N° 109
Septembre

http://piednoir.net
    
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Septembre 2011
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Cet Ecusson de Bône a été généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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  Le marché aux orchidees  
De Inconnu ?
EDITO

LA " DECERVELATUM AD HOMINEM
ET LA " MEMORITE " 

         La terrible maladie contagieuse, commencée fin du 2ème millénaire et qui fait rage en ce début de 3ème millénaire, c'est la " decervelatum ad hominem ", En " français " la décervélation de l'homme. Elle fait des ravages incommensurables dans nos populations dites civilisées. C'est un véritable cancer du cerveau.

         Il est indispensable d'endiguer et d'éradiquer le fléau de la " decervelatum ad hominem " alimenté par des " médiatums ", par des " intellectuelums " donneurs de leçons, par des " associationums " défenseurs de n'importe quoi et de rien du tout et surtout par des " hominem politicus " toujours plus aptes à se faire élire qu'à défendre les intérêts de la nation et de ses habitants.
         La " decervelatum ad hominem " provient de trois Bactéries parasites:
                           - Le bacillus visiobactère,
                           - Le gros spirille l'associospire
                           - Le bacillus politicosphère


         Le bacillus visiobactère, onde intellectuelle et médiatique aiguë et pénétrante en haute fréquence qui fait de la désinformation à outrance, qui va même jusqu'à désigner les candidats du 2ème tour de l'élection présidentielle. Qui revisite l'information et l'histoire dans le sens du politiquement correct. Qui tape sur le système nerveux avec ses analyses vaseuses de journaleux endoctrinés. Qui écrit des vomissures et des outrances sans en connaître les origines.

         Le gros spirille associospire qui fabrique et instille tout ce qu'il peut de venin. Il gangrène la vie associative en vivant de substantielles subventions d'état, c'est à dire qu'il vit à nos crochets. Il dicte et égrène les chapelets des futures lois. Il rejète les us et coutumes du pays. Il impose les mœurs hors du temps, totalement inappropriés avec nos institutions, habitudes ou notre mémoire. Il est toujours en guerre contre notre histoire et la déforme à volonté. Il est toujours aux cotés de l'assassin face à la victime. Il est prêt à transpercer quiconque le contredirait. C'est le plus dangereux des parasites.

         Le bacillus politicosphère qui légifère à tour de bras pour diminuer nos libertés gagnées par des années de luttes ancestrales. Il a le cerveau bling bling qui ne fait plus de distinction entre mal et bien. Il a plein de réserve pour ce qui concerne la conduite irresponsable des affaires de l'état. Avec une veste réversible, il est toujours prêt à partir en campagne médiatique pour attirer à lui les bulletins des gogos aveugles, j'manfoutistes ou opportunistes comme lui.

         Ces trois bactéries sont visibles à l'œil nu, facilement identifiables et répertoriables sans modération.

         La maladie débute sous des dehors inoffensifs. Quelques bacillus visiobactères, par des infos malfaisantes pénètrent par les yeux et les oreilles, ils se logent dans un coin du cerveau afin de fermenter. Le gros spirille asociospire les entoure, s'enroule, et la réunion des deux germes produit une épaisse métastase appelée pourriture. Le bacillus politicosphère profitant de cette aubaine pour les mettre en boite cadenassée non étanche afin d'irradier tout le cerveau et le reste de la population.

         C'est alors que, dans l'intérêt de son entourage, il est bon d'isoler le malade ou de lui inoculer un vaccin qui consiste à ordonner énergiquement, à intervalles réguliers, de revisiter la véritable histoire ; de lui rappeler sans cesse la mémoire ancestrale ; de veiller sévèrement à l'exécution de l'ordonnance, ne pas lui faire grâce d'un oubli ou d'un dérapage. Du seul fait de son caractère obligatoire, le travail prendra tout son sens et le malade sera peut-être guéri.

         Pour contrer cette maladie, nous avons un vaccin antiviral qui commence à se répandre de plus en plus chez nos seniors et se fait jour chez nos juniors, c'est la " Mémorite ".
         La " Mémorite " est un composé d'histoire véritable basée sur des faits ; sur la mémoire collective rapportée fidèlement par des hommes l'ayant vécue ; sur les us et coutumes transmis de père en fils ou de mère en fille. Ce composé peut être administré par dose homéopathique ou à haute dose dans les cas désespérés. Internet est la seringue idéale pour les injections.

         Lorsque la maladie est déjà avancée, on aura recours à un sérum curatif : le traitement consiste à l'exécution plus énergique et à haute dose de l'ordonnance à tout moment opportun. Lassés de s'exercer toujours sur le même terrain, les microbes de la " decervelatum ad hominem " s'affaiblissent et finissent par disparaître.
         Toutefois, malgré les bienfaits de la " Mémorite " et les dangers qu'elle représente pour son ennemi, il faut être fort prudent et patient dans son traitement.

         Chacun d'entre nous peut être capable de se transformer en infirmier afin d'éradiquer la " decervelatum ad hominem ".
         La " mémorite " à l'état chronique est indispensable à nos communautés, qui ont besoin de chapeaux ou de chéchias pour se protéger des parasites !

         L'été, qui sépare les uns et réunit les autres, est toujours une saison à part, c'est pourquoi cet édito, tout en étant sérieux, est rédigé sur le ton estival afin de terminer les vacances du mieux que l'on peut.
Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

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 VOILA DES EXEMPLES
DE DECERVELAGE

  Mathieu Belezi, de son véritable nom Gérard-Martial Princeau, est un écrivain français né en France en 1947 ou 1948. Mathieu Belezi a vécu en Louisiane, en Inde et vit depuis 2005 dans le sud de l'Italie . Il a précédemment été professeur de géographie et mathématicien et ne semble pas désirer communiquer davantage sur sa personne. Vu son age, il n'a vraisemblablement pas connu l'Algérie des temps heureux et encore moins les communautés de ces temps-là.

  Il a trouvé le filon: Une fiction, (les vieux fous), "vomir sur les Français d'Algérie". ça a eu payé... Et en plus, on le compare à L.F. Céline... C'est tout bénéf.

  Voila qui rappelle Dubois (Jean-Paul), un autre écrivain dans la même veine. ( encore que Princeau/Belezi rajoute au gros colon de 140 kg (son héros), un braquemart de 25 cm... ça ne mange pas de pain et ça peut rapporter gros)

  Si un Pied-Noir écrivait le dixième de ces livres, il serait traité de raciste et ferait certainement de la prison. Des droits de l'homme, sur tout sujet, à sens unique qui déclencheront à coup sur une guerre civile.
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Souvenez vous d'Azoulay et son terrible accent pied noir

FIGARO du 17 Août 2004
Page 23. Bonnes feuilles (En avant première, quelques unes des meilleures pages des livres de la rentrée littéraire).
Jean Paul Dubois : " Une Vie Française ".


  " A la caisse des congés payés, le responsable du service s'appelait Azoulay. ; C'était un homme d'une quarantaine d'années, affublé d'une voix nasillarde, autoritaire, enchâssée dans un terrible accent pied-noir, aimant abuser de son pouvoir et de son eau de toilette…./…Le reste du temps, il s'adressait à nous comme si nous étions des animaux en captivité.
  Sa seule raison d'être était de faire payer aux autres le prix de ses désappointements, de ses pertes, de ses insuffisances. Sans doute déjà mauvais sujet à Oran, Azoulay était devenu un ***** à Toulouse. Un maniaque de la loi, de l'ordre et des règles. Ces règles, justement, que la France n'avait pas respecté en Algérie., lui, Azoulay, avec sa grande gueule, avait aujourd'hui pour ambition de les apprendre au Français, de les inculquer notamment à sa cible privilégiée, Eric Delmas, un type fatigué, prématurément usé, avec des taches brunes sur les mains et un visage lustré comme les flans d'un vieux costume. "


  NDLR : On connaissait " le gros colon qui fait suer le burnous ", " le truand Constantinois qui a réussi à Paris ", voilà plus perfide pour compléter la gamme : " le petit juif pied-noir, d'Oran (circonstances aggravantes), qui applique les règles de l'Administration et veut les inculquer au Français (car Azoulay ne l'est pas), alors que la France ne les a pas respectées en Algérie "
         Comme disent les jeunes : " N'importe quoi ! on a droit à la totale… ". La gamme est complète, 42 ans après, on nous refait le coup du " petit blanc ". Certes, Dubois, à première lecture, n'est pas Céline, ni même l'Apollinaire de Marizibill (Elle se mettait sur la paille- Pour un maquereau roux et rose- C'était un juif il sentait l'ail- Et l'avait venant de Formose- Tirée d'un bordel de Shanghai). Il faut reconnaître que ces vers ont une autre allure.

  Signalons à Mr J. P . Dubois, qu'il y a onze Azoulay à coté de 2.152 Dubois, sur la mémoire des morts de 14-18, probablement pour avoir voulu inculquer les règles à l'ennemi de l'époque, avant de prétendre le faire au Français.
Monrose et J.P.B.          

  INFOS : LES CIMETIERES  
Regroupement des Sépultures civiles françaises d'Algérie.
(JO du 2 juillet 2011).

envoyé par Jean Louis Ventura

    Bonjour chers Compatriotes

   Je retransmets cette information importante reçue ce 14 août 2011.

   Parue au J. Officiel, le 2 juillet 2011, voici un planning des regroupements des cimetières d'Algérie.
     Faites circuler, ce genre d'info qui n'est diffusée nulle part par les médias, petits, grands ou moyens.
     Vous n'êtes peut être pas personnellement concernés, mais vous avez des pieds noirs dans vos relations, alors pensez à eux et faites passer l'info.
     Merci pour eux.
     Jean Louis Ventura
     Amicalement

   CLIQUEZ SUR CETTE ADRESSE pour voir le texte complet :

   http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110702&numTexte=4&pageDebut=11337&pageFin=11340


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  LE TABAC 
par M. Charles Ciantar
LA CULTURE DU TABAC DANS LA REGION DE BÔNE



        Le tabac est une plante de la famille des solanacées appartenant au genre Nicotiana, herbacée ou semi-ligneuse, annuelle ou bisannuelle, à tige haute de 1 à 2 mètres.
        Les deux principales espèces cultivées sont :
                NICOTIANA TABACUM ou tabac à fumer.
                NICOTIANA RUSTICA ou tabac à priser.
        Le tabac fut introduit au Portugal vers le XVIème siècle par des graines en provenance d'Amérique.
        En 1560, Nicot répandit en France l'usage du tabac à priser. A l'origine, il fut consommé comme remède ; son emploi s'étant généralisé en Europe, les Gouvernements en réglementèrent la vente.
        Antérieurement à la conquête Française, le tabac se cultivait déjà aux environs des grandes villes, sans doute des variétés appartenant à l'espèce " Rustica ".
        Dans la région de Bône, une variété à fumer, à feuilles petites, dite " Arbi ", rappelant par sa forme les tabacs d'orient dont elle tirait sans doute son origine, était cultivée.
        Cette variété a disparu depuis la fin de la première guerre.
        Quand l'herbe à Nicot fut-elle introduite en Afrique du Nord et dans la région de Bône ?
        On ne sait exactement à quelle époque et par quelle voie
        Selon les uns, le tabac serait venu d'Asie par l'Egypte au début du XVIème siècle.
        D'autres affirment qu'il est arrivé en Algérie par le Portugal et l'Espagne, bien avant qu'il fut connu en France.
        Certains assurent que sa culture aurait été introduite à la fin du XVIIème siècle, par les Marseillais et les Corses installés depuis 1628, au bastion de France entre La Calle et Bône.
        Quoi qu'il en soit, quand les Français débarquèrent en 1830, il n'y avait que quelques petits champs de tabac autour d'Alger et autour de Bône.
        Encore la culture du tabac à priser l'emportait-elle sur celle du tabac à fumer. Le premier était surtout un remède, il guérissait beaucoup de maux dont ceux de la tête.
        On raconte que la variété cabot dut son appellation à un caporal chargé de la surveillance des champs d'essai.


    

        En 1914, dans la région de Bône, à peu près à cette époque la seule productrice en Algérie, 2500 hectares étaient cultivés presque uniquement par les planteurs musulmans. La qualité était inférieur et les prix en conséquence.

                La culture du tabac à fumer :
                Choix des terres à tabac :
        A peu près toutes les terres de la région de Bône peuvent porter du tabac, mais elles donnent, suivant leur nature, des produits très différents.
                Terres d'alluvions :
        Les terres d'alluvions récentes (vallée de la Seybouse et de la Bou Namoussa) de consistance plutôt légère, donnent des produits de qualité, tant au point de vue du développement qu'à celui de la couleur.
        Les terres argilo-siliceuses ou même sableuses, donnent des produits satisfaisants en qualité, mais l'exagération de la proportion de sable nuit à la bonne végétation des tabacs, lesquels s'ils ne sont pas repiqués de bonne heure, ne résistent pas à la sécheresse et grillent aux premières fortes chaleurs par suite de l'évaporation trop rapide de l'eau du terrain.
                Terres consistantes (Plaine) :
        Certaines terres profondes de la plaine, riches en éléments fertilisants, de nature argileuse, plus compactes, donnent des rendements de poids importants, mais des produits manquant généralement de finesse et de légèreté, de moindre valeur marchande, d'où leur prix de vente moins élevés.
                Terres de Coteau ou de Montagne :
        Les terres de coteau ou de montagne, formées par des éléments géologiques légers, alliés à des débris humifères donnent d'excellents tabacs clairs, légers, souvent combustibles et aromatiques, surtout, lorsque des troupeaux de chèvres ou de moutons y ont séjourné : (Ouled-Sélim, Coteaux de Randon, Medjez-sfa, Merdes, Ras-El-Hadid, etc.…)
                Terres basses :
        Quelques terres marécageuses de la plaine En 1914, dans la région de Bône, à peu près à cette époque la seule productrice en Algérie, 2500 hectares étaient cultivés presque uniquement par les planteurs musulmans. La qualité était inférieur et les prix en conséquence.
                La Tabacoop oriente ses planteurs vers la culture du coton dans ces terres humides où l'écoulement des eaux se fait mal, même si la couche arable est perméable, le sous-sol reste humide pendant la plus grande partie de l'année.
                Ces terres légèrement chlorurées, donnent en effet, des coton de qualité supérieure.

        



Une plantation de tabac dans la région de Bône

Enguirlandage des feuilles de tabac vert

Une famille de Khaddars s'occupant de plantation de tabac.
Dans la région de Bône

Ciantar.charles@wanadoo.fr


CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI CHACAIL Y LI PITIT MOTON
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             On jor qui fi chaud, blous qui siroco,
             Tot li monde y marchi por sarchi gargolette.
             Ç'oui-là qui l'a l'arjan, y son boir l'anisette.
             Y si i yana pas, bar force ti boir di l'o.

             On to pitit moton qui n'en a pas l'arjan
             Y marchi por la rote, afic soif bocoup ;
             Y son trovi oued, tot pris di Mazafran,
             Osqui yana di l'o qu'il iti friche comme tout.

             On chacail qui bassi, y son voir cit moton,
             Il trovi bian joli, bian smin (1) y bian bon :
             Il pensi qui por boir, bisoin bian manger ;
             Alors il s'approchi, y commenci à crier :

             " Di ? bougre di couchon, salopri, ben allouf (2)
             Pourquoi ti salir l'o ? On bo blous ji m'itouf !
             Bardon, m'siou chacail, qui répond li moton,
             Ti trompi, ci vos otres qui vos ites on cochon.
             Ti boir par en haut, y moi j'y suit en bas,
             Y ti vian m'angueuli, encore qui ti bois pas.

             " Quisqui ci, mon zami, qui répond li chacail,
             Ti fir la mariol, ti vi faire la bataille ;
             Ji conni bien ton pire, déjà y m'a voli
             Plous di cinquante pol, y plous di cent poli.

             " Pourquoi fir, mon zami ? y loui di li moton,
             Nos otres mangeons l'hirbe y vos otre li moton.
             " Moi ji mange di moton ? bogre di gran blagor,
             Pit-être qui ti pense, qu'on chacail il a por ?
             Atan moi ! "

             Li chacail i. soti comme la lion,
             Trape por li cou et y touille li moton.
             " Son fini, qu'il a dit ; moi ji soui bien content.
             J'en a d'Io qui son friche, on moton ixcillenl. "

MORALE

             Quand ti sira mesquine, ti fir bian attention,
             Si ti vo bon galitte, fic gigot di moton.
             Ti mitra bornousse rouge, afin one bil chachia
             Por marchi por la route y fir fantasia.
             Di corage ! pas bizouan ; nos ôtres taraillor,
             Nos disons qui la force il a bien plus millor.

(1) Bien gros.
(2) Fils de cochon.
 

"LES DOYENNES FRANCAISES "
Envoyé par M. Cataldo
Marcelle Narbonne âgée de 113 ans
est la doyenne des Français

                La longévité de Marcelle Narbonne, une habitante de la commune d'Argelès-sur-mer en Pays Catalan, vient de la faire accéder au rang de doyenne des Français.
                Elle succède à Mathilde Aussant, née le 27 février 1898, morte samedi matin 23 juillet 2011 à l'âge de 113 ans au centre hospitalier de Vendôme, dans le centre de la France. Tout comme cette dernière, Mme Narbonne vit en maison de retraite. Devenue "numéro 2" des doyens de France en novembre dernier, après le décès d'une autre grande centenaire, Eugénie Blanchard, à l'âge de 114 ans, Marcelle Narbonne est née dans l'ancienne commune d'Isserville, située dans la banlieue d'Alger, le 25 mars 1898. Issue d'un milieu modeste, elle apprend à lire tout en gardant les troupeaux. Plus tard, elle deviendra sténo-dactylo. Brièvement mariée, elle n'a pas eu d'enfant.

                Revenue en France en 1962. Elle fait partie de l'importante communauté de rapatriés des Pyrénées-Orientales, où elle est arrivée, comme tant d'autres, en 1962, à l'indépendance du pays du Maghreb. Elle prend sa retaite un an plus tard. Logée à la maison de retraite " Les Capucines " d'Argelès-sur-mer depuis 20 ans, elle jouit d'une santé extraordinaire, qu'elle semble maintenir sans effort particulier. Ces dernières années, tout en ayant progressivement délaissé la parole, Marcelle Narbonne s'est réfugiée dans la communication oculaire. Cette vieille dame, est dépassée en âge par l'Américaine Besse Cooper, qui fêtera 115 ans au mois d'août. Chez les hommes, le doyen est actuellement le Japonais Jiroemon Kimura, âgé de 114 ans depuis avril dernier.
                Marcelle Narbonne, est devenue officiellement la doyenne des Français depuis le 23 juillet 2011. Ce titre lui est contesté par Marie Diaz habitant sur l'île de la Réunion, qui serait née un mois plus tôt : le 22 février 1898.

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Marie Diaz, la vraie doyenne des Français vit à La Réunion

PUBLIÉ PAR LA DÉPÊCHE DU MIDI LE 27/07/2011

               Elles sont toutes les deux nées en Algérie. Hier, Marcelle Narbonne, née le 25 mars 1898, vivant à Argelès-sur-Mer, était sacrée doyenne des Français. Mais il y a plus ancienne : Marie Diaz, qui habite à La Réunion, est née le 22 février 1898 à Sidi Bel Abès : c'est l'amicale des Saïdéens, longtemps présidée par les Toulousains Joseph Genolini puis Louis Baylé, qui nous l'apprend. Car Marie Diaz fait partie de cette association de nostalgiques de l'Algérie qui ne manquent pas de lui souhaiter ses anniversaires.
               À 113 ans, Marie Diaz a bon pied bon œil. Elle vit chez sa fille, Angèle Jam, âgée de 73 ans, dans l'ouest de l'île de La Réunion.
               " Ma grand-mère reste discrète sur son âge car elle ne veut pas passer à la télé ", explique son petit-fils, enseignant à La Réunion. Il ajoute : " Nous-mêmes, nous sommes étonnés par sa longévité, et nous avons du mal à réaliser son âge. Ma grand -mère ne change pas. Elle est toujours la même. Jamais malade, agréable ".
               Les déplacements de cete femme sont aujourd'hui un peu plus limités. Mais Marie Diaz grimpe chaque jour l'escalier qui mène à l'étage de la maison famliale. Elle lit. Regarde la télévision. S'informe


CUISINE
de nos lecteurs

ARTICHAUTS FARCIS A LA VIANDE
Envoyé par Sami

Ingrédients :
•6 gros artichauts
•250g de viande hachée (porc et/ou boeuf)
•3 petits oeufs
•2 oignons
•1/2 botte de persil
•2 gousse d'ail
•parmesan 40 g
•gruyère (environ 4 cuillères à soupe)
•sel, poivre noir
•1 cuillèrée de smen

             Préparation :
             Préparer les artichauts. Couper le pied, les laver, et les mettre à cuire dans une grande quantité d'eau bouillante salée, pendant 20 minutes. Ils doivent s'attendrir.
             - Préparer la farce :
             Couper les oignons en petits morceaux, et les faire revenir dans une cuillère le smen. Ajouter ensuite la viande hachée et le persil haché. Faire revenir jusqu'à ce que la viande soit cuite.
             Laisser refroidir. Ajouter ensuite les 2 oeufs, l'ail haché, le gruyère râpé et un peu de parmesan. Saler et poivrer.
             Bien égoutter les artichauts. Ecarter les feuilles le plus possible, enlever le foin, et les placer dans un plat préalablement beurré.
             Les remplir avec la farce. Saupoudrer de parmesan.
             Mettre au four (220°) pendant 20 minutes. Servir chaud.
                                                                                                    Sami



SOIRÉES
                ALGERIENNES            N°8

CORSAIRES, ESCLAVES ET MARTYRS
DE BARBARIE   (1857)
PAR M. L'ABBE LÉON GODARD

ANCIEN CURE D'EL-AGHOUAT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE
AU GRAND SÉMINAIRE DE LANGRES

Dominare in medio inimicorum tuorum.
Régnez, Seigneur, au milieu de vos ennemis.


SOIREES ALGERIENNES
HUITIÈME SOIRÉE
Les esclaves martyrs. (Suite)

        " Vous êtes toute joyeuse ce soir, Carlotta, dit le père Gervasio en prenant sa place accoutumée, et dans le regard de Fatma elle-même j'entrevois un rayon de bonheur. - Biççah, ia, sidi, ô Monseigneur, c'est vrai.
        - Oh ! Oui, révérend père, répondait en même temps Carlotta, je suis heureuse aujourd'hui, j'ai trouvé des reliques d'un martyr de Barbarie !
        - Réellement ?
        - Réellement, répondirent Alfred et Mme Morelli.
        - Où donc ? Demanda le moine, prenant le reliquaire en forme de médaillon que lui présentait la jeune fille.
        - Il est impossible, me disais-je, continua Carlotta, que les familles de Malte et de Mahon établies depuis longtemps à la côte d'Afrique n'aient pas conservé quelques ossements ou d'autres reliques de chrétiens martyrisés dans ce pays. Je me suis mise en quête, accompagnée de Fatma, et j'ai découvert enfin ce médaillon dans l'humble demeure du vieux pécheur Luigi Galea. J'étais folle de joie quand ce bon Maltais consentit à me donner cette relique, bien qu'elle lui fût très chère.
        - Et d'où lui venait-elle ?
        - De son père, qui avait habité les régences de l'Est. Mais il n'a pu nous indiquer une origine plus ancienne.
        - Vous saurez peut-être quel est ce martyr, dit M. Morelli ; l'inscription ne porte pas de nom propre,
        - Nous lisons ces mots à demi effacés : DEL PADRE DI PERUGGIA, ajouta Mme Morelli.
        - Ah! fit le trinitaire, je sais très bien son histoire.
        Elle a été consignée par un père de la Merci dans l'ouvrage intitulé L'Esclave religieux et ses Aventures. L'auteur, après avoir été huit ans esclave à Tripoli, fut délivré, et il ne crut pouvoir mieux témoigner sa reconnaissance au Seigneur qu'en entrant dans l'ordre de la Merci, pour se consacrer au salut de ceux dont il avait partagé les souffrances. Voici ce qu'il raconte du religieux de Pérouse, sans le désigner autrement.

        Ce moine abandonna par dépit son couvent et sa famille vers l'an 1650. Il prit le turban à Tripoli, devint fort instruit dans la science arabe et fut nommé marabout de la mosquée du Château. Le pacha Mehemed lui conféra la charge de cadi et l'appela dans son conseil. C'est alors que l'évêque grec, de la famille des Justinien de Chio, dont nous avons parlé récemment et qui était esclave incognito, eut avec le renégat des entretiens sur la religion. Il toucha son cœur, lui fi t verser des larmes, entendit sa confession, et lui donna pour pénitence, et comme moyen d'expier ses crimes publics, de se rétracter en présence du pacha et de toute sa cour, en foulant aux pieds le turban. Pour ne pas exposer la vie du prélat, le converti attendit son départ, qui eut lieu peu de jours après, et il se rendit au palais, revêtu de ses habits les plus magnifiques.
        " Comment se fait-il, lui demanda le pacha, que tu n'as point paru depuis quelques jours ?
        - C'est que j'étais retenu par la retraite où Dieu m'a découvert la profondeur de l'abîme dans lequel je me suis précipité. J'abjure les impostures du Coran; il n'y a de vraie religion que la chrétienne ; je suis prêt à soutenir pour elle tous les supplices imaginables. " A ces mots, il tire de la manche de son caftan un crucifix, exhorte ceux qui l'entendent à adorer un Dieu mort en croix pour le salut des hommes, puis jette par terre son turban en maudissant Mahomet.
        Les Turcs présents voulaient le massacrer. Mehemed les retint en disant qu'il était fou. Le moine, sans s'émouvoir, jeta aux pieds du pacha une poignée de sultanis d'or : " Voilà, dit-il, ce qui me reste d'un argent criminel : il servira pour acheter le bois qui doit me brûler, si tu ne veux toi-même en faire les frais. "
        La ville fut bientôt en rumeur, et le pacha désespéra de sauver le chrétien. Le divan, ou conseil de justice, craignant une sédition populaire, exigea que ce coupable fut puni selon la rigueur des lois. On offrit vainement au converti le pardon et de nouveaux honneurs ; il persévéra, et fut condamné à être brûlé vif. On le conduisit au lieu du supplice, où il arriva couvert de crachats, contusionné par les coups de pierre et de béton, mais sans rien perdre d'une sublime dignité. Là, il conjura les captifs de rester fidèles à leur foi, et, prenant ensuite la parole en arabe, il adjura les musulmans de reconnaître la fausseté de leurs croyances. Il rendit le dernier soupir en priant pour ses bourreaux. Son âme monta au ciel purifiée par le feu des souillures de l'infidélité. Les chrétiens recueillirent avec vénération les restes de ses ossements, et l'on assure que son cœur, respecté par les flammes, fut retrouvé intact et vermeil dans les cendres du bûcher.
        Cette précieuse parcelle que vous possédez, Mademoiselle, a été sauvée sans doute dans cette circonstance.
        - Révérend père, demanda Carlotta, les esclaves et les chrétiens francs qui résidaient en Barbarie font preuve de beaucoup de zèle pour sauver les restes mortels de leurs frères en religion; n'était-ce point de leur part une œuvre périlleuse ?
        - Ils s'exposaient véritablement à des sévices graves, et même à des peines rigoureuses, s'il s'agissait de suppliciés que le pacha condamnait à rester privés de sépulture. Mais s'il est vrai qu'ensevelir les morts soit une œuvre excellente et pour laquelle Tobie a mérité les éloges de l'Esprit saint, que ne doit-on les faire pour préserver des reliques de la profanation ! Et n'étaient-ce pas souvent des reliques sacrées qu'on ramassait dans la cendre des bûchers ? N'était-ce pas une chair sanctifiée par le martyre qu'on détachait des crochets de fer fixés aux remparts ?
        - Père, dit Alfred, depuis que vous avez si heureusement excité notre pieuse curiosité au sujet des esclaves, j'interroge les livres et les personnes qui peuvent nous communiquer des faits. J'ai ouï raconter aujourd'hui un brillant combat qui eût lieu sous le règne du pacha Ramadan, entre des corsaires et des esclaves chrétiens. Je prendrai, si l'on veut bien m'y autoriser, la liberté de reproduire cette histoire.
        - Volontiers, mon ami.
        - En février 1577, Kar-Hassan, corsaire d'Alger, originaire de l'Anatolie, se trouvait dans la rivière de Tétouan, avec deux navires qui lui appartenaient, l'un à vingt-deux bancs dont il était capitaine, l'autre à dix-neuf, commandé par Mami-Ramirey, renégat vénitien. Ce Kar-Hassan était cruel envers ses esclaves, et il s'en faisait gloire. Aussi la plupart avaient juré de saisir l'occasion favorable de s'emparer de son navire pour gagner un rivage chrétien. Les circonstances se prêtaient alors à la réalisation de ce projet : on pouvait en peu d'heures passer de la rivière de Tétuan à l'Espagne. Les esclaves résolurent de les mettre A profit.

        Voici les chefs du complot : ils avaient de dix-huit à vingt-six ans.
        Janéto, né à Venise, charpentier.
        Julien, Génois d'origine, maître d'hôtel du navire.
        Maestro Marco, de Gènes aussi, marié en Sicile, fabricant de Pilules.
        André de Jaca, Sicilien.
        Marcelle, né à Mancia en Calabre.
        Ces hommes étaient déterminés à jouer leur vie pour la liberté. Le 4 février, Kar-Hassan donna le signal du départ. Mami-Raïs s'éloigna le premier. Kar-Hassan descendit le fleuve à son tour ; mais le vent de la mer s'engouffrait à l'embouchure, et la galiote, qui était mâtée, éprouvait de l'obstacle à sa marche. Le capitaine vint de la poupe au milieu du pont, et commanda de démâter pour soulager le navire. A ce moment, Janéto darda un regard sur les confédérés. Il était compris. Il saisit la hache avec laquelle il travaillait d'ordinaire et la montra aux autres c'était un contre-signal qui ne pouvait le trahir, puisqu'il tenait chaque jour cet outil dans ses mains. Il s'approche de Kar-Hassan : " Capitaine, lui dit-il, ce n'est pas le moment rte démâter " Puis, levant, à ces mots, la hache, à deux mains, il l'enfonce dans la poitrine du corsaire, qu'il étend à ses pieds. Marcelle de Mancia se précipite, enfonce une broche de fer au ventre et aux tempes du brigand, et lui arrache la vie.

       Cependant une lutte terrible s'engage à bord entre les Turcs et les chrétiens. Les Turcs, au nombre de plus de soixante, combattent armés de sabres et de coutelas. Les esclaves ont quelques épées livrées par le maître d'hôtel, des armes ravies à leurs adversaires, des broches, des pieux, et tout ce dont la fureur peut armer leurs bras. A travers le bruit du combat, ils entendent la liberté qui leur crie : Courage ! Et, cette voix doublant leurs forces, ils abattent rapidement les Turcs.
        Plusieurs de ceux-ci se jetèrent dans le fleuve, chargés de sacs de réaux et d'or. Ce métal, qui est leur dieu, les noya, ainsi que sept ou huit marchands maures, empressés de se sauver à la nage. Il ne restait que cinq Turcs à la poupe et quinze à la proue. Ils se défendaient à outrance, appelant du secours à grands cris. Mami-Raïs entendit des clameurs, remonta le fleuve, et, sitôt qu'il put, attaqua les chrétiens à coups d'arquebuses et avec des flèches. Ceux-ci travaillèrent à couper le câble qui retenait l'ancre. Ils voulaient faire face à la galiote, et s'élancer vers la mer à la faveur du courant du fleuve impétueux. Mais les Turcs entravèrent cette manœuvre, et Mami-Raïs eut le temps d'arriver. Plusieurs de ses hommes sautèrent dans l'autre navire, et quelques-uns de ceux qui avaient gagné la rive revinrent à la charge.
        C'était une nuée de flèches, une grêle de coups d'arquebuses. Le sang coulait en ruisseaux. Les chrétiens, surtout les cinq chefs se battaient comme des lions : Vaincre ou mourir ce cri des braves était leur cri de guerre. Parmi ces héros, Juliano se distingue : il a et vient sur le pont, brandissant le sabre de Damas, orné d'or, qu'il a pris à Kara-Hassan.

       Mais la victoire est Souvent infidèle au courage : dix-neuf chrétiens gisaient frappés à mort ; d'autres sentaient la vie s'échapper par de larges blessures. Le reste dut se rendre. On les mit aux fers, et les Turcs songèrent de suite à la vengeance.
        Ils prennent Janéto, qui a tué Kar-Hassan, lui coupèrent le nez et les oreilles, le pendent par les pieds an bout d'une antenne, et lui tirent tant de flèches qu'il en est hérissé. Ils le laissent ensuite tomber à la mer, et le tiennent sous l'eau un grand quart d'heure. A la surprise de tous, on le retira respirant encore et vomissant de l'eau. Il resta suspendu quelque temps encore à l'antenne et rendit l'âme à Dieu. Sa mort fut des plus édifiantes.
        Les Turcs mirent ensuite à terre Juliano, et, dépouillant de ses vêtements ce vaillant jeune homme, enterrèrent dans le sable jusqu'à la ceinture son corps blanc comme l'albâtre. Puis ils le percèrent de flèches. Juliano fut courageux et fervent chrétien jusqu'à la mort. La mer reçut les dépouilles mortelles de ces deux héros.

