Si vous lui parlez mystères et spiritualisme chrétiens, il est sourd ou ne comprend pas votre langue.

        En présence de ces cœurs avilis et de ces intelligences grossières, on s'est dit : Les ténèbres sont devenues trop épaisses, le mal du cœur est incurable. Et l'on s'est retourné vers l'enfance. Dans le christianisme, enfance est synonyme d'innocence et de pureté, de franchise et de simplicité. Il n'en est pas de même ici. La corruption est précoce, elle devance la raison. L'enfant n'a pas le bonheur d'être protégé par cet ange visible qu'on appelle une mère chrétienne. Aucune main ne tire le voile sur ce qu'il ne doit pas regarder, aucune voix n'impose silence à la parole qui enseigne le mal. L'enfant est livré de bonne heure aux influences perverses qui éteignent graduellement en lui le sentiment moral.
        Réussissez-vous, avec la grâce de Dieu, à faire un instant triompher la croyance à la vérité chrétienne et à tourner la volonté d'un Arabe vers le bien, ne vous hâtez pas de vous réjouir; car l'inconstance de l'Arabe est extrême.
        Il change d'un instant à l'autre, sans raison, sans prétexte, et par une faiblesse naturelle, inouïe chez les nations chrétiennes. Je connais des prêtres en Afrique, et je suis de ce nombre, qui ont souffert d'amères déceptions en fondant quelque espérance sur l'avenir d'enfants arabes dont ils s'occupaient avec zèle. Ils se sont vite aperçus qu'ils étaient, sinon trahis par l'hypocrisie, du moins trompés par le vice d'une volonté infirme, mobile et jouet de tous les caprices. Je parle de faits assez nombreux, et je ne connais pas une exception.
        - Révérend père, dit M. Morelli, il parait que ces défections ne sont pas propres à notre temps, et le père Dan appréciait comme vous le caractère des petits musulmans.

        " Tout ce que je viens de dire de la façon infâme dont ils sont acoquinés, écrit-il, nous est ici confirmé par l'exemple d'un certain Abd-Allah, que j'ai connu au Bastion de France en Barbarie. Le feu sieur Samson Napollon, ayant rétabli ce même Bastion et voyant ce même Arabe de bonne mine et qui promettait quelque chose d'extraordinaire, le voulut accoutumer à nos mœurs et lui procurer quelque avancement en cas qu'il se résolût d'embrasser le christianisme. L'ayant pour cet effet amené en France, il lui donna des habits et de l'argent pour passer le temps, et lui fit voir les bonnes compagnies pour le dresser à la politesse. Déjà même il commençait d'y réussir assez bien et de parler notre langue, lorsque, après avoir séjourné quelque temps en France, le sieur Napollon l'y ramena, le croyant déjà tout accoutumé aux mœurs et à la conversation des chrétiens et résolu de ne plus vivre dans le libertinage des Maures et des Arabes. Mais le changement d'air ne change point les mœurs. A peine fut-il arrivé au Bastion, qu'il se trouva bien étonné de voir que, comme ces singes que l'on déguise de quelques habillements d'homme ou de femme, les déchirent par lambeaux au moindre caprice qui les prend, afin de se développer de l'embarras qui les gène, notre Abd-Allah, tout de même, étant allé visiter un douar d'Arabes, qui est à l'entrée du Bastion, fut vu tout à coup jeter son chapeau par terre, poser ses habits à la chrétienne, se mettre pieds nus, et prendre un méchant burnous qu'il rencontra pour en couvrir sa nudité. Ce qu'il n'eut pas plutôt fait, que, pensant avoir rompu ses fers et ses chaînes, il dit à ses compagnons qu'il n'avait jamais goûté parmi les chrétiens un si doux contentement que celui de vivre en son pays à la manière des Maures et des Arabes. Ce qui lui est demeuré depuis si bien empreint dans l'esprit, qu'il n'a pas été possible de lui ôter jamais cette fantaisie, quoiqu'il mène encore à présent une vie si misérable et si gueuse, qu'à peine a-t-il seulement du pain.

        - Je connais plusieurs Abd-Allah de cette espèce, reprit le moine, et je sais qu'en général les Arabes sont très attachés à leur manière de vivre, surtout ceux qui habitent la tente. Mais pour ce qui est des moeurs compatibles avec les doctrines chrétiennes, rien n'empêcherait qu'ils ne les conservassent après le baptême. Je conseillerais même au missionnaire d'adopter leur genre de vie, leur langue et leurs vêtements, laissant au temps le soin de transformer naturellement, sous l'action lente des idées chrétiennes, les usages, qui sont une barrière à la civilisation matérielle.
        Toutefois, ce goût prononcé pour une indépendance semblable à celle de la bête sauvage, n'est pas favorable au prosélytisme chrétien.
        - Toutes ces observations, dit Alfred, nous feraient considérer comme miraculeuses les conversions dont vous nous avez parlé, et qui ont été opérées au moye âge, par Raymond Lulle et des missionnaires franciscains.
        - Je les tiens pour miraculeuses, en effet, répondit le vieillard, et je ne juge pas autrement celles qui appartiennent à des temps moins reculés.
        - Est-ce qu'il y a eu des conversions remarquables, à l'époque moderne, chez les musulmans d'Afrique ? Demanda. Carlotta.
        - Il y a eu des musulmans convertis et même martyrisés pour la foi, dit le père Gervais.- Oh ! Faites-les-nous connaître, mon père, continua la jeune fille en jetant un regard sur la négresse.
        - Ce sera pour nos cœurs un soulagement, dit Mme Morelli, et le souvenir des martyrs indigènes adoucira peut-être celui des bourreaux musulmans.
        - La grâce agit par des voies diverses, reprit le vieillard ; elle s'est servie des religieux voués au service des esclaves pour amener à Jésus-Christ plusieurs infidèles.

        Les trinitaires Jean, de Palmino, Didace, Jean Audruger, ont été ainsi les instruments de la Providence ; mais ils l'ont payé de leur vie : le premier fut scié ; le second fut déchiré avec des crocs de fer brûlant, et on arracha de sa poitrine son cœur palpitant; le dernier subit diverses tortures, et mourut à la potence.
        On doit citer le martyr cordelier Martin de Spolète parmi les apôtres modernes de l'Afrique. En 1530, il se rendit à la cour des Mérinides de Fez, et gagna plusieurs Maures à Jésus-Christ. Le beau- frère du roi Mohammed était ami des chrétiens et protégeait le moine. Il avertit frère Martin de retourner en Europe ; car ses prédications pouvaient lui porter malheur. Les rabbins juifs, que le moine avait confondus dans des conférences publiques, le représentaient au roi comme un homme dangereux et qui avait un démon.
        Frère Martin déclara qu'il ne cesserait de travailler au salut des infidèles, que les juifs étaient des fourbes, et qu'il s'offrait à entrer dans une fournaise ardente, pourvu qu'ils promissent de croire en Jésus-Christ si le feu ne lui causait aucun mal. Le roi et Moulé-Brahim, son beau-frère, assurèrent que dans ce cas ils se convertiraient eux-mêmes. Au jour marqué, le religieux s'agenouilla devant un crucifix, commanda aux barbares d'allumer le bûcher, puis, faisant le signe de la croix, il se jeta dans les flammes. Il se mit à genoux dans le feu, le visage tourné vers l'orient, et il y resta en oraison l'espace de trois Credo et de quatre Pater, que les chrétiens récitaient pour la conversion des infidèles. Mais au moment où il sortait du bûcher sain et sauf, un Maure le perça d'un coup de lance à l'estomac, et un autre le frappa d'une tuile sur la tête. Les esclaves recueillirent des reliques de son corps et de ses vêtements. Dieu permit qu'appliquées aux malades, elles leur rendissent la santé.
        Il paraît que le roi, trompé par les juifs, avait donné l'ordre de tuer le religieux comme un magicien. Mais ceux qui le tuèrent périrent peu après de mort violente, et le Ciel parut venger le martyr.
        J'ai hâte d'en venir aux martyrs indigènes.

        En 1437, l'infant Don Fernand, fils de don Juan I, roi de Portugal, assiégeait Tanger. Le roi de Fez vint au secours de la ville, et investit le camp des chrétiens avec tant de succès, qu'il obligea don Fernand à capituler et à se livrer en otage. Il soumit ce prince à des traitements barbares, parce qu'on tardait à rendre Ceuta aux infidèles. Il le tenait enfermé dans une prison bâtie exprès sur les murailles qui regardent le nouveau Fez. Le captif y demeurait exposé au froid, au chaud, à l'humidité. Il succomba bientôt à ses souffrances, et le roi, furieux d'ailleurs d'un accident qui lui ôtait l'espoir de recouvrer Ceuta, fit attacher le corps aux créneaux du nouveau Fez, au-dessus d'une porte de la ville. La foule accourut pour le voir. Trois jours après, un Maure aveugle demanda qu'on le conduisît là où était el ouled sultan nazarani, le fils du roi chrétien, et qu'on le mit au-dessous du corps. Lorsqu'il y fut placé, il leva les yeux et reçut quelques gouttes du sang qui découlait de ce corps, et il se trouva subitement guéri de la cécité.
        Il commença aussitôt à louer Dieu et à se déclarer chrétien. Ni le roi ni les juges ne purent ébranler sa fermeté ; il jura de mourir dans la foi de Fernand. Il fut condamné à être traîné. Durant le supplice, les Maures lui jetaient des pierres, et l'appelaient par mépris : Sidi et Cafer, seigneur l'Infidèle.
        Cependant ces mécréants eux-mêmes l'honorèrent après sa mort, et on lui fit une kouba au pied du nouveau Fez. Ils prétendirent que quelques nuits après ses funérailles plusieurs lumières avaient apparu au-dessus du tombeau. Les chrétiens, de leur côté, le considéraient comme un martyr. L'infant reçut la sépulture au quartier des juifs ; mais ses restes ne furent transportés en Europe qu'en 1571.

        Cette année-là, le roi Alphonse V s'empara d'Arzille, et il échangea des prisonniers pour les os de Don Fernand, qu'on déposa dans un monastère de Lisbonne.
        En 1548, Don Juan, roi de Portugal, nomma gouverneur de Mazagan Tristan d'Atayde. Celui-ci fit beaucoup de mal aux Maures dans les razzias dirigées par un musulman qui s'était mis à son service, et qui demandait le baptême. On instruisait ce catéchumène. C'était un homme hardi, qui pénétrait aux marchés de Maroc et jusque dans le mesouar où s'assemblait le conseil du chérif; il y surprenait les secrets de l'ennemi et les apportait à Mazagan. Aussi le chérif avait-il promis une grande récompense aux Arabes qui le lui amèneraient.
        En attendant que notre Maure reçut le baptême et un nom chrétien, on lui donnait le nom du gouverneur, Tristan d'Atayde. Or, peu de temps avant le jour où il devait être baptisé, il sortit de Mazagan, et à la faveur des ténèbres enleva des chevaux dans un douar. L'un d'eux le trahit par des hennissements, tandis qu'il passait près d'un autre douar pour rentrer dans la place. L'alarme se répandit dans la tribu, et les Arabes réussirent à s'emparer de Tristan. Il comparut devant le chérif :
        " Pourquoi, lui dit le roi, es-tu maintenant parmi les chrétiens, bien que tu sois Maure et sujet de mon empire ?
        - Je suis, il est vrai, Maure de naissance, répondit Tristan ; mais j'ai voulu être chrétien, et suis devenu sujet du roi de Portugal. On m'a promis le baptême ; j'ai l'intention de vivre et de mourir dans la foi de Jésus-Christ, hors de laquelle il n'y a point de salut. "
        A ces paroles, le chérif irrité ordonna de lui trancher la tête. La foule se pressait au lieu du supplice. On coupa lentement le cou à Tristan, pour lui laisser le temps d'apostasier, s'il le voulait. On lui criait : " Invoque sidna Mohammed ! "
        Mais il disait de toute sa force :
        " O Jésus-Christ ! ô Notre-Dame ! Mon Dieu, je vous offre ma mort. "
        Et, prenant dans la main son sang qui commençait à couler, il le jeta sur sa tête en disant :" O Jésus, je me confie en votre miséricorde ; et puisque je n'ai pu être baptisé, j'espère que vous recevrez mon sang pour baptême. "

        Le glaive acheva de le faire mourir. " Les Maures commencèrent à le maudire, continue Don Diego de Torres, et les enfants à lui jeter des pierres et à lui chanter des injures, et aussitôt qu'il fut exécuté, on rapporta au tyran qu'il était mort chrétien. Pour nous, qui assistâmes au supplice, nous en rendîmes grâces à Dieu."
        Le chérif ne voulut pas permettre aux chrétiens d'enterrer le corps, et il commanda de l'abandonner aux chiens.
        Mais durant quatre jours que le martyr resta sur place, aucun chien n'en approcha. Diego le fit ensuite enterrer de nuit par le valet d'un musulman. Tristan serait mort crucifié, si le chérif n'eût aboli peu auparavant le supplice de la croix. La raison qui l'y détermina, c'est que les chrétiens saluaient les croix en mémoire de Jésus-Christ, et que les Maures craignirent de s'attirer les fléaux du Ciel, s'ils continuaient à employer cet instrument de supplice. Voici un autre exemple d'une conversion bien plus extraordinaire : c'est celle d'un marabout martyrisé à Alger, à l'âge d'environ trente ans, le 14 ou le 15 novembre 1562. Hassan-Pacha, fils de Barberousse, avait repris le gouvernement d'Alger ; car le sultan de Constantinople ne l'avait point trouvé coupable du crime de trahison, dont on l'accusait, et il tenait compte au fils des éminents services du père. Hassan était à Alger depuis trois mois environ, lorsqu'un Maure qui vivait en solitaire vint en cette ville.

        Cet ermite habitait, au midi d'Alger, à la distance d'environ quinze milles, des montagnes où plusieurs musulmans menaient le même genre de vie. Il est à croire qu'en sortant de sa solitude il cédait à une inspiration divine.
        En effet, peu de jours après son arrivée à Alger, il entendit des Maures qui se querellaient au-delà de la porte Bab-Azoun, qui juraient par Mahomet, prophète de Dieu.
        Il se mit à les blâmer de ce jurement, et dit :
        " Vous ne devez point appeler Mahomet prophète de Dieu ; il ne l'est pas. Et il n'y a qu'un seul Dieu, celui en qui les chrétiens croient et qu'ils adorent.
        - Pourquoi parles-tu de la sorte ? répondirent les Maures, forts étonnés de ce langage. Fais attention à tes paroles.
        - J'ai dit et je répète, poursuivit le solitaire avec un vif accent et une voix forte, qu'il n'y a d'autre Dieu que celui des chrétiens. "
        A ces mots, les musulmans jetèrent de hauts cris, qui attirèrent d'autres Maures. On se saisit du coupable, et on l'amena au roi.
        " Comment ? s'écria Hassan, as-tu dit vraiment qu'il n'y a d'autre Dieu que celui des chrétiens ?
        - Oui, sultan, je l'ai dit, répliqua le Maure avec un grand courage, et c'est la vérité qu'il n'y a pas d'autre Dieu que le Dieu des chrétiens. "
        Le roi et les Turcs demeurèrent surpris de l'entendre affirmer cela si énergiquement.
        " Ainsi, reprit le pacha, tu es chrétien et non pas Maure ?
        - Ce que j'ai dit, sultan, est la vérité ; il n'y a pas d'autre Dieu que le Dieu des chrétiens ; c'est là ce que je crois et ce que j'affirme. "

        Le roi, le voyant si bien déterminé à soutenir sa foi, se mit à le traiter de chien, de cornu, de chrétien; il l'appela Martin, lui disant qu'il n'était pas Maure, mais un Martin :
        Il faisait allusion au nom de don Martin de Cordoue, alors capitaine général d'Oran, et qui peu auparavant avait été en son pouvoir captif à Alger, Furieux de ce qu'un Maure qu'il appelait Martin osait, en sa présence et publiquement, exalter le Dieu des chrétiens, il ordonna aux Maures et aux Turcs de le lapider vivant, puis de le brûler.
        La crainte d'une mort si cruelle ne fut pas capable d'arracher au condamné une rétractation. Au contraire, joyeux de ce que Maures et Turcs commençaient à l'appeler Martin, nom qu'il acceptait volontiers, il s'offrit de grand cœur en sacrifice. On l'amena hors de la porte Bab-Azoun, à deux cents pas au-delà, dans l'endroit où il avait repris les Maures qui se querellaient, et où l'on vendait de la chaux.
        Un nombre considérable de musulmans s'y étaient rendus.
        On lui lia les mains derrière le dos, et on l'attacha par la ceinture à une grosse pièce de bois. On lui lança ensuite une grêle de pierres qui lui cassèrent la tête et l'inondèrent d'un sang avec lequel, nous le croyons sincèrement, il fut baptisé. Il mourut avec courage, persévérant dans sa profession de foi. Les Maures et les Turcs, fatigués de le lapider, jetèrent sur lui une grande quantité de bois sec, brûlèrent le corps, et répandirent ensuite ses cendres de tous côtés.
        - Révérend père, demanda Mme Morelli, sait-on de quel moyen la Providence s'était servie pour éclairer ce Maure des lumières de la vérité chrétienne ?
        - Haedo, qui rapporte ce martyre, ne nous apprend rien à cet égard, répondit le religieux ; il est probable qu'il ne put rien découvrir sur cette question. Au reste, nous avons des exemples de coups extraordinaires de la grâce, qui frappent de jeunes musulmans et les portent à se déclarer d'eux-mêmes disciples de Jésus-Christ.

        A la malheureuse bataille du 26 août 1558, où Don Martin de Cordoue fut tué, dans les plaines de Mostaganem, par cet Hassan-Pacha, fils de Kheïr-ed-Din, un chrétien nommé Martin Forniel se trouvait parmi les prisonniers. Il était Maure de naissance, et de sang royal. Fort jeune encore, et cédant à l'inspiration de Dieu, il était venu de son propre mouvement à Oran pour se faire chrétien. Il fut bien accueilli par don Martin, gouverneur de cette ville, Il reçut au baptême, selon son désir, le nom du comte, qui l'aimait, l'invitait souvent à sa table, et qui enfin le conserva toujours à ses côtés.
        Emmené à Alger avec les autres captifs, après la funeste journée de Mostaganem, il fut reconnu par beaucoup de Maures et de Turcs, et l'on sut publiquement qu'il avait été Maure, et qu'il était né de parents maures, C'est pourquoi Maures et Turcs travaillèrent plusieurs jours à le faire rentrer dans la secte de Mahomet, lui promettant de grandes richesses s'il y consentait, le menaçant, au contraire, de l'immoler au milieu d'horribles tourments s'il persévérait dans la foi de Jésus-Christ. Mais il répondait avec un courage invincible que rien ne le séparerait de la religion chrétienne.

        Pendant que cela se passait à Alger, on ne tarda pas à savoir à Tlemcen, lieu de sa naissance, par des Maures et des Juifs d'Alger, que Martin Forniel était prisonnier avec d'autres chrétiens, qu'on s'efforçait de le rendre musulman, mais que les marabouts, les tholbas et le roi lui-même ne pouvaient le gagner ni par promesses, ni par menaces.
        Sa mère, qui vivait encore, ses parents, qui étaient nombreux et toutes personnes de distinction, résolurent de faire le voyage d'Alger, pour obtenir par leur présence ce qu'il avait refusé aux autres. Ils visitèrent bien des fois Forniel dans le bagne du roi, où il était enfermé, avec une chaîne aux pieds, comme tous les principaux esclaves.
        Raisonnements, Sollicitations, promesses, tout fut mis en œuvre pour le rappeler au mahométisme. Sa mère, surtout, l'embrassait, versait des torrents de larmes, se frappait la poitrine, arrachait ses longs chevaux, se déchirait le visage, et, lui montrant le sein qui l'avait allaité, elle disait :
        - Je t'en prie, mon fils, je t'en supplie, aie pitié de ta pauvre mère, délaissée dans sa vieillesse. Reviens à notre maison avec moi, et reprends la loi sous laquelle ont vécu tes aïeux.
        La constance de Martin Forniel au milieu de ces discours fut admirable et digne d'une éternelle mémoire. Les chrétiens présents étaient attendris au fond du cœur, à la seule vue des pleurs, des soupirs de sa mère, de ses gestes expressifs ; et, bien qu'ils ne comprissent guère la langue arabe, ils pouvaient à peine retenir leurs larmes.