       Mami-Ramirey, le 5 février, partit pour Alger par un beau temps. C'est là qu'il devait continuer ses vengeances.
        Arrivé le 11, il s'empressa de raconter au pacha l'événement ; et il obtint aisément la permission de punir à son gré les chrétiens qu'il jugeait les plus coupables. Il fi t sans retard amener un cheval, lui attacha une corde au poitrail, et de l'autre bout on lia les pieds à André de Jaca. Le chrétien fut traîné de la sorte à travers la ville. Il était presque mort en arrivant à Bab-el-Oued. On avait planté dans la muraille attenante à la porte un pieu armé d'une pointe de fer à l'extrémité. Du haut du rempart on y jeta ce corps sanglant et déchiré. Le fer s'enfonça dans les flancs et les perça d'outre en outre. André mourut saintement. Les Turcs le privèrent de la sépulture en le lançant dans la mer.
        Le Calabrais Marcello fut lapidé et brûlé le même jour, à Bab-el-Oued. Les Turcs dispersèrent la cendre de son corps.
        Quant à Maestro Marco, il fut pendu au mât d'une saïque française qu'on radoubait dans le port. On l'y laissa deux jours ; on le mit en morceaux à coups de pierres, puis on le fi t tomber dans les flots où il disparut. Il ne montra pas moins de vertu que ses compagnons.
        Mami-Raïs n'était pas satisfait. S'étant rendu à Constantinople avec la femme et les enfants de Kar-Hassan, ils se présentèrent au capitaine général de la mer, Euldj-Ali, et demandèrent, au nom de la Justice, qu'il leur fût permis d'immoler encore des chrétiens amenés d'Alger sur deux galiotes. Mais Euldj-Ali, homme d'expérience et au courant des cas ordinaires de la guerre, trouva qu'à Tétouan et à Alger Mami-Raïs avait déjà passé les bornes.
        " Regardez, dit-il en montrant son bras droit estropié ; voilà un bras que les chrétiens esclaves m'ont brisé en se révoltant autrefois sur mon navire. Ils m'ont fait de nombreuses blessures, en cherchant à me donner la mort pour recouvrer leur liberté ; ils m'ont tué beaucoup de Turcs dans une révolte, sur deux galiotes qui m'appartenaient. Eh bien ! Je n'en fus pas surpris ; tout esclave cherche un moyen pour sortir de la captivité. Telle est la coutume de la guerre : le sort de Kar-Hassan est celui de bien d'autres. Ne pensez plus à votre demande, et laissez vivre ces pauvres chrétiens. "
        - Plût à Dieu, s'écria Mme Morelli, que les corsaires eussent conservé en général le sentiment de la justice que ces paroles supposent !
        - Le nom de Ramadan-Pacha, dit le père Gervais, m'a remis en mémoire l'histoire de Michel de Aranda et de ses compagnons ; elle sera toujours une des plus curieuses des bagnes de l'Afrique.
        En juin 1576, et conséquemment sous ce même Rama-dan, vingt Turcs et Maures sortirent d'Alger sur un brigantin à onze bancs. Ils prirent terre au golfe de Balaguer, vers le chemin qui va de Tortose à Cambrils et à Tarragone. Le jour commençait à luire; ils cachèrent le brigantin dans une des criques nombreuses de celle côte, et s'embusquèrent non loin de la route. Vers huit heures du matin, neuf chrétiens, trompés par une fausse sécurité dont la faute revient aux gardes, s'en allaient dans la direction de Tarragone. Parmi eux se trouvait le frère Michel de Aranda, prêtre de l'ordre militaire de Montesa, qui professe la règle de Saint-Benoît. C'était un homme distingué et fort honorable du royaume de Valence. Les forbans tombèrent à l'improviste sur cette troupe, s'en rendirent maîtres, et se hâtèrent de regagner le large. Le 3 juillet ils prirent encore quatre pécheurs, et s'en retournèrent satisfaits en Barbarie.

       Le 5, ils touchèrent au port de Cherchell, ville peuplée, comme nous le savons, de Maures d'Espagne. Un de ces fugitifs, nommé Caxetta et né au pays de Valence, s'approchant du capitaine au moment où il descendait à terre, lui demanda d'où il venait ; sachant ainsi que le navire renfermait des chrétiens de Valence et de Catalogne, il aborda ces captifs et les pria de lui donner des nouvelles de son frère aîné, nommé Alicax, s'ils le connaissaient.
        Or, ces deux frères avaient autrefois quitté en même temps le royaume de Valence, avec leurs femmes, leurs enfants et quelques parents. Ils étaient venus s'établir à Cherchell. Alicax avait l'expérience de la mer, et en particulier de la côte de Valence, où il avait exercé le métier de pécheur. Il arma donc, avec d'autres Maures qui étaient dans des conditions analogues, un brigantin de douze bancs. Il enlevait beaucoup de chrétiens, qu'il vendait à Alger, et il portait des Maures de l'Espagne en Barbarie. Habile, courageux et habitué au succès, le corsaire avait fait peindre son bâtiment tout en vert ; il l'avait orné de drapeaux et de pavillons échancrés, qu'on appelle gaillardets en terme de marine. Mais, moins que personne un corsaire ne doit l'oublier :
        Les destins et les flots sont changeants.

       Un jour, des galères d'Espagne rencontrèrent Alicax près des côtes de Valence et le firent prisonnier. Le seigneur d'Oliba, qui l'avait eu pour serf, apprenant cette capture, eût voulu le punir. Le corsaire lui avait causé plus de tort qu'à nul autre, en exerçant la piraterie sur ses domaines et en enlevant les serfs de ses terres. Mais les inquisiteurs du royaume de Valence retinrent le coupable sous leur juridiction ; et il était dans les prisons du saint-office lorsque son frère s'informait à son sujet auprès des captifs conduits à Cherchell. Celui-ci s'adressa justement à Antonio Estevan, marié à la paroisse Saint-André de Valence, et qui le connaissait parfaitement, lui et son frère. Ils avaient péché quelquefois ensemble. Le chrétien ne parla point du saint-office ; mais il ne crut pas devoir dissimuler que le corsaire était en prison. Alors son interlocuteur, qui savait fort bien comment on procédait en Espagne à l'égard des captifs, se mit en colère.
        " Pourquoi mon frère est-il en prison ? s'écriait-il.
        Pourquoi ne rame-t-il pas sur les galères comme les autres prisonniers ? J'en jure par Allah ! je vengerai mon frère, si on lui fait du mal ! "
        Il aurait volontiers roué de coups les chrétiens du brigantin, Revenu à terre, il communiqua ses craintes à ses parents, et particulièrement à sa belle-sœur et à ses neveux. Ils pensèrent que le meilleur parti à prendre, c'était d'acheter un chrétien qui s'engagerait à obtenir son échange contre le prisonnier de Valence, et l'on convint de contribuer chacun pour sa part à cet achat. Caxetta, jugeant que le père Michel de Aranda était un personnage considérable pour lequel on n'hésiterait point à rendre son frère, partit avec le brigantin, afin d'acheter le religieux à Alger, où la vente des captifs devait se faire à la cariée. Il révéla en chemin ses projets à Michel, lui promettant de le bien traiter s'il consentait à les favoriser. Le moine n'ignorait pas les faits graves qui pesaient sur Alicax, et il répondit à son frère : " Je ne puis pas vous garantir la liberté de votre frère ; mais je m'engage à faire ce qui dépendra de moi pour l'obtenir. "
        Le Maure n'était pas content de la réponse. Il acheta néanmoins Michel de Aranda pour six cent cinquante doubles ou deux cent soixante écus d'or d'Espagne, et durant un mois qu'il resta à Alger pour les affaires de son négoce, il ne cessa de lui réclamer la liberté de son frère. Le moine disait toujours : " Je vous promets de faire tout ce que je pourrai dans ce but; mais la chose ne dépend pas de moi. "

       Le 15 août, jour de l'Assomption, le Maure monta sur sa mule pour retourner à Cherchell. Il espérait arracher par les souffrances au père de Aranda une parole de plus ; aussi le fit-il marcher à pied, derrière lui, et parcourir en deux jours, par une chaleur excessive, les vingt lieues qui séparent Alger de Cherchell En arrivant, il le livra à la femme et aux enfants de son frère.
        Alors, pour que le captif obtint l'échange désiré, on le soumit à toutes sortes de peines. il traînait une lourde chaîne, ne mangeait que du pain de son, travaillait nuit et jour, bêchant la terre, portant de l'eau, fendant le bois, enfin s'acquittant des plus durs services. Ajoutez à cela les injures inspirées par la haine profonde de ces transfuges contre les Espagnols. Le religieux supportait tout avec fille résignation parfaite à la volonté de Dieu.
        Il était depuis huit mois dans cette situation, lorsque des Maures de Valence apprennent aux habitants de Cherchell qu'Alicax a comparu devant le tribunal du saint-office, qu'il n'a voulu témoigner aucun repentir de ce qu'on lui reprochait, qu'il a persisté à dire aux juges. " Je suis Maure et le serai toujours, " et qu'enfin il a été brûlé vif à Valence.
        Impossible de peindre la douleur et la rage qui éclatent parmi les Maures maîtres de Michel de Aranda.
        " Ils ont brûlé, s'écrient-ils, notre chair et notre sang ! Nous le jurons par Allah, nous ne mourrons pas sans en tirer vengeance ! "
        Et ils conviennent de brûler publiquement le père Michel. Celui-ci apprend sur ces entrefaites qu'un navire de Valence vient d'arriver à Alger, avec une aumône de la couronne d'Aragon pour le rachat des captifs. Le révérend père Georges Olivar, commandeur de Valence, de l'ordre de la Merci, et quelques autres pères étaient chargés des négociations. Frère Michel présumait qu'on lui apportait sa rançon, parce qu'il en avait écrit à son monastère ; et comme ses maîtres étaient plutôt pauvres que riches, il espérait qu'ils cèderaient à l'appât de l'argent. Il écrivit donc au père rédempteur, le priant, dans tous les cas, de l'arracher à un péril imminent pour sa vie. Le père Olivar lui répondit qu'il enverrait sur-le-champ la somme exigée pour son rachat ; car il tremblait à la pensée d'un malheur si menaçant. Frère Michel apprit donc à ses maîtres que les pères de l'Aumône étaient disposés à donner pour sa délivrance ce qui serait raisonnable et juste. Mais les Maures coupèrent court à toute proposition.
        " Que parles-tu de liberté ? l'or du monde entier ne te sauverait pas de nos mains. Détrompe-toi. Alicax a été brûlé à Valence, tu seras brûlé ici. "
        Ils l'abreuvèrent tellement d'outrages, que le moine jugea inutile d'insister, et demanda simplement à Dieu de conduire toutes choses pour la gloire de son saint nom.
        Ses maîtres décidèrent que le supplice n'aurait pas lieu à Cherchell, mais à Alger, où il ferait plus de bruit. Le 10 mai 1577, Caxetta, monté sur sa mule, traînait le père Michel à cette dernière ville. Les Maures d'Alger applaudirent. Ils tinrent un conseil pour aviser à donner à cette fête la plus grande solennité. Ils étaient d'avis qu'en cette circonstance il serait bon de brûler plusieurs chrétiens à la fois, surtout des babas, puisqu'ils conseillaient en Espagne de sévir contre les musulmans. En conséquence, ils proposaient à un renégat très-cruel, Morat-Raïs, originaire de Murcie, de leur vendre un prêtre de Valence, capturé à Saint-Paul par une galère turque. Morat-Raïs s'y refusa, car il avait déjà fait des conventions pour le rachat de ce prêtre, et le père Georges Olivar le détournait d'une telle barbarie.

       Le 17 mai, Caxetta et quatre des principaux Maures allèrent trouver le pacha, selon l'usage, pour obtenir le droit de faire mourir le père Michel. Ils exposèrent la cause avec une fourberie satanique, et revinrent transportés de joie et munis de l'autorisation. Les autres Maures exaltaient leur zèle. Ce fut dans toute la ville une recrudescence de brutalité contre les chrétiens ; ils fuyaient à la vue d'un Maure. Le père Michel, tenu plus serré que jamais, ne put obtenir un confesseur; et c'est en gagnant un Maure qu'il écrivit, sur un billet, quelques lignes adressées à Valence, et où il réglait des affaires de conscience : encore ne sait-on ce qu'est devenu ce billet. Le père Olivar, pour arrêter cette sanglante tragédie, tenta vainement d'en apaiser les promoteurs par des prières et des offres d'argent. Il alla ensuite trouver le pacha, lui représenta l'innocence du père Michel, et le détourna de sacrifier ainsi la réputation d'humanité que l'Europe lui reconnaissait. Vains efforts ! Le pacha répond qu'il n'est pas le maître de s'opposer au vœu général exprimé par les Maures. Le père rédempteur se retourne enfin vers Mami-Arnaut, renégat albanais, chef des raïs.
        Il lui députe le père Geronimo, son compagnon, commandeur de Majorque, pour le conjurer d'empêcher un crime qui pourrait provoquer des représailles en Europe contre les corsaires. Mais le renégat lance au pauvre religieux des regards farouches, et le repousse en lui disant d'une voix formidable :
        " Va, va, baba ! il faudrait brûler à la Marine, non seulement celui-là, mais encore toi et ton compagnon. "
        Le père se tut, et se retira.
        Un Maure, appelé Iça-Raïs, ne partageait pas cependant les sentiments de ses coreligionnaires. Peu de mois auparavant, il était allé à Naples avec un sauf-conduit pour y suivre, un procès. Il se plaignait de ce qu'on lui avait pris un navire et des captifs chrétiens, tandis qu'il négociait dans un port de Sardaigne, le drapeau de parlementaire arboré.

       Don Juan d'Autriche l'avait bien accueilli, et il n'avait rencontré partout que justice. Aussi, à la nouvelle qu'on allait immoler le baba chrétien, il dit hautement à qui voulut l'entendre que c'était là une intolérable méchanceté. Les autres Maures, transportés de colère, allèrent prévenir le pacha d'une telle hardiesse, réclamant avec force, pour l'honneur de Mahomet, que l'impie fut brillé avec l'infidèle. Le pacha eut mille peines à les renvoyer, en leur promettant de punir Ica-Raïs.
        Le 18 mai, le bois fut préparé sur le môle, et une ancre plantée en terre. On tira le père Michel du cachot, et on le conduisit à la maison du roi, pour le montrer aux janissaires et mettre la foule en émoi. L'on accourt de toutes parts : Turcs, renégats, Maures, Arabes, Kabyles, Zouaouas, enfants, poussent des cris d'une joie sauvage ; des Maures quêtent, un plat ou un mouchoir à la main, pour couvrir les frais de la fête. A cinq heures dit soir, les chaouchs, tenant à la main leur bâton, ce digne instrument de la justice arabe, font marcher vers le môle le martyr de Jésus-Christ, bafoué, maltraité par la foule. On lui arrache les cheveux et la barbe ; on lui jette des pierres, des souliers, des immondices ; et, sans les bâtons des chaouchs qui retiennent le flot du peuple, il serait mis en morceaux avant d'arriver à la Marine. Le père, au milieu de ces loups furieux, conversait intérieurement avec Dieu, et appelait souvent Jésus à son aide.

       Il avait pour vêtement une chemise et un pourpoint de toile, vieux et sales, un par- dessus d'étamine noire déchiré, une culotte également de cette étoffe mince et rapiécée, des bottes de cuir noir déjà vieilles : il portait cet habillement quand il fut capturé. Au sortir de prison, il était coiffé du chapeau de voyage ; mais les coups de poing le lui enlevèrent, et il arriva nu-tête à l'endroit du supplice. On l'attacha à l'ancre par une chaîne de fer, et on lui lia les mains avec de grosses cordes. Caxetta s'était distingué dans le trajet par sa rage ; maintenant il fait écarter la foule par les chaouchs, s'approche du martyr, dont le cœur et les yeux sont levés vers le ciel ; il épuise contre lui le vocabulaire si riche des injures arabes, et lui arrache les poils de la barbe, aux applaudissements des spectateurs. Puis, prenant des rameaux de bois sec, il y met le feu, et la flamme consume le reste de la barbe du saint homme, calme et silencieux.

       Ensuite il lui brûle les yeux et la figure ; et, ramassant une pierre grosse comme une forte grenade, il la lui lance à la poitrine. Ce fut comme un signal ; la multitude lapida le martyr avec furie, et il expira sous les pierres qui formaient un monceau autour de son corps. Alors on l'entoura de bois sec, et une grande flamme s'élança cers le ciel.
        Le père Haedo se trouvait alors à Alger. " Nous qui étions sur les toits, dit-il, écoutant le tumulte et les cris de la multitude, nous apercevions ces flammes. D'un côté, nous étions tristes de voir et d'entendre blasphémer et poursuivre si cruellement l'honneur, la foi et le nom de notre Seigneur Jésus-Christ; et, de l'autre , nous bénissions sa divine majesté de ce que ce glorieux saint combattait si admirablement. Nous nous représentions, au milieu de ces tourbillons de flammes et de fumée, son âme s'envolant droit au ciel et reçue par le Seigneur dans le chœur de ses anges.
        Le corps du martyr, engagé dans les pierres, n'était pas brûlé tout entier. Les Maures le remarquèrent, et, après avoir détourné cet amas de cailloux, recommencèrent la lapidation et rallumèrent le bûcher. Un d'eux souleva une pierre de rahha, ou moulin à bras, et la jeta en hurlant sur les cendres et les os qui brûlaient encore.
        Le lendemain, à l'ouverture des portes de la ville, quelques chrétiens voulurent recueillir des reliques ; mais ils furent assaillis à coups de pierres, et prirent la fuite.
        Turcs et Maures poussèrent avec les pieds jusqu'à la mer les restes du bûcher. Cependant les pieux fidèles revinrent de nuit, tandis que tout dormait dans le port ; ils trouvèrent encore quelques débris; ils enterrèrent les uns à l'endroit même du supplice, et gardèrent les autres par dévotion. Michel de Aranda, autant qu'on en pouvait juger, avait environ cinquante ans lorsqu'il souffrit le martyre.
        - Quel martyre !
        - Oui, Alfred, vos yeux humides me disent que vous en sentez la grandeur ; mais laissez-moi vous adresser les paroles de Cervantès dans son drame de la vie à Alger, los Traios de Argel, lorsqu'il ajoute au récit de la mort d'Aranda :
        Deja et llanto, amigo, ya,
        Que no es bien que se haya duelo
        Por los que se van al cielo,
        Sino por quien queda acà.


       " Essuie tes pleurs, ami ; ce ne sont pas ceux qui montent au ciel qu'il faut pleurer, mais ceux qui restent sur la terre. "
       - Voilà certainement, dit M. Morelli, un fait digne d'être enchâssé comme un diamant dans les annales de l'Église, Oui, sans doute, dit Carlotta, et je voudrais que ces martyrs fussent connus en particulier par tous les fidèles de la nouvelle Église d'Afrique. Pouvons-nous hésiter à croire qu'ils n'en soient aujourd'hui les zélés protecteurs ?
        - Déjà je me demandais, ajouta Mme Morelli, si ce n'est point à leurs prières, à leurs mérites, à ceux de tous les confesseurs de la foi qui ont vécu et qui sont morts dans les bagnes de Barbarie, qu'on doit attribuer la renaissance du christianisme sur ces plages.
        - Je ne vois rien que de raisonnable dans ces pieuses conjectures, répondit le père Gervais; et il faut bien se garder de croire que les premières causes des grands événements de l'histoire soient dans la tête des hommes d'État.

       C'est d'eux surtout qu'on doit dire qu'ils s'agitent, et que Dieu les mène.
        Au temps où le père de Aranda fut mis à mort, il se passa encore à Alger quelques faits dignes d'être tirés de l'oubli.
        En 1578, un soldat espagnol, nommé Cuellar, désertait de la garnison d'Oran et se rendait à Alger. Il fut pris par des Arabes, qui l'amenèrent au pacha.
        " Comment, demanda ce dernier, as-tu quitté les tiens ?
        - J'ai eu quelque désagrément avec un camarade, répondit le soldat, et je me suis enfui pour éviter le châtiment qui m'attendait.
        - Eh bien ! il faut absolument te déclarer Turc,
        - Je ne suis pas venu dans cette intention, mais pour me mettre au service de Votre Altesse.
        - Si tu ne veux pas être Turc, tu seras mon esclave.
        - Je ne m'attendais pas à cela de la part de Votre Altesse ; mais s'il faut opter entre l'esclavage et l'apostasie, je choisis l'esclavage. " On le conduisit au bagne.

       Cuellar était un homme courageux et résolu. Il engagea dans un complot trente Espagnols de diverses provinces, captifs avec lui. Il s'agissait de s'emparer d'une frégate désarmée et de fuir en pays chrétien. Cuellar se chargeait de procurer des rames, quoiqu'elles fussent bien gardées.
        Dans la nuit du 28 avril, les conjurés se réunissent en une maison attenante à la muraille de la Marine. Leur chef se glisse le long d'une corde, et, suivant le mur baigné par la mer, il parvient, sans être entendu, jusqu'au bastion voisin de la porte qui ouvre sur le port et sur le môle, C'est là qu'étaient les rames. Cuellar monte sur le mur, aidé de ses pieds et de ses mains. Il voit les rames, et les gardes qui dorment à distance. Deux chiens le flairent et aboient. Il revient par le même chemin à ses compagnons, et leur dit : " Frères, tout va bien. Rendons grâces à Dieu. "

       Puis il exposa ce qu'il avait vu et ce qu'il y avait à faire, il s'adjoignit deux compagnons pour prendre les rames, et demanda un pain pour occuper les chiens et les empêcher d'aboyer.
        Les trois esclaves glissent le long de la corde au pied de la muraille, et arrivent au bastion. Cuellar y monte seul ; les chiens aboient, il les apaise en leur jetant du pain; il prend vingt-quatre rames, qu'il passe à ses compagnons.
        Puis il descend de l'autre côté du bastion dans la ville, va enlever un timon de galiote qu'il savait déposé entre deux portes, le charge sur ses épaules, et rejoint ses compagnons sans que ces escalades aient éveillé les gardes. Les autres chrétiens, avertis, descendent à leur tour par la corde; ils portent des provisions, des voiles et des agrès pour le navire. La moitié d'entre eux était au bas de la muraille, lorsque ceux qui restaient en haut virent venir droit à eux une lanterne allumée. Ils s'enfuirent, laissant leurs bagages. Ceux d'en bas firent de même au signal d'alarme; et le lendemain les Turcs découvrirent tous les objets qui trahissaient une tentative d'évasion.

       Le Turc qui avait ainsi déconcerté les esclaves dit au pacha qu'un chrétien, qui avait été témoin de ces mouvements inusités, pourrait donner des renseignements sur le complot. Le pacha manda ce chrétien; celui-ci céda à la menace du bâton, nomma quelques-uns de ceux qu'on recherchait, et signala Cuellar comme auteur de l'affaire. Cuellar comparut. Homme de tête et de cœur, il avoua ce qu'il avait entrepris ; il justifia ses actes par l'invincible désir de tout esclave pour la liberté, et par l'honnêteté des moyens qu'il avait mis en œuvre. Mais le pacha, peu touché de ces explications, lui fit donner la bastonnade par les chaouchs. Il stimulait lui-même leur ardeur, en leur criant : " Frappez ! frappez ! Tuez ce chien ! "
        Lorsque Cuellar sembla mort sous le bâton, deux chrétiens emportèrent le corps pour l'enterrer. Mais la victime avait encore un souffle de vie. Au bagne il se ranima, et ce fut trois jours après, le 2 mai, que ce vaillant chrétien, ayant reçu l'absolution de ses fautes et le saint viatique, rendit son âme à son Créateur. Il avait trente-cinq ans.
        - Est-ce que les Arabes appliquent encore la bastonnade avec cette cruauté ? dit Carlotta; j'entends souvent parler de malheureux condamnés à cette peine.
        - Il est rare, répondit le vieillard, qu'on l'applique jusqu'à ce que mort s'ensuive.
        - Mais il est très-commun, ajouta Alfred, qu'on administre cinquante, cent, deux cents coups de bâton et plus.
        La justice en est prodigue. On ne peut guère gouverner les Arabes sans cet instrument. En général, l'Arabe est sensible à deux peines : le bâton et l'amende ; mais plus encore à l'amende qu'au bâton. Oh ! les douros ! Une fois que les douros sont en jeu, cela devient grave. La prison, c'est peu de chose. On s'en console par l'In challah, Il a plu à Dieu, ou le : C'était écrit ; mais la formule est moins efficace pour guérir la douleur des douros perdus. J'ai assisté bien des fois à la bastonnade, je l'ai vu donner à des chefs indigènes, et j'avoue que les chaouchs travaillaient en toute conscience. Au cinquantième coup, le sang commençait à rougir le burnous. Souvent le patient compte lui-même les coups ; il dit à chaque fois que retombe le matrak : "Allah ou Allah ! Dieu est Dieu ! " et il marque les dizaines en achevant la formule : " Mohammed reçoul Allah ! Mahomet est son prophète. " Mais, pardon, révérend père, je vous détourne de votre sujet.
        - Pas précisément, cher Alfred; vous nous faites comprendre comment le bâton a joué si grand rôle, un rôle si cruel dans l'histoire de nos esclaves. Nous en avons encore un affreux exemple en 1579.

       Le 25 mars, Mami-Arnaut, ce redoutable renégat albanais dont nous avons déjà parlé, sortit d'Alger pour aller en course. Il conduisait huit gros navires, et se proposait d'enlever un petit village de l'île Majorque: un renégat originaire de cette île avait promis le succès.
        Le travail des rames est extraordinairement pénible à bord des corsaires ; les rameurs chrétiens y sont accablés de coups et de privations, et souvent ils expirent sur les bancs. Mami-Arnaut les épargnait encore moins que les autres raïs. Aussi avait-il coutume de dire lui-même " Je les mène à la mort. "

       Au moment de ce départ trois chrétiens s'absentèrent de sa maison et se cachèrent : c'étaient Jean Gasco, fedro Cosentino et Filippo Seciliano, tous trois dans la vigueur de l'âge. Ils n'avaient voulu qu'éviter le voyage en mer, car ils revinrent quatre jours après le départ du pirate. Son beau-père, quoique ennemi du nom chrétien, ne les maltraita point, et les envoya travailler dans une propriété de Mami-Arnaut lui-même. Le 12 juin, l'expédition rentra sans avoir atteint son but : on n'avait capturé qu'une trentaine de personnes. Quelques jours plus tard les trois chrétiens revinrent aussi de la campagne, et, selon l'usage des esclaves, allèrent baiser la main de leur maître, celui-ci change aussitôt de figure, et leur annonce qu'il va les tuer à coups de bâton. En effet, on leur lie les pieds et les mains.
        Jean Gasco subit le premier le supplice. Il est étendu la face contre terre, et des renégats le frappent à coups redoublés.
        Ses chairs se déchirent, la peau se gonfle d'ampoules, le sang ruisselle, et les renégats eux-mêmes sont touchés de compassion. Ils sont remplacés par d'autres quand leurs bras se fatiguent. Gasco appelait d'une voix rauque et faible " Jésus ! Jésus ! O Marie, Mère de Dieu ! "
        Mais le fiel lui sortant par la bouche et le sang des entrailles, il resta muet et immobile. Les chrétiens qui l'enlevèrent pour l'enterrer reconnurent avec une sorte de stupeur qu'il respirait encore, et il ne mourut qu'au bout de sept jours dans le bagne des captifs.

       Les deux autres esclaves attendaient le même supplice. On les frappa tellement au ventre, aux épaules, aux bras, aux cuisses, que leur corps se renfla et devint comme un tambour ; puis le sang coula, de sorte qu'on se serait cru dans un abattoir. Lorsque Mami-Arnaut les jugea morts, et qu'il fut suffisamment repu de ce sanglant spectacle, on les emporta ; mais il leur restait un souffle de vie. Ils expirèrent dans le bagne quelques jours après, et on les enterra, comme Gasco, à Bab-el-Oued.
        - Ces années-là sont fécondes en martyrs, observa M. Morelli.
        - Cela tient, répondit le vieillard, à ce que la guerre était très vive entre les musulmans et les princes chrétiens, ceux, du moins qui entendaient la voix de la papauté. L'Espagne, l'Italie, la maison d'Autriche et les chevaliers de Malte, faisaient leur devoir dans la Méditerranée et sur le Danube. Malheureusement les divisions qui régnaient en Europe ne permettaient pas de réunir les forces chrétiennes contre l'ennemi commun. Les pauvres esclaves souffraient d'autant plus que les hostilités inspiraient plus de craintes à leurs maîtres et augmentaient la détresse publique. Mais on doit leur rendre ce témoignage honorable qu'ils s'entre aidaient dans les sentiments d'une charité mutuelle.
        Ainsi, en 1579, la disette des subsistances fut si grande à Alger, que chaque jour des musulmans mouraient de faim dans les rues. Mais il n'y a pas lieu de croire qu'aucun des vingt-cinq mille chrétiens alors captifs en cette ville ait été réduit à cette extrémité.

       Le renégat vénitien Hassan-Pacha, pour remédier au fléau de la famine, qui devenait plus terrible encore en s'alliant à celui de la guerre, réunissait de tous côtés des provisions à Alger. Il envoya une galère à Bône, le 10 juin, pour en rapporter des vivres. L'opération du chargement occasionna du désordre, parce que chacun des Turcs voulait embarquer les provisions achetées pour sa maison. Les chrétiens étaient cent huit à bord, et ils remarquèrent que les Turcs n'y étaient plus que douze ou treize. Un complot fut vite formé. Prendre les armes, se débarrasser de ces Turcs en tuant les uns, en forçant les autres à se jeter à la mer, ce fut l'affaire d'un instant. On n'épargna qu'un renégat catalan disposé à redevenir chrétien, et dont les intentions étaient bien connues. Maîtres du navire, les esclaves prirent le large, se moquant des Turcs, qui les voyaient avec douleur s'échapper de leurs mains. Ils arrivèrent en deux jours à Majorque, dont le gouverneur, chevalier Oms, les reçut avec bonté. Il traita surtout avec générosité le principal auteur de cette délivrance, qui, s'étant grièvement blessé, mourut, regretté de tous, trois jours après. Les captifs, libres dès lors, se partagèrent les dépouilles de leurs oppresseurs et le pris du navire, puis ils se séparèrent pour rentrer chacun chez eux.

       Quarante-neuf d'entre eux arment un brigantin afin de se rendre à Barcelone. Ils rencontrent deux frégates algériennes, et, malgré l'infériorité du nombre, les attaquent vaillamment. Déjà la victoire se prononçait pour eux, quand leur navire, incliné par une fausse manœuvre qui rejetait trop de poids d'un côté, rendit l'avantage à l'ennemi.
        Les Turcs dirigent leur prise vers Alger. Ils ont reconnu le renégat catalan ; mais, pour le sauver, les chrétiens assurent qu'il n'était là que par force, et qu'on l'emmenait à Barcelone malgré lui. Le pacha fi t pendre aux vergues, par les pieds, trois des fugitifs, ceux qu'il sut être les instigateurs du complot. Sébastien, l'un d'eux, réussit à se détacher, et se tint blotti à l'arsenal, dans une galère neuve, où on le découvrit après trois jours de recherches. Des chrétiens ont affirmé que Cola de Masara, pendu entre ses deux compagnons, délia avec ses dents les mains de Sébastien, Cola resta plus de vingt-quatre heures en cette position, et ensuite on le délivra. Mais Jean de Gênes fut percé de flèches.
        Il ne cessa d'invoquer, durant le supplice, Jésus et Marie.
        On acheva de le tuer à coups de fusil : une balle, traversant l'œil droit, lui brisa une partie de la tête; une autre lui fracassa les mâchoires, et il reçut au cœur le coup mortel. Pour terminer par un dernier trait ce que j'ai recueilli sur cette époque, ajouta le vieux trinitaire, je mentionne brièvement une autre révolte moins heureuse que la précédente. Le 15 mai 1580, trois galiotes étaient à Caliba, au levant de la Goulette. Les chrétiens, saisissant le moment où la plupart des Turcs étaient descendus à terre, engagèrent un combat sanglant pour s'emparer de la seule des galiotes qui fût armée. Ils allaient triompher, lorsque des secours, arrivant du rivage à leurs adversaires, firent changer la fortune.
        On assomma les vaincus à coups de bâtons. Deux d'entre eux, conduits au rivage, furent liés dos à dos à une ancre de galère, et percés de flèches. On les entendit s'écrier : " Notre Dame, secourez-moi ! Notre Dame. soyez avec moi ! " Les Turcs, voyant qu'ils vivaient encore, quoique inondés de sang, les couvrirent de rameaux secs, et les firent expirer dans les flammes. Ces deux jeunes gens avaient, l'un dix-huit ans, et l'autre vingt-deux.
A SUIVRE

La femme au vent !
Envoyé par Annie

          Une dame âgée était appuyée sur la rampe d'un bateau de croisière tenant fermement son chapeau pour qu'il ne s'envole pas dans le vent.

          Un jeune homme l'approcha et lui dit:
          Pardonnez-moi Madame, je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais saviez-vous que votre robe se soulève avec ce grand vent?

          Oui, je sais; répondit la dame, mais j'ai besoin de mes deux mains pour tenir mon chapeau

          Mais Madame, saviez-vous que vous ne portez pas de culotte et vos parties intimes sont exposées à la vue de tous!

          La femme regarda son interlocuteur de haut en bas et répondit :
          "Cher jeune homme, ce que vous voyez plus bas date de 75 ans... et ce chapeau est neuf d'hier!"


 « Et l’Algérie devint française… »
Par M. José CASTANO, 21 juillet 2011

ET ILS PARTIRENT VERS LA TERRE PROMISE…

« Quel enthousiasme enfin, mêlé de fierté, devant un bilan de réussites brillantes dans tous les domaines, culturel, scientifique, journalistique, politique, économique ! ... Comment ne pas voir dans ces réussites une manifestation des traits propres aux hommes et aux femmes originaires de ces pays: une joie de vivre associée à une grande chaleur humaine, une résistance devant l'épreuve et une remarquable capacité à rebondir, une générosité naturelle, une grande ouverture aux autres cultures ? Comment ne pas y voir aussi une preuve de la qualité de l'enseignement qui a été dispensé par la France dans ces pays avant leur indépendance, l'enseignement de la République ? » (Préface du Professeur Claude Cohen-Tanoudji, Prix Nobel de Physique pour l’ouvrage de René Mayer : « Français d’Afrique du Nord, ce qu’ils sont devenus »)

« L’exploration scientifique de l’Algérie, sera l’un des titres de gloire de la France au XIXe et au XXe siècle » (Renan)

          Lorsque, en 1830, la France aborda les côtes algériennes, les autochtones en étaient à s’ignorer ou à se combattre entre eux et représentaient alors ce qu’on a appelé : « une poussière de tribus ».

          L’Algérie n’était à cette époque pas un territoire indépendant mais une possession turque ; l’occupation par la France n’eut donc pour résultat que de substituer à une occupation étrangère celle d’un autre pays.
          

          Cette Algérie là ne constituait pas un Etat, encore moins une nation. Elle fit toujours partie d’un empire dont elle était une province ; comme elle allait devenir colonie française, elle fut province de l’empire musulman, de l’empire byzantin, de l’empire romain… Elle n’avait pas de frontières. Elle constituait une mosaïque de tribus qu’aucun lien, sauf le religieux, n’unissait entre elles, encore que d’une façon très fragmentaire.

          En 1848, après les sanglantes journées de juin, le gouvernement français choisit de faire de l’Algérie un lieu de déportations et c’est pour éviter une nouvelle révolution que, le 19 septembre 1848, l’assemblée nationale vota 50 millions pour la création en Algérie de 42 « colonies de peuplement » ou « centres agricoles » pour établir 13500 « colons » français dans le but « d’occuper » ces Parisiens jeûneurs malgré eux et qu’on devinait prêts à se faire turbulents.

          Les premiers déportés furent les « communalistes » qui devaient être rejoints en 1852 par ceux qui avaient osé répondre « NON » au plébiscite. Que savaient les uns et les autres de l’Afrique ? Pas grand-chose… si ce n’était que le pays était chaud, où les soldats enjuponnés de rouge qu’on appelait zouaves se battaient six jours sur sept contre les « Mahoms » dont le péché mignon était de couper la tête aux chrétiens et que certains civils, dont on avait dit qu’ils étaient allés chercher fortune par là-bas, n’étaient plus reparu.

          Ils retrouvèrent sur place ceux qui, depuis une dizaine d’années déjà, pataugeaient dans les boues des marécages infectés de miasmes, rongés par le paludisme et la malaria, la cervelle à moitié cuite sous l’aveuglant et lourd glissement du sirocco et qui étaient partis vers l’Afrique, comme on se met en marche vers la terre promise…

          On avait promis à ces malheureux des merveilles… ils découvrirent un désert, une lande hérissée de broussailles au bord d’un marais pestilentiel où pullulaient les moustiques. Mais ils ne pouvaient pas repartir ! Ils étaient pris au piège de leur propre rêve, prisonniers de l’Afrique… et déjà promis à la malédiction qui allait s’abattre sur elle…

          Après un si vif et bref rêve, voici déjà la résistance des hommes et des choses, l’adversité, les premiers revers, les épreuves et l’infortune. Pourtant cette poignée d’immigrants s’entêta contre moustiques, paludisme, dysenterie, typhus, choléra, misère, canicule, froid et faim. Elle s’organisa et pendant des jours, des mois, des années, mena un combat de titan contre le défrichage et les maladies.

          Dans un pays où certaines régions de colonisation étaient en majeure partie des marécages, le paludisme faisait des ravages effrayants. En 1841, dans son étude « Solution de la question d’Algérie », le général Duvivier écrivait : « Les plaines telles celles de la Mitidja, de Bône et tant d’autres ne sont que des foyers de maladies et morts. Les assainir, on n’y parviendra jamais… Les plaines pour les Européens, sont et seront toujours longtemps de vastes tombeaux. Qu’on abandonne ces fétides fosses ! »

          Fosses fétides ! Vastes tombeaux ! Quel programme engageant ! Et le général Berthezène d’affirmer, menaçant : «La Mitidja n’est qu’un immense cloaque. Elle sera le tombeau de tous ceux qui oseront l’exploiter ! ».

          Tous payèrent de leur santé sinon de leur vie une implantation prématurée dans des secteurs du pays insalubres et pestilentiels dont cette description de Boufarik en 1842 résumait les inconvénients : « Boufarik était la localité la plus mortelle d’Algérie. Les visages des rares habitants échappés à la fièvre pernicieuse étaient verts et bouffis. Bien que la paroisse eût changé de prêtre trois fois en un an, l’église était fermée ; le juge de paix était mort ; tout le personnel de l’administration civile et militaire avait dû être renouvelé et le chef du district resté seul debout, avait été investi de toutes les fonctions par le décès ou la maladie de tous ses titulaires. »

          Pourtant, quelques années plus tard, à force de courage, de patience, de persévérance, d’abnégation, mais aussi de privations, de souffrance, de misère et de centaines de morts usés à la tâche, Boufarik « ce marais pestilentiel », devint la perle de la Mitidja et la plus riche contrée agricole de l’Algérie : « la première victoire de la quinine », « la plus belle réalisation du génie colonisateur de la France », « l’émeraude pêchée dans la vase », écrira le colonel Trumelet.

          Typhus, choléra frappèrent inexorablement. Bugeaud, rentré en France, mourra du choléra en 1849. Dans les Centres de colonisation, où l’hygiène était rudimentaire, ce mal surtout faisait des ravages terribles. Des villages entiers furent décimés.

          Forts de leur idéal, mais dénués de l’expérience qui nous arme, ces hommes s’immolèrent, imprudents héroïques, en se riant des maux les plus cruels et de leurs implacables ennemis. De l’anarchiste au militaire, du paysan au marin, de l’ouvrier au fonctionnaire, tous s’étonnaient et s’émerveillaient d’un monde encore plein de secrets et de prodiges : ils en aimaient jusqu’à l’amertume, jusqu’à la souffrance infinie, jusqu’aux dernières cruautés. C’est que réussir à survivre, c’est choisir de souffrir !…

          Chacun était désormais lié au sol, au ciel, aux périls de toujours et devait se défendre, à la fois, contre les éléments et les bandes armées qui parcouraient le pays. Elles le ravageaient au jour le jour, sans plan arrêté. L’insécurité régnait partout. Les cavaliers en burnous, les yatagans, les Hadjouths et les pillards se chargeaient de trancher les gorges et d’enlever les femmes pendant que les hommes tentaient de maîtriser les meules de fourrage en flammes, produit de leur labeur de forçat.

          Des fermes qui, pierre à pierre, s’étaient exhaussées au-dessus des pestilences et avaient réussi à étendre autour d’elles un peu de fécondité, commencèrent à chanceler sous l’assaut. Le souci de la survie quotidienne l’emportait parfois sur tout autre projet et mettait un frein brutal à l’imagination de l’avenir.

          En 1840, déjà, las de voir des pères égorgés, des mères violées puis éventrées et des enfants écrasés contre les murs, un chant de guerre monta du fond de la plaine. Quelques colons commencèrent à résister aux assauts des cavaliers hurlants, se faisant tuer sur place, refusant d’exécuter l’ordre officiel d’abandonner leurs cultures. Oh ! Cruel et perpétuel renouvellement de l’Histoire !...

          Dans les cimetières, les rangées s’ajoutaient aux rangées où s’affirmait ainsi le commencement d’un peuple. L’Afrique devenait une « terre à sépultures »…

          Rien de ce qu’ils avaient rêvé ne s’était accompli comme ils l’avaient espéré. Tout s’était passé autrement, avec plus de dureté et de cruauté, mais à force d’énergie à travers les échecs, les souffrances, les malheurs, à force de volonté, de patience et de génie, ils avaient donné un sens à ce que le destin et l’Histoire leur avaient confié.

          Alors arrivèrent pour essayer de vivre à côté de ces Français têtus, des frères latins, tout aussi miséreux : Espagnols, Italiens, Maltais, Génois, Siciliens… Un point commun les unissait : l’extrême misère ! L’Algérie –leur avait-on déclaré- c’était l’eldorado ! Et puis, ce pays était plus proche de l’Europe que la Californie…

          Comme il y eut un rêve américain après la seconde guerre mondiale, il y eut à partir de 1840, un rêve algérien…

          « Français de France », les fils de cette France qui les avait exilés protestèrent de l’intrusion de ces nouveaux défricheurs :

          « Ne sommes-nous pas capables d’arriver nous-mêmes à nos fins ? Ne l’avons-nous pas suffisamment prouvé ? »

          La mère-patrie leur répondit doucement :
          « Ces étrangers sont là pour vous aider dans votre tâche. Ils auront des terres qui auraient fini par vous tuer. Ils réussiront à n’y pas mourir, habitués qu’ils sont déjà à la grande misère, à l’extrême fatigue. Ne les renvoyez pas ! Accueillez-les au contraire en associés ».

          Tous, étaient des déportés de la politique et de la misère, des réfractaires, des exilés, mais ils portaient en eux ce germe qui s’appelle l’audace et que leurs parents demeurés dans les vieux pays d’Europe allaient inexorablement laisser mourir comme des semailles gelées.

          Ensemble ils édifièrent cette Afrique latine qui, en bonne justice, se fondit, s’harmonisa en une seconde France. C’est ainsi que la grande famille européenne se forma et à côté d’elle, la famille musulmane commença à concevoir que ces roumis n’étaient –tout compte fait- ni des adversaires, ni des parasites, et que par conséquent nul besoin était de leur couper la tête, d’autant qu’ils étaient habités d’un formidable appétit d’exister et qu’ils semblaient avoir soif de souffrir encore. Elle se risqua, se rapprocha, écouta, puis accepta l’invitation à l’initiation. Les étrangers poussaient la charrue un peu plus loin que les Français. Les Arabes consentaient à venir à la rescousse de l’effort des uns et des autres. L’Afrique du Nord toute entière devenait un musée ethnographique où allaient commencer à se désintégrer dans le silence baignant des paysages vitrifiés, les débris de toutes les races du monde méditerranéen donnant naissance à une nouvelle race : Les Pieds-Noirs.

          Ces Européens d’Algérie –surtout ceux des classes populaires- même s’ils étaient citoyens français, étaient différents des métropolitains. Leur français, émaillé de tournures espagnoles ou italiennes, parfois arabes, avaient donné naissance à un langage nouveau : le patahouet ou sabir ; l’accent avec lequel ils le prononçaient, leurs mœurs, leur mentalité n’étaient pas ceux de la Métropole. Ils étaient Français, certes ; ils le revendiquaient… mais différents, voilà tout. En réalité ils se nommaient eux-mêmes « franco-algérien ».

          La foi, l’amour, la bonne volonté, la ténacité, les sacrifices, la confiance, les chagrins n’avaient pas manqué. Et tout cela, avec les morts et avec les vivants, avec ceux qui creusaient, ceux qui labouraient, ceux qui conseillaient, tout cela, ensemble, avait contribué à écrire l’histoire de l’Afrique du Nord.

          Ils fondèrent une colonie à l’image de la France, offrirent aux indigènes les premiers enseignements de notre culture, débrouillèrent à notre intention l’écheveau des connaissances locales indispensables. Puis, satisfaits de leur effort, ils demandèrent à cette terre qu’ils avaient prise de les accueillir dans son sein pour l’éternité et ils s’éteignirent, loin des doux réconforts de la mère patrie.

          La France, du reste, n’avait pas attendu leur décès pour les rayer du nombre de ses enfants ; dès leur départ, souvent définitif, elle avait considéré comme perdus ceux qui allaient porter au loin son renom et son drapeau. Elle avait revu sans gratitude ceux d’entre eux qui revenaient consacrer leur vieillesse, alors que d’autres ne purent même pas atteindre le port et succombèrent en mer.

          C’est ainsi que naquit, grandit puis se dissipa dans des vapeurs de sang, de larmes et de passions, un miroir épique vers quoi des millions d’hommes et de femmes ont marché en portant les douleurs et les enchantements de l’amour. Si les pierres de gloire ne gardent pas leurs noms, si leur sacrifice est demeuré anonyme, nous n’en devons que davantage apporter l’hommage de notre piété reconnaissante à ces rudes artisans de la plus splendide entreprise française qui ait jamais été tentée.

          En deux siècles, sous deux Empires et quatre Républiques, ces hommes allaient servir dans les Armées françaises. Officiers ou simples soldats, la plupart du temps, volontaires, ils allaient être de tous les combats mais aussi de toutes les tâches quotidiennes même les plus modestes. Pour les morts et pour les blessures du corps et de l’âme, la France leur décerna des croix… puis elle les combattit, les chassa de cette terre ingrate qu’ils avaient arrosée de leur sueur et de leur sang et les effaça de sa mémoire.

          En politique, c’est peut-être la foi qui sauve, mais ce sont les œuvres qui comptent. C’est par ses œuvres que l’Algérie, fille de la force française, a montré au monde qu’elle n’a pas démérité des magnifiques énergies qui se sont, aux temps héroïques, inclinées sur son berceau. Ce rêve de misère ensoleillé dura 132 ans et il durerait encore si les forces du mal n’avaient pas en ce monde souvent l’avantage sur les apôtres du bien.

          José CASTANO>

Cet article a fait l’objet d’un ouvrage intitulé « Et l’Algérie devint française… ».
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- Dans une lettre prémonitoire adressée en 1912 au duc de Fitz-James, le Père de Foucauld s’exprimait de la sorte : « Ma pensée est que si petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial de l’Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie » … « Si nous n’avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu’ils deviennent Français est qu’ils deviennent chrétiens ».
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- « L’œuvre de la France ici est admirable. Si elle était restée vingt ans de plus elle aurait fait de l’Algérie l’équivalent d’un pays européen »
(Ministre syrien en visite à Alger. Propos rapporté par Ferhat Abbas)

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           - « Le colonialisme français a occupé l´Algérie et l’a annexée à la France, mais il n´a pas nui à la population locale »
(cheikh Youssouf Al-Qaradhawi, le 17 décembre 2010, sur la chaîne égyptienne Al-Hayat 2 TV)

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COMMEMORATION
Envoyé par M. Hugues Jolivet

FALICON le 5 juillet 2011

Inauguration d'une plaque
commémorative à la mémoire
des victimes du massacre
d'ORAN du 5 juillet 1962

       Cher Jean-Pierre,

       Madame Gisèle EUSEBI-KRUPPERT, Maire de FALICON, a donné son accord pour que le compte-rendu de la cérémonie du 5 juillet 2011, ayant pour objet l'inauguration, à FALICON, d'une plaque commémorative à la mémoire des victimes du massacre d'ORAN du 5 juillet 1962, vous soit tranmis pour être publié dans une prochaine parution du bulletin "La Seybouse".
       Trois communes françaises ont honoré la mémoire des morts et disparus, autres que les Militaires du Contingent, victimes des attentats et des massacres survenus sur la terre d'Algérie.

       Tout d'abord, Perpignan, le 25 novembre 2007, où le Secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants a inauguré le Mur des Disparus sur lequel 2619 noms de disparus, entre 1954 et 1963, ont été gravés. Ce mur porte aussi la mémoire des milliers de Harkis et supplétifs musulmans, abandonnés et supliciés par le Pouvoir Algérien, et qui n'ont pu être identifiés.

       Ce mémorial national a rencontré réprobation et résistance de la part de nombreux organismes tels que le MRAP ou la Ligue des Droits de l'Homme, dénonçant l'oubli des autres victimes (indépendantistes) de cette guerre. (Lire les nombreux témoignages sur les sites "le Mur des Disparus de Perpignan").

       Ensuite, Paris où un mémorial a été dédié, en 2010, aux victimes de la fusillade du 26 mars 1962, rue d'Isly à Alger.

       Enfin, Falicon qui honore la mémoire des victimes du 5 juillet 1962 à Oran, à la date anniversaire, en 2011.

       Cher Jean-Pierre, au nom de Madame Le Maire et en mon nom propre, nous vous remercions de votre aimable collaboration. De nombreux Pieds-Noirs, répartis sur le sol national, seront heureux de lire dans "La Seybouse" qu'un village des hauteurs de Nice partage leurs valeurs et leur peines.
       Bien amicalement.
       Hugues JOLIVET

       A cet effet, je vous adresse, d'une part, une série de photographies, témoins historiques de cette manifestation et d'autre part, une copie du discours prononcé par Madame Le Maire, discours dans lequel elle relate les motivations personnelles qui l'ont conduite à concrétiser cet acte du souvenir, accepté et partagé par les Oranais et les Pieds-Noirs de FALICON et des communes voisines.


Discours de Madame Gisèle EUSEBI-KRUPPERT


       « Mesdames, Messieurs, chers amis

       Nous sommes réunis ce soir pour rendre un hommage 49 ans après à toutes les victimes du massacre d’Oran.
       A plusieurs reprises, on m’a félicité, remercié, on m’a dit que c’était une initiative courageuse mais je voudrais vous dire que cette initiative est apolitique, que j’ai voulu ce rassemblement avant tout amical.
       Je voudrais remercier Mr Alain Fasani, président de l’UNC section de Falicon pour avoir permis de la poser sur une stèle dont il est à l’origine, inaugurée en 1992 par mon prédécesseur à la mémoire de toutes les victimes de la guerre d’Algérie, civils, militaires et harkis. Nous y déposons d’ailleurs une gerbe depuis 2003 le 25 septembre, lors de la Journée Nationale des Harkis, et le 5 décembre en hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et combats du Maroc et de la Tunisie. Alors pourquoi y rajouter les victimes du massacre d’Oran ?

       Si vous le permettez, je vais parler à titre personnel, comme une « patos » ou une « françaoui ». Niçoise, née en 1960, durant les évènements d’Algérie comme on disait, j’étais trop jeune pour avoir connu l’exode des Pieds-noirs et ne connaissait rien de leur vie si ce n’est ce que je pouvais entendre par ci par là sur leur richesse de colons, leur tendance à l’exagération, à parler fort ou à tuer ou mourir facilement et pour rien.
       Je n’ai pas plus entendu parler de cette période de l’histoire de notre pays lors de ma scolarité et l’on n’en parle pas plus aujourd’hui (quelques lignes et photos peu suggestives) donc j’ignorais comme beaucoup de français la réalité des évènements.
       Puis la vie a fait que j’ai rencontré un pied-noir oranais avec un nom à consonance allemande. J’ai connu la famille, les amis, les oncles et les tantes qui étaient en fait des cousins. Je me suis dit quel mesclun, j’ai mis quelque temps à comprendre les liens de parenté mais très vite j’ai compris que l’Algérie avait été au XIXe siècle une terre d’immigration italienne, maltaise, espagnole mais aussi lorraine, alsacienne, suisse et allemande, des milliers de personnes en mal d’aventure ou de ressources.

       Voilà donc l’explication : des aïeux allemands qui, d’après nos recherches, voulaient s’expatrier vers le nouveau monde et qui ont été parmi les 1ers à fouler le sol de cette terre de conquête dès les années 1830. Et du côté maternel, des origines espagnoles comme beaucoup d’oranais. J’ai donc appris à connaître l’histoire de l’Algérie au travers des anecdotes, de la vie que chacun a vécu là-bas, des français d’Algérie bien souvent simples et d’origine humble avec un formidable appétit de vivre et un sens inné de faire la fête.
       Un jour mon beau-père, resté quelques mois en Algérie après l’indépendance, me dit que j’aurais pu ne pas connaître mon époux s’il n’avait pas quitté Oran en juin 62. En effet, il me dit « ma fille, en juillet, on m’a emmené aux abattoirs et on m’a dit que si mon fils n’était pas parti, il aurait été là pendu aux esses de boucher, égorgé, émasculé et mutilé ».

       Impossible d’imaginer une telle horreur. A partir de là, j’ai lu différents documents sur cette journée du 5 juillet 1962.
       Trois mois et demi après le cessez-le-feu de la guerre d’Algérie, 2 jours après la reconnaissance officielle de l’indépendance, quelques heures avant sa proclamation, plusieurs centaines de civils européens et musulmans sont morts ou ont disparu alors qu’ils étaient encore présents dans la ville ou que d’autres, venus de la campagne, s’y étaient installés dans l’attente d’un hypothétique exode.
       Le matin du 5 juillet, une foule déferle des quartiers arabes vers les quartiers européens pour un défilé pacifique. A 11 h, un coup de feu retentit sur la place d’Armes, des cris jaillissent et c’est le début d’un carnage, je vous ferais grâce des détails que j’ai pu lire ou entendre.
       J’ai rencontré des descendants des victimes, lu des témoignages de rescapés de cette journée dramatique et me suis dit que l’on ne pouvait pas laisser ces gens tomber dans l’oubli, le souvenir douloureux et cruel de cette journée. Malgré le temps les souvenirs sont toujours vivaces dans les esprits et le cœur des Oranais. Voilà pourquoi par respect du souvenir et par amitié, j’ai souhaité cette plaque commémorative.

       Sans polémique aucune, je n’ai d’ailleurs cité personne puisque je veux cette cérémonie apolitique, j’espère qu’un jour des hommes ou femmes politiques quels qu’ils soient auront le courage de reconnaître ce drame, que la vérité soit faite afin personne n’oublie jamais et que le deuil de cette effroyable journée puisse se faire.
       Pour parfaire ma connaissance pied-noir, je me suis rendue à Oran avec mon époux en 2008, je comprends que cette ville maintenant très dégradée reste dans votre cœur. Je connais maintenant la calentica, Canastel, les Andalouses, etc …tous les quartiers dont j’entendais parler et c’est plus facile pour moi de comprendre cette nostalgie. Il est normal que je partage cette culture et que nos enfants et petits-enfants en soient les héritiers, qu’ils connaissent ND de Santa Cruz à Nîmes, la cuisine pied-noire, qu’ils partagent les fêtes de famille ou les retrouvailles.
       Avant que vous disiez « qué catora celle là, elle nous saoule », je vais dévoiler cette plaque et vous demander d’observer une minute de silence pour le repos et l’âme de tous ceux morts ou disparus lors de cette tragique journée et je rajouterai pour tous ceux qui sont restés en Algérie. »

       « Je vous invite à partager la kémia et l’anisette »

       Gisèle EUSEBI-KRUPPERT


Discours de Madame Gisèle EUSEBI-KRUPPERT,
Maire de FALICON. (à droite en noir)


Plaque dévoilée par Mme le Maire et la représentante de l'Echo d'Oranie.

Plaque commémorative.

Dépôt de gerbe.

Recueillement

La Seybouse et son webmaster remercient M. Hugues Jolivet pour l'envoi de ce petit reportage et Mme Gisèle EUSEBI-KRUPPERT, Maire de FALICON pour implication dans ce témoignage et hommage aux victimes du 5 juillet 1962. C'est une belle leçon d'humilité que d'autres communes plus huppées devraient prendre comme modéle.
Encore merci ainsi qu'au Conseil Municipal pour cette prise de position mémorielle.
J.P. B.

2012 : UN ENJEU ENORME !
Envoyé par J. Castano

UN ESPOIR POUR LA FRANCE ?

        Depuis longtemps déjà la France morose, inquiète, désenchantée, en proie au doute, en perte de repères, se cherche et souffre. Notre France plus que jamais malade, notre France qui parfois ne connaît même plus son nom ; notre France, étrangère a bon nombre de ses racines, hésite entre espoir et angoisse, s'interroge entre le goût de la liberté et la peur du désordre…

        Cette crise profonde de sens tient à la perte du sentiment d'appartenance collective, à l'affaiblissement de la cohésion nationale, à la disparition de l'esprit civique, à l'incapacité à se projeter dans l'avenir, à la baisse du patriotisme, à la montée du populisme et au délitement du principe du bien commun. Atteinte aussi d'un manque de vision à long terme et d'une insondable impuissance, ruinée par les gaspillages, malade de l’insécurité, minée par les grèves et le chômage, plombée par une dette nationale abyssale, un Etat Providence et un assistanat omniprésent, la France, face à tous ses maux, rêve, espère encore et essaie d'envisager un futur meilleur.

        Dès lors, à moins d'un an des élections présidentielles, une seule question hante les esprits. Parmi ceux qui seront demain en lice pour la magistrature suprême, et au-delà des clivages politiques, y aura-t-il un candidat assez inspiré et suffisamment déterminé pour proposer avec force, courage et sincérité aux citoyens un cap nouveau qui redonnera à la France un rayonnement et une puissance aujourd’hui en berne ? Autrement dit, qui osera, devant pareil défi, rompre avec des dizaines d'année d’une pratique politique délétère qui a mené notre pays, sous la férule des oligarchies de droite comme de gauche, dans une impasse si dangereuse qu’elle risque de lui être fatale ?
        Sous peu, de nombreux programmes politiques marqués du sceau de l’ambition pour la France, seront soumis à l’examen critique de nos compatriotes avant que, finalement, en mai 2012, les Français choisissent par les urnes.

        Quels sont les fondements et valeurs clés pour que la France éternelle, hier encore le phare du monde, puisse le redevenir ?

        Oui, pour une Nation l'essentiel tient dans son identité, ses intérêts vitaux et la sauvegarde de valeurs fondamentales, valeurs conquises patiemment par nos aïeux durant des siècles dans la sueur, le sang, la souffrance, les larmes, l'héroïsme et le sacrifice.
        Bien que certains le contestent aujourd'hui l'idée de Nation reste une réalité intangible et forte. En effet, le sentiment d’appartenance nationale s’est forgé au long des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Il y a là quelque chose d’extrêmement fort qu’on ne peut faire disparaître et qu'on ne peut nier.

        A l'automne 2011 de nombreux candidats promettront, s'engageront … Les Français entendront "Tout et son contraire". Ne pourrait-on pas prendre une autre voie ?

        Dans un contexte de mondialisation accrue, d'Union européenne dominante et omnipotente afin de promouvoir enfin une politique de rupture, qu'aimerait-on entendre de la part de ces candidats ?

        Au moins évoquer quatre points incontournables et déterminants pour l'avenir : la restauration de la souveraineté nationale, le rayonnement et la singularité de la France, le rétablissement de l'autorité de l'Etat et le retour de la parole au peuple français.
        - Restaurer la souveraineté de la France

        Aucun pays ne peut aspirer à conserver sa liberté politique, ni mener quelque politique nationale que ce soit, s’il ne dispose préalablement des instruments juridiques de son indépendance d’action. Or depuis 2004, le droit européen prime sur notre Constitution française. Est-ce normal dans un Etat souverain?

        En outre, entravée de toutes parts par l’appartenance et la dépendance à l’Union européenne, la zone Euro, l'ONU, l’OTAN, la France n’en finit plus d'accumuler les contraintes, de subir les rigidités d’obligations internationales qui la dépouillent implacablement de sa souveraineté politique, économique, monétaire et militaire.

        Sans plus tarder, deux priorités pour la France. D'abord restaurer sa souveraineté face à l'Union européenne, puis son indépendance militaire, en renforçant considérablement son budget défense, ses moyens opérationnels et ses capacités de projection, enfin en examinant l'utilité de sa présence dans l’OTAN. Ensuite, elle doit s'employer à remettre en cause, si nécessaire, la zone Euro si paralysante et stérilisante, puis à dénoncer un traité de Lisbonne contraignant et liberticide.
        - Affirmer partout la singularité française et le rayonnement de la France

        Alors que son modèle de société et sa civilisation spécifique sont admirés hors de nos frontières, la France semble aujourd’hui désemparée et incapable d’honorer et de transmettre son inestimable héritage multiséculaire. Pourtant le modèle singulier de notre pays repose sur des points d'ancrage intangibles : un héritage historique avec une dimension chrétienne prééminente que la rigueur du principe de laïcité ne saurait altérer; la forte unité d’un territoire acquise chèrement et difficilement en plusieurs siècles ; le poids considérable depuis longtemps d’un Etat puissant et de sa fonction régulatrice ; enfin, un mode de vie ancestral légué et forgé par des générations de Français. Que faire ?

        Entretenir ce legs de l’Histoire auprès de toutes les couches de sa population. Maîtriser effectivement les excès actuels du peuplement de notre pays et de l'immigration incontrôlée qui, culturellement, porte profondément atteinte aux caractères homogènes de sa population.

        Afin d'éviter les replis communautaires et de stopper le passage progressif à une société multiculturelle, défendre notre socle identitaire et conserver notre modèle de civilisation.
        Imposer enfin sur le territoire à tous les citoyens français notre langue et, hors des frontières, forger une puissante politique de la francophonie.
        - Rétablir l’autorité de l’Etat, sans le respect de laquelle le bien commun ne peut se réaliser

        Alors que la mondialisation commande et dirige en grande partie notre monde, en raison des féodalités de toutes sortes, médiatiques, syndicales, régionales, communautaires et idéologiques, chacun déplore l’impuissance des pouvoirs publics de notre pays à faire respecter partout l’autorité de l’Etat,

        Plus qu’ailleurs, l’Etat a occupé traditionnellement, depuis Colbert, une place centrale dans l’organisation de notre pays, aussi bien dans la régulation de l’économie, le marché du travail, les transports, l’aménagement du territoire, etc.

        Le libérer de l’emprise durable de ces baronnies funestes pour redevenir le garant impartial du bon fonctionnement des institutions et rétablir la primauté du droit français sur tous les autres, notamment européen, reste possible.
        - Redonner la voix au Peuple français, seul détenteur légitime de la souveraineté nationale

        A bien des égards, la démocratie n’est qu’apparente en France depuis que ses oligarchies ont partiellement confisqué au peuple français la parole.

        Rappelons-nous : Les Français avaient voté massivement "Non" le 29 mai 2005 au traité constitutionnel européen. Pourtant avec mépris, l'Etat bafouant le peuple français a fait, avec le traité de Lisbonne, honteusement voter et ratifier le 14 février 2008 par la voie parlementaire un texte dont le contenu semblable avait été pourtant clairement désavoué trois ans plus tôt par nos compatriotes.

        A l’évidence, on le constate, le Peuple français ne dispose en rien du droit de s’exprimer librement sur les questions qu’il juge capitales pour son avenir. L’illusoire référendum d’initiative populaire, instauré en 2010 demeure un affichage sans contenu réel.

        Redonner la voix au Peuple français, c’est lui accorder le droit de s'exprimer, lors des scrutins électoraux, c'est aussi comptabiliser le vote blanc. Dans le même ordre d’idées, l’introduction d’une part de représentation proportionnelle dans les assemblées parlementaires ne peut que garantir l’expression équitable de l’ensemble des formations politiques, surtout pour celles qui sont victimes quotidiennement d’un ostracisme médiatique. Il est anormal, aujourd'hui, que des millions de Français ne soient pas représentés au Parlement.

        N’en déplaise enfin à nos oligarques, le Peuple français veut pouvoir faire entendre sa voix, partout et à chaque instant. Or, depuis une quinzaine d’années, la liberté d’expression se tarit. Une censure grandissante étouffe insidieusement le débat public et la libre manifestation des opinions individuelles. Pourquoi conserver ces restrictions abusives en matière de liberté d’expression ?

        Aujourd'hui donc, la France se trouve à la croisée des chemins. En 2012, l'occasion lui sera donnée de maîtriser peut -être son destin et de retrouver les lustres d'antan ?

        Peut-être trouvera-t-elle le candidat providentiel qui, convaincu et sincère, la conduira sur la route du renouveau et de la grandeur. Les Français l'attendent, l'espèrent et le désirent. Sera-t-il au rendez-vous?

Général Christian PIQUEMAL
Président de l’Union Nationale des Parachutistes


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"Il n'y a plus de vérité unique et totale, mais la vérité plurielle ne se fait pas encore entendre" (Julien Green).

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« Braves gens prenez garde aux choses que vous dites, tout peut arriver d’un mot qu’en passant vous perdîtes. » Victor Hugo était loin de se douter de l’importance que cette mise en garde aurait un siècle plus tard, à l’époque épique de l’hypermédiatisation.

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« La première de toutes les forces qui mènent le monde est le mensonge. La civilisation du XXème siècle a reposé , plus que toute autre avant elle, sur l'information (......) le public tend à considérer la mauvaise foi presque comme une seconde nature chez la plupart des individus dont la mission est d'informer, de diriger, de penser, de parler (....) Se pourrait-il que l'approche de la vérité déchaînât le ressentiment plus que la satisfaction, la sensation d'un péril plus que celui d'un pouvoir ? Comment expliquer la rareté de l'information exacte dans les sociétés libres ? (....) Pourtant ceux qui collectent l'information semblent y avoir pour souci dominant de la falsifier, et ceux qui la reçoivent de l'éluder. » (in «La connaissance inutile» de Jean-François REVEL, Grasset, 1988).