        Seul, comme un dur et solide rocher contre lequel viennent se briser avec fracas les vagues d'une mer en furie, Martin Forniel restait immobile, ferme, invincible.
        Pour toute réponse, il disait, avec un visage sévère, à sa mère et aux membres de sa famille:
        - " Je ne connais point de musulmans pour mère ni pour parents. Je suis chrétien ; je veux vivre et mourir chrétien. "
        Ces visites, ces conversations, cette désolation se prolongèrent ; mais enfin la mère et les parents, voyant qu'ils travaillaient en vain, retournèrent à Tlemcen. Chaque jour on avait rapporté au roi ce qui se passait. Enflammé de colère et de rage, surtout parce que Martin Forniel méprisait les tourments dont il était menacé par les Turcs et les Maures, il résolut de lui faire subir une mort cruelle, épouvantable, et qui fit trembler tout le monde.

        Dans ce dessein, le 21 novembre, il le fit tirer du bagne et amener hors de la porte Bab-Azoun, accompagné d'un grand nombre de Turcs et de renégats de sa maison. Le cortège s'arrêta. Un vil Maure, chargé de l'office de bourreau, s'avança un billot sur les épaules; il le mit devant Martin Forniel, et lui prit la jambe gauche en disant : " Chien, montre cette jambe. "
        Les Maures et les Turcs qui la tenaient ordonnèrent au patient de la poser sur le billot.
        " Tu vas voir, dirent-ils, à quoi il te sert de t'obstiner à demeurer chrétien, Si tu manifestes du repentir, le roi te pardonnera ; autrement nous devons te mettre en morceaux.
        Pourquoi vouloir mourir ainsi, misérable ? "
        A tout cela Martin Forniel répondait avec un visage serein et une constance plus qu'humaine " Si vous pensez, vous autres, me détourner par vos menaces de rester chrétien, vous vous trompez beaucoup. "
        Et puis, élevant la voix : " Je suis chrétien, et dois mourir chrétien. "
        Il avait déjà la jambe gauche étendue sur le billot. Les Turcs et les Maures, vomissant contre lui mille injures, ordonnèrent au bourreau de faire son devoir. Aussitôt celui-ci, avec la petite hache que portent ordinairement les janissaires, coupa la jambe au genou, non pas d'un seul coup, mais en frappant à diverses reprises.
        Quelques Maures, pour empêcher le martyr de tomber, lui soutenaient le corps et les bras. Les Turcs dirent au bourreau :
        " Tu as coupé à ce chien la jambe qui lui servait à monter à cheval, coupe de même le bras qui s'armait de la lance avec laquelle il combattait en faveur des chrétiens. "
        En trois coups le bras droit fut tranché au coude. Le martyr de Jésus-Christ perdait des flots de sang, et l'on peut s'imaginer quel était l'excès de ses douleurs. Mais il souffrait avec un courage qui faisait l'admiration même des Maures, des Turcs et des renégats, accourus en foule à cet horrible spectacle. Pendant que trois ou quatre Maures le soutenaient, deux Turcs le déshabillèrent, ne lui laissant qu'une vieille culotte de toile, et l'on acheva sous ses yeux de préparer la potence. Alors on l'attacha par la ceinture avec la corde de la poulie, on l'éleva jusqu'à la cime du gibet, et on le laissa retomber de tout son poids sur les crocs de fer, qui lui traversèrent le flanc et retinrent le corps suspendu.
        Au milieu de si atroces tourments, il ne perdit rien de son courage, car il appelait à grands cris notre Seigneur Jésus-Christ et sa glorieuse Mère
        " O Jésus ! ô Marie! j'espère en vous. Souvenez-vous de mon âme dans cette extrémité. Chrétiens, soyez-moi témoins que je meurs pour la foi de Jésus-Christ!"

        Cette scène se passait devant une multitude d'infidèles et de renégats, stupéfaits de voir, dans un si faible corps, une si grande constance et un tel héroïsme. Dans la populace, on poussait des cris à confondre le ciel et la terre : on déshonorait par des injures et des outrages le saint martyr de Dieu, et l'on vomissait mille blasphèmes contre le nom chrétien. Mais rien n'effraya celui qui, au milieu des tourments, s'offrait à son Dieu et à son rédempteur avec un si bon cœur et une volonté si parfaite. Il resta ainsi près de vingt-deux heures, ne cessant d'invoquer notre Seigneur Jésus-Christ. Enfin il rendit l'âme dans les sentiments de la plus vive dévotion. Il était âgé d'environ trente-trois ans. Les Turcs, pour inspirer plus d'effroi, ne voulurent pas que les chrétiens descendissent son corps du gibet. Il y demeura deux jours, et fut ensuite jeté dans la campagne aux oiseaux et aux chiens ; mais quelques chrétiens le ravirent secrètement, durant la nuit, et l'enterrèrent en un lieu qui est resté inconnu.
        - Voilà une mort prodigieuse, dirent à l'envi les auditeurs du père Gervais, et l'antiquité chrétienne ne nous laisse rien à envier.
        - Tout ce récit est authentique, répondait le religieux. Haedo l'a publié à l'époque où les faits se sont accomplis, et il l'avait composé sur la déposition de témoins oculaires.
        - Il faudrait que ces traits fussent connus des indigènes, ajouta M. Morelli. Peut-être sont-ils de nature à faire impression sur eux, ou du moins sur quelques-uns d'entre eux. "

        Carlotta observait en ce moment sa chère négresse, qui semblait émue de ce qu'on avait raconté.
        " Je ne puis vous laisser ignorer, reprit le vieillard, l'histoire non moins remarquable d'un Maure nommé Geronimo, qui fut martyrisé à la même époque.
        Dans une des nombreuses reconnaissances que firent sur le territoire ennemi les cavaliers et soldats espagnols d'Oran, vers l'année 1538, ils prirent un jeune Arabe presque enfant, de bonne mine et plein de gentillesse. Quand on vendit à l'enchère, comme c'est l'usage à Oran, les prises dont on devait répartir la valeur, cet enfant fut acheté par le licencié jean Caro, alors vicaire, et depuis élevé par son grand mérite à la charge de vicaire général de cette ville et de sa garnison, Grâce à une bonne éducation et à une instruction soignée, il fut bientôt chrétien, et reçut au baptême le nom de Geronimo. Il avait dépassé l'âge de huit ans, lorsqu'une peste se déclara dans la ville d'Oran et força la population à se retirer, pour vivre hors des murs et habiter la campagne sous des tentes et des pavillons. La vigilance s'étant alors relâchée dans la place, certains Maures qui y étaient captifs s'enfuirent une nuit, et enlevèrent avec eux Geronimo, le petit Maure, qu'ils remirent à ses parents.
        Revenu à sa demeure et au milieu des siens, il reprit naturellement leurs lois et leurs mœurs, et vécut longtemps de la sorte jusqu'à l'âge d'environ vingt-cinq ans. Mais en l'année de notre Seigneur Jésus-Christ 1559, touché de l'Esprit saint, qui l'appelait à ce qui s'est accompli dans la suite, il retourna de sa propre volonté à Oran pour vivre en la foi chrétienne. Elle fut grande la joie qu'éprouva le vicaire général, quand il vit Geronimo, devenu homme, franchir le seuil de sa maison. Assuré de sa bonne intention et du repentir de son erreur, il le réconcilia avec la sainte mère l'Église, et le reprit dans sa demeure avec une vive tendresse. Et comme Geronimo était dès lors à l'âge viril, et courageux par caractère, ainsi qu'il en donna bientôt la preuve en plusieurs occasions, il le fit entrer avec paie dans les escadrons de campagne, où il servit à la grande satisfaction de tous. En outre, pour le rendre plus heureux, il le maria dans sa maison avec une jeune chrétienne, Mauresque d'origine et son esclave, et il les traita comme s'ils eussent été ses enfants.

        Geronimo avait ainsi vécu dix ans au service du Seigneur et à sa pleine satisfaction, lorsqu'au mois de mai 1569, Anton de Palma, habitant et adalide ou chef de partisans d'Oran, obtint de don Martin de Cordoue, marquis de Cortès, qui était général d'Oran et de sa garnison, la permission d'aller dans une barque, avec quelques soldats, enlever des Arabes qu'on lui avait signalés à quelques lieues de la ville, sur le littoral. Anton de Palma monta dans sa barque avec neuf autres compagnons, nombre qu'il avait cru suffisant, et dans lequel se trouvait Geronimo, que l'adalide aimait et qui était de sa compagnie. Arrivés au lieu désigné, ils commençaient à débarquer un matin, quand apparurent deux brigantins qui venaient de Tétouan. Reconnaissant que c'étaient des Maures, et se voyant, eux chrétiens, en si petit nombre et dans l'impossibilité de se cacher selon leur désir, ils s'embarquèrent sur-le-champ et commencèrent à fuir à la rame, le plus vite qu'ils purent. Les Maures, qui aussitôt les aperçurent, les suivirent sans retard en leur donnant la chasse. Ils les gagnèrent si bien de vitesse, que les chrétiens, ne voyant d'autre moyen de salut, furent forcés d'atterrir. Mais cela leur servit peu, car déjà les deux brigantins avaient l'éperon sur leur barque. Les chrétiens sautent à terre ; les Maures y sautent en même temps et les prennent tous vivants, quoique Geronimo fût grièvement blessé d'une flèche au bras, et d'autres atteints en d'autres parties du corps. Seul, Anton de Palma leur échappa en gagnant à course forcée l'intérieur des terres. Mais à courte distance il tomba entre les mains d'Arabes, qui étaient de ce côté avec leur douar. Ils le firent prisonnier, et il a été racheté dans la suite.

        Avec leurs neuf chrétiens captifs, les Maures partirent aussitôt, très contents, pour Alger. Et comme c'est la coutume que les rois d'Alger, de dix chrétiens prisonniers, en prennent deux pour leur part, Geronimo et un autre échurent au roi, qui était alors Euldj-Ali, renégat calabrais, aujourd'hui amiral du Grand Turc.
        Étant donc des esclaves du roi, Geronimo fut aussitôt conduit au bagne où ils logent. Comme le démon met sans cesse en œuvre ses artifices pour nuire aux bons, il fit qu'après quelques jours on sut les qualités et la naissance de Geronimo, qu'il était Arabe de nation, et comment et pourquoi il s'était fait chrétien. En conséquence, les gardiens du bagne le chargèrent d'une grosse chaîne, et ne lui permirent pas de sortir, même pour travailler, comme les autres esclaves le faisaient chaque jour.
        Et puis plusieurs musulmans, principalement de leurs lettrés et marabouts, apprenant ce qu'avait été Geronimo, pensèrent qu'il serait facile de le ramener à leur secte et à leur doctrine. Beaucoup d'entre eux, par ce motif, allaient continuellement au bagne. Les uns avec les raisonnements qu'ils pouvaient faire, d'autres avec des promesses, et d'autres même par des menaces s'efforçaient de le persuader ; mais toutes ces peines étaient inutiles et en pure perte; car, animé d'une foi vive et constante, le bon Geronimo leur répondait :
        " Ne vous fatiguez pas : pour rien au monde, ni par menaces, ni par crainte, je ne cesserai d'être chrétien. "
        Quelquefois, se voyant importuné à l'excès, il leur disait " Allez, à la garde de Dieu. "
        Puis rejoignant les chrétiens, dont l'un rapporta le fait au frère Haedo ;
        " Que pensent ces gens-là ! disait-il; me faire musulman ! Non, je ne le serai pas, devrais-je en perdre la vie ! ".

        Les Maures, se trouvant ainsi désappointés par l'inefficacité de leur éloquence, se tournèrent, comme on dit, vers les mesures de rigueur ; ils firent tout savoir à Aluch-Ali, en aggravant beaucoup l'affaire. Ils attribuaient la fermeté sainte du serviteur du Christ à l'entêtement, et ils requéraient pour lui en tout cas un châtiment tel, qu'il servît aux autres d'exemple et d'avertissement.
        Le roi se mit dans une extrême colère en écoutant leur rapport ; il les consola par de bonnes paroles, et conçut en son cœur un très ardent désir de frapper le serviteur de Dieu d'une mort cruelle et éclatante. Plein de cette pensée, il alla ce jour même voir les travaux d'un bastion, ou fort, que l'on construisait hors de la porte Bab-el-Oued, vers le couchant, pour la défense d'un point de débarqueraient ou plage sûre, situé de ce côté, à peu de distance de la ville.
        Ayant longtemps examiné l'ouvrage et près de retourner à son palais, il appela un chrétien de ses maçons, maître Michel, Navarrais de nation, chef de certains piseurs qui travaillaient au fort :
        " Michel, tu vois cette caisse, " dit-il en indiquant du doigt des planches montées pour le travail, mais où l'on n'avait point encore jeté de terre, " ne la remplis pas à présent; mais laisse-là libre et vide, parce que je veux y piser vivant ce chien d'Oran, qui refuse de redevenir Maure. " I
        l dit, et retourna vers son palais. Maître Michel fit ce que le roi lui avait ordonné, il ne tarda pas à quitter l'ouvrage, car il était déjà tard, et les autres chrétiens qui travaillaient au même endroit et qui appartenaient au roi, rentrèrent au bagne. A l'arrivée, Michel, s'affligeant du mal qu'Aluch-Ali voulait faire, alla de suite trouver Geronimo et lui conta, bien triste, ce qu'avait dit le roi, le conjurant de tout prendre en patience et l'exhortant à se préparer en bon chrétien à cette mort, qui était certaine, puisqu'il venait de préparer la sépulture de ses propres mains. Le bienheureux Geronimo ne perdit point courage en apprenant une pareille nouvelle; mais il répondit à maître Michel avec une grande force d'âme :
        " Dieu soit béni de tout ! Que ces misérables ne croient pas me faire peur ou obtenir de moi que je cesse d'être chrétien ! Daigne le Seigneur se souvenir de mon âme et me pardonner mes péchés ! "

        Quelques chrétiens, particulièrement ses amis, entendant ces paroles, se pressaient autour de lui, le consolaient comme ils pouvaient, et l'encourageaient à recevoir patiemment cette mort pour l'amour de Dieu. Il répondit à tous avec résolution :
        " J'ai confiance dans le Seigneur, il me donnera la grâce et la force de mourir pour son saint nom. Je vous prie de me recommander tous à Dieu. "
        Conformément à ce langage, et voulant se préparer en bon chrétien à ce combat, Geronimo s'empressa d'appeler un digne prêtre qui était là parmi les captifs du roi, et le pria de l'entendre en confession. Le prêtre y consentit de bon cœur ; et, entrant avec Geronimo dans l'église que les chrétiens possèdent là depuis longtemps, il entendit longuement sa confession, le consola et l'anima à recevoir cette heureuse mort.
        Après cela, la nuit étant déjà venue, Geronimo se retira à son logement, et il passa presque toute la nuit à se recommander de tout son cœur à notre Seigneur, le suppliant de lui pardonner ses péchés et de l'aider de sa grâce. Un peu avant l'aurore, il alla à l'église, où vint en ce moment le prêtre qui l'avait confessé. Celui-ci célébra la messe, que Geronimo entendit avec beaucoup de dévotion, et lui donna en viatique la communion du très-saint corps de notre rédempteur Jésus-Christ. C'est de la sorte et avec ces armes invincibles de l'âme, que s'arma le bienheureux serviteur de Dieu, plein de confiance en elles, et il attendit l'heure où les ministres de Satan devaient le conduire à la mort.

        Il n'était pas encore trois heures du jour, ou neuf heures, comme nous comptons en Espagne, lorsque trois ou quatre chaouchs, serviteurs du roi, entrèrent dans le bagne et demandèrent Geronimo, qui était à l'église, se recommandant à Dieu. Il se présenta de son propre mouvement à ces hommes, et aussitôt qu'ils le virent, ils commencèrent, selon leur coutume, à le couvrir brutalement de mille affronts et injures :
        " Chien, juif, traître, pourquoi ne veux-tu pas être Maure ? "
        A tout cela le serviteur de Dieu ne répondit pas même un seul mot. Les chaouchs le placèrent au milieu d'eux et s'acheminèrent vers le fort, ou bastion, dont nous avons parlé, où le roi l'attendait et où il devait achever son heureux martyre. Geronimo, arrivé à cet endroit, est conduit devant le pacha, entouré d'un grand nombre de renégats et de Turcs.
        " Bre juppe (c'est-à-dire : Holà ! chien) ! pourquoi ne veux-tu pas être Maure ? lui dit le roi.
        - Je ne le serai pour rien au monde, répondit le martyr de Dieu ; je suis chrétien et resterai chrétien.
        - Eh bien ! répliqua le roi, regarde, " Et il lui montrait du doigt le lieu où étaient les planches à faire le pisé. " Te tengo de entapiar vivo. - Je veux t'enterrer vif.
        - Fais ce que tu voudras, répondit le saint homme avec un extraordinaire et admirable courage; je suis préparé à tout, et cela ne me fera point renier la foi de mon Seigneur Jésus-Christ. "

        Alors le roi, voyant cette grande force d'âme et cette constance en la foi de Jésus-Christ, ordonna de détacher la chaîne que Geronimo portait à la jambe, de lui lier les pieds et les mains, de le mettre dans l'intérieur de la caisse à pisé qu'il avait fait réserver la veille, et de l'y enterrer vivant. Les chaouchs obéirent aussitôt. Geronimo, ainsi lié, fut étendu entre les planches. Un renégat espagnol de la maison de Hadj-Mourad, connu en pays chrétien sous le nom de Tamango, appelé Djafar par les Turcs, et qui avait été pris à la défaite de Mostaganem avec le comte d'Alcaudète, saute alors à pieds joints sur le martyr de Dieu, et, prenant en main un de ces pilons nommés dames qui se trouvaient là, il demande avec grande instance qu'on apporte vite la terre. On en apporta, et on la répandit sur le saint du Seigneur, qui ne disait rien et n'ouvrait pas plus la bouche qu'un doux agneau. Le renégat se mit à fouler des deux mains à grands efforts, multipliant ses coups violents et cruels. A cet exemple, d'autres renégats du nombre de ceux qui se tenaient près du roi, brûlant du désir de paraître Turcs sincères et zélés, se jetèrent aussi sur d'autres pilons, entassèrent la terre qu'on apportait, et, la foulant avec force et fureur, achevèrent de combler le vide de la caisse et de tuer le glorieux martyr du Christ.

        L'âme de Geronimo, nous le croyons selon l'enseignement de notre divine foi, fut reçue du Seigneur au nombre de ses saints dans le ciel, où elle obtint la couronne et la récompense de cette sainte et glorieuse mort. Tout cela se passait en présence du roi et d'une foule innombrable de Turcs, de renégats et de Maures. Ils regardaient ce spectacle avec grand contentement et s'en repaissaient. Lorsqu'il fut terminé et le corps du saint homme enseveli dans ce sépulcre si noble, le roi retourna à son palais, disant en chemin :
        " Vraiment, je ne pensais pas que ce chrétien recevrait la mort avec tant de courage. "
        On était alors à la mi-septembre 1569, au 18 du mois, jour qui restera dans la mémoire et dans le cœur de ceux qui aiment la gloire de Jésus-Christ notre Seigneur. Les chrétiens qui travaillaient à la construction du fort délibérèrent ensuite s'ils retireraient de là le saint corps. Cela ne leur parut pas possible, parce qu'ils eussent été vus des Turcs et des Maures qui étaient là sans cesse comme gardiens.
        Et puis cela était moins convenable, car la mémoire de ce bienheureux martyr, de sa glorieuse mort et de son héroïsme, se conserverait beaucoup mieux, si son corps demeurait enterré là, en lieu si noble , si bien exposé aux regards, non-seulement des chrétiens, mais des aveugles Maures et Turcs, et surtout des renégats : en voyant un aussi excellent martyr de Dieu, ils seraient confondus et rougiraient de leur erreur et de leur fourberie.

        On verra très clairement dans les blocs de pisé de la muraille l'endroit où le corps saint est enterré, si l'on examine le bastion, parce que du côté qui regarde le nord, on aperçoit un bloc tout affaissé et comme ébranlé : c'est qu'avec le temps la chair du corps se consumant, la terre du bloc a éprouvé un tassement qui est parfaitement sensible.
        " Nous avons confiance dans le Seigneur à cause de sa bonté, continue Haedo à qui j'emprunte ce récit, qu'un jour nous retirerons de cet endroit le corps de Geronimo, pour le déposer avec ceux de beaucoup d'autres saints et martyrs du Christ, qui ont consacré cette terre par leur sang et leur bienheureuse mort ; nous le placerons dans un lieu plus favorable et plus digne, pour la gloire du Seigneur, qui nous a laissé, à nous autres captifs, de tels saints et de tels exemples.
        " Au moment de sa glorieuse mort, le bienheureux martyr Geronimo, d'après les apparences, pouvait avoir trente-cinq ans. Il était petit de corps et de peu d'embonpoint. Sa figure était maigre et soit teint très brun, comme celui de presque tous les Maures de cette contrée et de la Barbarie. "
ÉPILOGUE


        Le trinitaire achevait ce récit, qui impressionnait vivement ses auditeurs, lorsque Fatma, quittant le kersi où elle était assise, se prosterne aux pieds du vieillard, baise le bord de sa robe monacale, et répète d'une voix étouffée par les sanglots : " Père, je veux être chrétienne. "
        Le vieillard la relève avec bonté; et aussitôt Carlotta se jette en pleurant au cou de la négresse, qu'elle travaillait à instruire de l'Évangile avec tant de zèle et de patience.
        " Oui, chère fille, répondit le vieillard, tu seras chrétienne. Notre Seigneur appelle tous les enfants des hommes à sa religion.
        - Dieu soit loué ! disait de son coté Mme Morelli. Nos vœux et nos prières sont exaucés. Nous voulions que cette pauvre fille reconnût la vraie religion, et qu'elle se convertît sous la seule influence de la grâce.
        - Eh bien ! Fatma, dit M. Morelli, tu étais pour nous, non pas une esclave, mais presqu'un membre de la famille.
        - Désormais nous t'aimerons encore davantage. Carlotta te considère comme une sœur : tu lui as sauvé la vie du corps, nous sommes heureux que Dieu l'ait choisie pour te procurer le salut de l'âme.
        - Mais, dis, Fatma, reprit Alfred, qui était loin de rester indifférent à cette scène, comment t'es-tu décidée ce soir à demander le baptême ?
        - Je le désirais depuis longtemps, répondit la négresse encore tout émue ; mais je ne sais ce qui me retenait. Je souffrais, et mon âme était par moments comme l'oiseau dans les serres du faucon ; j'avais peur des djenouns ; je craignais les autres négresses ; mais je comprenais bien ce que m'enseignait Lella Carlotta ; que la paix de Dieu soit sur elle ! Et j'entendais les récits du père chaque soir. Sa parole était aussi pénétrante que le parfum de l'ambre. Et tout à l'heure, à la djema de Lella Mariein, j'ai prié. Je regardais sidna Aïssa, son petit enfant qu'elle tient par la main sur la boule du monde; j'ai cru que la Vierge me parlait et me disait : " Fatma, sois chrétienne. " Et je ne savais pas où j'étais, quand Lella Carlotta me prit par la main pour me dire qu'il fallait nous retirer. Et puis, lorsque j'ai vu mourir chrétiens Forniel et Geronimo, qui ont été Maures comme moi, mon cœur s'est gonflé; je n'ai pas pu hésiter, et je suis tombée aux pieds du père. Oui, je veux être chrétienne. "
        Mmes Morelli prodiguèrent à Fatma les marques de tendresse ; tout le monde fut dans la joie. On rendit grâces à Dieu, et dès le soir on s'occupait des préparatifs du baptême.

        Je compléterai en peu de mots cette histoire. Fatma reçut au baptême les noms de Maria-Carlotta, qui étaient ceux des deux filles de M. Morelli, et l'on y ajouta celui de Geronima, en mémoire du martyr dont l'exemple avait été si efficace pour achever la conversion de la néophyte. Le père Gervasiolui administra le sacrement, et Mme Morelli voulut être marraine. Geronima portait au cou la croix d'or de la petite Marie, cette croix à laquelle, un jour, nous lui vîmes donner un furtif baiser. Le baptême fut célébré à Notre-Dame-des-Victoires, et depuis cette époque les personnes qui connaissent Fatma convertie peuvent juger de la puissance de la grâce et de la doctrine chrétienne, pour enrichir de la lumière de la civilisation et orner des charmes de la vertu une âme obscure, dégradée par le fétichisme et le Coran.
        Rien n'est venu troubler le bonheur de la famille Morelli, qui habite Naples en ce moment. En 1854, le vieux trinitaire don Gervasio Magnoso est allé recevoir au ciel la récompense d'une vie de soixante-dix-huit ans passée en grande partie dans les bagnes. Alfred fait honneur à la marine française par une conduite où se concilient admirablement les devoirs d'un fervent catholique et les hautes qualités d'un officier d'avenir. La négresse a suivi en Italie ses parents adoptifs. I
        ls tressaillirent d'étonnement et de bonheur en apprenant, au commencement de 1854, la découverte du corps de Geronimo, faite le 27 septembre 1853, lors de la démolition du fort des Vingt-Quatre-Heures, à Bab-el-Oued. Cet événement a causé dans le monde catholique une émotion trop vive et trop récente pour qu'il soit nécessaire de le raconter. Qui d'ailleurs n'en a suivi les péripéties dans la belle lettre adressée par Mgr Pavy, évêque d'Alger, à MM. les présidents des conseils de l'Œuvre de la Propagation de la foi ?

        Je dirai seulement que des faits, dont l'Église appréciera le caractère, et qui seront livrés dans le temps opportun à une entière publicité, permettent d'espérer dès aujourd'hui que Geronimo, déclaré vénérable par notre saint-père le pape Pie IX, sera un jour placé sur nos autels.
        En attendant, le corps repose à la cathédrale d'Alger, dans un tombeau de marbre qui porte cette inscription :
OSSA
VENERABILIS SERVI DEI GERONIMO
QVI
ILLATAM SIBI PRO FIDE CHRISTIANA MORTEM
OPPETIISSE
TRADITVR
IN ARGE DICTA A VIGINTI QVATVOR HORIS
IN QVA INSPERATO REPERTA
DIE XXIII DECMBRIS ANNO M DCC LIII

FIN
A SUIVRE

ANECDOTE
Envoyé par M. Vassalo
 LE CONCOURS DE MUSIQUE
Affiche M. Vassalo Edmond

                       


LES MAINS
De Germain NOUVEAU (1851-1920)
Envoyé par Gérard


Aimez vos mains afin qu'un jour vos mains soient belles
Il n'est pas de parfum trop précieux pour elles
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux
Il n'est pas d'instruments trop délicats pour eux

C'est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles,
Elles ont pris leur neige aux lys des Séraphins
Au jardin de la chair, ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.

Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bleuet sourit,
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines:
Les mains disent aux yeux les secrets de l'esprit.

Les peintres les plus grands furent amoureux d'elles,
Et les peintres des mains sont les peintres models

Comme deux cygnes blancs l'un vers l'autre nageant,
Deux voiles sur la mer fondant leurs pâleurs mates,
Livrez vos mains à l'eau dans les bassins d'argent,
Préparez-leur le linge avec les aromates.

Germain NOUVEAU       
(Recueil : Poésies d'Humilis)       
  



LIVRE D'OR
des BÔNOIS de 1914-1918

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini

Monuments aux morts de Bône
Photo de JC.Stella

             Les morts de 1914-1918 enregistrés sur la circonscription de Bône méritaient un hommage que Jean Claude Stella a eu la bonne idée de me soumettre et qui vient d'être mise en oeuvre avec sa totale collaboration.
             Il a effectué toutes les recherches et il continue. J'ai crée un petit site à cet effet et le résultat vous pous pouvez le découvrir à l'adresse ci-dessous.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider si vous le pouvez. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.
             De même si vous habitez près de Nécropoles et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour phographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant. Lors de mon séjour ce mois-ci dans l'Oise, j'ai pu ainsi retrouver trois tombes.
             Dans quelques jours nous établirons une liste de nécropoles concernant les morts Bônois.
             Je sais que certains d'entre-vous penseront qu'il n'y en a que pour les Bônois, mais ce travail pourrait être fait pour toutes les communes à condition que le même travail qu'a effectué J.C. Stella soit réalisé avec la même rigueur. Il en serait ainsi pour les morts de 39/45.
             Nous possédons presque toutes les fiches militaires, actes de naissance ou de décès, je suis en attente d'une autorisation légale pour les diffuser. Si cela m'était refusé, ce serait regrettable pour tout le travail de recherche qui a été effectué dans le seul but de la mémoire afin de faire revivre le monument aux morts de Bône qui a été détruit.

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918"
CLIQUER sur cette adresse : http://www.livredor-bonois.net
 
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.

 

HISTOIRE DES VILLES DE LA
PROVINCE DE CONSTANTINE      N°10
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.
LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Le Chevalier d'Arvieux, Consul à Alger en 1674.

                     Nous devons maintenant relater un nouvel incident qui fut, après l'affaire du Bastion, la question la plus sérieuse que le Chevalier d'Arvieux eût à traiter pendant son séjour à Alger.

                     Dans le courant du mois de novembre précédent, un vaisseau corsaire d'Alger, commandé par Hussein Raïs, surnommé Mezzo-Morto, le même que nous verrons bientôt jouer un grand rôle politique, amena deux prises qu'il avait faites, l'une d'un vaisseau génois et l'autre d'une barque de Livourne. Cette barque était partie de Marseille, et vingt Français qui voulaient voir les cérémonies de la Semaine?Sainte, à Rome, s'y étaient embarqués et l'avaient préférée à d'autres bâtiments français, craignant d'être pris par les Espagnols. Le Corsaire rencontra la barque si près de Livourne qu'elle aurait pu aller à terre. Dès qu'il eût examiné les passeports de nos Français, Mezzo-Morto leur dit qu'il tâcherait de les mettre à terre. Mais ces gens, peu instruits des manières des Barbaresques et croyant qu'on aurait plus de respect et d'attention pour eux s'ils se disaient tous gens de qualité, s'avisèrent de se traiter entre eux de Marquis et de Chevaliers, comme, en effet, l'étaient quelques-uns d'entre eux, et étant d'ailleurs tous très bien vêtus, avec des boucles de pierreries. L'équipage les prit pour des Chevaliers de Malte, ne connaissant point d'autre Chevalerie, et protesta au Capitaine que s'il les relâchait, sa tête en répondrait au Divan et à la Milice d'Alger. Mezzo-Morto fut donc forcé de les conduire à Alger ; mais il les traita bien et les assura qu'ils ne seraient point Esclaves, et que, dès qu'il serait arrivé, il ferait avertir le Consul de France, afin qu'il les réclamât comme nationaux.

                     Dès qu'ils furent arrivés, dit d'Arvieux, j'envoyai mon Chancelier à bord, afin d'être informé de leur qualité et de quelle manière ils avaient été pris, afin de les réclamer ; entre autres, un sieur Vaillant qui se qualifiait d'Homme du Roy, parce qu'il allait à Rome chercher des médailles par ordre de M. de Colbert. Il prétendait, par cette qualité, se faire distinguer des autres, et il ne prenait pas garde que c'était le moyen de rendre sa délivrance plus difficile et sa rançon plus considérable.
                     Je priai M. Le Vacher de m'accompagner au Divan. Le Dey n'attendit pas que je lui parlasse, il se déchaîna d'abord contre moi disant qu'il m'avait recommandé d'écrire en France que leur intention était de prendre tout ce qu'ils trouveraient sous la bannière de leurs ennemis. Que puisque le mépris que nous avions pour ses sentiments le rendait odieux à la Milice, il voulait faire Esclaves les passagers pris par Mezzo-Morto, afin que, par cet exemple, ils cessassent une bonne fois de s'embarquer avec leurs ennemis ; ainsi que je n'avais qu'à me retirer.

                     Je lui représentai que la crainte des Espagnols et la confiance que ces passagers Français avaient eue à la Paix d'Alger et de Tunis, les avaient obligés à préférer cette barque de Livourne ; qu'il ne devait pas être défendu aux Français de passer sur les navires de leurs amis puisque les Turcs se servaient bien des nôtres. La preuve de cela était que, depuis deux jours; une barque Française venait de lui amener une quantité de Pèlerins de la Mecque, embarqués à Tripoli de Barbarie, qui n'avaient pas voulu se servir de bâtiments de leur nation à cause des Corsaires de Malte et de Livourne : donc qu'il ne pouvait pas retenir ces passagers ni les faire Esclaves sans rompre la Paix et s'attirer tout le ressentiment du Roy.
                     Le Dey répondit qu'il se souciait peu qu'ils fussent matelots, soldats ou passagers, qu'il lui suffisait seulement pour les faire esclaves qu'ils fussent Français pris sous la bannière de leurs ennemis.
                     M. Le Vacher s'apercevant que nous commencions à nous échauffer bien fort que je protestais que je ne sortirais point du Divan qu'on ne m'eût rendu ces Français, proposa un expédient qui fut agréé sur-le-champ, qui fit que ces passagers demeureraient en dépôt dans le bagne de la Douane, jusqu'à ce qu'on vit, par la réponse du Roy, si nous aurions la Paix ou la Guerre et juger par-là de leur sort.

                     Le Dey s'y rendit d'abord, A condition que je leur fournirais leur subsistance, sinon qu'il en ferait vendre quelqu'un pour donner du pain aux autres. Les passagers furent donc envoyés au bagne de la Douane ; leur dépense fut réglée par eux-mêmes. Le 1er février 1075, je reçus, par la barque du patron Légier, les dépêches de la Cour. On me renvoya la Lettre du Dey apostillée à chaque article, avec une lettre du Roy pour le Dey. On remit mon audience au lendemain parce que c'était un jour de Divan où toute la milice serait assemblée et que le Dey était bien aise qu'elle lut présente à. l'ouverture des Lettres.
                     Je traduisis, en turc, la lettre du Roy, les articles des Traités dont j'avais ordre de demander l'exécution plus expressément et les autres choses que je devais communiquer, afin que je pusse faire lire toutes ces pièces tout de suite par un des secrétaires du Divan. Je fus appelé le jour suivant. J'entrai au Divan ayant la Lettre du Bey à la main. A peine Baba Hassan me donna-t-il le temps de saluer le Dey et de m'asseoir qu'il me demanda de quel Seigneur de France étaient les Lettres que je portais.

                     Ne vous trompez pas, répondis-je. Il y a en France quantité de très grands et très puissants Seigneurs. Mais la Lettre que je porte est de l'Empereur mon maître, auquel le Sultan Mehemed, votre maître, donne le titre d'Empereur de France. Ce grand Prince, par la grâce de Dieu et ses armes victorieuses, est connu et respecté de tous les potentats de la terre, et vous devez craindre que vos mauvaises manières ne vous le fassent connaître fort à vos dépens. Ces paroles excitèrent un grand murmure dans cette assemblée tumultueuse, dont le bruit fut si grand que je ne pus entendre ce qu'on dit.
                     Voici la Lettre du Roy au Dey :
                     " Illustre et magnifique Seigneur, nous avons reçu les Lettres que vous nous avez écrites au mois de septembre dernier, et comme nous avons chargé le sieur Chevalier d'Arvieux, notre Consul eu votre ville d'Alger, de vous faire savoir nos intentions sur tous les points qui y sont contenus, nous sommes bien aise de vous dire que vous pouvez donner une entière confiance à tout ce qu'il vous dira de notre part et que nous ne doutons pas que vous ne mainteniez exactement les articles des Traités qui ont été faits avec vous, en notre nom, par notre cousin le Duc de Beaufort, en 1666 et eu 1670 par le Marquis de Martel, lieutenant-général de nos armées navales. Sur ce, nous prions Dieu qu'il vous ait, illustre et magnifique Seigneur, en sa sainte garde.
                     " Écrit en notre château royal de St-Germain en Laye, le 4 décembre 1674.
" Signé : Louis.
Et plus bas : " COLBERT. "


                     Je quittai la conversation dans laquelle Baba Hassan m'avait voulu engager, je m'adressai au Dey son beau-père, je baisai la Lettre du Roy et je la lui présentai. Il la reçut avec respect, me la rendit et me pria de la lire tout haut.
                     Je la lus et, après la lui avoir rendue, je lui fi s connaître que j'avais beaucoup de choses à lui dire sur ce qu'il avait écrit au Roy et que je les avais transcrites afin que tout le Divan en put avoir connaissance. Je lui remis mon cahier et il le fit lire à haute voix à l'assemblée par le premier secrétaire du Divan.
                     Je m'attendais que cette Lettre causerait beaucoup de bruit ; cependant, cette troupe tumultueuse ne dit rien jusqu'à l'article des Français qui seraient trouvés sur les vaisseaux étrangers : alors le Dey prit la parole et déclara qu'il ferait Esclaves tout autant de Français qu'on lui en amènerait. Je lui montrai les articles des Traités et je lui demandai si la Milice était dans la résolution de les observer ou non.
                     Le Dey me répondit que ces articles n'avaient point été faits de son temps et que tous les Traités qu'il voulait observer consistaient dans un seul article, sans s'embarrasser l'esprit de tant d'écritures inutiles, qui était que la Milice d'Alger avait la paix avec la France et qu'elle ne toucherait point aux Français ni à leurs effets, ni aux bâtiments qui portaient la, bannière de France ; mais que voulant avoir la guerre avec toutes les autres, ils prendraient indifféremment tous les Français qu'ils trouveraient avec elles sans distinction, parce que les soldats et matelots Français se voyant pris, ne manquent pas de se dire passagers pour éviter l'esclavage, et les contestations qui surviennent à ce sujet troublent les bonnes relations qu'ils prétendaient conserver avec nous.
                     Il ajouta que si Sa Majesté n'était pas contente, elle pouvait prendre tel parti qu'il lui plairait. Qu'ils allaient lui écrire encore une fois leur dernière résolution, après quoi il n'y aurait plus à répliquer.
                     La Milice opina après que le Dey eut achevé de parler, c'est-à-dire qu'on entendit de tous côtés de grands cris d'applaudissements qui durèrent longtemps. Le tumulte apaisé, je voulus parler, mais m'étant aperçu que ces brutaux se mettaient en fureur, je fus obligé de me taire, et de ne point parler des vingt-cinq Français qui étaient en dépôt, de crainte que quelque misérable n'eut demandé qu'ils fussent vendus, et je n'aurais pas été en état de l'empêcher. Ainsi je fis ma révérence et je me retirai.

                     Mais ayant appris, le lendemain matin, que le Dey était seul avec son gendre dans la salle du Conseil, je l'allai trouver et je lui dis que la réponse du Roy étant venue comme il l'avait désiré, je venais le faire souvenir de me rendre les vingt-cinq Français passagers qu'il tenait en dépôt. Il me répondit crûment qu'il voulait les vendre. Je lui dis qu'il avait trop de prudence pour le faire pendant que nous avions la paix, que ce serait la rompre que d'en user ainsi au préjudice des Traités et de la parole qu'il m'avait donnée de les mettre en liberté dès que le Roy lui aurait écrit de quelque manière que ce fût. Je lui représentai que sa résolution, si elle était sincère, ne pouvait avoir que des suites funestes à la Régence d'Alger, par le ressentiment que le Roy serait obligé d'en avoir, à moins qu'il ne voulût nous déclarer la guerre par cette action.
                     Nous nous échauffâmes terriblement dans ce long entretien, et quoique je mesurasse toutes mes paroles, le Dey et sou gendre me dirent que jamais Consul ne leur avait parlé de cette manière et qu'il semblait qu'on m'avait envoyé exprès pour les faire enrager. Baba Hassan me menaça de me faire mettre en pièces et, me montrant du doigt une pierre de marbre qui est au milieu de la cour : " Voilà, me dit-il, un lieu où l'on a mis en pièces des Consuls comme vous, et vous méritez qu'on vous en fasse autant, "
                     Les Officiers du Divan et quantité de Turcs qui s'étaient assemblés, crièrent qu'il fallait se défaire de moi et me tailler en pièces, et je ne sais comment ils ne le firent pas. Tous les Français qui m'avaient accompagné se retirèrent plus vite que le pas et furent dire à M. Le Vacher qu'il n'avait qu'à prier Dieu pour moi et, qu'assurément, je n'étais plus en vie. Je crus moi-même être arrivé à mon dernier moment ; mais sans faire paraître la moindre faiblesse, je dis à Baba Hassan : " Ce dont vous me menacez est une loi que tous les hommes doivent subir tôt ou tard, il faut y venir : ma consolation est que je mourrai en servant mon maître. Il a plusieurs millions d'hommes dans son Empire qui envieront mon sort. Voyez-vous, lui dis-je, en ouvrant mon juste au corpss avec violence, voyez-vous cette croix et ce ruban où elle est attachée, l'Empereur, mon maître, me l'a donnée, afin de me faire souvenir que je dois répandre mon sang pour ma religion et pour son service ; c'est ce que je fais en défendant les intérêts de mes compatriotes et la gloire de mon maître. Après une telle déclaration, qu'attendez-vous ? Je suis prêt et je mourrai content. "
                     Le Dey et son gendre me laissèrent parler tant que je voulus ; ils m'écoutèrent attentivement en me regardant fixement pour connaître si la crainte n'opérerait point quelques changements sur mon visage, et n'y remarquant pas la moindre altération, ils dirent à ceux qui étaient proche d'eux : " C'est un Dely, c'est-à-dire un fou. " Ce terme n'est pas injurieux chez les Turcs ; il signifie, dans un sens figuré, un déterminé qui ne craint pas la mort.
                     Après quelques moments de silence, le Dey me dit que je pouvais me retirer chez moi et qu'ils verraient ce qu'ils auraient à faire.
                     Je me retirai donc et je surpris bien du monde ; on m'avait cru mort : mes amis vinrent me faire compliment et me conseillèrent de mieux ménager ma vie qui, assurément, n'était pas en sûreté parmi ces gens. Les Turcs et les Juifs, qui s'étaient trouvés au Divan, publièrent par toute la ville ce qui s'était passé, de sorte qu'on ne m'appelait plus que le Consul Dely.
                     Deux heures après, le Dey envoya chercher le Trucheman et le gronda fort de ce qu'il m'avait laissé parler. Ce pauvre homme s'excusa sur ce que je savais la langue du pays, que j'avais toujours parlé seul au Divan et qu'il ne venait avec moi que par cérémonie. Il lui commanda de me venir dire que si ces vingt-cinq passagers voulaient lui donner quinze mille piastres pour la paye des soldats, il les mettrait en liberté.
                     Je lui envoyai dire qu'il n'y avait point de justice à les faire Esclaves ni exiger une rançon, et qu'ils étaient trop pauvres pour lui pouvoir faire un présent, que j'en donnerai avis au Roy et que j'attendrais ses ordres.
                     Cette démarche du Dey me fit connaître que ma fermeté avait produit un bon effet sur son esprit, mais elle me fit conjecturer que mes envieux en profiteraient pour obliger ces Barbares à me chasser et la suite m'a fait voir que ma conjecture était bien fondée.