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"Donnez-moi une phrase de n’importe qui, et je me charge de le faire pendre !" (Antoine Quentin FOUQUIER de TINVILLE, dit "FOUQUIER-TINVILLE")

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« Comment en est-on arrivé là, pour qu’une phrase, un mot déplacés deviennent l’acte d'accusation de toute une vie qui les dément ? On paye aujourd'hui le prix d’une police des mots en place depuis des années avec ses chiens policiers prêts à mordre l’os d’une phrase, à la première occasion. On est tous, plus ou moins, les inspecteurs de cette inquisition verbale ou l’erreur, l’approximation, n’est plus permise, ni pardonnable. En France, on ne peut plus rien dire sans aseptiser sa parole, sans la tremper dans le bénitier médiatique, sans la terreur de déclencher une tornade morale contre soi au nom de la bien-pensanse et du conformisme. Des associations, dont on ne connaît même pas le nombre d’adhérents, se professionnalisent dans l’action judiciaire systématique, n’ayant plus pour terrain d’action que le tribunal et les dommages et intérêts… » (Maître Gilbert Collard)

HISTOIRE DES VILLES DE LA
PROVINCE DE CONSTANTINE      N°6
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.

LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Traité de Napollon du 20 septembre 1628

           
           Le 19 Septembre 1628, le Capitaine Napollon fut admis en présence du Grand Conseil présidé par le Pacha Hossein.

           On donna d'abord publiquement lecture de la Lettre de Commandement du très haut Empereur des Musulmans contenant en tête ces paroles :
           " Vous, ô mes Esclaves de la Milice d'Alger, avez autrefois vécu comme frères avec les Français et, toutefois il vous est advenu depuis de les traiter comme ennemis, ce que je sais être arrivé par les pratiques de quelques méchants qui ont commis des actes d'hostilité contre le devoir et la justice ; c'est pourquoi je veux maintenant que tout le passé soit aboli et que, sans vous souvenir des injures reçues, vous teniez à l'avenir lesdits Français pour frères et amis. "
           Ensuite de quoi, raconte Dan, tous généralement grands et petits, le Pacha et tous les Membres du Conseil répondirent : Nous désirons que cela soit et voulons tous obéir aux Commandements de notre Empereur, duquel nous sommes Esclaves.
           Puis on lut, pareillement la lettre d'amitié de l'Empereur des Français ainsi conçue :
           " Comme par la lettre que j'ai reçue de mon très cher et parfait ami l'Empereur des Musulmans, les jours duquel soient heureux, il me témoigne son intention que nos Sujets de part et d'autre vivent désormais en amitié et bonne intelligence, je la désire aussi de même, et cette paix me sera fort agréable. "
           Ensuite de quoi, tous ceux du Divan, pour ne point déroger à la Paix convenue entre les deux Empereurs promirent solennellement et jurèrent de la conserver inviolable.
           Le capitaine Sanson Napollon conclut alors, avec le Pacha et la Milice d'Alger, un Traité qui est le premier Acte de ce genre, entre la France et la Régence.

           Voici les documents textuels de cet arrangement.
           " Le vingtième Septembre mil six cent vingt-huit, en Alger, nous Sanson de Napollon, disons et faisons. Après avoir accompli heureusement le Traité de paix entre les Sujets du Roy et ceux d'Alger, passé les écritures et articles signés du Bacha, de l'Agha, chef de la Milice, du grand Mufti et Cadi dudit lieu, pour assurance et conservation de leur promesse, et sous le bon plaisir du Roy, considérant ledit Napollon, qu'il fallait accomplir la volonté du Roy pour l'établissement du Bastion, ainsi qu'il est contenu dans un article exprès de son instruction, que Sa Majesté lui a fait expédier et par une recommandation extraite que le Duc de Guise lui a faite, lui recommandant de rechercher la permission de rétablir ledit Bastion, Napollon proposa dans le Divan et Conseil les mêmes mots que ceux qui suivent : " Messieurs, anciennement les Français avaient construit un Bastion appelé De France, en la côte de votre Royaume, lequel a été par vous démoli, il y a environ trente ans ; vous voulez que je le redresse, je le ferai au, nom du Roy, mon maître.
           " Ayant le Conseil, mis la demande de Napollon en considération, chacun dit son opinion.
           " Il fut conclu de donner ladite Place du Bastion et ses dépendances au Roy, avec permission audit Napollon de le rebâtir sur les ruines et fondements où il était anciennement, à la charge et condition de payer tous les ans dix mille roubles à la bourse des finances, de laquelle se paye la solde de la Milice ; et d'autant que Napollon a rendu de fidèles services, tant d'une part que d'autre, à ladite négociation, pour récompense lui avons donné le " Capitainage " dudit Bastion durant sa vie ; et après sa mort, l'Empereur de France mettra tel autre bon lui semblera.
           " Napollon ayant remercié le Conseil, a promis, pendant qu'il sera Capitaine, de payer, tous les ans, la somme de dix mille roubles contenu au premier article pour la Bourse du Trésor ; seize mille roubles à la Bourse des Finances, lesdites deux parties, réduites en monnaie de France, montent seize mille livres ; moyennant laquelle somme, ceux d'Alger ne peuvent prétendre aucune chose sur les dites Places, ni faire levée d'aucun droit sur les marchandises qui entrent et sortent, l'ayant déclaré et déclarons franc et libre ; et pour l'observation de leur promesse, ont passé l'écrit et contrat en langue Turquesque.
           " La teneur de la dite promesse est, suivant la traduction ci-après, en Langue française :

           Teneur du Contrat passé avec le Divan et le Consul général d'Alger, pour le rétablissement du Bastion et ses Dépendances.
           " Au nom de Dieu soit-il ! L'an mil six cent vingt-huit et le vingt-neuvième du mois de Septembre, suivant le compte Musulman l'année, mille trente-huit.
           " Le sujet de la présente est que le Roy de France, les jours duquel soient heureux, nous a envoyé de sa part un de ses gentilshommes, nommé le Capitaine Sanson Napollon, avec les souverains Commandements de Notre Très Haut Empereur, lequel est l'ombre de Dieu sur la face de la Terre, avec lettres d'amitié de la part du Roy de France, ensemble deux canons de bronze et plus deux cents bons Esclaves musulmans, avons changé l'inimitié en bonne amitié.
           " Lequel Capitaine Sanson Napollon étant arrivé en cette invincible ville d'Alger, les Commandements de notre Empereur ont été reçus et vus, et ayant compris le contenu d'iceux et substance desdites lettres d'amitié, étant le tout reçu de bonne part, avons lié et accordé la paix, et pour conserver une bonne amitié parmi nous, avons écrit la présente, en témoignage de notre parole et promesse comme suit.
           " Ainsi que par ci-devant les Français avaient commandé le lieu appelé le Bastion avec l'Échelle de Bône, les avons accordés moyennant vingt-six mille roubles, savoir : 16,000 roubles pour la paye des Soldats et 10,000 roubles pour le Glorieux Trésor de la Casbah, ainsi qu'il a été promis par le Capitaine Sanson de Napollon.

           Et moyennant ces dites sommes, avons déclaré et promis donner lesdits Bastions et Échelles de Bône au Roy de France, avec pêches ; que pour récompenser des services rendus par le Capitaine Sanson, il en sera le Chef et commandera les dites Places sans que l'on en puisse mettre aucun autre. Néanmoins, après son décès, le Roy y pourra pourvoir à d'autres personnes.
           Les vaisseaux dudit Capitaine Sanson pourront aller et venir aux dits lieux, pour y vendre, négocier et acheter, enlever cuirs, cire, laine, et toutes autres choses comme était anciennement, sans qu'aucun autre vaisseau de qui que ce soit, y puisse aborder, vendre, négocier ni acheter cire; laine et autres marchandises, sans qu'il eut ordre par écrit du Capitaine Sanson.
           " Permettons et entendons que les vaisseaux dudit Capitaine Sanson puissent partir de France, pour aller, venir et retourner aux dites Échelles en droiture, sans aucune permission.
           " Étant lesdits vaisseaux rencontrés par nos Corsaires, ne leur sera fait aucun déplaisir, ni reproche, allant ou venant à droiture.
           " Sera permis aux dits vaisseaux du Capitaine Sanson d'aller aborder en tous les lieux de notre Côte, sans regrets, allant et venant.
           " Et d'autant que ladite Place du Bastion et ses dépendances ont été démolies, permettons de les pouvoir redresser et fabriquer comme elles étaient anciennement, pour pouvoir se garantir contre les Maures, vaisseaux et brigantines de Majorque et Minorque; ensemble jouiront des magasins de cuirs qui se voulaient servir de l'Échelle de Bône.
           " Ils pourront redresser les autres lieux et Places qui avaient accoutumé être tenus pour se défendre comme étaient anciennement.
           " Étant les bateaux de pêche de corail contraints, par vents contraires, d'aborder aux lieux de la Côte comme Gigelli, Collo et Bône, ne leur sera fait aucun déplaisir, ni Esclaves pour vendre aux Maures.
           " Toutes sortes de navires, galères et frégates qui passent par ladite Côte, soit en négociation ou autrement, allant et venant au Royaume de Tunis ne pourront nuire ni faire aucun déplaisir aux bateaux qui pêchent le corail ; en façon quelconque n'y feront aucun mal.
           " Cette promesse, foi et parole, l'avons écrite et remise entre les mains de Napollon.
           " Fait à Alger, à la fin du mois de la lune de Maharrem l'année 1630. Signé et scellé Ossan Bacha, Gouverneur d'Alger et Moussa Aga, Chef et Général de la Milice ; du Mufti et du Cadi de la dite Ville. "

           L'État suivant, annexé au Traité donne une idée exacte de l'importance de nos premiers Établissements en Afrique.
           Estat de ce qui est nécessaire pour l'entretien du Bastion, La Calle, Cap de Rose, la Maison de Bône et celle d'Alger, construites par Sanson Napollon, Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, Chevalier de son Ordre de St-Michel, par Commandement de Sa dite Majesté, comme il appert par l'Instruction que Sa dite Majesté lui fit expédier par M. de la Villaubert, Secrétaire de ses Commandements en l'an 1626.
           " Les dites Places sont redressées avec de grands frais et dépenses qui sont couchées dans les livres de comptes que Pierre Duserre a tenus depuis le commencement de ladite Entreprise. Pour avoir la permission de Messieurs d'Alger, a fallu dépendre à des donatifs au Pacha d'Alger et Principaux de la Milice, avec lesquels il a fallu convenir et accorder une rente annuelle, ainsi qu'il est spécifié ci-après.
           " Faut remarquer que le Pacha d'Alger fait payer un droit de toutes les marchandises qui entrent et sortent, savoir :
           " A l'Entrée, tant des marchandises qu'argent, à raison de douze et demi pour cent, et de Sortie autant, et de plus un pour cent pour la fabrique et entretien du môle d'Alger, comme encore la récompense que prennent les Officiers-Ministres qui font la levée des dits droits, lesquels reviennent à deux pour cent.
           "Napollon, pour rendre lesdites Places libres et qu'aucun Turc n'y puisse prétendre ni voir aucune chose, ni faire aucune résidence ni garde, a trouvé bon d'accorder avec le Pacha et Milice, tant la permission de construire que prétentions de droits à une somme limitée tous les ans, payable en six mois, de deux en deux mois, audit Alger, par main d'un commettant qui demeure à la maison dudit Alger, pour s'immiscer aux affaires qu'il est besoin pour le Bastion, laquelle somme se paye dix mille roubles, monnaie d'Alger, qui font cinq mille livres monnaie de France, à la bourse commune du Trésor, réserve que la chose plus privilégiée au préjudice de laquelle n'y eût personne qui osât parler. Ladite partie a été destinée à la considération, de rendre les affaires du Bastion assurées et pour lever les moyens aux mal affectionnés de pouvoir nuire aux affaires du Bastion, contre lequel il ne se peut entreprendre. La somme totale des moyens des parties est couchée dans un cahier annexe, à la somme de : 135.740 livres.

           Une note supplémentaire contient encore les détails suivants :
           " La maison d'Alger est très grande et belle, elle se tient à louage à cinq cents livres tous les ans ; les meubles et ustensiles d'icelle sont du Bastion.
           " La maison de Bône et très grande et logeable ; elle a été achetée des deniers du Bastion, comme tous les meubles et ustensiles qui y sont.
           " A la Calle, il y a une grande Forteresse et deux Magasins construits des deniers du Bastion, comme aussi les meubles et ustensiles qui y sont tous les meubles et ustensiles qui sont dans la forteresse du Bastion et ceux qui sont dans la grande maison hors la Forteresse, sont de même ensemble tous les ferrements et ustensiles desquels la maistrance se sert. Il y aussi cinq pièces d'artillerie de fonte verte, un espingard aussi de fonte verte et un autre de fer ; deux cents mousquets, cinquante quintaux de plomb, cinq cents balles canon, dix balles de mèches, cinquante piques, cent balles de fer, cinq cents couffins, cinquante coignées, cinquante serpes, deux cents pelles de bois sciées pour servir à fortifier, cinquante quintaux poudre de chasse, vingt balles toiles à faire sacs et pour servir aussi à l'équipage des bateaux ; septante quintaux de fil de corail, cinquante quintaux de poix, cinquante quintaux d'étoupe, cent avirons pour les bateaux, cent peyrolles de cuivre, deux cents tables de Flandre, deux cents tonneaux tenant dix milleroles vin chacun, et du blé pour la provision de l'année ; coignées, pieds de porc de fer, marteaux à couper les pierres, et par-dessus le moulin de sang et à vent équipé de ferrements et autres choses nécessaires ; vingt et un bateaux pour la pêche du corail, équipés de tout ce qui leur fait du besoin ; trois grosses tartanes, le tout équipé pour le Service du Bastion, tant d'artillerie, mousquets percés de fonte verte et autres choses nécessaires ; l'Église et couvent Sainte-Catherine, munis de meubles et de plusieurs ornements pour icelles, comme calices, custodes d'argent ; la boutique de l'apothicaire fournie de toutes sortes de médicaments et ustensiles, le tout acheté des deniers du Bastion. "


A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

MON ECOLE PRIMAIRE
Par M. Nafaa Boumaiza
Envoyé par Mme Boumaiza (sa fille)

        Le populeux quartier qu'on appelle LA COLONNE
        M'adopta tout enfant ; l'école SADI-CARNOT
        Fit de moi par estime un autre AYMERILLOT
        Qui fut l'enfant chéri de l'aimable NARBONNE.

        Mademoiselle Eliane, dans la PETITE ECOLE
        D'une rue Garibaldi me donna ses prunelles
        Et les grands jours de pluie, de sa classe maternelle
        Pour sortir me couvrait d'une blouse, d'une étole.

        Et c'est elle qui me prit dans la classe enfantine
        Et fit mes premiers pas. Par gestes et par oui-dire,
        Dans son abécédaire j'avais appris à lire.
        Ainsi furent mes débuts dans l'ère estudiantine.

        D'une dix-septième classe je pris une place payante
        Pour aller dans le cours qu'on croyait principal
        J'avais bien enfourné le rapide Bucéphale
        Mais la guerre survenant, il devint Rossinante.

        Monsieur PERRIER mon maître au cours élémentaire
        Manipulant si bien le calcul et les phrases
        M'apprit les éléments et me donna les bases
        De ce qui allait être mon fier itinéraire.

        Les bombes avaient fermé le lieu de mes études
        L'école un an après rouvrait ses deux battants
        Et mon auguste maître dévoué et constant
        Combla tout mon retard de sa mansuétude.

        Mademoiselle LHYON au cours moyen deuxième
        Redora mon blason, m'appelait son chou-chou
        J'étais un bon élève et premier de partout
        Dans mon parfait travail j'étais toujours le même.

        Je la revois aimable, si douce et si câline
        Elle avait érigé pour moi un piédestal
        Ce fut elle qui après les bourses nationales
        M'inscrivit au lycée dans la section latine.

        Si je pouvais un jour bien que contre nature
        Redevenir élève chez tous mes anciens maîtres
        Je boirais tout leur art, m'abreuvant de leurs lettres
        Pour porter le flambeau de leur saine culture


PHOTOS Anciennes
De BÔNE
Envoi de M. Marc Spina

Photo Marc Spina
Pouvez-vous identifier cette photo ?
Photo Marc Spina
Place d'Armes

 UNE PAGE D'HISTOIRE
Par M. José CASTANO, 21 juillet 2011

LA PERTE DE L’ALGERIE FRANÇAISE…
CRIME OU FATALITÉ ?

« Je suis née française, en Algérie, et je croyais que je mourrais française dans mon pays. Je me sens comme dépossédée. Les Pieds-Noirs seraient moins désespérés s’ils avaient senti en Métropole une chaleur, une solidarité. Mais ils se sont sentis abandonnés, méprisés et même insultés… » (Francine Camus, épouse d’Albert Camus - 12 avril 1962, témoin à décharge au procès du Général Jouhaud)

« O mes amis Pieds-Noirs, ne pleurez plus la terre et le sol tant chéris qui vous ont rejetés ; laissez les vains regrets et les larmes amères ; ce pays n’a plus d’âme, vous l’avez emportée » (Camille Bender – 1962)

          49 ans après la fin du drame algérien, il ne reste plus aujourd’hui comme vestiges qu’un grand rêve, des souvenirs douloureux, des milliers de morts, des milliers de déracinés que l’on a, en 1962, dépossédés, humiliés, violés ; des ruines, une odeur de sang caillé, des plaintes étouffées qui se sont dissoutes au gré des ans dans le brasillement de la lumière, un reniement immense, et, sous le soleil d’Afrique, une déréliction de plaines rases rendues à l’abandon et le vent de la mer dans sa morne complainte sur les champs de blé calcinés. L’Océan démonté de l’Histoire est rentré dans ses rives ; il semble d’un coup apaisé. Quoique la surface de cet Océan paraisse désormais immobile après tant de remous, le mouvement de l’humanité continue aussi ininterrompu que celui du temps. La terre tourne, les planètes décrivent leurs orbes et les conflits continuent toujours d’occasionner leurs ravages. L’infini se meut, les Etats se surveillent hargneusement du haut de leur paix armée. A cette minute, des enfants naissent, des vieux agonisent, des hommes s’entre-tuent, des amoureux s’enlacent. La vie et la mort s’engendrent ; rien n’a changé depuis des millénaires et rien ne changera… jamais !

          Depuis des milliers d’années, les hommes à la surface du globe, ne cherchent en apparence qu’à se dominer ou à détruire et, cependant, de siècle en siècle, puis d’année en année, la force brutale a reculé devant l’idée. Le moyen âge, aveugle et sanguinaire, nous répugne ; l’holocauste dont furent victimes les Juifs et autres martyrs lors du dernier conflit mondial nous fait horreur ; le génocide des harkis et celui des disparus de la guerre d’Algérie nous révolte ; des temps naîtront pour qui notre époque apparaîtra barbare comme un autre moyen âge…

          Et cependant nous ne saurions nous retrancher derrière ce principe trop simpliste, trop commode de la fatalité ou du destin. Pour justifier les plus grandes catastrophes on invoque généralement la « fatalité »… Pour justifier les drames les plus atroces on invoque le « destin ».

          Pierre Emmanuel disait que « le génie est dans cette alchimie supérieure qui change les vices de nature en éléments d’une destinée ». Alors, à l’instar de Gustave Flaubert, on s’est écrié : « C’est la faute de la fatalité ! » Mais ce qui est paradoxal, c’est que destin et fatalité sont toujours représentés par des visages sinistres, indignes ou médiocres, comme ceux des fossoyeurs de l’Algérie française et ce sont ces visages là qui furent le destin de l’Algérie et de celui de milliers de malheureux.

          Romain Rolland soutenait que « la fatalité c’est ce que nous voulons ». Celle-ci a été ce que la France par la voix de son Président d’alors et l’action de gens peu scrupuleux, a voulu qu’elle soit et elle aurait été tout autre si elle l’avait également désirée…

          Face à la barbarie de l’ennemi, il n’y avait pas lieu d’invoquer le « destin » ni le « vent de l’Histoire ». Il fallait tout simplement faire preuve de fermeté et Alexandre Soljenitsyne l’a bien traduit :

          « On ne saurait accepter l’idée que le cours meurtrier de l’Histoire est irrémédiable, et que l’esprit confiant en lui-même ne peut influer sur la force la plus puissante du monde ! »

          « L’expérience des dernières générations me convainc pleinement que, seule l’inflexibilité de l’esprit humain, fermement dressé sur le front mouvant des violences qui le menacent, et prêt au sacrifice et à la mort en proclamant : « Pas un pas de plus ! » Seule, cette inflexibilité de l’esprit assure la véritable défense de la paix de l’individu, la paix de tous et de toute l’humanité. »

          Et pour plus d’un million d’êtres humains, c’est le défaut de toute inflexibilité qui les a conduits à l’exode et à l’exil… Longtemps ils ont erré sur des routes en quête d’un avenir avec l’affreuse pensée du lendemain. Oui ! de quoi demain sera-t-il fait ? Le frisson de l’histoire leur traversait sans cesse les moelles… Des visions de deuil et de triomphe leur arrivaient du fond des siècles. Les cités illustres s’écroulaient au choc des catapultes. Cette clameur de rut et de bataille, cette poussière sinistre qui les environnait au quotidien, elle avait dû flotter sur Corinthe et sur Syracuse envahies… Et ils se murmuraient sans cesse le ver fatidique de l’Aède : « Un jour viendra où tombera Ilion la Sainte, et Priam, et son peuple invincible ! »

          Ils n’arrivaient pas à se détacher de leurs souvenirs… Comment donc effacer cette pellicule impalpable mêlant la cendre de tous les morts enfermés dans cette terre qu’ils avaient laissée, là bas, et cette retombée de poussière désertique ? Leur pays, celui des souvenirs, de leur enfance, des odeurs, du soleil, des couleurs avait cessé d’exister un jour de 1962 ; ils l’avaient enfoui en eux à tout jamais et aucun baume, si miraculeux fût-il, ne pouvait guérir leur regret. Et ils étaient seuls, face à l’échec, face au passé et à l’avenir, submergés par la peine et l’amertume, seuls au bord d’un gouffre, au bord du néant où finissent en fin de compte toutes les colères, les rêves et les révoltes des hommes… où se consument les noces stériles de l’amour et de la haine.

          C’était l’exode de ces enfants de pionniers qui n’en finissaient pas de parcourir l’hexagone en quête de travail et de logement et ces enfants-là, bouleversés par la guerre, ne s’arrêtaient jamais d’interroger le passé pour tenter d’entrevoir la raison de tant de malheurs immérités. Pourquoi cet acharnement du destin à leur infliger tant de détresse ? Pourtant, quand les vieux étaient venus s’installer en Algérie, dans ce désert de pierres brûlées par le soleil, il n’y avait rien, rien que la chanson du vent dans les touffes de broussailles et de palmiers nains. Et les vieux n’avaient rien pris à personne… Nul avant eux n’avait préparé leur venue sur ce sol vierge, nu, aride ou pestilentiel et où ils ne trouvèrent rien qui pût leur rappeler leur passé.

          Après le grand arrachement qui les avait anéantis comme une sorte de mort, voici que peu à peu, très lentement, dans la sphère différente et inférieure où ils avaient été jetés ainsi que des épaves, ils essayaient de reprendre vie. La blessure du dépaysement demeurait cependant en eux aussi profonde, et le regret de toutes ces choses disparues aussi inapaisé. L’Algérie, maintenant, s’auréolait de plus en plus, dans leur mémoire, de couleur d’or, comme les Edens perdus et les souvenirs terribles des derniers jours écoulés remontaient de temps à autre comme de grosses bulles à la surface d’un étang.

          Aujourd’hui, ils ne font que survivre loin de leurs paysages dorés qui ont émerveillé leur enfance. De cette terre douce et triste, tombeau de leurs aïeux et ni de leurs amours, un immense vide les sépare, fait de sable, de regrets, de mirages, de promesses et de serments révolus, ou s’irréalisent les oasis perdues de leurs souvenirs. Algérie qui leur a donné la vie et qui a pris leur cœur, rongée par le chagrin et la rancœur, que triste est ton sort aujourd’hui !

          « Notre église, ce petit bijou, a été décapitée. Notre cimetière a été saccagé… Tous les cercueils ont été ouverts… J’aurais préféré être aveugle ! »... C’est un prêtre français qui parle…

          « Si les Pieds-Noirs n’étaient pas partis en masse, l’Algérie ne serait peut-être pas dans l’état désastreux dans lequel elle se trouve… »… C’est la journaliste Malika Boussouf qui l’écrit…

          De ci, de là, les mousses recouvrant les murs joignent leur lèpre rouille à l’ombre des palmiers aux branches mutilées. Les grands arbres sous la lune, frissonnent de nostalgie et renouvellent chaque nuit leurs appels éplorés dans l’espoir que l’amour voudra bien y renaître. Et de leurs branches désolées, les lettres qu’on déchiffre avouent aux voyageurs que d’autres en ces lieux ont connu des bonheurs dont les traces ne sont point effacées. Le temps a pu faire son office, jouer au sacrificateur, il n’a pas eu le front de dévorer ces noms des heures familières. Pourtant à notre départ nous n’avons rien inscrit ; nous n’avons pas voulu que s’y fixent nos cœurs… nous n’avons pas trahi nos secrètes tendresses afin que reste bien à nous cette gerbe de fleurs qu’on respire à genoux parmi les souvenirs de toutes nos ivresses.

          « Vous seuls m’enserrez, souvenirs adorés
          Vous seuls échappez aux fatigues du temps ».


          José CASTANO>

«… Mon pays le Bénin, est une ancienne colonie française : j’ai entendu l’histoire de l’Algérie mais je n’ai jamais entendu parler de ce génocide qui ne dit pas son nom. La France a bien reconnu le génocide arménien de 1915, pour ne pas reconnaître celui d’Algérie 1962 alors que c’est bien plus proche. De plus, il concerne quand même des français. Pourquoi cette myopie politique ? » (Extrait de l’homélie du Père africain Fortuné Gonzallo - 5 juillet 2010, paroisse de St Joseph à Angers. Un exemple à suivre…)
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« Le souvenir est le seul paradis dont nous ne puissions être expulsés »
(Jean-Paul Richter)

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          Prédiction du vénéré Marabout Hadj Behloul, décédé et enterré à Aïn-Boucif en 1878 :
« Les Français partiront tous un jour, et vous chercherez en vain un de leur chapeau pour l’embrasser… vous songerez alors, un peu tard, à tous les bienfaits dont ils vous comblaient, et, de vos yeux couleront des larmes de sang.»
(Cette prédiction a été relevée dans les archives officielles de la Mairie d’Aïn-Boucif)

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"L'acte de trahison le plus retentissant de la Ve République ? Sans hésitation, celui du général De Gaulle vis-à-vis des Français d'Algérie." - Alain DUHAMEL dans HISTORIA nov-déc 2009 - page 54
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CQFD soyons riche
Envoyé Par Jacques


          Un professeur d'économie dans un lycée annonce fièrement qu'il n'a jamais vu un seul de ses élèves échouer, à l'exception d'une année, où ce fut la classe entière qui a connu l'échec.

          Cette classe était entièrement convaincue que le socialisme était une idéologie qui fonctionnait, et que personne n'était ni pauvre ni riche !
          Un système égalitaire parfait.

          Le professeur dit alors :
          "OK donc, nous allons mener une expérience du socialisme dans cette classe. A chaque contrôle, on fera la moyenne de toutes les notes et chacun recevra cette note. Ainsi personne ne ratera son contrôle et personne ne caracolera en tête avec de très bonnes notes."

          Après le 1er contrôle, on fit la moyenne de la classe et tout le monde obtint un 13/20.
          Les élèves qui avaient travaillé dur n'étaient pas très heureux au contraire de ceux qui n'avaient rien fait et qui, eux, étaient ravis.

          A l'approche du 2ème contrôle, les élèves qui avaient peu travaillé en firent encore moins tandis que ceux qui s'étaient donné de la peine pour le 1er test décidèrent de lever le pied et de moins travailler. La moyenne de ce contrôle fut de 9/20 ! Personne n'était satisfait...

          Quand arriva le 3ème contrôle, la moyenne tomba à 5/20. Les notes ne remontèrent jamais, alors que fusaient remarques acerbes, accusations et noms d'oiseaux, dans une atmosphère épouvantable, où plus personne ne voulait faire quoi que ce soit si cela devait être au bénéfice de quelqu'un d'autre.

          A leur grande surprise, tous ratèrent leur examen final. Le professeur leur expliqua alors que le socialisme finit toujours mal car, quand la récompense est importante, l'effort pour l'obtenir est tout aussi important, tandis que, si on confisque les récompenses, plus personne ne cherche ni n'essaie de réussir.

          Les choses sont aussi simples que çà.
          Voici un petit extrait de discours qui résume parfaitement les choses.

          "Vous ne pouvez pas apporter la prospérité au pauvre en la retirant au riche. "
          "Tout ce qu'un individu reçoit sans rien faire pour l'obtenir, un autre individu a dû travailler pour le produire sans en tirer profit."
          "Tout Pouvoir ne peut distribuer aux uns que ce qu'il a préalablement confisqué à d'autres."
          "Quand la moitié d'un peuple croit qu'il ne sert à rien de faire des efforts car l'autre moitié les fera pour elle, et quand cette dernière moitié se dit qu'il ne sert à rien d'en faire car ils bénéficieront à d'autres, cela mes amis, s'appelle le déclin et la fin d'une nation. On n'accroît pas les biens en les divisant."
Dr. Adrian Rogers, 1931.



LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE VI

Relations avec les Arabes. - Digression sur la province de Titteri. - Expédition de Médéa. - Prise de Blida. - Combat de Ténia. - Occupation de Médéa. - Ben Omar est nommé bey de Titteri. - Combat et sac de Blida. - Réduction de l'armée. - Garde nationale algérienne. - Chasseurs algériens. - Destitution d'Hamdan. - Le colonel Mendiri, agha. - Traités avec Tunis au sujet de la province de Constantine et de celle d'Oran. - Evacuation de Médéa. - Départ du général Clauzel. - Etat de la colonie au départ du général Clauzel.

          Relations avec les Arabes.

          Le général Clauzel, en même temps qu'il pourvoyait aux besoins de l'administration civile, songeait à étendre son autorité au dehors. De fortes reconnaissances, poussées dans tous les sens, apprirent aux Arabes que nous allions sortir de notre engourdissement : aussi ne tardèrent-ils pas à revenir à quelques sentiments de soumission. Quelques rapports de commandement, d'un côté, et d'obéissance de l'autre, s'établirent entre notre agha et les kaïds. Mais Hamdan ne sut pas en profiter ; la retraite de Blida, où il s'était trouvé, lui avait inspiré une si grande terreur des Arabes, qu'il n'osait point paraître dans la plaine sans être soutenu par nos troupes. Les kaïds des outhans qui avoisinent Alger étaient alors : à Beni-Khelil, Mohammed-ben-Chergui; à Beni-Moussa, Hamed-ben-Ouchefoun; à Khachna, Mohammed-ben-Ameri; au Sebt, Meçaoud-ben-Abdeloued.
          La ville de Cherchell avait reconnu pour chef Mohammed-ben-Aïssa-el-Barkani, cheik de Beni-Menacer, personnage appartenant à une noble et puissante famille, dans laquelle l'autorité de cheik est héréditaire.
          Tout le reste de la province était dans l'anarchie, à I'exception de la ville de Coléa, où les célébrées marabouts de la famille Moubarek avaient conservé une espèce d'ordre. A l'ouest, Ben-Zamoun devenait chaque jour plus puissant.
          Cependant, Mustapha-Bou-Mezrag, bey de Titteri croyant qu'on ne pourrait jamais l'atteindre, bravait la puissance française derrière ses montagnes. Le général en chef résolut d'en finir avec cet homme, qui était un centre de ralliement pour tous les mécontents. Un arrêté du 15 novembre prononça sa destitution, et, sur la proposition du conseil municipal d'Alger, nomma à sa place Mustapha-Ben-el-Hadji-Omar, parent d'Hamdan, et comme lui Maure et négociant. Mais cette mesure avait besoin d'être soutenue par les armes. En conséquence, un corps d'armée, conduit parle général en chef en personne. se dirigea le 17 novembre sur la province de Titteri.

          Digression sur la province de Titteri.

          Cette province, située entre celle de Constantine et celle d'Oran, et bornée au nord par celle d'Alger, s'étend au midi jusqu'au désert. La partie septentrionale, qui est très montagneuse, n'a rien qui rappelle l'Afrique ; le froid y est aussi vif que dans le midi de la France. C'est là qu'est située Médéa, capitale de la province, petite ville de quatre à cinq mille habitants. La province de Titteri était divisée en vingt et un outhans, dont sept entourent Médéa, en se déployant en éventail du centre à la circonférence. Ce sont, en commençant par le sud et en suivant la circonférence par l'est, Beni-Hassan, Hassan-ben-Ali, Beni-bou-Yacoub, Ouzra, Ouamri, Biglia et Haouara. Ces outhans, beaucoup moins considérables que veut de la province d'Alger, n'étaient composés chacun que d'une seule tribu. Le territoire en est généralement beau, fertile et assez bien boisé.
          Au sud-est de ces tribus, et sur un territoire à peu près de même nature, sont les Rebaïa, les Oulad-Allan, les Adaoura, les Oulad-si-Ahmed-ben-Youssef, et enfin l'outhan du Djebel-Dira, limitrophe à la province de Constantine.
          Ce district, le plus considérable de Titteri, est divisé en vingt-quatre cantons, formés par diverses tribus, dont les plus importantes sont : les Djouab, les Oulad-Mariam, les Oulad-Sarah, les Oulad-Lou-Arif, les Oulad-si-Amer, les Oulad Àbdallah, les Oulad-Berkat et les Oulad-Dris, principale fraction de l'outhan. Les Turcs avaient une petite garnison dans cette contrée. Elle occupait le fort de Sour-el-Gheslan bâti sur les ruines de l'antique cité d'Auzia, près de laquelle Tacfarinas fut vaincu et tué par Dolabella. Le Dira est très élevé : il y fait très froid en hiver. C'est du reste un fort beau pays. Il avait ordinairement pour kaïd un des fils du bey.

          Au sud des outhans dont nous avons parlé en premier lieu, on trouve d'abord les Abid et les Douairs, colonies militaires et tribus du Makhsen du bey de Titteri, qui présentaient une force de 1,200 cavaliers. Elles habitaient les environs de Berouakia, espèce de fort ou maison carrée, située à une journée de marche de Médéa. Plus au midi on trouve les Mefatah, les Deïrnat, les Souari, les Oulad-Maref, les Oulad-Daïd et les Titteri, petite tribu qui a dû être jadis puissante, puisqu'elle a communiqué son nom à la province. Viennent ensuite les Zenakra, les Rahman, les Mouiadat et les Oulad-Moktar. Ces derniers: forment la tribu la plus puissante de cette contrée. Leur chef était, après le bey, le premier personnage de la province. Il jouissait d'une indépendance presque absolue et se considérait moins comme sujet que comme allié du gouvernement turc. Les deys, de leur côté, étaient bien aises de laisser subsister une sorte de rivalité entre lui et le bey de Titteri ; ils y voyaient un moyen de maintenir dans la soumission ce haut fonctionnaire, que trop de puissance aurait pu rendre dangereux pour le prince régnant, vu sa proximité d'Alger. C'était par suite de ce même esprit de politique méfiante que plusieurs tribus du beylick de Titteri avaient été soustraites à l'autorité du bey et formaient des apanages attachés à diverses charges de la cour et du gouvernement central. La ville de Médéa, quoique le bey y résidât habituellement, était elle-mime en dehors de sa juridiction; le hakem de cette cité relevait de l'agha d'Alger. La vraie capitale administrative du bey était une maison de campagne située à un quart de lieue de la ville ; c'était là qu'il tenait ses assises.

          Au sud des tribus dont il a été question jusqu'ici, règne le vaste plateau de Zarès, où errent les tribus nomades des Oulad-Chaïb et des Bou-Aïch qui s'y rencontrent souvent avec les Oulad-Moktar. La partie méridionale de ce plateau est occupée par deux grandes sebkah du même nom, au-delà desquelles s'étend la chaîne atlantique du sud sous les noms de Djebel - Sahri et Djebel-Amour. Viennent ensuite les contrées sahariennes, dont nous aurons plus tard occasion de parler.
          La partie de la province de Titteri comprise dans le Tell ou haute région est arrosée par le Chélif, qui la sépare de la province d'Oran, par l'Oued-Senag, l'Oued-Hakoum, l'Oued-el-Had, l'Oued-el-Harbin, tous affluents du Chélif, l'Oued-Djenan, qui va se perdre dans la sebkah de Msila, l'Oued-Chaïr, l'Oued-Medala, l'Oued-et-Arba, affluents de l'Isser, et enfin l'Arach et la Chiffa, qui y prennent leurs sources.
          Les tribus qui forment les premiers outhans sont sédentaires et d'origine kbaïle. Elles habitent des maisons ou plutôt des cabanes appelées gourbis, dont la forme rappelle assez ce que dit Salluste des mapalia des anciens Numides. Celles de l'est ont une existence mixte, et la tente y est à côté du gourbi. Quant à celles du sud, elles sont complètement nomades. Le gouvernement du bey de Titteri était un reflet de celui du dey, et ses moyens d'action sur les Arabes étaient les mêmes. On a beaucoup exagéré la pauvreté de cette province. Shaler lui-même, dans son estimable ouvrage sur la régence d'Alger, ne porte qu'à 4,000 dollars (20,000 francs) la somme qu'en retirait annuellement le pouvoir central. Un état qui a été trouvé dans les papiers du bey élève cependant à 45,891 boudjous (85,557 francs 26 centimes) les contributions de Titteri. Les tribus sahariennes payaient en outre près de 100,000 francs, pour avoir le commerce libre avec Médéa et le Tell. Le Sahara, ne produisant pas de céréales, est, à cet égard, dans une dépendance forcée envers les maîtres du Tell. C'est pour ceux-ci un puissant moyen d'action dont je parlerai avec plus de détail, lorsque ma narration sera arrivée à l'époque où nous fûmes en position d'en faire usage.

          Expédition de Médéa.

          Telle était la contrée où le général Clauzel allait porter ses armes.
          Le corps d'armée destiné à marcher sur Médéa était composé de trois brigades, commandées par les maréchaux de camp Achard, Munck d'Uzer et Hurel. Ces brigades étaient formées chacune de quatre bataillons tirés de divers régiments : ceux de la 1ère brigade avaient été fournis par les 14°, 57°, 20° et 28° de ligne; ceux de la 2ème par les 6°, 23°, 15° et 29°; ceux de la 3ème par les 17°, 30°, 34° et 35°. Les trois brigades formèrent une division sous le commandement du lieutenant général Boyer. Il y avait, de plus, une réserve composée d'un bataillon du 21° de ligne, du bataillon de zouaves et des chasseurs d'Afrique, une batterie de campagne, une batterie de montagne et une compagnie du génie.
          Cette petite armée, présentant un effectif de 7,000 combattants, bivouaqua à Boufarik le 17 novembre. Une pluie continuelle ayant empêché de faire la soupe depuis le moment de l'arrivée jusqu'au matin, on ne repartit de ce point que vers le milieu de la journée du 18, et l'on se dirigea sur Blida. A une lieue en avant de cette ville, l'armée rencontra une assez forte troupe de cavaliers arabes, dont les intentions paraissaient hostiles. Le général en chef envoya vers eux un jeune renégat italien, nominé Joseph, appelé à jouer plus tard un rôle remarquable, et fit arrêter la colonne. Ce jeune homme revint bientôt avec celui qui paraissait le chef de la troupe : c'était un Arabe de bonne mine, au regard assuré, au maintien fier et imposant. Le général en chef lui ayant fait connaître son intention d'aller coucher ce jour-là même à Blida, il lui répondit avec beaucoup de hauteur de n'en rien faire, parce qu'il avait, lui, celle de s'y opposer. A cette réponse, le général ordonna au parlementaire de se retirer. et mit sur-le-champ la colonne eu marche.
          Les Arabes commencèrent aussitôt un feu assez nourri. La brigade Achard, qui était en tète les poussa facilement devant elle et quelques obus eurent bientôt mis le désordre dans leurs rangs. Vers la chute du jour, le général Achard se présenta devant Blida, dont les portes étaient fermées: il se préparait à les abattre à coups de canon, lorsqu'elles furent ouvertes par un officier et quelques voltigeurs qui escaladèrent les murs. La ville était presque désert, le plus grand nombre des habitants ayant fui dans les montagnes.

          Prise de Blida.

          Pendant que la brigade Achard marchait sur Blida par la route, la brigade Munck d'Uzer se jetait à droite pour y arriver à travers champs, mais tout était fini lorsqu'elle y parvint. Quelques Kbaïles continuèrent cependant à tirailler des hauteurs où ils s'étaient réfugiés: on envoya contre eux quelques compagnies qui les en débusquèrent et qui s'y établirent.
          La brigade Achard forma son bivouac en avant de Blida, où l'on ne laissa que des postes ; la 2° et la 3° brigades bivouaquèrent en arrière, mais à peu de distance des portes. La brigade Hurel n'arriva que fort tard à sa position, ainsi que Ies bagages et le bataillon du 21° de ligne, qui marchait à la queue pour les couvrir. Deux marchands de la suite de l'armée, étant restés un peu en arrière, eurent la tète tranchée par les Arabes.
          Nous n'eûmes, dans la journée du 18, que 50 hommes mis hors de combat.

          L'armée s'arrêta à Blida toute la journée du 19. L'intention du général en chef étant d'y laisser une garnison, pendant qu'il se porterait en avant, cette journée fut employée aux préparatifs nécessaires à son établissement; on répara aussi, à la hâte, les conduits d'eau que l'ennemi avait brisés en plusieurs endroits. Le même jour, les Arabes se présentèrent dans la plaine, devant le front de la brigade Achard ; les Kbaïles vinrent tirailler sur son flanc gauche, en restant sur les pentes du petit Atlas, dont le pied touche la ville. Une charge de cavalerie dispersa les premiers, sans qu'on pût en atteindre un seul; les seconds furent chassés dans la montagne par les bataillons du 20° et du 37° de ligne. L'ordre fut donné de tout détruire et de tout incendier dans cette direction, où se trouvent les plus beaux jardins du pays. En ville on fusillait, presque sous les yeux du général en chef, tout ce qui était pris les armes à la main. Cette boucherie, présidée par le grand prévôt, dura si longtemps, qu'à la fin les soldats ne s'y prêtaient plus qu'avec une répugnance visible. Le général Clauzel crut, sans doute, intimider les Arabes par ces actes de rigueur qui n'étaient cependant pas dans ses habitudes, mais il se préparait de sanglantes représailles.
          Plusieurs habitants de Blida, hommes, femmes et enfants, s'étaient retirés dans une des premières gorges de l'Atlas. On leur envoya un parlementaire pour les inviter à rentrer chez eux; la plupart se rendirent, pour leur malheur, à cette invitation.

          Le 21, l'armée se remit en marche, en longeant le pied de l'Atlas. On laissa à Blida le bataillon du 54°, celui du 55° et deux pièces de canon, sous le commandement du colonel Rullière, officier très ferme et très capable.
          Vers le milieu de la journée, l'armée parvint à l'entrée de la gorge où le chemin de Médéa coupe la montagne. II y a sur ce point une belle ferme, appelée Haouch-Chaouch-el-Mouzaïa. Un marabout de Mouzaïa, nommé Sidi-Mohammed-ben-Fekir, vint s'y présenter au général en chef, avec cinq cheiks des tribus voisines, qui font partie de l'outhan d'El-Sebt. Il déclara que son intention était de vivre en bonne intelligence avec les Français, et que les gens de Mouzaïa ne songeaient nullement à inquiéter notre marche; il demanda, en conséquence, que leurs personnes et leurs propriétés fussent épargnées, ce qui fut accordé, comme on le pense bien.
          L'armée bivouaqua auprès de Haouch-Mouzaïa ; la brigade Achard alla s'établir à trois quarts de lieue en avant, sur la route de Médéa. D'après les renseignements fournis par le marabout sur la difficulté des chemins (1), on se détermina à laisser à la ferme, sous la garde du bataillon du 9.1e de ligne, les pièces de campagne et toutes les voitures. L'artillerie de montagne et les mulets de bât durent suivre l'armée.

          Combat de Ténia.

          Une proclamation annonça aux troupes que le lendemain elles franchiraient la première chaîne de l'Atlas. Les soldats se mirent aussitôt à discourir, autour des feux de bivouac, sur l'entreprise dans laquelle ils se trouvaient engagés. Les plus instruits, faisant un appel à leurs souvenirs classiques, racontaient les guerres des Romains, et faisaient connaître à leurs camarades qu'aucune armée européenne n'avait paru dans ces contrées depuis ce peuple, auquel on aime tant à se comparer, parce qu'aucune nation n'a pu l'égaler dans les entreprises qui demandent de la persévérance et de la suite. Ces conversations de bivouac sont, en général, très remarquables dans les armées françaises. C'est là que se formulent, en expressions vives et pittoresques, des pensées justes et profondes, qui ensuite ont cours dans les rangs et donnent au soldat de notre nation le sentiment et l'intelligence des opérations auxquelles on l'emploie. Une seule chose embarrassait un peu les commentateurs de la proclamation du général Clauzel : il y était question, comme dans celle du vainqueur des Pyramides, d'un certain nombre de siècles qui contemplaient l'armée française: le chiffre variant selon les copies, les uns l'appliquaient à l'Atlas lui-même, qui certainement porte sur ses cimes bien des siècles écoulés ; d'autres pensaient qu'il s'agissait d'un antique tumulus, connu dans le pays sous le nom de Koubar-el-Roumia (Tombeau de la Chrétienne), que l'on aperçoit de Mouzaïa, sur une colline au nord du pays des Hadjoutes ; enfin quelques plaisants prétendirent que les siècles qui nous contemplaient n'étaient autres que certains généraux que nous avait envoyés la Jeune France de Juillet. et qui, arrivés au terme d'une carrière fort honorable, sans doute, semblaient se survivre à eux-mêmes.

          L'armée partit de Mouzaïa le 21, au point du jour. L'agha Hamdan, qui l'avait suivie jusque-là, fut laissé dans cette ferme pour observer les mouvements des Arabes dans la plaine de la Métidja; mais, au lieu de faire quelques courses dans les environs, afin de découvrir leurs projets, il s'y tint prudemment enfermé, à l'abri de tout danger. Je pense que c'est du séjour de cet agha dans ce haouch que nous avons pris l'habitude de le désigner sous le nom de Ferme de l'Agha, qui n'est point celui qu'on lui donne dans le pays.
          Ainsi que nous l'avait annoncé le marabout, que le général Clauzel garda près de lui, les gens de Mouzaïa ne cherchèrent point à s'opposer à notre marche, ou du moins, ceux d'entre eux qui voulaient guerroyer étaient allés se joindre aux troupes du bey de Titteri, lequel nous attendait au col dit Ténia. Nous gravîmes, sans beaucoup de peine, les premières pentes de l'Atlas, et nous parvîmes sur un plateau élevé, d'où les regards plongeaient sur toute la plaine de la Métidja. La mer se laissait entrevoir dans le lointain, et l'on découvrait, à l'ouest, le lac roula, à l'extrémité du territoire des Hadjoutes. L'armée fit halte en cet endroit, et l'artillerie de montagne salua le vénérable Atlas de 25 coups de canon.
          La colonne s'étant remise en mouvement, marcha encore quelque temps sans rencontrer l'ennemi ; mais, à une heure, il se présenta devant la brigade Achard, qui formait tête de colonne, et commença le feu. Quelques compagnies du 14° et du 37° furent lancées en tirailleurs et l'eurent bientôt débusqué d'une position qu'il occupait à. gauche de la route. Il se retira, par les crêtes, sur les hauteurs du col.
          L'armée continua à avancer et se trouva bientôt en face de ce col, qui est un passage étroit, ou plutôt une coupure de quelques pieds, dominée à droite et à gauche par des mamelons coniques et élevés. On n'y parvient que par un sentier raide et difficile, bordé, à droite, par un profond précipice, et à gauche par des hauteurs escarpées. En approchant du col, le chemin devient encore plus dangereux ; il est taillé dans un sol schisteux et glissant et court en zigzag, à branches rapprochées, sur un plan très incliné. Le bey de Titteri avait mis deux mauvaises pièces de canon en batterie à droite et à gauche de la coupure, et ses troupes, dont il est assez difficile d'évaluer le nombre, garnissaient toutes les hauteurs.

          Cette formidable position ne pouvait être attaquée que de front et par la gauche, le ravin de droite étant des plus difficiles. En conséquence, le général en chef ordonna au général Achard de faire gravir à sa brigade les hauteurs de gauche, pour gagner le col par les crêtes; la brigade Munck d'Uzer, qui marchait après elle, devait continuer à suivre la route. Le général Achard, pour exécuter à la lettre le mouvement, aurait été obligé de laisser la route dégarnie, jusqu'au moment de l'arrivée sur ce point de la brigade Munck d'Uzer ; pour éviter cet inconvénient, il n'envoya que trois bataillons sur la gauche, sous les ordres du colonel Marion, et resta sur la route avec un bataillon du 37°.
          Le colonel Marion rencontra un terrain fortement accidenté, qui lui fut disputé par les Kbaïles, de sorte qu'il ne marcha que lentement. Le général d'Uzer, qui serrait sur le bataillon du 37°, crut même devoir envoyer le bataillon du 6° pour l'appuyer. Dans ce moment, les tambours des bataillons de gauche ayant battu la charge pour animer les soldats, lesquels avaient de la peine à gravir les pentes escarpées qui s'offraient sans cesse à eux, le général Achard crut qu'ils étaient arrivés sur les crêtes et qu'ils chargeaient l'ennemi à la baïonnette ; il se lança alors en avant, avec le seul bataillon du 37°, dont une compagnie, envoyée en tirailleurs au-delà du ravin de droite, avait déjà beaucoup souffert; elle était commandée par le capitaine de la Fare, qui fut tué en combattant vaillamment. Le bataillon du 37° ayant à sa tête le général Achard et le commandant Ducros, attaqua donc la position de front et le fit avec la plus grande vigueur; on peut dire qu'il se précipita tête baissée au devant de la mort, car, selon toutes les prévisions, la moitié de cette brave troupe devait périr avant d'atteindre le but; elle perdit, en effet, beaucoup de monde, mais moins cependant qu'on ne devait le croire. Quelques officiers s'étaient jetés en avant pour indiquer la route. M. de Mac Mahon, aide de camp du général Achard, arriva le premier au col.

          L'ennemi, épouvanté de la vigueur de cette attaque, abandonna la position sans essayer d'une lutte corps à corps. Les bataillons du colonel Marion arrivèrent dans ce moment au col et saluèrent de leurs acclamations le brave 37° de ligne.
          Toute l'armée bivouaqua sur les hauteurs enlevées à l'ennemi ; la brigade Achard se porta cependant un peu plus loin, ainsi que la cavalerie. La brigade Hurel et les bagages arrivèrent fort tard à la position; ils avaient été attaqués par quelques tirailleurs, pendant que la brigade Achard était aux prises avec les défenseurs du Ténia. La cavalerie fournit une charge assez insignifiante sur un terrain désavantageux.
          Notre petite armée eut, dans cette journée glorieuse, 220 hommes mis hors de combat. Le général Achard en eut I'honneur parmi les officiers généraux, le brave Ducros parmi les officiers supérieurs, et le jeune Mac Mahon parmi Ies officiers subalternes.
          C'est du Ténia que le général Clauzel lança cette fameuse proclamation dont le style, un peu ossianique, a paru depuis ridicule à bien des gens; mais elle parut alors fort convenable à des hommes que de grandes choses disposaient aux grandes idées, ou, si l'on veut, aux grandes expressions.

          Le 22 novembre, dans la matinée, quelques compagnies allèrent incendier les habitations des gens de Soumata, qui avaient pris les armes contre nous. Le général en chef décida que la brigade Munch d'Uzer resterait au Ténia pour garder le passage, et le reste de l'armée prit, à onze heures, la route de Médéa. Le Ténia est le point culminant de l'Atlas dans cette direction, de sorte qu'après l'avoir franchi, il ne reste plus qu'à descendre. La route, en général, plus large que sur le versant septentrional, est pavée en plusieurs endroits; le pays, à droite et à gauche, est couvert et très-boisé. Arrivée au pied de la montagne, la brigade Achard chassa devant elle une troupe d'Arabes avec qui elle échangea quelques coups de fusil. Le bataillon du 20° de ligne se porta gauche de la route pour repousser d'autres Arabes qui paraissaient vouloir faire une attaque de flanc; il y eut à un engagement assez vif, dans lequel nous perdîmes quelques hommes. Cinq blessés tombèrent entre les mains des ennemis, qui, en fuyant sur les rochers, nous présentèrent leurs têtes sanglantes.
          La brigade Achard combattit jusqu'au-delà d'un bois d'oliviers, après lequel le terrain est plus découvert. Le général en chef ordonna à la cavalerie de charger en arrivant sur ce point ; nos escadrons s'ébranlèrent. mais ils rencontrèrent bientôt un ravin qui les arrêta tout court : les Arabes n'en continuèrent pas moins leur retraite, car ils savaient, par expérience, que notre infanterie passe partout.

          Occupation de Médéa.

          Depuis le bois d'oliviers jusqu'à Médéa, le terrain n'offre plus que quelques ondulations; il est un peu incliné sur la droite et se rattache, dans cette direction au bassin de Chélif. De temps à autre, quelques cavaliers arabes s'arrêtaient pour lâcher leurs coups de fusil, mais le gros de leur troupe fuyait vers Médéa; nous vîmes plusieurs fois le marabout Ben-Fekir courir au devant d'eux pour les engager à cesser le combat.
          A une lieue du bois d'oliviers, un Arabe à pied, très pauvrement vêtu, sortit subitement d'un pli de terrain où il était caché, et se présenta à nous en nous montrant une lettre adressée au général en chef; elle était des autorités de Médéa et contenait la soumission de la ville ; elle avait été écrite la veille au soir, c'est-à-dire aussitôt que l'on avait eu à Médéa la nouvelle de la défaite du Bey.
          En approchant de cette ville, l'armée entendit avec surprise une forte fusillade , accompagnée de quelques coups de canon : c'étaient les gens de Médéa qui, pour nous donner une preuve de la sincérité de leur soumission, tiraient sur les troupes du bey de Titteri ; celui-ci s'enfuyait, avec son monde, par la route de Berouakia.

          Médéa s'élève sur un plateau incliné du nord-est au sud-ouest. Elle est entourée d'un mauvais mur qui, du reste, est une défense suffisante contre les Arabes ; auprès des deux entrées principales, sont deux petits châteaux armés alors de quelques pièces de canon de fabrique espagnole. La ville est plus régulièrement bâtie qu'Alger, et les rues en sont en général plus larges et moins tortueuses. Les maisons ont des toitures en tuiles comme celles du midi de la France. Le général en chef, au devant duquel les autorités de Médéa s'étaient rendues, fit son entrée dans cette ville à la chute du jour; un bataillon y fut établi. Le brigade Achard se porta en avant dans les environs de la maison de campagne du Bey, et la brigade Hurel resta à un quart de lieue en arrière. Cette brigade eut, le lendemain 25, quelques coups de fusil à échanger contre un gros d'Arabes qui cherchait à se jeter sur ses communications avec la ville.

          Ben Omar est nommé bey de Titteri.

          Le même jour, Mustapha-bou-Mezrag, ne sachant plus où donner de la tête et craignant de tomber entre les mains des Arabes du Sahara, aima mieux se remettre entre les nôtres. Il se rendit prisonnier au général Clauzel, qui le fit garder à vue, mais qui le traita néanmoins avec assez de douceur; tous les Turcs de sa suite et ceux que l'on trouva dans Médéa furent traités de même. La reddition de Mustapha-bou-Mezrag parut avoir mis fin aux hostilités. Ben-Omar nommé, ainsi que nous l'avons dit, pour le remplacer, fut installé; le général passa en revue, à cette occasion, les habitants armés de Médéa, qui formaient une espèce de garde nationale. Il fut décidé qu'on laisserait les zouaves et deux bataillons français à Médéa, dont le colonel Marion fut nommé commandant. Le général Clauzel avait aussi formé le projet d'envoyer le général Munck d'Uzer à Miliana, et d'établir le général Boxer et sa division à Blida. Mais ce plan, conçu dans la joie de la victoire, fut bientôt abandonné.
          Il paraît qu'en partant d'Alger on n'avait point pensé aux frais que devait entraîner l'établissement d'un bey et d'une garnison à Médéa, ou qu'on espérait y trouver un trésor, car on s'était mis en route presque sans argent. On fut obligé de puiser dans la bourse des officiers, et même d'emprunter une somme de 8 à 10,000 francs à Mustapha-bou-Mezrag, qui n'en avait pas davantage.
          Le 26, dans la matinée, le général en chef quitta Médéa, pour retourner à Alger, avec les brigades Achard et Hurel; il ne s'arrêta que quelques heures au Ténia, et l'armée alla coucher à Mouzaïa. Nous ne trouvâmes sur toute la route que des démonstrations pacifiques de la part des Kbaïles et des Arabes ; mais, dans ce moment même, la ville de Blida était le théâtre de sanglants événements. Lorsque l'armée en approcha, le 27, elle eut à disperser quelques troupes ennemies qui paraissaient vouloir s'y introduire et renouveler un combat qui avait eu lieu la veille.

          Combat et sac de Blida.

          Le 26, Ben-Zamoun, à la tête d'une nuée de Kbaïles, était venu attaquer le colonel Ruillière dans Blida. II y pénétra par plusieurs points, et l'on se battit longtemps de rue en rue. La garnison, acculée peu à peu sous les voûtes de la porte d'Alger, ne présentait plus qu'une masse informe et découragée, lorsque ce colonel fit sortir par cette porte, dont il était heureusement maître, deux compagnies d'élite qui tournèrent la ville et y rentrèrent par celle de Médéa. Ces compagnies tombant à l'improviste sur les derrières des assaillants, ceux-ci crurent qu'ils avaient affaire au corps d'armée de Médéa; ils furent confirmés dans cette erreur par le mouezin de la mosquée principale, qui leur cria du haut d'un minaret que c'était en effet le général en chef qui arrivait. Aussitôt ils se dispersèrent et disparurent. Voilà l'ensemble de la chose, mais les détails sont encore couverts d'un nuage obscur et sanglant. Blida, lorsque le général en chef la traversa, le 27 novembre, était encombrée de cadavres, dont plusieurs étaient ceux de vieillards, de femmes, d'enfants et de Juifs, gens tout à fait inoffensifs. Très peu paraissaient avoir appartenu à des gens qui eussent eu la volonté ou le pouvoir de se défendre. Après un si grand carnage, on ne trouva point ou presque point d'armes sur les vaincus. Cette dernière circonstance fit naître d'étranges soupçons dans l'âme du général Clauzel, qui, dans son indignation, adressa au chef de la garnison de fâcheux reproches. L'horreur qu'il éprouva à la vue des traces sanglantes du sac et du massacre de cette ville fut partagée par toute la partie de l'armée qui n'avait pas pris part à ce déplorable événement; mais la pitié pour les vaincus fit bientôt place à un sentiment contraire, lorsque l'on apprit le massacre de 50 canonniers, dirigés imprudemment de la Ferme Mouzaïa sur Alger, pour aller y chercher des munitions, d'après un ordre du général en chef, venu de Médéa. Ces malheureux avaient tous péri. On a su depuis qu'ils avaient été attaqués par Ies cavaliers du Merdjia et de l'Hamada, cantons de l'outhan de Beni-Khelil.

          A ces scènes de carnage succéda un spectacle touchant : le général Clauzel, qui avait abandonné le projet d'occuper Blida, quitta cette ville le 28 avec tout le corps d'armée. Les débris de la population, craignant de tomber entre les mains des Kbaïles, suivirent nos colonnes; des vieillards, des femmes, des enfants, haletants et souvent pieds nus, se traînaient derrière nos bataillons : c'était un spectacle déchirant. Nos soldats, touchés de compassion, se mirent à leur prodiguer les soins les plus empressés : les officiers mettaient pied à terre pour donner leurs chevaux à ces malheureux, écrasés de fatigue. Le soir on bivouaqua à Sidi Haïd, qui est un lieu aride, et nos soldats donnèrent le peu d'eau qui restait dans leurs bidons à ces mêmes enfants que peut-être leurs baïonnettes avaient rendus orphelins.
          Le 29 novembre, l'armée rentra dans ses cantonnements. Le général en chef, profondément affecté du massacre des canonniers, renonça, comme nous l'avons dit, à occuper Blida, qu'il regarda, sans doute, comme un point entouré d'une population trop hostile pour qu'on pût y aventurer une garnison. Celle de Médéa avait été laissée presque sans vivres et sans munitions : comme on comptait peu sur les ressources du pays, il fallut songer à lui en envoyer : en conséquence, le général Boyer repartit d'Alger le 7 décembre avec deux brigades et un fort convoi; il traversa l'Atlas et arriva à Médéa sans avoir tiré un coup de fusil. Cependant, si les Kbaïles avaient voulu, ils auraient pu nous faire beaucoup de mal : car, dans la dernière journée de marche, le plus grand désordre se mit dans une de nos brigades, qui erra à l'aventure, pendant toute une nuit, entre l'Atlas et Médéa, par un temps affreux.
          La garnison de cette ville apprit avec une joie extrême l'arrivée des secours que le général Boyer lui amenait.
          Cependant elle avait déjà reçu quelques ballots de cartouches qu'on lui avait fait parvenir par des Arabes. Elle avait eu, pendant trois jours, des attaques assez vives à repousser; ce fut le 27 qu'elles commencèrent. L'ennemi se porta en force à la ferme du Bey, où se trouvaient le bataillon du 28° de ligne et les zouaves, et commença le combat avec assez de résolution. Il voulut aussi couper les communications avec la ville, mais les habitants et le 20° de ligne firent une sortie qui le chassa des positions qu'il avait prises dans cette direction. Ce mouvement fut appuyé par une sortie faite par les troupes qui occupaient la ferme.

          Le lendemain 28, les Arabes recommencèrent la même manœuvre; elle ne leur réussit pas mieux que la première fois; le combat fut beaucoup plus acharné que la veille autour de la ferme ; les zouaves se conduisirent vaillamment; un de leurs capitaines fut tué. Les habitants de Médéa se battirent, comme le jour précédent, malgré les efforts de l'ennemi pour les attirer à lui.
          Le 29, les attaques, toujours conduites de la même manière, furent beaucoup moins vives. Le nombre des assaillants avait beaucoup diminué. Le 30 au soir, l'ennemi avait entièrement disparu. Il laissa 500 morts sur le champ de bataille. Les Arabes et les Kbaïles qui prirent part à ces trois combats appartenaient aux outhans de Rhiga, Hassan-ben-Ali, Beni-Hassan, Houara, Ouzera. II y avait aussi des Abid, des Douair, des Arib et des Beni-Soliman.
          Le colonel Marion dut céder le commandement de Médéa au général Danlion, qui était venu avec le général Boyer pour le remplacer. La garnison en fut augmentée de deux bataillons, et le général Boyer, après être resté trois jours à Médéa, reprit, avec ce qui lui restait de troupes, la route d'Alger, où il arriva sans accident d'aucune espèce.

          Réduction de l'armée.

          Cependant, d'après les ordres du Gouvernement, l'armée d'Afrique devait être réduite à quatre régiments. Il était fortement question, à cette époque, d'une guerre européenne, et chacun désirait quitter l'Afrique pour aller s'exercer sur un plus brillant théâtre. Le général Clauzel, qui, comme nous l'avons dit, avait déjà organisé les zouaves pour obvier, autant qu'il était en lui, à la première diminution de l'armée, ordonna cette fois la création d'une garde nationale composée d'Européens et d'indigènes ; mais cette mesure reçut à peine un commencement d'exécution. Ce ne fut que sous le duc de Rovigo que fut organisée la garde nationale algérienne, réduite à des dimensions beaucoup plus étroites que celles qu'avait conçues le général Clauzel. L'idée de faire concourir les indigènes à la défense commune était heureuse, et n'aurait pas dû être abandonnée.

          Garde nationale algérienne. - Chasseurs algériens.

          Le général Clauzel avait aussi ordonné la formation d'un corps de zouaves à cheval ou de spahis, dont le commandement fut confié à M. Marey, capitaine d'artillerie, qu'un goût très prononcé pour le costume et pour les mœurs de l'Orient semblait appeler à cet emploi ; mais cette troupe n'avait encore, à cette époque, qu'une existence purement nominale. La formation d'un autre corps de cavalerie indigène, sous la dénomination de Mameluks, fut résolue. Le jeune Joseph, dont nous avons déjà parlé, fut chargé de l'organiser; il parvint à y attirer beaucoup de jeunes Algériens appartenant à des familles honorables; mais les promesses qu'on leur fit n'ayant pas toujours été remplies, ce corps n'eut guère plus de consistance que celui de M. Marey. En général, M. Clauzel concevait très bien les choses ; il ne péchait que dans les moyens d'exécution, dont il ne s'occupait pas assez.

          Destitution d'Hamdan. - Le colonel Mendiri, agha.