                     Le 5 février 1675, nous apprîmes par les lettres du Bastion que de La Font avait oublié tout ce qu'il avait promis au Dey et à Baba Hassan, protecteurs des enfants de feu Arnaud. Dès qu'il se vit établi au Bastion, il songea à en chasser les enfants Arnaud et un sieur Villacrosse, qui avait été chargé, par le Dey, d'administrer l'Établissement après la mort d'Arnaud père, et, pour cet effet, il s'entendit avec quelques commis et soldats de la place, et les accusa d'avoir voulu le faire empoisonner. L'accusation était grave, mais il en était l'auteur et s'en fit lui-même le juge. Il décréta contre eux, les fit arrêter, et, sans garder aucune des formes ordinaires de la justice, il supposa qu'il n'était pas en sûreté dans la forteresse. Il fit dresser de longs procès-verbaux et il les fit embarquer bien enchaînés dans la tartane du patron Prudent, et les envoya à Marseille pour être mis dans les prisons et leur procès leur être fait sur les pièces qu'il envoyait.
                     C'était débuter d'une manière bien maladroite et, pour satisfaire une vengeance personnelle, compromettre l'avenir de l'Établissement. La tartane, qui portait les Arnaud et Villacrosse, ayant été prise par un Corsaire Majorquin, celui-ci mit en liberté les prisonniers et l'équipage et les débarqua en Sicile. Villacrosse y mourut ; l'aîné des fils Arnaud y fut malade à la mort, et le cadet passa à Livourne avec les lettres et toute la procédure de La Font que le Corsaire lui avait rendu. De La Font m'écrivit une longue lettre dans laquelle il m'exposait la conspiration des accusés en me priant d'en instruire le Dey. Cela était inutile ; Estelle, qui avait été instruit de toutes choses avant moi, en avait informé le Dey à sa manière ordinaire, c'est-à-dire en irritant le Dey et Baba Hassan contre moi et de La Font.
                     Baba Hassan m'envoya appeler et me reprocha, en termes très durs, ce que j'avais fait pour le réconcilier avec un fourbe, et, après bien des discours fâcheux auxquels je répondis, il me dit qu'on m'enverrait chercher le lendemain au Divan où on me parlerait en présence de M. Le Vacher et d'Estelle.

                     En effet, je fus appelé le jour suivant. Le Dey me déclara que c'était sur mes instances qu'on avait reçu de La Font et que, puisqu'il manquait de parole, il voulait le chasser du Bastion et me renvoyer en France. Il se mit ensuite à crier qu'il voulait donner le Bastion aux Génois et qu'il allait envoyer chercher leur Consul pour cela.
                     A la fin, le Dey et son gendre convinrent d'écrire au Roy et à de La Font comme je leur conseillais de le faire.
                     Voici d'abord la lettre à de La Font :

                     Au Capitaine de La Font, Consul du Bastion : que Dieu veuille le mettre dans le chemin du salut.

                     " Nous vous faisons savoir qu'étant venu dernièrement de votre pays en cette ville d'Alger, et vous étant trouvé en notre présence, après avoir fait assembler le Divan et toute la Milice, où était aussi le Seigneur Dey et Baba Hassan, vous fûtes, par délibération du Conseil, établi Gouverneur du Bastion, après avoir ouï vos raisons et vos propositions sur ce que vous nous promîtes, conformément à l'accord que vous avez fait, en France, de payer aux enfants d'Arnaud les douze mille piastres que vous leur devez. Vous nous avez témoigné que vous étiez dans cette résolution, comme votre propre Consul le sait bien, et vous nous avez réitéré les mêmes assurances dans le temps de votre départ pour aller au Bastion.
                     " Après tout cela, nous voyons que vous avez oublié ce que vous nous avez promis et tout ce dont nous étions convenus avec Vous. Vous avez non-seulement abandonné les enfants d'Arnaud, mais vous leur avez fait ressentir les effets de votre indignation et de votre inimitié. Au lieu de les caresser et de leur donner de l'emploi, vous les avez mis en arrêt et renvoyés en France de votre chef, sans nous avertir et sans nous consulter. C'est de quoi nous sommes tachés et mécontents au dernier point, vous déclarant que nous ne pouvons consentir à ce que vous avez fait. Donc, ayant reçu cette Lettre, il faut que, sans y contrevenir en aucune façon, vous payiez entièrement aux enfants d'Arnaud douze mille piastres que vous leur devez, selon votre accord et la parole que vous nous avez donnée, sans leur retenir un sol de cette somme. Si par votre réponse nous voyons que vous exécutez votre promesse selon nos intentions, nous vous considèrerons comme le Consul du Bastion. Conformément à nos accords et à nos délibérations, nous vous tiendrons la parole que nous vous avons donnée et vous serez le Gouverneur du Bastion.
                     " Que si, au contraire, vous n'exécutez pas ce que nous vous demandons, qui est de payer aux enfants d'Arnaud la somme de douze mille piastres vous savez nos affaires, nous vous expulserons du Bastion et n'en donnerons jamais le gouvernement ni à vous, ni à aucun de votre nation, et nous le donnerons aux Génois ou autres, et il sera trop tard de vous en repentir dans la suite. Si par ce que vous avez écrit ou écrirez en France, il arrive quelque mal aux enfants d'Arnaud, soyez assuré que nous le ferons tomber sur vous-même, dès que nous en aurons reçu la nouvelle, car ce sont des gens qui ont servi cette République avec beaucoup de fidélité ; nous les aimons et nous ne voulons pas qu'il leur arrive aucun mal. Enfin, écrivez en France et bien diligemment, qu'on n'inquiète en aucune façon les enfants d'Arnaud, et recommandez-le bien fortement de peur que vous ne ressentiez vous-même tout le mal qu'on leur fera, Si vous ne faites ce que nous vous ordonnons, nous écrirons en France pour avertir Sa Majesté de toutes nos raisons et de vos actions, d'une manière que vous aurez sujet de vous en repentir.
                     " De la part du Divan et de la Milice d'Alger. "


                     Le Dey, ajoute d'Arvieux, voyant que je ne demandais plus d'audience m'envoya un Juif appelé Aaron Cohen, son ministre secret. J'eus une conférence secrète avec lui qui dura plus de deux heures. Il me dit que le Dey serait ravi de bien vivre avec moi, qu'il ne trouvait pas mauvais que je lui fisse des instances, puisque le devoir de ma charge m'y obligeait, mais que je devais considérer aussi que sa tête n'était guère en assurance dans le rang qu'il tenait parmi une Milice brutale et dangereuse, qui n'avait ni honneur ni religion. Que je devais savoir que toutes les affaires ne se terminaient, à Alger, qu'avec de l'argent, et que, par conséquent, je devais suivre cette route et songer à terminer l'affaire des passagers avait que la Milice se mit en tête de les exposer en vente.
                     Cette démarche m'obligea d'entrer en négociation avec le Juif. Après plusieurs allées et venues, il me vint dire à la fi n que le Dey modérait sa demandé de quinze mille piastres à onze mille, à cause de moi. A la fin, nous demeurâmes d'accord à quinze cents piastres.
                     Le lendemain, Aaron Cohen vint me dire que le Dey ne voulait plus tenir le Traité que nous avions fait le jour précédent et, qu'outre les quinze cents piastres, il voulait qu'on fît venir tous les Turcs qui étaient aux galères de France, si je voulais qu'il mît en liberté les passagers Français.

                     Le Dey m'envoya ensuite chercher en particulier : il me dit qu'il n'était pas le maître des soldats, qu'ils gouvernent la République comme il leur plaît. Que la Milice lui avait signifié plusieurs fois qu'elle ne souffrirait jamais que ces passagers s'embarquassent avant le retour de tous les Turcs retenus en France ; que sans cela il me les aurait rendus pour les quinze cents piastres dont nous étions convenus, mais qu'il ne pouvait pas jouer sa tête et qu'il en était au désespoir. Ce discours me fit faire des réflexions : je vis sans peine que tous mes raisonnements étaient inutiles avec des gens qui ne cherchaient qu'à nous déclarer la guerre ; qu'il fallait leur passer quelque chose et gagner du temps, pour pouvoir avertir le Roy de l'état des affaires, afin que s'il jugeait à propos de déclarer la guerre à ces canailles, ils n'eussent pas la gloire de l'avoir prévenu. Je considérai encore le mal qui en arriverait au commerce, s'ils prenaient ce parti les premiers, parce qu'ils saisiraient nos bâtiments qui, ne devant pas s'attendre a une rupture, seraient pris au dépourvu. Tout cela m'obligea de parler doucement au Dey et de lui représenter, en termes polis, que ces innovations ne pouvaient pas être du goût de Sa Majesté, et qu'il fallait attendre qu'elle s'expliquât là dessus. Il en convint avec moi et me dit qu'il allait en écrire au Roy, et que je devais écrire de mon côté et faire préparer une barque pour porter nos paquets dans huit jours.
                     Le 17 février, le Dey me remit sa Lettre pour le Roy ; mais, malgré toutes mes instances, il ne voulut point la mettre dans une bourse de satin, ni avec la suscription que le Grand Seigneur a coutume d'y mettre, me disant, pour dernière excuse, que ces sortes de cérémonies étaient inutiles et qu'ils ne devaient pas changer leur ancien style. En voici la traduction :
                     " Au très puissant entre les Grands des Chrétiens, le Roy de: France, qui est l'appui et le soutien, de la magnificence dans la religion de Jésus. Dieu veuille le diriger dans les sentiers de la justice.
                     " Après avoir supplié Votre Majesté d'agréer nos très humbles saluts, si Elle test bien aise de savoir l'état où nous sommes, nous lui dirons que nous jouissons d'une santé parfaite, grâce à Dieu très haut
                     " Ensuite, nous représentons à Votre Majesté que, grâce à Dieu, nous avons la Paix avec Elle. Il n'a pas permis que depuis que cette Paix a été contractée jusqu'à pré-sent, il se soit rien passé entre nous qui ait pu la rendre défectueuse. Nous espérons, s'il plaît à Dieu, qu'il en sera de même à l'avenir. Cependant, il s'est trouvé vingt-cinq de vos Français dans les navires de nos ennemis que nos vaisseaux ont amenés à Alger : nous les avons arrêtés, non pas dans l'intention de les vendre, parce que nous avons un Traité de Paix avec nous.
                     " Votre Majesté sait que le Pays est gouverné par une Milice dont l'emploi est de le servir par mer et par terre. Présentement, l'intention de ces soldats, nos enfants, est fondée sur ce raisonnement. Ils disent : il y a quantité de nos frères Musulmans esclaves en France; nous désirons qu'on les mette en liberté ; qu'on nous les amène ici et, aussitôt, nous relâcherons ces Français, afin que l'amitié étant augmentée de part et d'autre, notre Paix soit d'autant plus affermie; c'est ce dont nous devons avertir Votre Majesté par cette Lettre d'amitié. Ainsi lorsque, s'il plaît à Dieu, elle aura reçu cette Lettre, nous la prions de nous déclarer ce qu'elle trouvera bon et convenable de faire là dessus, de sorte qu'il ne soit pas besoin d'attendre pour cela une seconde réponse pour terminer cette affaire.

                     " Au surplus, le sieur de La Font, un de vos sujets qui est venu ici de la part de Votre Majesté pour être Gouverneur du Bastion, étant arrivé en notre présence, nous a promis de payer aux enfants d'Arnaud douze mille piastres, qui sont dues à leur père pour l'accord qu'ils ont fait ensemble en France. Étant ensuite arrivé au Bastion, il n'a satisfait à aucune de nos conventions, ni exécuté ce que nous lui avions recommandé. Au contraire, il a arrêté les enfants d'Arnaud d'une autorité violente et les a renvoyés en France pour ne leur pas donner satisfaction.
                     " Nous avons recommandé au Consul d'informer Votre Majesté de ce qui se passe là dessus et de lui déclarer que si de La Font ne paye pas ces douze mille piastres aux enfants d'Arnaud, nous le chasserons du Bastion et nous le donnerons à qui il nous plaira.
                     Enfin, pour conclusion, il y a de nos frères Musulmans dans les galères de France qui écrivent continuellement ici à leurs parents, et ceux-ci demandent que nous n'élargissions point les Français détenus, ici, que généralement tous ces Turcs ne soient revenus ici. C'est de quoi Votre Majesté sera avertie de la part de votre parfait ami.
                     " MOHAMMED, Dey d'Alger. "


                     On voit, ajoute d'Arvieux, par la Lettre qui précède, la grossièreté et l'impolitesse de ces gens qui semblent traiter de pair avec un des plus grands Monarques du monde ; que l'on juge par-là de ce qu'un Consul a à souffrir dans un Pays où les traités, les paroles, les raisonnements, les promesses, les menaces tout se trouve en défaut. Il n'y a que la puissance du Roy qui puisse fixer ces peuples et les contraindre à devenir un peu moins déraisonnables. Mais, pour cela, il ne faut pas se contenter de leur montrer les verges, en faisant promener sur leurs côtes des Escadres en état de les châtier, il faut les châtier réellement, leur enlever leurs bâtiments à mesure qu'ils sortent et ne pas souffrir leur piraterie.
                     Le 21 avril, ajoute d'Arvieux, j'allai au Divan, j'y trouvai le Dey et son gendre ; je lui dis qu'il s'était répandu le bruit dans la ville qu'il avait résolu de me renvoyer en France, et que comme il n'était pas juste que je demeurasse à Alger contre son inclination, je le priais de s'expliquer sur cet article et de vouloir bien me dire quels sujets de plaintes il avait sur ma conduite, afin que je me préparasse à m'en retourner avec les mêmes agréments et sur la même bonne foi que j'étais venu.
                     Le Dey, après avoir beaucoup rêvé, peigné sa barbe avec ses doigts et rongé ses ongles, me pria de me retirer chez moi et d'attendre qu'il me les fit savoir. Je lui avais parlé avec un visage ouvert et riant, il me répondit de même.
                     Deux heures après, il m'envoya dire, par le Trucheman, que puisque j'étais venu sur la bonne foi de la Paix, il souhaitait que je m'en retournasse de même, que je fisse embarquer mes hardes promptement et qu'en me donnant congé il me dirait ses raisons.
                     Le lendemain, je commençai à faire emballer mes meubles et à mettre ordre à mes affaires. Baba Hassan m'envoya dire secrètement qu'il ne prétendait pas que je quittasse le pays sans lui donner les présents que je lui avais destinés, et que j'eusse à lui envoyer deux cents piastres ou qu'il m'en ferait donner deux fois autant avant de m'embarquer. Cette demande incivile, dans un temps où je m'étais défait de tout mon argent, m'aurait embarrassé si je n'avais eu à ma disposition la bourse du Consul d'Angleterre, et j'envoyai les deux cents piastres à ce brutal.

                     Le 28, j'allai prendre congé du Dey et de son gendre ; je menai avec moi le Trucheman, le patron Légier, les sieurs Estelle et autres, afin qu'ils vissent de quelle manière se passerait cette dernière audience, et j'affectai de parler toujours français. Je leur dis que n'ayant plus rien à faire dans la ville, j'étais bien aise de m'embarquer et d'attendre le beau temps sur le vaisseau qui était dans la rade, mais que je les priais de me dire pour quel sujet ils me renvoyaient en France sans attendre que le Roy en fut informé. Ils me répondirent qu'ils n'avaient rien à dire ni sur ma personne, ni sur ma conduite. Qu'il était vrai que; depuis mon arrivée, je les avais fait enrager, qu'ils ne le trouvaient pas mauvais, parce que le devoir de ma charge m'obligeait à soutenir l'intérêt de ma Nation comme ils soutenaient celui de leur République ; qu'ils étaient satisfaits de moi pour tout le reste et que cela ne me devait point chagriner ; que cet emploi était trop peu de chose pour un homme' comme moi ; qu'ils espéraient encore me revoir à Alger avec une commission bien plus considérable et plus convenable à ma qualité; que M. Le Vacher leur suffisait pour le Consulat et pour tout ce qu'il y aurait à faire ; qu'ils espéraient que mon absence ne gâterait rien, et que ce qu'ils avaient à me recommander était d'assurer tout le commerce de leur bonne volonté pour la conservation de la Paix. Ils me prièrent ensuite de travailler fortement pour faire renvoyer, les Turcs que la Milice demandait au Roy, afin qu'ils renvoyassent promptement de leur côté les passagers qui étaient en Dépôt.
                     Baba Hassan ajouta, avec un visage plus riant qu'à l'ordinaire qu'il allait partir pour faire la guerre eus Maures de la campagne, et que si le Roy voulait attaquer Oran (occupé par les Espagnols) par mer, il le seconderait si bien par terre qu'il en serait bientôt le maître, et que comme nous serions alors plus voisins, nous serions peut-être meilleurs amis.

                     Je me levai et m'avançai vers le Dey pour le saluer. Le bonhomme m'embrassa en me disant : " Adieu, mon enfant, Dieu vous conduise, souvenez-vous de moi. " Son gendre en fit autant, et comme je fus au milieu de la cour, ils appelèrent le Trucheman et lui dirent de faire portera, bord des poules et des moutons pour le présent de mon bon voyage.
                     Je revins ainsi chez moi avec ceux qui m'avaient accompagné, qui ne s'attendaient pas que je dusse être traité si honnêtement. Le dépit et la confusion paraissaient sur leur visage.
                     J'allai prendre congé d'Ismaël Pacha sur le soir. Il se mêlait si peu des affaires, qu'il fut extrêmement sur-pris quand je lui dis que je m'en retournais en France. Il me mena dans son jardin et me dit certaines choses, qui lui étaient revenues, qui me confirmèrent toute l'intrigue d'Estelle et de ses associés. Il me conta ensuite ses chagrins particuliers qui l'avaient obligé d'écrire à la Porte et de demander son rappel. Il l'attendait avec impatience pour être délivré de l'esclavage où il était, qui ne convenait ni à lui, ni au Sultan dont il devait représenter la personne.

                     Le 29, je fis dresser le Procès-verbal de ce qui s'était passé à ma dernière audience du Dey dont je fis faire deux copies originales. J'en déposai une à la Chancellerie et je portai l'autre avec moi pour la présenter au Roy et aux Ministres. Elles furent signées de M. Le Vacher et de tous ceux qui m'avaient accompagné. Après cela, je remis le Sceau du Consulat et les Registres de la Chancellerie à M. Le Vacher, afin qu'il fit faire ma patente de santé et les autres dépêches.
                     Dans cet intervalle, je reçus un paquet des Associés du Bastion, par lequel je connus que les faux avis du sieur de La Font m'avaient brouillé avec eux comme Estelle m'avait brouillé avec la Régence d'Alger.

                     Le 4 mai, le temps ne fut point propice pour partir. Le Dey, s'apercevant que la Milice commençait à murmurer de ce qu'on m'avait fait embarquer et jugeant que mon séjour, dans la rade d'Alger, pouvait causer quelque soulèvement, envoya le Trucheman du Consul Anglais commander de sa part, au Capitaine du vaisseau, de mettre à la voile. Le Capitaine s'en étant excusé sur ce que le vent était tout à fait contraire, il vint d'autres Officiers lui dire que, s'il n'obéissait pas, on allait le couler bas. Alors, il fit mettre dix de ses meilleurs hommes dans sa chaloupe, avec une grosse ancre qu'ils jetèrent au large, sur laquelle le reste de l'équipage se toua. Pendant qu'on était occupé à ce rude travail, le vent changea tout d'un coup avec tant de violence, d'éclairs, de tonnerre et de pluie qu'il fallut couper les câbles, abandonner les deux grosses ancres et, enfin, la chaloupe avec ceux qui étaient dedans, que nous ne pûmes jamais reprendre, de sorte que nous fûmes forcés de mettre à la voile, n'étant plus que douze hommes pour conduire ce gros bâtiment. Mais, malgré le peu d'agrément que j'ai eu à Alger et le chagrin que mon départ précipité me devait donner, j'avais, avec le témoignage de ma conscience et celui de tous les honnêtes gens, le plaisir d'être hors du plus mauvais endroit qu'il y ait au monde.

                     La connaissance du Pacha et de quelques autres Turcs, la langue et les coutumes des Turcs que je savais depuis bien des années, jointes aux fourberies de certaines gens, m'avaient rendu si suspect aux puissances du pays que je ne faisais pas un pas dont ils ne se crussent en devoir de se formaliser, de sorte que je ne sortais de ma maison que pour aller au Divan essuyer quelque bourrasque ou pour m'opposer aux injustices continuelles de ces brutaux. J'aurais été réduit à ne voir que les murailles de ma mai-son, si le Consul anglais ne m'eut fourni les moyens de voir les environ de cette mauvaise ville. Le Dey et Baba Hassan s'en formalisèrent à la fin. Il est vrai que ce fut un peu tard, et j'avais pris toutes les connaissances que j'avais envie d'avoir du pays.

A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

MES SOUHAITS POUR NOËL
Par LILI
Envoyé par M. Marcel

Que la magie de Noël
Vous apporte joie et gaieté
Dans vos foyers.
Qu'elle soit le prélude
D'une nouvelle année
Emplie de bonheur, de paix
Et de sérénité pour vous
Et ceux qui vous sont proche.

       Que la paix et le bonheur habitent les cœurs" à Noël et durant toute l'année
       "Une sincère pensée de joie et de paix pour Noël!"
       Passez de très joyeuses fêtes!
       "Noël, c'est le parfum des sapins verts, le scintillement de mille lumières et le plaisir du réveillon."
       "Meilleurs vœux pour des souvenirs heureux et des plaisirs du temps passé, au cours de cette période des fêtes!"
       Que ces moments privilégiés demeurent à jamais dans nos mémoires!
       "La joie des autres est une grande part de la nôtre!"
       Que les joies de la saison vous comblent de mille façons!"

       "Le temps ne peut effacer les trésors que l'on porte dans nos cœurs,
       Ni atténuer les souvenirs des moments partagés avec les êtres aimés.
       Puissent ces moments privilégiés nourrir vos souvenirs pour les années à venir!"
       Celui qui n'a pas Noël dans le cœur ne le trouvera jamais au pied d'un arbre.
       Noël n'est pas que le Père Noël et ses cadeaux...
       C'est la bonté du coeur qui se propage parmi nos parents et amis.
       Noël est la seule fête où les enfants reçoivent des cadeaux sans être obligés de dire merci.
       Quand on a bonne conscience, c'est Noël en permanence. Noël, c'est la veille, c'est l'attente.
       Ce qui compte à Noël, ce n'est pas de décorer le sapin, c'est d'être tous réunis.
       La neige possède ce secret de rendre au coeur en un souffle la joie naïve
       Que les années lui ont impitoyablement arrachée.
      
Joyeux Noël


CUISINE
de nos lecteurs

LES SFENJS
Envoyé par Jocelyne

Photo Mme J. Mas

Ingrédients :

• 1 kg de farine blanche tamisée
• 2 cuillères à soupe de levure de boulanger ou un petit cube du commerce
• 1 cuillère à café de sel
• 3 verres d'eau tiéde
• 3/4 de verre d'huile

             Préparation :
             Diluez la levure dans un peu d’eau
             Dans un grand saladier, mélanger la farine, le sel, la levure de bière, un CAC d'huile et l'eau tiède au fur et à mesure.
             Pétrir bien bien et laissez reposer 1 h dans un endroit chaud, couvrir avec une petite couverture en laine ou une serviette de cuisine en coton.
             Mouillez les main et pétrissez après 1 h. Le pétrissage et la levée sont les deux actions les plus importantes.
             Remouillez les mains et repétrissez après 2 h, la pâte doit être très molle et aussi facile à manier, très élastique.
             Mettez de l'huile dans une grande friteuse ou plat à Paëlla profond. Faire chauffer.
             Dans un gros bol ou saladier, mettre de l'huile.
             Trempez les mains pour chaque sfenj,
             Façonner les Sfenjs en prélevant un gros oeuf de pâte (avec les mains légèrement huilées ou légèrement mouillées). Faire une petite boule de pâte, former un trou au milieu avec l'index en l'étirant de tous les côtés pour agrandir le trou tout en gardant une belle forme d'anneau rond.
             Façonner ainsi tous les Sfenjs jusqu'à épuisement de la pâte.
             Plonger les anneaux de pâte dans la friture (190/200°) en commençant par les 1er qui ont été façonnés. Ne pas en cuire plus de 2 ou 3 en même temps suivant la grandeur de votre friteuse.
             (vous pouvez aussi les cuire au fur et à mesure de leur façonnage.)
             Tourner les sfenjs dés qu'ils se colorent, blond-doré, sortez-les lorsqu'ils sont colorés de l'autre coté, laissez-les s'égoutter sur du papier absorbant ou dans un grand chinois.
             Saupoudrez-les de sucre ou enroulez-les dans le sucre, mangez chaud, c'est meilleur.
             Petite variante : au lieu du sucre, trempez-les dans du miel chaud.
             A Bône on les appelait les beignets de l'après midi, le matin ils n'avaient pas le trou et ils étaient plus larges et plats, les ftaïrs
             
                                                                                                    Jocelyne



La quête du prêtre
Envoyé Par Guy


         
          Dans une petite église d'Ecosse, le prêtre s'adresse à ses fidèles en ces termes :
          "Mes biens chers frères, l'état de notre maison me pousse à vous demander d'être généreux pour faire quelques réparations ;
          Je vais faire circuler mon chapeau, dans lequel vous voudrez bien y déposer votre participation."

          Le chapeau circule dans la plus totale indiffèrence et ne reçoit pas la moindre obole.
          Le jeune prêtre élève ses bras au ciel et dit merci au Bon Dieu... Merci beaucoup mon Dieu.... Merci de m'avoir permis de récupérer... Mon chapeau.



Mon voyage à Bône du 8 au 11 mars 2010,
ou " les jours heureux ".

Par M. Gérard Rodriguez

        Franchement je suis devant une page blanche, il me faut commencer.
        J'ai pris tant de notes durant ce voyage, car je voulais être sur de bien retranscrire ce que je vivais, que je ne veux rien oublier de mes émotions qui m'ont fait vibrer au son de mes 10 ans à Bône. Car oui, en posant le pied sur ma ville, je n'ai plus 60 ans, j'ai bel et bien dix ans et c'est le temps des jours heureux. À la fin de ce récit. Non, pas à la fin de ce récit. À la fin d'avoir livré mes émotions, je dirai si j'ai réussi à mettre sur une simple feuille, ce qui s'appelle " Arrêt sur mes jours heureux ".

        Alger oui c'est beau, mais ce n'est pas ma ville, alors qu'on me pardonne si je suis pressé de monter dans cet avion d'air Algérie qui m'amènera vers la coquette. Je suis au bonheur total, et si je le pouvais, je pousserai sur les moteurs. Le temps passe et j'arrive près de Bône. Je regarde la mer, cette mer ou j'ai attrapé tant de sars au lever de l'aurore, et je me dis que leurs petits petits-enfants à tous ces poissons sont là, juste en dessous, et qu'ils doivent sûrement encore se parler de Gégé qui a décimé leurs parents à coups de crevettes et de bromedge, et cela me fait rire. Bône ma belle ville, toi qui m'a donné mes plus beaux jours, j'arrive!!

        Il est 16 heure quand l'avion se pose sur l'aéroport des Salines. Il pleut des trombes d'eau, un vent à décorner les bœufs, mais cet air chaud même si nous sommes encore en hiver, oui cet air chaud et humide je le reconnais d'instinct comme un enfant reconnaît le sein de sa mère. Alors je me laisse aller la tête haute à me faire fouetter le visage par cette pluie dont chaque goutte est une caresse. Oui je reconnais la pluie de mes dix ans, le sol est gorgé d'eau et si, de toutes part ça court pour se mettre à l'abri, moi je prends mon temps. Je veux savourer cette pluie Bônoise, et je me penche sur le sol, et avec ma main j'agite l'eau. Elle est tiède pas de doute, elle est bien cette eau qui lorsque je revenais de l'école Beauséjour me noyait en ces après midi d'automne et d'hiver. Que c'est bon de retrouver ses racines, que c'est bon d'être à Bône chez moi. Et voilà je prends mes bagages. Ah je reconnais même les chariots à bagages, ils sont les mêmes que nous avions quittés en 62. Ces chariots qui ont une dernière fois porté les valises de ceux qui savaient qu'ils ne reviendront plus, je les sens plein d'histoire plein de tristesse, alors je caresse la poignée de mon chariot avec mes deux mains en pensant à celles qui en 62 devaient les serrer très fort en pleurant.
 

        Je m'engouffre dans un taxi dont nous négocions le prix, et me voilà parti pour l'hôtel, par la corniche. Ah les souvenirs, cette corniche, tiens voilà Redzin et ses frites, ses caldis, ses merguez, la mer est démontée mais comme elle est belle. Pas de doute je suis chez moi, cette phrase je vais me la redire souvent tant elle me comble de bonheur. Voilà les arcades qui se dressent en bas du collège d'Alzon et qui m'ont si souvent abrités, lorsque j'allais voir avec mon papa les tempêtes, dans le temps des jours heureux. Il me prenait la main, et bien à l'abri, nous regardions les vagues venir jusque sur la route de la corniche. Il faisait chaud, je me sentais en sécurité près de mon papa et nous regardions au loin, là sans rien dire, juste en communion avec ce qui semblait éternel. Et puis Saint-Cloud et l'hôtel El Mouna, vite, vite je me fous de la pluie du vent je dois être dehors car c'est dehors que ça se passe. C'est dehors que Bône vibre, que les odeurs et les senteurs de ma belle ville explosent. Le temps n'a pas d'emprise sur toi ma ville. Tu es telle que je t'ai laissée, car je te vois avec les yeux de l'amour. Si je devais les ôter alors oui je verrai ce que tous voient mais moi je suis trop amoureux de toi pour te voir autrement qu'à mes dix ans.

        Déjà 17 heure et je décide d'aller voir le quartier Sainte-Thérèse, ses rues que j'ai si souvent grimpé pour aller à l'église. Je décide de prendre le maximum de photos de toutes ces belles villas, en me disant que peut-être, quelqu'un reconnaîtra la sienne. Aie, aie comme elles vieillissent mal, aucun entretien n'est fait, alors le temps poursuit son oeuvre. Vous qui étiez l'orgueil de vos premiers propriétaires, je vous sens tristes et je ne sais si c'est la pluie qui redouble, je vous sent abandonnées. Pourtant Sainte-Thérèse était un quartier huppé, mais voilà 50 ans ont passé, et puis soudain des algériens du quartier me demandent " vous cherchez votre maison ? " et je leur réponds que non. La discussion s'engage, je les sens prêt à tout pour m'aider. Je leur dis que je cherche la maison de ma tante Titi, cette villa je me le rappelle car elle avait un petit jardin ou avec mon cousin Henri, on se cachait dans le sous sol et on tirait avec sa carabine à plombs sur les moineaux, mais je cherche en vain je ne trouve pas. " Ah si vous aviez au moins un numéro " me disent-ils, je les sens gentils avenants prêt à m'aider. Ils se mettent à chercher avec moi, comme c'est bon de se sentir comprit et aimé, la blessure est des deux côtés et chacun fait son bout de chemin pour réconforter l'autre, belle Algérie, j'arrive à l'église Sainte-Thérèse, transformée en mosquée. Bien sur, ça fait un choc, je regarde, je touche ces murs qui ont vu défiler tant de mariages, d'enterrements, de communiants, je me rappelle, les filles avaient des robes on auraient crû des mariées. Faut dire que nous les pieds-noirs on était assez show- times, la figure ont l'avait, hein !!! Je monte les marches, et je rencontre deux vendeurs de bonbons qui me disent vivre de cela, quelle tristesse, ils sont adorables de gentillesse et m'aident à prendre toutes les photos que je veux.

        On se parle, je leur raconte le temps glorieux de l'église Sainte-Thérèse, et cette pluie qui ne lâche pas, je gravis ses marches que je montais le jour de ma communion en 1960 avec mon beau costume et mon gros cierge, je pense à tous ces pas qui se sont inscrit sur ces marches. Des pas qui devaient être éternels mais qui ne furent que moments, dans le temps, je revois ce bon curé nous dicter son catéchisme et nous obliger à nous confesser de péchés que nous avions " supposément " fait, alors je lui racontais n'importe quoi, que j'avais volé des carottes dans le champs de M. Magro. Quels péchés ont a fait à dix ans !!. " Bon, alors il me disait, tu diras pour ta pénitence, trois je vous salue Marie et quatre Notre père ". Ca peut bien m'avoir écœuré de la religion et toutes ces grenouilles de bénitier qui, je me rappelle, étaient assises sur les bancs à prier avec leur missel et qui une fois sorti de l'église se mettaient à raconter tout et n'importe quoi sur le voisinage. Ah les commères !!!

        Je redescends la rue de l'église Sainte-Thérèse, il pleut, rien de mieux pour me retrouver à dix ans, que c'est donc bon de marcher dans Bône. Je me mets à la recherche de la clinique Sainte-Thérèse, car là ma maman a accouché de ma sœur. Si nous sommes tous nés à la maison ma sœur a eu droit à la clinique. Aie, aie, toi aussi, tu as vieilli car pas d'entretien. Je regarde la grande porte principale condamnée car réservé aux cadres, alors je passe sur le côté car dorénavant les patients doivent entrer à la clinique par la porte de service des employés. Mais en 58 quand ma maman a accouché, je sais qu'elle est passée par la grande porte, par le grand escalier, alors je touche la poignée de la porte qu'elle a dû ouvrir, et je grimpe toutes les marches une à une, en faisant glisser mon pieds d'un bout à l'autre de chaque marche. Je veux être sur de poser le pied où ma maman avec son gros ventre est passé en 58. Parfois je passe ma main sur les marches. Est-ce là que tu es passée maman ? A quoi pensais-tu maman, quand avec tes douleurs, tu grimpais cet escalier ? Hélas, je ne peux retrouver la chambre car je n'ai pas le numéro. Je peux tout de même entrer grâce à la gentillesse du gardien et voir les chambres. Aie, aie ce n'est plus ce que j'ai connu, pauvres enfants entassés par 10 dans une chambre. Les lits sont les même ils ont subit les affres du temps, une odeur de renfermé règne partout, et je me dis qu'il doit être préférable d'accoucher à la maison qu'ici, dehors il pleut toujours autant, et puis la nuit arrive.

        Il faut rentrer, je décide d'aller manger à la caravelle vers le lever de l'aurore, ce resto qui plus que jamais est réservé aux gens aux moyens... C'est comme un défi d'y manger, car petit je regardais les riches y manger, aujourd'hui c'est mon tour, et je me tape des matsagounes et un loup de 3 kg avec une bonne bouteille de vin rouge de Saint-Augustin, d'autant plus apprécié que le vin est rare autrement. Le maître d'hôtel me reconnaît, on s'était vu en 2009 il est super gentil on parle, et je lui promet de lui ramener un souvenir du Canada en 2011. Il a une belle éducation et on sent un homme instruit, je savoure mon moment dans ce resto. Il fait nuit, la pluie frappe fort sur les vitres, la mer tape sur les rochers, comme tout cela est bon. Le bonheur est dans le cœur, tout le reste est invisible à l'œil nu. Je pense à mon papa et ma maman qui n'ont jamais pu y manger, alors oui ce soir c'est pour vous que je mange à la caravelle, et puis, je retourne à l'hôtel, par la corniche. Te rappelles-tu papa quand les soirs d'été à bicyclette, toi et moi la cartale pleine de sars et autres poissons nous rentrions à la maison. Seules quelques lumières éclairaient la corniche, peu de gens circulaient la nuit a cause des attentats des fellaghas, mais nous on n'y pensaient pas, on tenait notre bambou et on pédalaient, seul le bruit de la dynamo qui roulaient sur le pneu faisait un bruit régulier de bromuuuu broummmm broummm, et tu me disais : " ta lumière, elle marche ?, que la police si elle nous voit sans la lumière elle nous met un procès, hein !!

        " Ah comme c'est bon de sentir la mer, je suis si heureux, que des larmes me coulent le long des joues mais je m'en fous, car je vis mes dix ans, oui je sais j'ai 60 ans mais de cela aussi je m'en fous, pour ce moment là j'ai dix ans, mon papa est là à côté de moi et on pédale dans la nuit étoilée sur la corniche à Bône. Mon ami qui m'accompagne a compris qu'il doit se taire car il sait que je ne suis plus présent, que je suis en 1960 et que je suis illuminé de joie et je me fous aussi de ce qu'on en pense. Le lundi matin, je remonte Saint-Cloud vers la pierre carrée, il ne pleut plus, un beau soleil magnifique, la mer roule et meurt sur le sable de la plage, je décide d'aller voir à la cité Montplaisant ma maison du moins celle que nous habitions juste avant de partir en 62. J'ai encore un mauvais présage, car en 2009 le mozabite qui l'habite m'avait refusé l'accès. Je monte la route de la fontaine romaine, ici aussi le décor à changé, besoin de place ou quoi, on a rasé les beaux cyprès, du béton partout mais bon !! Je dis à mon ami algérien que c'est inutile d'aller voir le mozabite, qu'il va encore me dire non ! Mais mon ami insiste et veut le lui demander, moi ça ne me tente pas de me faire dire non pour entrer chez moi car c'est bel et bien chez moi et non chez lui, et piaffe, je me fais ramasser, un non, il refuse, je me sens humilié, je sens qu'il jouit dans sa culotte de voir ma déconfiture.

        Pourtant je garde le sourire, pas question de lui montrer mon désarroi. Qu'est ce que sa peut te foutre de me laisser entrer chez moi juste 5 mn. As-tu peur que je reprenne ma maison, je n'en ai nul besoin, bref je décide de ne pas me laisser gâcher ma journée, je le quitte aussitôt, et je rentre dans la cité Montplaisant. Je photographie toutes les villas une par une, ce quartier est mon quartier, et voilà je regarde la villa des trois mousquetaires, notre belle villa. Mais bon, dû aux incertitudes, toutes les villas sont devenues des forteresses, hauts murs d'enceinte, fils barbelées, où es-tu la cité Montplaisant de mon enfance, même au plus fort des événements, nous n'étions pas barricadés de la sorte. Alors je fais une fixation sur ma maison, je regarde, je pense, je revois, je ressens tout. Je vois ma maman, mon papa, j'entends les cris de mes frères qui courent dans le jardin, je vois mon papa sur le balcon en train de nous chanter ses chansons en regardant la nuit étoilée. Ah ce qu'on est heureux en cette année 1960, et pourtant tout gronde autour de nous, mais on ne sent rien venir du moins pas l'ouragan qui allait nous emporter, alors vas-y papa chante, berce-nous de tes chansons, raconte-nous tes histoires de mounadjelles, et puis la nuit avance et faut aller se coucher car demain il y a l'école. Ah oui, je fais une fixation sur la villa des trois mousquetaires, pas de doute si un autre y habite, lui ne possède pas son âme, cela je le ressens, l'âme des trois mousquetaires est encore à nous, et je sens que ma belle villa m'a reconnue, elle me sourit, alors je la caresse du regard et puis, je m'approche et je passe ma main sur la plaque que mon papa avait placée et où est inscrit " VILLA LES TROIS MOUSQUETAIRES ".