          Le général en chef ayant renoncé à l'occupation de Blida, voulut cependant que cette ville eût un gouverneur nommé par l'autorité française; il éleva à ce poste le marabout Ben-Yousouf, de Miliana, et lui donna, avec le titre de khalifa, non-seulement le gouvernement de la ville, mais encore celui des tribus des environs. Comme ces tribus n'étaient pas désignées nominativement, et que, d'ailleurs, d'après les habitudes administratives du pays, les habitants des campagnes sont peu disposés à reconnaître l'autorité des gouverneurs des villes, il dut en résulter, et il en résulta en effet des conflits entre le nouveau khalifa et les cheiks des tribus.
          Les fugitifs de Blida, voyant qu'une espèce d'autorité y était rétablie, avaient peu à peu regagné leurs demeures; dès le mois de janvier, cette ville se trouva à peu près repeuplée; mais au mois de février, les habitants s'aperçurent que leur khalifa, qui se conduisait assez mal avec eux, les compromettait, en outre, avec les tribus voisines, par ses prétentions de commandement; ils le chassèrent et écrivirent au général en chef pour en demander un autre. M. Clauzel, qui, dans ce moment, n'était pas en position de rien entreprendre, ferma les yeux sur ce que la conduite des gens de Blida avait d'irrégulier, et il leur donna un autre gouverneur, qui fut Mohammed-ben-Cherguy.
          La charge d'agha avait été supprimée dans les premiers jours de janvier. Après l'expédition de Médéa, Hamdan, voulant faire cesser les sarcasmes que lui attiraient de nombreuses preuves de faiblesse qu'il avait données dans la campagne, avait demandé et obtenu la permission d'aller courir le pays avec ses cavaliers. Dans cette excursion, il échangea, avec qu'il dit, quelques coups de fusil avec les bandes d'insurgés qui se montraient dans la plaine, et il envoya de Blida, au général en chef, une tête, qu'il prétendit être celle d'un Arabe qui avait pris une part active au massacre des cinquante canonniers; mais je puis assurer que c'était celle du mouezin de Blida, qui avait contribué, ainsi que nous l'avons vu plus haut, à la défaite des Kbaïles, dans l'attaque de Ben-Zamoun. Cet homme, en donnant le faux avis qui sauva peut-être la garnison française, n'avait sans doute d'autre but que d'éloigner de ses foyers le théâtre de la guerre; mais cette action dut le signaler à l'opinion publique comme ami des Français. Ce fut pour établir son autorité aux dépens de la nôtre qu'Hamdan le sacrifia. Il le fit avec tant d'habileté, que les Français crurent avoir la tète d'un de leurs ennemis les plus acharnés. Ce ne fut point cet acte de perfidie, longtemps ignoré, qui perdit l'agha : on lui reprocha quelques concussions commises dans le cours de son voyage, et qui, pour la plupart, se bornaient à des réquisitions de vivres autorisées par l'usage ; mais comme le général en chef en était las, il saisit cette occasion de s'en débarrasser. La place d'agha fut supprimée le 7 janvier. Le général en chef, craignant qu'Hamdan ne se livrât, après sa disgrâce, à quelques intrigues dangereuses, le força de s'éloigner d'Alger et de se rendre en France, où il passa quelques années et où il se maria.

          Le général Clauzel exila aussi Mohammed-ben-Anabi, muphti hanephy d'Alger, qui lui était signalé comme un homme à craindre, et qui s'était imprudemment vanté d'exercer sur les Arabes une influence qu'il était peut-être bien loin d'avoir. Il conçut aussi le projet d'envoyer en France les fils des meilleures familles maures, dans le double but de leur procurer une éducation européenne et d'avoir des otages; mais ayant rencontré une répugnance très marquée de la part des habitants, il y renonça. Les membres de la municipalité maure mirent encore cette circonstance à profit pour extorquer de l'argent à plusieurs familles, qu'ils promirent d'exempter d'une mesure qui ne reçut pas même un commencent d'exécution. Hamdan-ben-Otman-Khodja, qui a publié contre le général Clauzel un libelle diffamatoire, fut accusé par la rumeur publique d'avoir arraché de cette manière une somme considérable à la veuve du célèbre Yahia agha.

          Traités avec Tunis au sujet de la province de Constantine et de celle d'Oran.

          Cependant le général Clauzel roulait depuis longtemps dans sa tête un projet dont l'exécution devait nous permettre de concentrer tous nos efforts et tous nos sacrifices sur la province d'Alger, tout en établissant notre suzeraineté sur les autres parties de la Régence. II consistait à céder à des princes de la famille régnante de Tunis les deux beylicks de Constantine et d'Oran, moyennant une reconnaissance de vasselage et un tribut annuel garanti par le bey de Tunis. Des ambassadeurs de ce prince étaient à Alger depuis quelque temps pour traiter cette affaire. Le 13 décembre, Hadji-Ahmed, bey de Constantine, fut officiellement destitué de ses fonctions, et le lendemain parut un arrêté qui nommait à sa place Sidi-Mustapha, frère du bey de Tunis. D'après une convention passée le 18 du même mois, le nouveau bey s'engagea, sous la caution de son frère, à payer à la France un million de francs par an, comme contribution de sa province; mais il n'était pas dit par quels moyens il se mettrait en possession de son gouvernement. Il parait que ce devait être par ses seules forces; le général Clauzel envoya seulement à Tunis quelques officiers français pour organiser, à peu près à l'européenne, les troupes qui devaient marcher sur Constantine.
          Une convention semblable fut passée dans les premiers jours de février pour le beylick d'Oran, qui fut cédé à Sidi-Ahmed, autre prince de la maison de Tunis, également pour une somme annuelle d'un million de francs. Ce dernier pouvait au moins entrer sur-le-champ en jouissance de sa capitale, car la ville d'Oran était en notre pouvoir.
          L'empereur du Maroc, Abderraman, ayant cherché à s'emparer de Tlemcen, le général en chef, dans la crainte que toute la province ne tombât entre les mains de ce voisin puissant, avait résolu d'y envoyer quelques troupes à l'époque de la campagne de Médéa. Le général Damrémont fut chargé de cette expédition. Il partit d'Alger avec le 20° de ligne, le 11 décembre, et arriva le 15 du même mois en rade d'Oran. Il fit occuper, le 14, le fort de Mers-el-Kbir, et, quelques jours après, le fort Saint-Grégoire. Il resta ensuite, pendant un mois, dans la plus complète inaction. On lui avait envoyé d'Alger un bataillon du 17° ligne, mais, ne pensant pas que ce renfort fût nécessaire, il le renvoya en France.

          Quelques officiers ont eu de la peine à s'expliquer pourquoi le général Damrémont ne fit pas occuper Oran aussitôt après son arrivée : ils n'ont pas réfléchi, sans doute, que rien n'était encore décidé à cette époque sur le sort de cette ville; que le nouveau bey n'était pas encore nommé, et que les instructions données par le général en chef prescrivaient d'agir avec prudence et circonspection, afin de ne pas être forcé de préluder par des actes de rigueur à l'installation du nouveau gouvernement qu'on destinait à la province. Ensuite, on n'avait d'autre but, en paraissant dans ces parages avant que les négociations avec Tunis fussent arrivées à leur terme, que d'appuyer par la présence de nos troupes les sommations faites à l'empereur du Maroc pour l'évacuation de la province d'Oran. Voilà sans doute pourquoi le général Damrémont n'occupa que le 4 janvier la ville d'Oran ; il prit toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'effusion du sang, cependant, entre le fort Saint-Grégoire et la ville, il rencontra quelques Arabes avec qui il eut un engagement de peu d'importance.
          Le vieux bey d'Oran, débarrassé enfin d'une position qui lui pesait depuis longtemps, s'embarqua, peu de jours après l'occupation de la ville par les Français, sur un navire qui le conduisit à Alger. Il y resta jusqu'au départ du général Clauzel, après quoi il se retira à Alexandrie et de là à La Mecque, où il est mort.
          Peu de jours après l'arrivée d'Hassan-Bey à Alger, on vit débarquer dans cette ville environ deux cents Tunisiens destinés à former la garde du nouveau bey d'Oran, qui ne fut officiellement nommé que le 5 février; ils étaient commandés par le khalifa ou lieutenant de ce prince. Cet officier, après avoir terminé à Alger les affaires de son maître, se rembarqua avec sa petite troupe, et alla prendre possession d'Oran. Le général Damrémont, après avoir procédé à son installation, lui laissa le 21° de ligne, commandé par le colonel Lefol, et quitta la province où sa mission était terminée.

          Pendant que ce général était à Oran, le colonel d'état-major Auvray fut envoyé vers l'empereur du Maroc, pour sommer ce prince de respecter le territoire algérien comme étant une dépendance de la France. M. Auvray ne dépassa pas Tanger, où il fut retenu par le gouverneur de la province ; cependant la cour de Maroc promit d'évacuer la province d'Oran et de ne plus se mêler des affaires de la Régence; mais nous verrons plus tard que cet engagement ne fut pas respecté.
          Le lieutenant du nouveau bey d'Oran ne trouva pas cette ville dans un état aussi satisfaisant qu'il l'avait espéré ; la plupart des habitants l'avaient abandonnée, et les Arabes de la province étaient loin d'être soumis. Il parait que le général Clauzel avait dissimulé au Tunisien le véritable état des choses, car celui-ci se plaignit d'avoir été trompé. Il avait surtout compté sur des magasins bien pourvus, taudis que ceux qui lui furent livrés étaient vides. Les rapports qu'il envoya à Tunis n'étaient pas de nature à rendre le prince Ahmed très désireux de faire connaissance avec sa province : aussi n'y parut-t-il jamais. Cependant un peu de calme s'y rétablit peu à peu. Quelques habitants d'Oran rentrèrent en ville, et quelques tribus arabes firent leur soumission. II est à présumer que, si l'on avait pris les mesures convenables, on serait parvenu à faire reconnaître partout l'autorité du nouveau bey; mais le Gouvernement français ne paraissant pas disposé à ratifier les traités de M. Clauzel avec Tunis, ce général ne s'occupa plus de cette affaire, qu'il désespérait de pouvoir mener à bien. Cependant ces traités forment la partie la moins attaquable de l'administration du général Clauzel : ils étaient même si avantageux sous le rapport financier, qu'il était douteux que les clauses pussent en être exactement observées dans les premières années ; mais, quand même la France aurait été obligée de faire des remises à ses deux beys, dans les premiers temps de leur administration, elle aurait encore gagné au marché tout ce qu'elle a perdu pour ces établissements de Bône, d'Oran, de Bougie, d'Arzew et de Mostaganem. Sous le rapport politique, les arrangements pris par le général Clauzel n'étaient pas moins sages. Ils nous permettaient d'opérer directement sur le sens de la Régence avec tous nos moyens d'action, d'y établir un foyer de puissance et de civilisation, qui devait nécessairement réagir sur les extrémités, qu'un état de vasselage allait disposer à celui de sujétion, ou, si l'on veut, de fusion avec la race conquérante.

          La vanité blessée de M. Sébastiani fut la seule cause de la non-ratification des traités. II était alors ministre des affaires étrangères, et il trouva très mauvais que celle-ci eût été conclue sans sa participation. Il ne le cacha pas au général Clauzel, qui répondit avec raison qu'il ne s'agissait dans tout cela que de deux nominations de bey dans les provinces acquises en droit à la France, ce qui n'était pas du tout du ressort du ministre des affaires étrangères ; qu'il avait accepté pour l'exécution des clauses financières la caution du bey de Tunis, mais qu'en cela encore il n'était pas sorti de son rôle de général en chef de l'armée d'Afrique. Malgré l'évidence de ce raisonnement, le Gouvernement n'en persista pas moins à regarder comme non avenus les traités Clauzel. Cependant, comme ils étaient d'une utilité palpable il fut question pendant quelques temps de les reprendre en sous oeuvre, mais on finit par les abandonner tout à fait. C'est ainsi qu'une susceptibilité d'attributions rompit un plan habilement conçu, et qui eût produit d'heureux résultats, s'il eût été bien exécuté.

          Evacuation de Médéa.

          Pendant que les événements dont nous venons de rendre compte se succédaient à Oran, le général Clauzel se voyait forcé d'abandonner Médéa, par suite de la réduction de l'armée d'Afrique. La garnison de cette ville n'avait pu ou n'avait su s'y créer aucune ressource, et il devenait impossible de la ravitailler. Ben-Omar était un homme peu capable, surtout peu entreprenant, qui ne sut rien organiser. Le général Clauzel lui avait prescrit de ne rien changer à l'administration existante, d'agir dans les premiers moments comme un véritable bey turc, mais il laissa tout se désorganiser; il ne songea pas même à rallier à lui les Abid et les Douairs, qui auraient pu lui être d'un si grand secours, et que leur habitude de soutenir le pouvoir devait rendre accessibles à ses offres. Toute sa sollicitude administrative se réduisait à exercer dans l'intérieur de la ville quelques actes de basse juridiction, et à percevoir des amendes. Le général Danlion était hors d'état de le guider; c'était un homme très capable de maintenir la discipline parmi ses troupes et de prendre quelques vulgaires mesures de conservation, mais il ne fallait rien lui demander de plus (2).
          Comme le général Danlion n'était pas sûr de pouvoir traverser l'Atlas avec sa brigade, le général Clauzel envoya au devant de lui, jusqu'au Ténia, la brigade Achard, qui le ramena à Alger, où il rentra le 4 janvier. Ben-Omar, qui sentait son impuissance, avait d'abord voulu quitter Médéa avec lui ; mais les habitants de cette ville, craignant de tomber dans l'anarchie, firent tant par leurs instances qu'ils le retinrent parmi eux.

          Par suite de l'évacuation de Médéa, les affaires de la province d'Alger se trouvèrent ramenées à peu près au même point où le général Clauzel les avait prises : nous avions des postes avancés à la Ferme-Modèle et à la Maison-Carrée, au lieu d'être resserrés entre la Vigie et Mustapha-Pacha. Mais c'était toute l'amélioration obtenue au delà de ces avant-postes, notre autorité était tout aussi méconnue que dans le temps de M. de Bourmont. Quelques hommes d'ordre et de paix se ralliaient seuls à nos caïds, par ces habitudes de soumission au pouvoir si naturelles aux gens paisibles; mais, comme ces mêmes hommes ne sont malheureusement pas les plus énergiques, l'autorité n'avait en eux qu'un bien faible appui. Les masses se livraient avec délice à la joie insensée d'être délivrées de tout frein, même de celui des lois conservatrices de toute société; mais bientôt leurs propres excès retombèrent sur elles-mêmes, et, par une juste et rationnelle réaction, elles éprouvèrent à leur tour le besoin d'être gouvernées. Peu de personnes ont voulu observer cette marche des idées parmi les Arabes : elle devait cependant rendre bien plus facile la tâche de ceux qui ont exercé le pouvoir à Alger.
          Au moment où M. le général Clauzel avait le moins d'action sur les Arabes, il fit paraître un arrêté qui supprimait tous les droits que les beys et les caïds avaient coutume de percevoir pour leur compte dans certaines circonstances, et qui leur allouait en échange un traitement annuel. Cet arrêté, qui est du 18 février, conservait cependant ceux de ces droits qui, par leur périodicité, pouvaient être considérés comme des impôts; mais il réglait qu'ils seraient perçus pour le compte du Gouvernement.
          Ce fut à peu près à la même époque que le général Clauzel rétablit la charge d'agha dans la personne de M. Mendiri, chef d'escadron de gendarmerie et grand prévôt de l'armée. On attacha à son service douze cavaliers indigènes, sous le nom de guides. Le grand prévôt Mendiri ne fut jamais agha que de nom.

          Départ du général Clauzel.

          Pendant que tout ceci se passait à Alger, le Gouvernement s'occupait de trouver un successeur à M. Clauzel, à qui il reprochait des manières d'agir trop indépendantes. On fit choix du général Berthezène. Ce nouveau général ne devait avoir que le titre modeste de commandant de la division d'occupation d'Afrique. Il arriva à Alger le 20 février; le général Clauzel en partit le lendemain, après avoir annoncé par la voie de l'ordre du jour que l'armée d'Afrique cessait d'exister sous cette dénomination, et qu'elle devait prendre celle de division d'occupation.
          M. le général Clauzel, quels que soient les torts qu'on lui ait reprochés, laissa beaucoup de regrets en Algérie ; il désirait le bien du pays et croyait en son avenir. L'armée, qu'il commença par calomnier, mais à qui il rendit justice ensuite, trouva en lui un zélé défenseur. Il prit l'initiative des récompenses qu'elle avait méritées, et, lorsque le ministre de la guerre voulut attaquer la validité de ses nominations, il soutint avec une noble fermeté les droits acquis par un des plus beaux faits d'armes de l'époque. La population européenne qui commençait à s'agglomérer à Alger eut en M. Clauzel un homme qui comprit en grande partie ses besoins et qui évita de l'humilier en pure perte, comme on l'a fait trop souvent depuis.

          Etat de la colonie au départ du général Clauzel.

          Cette population s'élevait, au moment du départ du général Clauzel, à 5,000 individus de tout sexe et de toutes nations, qui, poussés par le besoin d'augmenter leur bien-être ou d'échapper à de fâcheux souvenirs, s'étaient rués sur l'Afrique. Mais est-ce avec des hommes à position toute faite que l'on peut espérer de peupler une colonie? Parmi ces individus, beaucoup se livraient au commerce, très peu à l'agriculture ; la Ferme-Modèle et deux ou trois cultures particulières étaient alors à peu près les seuls établissements agricoles français. En revanche, il s'élevait de toutes parts des maisons de commerce et des magasins ; on trouvait à Alger, dès le mois de janvier 1831, à satisfaire à peu près tous les besoins de la vie européenne.

          1) Le général en chef avait auprès de lui un autre marabout, appelé Ahmed-ben-Ahmed, de la célèbre famille des Beni-Youcef de Miliana, lequel s'était depuis quelque temps attaché à notre cause, et qui nous donna d'assez bons renseignements sur le pays. Les marabouts, dont il sera bien souvent question dans cet ouvrage, ne sont pas les prêtres, comme quelques personnes l'ont cru. Ils peuvent, sans doute, comme tout musulman, exercer des fonctions du culte, mais ces fonctions ne sont pas inhérentes à leurs titres de marabout. Cette expression veut dire attaché, lié. Les marabouts sont donc des hommes qui se lient à Dieu, à la religion, par une piété exemplaire. Ce sont des saints vivants. Leur influence sur les Arabes est immense. Le titre de marabout est héréditaire, mais l'influence se perd, ceux à qui il est transmis ne s'en rendent pas dignes par une continuation de piété et de bonnes oeuvres.
          2) Le fait suivant donnera une idée assez exacte du général Danlion. Une tribu arabe, après avoir reçu un cheik de la main de Ben-Omar, le chassa ignominieusement et se mit en état de rébellion contre le bey. Le général Danlion partit de Médéa avec une partie de son monde pour aller châtier cette tribu; mais s'étant aperçu qu'elle demeurait un peu loin, et qu'il serait fatigant d'aller jusqu'à elle, il se mit à brûler les cabanes et à enlever les troupeaux d'une tribu voisine, pensant que l'effet serait le même.
A SUIVRE


PHOTOS
Anciennes de BÔNE
Envoyé par M. Cataldo


Plage Saint-Cloud
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BULLETIN        N°14
DE L'ACADÉMIE D'HIPPONE

SOCIÉTÉ DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES
ET D'ACCLIMATATION


RECHERCHE SUR LA
GEOGRAPHIE DE LA TUNISIE ANCIENNE
2ème Partie
Par M. SAINTE-MARIE

          Pline indique entre la Cyrénaïque et la Mauritanie huit colonies romaines, y compris Uthina (Oudia) et Tuburbo (Toubourba) ; un oppidium latinum, Uzalitanum ; un oppidium stipendiarum, Castra Cornelia (Henchir-bou-Farès) ; quinze oppida civium romanorum : Azuritanum, Abutucense, Canopicum, Chilmanense, Simittense, Thunusidense, Tubumicense, Tynidrumense, Tibigigense, Ucitana duo (majus et magnus), Nagense; trente oppida litera : Acolytanum, Acharitanum, Avidense, Abziritanum, Canopitanum, Melzetonum, Materense, Salaphitanum, Tysdritanum, Thiphicense, Cuniceuse, Thendense, Tagatense, Tigense, Ullusubritanum, Vagense, Vicense, Zamense.
          Appien signale, dans son récit des guerres puniques, nombre de villes de la Byzacène et de la Zeugitane dont on ne connaît plus l'emplacement, même approximativement ce sont : Anda, Cilla, Marthama, Narce, Croscopa, Tholentis, etc., etc.
          Les voies romaines de la Tunisie ancienne partaient toutes de Carthage ; elles peuvent se diviser en trois classes :
          - Routes de la côte ;
          - Routes intérieures parallèles à la côte ;
          - Voies transversales.


          1° De Carthage aux Autels des frères Philènes.
Carthago,
Maxula Prates,
Maxula Colonia,
Pudput,
Horrea Coeli,
Hadrumetum,
Leptis minus,
Thysdrus,
Usilla,
Thenae,
Macomades Minores,
Tacape Colonia,
Gittis,
Sabrata.
Santbarta,
Leptis magna,
Aræ Philenorum.
Carthage.
Rhadès.
Hammam-el-Lif.
Hamamat.
Hercla.
Sousse.
Lemta.
EL-Djem.
Henchir-Metulla.
Henchir-Thiné.
?...
Gabès.
Bou-Grara.
?..
Tripoli vieux.
Lebida.
?..

          2° De Carthage à Cirta par Tabarque.
Carthago,
Lokha,
Utica,
Hippo Zaritos,
Tabraca,
Carthage.
El-0ukha.
Sidi-bou-Chateur
Bizerte.
Tabarque.

          A Bizerte, on m'a signalé l'inscription milliaire suivante :
IMP. CAES.
M. AVRELIVS ANTONINVS
PIVS. FELIX AVG.
PARTHICVS MAX.
BRITANICVS MAX.
TRIB. POT. XVIIII
COS. IIII P. P.
RESTITVIT

          3° Carthage Cirta.
          Une voie parallèle à la précédente partait également de Carthage et atteignait Cirta: en passant par Tuburbominus (Toubourba), très probablement par Vaga et par Bulla Regia.

          4° Carthage Cirta.
          Une autre voie, parallèle aux deux précédentes, mais plus inclinée à l'ouest, rejoignait Cirta par Bissica Lucana, Tibursicumbuæ (Teboursouk), Tugga, Musli et Sicca Veneria. A Tibursicumburæ, M. Peillisier (p. 351, la Régence de Tunis), a relevé une inscription milliaire.
IMP. CAES.
CIVLIVS VERVS MA
XIMINVS PIYS FEL.
AVG. GERM. MAX.
SARM. MAX. DACI
CVS MAX. PONTIF.
MAX. T. P. III IMP.
CILIVS VERVS MAXI
MVS NOBILISSIMVS CAES. P.
INVENTVTIS GERM
SARM MAX DACICVS
VIAM A KARTHAG.

          A une heure de Musli, localité très importante jadis, à cause de l'entrecroisement des voies qui s'y réunissaient, M. V. Guérin a relevé quatre colonnes milliaires. Une seule mérite d'être citée :
IMP. CAES. IVLIVS
PIISSIMUS
CAES. PRINCIPE INVE
NTVT GERM. MAX.
SARMAT. MAX. DACIC.
MAX. VIAM A KARTHAG.
VSQVE AD FINES NVMI
DIAE PROVING. LONGA
INCVRIA CORRVPTAM
ATQVEDILAPSAM RESTI
TVERVNT L XXX VI

          Ces différentes bornes, dit M. Guérin, se trouvent à une faible distance au sud du marabout Sidi Abou Atclah, en face des ruines de Kern-el-Kebeh.

          5° De Carthage à Theveste (Tébessa, en Algérie).
Catthago,
Musai,
Lares,
Ad Medera,
Theveste,

Carthage.
H. Mest.
H. Lorbess.
H. Haïdra.
Tébessa.

          Cette route passait très probablement par Bissica Lucana ; elle n'est pas indiquée sur la table de Peutinger. M. Berbrugger a trouvé dans une mosquée de Testour (Bissica Lucana) une borne milliaire très fragmentaire donnant le nombre LXIX.
          Sir Grenville Temple (t. II, p. 308, n° 19), a relevé à Testour une borne milliaire dont le texte est complet :
IMP. CABS. M. AVRELIVS ANTONINVS
PIVS AVG. PART
HICVS MAXIM
VS BRITANICVS
MAXIMVS GER
MANICVS MA
XIMVS TRIB
ICIAE POT.XIX
COS. IIII P. P. RESTITVIT
LXXI

          Il y a donc une différence de deux milles entre les deux inscriptions trouvées au même endroit : la chaussée, réparée, aura été aisément allongée par un détour quelconque.
          6° De Carthage à Thenæ.
Carthago,
Musti,
Assuras,
Tucca Terebentina
Suse,
Suffetula,
Autenthum,
Thenæ
Carthage.
H. Mest.
H. Zanfour.
Dougga.
Esbibat.
Sbitla.
?…
H. Thiné.

          7° De Tacape à Theveste.
Tacape Colonia,
Suffetula,
Cillium,
Ad Medéra,
Theveste,
Gabès.
Sbitla.
Ksour.
H. Haïdra.
Tebessa.

          On pouvait aussi passer par Tucca Terebentina et Assuras.
          Il y avait également entre Tacape et Theveste une voie passant par Telepte Medina-el-Kedma).
          Voici un troisième itinéraire de Tacape à Theveste :
Tacape Colonia,
Aquæ Tacapinæ,
Capsa,
Telepte,
Theveste,
Gabès.
El-kassr.
Gafsa.
Medinat-el-Kedima.
Tébessa.

          Au XVIII° siècle, Shaw a signalé à Gafsa une inscription relevée, en 1862, par M. Guérin :
JMP. CAES.
M. AVRELIVS
ANTONINVS
PIVS AVGVSTVS
PART. MAX.
BRIT. MAX. GERM.
MAX. TRIB. POT.
XVIII CONS.
RESTITVIT

          8° De Thysdrus à Theveste.
Thysdrus,
Suffetula,
Cillium,
Theveste,
El-Djem.
Sbitla.
Ksour.
Tébessa.

          9° De Thysdrus à Theveste.
Thysdrus,
Aqum Regiæ,
Zama Regia,
Assuras,
Ad Medera,
Theveste,
El-Djem.
Aïn-Beïda.
Zouarim.
H. Zanfour.
H. Haïdra.
Tébessa.

          Zama Regia, aujourd'hui Zouarim, est située à environ 150 kilomètres au sud-ouest de Carthage, près d'un petit affluent du Bagrada Scipion, en 202 avant J-C., y battit Annibal. Zama repoussa en 109, les attaques de Metellus ; elle fut détruite en 46 par les Romains, après la défaite de Juba 1er.

          10° De Thysdrus à Carthage.
Thysdrus,
Aquæ Regiæ,
Zama Regia,
Assuras,
Musti,
Carthago,
El-Djem.
Aïn-Beïda
Zouarim.
H. Zanfour..,
H. Mest.
Carthage.

          11° De Hadrumète à Musti.
Hadrumetum,
Aquæ Regiæ,
Zama Regia,
Assuras,
Musti,
Soussa.
Aïn-Beïda.
Zouarim.
H. Zanfour.
H. Mest.

          De là, la route conduisait soit à Sicca Veneria, soit à Carthage.

          12° De Hadrumète à Theveste.
Hadrumetum,
Aquæ Regiæ,
Cillium,
Theveste,
Soussa.
Aïn-Beida.
Ksour.
Tébessa.

          13° De Hadrumète à Theveste.
Hadrumetum,
Aquæ Regiæ,
Zama,
Assuras,
Ad Medera,
Theveste,
Soussa.
Ain-Beida.
?…
H. Zanfour..
H. Haïdra.
Tébessa.

          14° De Tacape à Carthage.
Tacape Colonia,
Suifetula,
Suffes,
Tucca Terebentina,
Assuras,
Musti
Carthago,
Gabès.
Sbitla.
Esbibat.
Dougga..
H. Zanfour.
H. Mest.
Carthage.

          15° De Tacape à Leptis magna
Tacape,
Aqua Tacapina,
Turris Tamallum,
A l'intérieur : Leptis Magna,
Gabès.
El-Kassr.
Talamen.
Lebida.

          16° De Thenæ à Theveste.
Thenæ,
Antentum,
Suffetula,
Cillium,
Theveste,
H. Thiné.
?...
Sbitla.
Ksour.
Tébessa.

          A Kassrin (Cillium), il y avait, il y a vingt cinq ans, et il y a encore, l'inscription suivante :
COLONIAE CILITANAE
Q. MANLIVS FELIX C. FILIVS PAPÎRIA etc.

          17° De Tacape à Musti.
Tacape,
Suffetula,
Suffes,
Assuras,
Musti,
Gabès.
Sbitla.
Esbibat.
Zanfour.
H. Mest.

          Cette voie conduisait par Musti à Cirta; à Bulla Regia, aux deux Hippone et à Carthage.
          Je ne multiplierai pas les détails de ces routes nombreuses qui couvraient autrefois la Tunisie d'un réseau serré ; je préfère renvoyer le lecteur â la carte ci-jointe, dressée d'après les indications contenues dans cette notice.
          Bien peu d'inscriptions peuvent aujourd'hui nous fixer sur les stations, les distances, etc., et en général sur les voies romaines de la Byzacène, de la Zeugitane et d'une partie de la Numidie. II existe à Tunis, dans le quartier juif, une inscription milliaire servant de montant à une porte de medresse musulmane. Le texte, interprété en 1842 par M. Letronne, a été publié de nouveau en 1862 par M. Victor Guérin :
IMP. CEAS. IVLIVS
VERVS MAXIMINVS PIVS
FELIX AVG. GERM. MAX. SAR
MAT. MAX. DACICVS MAX. PONT
MAX. TRIB. POTEST. III IMP. V
CILIVS VERVS MAXIMVS
NOBILISSIMVS CAES. PRINCEPS
IVVENTVTIS GERM. MAX. SAR
MAT. MAX. DACICVS MAX.
VIAM A KARTHAGINE VS
OVE AD FINES NVMIDIAE
P….. LONGA INCVRIAE
. D... ADQVE
RESTITVERVNT L XX

          Il existe à Tunis une seconde inscription milliaire dans une maison sise contre le marché aux poissons et en face de l'hôtel Bertrand. Le propriétaire n'a pas voulu me la laisser copier.
          Parmi les auteurs modernes qui ont écrit sur la Tunisie ancienne et principalement sur les voies romaines de cette contrée, je citerai M. N. Davis, M. Guérin, M. d'Avezac et M. Pelissier.
          M. N. Davis a publié, en 1862, à Londres, un livre intitulé : Ruined cities within Numidian and Carthaginian territories, en tête duquel figure une carte ancienne très erronée. Par exemple, Hadrumète y est assimilé à Hamamat et Ruspina à Soussa ; le texte renferme très peu de renseignements utiles ; l'anecdote et le récit humoristique y remplacent les descriptions. En outre, les incorrections de noms et les discordances y fourmillent. Seule, la description de Sbitla contient sept ou huit pages; celle des autres cités antiques est aussi écourtée que possible.

          M. Guérin, auteur d'un Voyage archéologique en Tunisie (1862), a, au contraire, fait oeuvre de science et de patientes recherches ; sa carte bonne ; les 536 inscriptions qu'il a publiées dans ce livre sont relevées avec soin.

          M. d'Avezac, membre de l'Institut, a décrit avec autorité l'Afrique ancienne dans la collection Didot; cet ouvrage est utile à consulter pour les voies romaines.

          Enfin, M. Tissot, ministre de France à Athènes, a écrit, notamment sur la route de Theveste à Carthage,. une notice intéressante (voir le Recueil de la Société algérienne).

          L'itinéraire de Peutinger et le routier d'Antonin sont bien difficiles à comparer avec une carte de la Tunisie moderne ; cette comparaison, relativement aisée pour le contour des côtes, devient impossible si l'on veut continuer le même travail pour l'intérieur.

          La grande voie du littoral, telle que l'indique Peutinger, pourrait être rétablie ainsi :
Hippo Regius,
Tuniza,
Ad Aquas,
Sunitu Colonia,
Tabraca,
Hippo Zaritos,
Tunisa,
Memblone,
Utica Colonia,
Gallum Gallinatium,
Carthago,
Maxula Prates,
Maxula Colonia,
Ad Aquas,
Vina Vicus,
Siagu,
Pudput,
Horrea Cæli,
Bône.
La Calle.
?
?
Tabarque.
Bizerte
?
?
Sidi-bou-Chateur.
?
Carthage.
Rhadès.
Soliman.
Hammam-el-Lif.
?
?
Hamanat.
Hercla.

          Soussa est placé à tort dans l'intérieur sous le nom d'Hadrite.
Orbita,
Ruspina,
Leptis Parva,
Thapsus,
Syllectum,
Acholla,
Ruspa,
Usilla,
Municipium faphrura
Macomades Minores,
Ad Oleastrum,
Presidio Silvani,
Lacene,
Ad Palmam,
Tacape Colonia,
Ziza municipium,
Puteo Pallene,
Presidio,
Ad Cypsaria Taberna,
Ad Ammonem,
Sabrata,
Pontus,
Assaria,
Osa Colonia,
?
?
?
?
?
?
?
?
Sfax
?
?
?
?
?
Gabès
?
?
?
?
?
?
?
?
?
Turris ad Algam,
Getullu,
Quintiliana,
Ad Palmam,
Leptis Magna,
Sugolin,
Nivirgitab,
Simnana,
Tubactis municipium,
Casa Rimoniana,
Ad Cisternas,
Nalactus,
Vissio Apia Amara,
Ad Ficum,
Pretorium,
Putea Ingenta,
Macomaduselon Zure,
Aulazon,
Ad Turrem,
Presidio Tursis et Taberna,
Tagulis,
Arae Philenorum,
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?
?

          Ptolémée nous a laissé une nomenclature des peuples africains vivant sous la domination romaine au IIe siècle après J.-C.
          " Les habitants des parties occidentales de l'Afrique propre jusqu'à la mer sont les Cirtésiens (habitants de Cirta, Constantine, en Algérie) et les Nabathes (entre Constantine, Bône et La Calle) ; après eux, vers l'est, les Zoutiens, contre la Numidie ou Nouvelle-Province jusqu'à Tabarca (contre la frontière tuniso-algérienne moderne) ; puis les Midènes, occupant l'espace compris entre Tabarque et Bizerte, et, contre les Carthaginois, les Liby-Phéniciens, mélange de Gétules, de Maures, de Libyens et de Phéniciens ; ensuite, jusqu'à la petite Syrte, c'est à dire le long de la côte de Pudput Horrea Coeli et à Tacape, les Makhynes, et, au dessous d'eux les Kinithiens, les Migitimes et les Lotophages. "

          Dans l'intérieur de l'Afrique, les Romains plaçaient les Garamantes, à l'est, et les Gélules, à l'ouest.
          En 435, l'empire romain céda, par le traité d'Hippone, une partie de l'Afrique aux Vandales. Ils occupèrent notamment presque tout le territoire dominé par les Carthaginois durant leur splendeur quatre ans plus tard (439), ils établirent le siège de leur gouvernement à Carthage ; le traité de 442 laissa à Genséric la Zeugitane, la Byzacène et une partie de la Numidie, etc.; mais, à la mort de Valentinien (455), les Vandales reprirent le reste de la Numidie et les Mauritanies. A leur tour, les Maures, sans cesse révoltés contre les Vandales, s'emparent peu à peu des Mauritanies, d'une partie de la Numidie de la Byzacène, etc. (484-500).
          Bélisaire, envoyé en Afrique par Justinien, abattit la puissance des Vandales, replaça la Tunisie ancienne sous la domination romaine et la divisa en deux provinces, celle de Carthage et celle de Byzacium. Mais les Maures, aussi impatients du joug romain que de celui des Vandales, se révoltèrent de nouveau. Le gouverneur Salomon et le patrice Germain luttèrent tour à tour avec quelque succès contre les indigènes (539-543), mais ils furent vaincus. Les Maures s'emparèrent d'abord du pays jusqu'au dessous du Kef (Sicca Veneria) puis, Gergius étant gouverneur de Carthage, ils prirent Hadrumète. Ariobrude lutte contre eux ; Artaban leur reprend Carthage et Jean Troglodita les réduit à l'obéissance pendant quelque temps; mais, à leur tour, les Maures le battent de nouveau, et, de nouveau, il les soumet. La domination byzantine luttait constamment contre les indigènes, en 568, Théodore, préfet d'Afrique, est tué par les Maures, en 570, ils assassinent Amabilis, chef de la milice ; Germadius les contient (577-582).
          Le patrice Grégoire, gouverneur de Carthage, s'était depuis peu (648) déclaré indépendant, lorsque les Sarrazins, conduits par Okba et Abd Allah ben Saâd, envahirent le sud de la Tunisie ancienne. C'est la fin du monde romain en Tunisie, c'est le commencement de la domination arabe.

          En 602, Okba occupa la partie de la Byzacène restée jusqu'ici intacte, et il pénétra jusqu'à Kaïracan (Vicus Augusti). En 660, Abd Allah ben Zoheïr prend Hadrumète (Sousse) ; l'année suivante, Abd et Maleck ben Mervan occupe Monastir. En 668, Okba ben Nafé pénètre dans la Zeugitane, arrive jusqu'à Bizerte, qu'il réduit ; en 672, la presqu'île du cap Bon est conquise par Dinar Aboul Mahadjum ; enfin, en 698, Hassan ben El Homan entre triomphalement à Carthage et installe définitivement la domination arabe dans la Tunisie actuelle.
                                                                        SAINTE-MARIE.

HISTOIRE DES ÉTABLISSEMENTS
ET DU COMMERCE FRANÇAIS
DANS L'AFRIQUE BARBARESQUE
                                 (1560-1793)                              (N°10)

(Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc)
PAR Paul MASSON (1903)
Professeur d'Histoire et de Géographie économique
à l'université D'Aix-Marseille.

DEUXIÈME PARTIE
(1635-1690) LE COMMERCE FRANÇAIS ET
LES GUERRES CONTRE LES BARBARESQUES

CHAPITRE VII
LES ÉCHELLES DE BARBARIE (1633-90)

II. - LE MAROC

2) Dernières négociations (1693-1701) ;
ambassade d'Abdalla ben Aycha.


           Si la paix n'avait pu être signée avec le Maroc, en 1693, c'était en grande partie parce que la guerre de la Ligue d'Augsbourg venait de mettre aux prises, pour la première fois, l'Angleterre et la France qui se disputaient la prépondérance à la cour de Fez. La longue rivalité maritime des deux puissances allait avoir une influence très grande, sinon prépondérante, sur leurs relations et sur leur commerce avec le Maroc. Muley Ismaël connaissait la force de leurs marines et ne savait avec laquelle des deux il valait mieux nouer de bonnes relations. Cette première guerre lui offrait une excellente occasion de juger de leurs forces.

           Après la négociation avortée de Saint-Olon, les choses restèrent en suspens jusqu'à la fin de la lutte. Louis XIV avait trop besoin de toutes ses forces, sur mer particulièrement, pour pouvoir renouveler les démonstrations navales sur les côtes du Maroc ; elles avaient d'ailleurs eu peu de succès et Seignelay n'était plus là pour les organiser. Quant à Muley Ismaël, il attendait, pour signer la paix, que le sort des armes eût décidé entre les Anglais et les Français. Comme la marine anglaise semblait devoir devenir prépondérante, l'influence anglaise paraissait aussi l'emporter de plus en plus à la cour de Méquinez. Les intrigues continuaient d'ailleurs à y jouer un grand rôle et avaient une grande influence sur les dispositions de l'empereur. Le juif Maymoran, gagné par le consul Estelle, voyait sa faveur éclipsée par celle de l'amiral Benache, soutien des Anglais. Celui-ci faillit causer la perte d'Estelle en faisant croire à Muley Ismaël que Louis XIV avait des vues sur Tanger, qu'il préparait même dans ce but des armements à Toulon, en 1696, et que son consul n'était qu'un espion. Celui-ci, appelé à Méquinez, aurait peut-être été tué, sans sa ferme attitude et si l'empereur n'avait appris, sur ces entrefaites, la fausseté du bruit relatif aux armements de Toulon(1). Mais l'influence française continua à décliner; en 1697, les marchands de Tétouan et de Salé ne pouvaient " trouver aucune justice auprès du roi de Maroc ni des alcaïdes " et Pontchartrain proposait à la Chambre de Commerce de Marseille de cesser de nouveau tout trafic avec ce pays(2).

           Cependant Louis XIV avait triomphé de la coalition ; l'envoi de l'escadre de Château Renaud devant Salé, en 1698, fit sentir à Muley Ismaël le danger de rester l'ennemi de la France. Château Renaud présenta un projet de traité qui ne fut pas signé(3) ; mais, peu après, le vice-amiral d'Estrées conclut une trêve, le 8 septembre, avec l'amiral Benache, et celui-ci, gagné à l'influence française, se fit envoyer en France comme négociateur de la paix. Pleins pouvoirs furent donnés à Château Renaud et à Saint-Olon, pour traiter avec lui à Brest, mais Benache voulut faire le voyage de la cour pour y présenter les lettres de son maître(4) et y poursuivre sa négociation. Les commissaires royaux désignés par Pontchartrain et Torcy pour conférer avec lui, prirent pour base le traité de 1682. Mais on ne put encore arriver à s'entendre au sujet des esclaves. Dans un projet de traité proposé, le 27 mars, par Dusault, le négociateur si souvent employé avec les Barbaresques, on demandait que l'échange fût fait tête pour tête. Si le nombre des Français excédait celui des Maures, le prix de rachat serait de 150 piastres et pareillement si le nombre des Maures excédait celui des Français. Après de longues discussions à ce sujet, on fit un dernier effort en proposant, le 2 mai, de décider seulement le principe du tête pour tête, avec faculté de part et d'autre de ne pas accepter d'esclaves invalides. " S'il restait des Français au delà de l'échange, les deux empereurs ayant la paix s'en accommoderaient dans la suite comme ils aviseraient bon être(5) ". Cet article était beaucoup plus favorable aux Marocains, assurés de délivrer tous leurs esclaves, tandis que les Français se soumettaient à une nouvelle négociation. Cependant l'ambassadeur ne crut pas devoir l'accepter ; c'est que le chérif avait l'habitude d'imposer des conditions beaucoup plus dures aux Espagnols et aux Anglais pour le rachat de leurs esclaves. D'ailleurs, l'entente n'était pas faite sur tous les autres articles du traité, ainsi au sujet de l'alliance à conclure contre les Algériens, dont il avait été question aussi dans les négociations précédentes.

           Benache repartit donc, à la fin du mois de mai, sans avoir rien signé, mais aussi sans avoir rompu les négociations. On prétexta qu'il n'avait pas les pouvoirs suffisants pour conclure(6). Les ministres espéraient que l'impression produite sur lui, par la cour de Louis XIV, le pousserait à déterminer son maître à céder. C'est ce que laisse voir la lettre que lui adressait Torcy à son départ :

           " J'aurais souhaité pour votre gloire et pour votre satisfaction que les ordres, que vous aviez, vous eussent laissé plus de liberté, vous auriez remporté une heureuse paix dans votre patrie et ramené ceux que les malheurs de la guerre et de la servitude ont séparés depuis longtemps de leurs parents... Dieu a remis cette paix à un autre temps. Je souhaite qu'elle soit l'ouvrage de vos mains, que le compte que vous rendrez des forces tic l'empereur mon maître, de sa puissance au-dessus des autres rois, de sa magnanimité... fasse connaître à l'empereur votre maître, que rien est plus à désirer pour lui qu'une parfaite correspondance avec un aussi grand prince que celui que j'ai l'honneur de servir(7). "

           Benache, en effet, avait été tout à fait conquis par la réception magnifique qu'on lui avait faite et par les attentions de toutes sortes dont il avait été l'objet, à la cour et de la part des ministres du roi. Il écrivait en partant, au sujet de Pontchartrain dont il faisait un pompeux éloge : " Je vous jure par le saint nom du grand Dieu que ce seigneur est resté dans le profond de mon coeur aussi doux que du miel très pur(8). "

           Il avait eu personnellement beaucoup de succès et ne pouvait qu'en être flatté. On ne parlait que de sa dignité, de sa piété, de sa générosité, de son esprit. Ses réparties avaient fait le tour de la cour et de la ville et avaient été publiées dans les gazettes. On avait vanté, par dessus tout, la délicatesse de sa galanterie ; il avait été recherché des dames de la cour et même avait ébauché avec l'une d'elles, Mme Le Camus Menneson, un véritable roman(9). Enfin, Benache laissait en France de vrais amis; aussi espérait-on que sa mission, bien que n'ayant pas été couronnée de succès, aurait des résultats féconds(10).

           Mais Pontchartrain et Torcy s'étaient bercés d'un vain espoir sils avaient espéré que l'ambassadeur, grisé par l'accueil reçu à Paris, frappé par la splendeur de la cour et la grandeur du roi, déciderait son maître à céder à leurs exigences.

           Benache, il est vrai, revenu à Mequinez dans l'été de 1699, ne manqua pas de faire à Muley Ismaël un tableau merveilleux de tout ce qui l'avait étonné. Il ne se lassait pas de répéter à son maître, curieux de l'entendre, tout ce qu'on avait pu souhaiter, au sujet de la grandeur du roi. On n'a, pour s'en convaincre, que lire les nombreuses lettres qu'il adressa, dans le courant de 1699 et de 1700, à son correspondant attitré à Paris, le négociant Jourdan, qu'il, connaissait depuis longtemps, dans la maison duquel il avait été reçu sur le pied de l'intimité, et pour lequel il professait une véritable amitié(11). C'est souvent par l'intermédiaire de Jourdan que Benache s'adressa aux ministres, après son retour au Maroc.

           Mais Muley Ismaël avait déjà écouté, en 1682, des descriptions des merveilles de la Cour du grand roi, aussi enthousiastes, dans la bouche de son premier ambassadeur, Hadji Tumin, sans se laisser éblouir et sans oublier ses intérêts. Il avait été vexé de l'insuccès de son favori et il faisait sentir son dépit dans cette lettre adressée à Louis XIV, le 23, septembre 1699, où il se montrait disposé cependant à continuer les négociations :

           " Bin Aycha est revenu. Nous avons reçu ses excuses sur le long séjour qu il a fait chez vous sans y avoir avancé aucune chose utile.
           Puis, vous nous avez écrit, nuis nous n'avons point vu dans vos lettres aucune chose qui puisse faire plaisir à homme de bon sens, d'autant plus que dans les lettres des rois il ne doit y avoir que des discours véritables, sans altération de la vérité... car vous avez dit, à son sujet, qu'il est allée vous trouver avec notre noble lettre, mais qui il n avait pas de pleins pouvoirs et, ainsi, vous nous le renvoyez sans rien avancer, annulant ce dont il était convenu avec le capitaine de vos vaisseaux, que vous avez désavoué dans ce que vous lui avez envoyé de la part de d'Estrées, dans le traité... Bin Aycha aurait dû revenir... Car nous n'avons besoin de rien de chez vous, et Dieu ne nous a point mis dans la nécessité d'avoir affaire à vous en aucune manière et c'est Bin Aycha qui en a été cause, en nous demandant la permission d'aller vers vous... Pour ce qui est de nous, nos magasins, qui sont regardés de l'oeil favorable du Seigneur, sont remplis de tous biens ; ils sont, par la grâce de Dieu, munis de trésors, de richesses, d'armes et instruments de guerre sans nombre et sans mesure. La paix ou la guerre avec vous ne nous importe aucunement ; mais, d'autant que vous avez entré en matière avec notre dit officier, voici que nous l'avons augmenté, par la grâce de Dieu, en honneurs et en pleins pouvoirs, pour contracter avec vous tout ce qu'il jugera à propos, attendu qu'il nous a fait à ce sujet de si fortes instances, que nous avons condescendu à ce qu'il a cru être de l'avantage des Musulmans. "

           Benache avait ressenti lui-même les effets de la mauvaise humeur de son maître et s'en plaignait dans des lettres adressées le même jour à Pontchartrain, à Torcy et à Pétis de la Croix.
           " Il fallait d'abord, lui avait dit l'empereur, reprendre les lettres et le trait pour noliser quelque navire quand il m'aurait coûté un quintal d'or et revenir vers nous sans hésiter ; tu n'aurais pas entendu les menaces qu'ils t'ont faites de venir bloquer nos pays. N'est-ce pas toi qui as braqué cette entreprise d'avoir la paix avec eux et qui m'as demandé permission d'aller à la cour de leur maître, quoique je n'aie aucune affaire avec lui et que Dieu ne m'ait pas mis dans la nécessité d'avoir besoin de lui en aucune manière et que je ne m'en soucie du tout point... "

           Benache parlait de reproches plus forts encore que tout ce qu'il rapportait dans ses lettres, et, quand il avait essayé de faire l'éloge du roi, son maître lui avait dit :
           " Tu fais l'éloge de ce roi après qu'il a désavoué le général de ses vaisseaux et qu'il a dénié le plein pouvoir qui était dans nos lettres ; cela n'est pas la maxime des rois de démentir un ambassadeur au sujet de sa mission, ni de le retenir un long espace de temps pour jeter des paroles de guerre. S'ils avaient eu la moindre étincelle de lumière dans leur coeur; quand tu n'aurais fait que passer par leur pays sans aucun dessein, fusses convenu de quelque chose avec eux et nous l'eusses communiqué ensuite, il n'y a pas un musulman qui n'y eût souscrit et qu'il ne l'eût ratifié d'une joie. "

           Cependant, à travers ces récriminations, on sentait le désir de faire la paix et ces s lettres contenaient des ouvertures nettement formulées pour la reprise des pourparlers. La grandeur de Louis XIV et les récits de l'ambassadeur avaient, en définitive, fait plus d'impression sur l'esprit de Muley Ismaël qu'il ne voulait le laisser paraître.

           Parmi toutes les merveilles qu'on lui avait décrites, il semble que le voluptueux chérif avait été particulièrement frappé de tout ce qu'on lui avait rapporté de la beauté, de la grâce et des charmes singuliers des dames de la cour du grand roi. Déjà, l'ambassadeur de 1681 avait déclaré que son maître l'envoyait en France pour en demander une en mariage. Les portraits enthousiastes de Benache réveillèrent sans doute en lui d'anciens désirs et donnèrent corps aux vagues projets antérieurs qu'il avait pu concevoir. Les louanges hyperboliques que fit le galant ambassadeur de la princesse de Conti, fixèrent son choix. Celle-ci même, fille du roi et de la duchesse de La Vallière, connue d'abord sous le nom de Mlle de Blois, était âgée de 33 ans et veuve du prince de Conti depuis 1685(12).

           Benache fut chargé de sonder le terrain avant de présenter une demande officielle. Outre le contentement d'un désir sénile, le vieil empereur voyait là, sans doute, un moyen de sceller une alliance qu'il avait souvent, sinon continuellement souhaitée, particulièrement contre les Espagnols et les Algériens, ses ennemis traditionnels ; il y trouvait aussi une satisfaction pour son immense orgueil. Thomassy a publié, dès 1845, le texte de la lettre écrite par Benache à Pontchartrain, reproduite dans le Journal manuscrit de M. de Saint-Olon, en ajoutant que " ce texte précieux est la seule preuve positive et officielle qui nous reste de la demande de Muley Ismaël. " En réalité, toute la correspondance échangée à ce sujet se trouve dans le précieux registre, déjà signalé, des anciennes archives de la marine.

           Le 15 novembre 1699, Benache adressait à son correspondant Jourdan la curieuse lettre suivante :
           " Mais écoutez ce que je vais vous dire M. Jourdan, je vous jure par le grand Dieu que, depuis que je suis de retour de France... je n'ai point cessé de parler de l'empereur Louis, de son Conseil.... Je lui ai encore parlé d'une nuit que nous étions en votre pays à Paris, dans le palais de Monsieur, frère de l'empereur, votre maître, où se trouve aussi Mgr le Dauphin, fils du même empereur, en compagnie de la princesse sa soeur de mère, qui est aujourd'hui sans époux, l'ayant perdu par la mort. Je lui ai raconté une parcelle de ses merveilleuses qualités, de sa modestie, de son esprit, de sa civilité et la manière dont elle était cette nuit-là de joie et de plaisir et même celui qu'elle témoigna de nous voir. Ce qu'ayant oui le roi, mon maître, devint pensif et rêveur, et il me dit : Raconte-moi donc. Et je lui disais : Sire, la princesse telle, fille du roi de France, soeur de Mgr le Dauphin, de par ses père et mère, possède telles et telles qualités, la modestie et le respect qu'elle observait envers le prince, son frère, cette nuit-là, l'honnêteté qu'elle nous témoigna et les égards qu'elle eut pour nous avec honneur comme serviteur représentant le roi, notre maître, que Dieu fasse triompher. Ce discours le combla de joie et il me dit: Allons o bin Aychn, lève-toi, tout à l'heure, pars pour aller en France faire la demande de cette princesse, des mérites infinis de laquelle tu me viens de raconter une partie et ne parais plus devant moi que chargé d'une réponse qui me soit agréable ; s'il plaît au Seigneur, je l'épouserai selon la loi de notre Saint-Alcoran et celle de notre saint Prophète Monhhammad al Moustafa. Elle demeurera dans sa religion et dans les maximes et moeurs tic ses prédécesseurs, elle ne trouvera en nous que ce qui lui pourra faire plaisir et tout ce qu'elle désirera. Lorsque j'eus entendu les paroles de la bouche du roi et que j'en eus la confirmation, avec assurance qu'il n'en démorderait qu'en accomplissant la chose, je lui dis :
           Sire, Dieu vous fasse triompher, le temps n'est pas propre à s'embarquer sur la mer, car les vaisseaux français qui étaient devant nos côtes sont retournés en leur port, lorsqu'ils ont vu les tempêtes insoutenables de la mer en cette saison et les orages. Mais je m'en vais, s'il plait à Dieu, écrire à mon bon ami Jourdan, qui fera tenir nos lettres à la Cour de ce roi avec une lettre à notre ami le grand-vizir, M. de Pontchartrain ; c'est lui qui sera notre intercesseur et notre conseil en cette grande affaire. - Eh bien ! a dit le roi, fais ce que tu dis. C'est pourquoi voici que j'écris audit ministre d'État, selon ce que l'état de l'affaire exige présentement de paroles ; je vous l'envoie ci-inclus pour la lui faire tenir, et qu'il nous fasse réponse et, s'il juge qu'il soit à propos d'en faire la proposition, ledit vizir n'a qu'à m'en écrire de sa main, en vertu duquel écrit il nous sera donné quelqu'un de vos navires de guerre et nous ne l'aurons pas plutôt reçu que nous embarquerons par ledit vaisseau de guerre avec circonspection en la manière susdite et si Dieu effectue ce projet par la grâce, ce sera une liaison d'amitié avec les rois(13). "


           Quelques jours auparavant, le 5 novembre, Muley Ismaël avait adressé au roi une lettre non moins curieuse, bien différente de celle du 25 septembre, où il cherchait visiblement à le flatter. Peut-être était-il déjà décidé à faire sa singulière démarche et cherchait-il à en préparer le succès. L'empereur rappelait que Benache lui avait fait toutes sortes d'éloges du roi, de ses bontés pour lui, de sa façon de gouverner.

           " Il nous a dit, ajoutait-il, que, quand vous aviez intention de faire quelque chose, vous le faisiez, sans que les gens du Conseil vous en détournent ni vous empêchent de l'accomplir.... Nous avons fort agréé cela et vous en avons applaudi, attendu que l'on ne doit donner le nom de roi qu'à celui qui a le pouvoir absolu et souverain sans opposition.... Nous ne voyons pas que cet ambassadeur se soit trompé, ni qu'il ait attribué aucun instant aux gens de votre Conseil comme votre sentiment.... excepté dans une chose dont il ne nous a parlé que longtemps après, c'est l'affaire dont il est chargé de la part de votre Conseil qui lui ont dit : la guerre est entre nous et vous. Il nous a dit aussi que vous les aviez fort invités à faire la paix avec nous et que vous lui aviez dit : Donnez la paix à cet homme-là mais qu'ils n'avaient pas concouru avec vous.... Je l'ai réprimandé de ce qu'il avait tant tardé à me dire cette circonstance... De ces discours de notre ambassadeur nous avons compris l'excellence de votre esprit.(14)"

           La demande de Muley Ismaël ne fut pas prise au sérieux et ne pouvait pas l'être ; " elle servit, dit Saint-Olon, de divertissement à la cour pendant quelques jours et donna lieu à quelques vers et couplets de chansons assez jolis sur ce sujet.(15) "

           Mais les ministres de Louis XIV auraient dû chercher à tirer parti de l'état d'esprit que révélait la démarche du prince musulman et des dispositions conciliantes qu'il continuait à manifester. Ils auraient pu éviter de lui faire la réponse sèche et blessante que Pontchartrain dicta à Jourdan, en date du 7 janvier 1700 :
           " J'ai rendu à Mgr Pontchartrain la lettre que vous m'avez adressée pour lui ; il m'a parlé de vous avec plaisir et il ma ordonné de vous écrire que, n'ayant rien à vous mander qui pût vous être agréable, sur la demande que vous lui marquez que le roi votre maître vous a chargé de faire d'une princesse du sang royal, il ne vous écrit point ; que notre loi nous défendant le mariage avec les gens de la vôtre, l'empereur notre maître, le plus grand, le plus puissant et le plus fidèle observateur de la religion chrétienne, ne pouvait donner les mains à une pareille proposition et qu'à moins de pouvoir assurer en même temps S.M. que le roi votre maître veut se faire chrétien et faire embrasser la religion chrétienne par tous ses sujets, il n'oserait lui en avoir parlé. A l'égard des architectes que le roi, votre maître, demande, notre grand monarque a la bonté tic laisser à ses sujets la liberté de disposer de leur personne comme bon leur semble, sans les forcer à rien, ni à prendre aucun engagement malgré eux. "

           L'orgueilleux et dévot chérif dut être certainement aussi blessé des termes de cette lettre que de ce nouvel échec, qui porta encore un coup à la faveur de Benache, l'ami de la France. On n'eut pas plus d'égard aux dispositions pacifiques de Muley Ismaël. Sept jours après la réponse faite à sa demande en mariage, on se servait encore de l'intermédiaire du négociant Jourdan pour écrire à Benache cette lettre hautaine :
           " Je prends la liberté de vous écrire en particulier sur ce que V. E. m'a fait l'honneur de me parler dans ses lettres au sujet des affaires l'État, pour lui dire que je ne suis pas très capable d'y répondre aucune chose, n'ayant aucun caractère pour cela. Je prendrai seulement la liberté de lui dire que je ne crois pas que V. E. réussisse à aucune négociation avec la cour de France et celle de Maroc, parce que notre grand empereur… qui a donné la paix aux conditions qu'il a voulu à l'empereur d'Occident et à tous les rois ses voisins ne saurait entrer en négociation avec voire grand empereur ; même l'empereur d'Occident, les rois d'Espagne, d'Angleterre, la république de Hollande et tous les princes de l'Empire auraient lieu de s'en plaindre; mais,engagez votre grand empereur à laisser notre grand monarque le maître de régler les articles comme il jugera à propos et, en usant avec la générosité ordinaire, il fera, possible, vos conditions meilleures que vous ne pouvez demander, comme il a fait avec les potentats ses voisins, lorsqu'il leur a donné la paix dans l'année 1698... Tous ces faits... m'obligent de vous dire en bonne amitié, comme les amis se doivent parler, que je ne vois point d'autre moyen pour établir une bonne et solide paix entre les deux empires que celle que je vous dis, de laisser notre puissant empereur maître des conditions et de vous abandonner à sa générosité impériale et prier Mgr le comte de Pontchartain de ménager le tout auprès de S. M.(16). "

           Pour faire une pareille réponse, il fallait que la cour fût décidée à employer la force pour imposer ses conditions. En effet, dès l'automne de 1691, on avait préparé des armements pour bloquer les ports du Maroc. La nouvelle avait causé une violente colère de l'empereur, qui avait juré sur le montent de ne laisser aucun Français dans ses États. Il avait fait venir à Méquinez les marchands de Salé et de Tétouan et ne leur avait permis de continuer leur commerce que sur les instances de Benache(17). En 1700. Pointis et d'Erlingues, a la tête d'une escadre, furent chargés d'aller pourchasser les Saletins, bloquer leur port et se présenter devant les autres places maritimes : les marchands français furent prévenus de mettre en sûreté leurs effets, pour n'avoir pas à subir de représailles. Ils emportaient un nouveau projet de traité qu'ils devaient présenter a l'occasion(18).

           Muley Ismaël, intimidé plus qu'il ne voulait le paraître par les armements du roi, qui était libre alors de tourner toutes ses forces contre lui, s'était empressé de faire de nouvelles ouvertures. Le consul de Salé, Estelle, chassé du Maroc à la fin de 1699, sous prétexte qu'il s'était " mêlé de certaines intrigues qui ne le regardaient pas, entre les grands officiers " de la cour du Chérif, avait reçu à Marseille deux lettres de Benache le priant " de repasser à Salé, d'autant que le roi de Maroc était disposé à traiter de la paix avec lui. " Pont-chartrain lui donna ordre de répondre qu'il ne retournerait point à Salé sans ordre du roi, et que, si Muley Ismaël avait des propositions à faire, il les pourrait faire à M. de Pointis(19).

            Tout allait dépendre du succès des opérations de celui-ci. Il avait décidé d'exécuter le projet, plusieurs fois examiné(20), d'attaque et d'occupation de Tanger ; il avait rédigé des mémoires pour montrer la facilité d'exécution de ce dessein et son importance, et se croyait assuré du succès. Mais le roi de Maroc, informé par les Anglais, avait renforcé la garnison qui comptait sept mille hommes ; le bombardement de la place, effectué le 5 juillet, n'eut pas grand effet et Pointis prit le parti d'aller faire une tentative sur Larache, puis sur la Mamore. Mais il ne put rien tenter, pendant son séjour devant ces deux places, et revint à Brest, au commencement de septembre, après une campagne infructueuse(21).

           Dès lors, il était à craindre que les espérances fondées, pour la paix, sur le retour de Benache, ne fussent loin de pouvoir être réalisées. Louis XIV avait voulu imposer la paix au Maroc comme il avait réussi à le faire avec les autres Barbaresques. Mais Muley Ismaël savait bien, comme il l'avait écrit au roi, qu'il n'était pas, comme eux, exposé à souffrir des attaques de sa marine. Dans ces conditions, une politique plus souple et plus conciliante aurait dû être adoptée. Il semble certain que l'attitude hautaine de la diplomatie de Louis XIV, les menaces et les essais d'intimidation sans résultats, firent manquer l'occasion de signer avec le Maroc une paix solide(22), d'y asseoir pour longtemps la prépondérance de notre influence et de notre commerce. On ne devait jamais retrouver des circonstances aussi favorables. Peut-être les visées de Louis XIV sur l'Espagne, en 1700, contribuèrent-elles à inspirer sa politique vis-à-vis du Maroc ; ce serait alors un exemple de plus à citer de l'influence funeste exercée sur le grand roi, par le mirage décevant de la fameuse succession.

           De leur côté, des négociants, en 1699, avaient cru, comme les diplomates, la paix prochaine, et avaient conçu l'espoir de donner un essor tout nouveau au commerce du Maroc. Rien ne montrerait mieux de quelle initiative étaient parfois capables nos grands marchands d'alors, que de raconter par le menu les relations du négociant parisien, Jourdan, avec le ministre et favori Benache.
           Très hardi dans ses entreprises. Jourdan venait de fonder, en 1697, une Compagnie de la Chine et avait fait, à ce sujet, un traité avec la Compagnie des Indes orientales, le 4 janvier 1698. A peine avait-il fait partir au mois de mars un premier vaisseau, l'Amphitrite, pour les mers de Chine(23). qu'il tentait en curieux un essai de colonisation sur la côte occidentale de l'Amérique du Sud.
           " Vous avez pu savoir, étant en France, écrivait-il à Benache, le 21 mars 1700, que notre puissant empereur m'accorda, il y a environ deux ans, la concession ou propriété de toutes les terres et îles, non habitées par des puissances de l'Europe, qui sont dans les Indes Occidentales de la mer du Sud, dont les Espagnols occupent une partie et les sauvages du pays l'autre. A la fin de l'an 1698, j'envoyai 4 vaisseaux avec du monde pour en prendre possession, dont il vient de m'arriver un bâtiment qui me donne nouvelle qu'ils passèrent heureusement le détroit de Magellan, le mois de juin dernier, et qui ils étaient heureusement arrivés dans la mer du Sud. Tout l'or et l'argent qui arrive à Cadis vient de ce pays la. "

           Jourdan pensait avec raison, que le commerce du Maroc complèterait heureusement et favoriserait ses autres opérations. Outre le négoce avantageux qu'il espérait y faire, ses comptoirs dans ce pays devaient être, pour ses vaisseaux, des lieux d'escale et de ravitaillement. Il envoyait. en 1700, à ses établissements de la mer du Sud, un secours de 3 à 4 vaisseaux ; il lui fallait des provisions pour deux ans, il demanda à Benache la permission de prendre au Maroc mille barriques de farine de pur froment avec 500 quintaux de biscuits, de saler quelques boeufs et cochons et de prendre 400 quintaux de riz.
           Il avait déjà des relations avec le Maroc, puisqu'il connaissait Benache avant 1699, mais il voulut, en gagnant toute l'amitié de l'ambassadeur pendant son séjour à Paris, transformer complètement le commerce de ce pays, lui donner une sécurité nouvelle, et faire lever, à son profit, les multiples prohibitions qui empêchaient les richesses du sol d'être livrées à la circulation et à l'exportation. Il poursuivit la réalisation de son dessein avec une ténacité et une habileté remarquables.

           Resté le correspondant attitré de Benache après son départ, il entretint son amitié en se chargeant de lui faire parvenir tous les produits, marchandises et curiosités qu'il désirait. Rien de plus curieux que la lecture de leur correspondance. Benache, dans chacune de ses lettres, entremêlait ses protestations d'amitié avec les commissions de toutes sortes et les confidences sur les affaires d'État. Jourdan répondait en protestant de son zèle à servir le plus vite possible son puissant ami, difficile à satisfaire. La femme du négociant, chargée de stimuler son mari, recevait alors de l'impatient et avide Benache des avis comme celui-ci " O madame, je suis bien en colère de n'avoir point reçu de lettres de votre mari, au sujet de ce que nous avions convenu du tapis et autres curiosités comme celles des Indes et autres ; sachez que l'amitié que nous avons ensemble sera perdue, si vous ne vous entremettez vous- auprès de votre mari, pour me rendre une réponse positive. "

           Il était cependant bien permis au négociant d'hésiter quelque peu, car le Marocain multipliait sans cesse ses commandes pour lui et pour son maître, en recommandant toujours de choisir les articles les plus chers, sans se préoccuper du prix, et Jourdan lui offrait, la plupart du temps, de satisfaire gracieusement ses coûteuses fantaisies. Tantôt, c'était un tapis extraordinaire ; tantôt, c'était six livres du plus excellent thé apporté de Chine par son dernier vaisseau(24). Tantôt, Benache lui demandait, au début d'une lettre, ce qu'il aurait de " plus beau de porcelaines et de vases fins, enrichis de tout ce que les airs ont de plus exquis et de tous les divers fards qui embellissent le visage, n'importe pas du prix, qu'il soit cher ou non, et ce absolument et sans y manquer " ; il réclamait quelques lignes plus loin, " douze grands bassins pour le manger " et toute une liste d'autres objets. Une autre fois, c'était du brocart noir, des peaux de buffle, une camisole de buffle à l'épreuve de l'épée et des bijoux de Chine.