        Comme c'est bon, Soljenitsyne a dit à juste titre " on peut empêcher l'homme de parler mais on ne peut l'empêcher de penser ", alors je pense aux jours heureux ici quand je jouais aux billes sur ce trottoir qui est maintenant asphalté, mais qui a connu mes déchirures de pantalons, avec des kix pas kix etc, etc. Je revois mon père qui entre et sort comme si cela devait durer toujours, je revois ma mère au balcon qui siffle pour que nous rentrions sinon mon père va descendre avec la ceinture, je regarde le toit et je me dis tiens, à cet endroit se trouve dans la toiture le grand bassin de béton qui contenait l'eau pour la maison, et dans lequel de temps à autre, vu que j'étais petit mon père me faisait entrer pour le nettoyer car il y avait peu d'espace entre le toit et le haut du bassin. J'imagine toute la maison, toutes les pièces, et je me dis, vu l'extérieur dedans ça doit être dans un état pas possible. Je revois le Mirus dans lequel l'hiver pour chauffer nous mettions du coke, je fais le tour par derrière la maison des Mazzella afin de voir l'arrière et je vois notre terrasse. Aie, aie dans un état, mais bon elle est là, mémé aussi qui plume les étourneaux que ma mère vient de tirer avec le fusil de mon papa ce qui lui valu une belle engueulade. Je revois tata Odette avec la famille qui enfile les brochettes que papa fera cuire dans la soirée, alors que le soleil se couchant cela sentira l'anisette et le camoun. Mémoire tu es tenace, cela est bien mais parfois tu nous fais souffrir, allez Gégé il est temps de laisser ta villa à sa destinée même si elle ne l'a pas choisit. Peut-être ne pourrai-je jamais plus y entrer, mais au moins je reviendrai te voir, je resterai là dehors sans bouger et on se parlera des jours heureux, comme Soljenitsyne dans son goulag et en silence nous nous rappellerons, oui c'est bien cela "le temps des jours heureux ".
        Allez va, laisse tes billes sur le trottoir tu les retrouveras en 2011 et je pars pour la Ménadia, je veux revoir l'épicerie au coin, juste descendre entre les arbres qui sont toujours là d'ailleurs et m'y voici, c'est toujours une épicerie tenue par un gentil Monsieur. Alors je me présente et de suite la communication passe. Pendant 20 minutes lui et moi nous parlons. Je lui raconte quand enfant je venais ici acheter et que je disais au mozabite qui la tenait " ma maman elle à dit que vous marquez " et de temps à autre cela m'attirait la remarque " dis à ta mère de pas oublier de passer payer car ça commence à monter " pas drôle d'être pauvre !!!. Je me demande soudain, que serai-je devenu si nous étions resté ici chez nous en Algérie, sûrement que j'aurai travaillé à la centrale comme Jeannot mon papa. Baffff, je ne le saurai jamais.

        Je remonte la Ménadia vers mon école Beauséjour, ah ! Cette école tu avais intérêt à marcher droit surtout avec M. Lanaspre le prof, ah ! quel tyran avec ses règles Fifine et Joséphine, il t'en mettait un coup sur la tête s'il te voyait à regarder les mouches au plafond. Voilà je sonne à l'entrée des filles et je demande Mll …. Que j'avais connu en 2009, très gentille, dés qu'elle me voit, elle me sourit. heureuse de me revoir, entrez, entrez, venez, un accueil merveilleux. Elle me dit " venez, je vais vous présenter le directeur ", quel homme de cœur, il me reçoit avec gentillesse et je sens de l'intérêt pour ma personne. Un homme intelligent, cultivé, je lui dis qu'ici est mon école, et que j'y ai passé plusieurs années, aussitôt il me dit, on va prendre une photo ensemble et me fait asseoir dans son fauteuil de directeur, il se met à ma droite et on y va de plusieurs photos.

        Quel homme, quel grandeur d'âme, je suis aux anges cela me change de mon accueil froid à la villa, aussitôt il me dit " attendez on a tous les registres de l'école, donnez-moi votre date de naissance on va vous retrouver votre inscription " et en effet, on me retrouve là, dans ce registre ou il est inscrit sur le devant : École de garçons de Beauséjour Bône, commune de Constantine année 1957, directeur M. Gaugère et puis on retrouve aussi mon nom dans les années 56, 57, 58, je prends tout cela en photos, tout est inscrit avec une écriture appliquée, mon nom, le nom de mes parents, notre adresse à la cité Montplaisant, fils de Jean travaillant à EGA. Je caresse cette écriture car ces belles années de 1957 oui c'était le temps des jours heureux, merci M. le directeur de votre disponibilité, je vous respecte car vous avez su comprendre ce que je ressentais. On se reverra en 2011, je prends des photos de ma classe, du préau où nous devions nous mettre en ligne et sans parler pas comme maintenant. J'ouvre le robinet du bassin qui est toujours là, ce robinet où après avoir courut dans tous les sens, nous allions boire goulûment de grandes gorgées d'eau. Je regarde cette cour où j'ai si souvent joué et usé mes sandales en plastique de chez Bata, je tourne et me retourne dans tous les sens car ces murs sont les miens. Ils ont connu mes joies et mes peines d'enfants, ils ont abrité mes secrets, qui à l'époque étaient immenses et que je trouve maintenant si désuet et cela me fait rire aux éclats, ah comme je suis heureux. Cet air que je respire dans cette cour d'école n'a pas changé, ni les cris des élèves, je suis aux anges ,je suis à mon école de Beauséjour. Il est maintenant midi 30, nous mangeons un sandwich aux merguez hummmm bon, bon, bon.

        Un gros morceau m'attends, le cimetière !! Je me rappelle de tout. Nous y sommes si souvent allés et surtout, surtout depuis 48 ans afin d'être sur de ne pas oublier mon pays je me suis à chaque jour remémoré ma vie à Bône. Non je n'ai pas perdu mon temps, car si tu n'as pas de passé, tu n'as pas d'avenir. Je longe le mur du cimetière et j'appelle Aicha et Mohamed, car je les connais les deux gardiens. Dés qu'ils me reconnaissent un grand sourire m'accueille, on y va de grande embrassades, heureux de se revoir et je leur dis " j'ai plein de demandes pour des photos de tombes, alors aidez-moi ". Nous voilà à la recherche des tombes dont je devais absolument prendre des photos, j'en profite pour photographier toutes les tombes à ma portée je me dis que cela sera sûrement apprécié, bien sur le temps ici aussi à fait son œuvre et comme il n'y a pas d'entretien alors la nature reprends ses droits. Je parcours ces allées, et l'image qui me vient à l'esprit, c'est le gros derrière de ma maman avec son sceau quand nous partions nettoyer la tombe des frères, oui maman je te revois comme si le temps n'était pas passé, quel bonheur la mémoire. Je retrouve la tombe de mes frères. Je prends un peu de terre, j'y enterre une photo de mes parents, et je parle et je parle avec eux. Mon ami, Aïcha et Mohamed ont tout comprit et se retirent un peu, le temps de cet instant dans le temps, oui je vous le promet en 2011 je reviens et je ferai faire un marbre sur lequel sera gravé " à mes frères Charley 1 et 2 nous ne vous oublions pas, vos frères, sœur et parents " et je pleure, alors je prends avec ma main mes larmes et je frotte sur la tombe ma main mouillée, voilà mes frères vous ne dormirez plus seuls. Tant de choses défilent en cet instant, …. mon ami me dit " t'en fais pas, on se débrouillera du ciment et on fera cela très bien, allez Gégé faut partir ".

        Je regarde autour de moi, tous ces morts allongés là dans le silence c'est en même temps petit et en même temps grandiose, ils ont fait l'Algérie, je regarde les noms. Non vous n'êtes pas rien, vous êtes ma race, celle des pieds-noirs d'Algérie, et j'entends bien vos rires et vos larmes. Vous avez aimé, vous avez souffert, j'entends vos " diocane à la madone ", vos, " va va va ", vos " allez va j't'en donne une, aregarde si tu me laisses pas tranquille ", tout notre langage haut en couleur, mélange de français, d'italien, d'espagnol et d'arabe, etc, etc, qui donnait un langage coloré, nos exagérations, mais tout est bon enfant, ah oui mais je le sens personne n'est vraiment mort ici. Vous êtes bien vivant, chanceux vous vivez dans ce beau pays. Notre pays, l'Algérie ! Je redescends l'allé du reposoir vers la sortie, je me retourne souvent, il y a tant de vies, oui je dis bien tant de vies ici combien de larmes lors des enterrements sont passées par cette porte de fer, ainsi est la vie.

        Allez, faut encore partir et je veux retrouver le petit jardin qui est juste de l'autre côté du cimetière mais dont il faut faire le tour pour en trouver l'entrée, ah que de souvenirs ici, quand enfant avec ma maman, et pendant que papa travaillait, on venait pour jouer. Les allées sont toujours là, le stade aussi mais alors dans un état pas possible aie, aie, mais je m'en fous moi je veux mon petit jardin et lui oui il est là, les bancs aussi où pendant que nous jouions ma maman s'asseyait, lisait ou tricotait, tout en nous disant " entention si vous jouez, vous jouez devant à mes yeux, le premier qui s'éloigne, je lui donne une tannée ". Des tannées on en n'a jamais eu, combien on a couru dans ces allées sous le chaud soleil de juillet et d'août. On entendait les cris des sportifs qui étaient juste de l'autre côté dans le stade, et avec mon frère, laisse qu'on court, avec aux pieds nos sandales en plastique et oui encore de chez Bata et ma mère qui criait " allez, allez, c'est ça cassez-vous les cornes mais venez pas pleurer hein " les même fleurs sont là ces espèces de petites clochettes jaunes dont je me rappelle nous mordillions les tiges vertes et cela nous laissait un goût aigre dans la bouche, oui me revoilà à dix ans alors je m'assoie sur un banc et je me demande sur lequel maman s'assaillait, alors je décide de faire tous les bancs autour de moi, en frottant mes fesses sur toute la longueur des bancs. J'espère avoir réussi à m'asseoir sur celui où Mère courage, ma maman posait son gros derrière, eh oui, elle avait toujours eu un gros derrière ma maman.
        Voilà faut encore partir, car je dois aller rue du docteur mestre, à ce que nous appelions la vieille maison, la maison où nous sommes tous nés sauf ma sœur, j'avais promis aux algériens qui y habitent de revenir les voir car ils avaient été adorables de gentillesse en 2009. Je pousse la porte du portail et je tape à la porte, la mémé ouvre, et sitôt qu'elle me reconnaît, son visage devient radieux, heureuse de me revoir, mais alors heureuse, et moi donc, voilà les grosses embrassades, quel accueil, digne d'un fils qui revient à la maison. Voilà les gâteaux, le thé à la menthe, je suis au bonheur total, aussitôt je suis invité pour le lendemain à manger un couscous car ça a l'air que le papy, il n'était pas content en 2009 qu'on ne m'ait pas invité a manger et avait sermonné toute la famille en disant " comment, celui qui a habité ici revient et vous lui avez offert rien ". Quelle gentillesse, mais bon, mon programme continu et après une heure ensemble, on se quitte jusqu'au lendemain.

        Je repars pour la plage de Saint-Cloud, je veux entendre la mer, les vagues. J'ai besoin de ces odeurs et bruits qui en font mes jours heureux, je suis là face à la mer près de la pierre carrée qu'une tempête a emporté, il y a quelques années, derrière moi les mille logements, et je regarde les bateaux qui partent au loin. Ils ressemblent à ces mêmes bateaux que je regardais 50 ans avant. Non rien n'a changé, sinon nous les hommes. Le soleil se couche tout doucement sur Saint-Cloud, je respire à plein poumons cet air que je connais si bien, il entre en moi comme pour me dire, " tu vois tout le décor est en place ", je ferme les yeux, j'écoute le bruit des vagues, je n'entends plus le monde autour de moi, je suis seul avec mon Algérie. Je regarde sur ma droite, tiens Marie Louise est là assise avec son tricot, les pieds enfoncés dans le sable, elle me regarde " ne t'éloignes pas, que je te vois devant les yeux, hein !! ". " Non maman je vais jusqu'à là bas et je reviens ". " Commence pas à me faire battre, je t'ai dis devant les yeux que on va bientôt partir que ton père y va rentrer, et si y me trouve pas à la maison, un cinéma y va me faire ".. Vas-y maman parle moi, ah ! la mémoire a cela de bon que si nous lui laissons libre court, elle nous rappelle tout. Je suis déconnecté du monde présent. Une fois de plus mon ami l'a compris et ne dit rien il me laisse dans mon monde, dans mon Bône. Ah ce gros soleil rouge qui parait entrer dans la mer au loin, combien de fois on l'a vu disparaître et on pensait que c'était pour se répéter toujours jusqu'à !! . jusqu'à !!. . j'ouvre les yeux et je regarde en bas le Trou Carré, à droite Gassiot, à gauche Saint-Cloud, derrière, la route qui monte vers la Ménadia, bonheur total, 48 années n'ont pas effacé une seule goutte de mes sens.

        Il me semble que je ne suis jamais parti, et puis il faut bien avancer, je décide car il se fait tard de partir manger à la caroube mais je pars à pieds. Marcher sur ce trottoir mythique de Saint-Cloud, l'envie me prends de sauter en bas sur le sable comme quand je le faisais petit et que ma mère nous disait alors " c'est ça, c'est ça, allez vous casser les cornes mais venez pas pleurer après ", alors je saute, merde oui je saute, et le sable s'enfonce sous mes pieds. Mon ami Algérien me dit en riant " ça va pas ", je lui dis " au contraire ça va très bien ", je suis heureux comme un gosse. Je prends tout mon temps pour marcher. Je repense aux soirs d'été où nous venions nous promener après manger, toute la famille, on l'a faite en long et en large cette promenade de Saint-Cloud. J'arrive dans le virage de Chapuis, je longe la plage, au bout le restaurant l'albatros est toujours là, je continue ma marche, tiens voilà le virage qui mène au Cap de Garde, la nuit est tombée. A droite la mer vient caresser les rochers, je suis cette route qui mène au cap de garde. Je revois les files interminables de voitures qui lors des mariages avaient l'obligation d'aller faire les plages et aller jusqu'au Cap de Garde au son des ta ta ta ta ta, cela me donne un petit sourire finalement le décor est là, il ne manque que les acteurs dont le temps à usé les jours. J'arrive à la plage de la caroube, où grouillent nombre de restaurants, ça sent le BBQ à plein nez, ça sent les brochettes, le mouton, le poisson frit, le camoun, aie, aie, oui je suis chez moi. Nous rentrons dans un resto et là je me paye la traite, 12 merguez et 6 côtes d'agneau, plus la bonne galette arabe cuite sur la pierre, plus les poivrons grillés concassés avec de l'huile d'olive, aie, aie, que c'est bon la bonne cuisine Algérienne. Seul bémol y a pas de vin et faut boire du hammoud, bon j'aime bien la limonade mais là, il semble qu'un bon coup de Sidi Brahim ce serait génial. Mais bon, vas-y du hammoud mon Gégé et je rentre à l'hôtel à pieds, je veux goûter toute ma soirée, je suis crevé, fatigué mais tellement comblé de bonheur que je ne dois pas perdre une miette de ma communion avec mon pays.

        Mardi, ah merde, il pleut et puis bien bien, c'est la journée invitation couscous, mais avant nous partons pour la place Alexis Lambert. Je revois mon école de musique, l'harmonie Bônoise. Là j'ai appris mes premières notes de musique, c'est maintenant un hôtel fermé. D'ailleurs, combien de fois mon papa m'y a amené à bicyclette depuis Saint-Cloud pour prendre mes cours de solfège et il m'attendait. Je pense à cela et je me dis pauvre papa tu en as fais pour moi, quelle patience. C'est cela de l'amour, et on retournait à Saint-Cloud, moi assis sur le porte bagage et lui qui pédalait, je me sentais protégé, quel grand homme mon papa.

        Je sonne à l'école des sœurs, j'explique que je veux voir le directeur car ici j'ai subi ma première école. Il est très gentil ce directeur, il me fait entrer, nous parlons, je lui donne des photos de moi à 5 ans, prisent dans cette école. Il me dit être très honoré et me laisse visiter à la condition que je ne prenne pas de photos .. aie, aie, en effet je comprends, il n'y a plus rien de ce qui était une perle de la religion, toutes les statues ont disparues, ça sentait la cire et le vernis, là un vrai désastre, aucun entretien alors une fois de plus le temps a fait son œuvre. Tout est en ruine, je constate seulement, un choc, oui un choc, mais bon, je ne peux rien changer, alors je fais le tour, je revois la cour où à 5 ans j'avais joué une scène dans une petite pièce de théâtre où je jouais le rôle du petit marin avec mon petit costume blanc et mon calot de marin avec le pompon rouge. Oui je reconnais bien la place où était l'estrade et tout autour de la cour les bancs accolés aux murs des classes sont encore là, où se mettaient les parents qui nous regardaient jouer. Je dois retrouver ma classe. Je le dois impérativement car j'y ai un souvenir, voilà c'est là dans cette classe où tout a vieilli aussi tristement, ce qui me fend le cœur. Je retrouve mes 5 ans, ah mémoire, mémoire comme je t'aime. Je revois ma table où j'étais assis, il y a longtemps. Les beaux encriers de porcelaine ont disparus. Toutes les tables sont usées à la corde, mais l'estrade près du tableau est encore là, le bois est à vif, mais je la caresse. Je passe et repasse ma main dessus, car un jour sur cette estrade, Mlle Doris une espèce de vieille fille bonne sœur, m'avait fait mettre à genoux, dos à la classe, les mains derrière le dos et le bonnet d'âne sur la tête et tous les enfants se moquaient de moi. Un espèce de grand chapeau de feutre gris avec deux grandes oreilles, on serait traumatisé à moins de 5 ans mais pas moi je devais être fort mais je me rappelle de cette garce de Mlle Doris.

        Je fais un petit tour au marché aux poissons, là aussi, fini le beau marché que j'ai connu. Mon papa me disait " vient, on va faire le marché " comme on aurait dit, on va en vacances, ben y a plus de vacances. Triste constatation, tout est sale, il y a quelques poissons mais fini les beaux étalages de mon enfance, je n'ai pas le goût de rester là, trop triste, y a plus rien à voir. Je regarde en face où se trouvait le bar, le Canari et où mon papa chaque fois m'achetait un caldis tout chaud. Ah comme il était bon ce caldis.

        Je décide de partir pour la colonne, je fais un crochet pour retrouver cette salle connue de tout Bône, que fut la salle Borg où se déroulait tous les mariages. Je cherche l'entrée et un M. très gentil me parle, un vieux et oui les vieux se rappellent de tout, et il me montre tous les changements de la salle Borg qui a été divisé en petits appartements. Il me dit, " venez, venez, je vous paye un café ", oui on peut dire bien des choses mais nous pieds-noirs sommes très bien accueillis. Alors on y va d'un café, je dois m'excuser car je suis attendu à la colonne, alors je descends vers ce quartier. Qui ne connaît pas la colonne à Bône !!. Je passe devant l'ancien cinéma Rex. Je retrouve la statue de Diane la chasseresse que était avant sur la place Alexis Lambert, hélas elle aussi, ne doit plus chasser grand chose car le temps est en train de l'user, pourtant si elle pouvait parler, elle en aurait des choses à dire, au passage en marchant je vois de beaux fruits et j'achète des oranges, des bananes et des pommes pour offrir à mes amis qui nous attendent pour le couscous rue du docteur Mestre. Je prends le maximum de photos, mais là aussi ok si la colonne à toujours été un quartier de pauvres, la propreté était au rendez-vous.

        Là ce que je vois me désole au plus haut point aucune façades entretenues, les ordures jonchent les rues, ça pue, bref une désolation mais comment un peuple qui a juste de quoi se nourrir peut entretenir les rues. Où sont les pouvoirs publics, absence totale, je m'en fous, je suis chez moi, c'est sale ça pue mais c'est chez moi. Alors je regarde toutes les façades, je pense à tous ces pieds-noirs qui y ont habité et fait ce que la colonne était, un quartier haut en couleurs et en langage. Je me dis qu'il suffirait que !!!!… pour que tout recommence, je sens que le petit peuple des pieds-noirs habitent encore ici . . tata Nanette, tata Odette, avec ton langage coloré, madame Michel. pourquoi est-ce que je ressens toutes ces personnes encore comme si elle étaient là dans la rue à vaquer à leur occupations. Je ne le sais pas, mais cela me donne un grand bonheur. Je le répète, je suis chez moi.

        Je retrouve la rue Burdeau et le passage Savino où habitait tata Odette. Je sonne, mais personne ne répond. Je regarde le trottoir et je revois encore mon oncle Marcellin avec son vieux camion. Je les visualise si bien que je me dis, " pas possible, rien n'a changé ", pourtant tout a changé, mais non rien a changé, , les âmes de tous ces gens qui ont fait la colonne sont bel et bien là, on peut arracher quelqu'un à son pays mais on ne peut arracher un souvenir, une vie. Je retourne sur mes pas et j'arrive au coin de la rue du docteur Mestre, je retrouve le four à pain où maman, et d'ailleurs toutes les mamans, vu que nous n'avions pas de four à la maison, allions porter notre pizza à cuire et dans le temps de pâques nos gâteaux des rois . . et on croisait toujours dans la rue du docteur Mestre des femmes avec le grand plat où nous mélangions le couscous, mais dedans se trouvait qui, une pizza, qui un gâteau des rois, qui autre chose, avec dessus un torchon parfois encore humide et taché, car il venait de servir à essuyer la vaisselle, mais bon c'était ainsi.

        Ah ! cette rue du docteur Mestre, je regarde en face du numéro 12, c'était la maison de madame Michelle, une grande amie a ma mère et juste à côté restaient des algériens qui étaient alors là, non, pas des amis, mais de la famille pour ma mère. Il ne se passait pas une journée si ma mère ou eux allaient chez l'un ou l'autre, et que j'emprunte du sucre, et que je porte des makrouts, et que je viens chercher de la farine. Où est-il ce bon temps, je me rappelle il y a avait une cour et toujours de la semoule de couscous qui séchait, ça sentait le henné, et les herbes, bref ça sentait bon, ça sentait notre pays l'Algérie. Comment pourrai-je oublier. Il y avait une vielle dame, les mains toutes colorées en orange par le henné et qui, sitôt que je franchissais la porte me tirait sur elle et me berçait en me caressant le visage et je sentais l'odeur du henné, je sentais une odeur grasse mais ça sentait surtout l'Amour. Je repartais toujours en face chez moi, avec un bout de galette arabe, et ma mère en me voyant qui me disait " et oualla, elle t'a encore donné de la galette et tout à l'heure tu vas pas manger et moi alors je fais à manger pour qui, pour Taddo ". Ah là là, qu'est ce qu'on pouvait être heureux dans notre misère.

        Je pousse le portail, le couscous m'attends, je pénètre dans la cour et je frappe à la porte sur la gauche, aussitôt je vois bien que nous étions attendu avec envie. On se serre tous dans les bras, on s'embrasse, et on parle et on parle, et la mama me dit " vous voulez manger à table ou à l'algérienne ", ah non je lui dis à l'algérienne. Et on installe le grand plat en cuivre avec au centre le plat de couscous, hummmmm il était !!! On s'installe sur des poufs et nous mangeons non pas un couscous mais un dîner des dieux, puis je regarde sur le plateau et je vois une carafe avec un liquide rouge et je me demande, " c'en est ou c'en est pas ". Je fais un encart car en partant mon ami algérien part à rire et me dit " je t'ai vu regarder la carafe plusieurs fois tu m'a fais mourir de rires, ben voyons tu sais bien que c'était pas du vin, mais juste du jus de raisin ", bon, ben j'ai bien fais de pas y toucher ha ha ha. Nous prenons des photos, nous parlons de la maison, de ma vie dans cette maison, et puis machinalement je me lève et je me mets à caresser la porte, à jouer avec la poignée et je te la caresse. Je me retourne, et comme s'ils avaient deviné ma question, ils me disent " oui, oui c'est l'original ".

        Alors je pense aux nombreuses fois ou mon papa et ma maman l'ont ouverte cette porte. Il me passe tant de choses dans la tête. Je revois tant de scènes, on a beau être petit on oublie rien surtout après une déchirure. Je regarde le plafond, les murs je vois, oui je vois maman qui passe et repasse dans ces deux pièces. Je suis sur qu'ils sont là, je les sens heureux de ce qui se passe en ce moment. Ah quelle générosité ces braves gens je sens qu'ils m'aiment comme leur fils. Ils me le disent à plusieurs reprises " vous êtes chez vous, venez l'année prochaine pas besoin d'aller à l'hôtel, vous venez et vous restez ici avec nous ". Alors voilà, j'ai beau me contenir je me mets à pleurer. Alors surtout la dernière chose à dire à quelqu'un qui pleure, c'est bien " ne pleure pas " et je redouble tout en m'excusant mais voilà, chacun se lève et me serre dans ses bras, ah braves gens, merci. Merci, oui avec vous j'ai retrouvé mes dix ans, comme quand c'était le temps des jours heureux.

        Je dois partir mais je n'en ai pas envie, recevoir tant d'amour et surtout quand cela vient de gens simples, est un tel privilège, un tel bonheur qu'on voudrait que jamais cela ne s'arrête. Pas de doutes je me dis comment ai-je pu attendre si longtemps avant de revenir chez moi, car si j'ai vécu jusque là, c'est ici en Algérie dans ma ville de Bône que je retrouve mes racines, que je retrouve ce que je suis, un enfant d'Algérie et surtout pas d'ailleurs !! Et puis voilà, cruelle décision, le temps passe et faut se quitter non sans des embrassades qui n'en finissent pas. Je me sens aimé et c'est bon, nous quittons sous la pluie la rue du docteur Mestre. Je refranchis le portail, nos mains s'agitent et puis voilà je tourne au coin de la rue Sadi Carnot, ils sont encore là a me saluer, merveille de l'amour, et puis et puis. Je me mets à marcher en direction du Cours Bertagna. Je retraverse toute la Colonne, le même chemin qu'à l'aller, passe par la salle Borg et arrive à descendre la rue ou se trouvait notre belle Cathédrale avec à ma droite la prison et le palais de justice. Je ne reviens pas sur la destruction de la Cathédrale sinon que cela me rappelle les paroles d'un sage qui avait dit " l'homme est-il si peu sur de sa victoire qu'il se croit obligé pour l'asseoir de détruire toute trace du passé, fusse la beauté ! ". FIN DE CITATION. Ou " le pouvoir sur la terre devient nul, si à notre mort nous ne laissons que ruines ".

        Allez : ne nous laissons pas distraire par ce qui ne peut être changé, je préfère retrouver mes dix ans des jours heureux et pour moi la Cathédrale est toujours là, majestueuse sur la petite colline, je la vois, et je vois mon cousin se marier par cette belle journée du mois d'août, descendre les marches, les cloches sonnent à tout va, les robes fleuries de toutes nos mamans et des filles volent au vent, les rires fusent de partout. Ah les dragées pleuvent sur les marches et nous les enfants nous courons dans tous les sens et vas-y qu'on se remplit les poches, mon cousin avec sa femme court se mettre à l'abri dans la voiture, sous des pluies de dragées. " Les enfants pas dans les yeux, hein pas dans les yeux les dragées !!! " Un cri jaillit ma cousine qui ayant marché sur une dragée s'est tordu le pied et à cassé son talon aiguille et un put….. de mer…. lui échappe. En cette année 1960, les talons sont très hauts et à qui aura le plus mince. " Ah oui quesse tu dis, ma parole j'entends rien avé les cloches du curé si au moins ils les faisaient sonner moins fort ce cournoutte de curé !! ", et a rit de plus belle. " Allez les enfants, arrêtez de courir et mangez pas les dragées que après vous allez dire, j'ai mal au ventre !!! En tout cas moi j'vous soigne pas. heinnn!!! ". Et les cloches qui redoublent, le soleil qui tape, les parfums des dames au senteurs fleuries se mélangent, tous cela avec en toile de fond le Cours Bertagna avec ses belles rangées d'arbres qui ondulent et le port qui se dessine à l'horizon, oui, tout ce beau monde descends en direction du Cours Bertagna et embarque dans les voitures en cette année 1960 la mode est aux robes légères juste en dessous du genou, avec volant, des robes à grosses fleurs claires, bleues ou jaunes, ou vertes et avec le petit vent chaud tout cela volent, et on croirait un tapis de marguerites qui déambulent l'escalier de la cathédrale. " Allez monte avec tata Germaine, tu ois bien y a plus de place avec tonton Marcel ". Chacun embarque, ce qui avait débuté à la maison en bon ordre, ben là à la cathédrale pour repartir c'est la panique, plus personne se rappelle avec qui il est venu et si il s'en rappelle il le retrouve plus. " Et Georgeo il est parti ? Allours moi je monte avec qui ? Eh ben trouve quelqu'un!! Tiens aregarde Titine elle est toute seule, dépêche toi, arregarde ils coummencent à partir tous ". Tiens une averse, " cournoutte et bastonnade alors !! " sauve qui peut général. " Ma coiffure ma coiffure que j'ai payé bonbon pour la faire faire ", et puis ça rit de plus belle. Oupps la pluie est partie, le soleil revient et tape de plus belle, et tous ce beau monde part en voiture en virant à gauche derrière la Cathédrale, part vers la promenade obligatoire, le tour des plages par la corniche jusqu'au Cap de Garde en klaxonnant ta ta ta ta ta, et finira à la salle Borg où je me rappelle il y avait toujours deux ou trois hommes qui surveillaient dehors pas rapport aux fellaghas.
        Oui j'ai la tête dans les nuages, oui je ne voudrais pas que cela finisse, oui je suis heureux à dix ans et puis et puis, je ne sais pas si c'est le bruit des voitures qui s'éloignent et que je n'entends plus, ouppsss je viens de retrouver les bruits de la rue 2010. Souvenirs, souvenirs, mémoire, mémoire, je t'aime, boff !!! Non je garde mes dix ans.

        Je traverse et arrive sur le Cours, mon gros arbre, oui le premier sur la droite est toujours là, ah mon arbre si tu pouvais parler, que me dirais-tu ? Alors je le touche je le frotte, il est solide comme un roc, les gens me regardent, je m'en fous. Décidément, j'arrête pas de me foutre de tout !!!.Boff, je suis chez moi à Bône, dis moi mon arbre, te rappelles-tu, quand juste à côté de toi, avec mon papa qui me tenait par la main je regardais les défilés du 14 juillet, oui juste dans cette rue qui descends vers les nouvelles galeries de France pour rejoindre le port, te rappelles-tu de moi, qui se bouchait les oreilles tant la musique militaire était forte et de la légion qui défilait avec son mouton en avant " Soldats, tambours ", oui je vois et entends tout. Tout est là, devant moi, et c'est bon, s'il vous plait, laissez moi je veux pas revenir en 2010, je suis bien moi là sur mon Cours. Je fais tous les arbres un par un car tous ont une histoire, tous ont connu les jours heureux. Je fais le Cours comme nous disions, je regarde à droite à gauche, ce bel alignement d'arbres qui faisait notre fierté de Bônois, tous le monde est là, comme avant, juste ont changé les promeneurs, le théâtre est toujours là, je me rappelle de Dalida qui était venue y chanter son grand succès " Bambino !!! " vous rappelez-vous mes arbres, des belles demoiselles avec leur robes fleuries et oui fleuries encore cette image qui me revient, elles s'asseyaient sur les bancs et refaisaient le monde. Un créponet acheté à l'ours polaire qui se dresse toujours là, impassible du temps qui passe, même mes cousines sont là, Fifine, Jeannine, Juliette, qui partaient depuis les quatre chemins faire le Cours et montrer leur 20 ans, elles sortaient de chez elles sans maquillage mais tout était dans le sac à main caché, et là, elles entraient au cinéma REX, se maquillaient et partaient faire le Cour et au retour même stratagème, passage au cinéma pour enlever tout le maquillage, et rentrer à la maison, car si mon oncle leur père les voyaient maquillées, aie aie la tréa qu'elles se prenaient. L'ours polaire, lui il s'en fout, ses créponets se vendent toujours, je regarde cet ours qui ne se rend pas compte que nous ne sommes plus en 1960 tant presque rien n'a changé. Voilà les galeries de France, ils sont fermées.
        Les grilles ont rouillé avec le temps, pourtant en 1960, on allait aux galeries de France voir les nouveautés, c'était LE !!!! grand magasin.

        Je fais un tour vers la pâtisserie Piccione. Je parle avec le proprio un homme gentil à qui je promets de revenir, il est heureux de voir les pieds-noirs revenir chez eux, la vieille ville, aie!! vieillit mal. Pourtant ici nous allions chez tata Adrienne rue Trézel, non loin de la placette, cette placette où nous mangions un couscous, mais alors un couscous hummmm!!!. Le marché est là, étalage de fruits et de légumes je reconnais les belles oranges Thomson, toujours aussi grosses et juteuses, non le décor à peu changé.
        Je traverse le bas du Cours, laissant à ma gauche le port qui maintenant est complètement fermé, mais, à la belle époque, nous le longions, il n'y avait rien sinon des pêcheurs qui rafistolaient leurs filets avec la cigarette Bastos à la bouche, et souvent sur le côté qui borde la Centrale, nous pêchions avec des palangrottes des sparles dont nous nous régalions. Fini les sparles, adieu mon port tu es maintenant en prison derrière de hautes grilles. Je me dirige vers la gare des trains, ah elle n'a pas changé, belle comme un cœur, j'entre, combien en as-tu vu des départs et des arrivées de tous ces gens qui couraient dans tous les sens. Eh bien sa continue à courir pour un train pour quelque part, je me rappelle de tonton Joseph le mari de ma tante Adrienne qui y travaillait et qui un jour m'avait fait monter dans une micheline. Ah comme je trouvais cela haut, je regardais le train avancer et je me sentais grand. Je revois la vitre sale à travers laquelle il fallait regarder les rails et tonton m'avait fait faire quoi 100 mètres mais il me semblait que nous partions au bout du monde. Je regarde les plafonds et les murs encore recouvert de leur dessins originaux. Dessins qui donnent une belle idée du dur labeur de tous ces pionniers qui ont fait l'Algérie moderne des années 60. Elle est belle ma ville, elle est riche de son passé grandiose, et je ressens une grande fierté.
        Voilà, je longe la gare sur le côté gauche et me dirige vers le champs de Mars, la sable qui garnissait la place à disparu. Les galeries Barbes aussi, le magasin Henri Machin aussi, mais l'école du champs de Mars est toujours là, je fais le tour du regard, je m'évade. Je ne suis plus là, !!!, et puis et puis !!! Le temps s'écoule, alors je remonte car il se fait tard, je retrouve le Cours Bertagna. Je suis heureux, tiens si je prenais une calèche, mais les calèches ne sont plus là. Comme partout dans le monde un vilain modernisme a prit leurs places. De vilaines voitures polluantes salissent le Cours et noircissent les arcades, pourtant les calèches je les vois bien là, au bord du Cours, le long de la mairie, les chevaux hennissent, ils ont leur sacs au derrière pour ramasser le crottin, ça sent fort mais ça sent le Cours Bertagna. Alors pour rentrer à mon hôtel El Mouna, je prends un taxi mais dans ma tête je suis dans la calèche je ferme les yeux tout le long du trajet, je veux, comme en 1960, entendre les clop clop clop du cheval, je me laisse bercer, la tête en arrière, et ce que je vois ce sont tous les arbres du Cours et les arcades qui défilent au dessus de moi. Le petit vent chaud du siroco, qui me caresse, le parfum de maman, oh pas un parfum cher car pas de flouss mais ça sent bon les fleurs, parfois je glisse un peu vers le côté ou est assise la Marie-louise. alors je pousse avec ma main pour me redresser, et clop clop clop, le cheval avance, je sens l'odeur du crottin qui mélangé au parfum de Louisette qui finalement, non!! Oui !! tout cela sent bon. Ca sent l'été de mes dix ans, ça sent Bône, ça sent les jours heureux. Un coup de frein brusque me ramène à la réalité, je suis arrivé à l'hôtel El Mouna. La vilaine voiture qui pollue aussi et ma calèche est partie, partie ma maman.

        Et puis un autre gros morceau m'attends aujourd'hui mercredi. Ca fait 48 ans que je pense à Sididjemil, le terrain de chasse de mon papa et moi, et ce matin c'est le grand jour. Vais-je trouver mes montagnes mythiques ? Vais-je trouver la SAS (les sections Administratives Spécialisées étaient chargées de "pacifier"). Les secteurs, ancien camp militaire, toutes ces questions !!.. J'embarque dans le taxi, qui doit me conduire, voilà la corniche qui s'étire, le port, la gare des trains et la route de Duzerville, puis Mondovi, et je vois la première pancarte " Sididjemil ", quel bonheur, se nom résonne en moi comme liberté, combien de fois à l'école Beauséjour, je n'écoutais plus le prof, la tête dans les nuages en pensant au dimanche qui arrivait et aux sangliers de Sididjemil, aux montagnes, aux cris des traqueurs, aux coups de fusils, voilà mais 48 ans ont passé.

        Vais-je retrouver mon Sididjemil, il me semble reconnaître la route mais non, nous nous sommes trompé, demi tour. . . et encore demi tour. Nous cherchons, nous demandons, je commence à désespérer, et puis de braves gens nous disent : " oui, oui la SAS existe toujours, allez par là, à environ 20 km, " mais dés que nous attaquons la route je ne vois que des constructions de maisons dans le bled alors que tout était désert en 1960. Je comprends ça peut changer, mais bon !!. je dis à mon papa " papa aide moi à trouver " et puis d'un seul coup toutes habitations cessent et nous attaquons une côte dans un paysage sauvage, mi montagne mi vallée oui je me dis si ça monte c'est par là, car il fallait monter une petite route pour accéder à la SAS, oui, ouiiiiiiiiiii je reconnais la route, et puis comme pour me le certifier deux sangliers nous passent devant et traversent mais merde je n'ai pas mon appareil photo, mais quel bonheur!!! Je savais que pour arriver à la SAS il fallait en haut de la côte tourner à droite sur une route de terre et passer aux milieux de gourbis. À l'époque les gens se mettaient là pour être protégés des fellaghas. Alors je cherche quelques traces mais rien, aucun gourbis, juste une nature sauvage. Je vois bien sur ma droite en haut de la colline des ruines, des murs mais est-ce Sididjemil, la SAS ? Alors nous demandons à des bergers qui nous affirment que oui ! Je suis anéanti. Est-ce ce qui reste de mon Sididjemil ? Le cœur me bat à tout rompre.

        Je décide avec mon ami algérien de grimper la colline vers ces ruines mais catastrophe, il a plu durant la nuit, et le sol de glaise nous met des paquets de boue aux souliers, souliers !!! Parlons-en !! des tennis !!. voilà ce que nous avions aux pieds. Alors nous marchons il fait chaud, le cœur me bat à tout rompre, l'émotion, je pense à mon papa, car c'est pour lui que je suis là, tout ici parle de lui, c'est son territoire dont il parla jusqu'à sa mort. Je me décourage, ça n'a pas de bons sens, mes baskets sont dans un état pas possible, je veux abandonner, je dis à mon ami " écoute on peut pas continuer, regarde cette merde aux pieds ". Je suis découragé, fatigué, la chaleur, les émotions mes soixante ans, bref, je veux retourner sur la route, c'est la défaite. Je n'approcherai pas la SAS de Sididjemil (où à cause des fellaghas nous étions tenu de nous signaler car sinon, gare aux coups de fusils, les militaires auraient rappliqué pensant que c'était des fellouss). Je me retourne pour faire demi tour, et mon ami algérien me sauve la vie, oui la vie car 48 ans que je pense à Sididjemil et voilà que je me décourage pour de la boue.
        Il me dit " écoute on y est presque, sa fait 48 ans que tu penses, que tu pleures, que tu parles de Sididjemil, que tu ne vis que par Sididjemil, tu as fais une promesse à ton père de revoir pour lui ses montagnes, si tu fais demi tour maintenant tu ne te le pardonneras pas, laisse, les baskets sont pourris, nos pantalons plein de boues, donne moi la camera et on y va, ne retourne pas en arrière tu ne pourras pas vivre avec ça, y a trop longtemps que tu attends ", mais je lui dis " je suis crevé, fatigué ", les émotions se bousculent, j'ai le cœur qui va me sauter. Il me dit : " prends courage, regarde Sididjemil est là à 300 mètres, allez on y va ! ".

        Ah merci mon ami. Tu viens de me sauver et je recommence à monter la colline. Quelle chaleur, la boue qui me colle aux souliers. J'ai le cœur qui contrôle plus rien, je regarde à droite, à gauche, ouiiiiiiiiii, c'est bien mes montagnes, je vis un des plus beaux moments de ma vie, je retrouve mes dix ans. Je grimpe, je grimpe, vas-y Gégé, tayo !! tayo !! mais plus j'approche, plus je ne vois que ruines, murs écroulés (voir mes photos), et me voilà. Je touche au but, j'y suis, j'arrive à la SAS quel bonheur, la chaleur, le souffle court, en sueurs, j'halète, ma respiration est saccadée mais si mourir de bonheur c'est cela alors je veux bien mourir à cet instant. Je suis aux petits oiseaux, je promène mon regard sur toute la vallée, je regarde les murs, je retrouve tout ce qui était le fort, la SAS en suivant les traces de construction de ce qui reste au sol. Certains bâtiments sont encore bien debout mais toutes les toitures de tôle ont disparues, l'herbe a tout envahit et même les broussailles ont poussés à l'intérieur de la cour et cela à hauteur des épaules. L'enfant que je suis revois les militaires qui s'affairaient à leur occupations, les camions GMC, les jeeps, je regarde les militaires qui tirent au mortiers dans les montagnes, il y avait tant de vie et là plus rien, le silence total, mais je suis bien dans la SAS de Sididjemil, je roule la terre dans mes mains, je la lance en l'air, je pousse des cris de joies, je dis " papa tu es chez toi mon papa ", ah comme je suis heureux. Je retrouve ce qui reste de la salle à manger, certains carrelages sont encore là, je ramasse deux gros morceaux à rapporter pour mettre sur la tombe de papa ainsi que de la terre, et je parle et je parle, mon ami écoute il sait que c'est pas le moment de m'interrompre.

        Il fait chaud, le soleil tape, il est 13 heure, je ramasse une pierre et sur un des murs dont le ciment est intact, j'inscris " 2010 Jean Rodriguez le roi des chasseur " voilà papa tu as repris possession de ton territoire de chasse, et je cherche un bel endroit pour ce que depuis 48 ans je n'ai cessé de penser que je ferai à Sididjemil, trouver un endroit pour y mettre une photo de papa en chasseur prise à Sididjemil en 1960 et une paire de défenses de sangliers (voir mes photos), un des derniers qu'il à tué ici à Sididjemil, je soulève une grosse pierre mais un gros scorpion apparaît, non pas bon. Je creuse avec mon ami le sol dur mais je ne suis pas convaincu, et puis je vois le mur d'enceinte côté nord qui est encore haut et bien conservé. Je grimpe dessus et de là je vois tout le bas de la montagne, tout ce qui a retentit des coups de fusil de papa, et je décide que ce sera là, juste en bas du mur dans ces grosses broussailles. Ces broussailles où papa a si souvent rampé dedans pour tuer son sanglier au ferme, oui ce sera là. Je dis à mon ami de prendre durant tout ce que je vais faire et dire, oui prendre le maximum de photos et surtout sans s'occuper de moi, et de ce qui va se passer, et là, dressé sur les murs, face aux montagnes verdoyantes qui descendent tout doucement vers l'horizon, vers ces broussailles qui nous ont si souvent égratignées les habits et mes 10 ans, avec le soleil qui m'écrase, l'odeur du thym sauvage, le vent chaud, les deux mains chacune tendues avec une la photo de papa et l'autre les défenses de sangliers, ,je suis comme dans Titanic, oui je suis le roi du monde. Je déconnecte du monde et je dis : " papa toi qui a régné en maître sur ces montagnes qui t'ont rendus si heureux, c'est pour toi ce moment que je suis là, tu n'as jamais pu revoir ton Sididjemil, mais aujourd'hui tu y es ", les larmes me viennent comme je n'ai jamais pleuré, le corps me secoue comme il ne m'a jamais secoué, mais je continue, parfois je force mes paroles car je suis trop en gros pleurs que les mots ont du mal à sorti " vas-y papa, vas-y Jeannot, tue les tous les sangliers, aoujek aoujek (le voilà) papa, court papa court comme tu le faisais avant, je suis là avec toi, regarde papa il vient à gauche et pan !! pan !! donnes-y, oui mon papa je t'aime, oui mon papa on chasse à nouveau à Sididjemil, maintenant et pour toujours tu seras ici chez toi, tu chasseras chaque jour. Tu te rappelles papa, il pleuvait, il ventait, on courait, regarde papa les voilà tes montagnes de Sididjemil. Elles sont belles, elles sont les plus belles montagnes du monde car c'est ici que tu as été heureux, pas dans ce cimetière de Normandie. Papa, papa, papa, mon papa sois heureux et chasse pour toujours. Tremblez sangliers, Jeannot est revenu " et je lance dans les broussailles la photo de Jeannot et les défenses de sanglier, aux milieu de cris et de larmes et là je m'assoie sur le mur les pieds pendants, et je pleure comme jamais, mais je suis heureux. Je suis soulagé.
        
        Je sais que j'ai encore parlé mais je ne me rappelle plus. Je sais que je suis resté un long moment assis les jambes pendantes, le dos courbé à regarder les broussailles où je venais de tout lancer . . mon regard se porte des montagnes, aux broussailles, alors je sens la main de mon ami Algérien qui se pose sur moi, il me caresse l'épaule. Je sais qu'il comprend tout. Il me dit " ça va ? ". Le pauvre, j'ai du lui faire peur avec mes cris mais il a tout comprit, merci S… . je lui réponds tout simplement " oui ça va, ça va même très bien " et je me mets à rire, mais à rire, ah comme je suis bien. Voilà je sens 48 années de poids et de frustration qui sont parties, 48 années où je parlais à tout le monde de Sididjemil en Algérie, et je viens de revoir Sididjemil, le bonheur ne se définit pas car on sera toujours en dessous de la vérité, on ne peut que maladroitement en parler.

        Les stars de cinéma, les riches, les suffisants en parlent, mais ils ont rien connus du vrai bonheur, le bonheur se vit, se boit, on le garde en secret, le bonheur pour moi j'y suis, là en Algérie, mon pays, dans les montagnes de Sididjemil en 1960, avec mon papa, son fusil, un morceau de pain, de l'eau et une boite de sardines, alors messieurs les riches, dégagez y a rien à voir.
        Et puis je redescends. Je dis merci à mon ami qui m'à encouragé à grimper, oui cela aurait été une catastrophe, une grande défaite de ne pas y aller, je sens mon papa heureux. Ah Jeannot, tu es déjà en train de leur courir derrière à tes sangliers, allez vas-y, vas-y, tu as toute l'éternité pour toi. J'arrive au taxi je suis si heureux que j'embrasse les deux mains de mon chauffeur de taxi qui ne parle pas un mot de français. Je lui dis, merci, merci, il est très gentil, il a tout comprit, car S…. lui avait dit la raison du pourquoi je voulais venir ici. Il embrasse aussi mes mains, en me regardant dans les yeux, il ne faut pas grand-chose pour que les hommes se comprennent, juste la même misère. Le taxi redescend la route de Sididjemil. Je me sens un petit oiseau, mon ami qui a encore un peu peur de mes réactions me dit " on va revenir l'année prochaine ". Je lui dis " oh que oui ". Voilà Sididjemil s'éloigne.

        Je décide d'aller à Saint-Augustin, je veux revoir la petite route qui serpente aux milieux des oliviers, tout est là, je rencontre un autre pieds-noirs de Bône, on se met à parler, de quoi ? hé !! de Bône " aouaa tié de Bône !! " et voilà c'est parti pour une bonne rigolade. Je visite la basilique, je prends encore le maximum de photos pour ceux qui n'ont pas la chance de revenir chez nous, j'imagine toutes les processions au son de " avé avé ", combien de souliers de pieds-noirs se sont usés sur cette route en serpent et sur ces marches. Combien de vœux ont été demandé devant ce fameux saint connu du monde entier, et puis je rentre tout doucement à Bône.

        Je demande au taxi de nous arrêter à la caravelle car je veux refaire toute la corniche à pieds jusqu'à hôtel El Mouna, je veux surtout descendre en bas du lever de l'aurore juste dans le virage et m'asseoir là où enfant je venais pêcher avec mon papa, c'était mon poste !!! La mer n'a pas changé, je regarde, je regarde, les rochers qui ont vu nos lignes se briser sur un sar trop gros, je revois mes premières tchelbas attrapées. Je regarde le rocher où tonton Julien, alors lui le roi des pêcheurs (oui longtemps après être rentré en France, je me promenais à la Ciotat avec lui et nous avions croisé un ami à lui qui ne me connaissait pas, et il me dit, " petit te je présente le plus grand pêcheur de Bône "). Je regarde le rocher qui avance dans la mer et où trop petit, la nuit mon père me prenait sur ses épaules pour traverser depuis la plage et là assis on en a prit des sars, et mon papa y jetait du bromedge et disait " aouaahh ce soir ça donne pas, diocane pourtant la mer, elle est bonne, mais je crois que on va rien faire, ouallou !! ", et paff on se prenait une châtaigne dans le roseau et que je te sors un sars, et papa disait " ah ta mère elle va être contente heinnnnn !!! " Et oui des petits bonheurs, là au clair de lune des soirs d'été de Bône, je marche sur la plage. je remonte par l'escalier de ce qui fut un restaurant mais qui est désormais une salle de sport mais alors dans un état pas possible. Les détritus sont partout, je me dis, " tout cela est malheureux " mais je suis à Bône et je m'en fous. Le regarde dans le coin droit ce qui reste du cabanon de tonton Julien, où toute la smala passaient l'été, mon oncle comme il tapait la bouteille souvent, alors la nuit durant nos belles nuits des mois de juillet et août il me racontait, que depuis la plage il lançait deux palangrottes juste vers le rocher qui avance dans la mer. Il se les attachaient aux gros orteils, et se couchaient sur le sable en regardant les étoiles, et quand un sar mordait ou un loup ça lui tirait les pieds et lui, allez, vas- y que je remonte la palangrotte. Bonheur simple des gens simples . !! Ces quelques lignes sont pour toi tonton Julien. Je remonte tout doucement vers Saint-Cloud, le soleil commence à descendre, des pêcheurs sont toujours là. Depuis le haut de la corniche, ils lancent des moulinets comme toujours, je longe les arcades sous le collège d'Alzon, j'arrive à Gassiot, Saint-Cloud, je laisse la Pierre Carrée, les gens se promènent, les amoureux s'enlacent, je regarde la mer, les mille logements, tout est tellement pareil, que je ne veux pas quitter mon paradis. J'arrive à l'hôtel El Mouna, ce soir encore j'irai à la caroube me goinfrer de merguez et de brochettes, et d'harissa et de cumin, hummmm.

        Jeudi matin dernier jour, je me lève de bonne heure, je veux aller voir la mer, je regarde ce qui fut le Lido, La statue de l'ange noir qui garnissait l'entrée du Lido est toujours là. Je rentre dans ce qui est maintenant une clinique. Je me dis combien de beaux monde sont passé par là pour aller danser, boire, et vivre nos belles nuits d'été de la plage de Saint-Cloud. Je retraverse, la mer est calme, le soleil se lève, des pêcheurs partent mettre leur filets à la recherche des marbrés, ils s'éloignent que c'est beau. Ah si j'avais pas le mal de mer je leur aurai demandé d'aller avec eux, alors je leur demande simplement de me ramener deux bouteilles d'eau de mer que je ramènerai avec moi, je m'assoie sur le sable et sans trop le faire voir je creuse un trou avec un bâton et j'enterre une photo de papa et maman. Voilà vous serez toujours à Saint-Cloud les plages, oui même si les hommes passent, le décor de théâtre est toujours le même. Les acteurs sont partis, d'autres les ont remplacés, non !! Non !! Les acteurs que j'ai connus sont toujours là, autour de moi, les Jammy, les Redzins, les Hernandez, les Sultana avec leurs cris, leurs bonheur et leur peines. Je les vois se promener les soirs de juillet en traînant bien leur savates qui sur le sable de la promenade fait crisser les petits grains dorés encore chaud de la journée. Tout me semble éternel, je crois que oui, si seulement nous gardions notre âme d'enfant car aujourd'hui je suis là et le temps n'a pas changé, il me suffit de fermer mes yeux et mes dix ans sont là, bonheur ultime de ce retour à l'enfance insouciant de l'orage qui s'annonce.

        Ah!! Mon ami pourquoi me dis-tu qu'il faut partir ou on va manquer l'avion, alors je me lève, je marche en marche arrière vers le trottoir car je veux garder la mer encore pour un moment avec moi, sur elle danse des milliers de diamants, car le soleil se lève, j'écoute les petites vagues qui meurent doucement en roulis sur la berge, Saint-Cloud tu es belle, allez, il faut se décider dans ce taxi qui me mène à l'aéroport. Je réalise tout ce que je viens de faire. J'ai pu vivre quelques jours magnifiques, je suis comblé, je respire à plein poumons cet air de chez nous, je sais que je vais revenir et j'ai très hâte, je sais que tant que la santé me le permettra, je reviendrai à Bône, car là sont mes jours heureux.
        Tiens j'ai fini !!!

        CONCLUSION :
        " Alors Gégé tu as réussis à dire ce qui était en toi ?
        " Oui j'ai dis ce que je voulais avec mes mots, pas ceux d'un écrivain bien sur, de toute façon les écrivains souvent inventent leur histoires. Moi la mienne est vraie. Mes mots sont ceux d'un enfant de la cité Montplaisant, qui à été à l'école juste assez pour se débrouiller dans la vie.. dont un jour de 1962 la vie à basculé, et qui vient de la retrouver. J'ai vécu ces belles journée chez moi, à Bône, où l'enfant d'avant 1962, et l'adulte de 2010 ont fait la paix.
        Je viens de revivre les jours heureux.
        Alors Bône, à 2011


PHOTO D'ECOLE
Envoyé par M. Jean ETIENNE

ECOLE MARCHE AUX BLES
Année 1938
Une classe de Maternelle
à l'école du Marché aux Blés en 1958
Photo Jean Etienne
___________________
Est-ce que d'autres amis se reconnaîtront-ils ?
Merci Jeannot

CRÊCHES DIVERSES
Un échantillon
Envois Divers


photo Mounir Hanneche
Crêche de Saint Augustin à Bône par M. Mounir Hanneche
Photo Yves Jan
Crêche de M. Yves Jan
Photo Gilles Martinez
Crêche de M. Gilles Martinez
Photo Henri Lunardelli
Crêche de M. Henri Lunardelli
Photo JP Bartolini
Crêche de Mme Jeanine Bartolini

Crêche de Anonyme
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
 Photo Bernard Lucas
Crêche de M. Bernard Lucas
Photo Chantal Marquès
Crêche de Chantal Marquès

Crêche de Fra Angélico

Photo à identifier
Envoi de Mme Frédérique Younes.

Photo Frédéric Younes

Bonjour,
Je suis Frédérique YOUNES et la photo ci-dessus devrait parler aux anciens.
Il y a mon papa à droite avec des lunettes et il me semble avoir reconnu d'autres personnages qui sont sur la photo de la gazette N°56.
Alors, que sont-ils devenus et qu'elqu'un peut-il me dire s'il a connu mon papa et cet orchestre.
D'avance un grand Merci.
Frederique YOUNES. je suis née à Bône en 1952.
Mon adresse : Frédérique Younes

LES DERNIERES MARCHES DE RE
Envoyé par M. Vitus
La rivière baigne les pilotis moussus
Aux pointes rocheuses d’anses roselières
Les parfums qui planent sont de croisière
Autour du lido d’un littoral bossu

Un mur d’enrochements annonce le musoir
Et la vigie glisse jusqu’à la dunette
L’air est déchiré par le cri des mouettes
Quand le voilier pénètre le port dérisoire

La plainte des forçats mêlée au bruit des chaines
Meuble les plats-bords où descendent les voiles
Plaie contuse sous une marée d’étoiles
Qui claque de misère au mat de misaine

Dans la lueur vert-lumière de l’émeraude
Les bagnards de Ré ont traversé le monde
Ils ont chaluté sur un espace immonde
Jetés au lazaret de l’inane exode

Monsieur Thiers habité d’une humeur malévole
Remplit la Seine de beaucoup de chair morte
Il eut soin aussi de la chair qu’on déporte
Et nomma Nouméa autre camisole

Les escaliers de Ré dernier morceau de France
Partent dans les larmes d’un dernier regard
Un Caillou suffit pour l’honneur Communard
Lorsque la patrie est jetée à l’errance

Vitus


PHOTOS
Diverses de BÔNE
Envois de diverses personnes

LE PORT (M. Garcia)
Photo M. Garcia

  "ANNONCE"
par M. Pierre Jarrige

  BIDON V  

POUR LIRE ET COPIER CE FASCICULE
CLIQUER ICI    
Je dois rappeler que ce document ne peut être vendu ou pour une utilisation commerciale
Joyeux Noël, heureuse année 2012 et bon voyage à Bidon V.
Pierre Jarrige.
   

LA VALISE OU LE CERCUEIL
Un film Documentaire de Charly CASSAN
Envoyé par plusieurs internautes


         Ce film documentaire, où des vérités sont dites sans polémique ou esprit de revanche, est un film à voir et à montrer dans toutes les écoles et aussi dans les familles Françaises et pas seulement Pieds-Noirs qui pour la plupart n'ignorent pas ces vérités.
Un très beau cadeau à Offrir ou à montrer à ceux qui ne savent pas !!!
         - Pour tout savoir sur cette œuvre exceptionnelle et commander le DVD, cliquez sur : Film la valise ou le cercueil



MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

--------------------

Mme Béatrice BOUDET
       Bonjour,
       Je recherche des infos sur Théodore CABANEL medecin chimiste venue de France. Il a créé une sté de parfum en 1893 à Boufarik où Théodore au début cultivait des plantations d'orangers. Ensuite devenu parfumeur, il a eu beaucoup de succès il part en 1903 sur Paris.
       C'est sur la période entre 1893-1903 que je recherche de la documentation sur ce personnage.
       Je sais que cette ville est à 150 km de Bône. (?)
       Merci pour votre réponse.
       Cordialement
Mon adresse : Béatrice BOUDET

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.

    Diaporama 44
    Diaporama 45                                          Diaporama 46  
    Diaporama 47                                          Diaporama 49
    Diaporama 50                                          Diaporama 51
    Diaporama 52
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Janvier 2012.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois
CLIQUEZ ICI pour d'autres messages.

Définition d'un GRAND-PARENT?
Envoyé par Valérie

(d'après une classe d'enfants de 8 ans) :

       Les grands-parents, c'est une dame et un type qui n'ont pas d'enfants eux-mêmes, mais ils aiment beaucoup les enfants des autres.

       Un grand-père c'est un bonhomme,
       & une grand-mère c'est une dame!

       Les grands-parents ne font rien d'autre que nous attendre lorsque nous venons les voir .

       Ils sont tellement vieux qu'ils ne peuvent pas courir ou jouer à des jeux ou on se pousse un peu. Mais c'est drôlement bien lorsqu'ils nous conduisent à des boutiques de bonbons.

       Quand on va se promener avec eux ils ralentissent toujours pour nous montrer des feuilles mortes ou des chenilles.

       Ils nous montrent des fleurs, nous parlent de leurs couleurs et nous demandent de ne pas marcher sur des choses qui craquent, mais ils ne disent pas , "Dépêche-toi.''

       Habituellement les grands-mères sont grosses mais ça ne les empêche pas de nouer nos lacets de chaussures .

       Ils portent des lunettes et des sous-vêtements très bizarres.

       Ils peuvent enlever leurs dents avec leurs gencives.

       Les grands-parents n'ont pas "à bien se conduire".

       On peut leur demander des questions comme 'pourquoi Dieu n'est pas marié?' ou "pourquoi les chiens courent après les chats ?"

       Lorsqu'ils nous lisent des livres, ils ne sautent pas des lignes. Et si on leur demande de nous relire la même histoire, ils ne disent rien.

       Tout le monde devrait avoir une grand-mère, surtout si vous n'avez pas de télévision parce que ce sont les seuls adultes qui aiment passer du temps avec nous.

       Ils savent qu'il faut que nous ayons un petit goûter avant d'aller nous coucher,
       ils disent les prières avec nous et nous embrassent même si ça a mal été.

       Et celui-là, âgé de 6 ans à qui on demandait où sa grand-mère vivait. ''Oh, elle vit a l'aéroport, quand on veut la voir, on va la chercher.
       Et lorsque la visite est finie, on la ramène à l'aéroport.''

       Grand-papa c'est l'homme le plus gentil de la Terre ! Il me montre des tas de trucs, mais je ne le verrai jamais assez pour devenir aussi calé que lui !

       C'est drôle parce que lorsqu'ils se penchent, on entend des fuites de gaz, et ils disent que c'est le chien.

      



En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique,
vous pouvez leur écrire directement,
c'est une façon de les remercier de leur travail.

Si vous avez des suggestions, vous pouvez les exprimer,
EN CLIQUANT. ===> ICI

Numéro Précédent RETOUR Numéro Suivant