           " Je vous écris, ajoutait Benache dans la même lettre, pour vous prier avec instance et plus que de toute autre chose, de m'envoyer de la confection d'Hyacinthe et autres confections propres pour les rois et leurs façons de faire, c'est-à-dire qui chauffent, qui rajeunissent, qui fortifient et qui épanouissent la rate, qui leur inspirent la joie dans le cour et qui purifient leurs esprits et les débarrassent. Vous savez, ô mon cher, qu'à mon retour de votre pays, la première chose que le roi, mon maître, m'a demandée ç'a été celle-là même, travaillez donc, je vous prie, et me l'envoyez au plus tôt sans y manquer, avec du thériaque de... et du sirop de violette ; envoyez-nous beaucoup de tout cela... je voudrais déjà le tenir. "

           Dans la même lettre encore, il était question de trois diamants fins et admirables, de 4.000 écus pièce, plus ou moins, de sorte que le tout allât à 10.000 écus ou environ, et de demi-livre a des plus excellentes perles fines, grosses et pares et parfaites ". C'était une des choses que S. M. mandait avec le plus d'instance de lui acheter, il le lui fallait absolument, il " n'importait pas du prix. " Jourdan trouva sans doute que le prix lui importait davantage, car le paiement n'était rien moins qu'assuré. Dans sa curieuse réponse, il essayait de s'en tirer, en persuadant à Benache que les pierres fausses étaient plus belles que les véritables :
           " A l'égard des diamants et perles, vous savez que ce n'est point ici l'endroit d'où on les tire, car c'est des Indes, même l'usage n'en est point en France ; vous l'avez bien vu quand vous y étiez que toutes nos dames de la cour et nos seigneurs n'en portaient que de celles qu'on fait ici, dont il n'y a aucune différence par la beauté ; au contraire les artificielles que nous faisons, tant en perles qu'en diamants, sont assurément beaucoup plus belles et les yeux s'y trompent ; et pour vous le faire connaître, je vous envoie un échantillon de 22 colliers qui ne content que 15 livres chacun, que c'est environ 3 ducats, dont vous n'y ferez presque pas de différence, si ce n'est que les artificielles sont plus belles. Je vous envoie aussi une petite boite dans laquelle il y a… de diamants qui sont pourtant fins dans leurs espèces, car ce n'est pas du verre, ce sont des roches que nous avons dans nos Pyrénées ; dites en seulement le secret à votre empereur, afin qu'il sache la vérité de toutes choses, n'y ayant personne qui ne les prenne pour fins. Cependant, par les suites, je vous pourrai procurer des moyens pour vous en envoyer des fins. "

           Tout en envoyant ses cadeaux par l'intermédiaire de Benache, Jourdan écrivait parfois au chérif lui-même pour lui annoncer les envois et les lui faire valoir ; il en recevait des lettres de remerciements. Il lui rendait encore d'autres services et lui envoyait, par exemple, des ouvriers " pour la conduite de ses ouvrages, jardins et fontaines. "

           En retour de ses largesses et de sa complaisance, Jourdan sollicita de nombreux privilèges et les obtint en grande partie. Il avait d'abord fait comprendre que, pour établir un grand commerce, il fallait lui assurer une sécurité plus grande que celle dont jouissaient alors les marchands au Maroc et il avait revu, à ce sujet, les promesses les plus formelles. Benache lui avait écrit de Brest, au moment de se rembarquer :

           " A l'égard de ce que vous me marquez de la sûreté de vos gens et effets, au cas que Dieu ne permette pas que la paix se fasse, je vous puis assurer par la (vérité ?) du grand Dieu que, quand la guerre serait si fort allumée qu'il y eût jour et nuit combat avec les Français et qu'à cause de cela le sang coulât comme des fleuves, vous ne perdriez pas un grain de moutarde: voyez si les autres marchands établis dans tout l'empire de mon maître sont aucunement inquiétés(25). "

           Il est vrai que cette dernière affirmation n'était rien moins que rassurante, et ce qui se passa au retour de Benache servit d'argument à Jourdan, pour réclamer des garanties plus sérieuses.
           " Pendant votre séjour en France, écrivait-il à Benache le 1er août 1699, je vous ai fait envoyer, comme vous savez,un vaisseau appelé le Comte de Roussy, commandé par le sieur Rouzier.... L'ayant fait toucher à Cadix pour y prendre quelques piastres, il a appris que votre empereur, à l'arrivée de votre Excellence, avait fait arrêter les négociants français et retenu tous les vaisseaux ; cela a fait peur à mon capitaine et si bien peur qu il ni écrit, qu'avant assemblé ses amis pour savoir ce qu'il avait à faire là-dessus, il avait résolu de tendre là mon vaisseau avec son chargement que j'avais destiné pour Salé.... Ce qui m'a fort surpris et chagriné et je lui ai sur le champ écrit de se bien donner garde de le faire et de suivre et exécuter mes premiers ordres(26). "

           A la suite de cette lettre était un mémoire de toutes les demandes que le négociant faisait au roi de Maroc ; il voulait, entre autres, des passeports pour ses capitaines leur donnant des sûretés, même en temps de guerre, et des garanties semblables pour ses facteurs et ses magasins. Ce mémoire, présenté à Muley Ismaël, fut bien accueilli ; par une grâce singulière, Benache fut chargé seul des affaires concernant le commerce de Jourdan, qui fut ainsi soustrait à la juridiction de tous les alcaïdes et autres officiers des ports du Maroc(27).

           Mais, ce que l'habile Parisien désirait surtout obtenir en retour de ses généreux cadeaux, c'était la liberté d'emporter du Maroc les denrées dont la sortie avait toujours été, jusque-là, rigoureusement interdite. Il écrivait à Benache, le 23 février 1700 :
           " Jusque ici vous vous êtes fait un scrupule de laisser sortir des blés et de l'huile de chez vous. Vous considérerez cependant que vous avez été dans l'erreur de ce côté là, puisque je vous soutiens que plus vous en laisserez sortir une année, plus vous en aurez l'autre. Car les Maures, lorsqu'ils en trouveront du débit, ils en sèmeront non seulement pour ce qu'il vous en faut pour votre pays, mais encore tant qu ils pourront pour nous en vendre... En toutes les histoires que j'ai lues, j'ai trouvé que les séditions et révoltes qui sont arrivées ne sont jamais provenues que de l'oisiveté des peuples ; aussi, les Romains qui ont passé dans le monde pour de si grands politiques, lorsqu'ils étaient en paix avec leurs voisins, ils établissaient des colonies pour cultiver leurs terres... ils occupaient leurs légions à faire de grands chemins, couper des montagnes, conduire des rivières par des aqueducs dans des pays inaccessibles. Je vois là dedans les inclinations de votre grand prince, qui demande des architectes pour conduire de pareils ouvrages, tant pour les mêmes fins que pour éterniser sa mémoire...
           Pour ne pas diminuer l'abondance de votre pays, si S. M. veut bien me faire cette grâce de me laisser sortir des grains de son pays, dans ce commenceraient, en attendant que les Maures se soient mis à augmenter leur récolte, il suffit de m'en donner une couple de chargements... Depuis que les Maures du côté de Tunis et du Bastion et cap Nègre en ont permis la sortie, ils n'en ont jamais tant eu qu'ils en ont et leur pays s'est enrichi... Vous pouvez encore me procurer un avantage... c'est la sortie de l'huile d'olive... Les pays les plus riches sont ceux où le commerce est le plus grand et ne fleurit que par la liberté que le souverain donne de le faire. "


           Benache et son maître étaient-ils bien sensibles à ces considérations économiques ? Sans doute, ils devaient être plus touchés et plus conscients de leur avantage, quand Jourdan leur faisait les offres suivantes : Si Benache lui obtenait la sortie de l'huile, il paierait une demi-piastre par quintal ; pour le blé, une demi-piastre par charge de 300 livres pesant ; pour le suif et l'eau-de-vie, également une demi-piastre par quintal ; un quart de piastre pour le plomb ; une entière pour l'étain ; en outre, tous ses vaisseaux porteraient quelque présent à l'empereur du Maroc.

           Cette liberté d'exportation, nécessaire pour transformer le commerce du Maroc, il ne semble pas que Jourdan l'obtint parce qu'elle était trop contraire à toutes les traditions et à tous les préjugés des Marocains. Mais des cadeaux, renouvelés à chaque occasion, lui valurent des permissions spéciales et aussi, sans doute, une tolérance tacite qui pouvait être très avantageuse. Donnant donnant, telle était la devise de Benache et de son maître. Si, par exemple, Jourdan voulait obtenir la faveur d'acheter six des plus beaux chevaux pour en faire présent à Louis XIV, il lui fallait écrire à l'amiral favori : " Si vous m'obtenez cette grâce, je vous enverrai au premier voyage un carrosse magnifique pour votre grand empereur avec toutes les glaces et dorures. En ce cas, envoyez-moi ses armes pour les faire mettre dans le fond, qui sera un des plus beaux que vous aurez jamais vus et qui vaudra deux fois la valeur du tapis. "

           L'habile négociant avait encore sollicité une autre faveur qu'il jugeait nécessaire à la réussite de ses projets. Il aurait voulu que ses gens pussent eux-mêmes parcourir les campagnes et acheter de première main les denrées marocaines ; il eût ainsi évité l'onéreuse majoration des prix, imposée par les marchands juifs ou indigènes qui servaient d'intermédiaires. Leurs exigences rendaient souvent onéreux un trafic qui, sans cela, aurait donné de beaux bénéfices(28).

           La faveur de Jourdan auprès de l'empereur et de son ministre avait tellement grandi que Muley Ismaël voulut avoir pour consul de France, à Salé, le sieur Manier de la Closerie(29), agent que le négociant venait d'envoyer au :Maroc. Le consul Estelle, chassé sous de vagues prétextes, en 1699, avait dû, en effet, se retirer à Marseille. Après avoir, en vain, demandé à Pontchartrain d'accorder à cet agent des provisions de consul, Benache décida son maure à le nommer lui-même et Muley Ismaël écrivit au roi que, s'il refusait de confirmer cette nomination et s'il voulait établir quelqu'un d'autre comme consul, lui le renverrait indubitablement(30). Benache trouvait, sans doute, grand avantage pour lui à voir à Salé un consul qui lui devrait tout. Quant à Jourdan, la nomination de son agent comme consul l'aurait rendu l'arbitre du commerce français au Maroc. D'aucune façon, le gouvernement français ne pouvait se prêter à une pareille combinaison. Pressé sains doute par le ministre, Jourdan envoya un autre commis à Salé et Pontchartrain écrivit à Manier de la Closerie, pour l'engager à rentrer en France par la première occasion, lui assurant qu'il ne serait jamais nominé consul sur la recommandation du roi de Maroc(31). Ce refus augmenta encore les griefs de Benache et de son maître contre la cour de France.

           Cependant Jourdan, au comble de ses désirs, avait formé une compagnie dont il annonçait, en ces termes, la constitution à son ami Benache :
           " Pour répondre aux grâces que je m'aperçois que votre prince me veut faire, comme je suis mortel et que je n'ai pas des enfants assez grands pour continuer ce commerce que je veux perpétuer… j'ai formé une compagnie de six puissants négociants du royaume, établi un magasin à Cadix pour vous faire de l'argent et, sous la protection de V. E., j'envoie chez vous deux facteurs et deux domestiques pour y résider(32). "

           L'un des principaux intéressés de la nouvelle compagnie était Boulanger, trésorier général des finances de Bretagne. Celui-ci écrivait le même jour à Benache pour la lui recommander :
           " Nous sommes peut-être les premiers qui aient formé un aussi grand dessein, dans lequel, si nous sommes soutenus, ce sera un moyen de faire un négoce réglé pour toujours. En Europe, les États les mieux policés ont établi des compagnies qui portent l'abondance dans tous les endroits où s'étend leur commerce. Les Français, entre toutes les autres nations, sont les moins intéressés ; si vous jetez les yeux sur l'Angleterre et sur la Hollande, vous connaîtrez par leur richesse et leur établissement dans les Indes et ailleurs qu'ils ont beaucoup plus de soin d'acquérir des biens que d'en procurer, dans les royaumes où ils envoient leurs marchandises ; ils se veulent rendre maîtres dans les lieux qu'ils habitent; nous n'en usons pas de , nous faisons gagner tous les peuples chez lesquels nous commerçons et c'est notre unique dessein de faire la même chose à Salé(33). "

           Jourdan avait commencé à envoyer des vaisseaux au Maroc; dès 1700, il put retirer les fruits des présents qu'il avait su si généreusement distribuer au souverain marocain et à son ministre. Mais, la guerre de succession, qui survint presque aussitôt, jeta le trouble dans les opérations de la nouvelle compagnie qui était en liquidation en 1703, tandis que son agent à Salé, le sieur Mercier, était en esclavage pour les dettes contractées en son nom. La liquidation, poursuivie les années suivantes, amena, suivant l'habitude, une série de contestations entre les intéressés et les créanciers, que divers arrêts du conseil n'avaient pas achevé de trancher en 1710(34).

           Ce fut sans doute aussi la guerre qui empêcha deux autres négociants de poursuivre le dessein qu'ils avaient conçu au même moment, en 1699, de reprendre la tentative d'établissement de Roland

           Fréjus sur la côte du Rif de ces deux négociants, Dominique-Philippe de Savelly et François Jullien, ci-devant consul d'Alep, le dernier, au moins, était Marseillais. Des lettres royales, datées de Marly, le 4 novembre 1699, leur accordèrent a la permission de former un établissement dans la ville d'Arbosein et île d'Alborand situées sur les côtes de Barbarie dans les états du roi de Maroc... pour jouir par eux, leurs hoirs et ayant cause, pendant le temps et espace de 15 années(35). " Dans un mémoire où ils exposaient les moyens de tirer parti du privilège exclusif qui leur avait été accordé, Savelly et Jullien parlaient de débuter modestement avec un capital de 60 à 70.000 livres, parce qu'au commencement ce négoce ne devait être fait qu'avec des tartanes de 25 à 30 tonneaux, mais ils pensaient qu'il pourrait, par la suite, devenir très considérable(36). Savelly et Jullien n'eurent pas le temps de mettre à exécution leurs projets. La guerre de succession, qui fit perdre pour longtemps toute chance d'imposer la paix au Maroc, eut donc, encore, ce résultat funeste d'enlever à de hardis négociants français l'occasion qu'ils croyaient tenir, en 1700, d'assurer au commerce français la prépondérance définitive dans ce pays et de lui donner une extension toute nouvelle.

3° Le commerce français au Maroc à la fin du XVIIe siècle

           Malgré l'échec de toutes les négociations entamées avec Muley Ismaël depuis vingt ans, l'influence française était très grande et même prépondérante, au Maroc, à la fin du XVIIe siècle. Quant au commerce français, il jouit d'un bénéfice que Louis XIV avait en vain stipulé dans les traités conclus avec Alger ou avec Tunis ; le trafic continua sans interruption avec le Maroc, malgré que les deux pays fussent officiellement en guerre.

           C'est que le commerce, alimenté par les productions du pays et par l'arrivée des caravanes sahariennes ou soudanaises, avait au Maroc une importance tout autre qu'à Alger, ou même qu'à Tunis. A Salé, le port le plus important, les négociants étaient nombreux à côté des reïs et ceux-ci n'y faisaient pas la loi. Surtout, le commerce avait pour protecteur intéressé le souverain du Maroc, qui tirait l'un de ses principaux revenus du droit de 10 % qu'il percevait sur les marchandises, dans ses ports, à l'entrée et à la sortie ; ce droit était porté à 25 % pour la cire " objet du négoce le plus considérable(37). "

           Le consul Estelle rapporte une instructive conversation, qui montre bien quelles étaient les préoccupations commerciales de Muley Ismaël :
           " L'alcayde vint me prendre et m'emmena à un endroit où je trouvai le roi assis sur un mur, d'où il en voyait abattre un autre. Quand je fus tout près de lui, il me fit demander par un renégat espagnol qu'est-ce que je faisais dans son pays ; je lui fis répondre que je lui faisais valoir ses ports de mer et y assistais les marchands français en tout ce qui m'était possible. Je lui fis ensuite un détail de tout ce qui regardait mon ministère... Il répondit que les marchands français qui étaient dans ses ports ne lui faisaient venir que des épingles, aiguilles, papier et autres drogues semblables, qui ne lui produisaient pas plus de 4 à 500 écus de bénéfice tous les ans; sur quoi je lui fis connaître que nos marchands français lui apportaient dans ses royaumes, des toileries, draperies, soieries et généralement, tout ce qui était nécessaire en ce pays, venant de chrétienté ; que, depuis cinq mois, par exemple, il avait abordé à Salé douze bâtiments français qui lui avaient rendu plus de 20.000 écus du droit de 10 %, ce qui l'étonna. Je poursuivis en lui donnant le rôle de tout ce que ces bâtiments avaient apporté et rechargé en ce pays : ce qui lui donna à penser pendant une demi heure sans rien dire, et ce qui lit connaître aussi que ses alcaydes le volent impunément et lui font après accroire ce qu'ils veulent. "

            Le roi fit à Estelle un reproche bien significatif : " les consuls qui étaient avant lui étaient marchands et donnaient du bénéfice au port, lui ne faisait qu'écrire(38). " En effet, depuis la réforme des consulats faite par Pontchartrain, en 1600, il était interdit aux consuls de faire du commerce.

           Si l'on en croit Saint-Olon, renseigné par le consul Estelle, le commerce français au Maroc différait de celui du Levant et du reste de la Barbarie, en ce que nos bâtiments y portaient peu d'argent, et même que la valeur de leur vente en produits de France y dépassait celle de leurs achats :
           " Le trafic de la Provence, écrit-il, consiste en tartre et papier dont la consommation est grande en Barbarie, aussi bien que celle des bonnets de laine rouge, fins et communs, draps de Languedoc, cadissons de Nîmes, basins de Montpellier, futaines, peignes, soies, toileries de Lyon, fil d'or, brocarts, damas, damasquina, velours, cotons, cotonines, et autres denrées du Levant de peu de prix et d'un meilleur produit(39). Celui de Rouen, Saint-Malo et autres villes du Ponant(40) est presque tout en toiles, dont on estime qu'il s'en transporte et débite tous les ans, dans l'Afrique, pour plus de 200.000 livres. "

           " L'échange qu'on y fait de toutes ces marchandises consiste en cire, cuirs, laines, plumes d'autruches, cuivre, dattes, amandes, arquifou, et des ducats d'or qui servent aux Provençaux pour leur négoce du Levant(41). "

           Malgré la part prise par les Ponantais au commerce du Maroc, c'était Marseille qui avait, avec ce pays, les relations les plus actives. L'état dressé par le négociant Carfueil, en 1688, nous donne un détail plus complet et plus précis des marchandises marocaines apportées à Marseille. Les cuirs verts étaient, comme dans toute la Barbarie, en dehors des grains, le principal article d'achat : il en venait ordinairement 40 à 50.000 de Tétouan, Salé, Tagada(42), Saffi , Tanger. Salé et Tétouan envoyaient 3 à 4.000 quintaux de laine seulement. Salé fournissait aussi différents métaux : du cuivre rouge et particulièrement du tangoul, mélange de cuivre et de fonte, de l'étain(43), du bronze. On y achetait encore diverses drogues ; gommes sandaraque, arabique et gomme d'euphorbe, de l'agaric " boulet blanc qui croit sur les arbres à gland ", de l'ambre, de la côte de Sainte-Croix et de Saffi, de l'arquifou, minéral qui servait d'ordinaire à vernisser la vaisselle ; mais celui de Salé était employé dans le Levant pour la peinture et particulièrement à peindre les sourcils des femmes ; on le réexpédiait surtout au Caire. Enfin, Marseille recevait de Salé ou Tétouan, quelques dattes, un peu d'ivoire et des plumes d'autruche. Ce commerce consistait donc surtout en produits du pays et les caravanes de Tombouctou lui fournissaient peu de chose(44).

           Saint-Olon donne encore quelques détails intéressants sur la situation du commerce du Maroc vers 1690) :
           " Ce sont les juifs et les chrétiens(45), dit-il, qui font tout le commerce de ce pays et principalement celui du dehors, auquel les Maures ne s'adonnent pas. Salé et Tétouan sont les endroits du plus grand abord et d'où les marchandises sortent plus facilement ; Safi et Sainte-Croix(46) ont aussi leur négoce pour ce qui vient de Maroc, Tafilelt et Suz, mais il n'y est pas si fréquent(47). "

           La ville de Fez est comme le magasin général de toute la Barbarie ; c'est là que se tiennent les meilleurs négociants et le plus grand nombre de juifs, qui se monte à plus de 5000 ; ils achètent tout ce qui vient d'Europe et du Levant et le répartissent dans les provinces, d'où ils retirent aussi ce qu'elles produisent, pour en négocier dans les villes maritimes. C'est dans celles-ci que se fabriquent les peaux de maroquin rouge, les plus belles de toute la Barbarie.

           Le commerce d'Espagne consiste en cochenille et vermillon. Celui d'Angleterre, en drap et en cauris de Guinée, qui sont des coquilles servant de monnaie en ce pays là. La Hollande y transporte des draps, toiles, épiceries de toute sorte, fil de fer, laiton, acier, benjoin, storax, cinabre, petits miroirs, mousselines pour les turbans, et, de temps en temps, des armes et autres munitions de guerre. L'Italie fournit de l'alun, du soufre en canon, et quantité de babioles de terre qui se font à Venise. Il y vient du Levant, de la soie, du coton, de l'orpiment, du vif-argent, du réalgar et de l'opium. On ne rapporte en ces lieux là, pour toutes ces sortes de marchandises et drogues, que les s choses que j'ai notées dans l'article de France, à proportion de l'usage qu'on y en fait. C'est Cadix qui sert présentement d'entrepôt à toutes les marchandises d'Angleterre et de Hollande, auxquelles sa proximité en facilite ensuite le transport commode et sûr, par le moyen de bâtiments portugais qui vont y charger(48).

           On peut compléter ces détails, donnés par Saint-Olon, par ceux que fournit Savary dans son Dictionnaire du Commerce. D'après lui, les marchandises d'Europe, déchargées dans les magasins des marchands chrétiens, puis vendues en gros aux Maures et aux Juifs, étaient ensuite envoyées par ceux-ci à leurs associés dans les cinq villes les plus commerçantes de l'intérieur, Maroc, Fez, Mequinez, Tarudant et Illec. C'est à Mequinez qu'étaient les plus grands magasins de grains, cuirs, cires, qui sont les principales marchandises du crû du Maroc.
           " Ce qui ne se consomme pas dans ces cinq villes, ajoute-t-il, s'envoie dans les provinces de Sara, Dras, Touet, qui sont du royaume de Tafilet où les Arabes donnent en échange du tibir ou or en poudre, indigo, plumes d'autruche, dattes, quelquefois un peu de dents d'éléphants, qu'on nomme autrement morfil. L'or et l'ivoire se vont quérir par des cafillas (caravanes) arabes jusqu'au royaume de Sudan et de Gago qui font partie de la Guinée et qui sont à plus de 400 lieues de Maroc. Pour les plumes d'autruches, elles viennent de Sara ou, comme d'autres appellent Dara, pays au sud de Maroc, vers la mer de sable où les Maures et les Arabes les tuent en grand nombre et les prennent même quelquefois en vie... Le commerce de l'or se fait par les Arabes de Maroc et de Sus qui le vont quérir jusqu'à Tambouctou, capitale du royaume de Gage, où ils l'échangent pour le sel qu'ils y transportent... Ces voyages de Tambouctou apportent beaucoup d'or dans tous les États du roi de Maroc dans lequel il est très commun et où il le serait encore davantage, s'il ne s'en perdait une très grande quantité dans la terre où les Arabes le cachent, soit pour n'en point payer les droits, soit pour s'en servir au besoin(49). "

          Malgré les intrigues et les efforts des Anglais et des Hollandais, le commerce français était prépondérant au Maroc vers la fin du XVIIe siècle, comme l'influence française elle-même. Ce n'était pas, il est vrai, que les maisons françaises établies dans ce pays fussent nombreuses ni considérables, si l'on en croit un mémoire adressé par l'intendant de la marine, de Vauvré, en 1687 quand on proposa au roi de retirer ses sujets de ce pays.
           " Les Français, écrivait-il, n'ont d'établissement qu'à Sainte-Croix, Saphy, Salé et Tétouan. Il n'y a que trois maisons françaises à Sainte-Croix, dont la principale est celle du sieur Le Gendre, marchand de Rouen. L'agent est le sieur Jacques Bogard, lequel est de la R. P. R., et fort attaché à son hérésie. Les deux autres sont de Provence et de Montpellier, qui ont leur commerce à Cadix et cette dernière est aussi huguenote. Dans Salé, il y a quelques maisons provençales de peu d'importance. Dans Tétouan, il y en a trois, l'une du sieur Simon, huguenot et les deux autres, de gens obérés qui s'y sont retirés. Ces marchands sont la plupart huguenots, ou gens ruinés qui se sont retirés en ce pays-là pour dire à couvert des poursuites de leurs créanciers. Il est à craindre que les ordres que S. M. leur ferait signifier de se retirer en France, à peine de la vie, ne deviennent sans exécution et que cette désobéissance ne fi t un mauvais effet pour la gloire du roi, et ne fit perdre le commerce que font les Français en ce pays là, par quelque résolution violente que pourrait prendre le roi de Maroc contre eux, comme il les en menaça lorsqu'il se persuada que S. M. voulait prendre Tanger. Quoique ce commerce ne soit pas considérable, il ne laisse pas de diminuer celui des Hollandais et des Anglais qui ne manqueraient pas de remplir avec soin les places que les Français y occupent présentement. "

           Douze ans après, le consul Estelle dressait le tableau suivant des établissements français : à Salé, cinq maisons, MM. Raimons, de la Falaise, Gautier, Brouillet, Fabre, Roux ; à Tetouan deux, Mlle. Bayer et Giraud, Simon et Justamon ; à Alcasar, faisant leur négoce à Larache, deux, MM. d'Hauteville, Agneau ; à Saphir, une, M. Fleuriot ; à Sainte-Croix, une, M. Bougaud(50). Les difficultés des circonstances et le peu de solidité de beaucoup de ces maisons les rendaient très instables ; à quelques années de distance, les noms des résidents français étaient tout différents(51).

           Vers 1680, les Anglais et les Hollandais n'avaient pas ou n'avaient plus de marchands établis au Maroc. Quand Louis XIV, en 1687, interdit à ses sujets de commercer avec ce pays, pour décider Muley Ismaël à faire la paix, ils s efforcèrent de profiter de l'occasion pour nous supplanter et deux de leurs marchands vinrent immédiatement s'établir à Tétouan. " Sachant que ce pays là ne se pouvait passer des denrées de France, " les Anglais venaient les charger à Marseille, les portaient à Cadix, où ils les déchargeaient sur des tartanes de Martigues, qu'on trouvait toujours à noliser dans ce port, et les adressaient à leurs commissionnaires au Maroc. Quant aux marchandises du Levant, on vit arriver, en six mois, six vaisseaux hollandais qui en apportèrent de Smyrne une quantité incroyable. L'alcayde, ou gouverneur de Salé, n'avait pas voulu permettre aux Français de se retirer, pour leur faire voir qu'il n'avait nul besoin de la France. Aussi, les marchands français trouvèrent-ils la circonstance assez pressante pour prier le consul de Tétouan, Estelle, d'envoyer son fils à Marseille, représenter, à la Chambre de Commerce et aux officiers du roi, le danger qu'il y avait à maintenir une interdiction qui n'atteignait pas le but qu'on s'était proposé. Cependant, la mesure prise par Seignelay atteignait bien les Marocains et ils souffraient plus de l'interdiction que ne le pensaient les résidents français, puisque alors Muley Ismaël fit les ouvertures de paix qui aboutirent à la mission de Desaugé en 1688(52).

           Mouette, qui était resté prés de onze ans esclave au Maroc (1670-1681), a porté, dans sa relation, contre les marchands chrétiens établis à Salé, des accusations qu'on voudrait croire inexactes :
           " Les consuls et les marchands, écrit-il, s'enrichissent la plupart du butin que les corsaires font sur les chrétiens, desquels ils l'achètent à vil prix pour le renvoyer en Europe, où ils gagnent le quadruple dessus, j'entends de celui qui n'est pas utile dans le pays, comme sont la plupart des marchandises qu'on envoie à l'Amérique, des vins, eaux-de-vie, bières, oranges, huiles, chairs et poissons salés, et plusieurs semblables.
           Ces marchands négocient la plupart avec les rançons qui leur sont envoyées pour le rachat des esclaves ; ce qui est si véritable que j'ai vu des renégats qui m'ont assuré que de semblables marchands, qui avaient reçu leurs rançons plus de trois ans avant qu'ils reniassent, ne le leur avaient déclaré qu'après qu'ils avaient renié ; qu'il avait fallu qu'ils eussent eu recours à la justice pour se faire donner leur argent, avec lequel ils s'étaient depuis rendus libres(53)...
           Lorsque quelques fils de familles ou des personnes riches tombent dans le déplorable état de captivité, ils écrivent promptement chez eux... Leurs parents ne manquent pas aussitôt de donner ordre à des marchands qui ont des correspondances ou des associés sur les lieux où ils sont… Ces marchands, après avoir reçu l'argent, l'emploient en marchandises et les envoient en Barbarie à leurs facteurs qui résident à Salé, à Toutouan, à Alger, ou dans les autres villes maritimes où sont les captifs. Ces facteurs, qui sont la plupart des misérables ou des banqueroutiers, vendent ces marchandises et en emploient le prix en d'autres qu'ils envoient en Espagne et en Portugal. Pendant qu'ils font ce beau négoce, ils récrivent en France à leurs associés qu'ils travaillent puissamment au rachat des captifs, mais qu'il faut se donner un peu de patience et ne pas précipiter les choses, de crainte que leurs patrons ne demandent de plus grandes sommes. Les marchands français qui demeurent actuellement à Marseille, à La Rochelle, à Bordeaux et à Bayonne, qui sont de concert avec leurs facteurs, et avec lesquels ils partagent le gain, font voir les lettres qu'ils en reçoivent aux parents des captifs... Les pauvres esclaves... se désespèrent assez souvent et se font renégats...
           Voilà le trafic ordinaire de la plupart des marchands qui font aujourd'hui commerce dans la Barbarie ; et comme ils s'accordent tous entre eux et qu'ils s'avertissent les uns les autres... afin de séquestrer les lettres qui pourraient découvrir leurs friponneries, je les ai bien voulu déclarer en ce lieu, afin d'en enseigner le remède. J'en ai connu plusieurs qui ont fait la même chose du temps que j'y étais et, entre autres, le consul qui est encore à Salé ne s'est enrichi que par ce moyen et par celui du butin; ayant même tenu plus de deux ans les rançons de Claude Loyer de la Garde, mon cousin, et du sieur Paul le Vasseur de Pontoise, sans le déclarer, quoique le H. P. Lartigues, religieux de la Merci, supérieur du couvent de Marseille, qui les avait envoyées, l'eût dit d'autres captifs qui avaient été mis en liberté, lesquels le leur firent savoir en leur écrivant par la voie de Tanger et de Ceoüta. "


           Les accusations de Mouette n'ont malheureusement rien d'invraisemblable. Les résidents français au Maroc, qui n'étaient pas soumis à la surveillance de la Chambre de Commerce de Marseille, ni aux règlements des échelles du Levant et de Barbarie, avaient fort mauvaise réputation. Il y avait cependant parmi eux d'honorables exceptions.
           " Ce que je viens de dire, ajoute Mouette lui-même, n'est pas pour faire tort à la réputation des gens de bien qui trafiquent en ce pays-là. " Il donne, ailleurs, la conduite de plusieurs Marseillais en exemple aux marchands qui iront s'établir au Maroc. Il conseille à ceux-ci " de témoigner aux esclaves de la charité et du secours dans leurs maladies.... même les faire venir chez eux pour se réjouir les principales têtes de l'année, à l'imitation du sieur Antoine Reymond, de Marseille, qui était consul à Salé, qui non content de les avoir bien régalés ce jour-là, leur donnait encore de l'argent ; et comme fait encore aujourd'hui le sieur Toussaint Boyer, de Cassis, qui réside à Toutouan, où il fait tant de charités aux chrétiens qui y sont esclaves qu'il en retire toujours chez lui un grand nombre et desquels il se rend responsable envers leurs patrons. Ce serait ici le lieu, continue-t-il, de faire l'éloge de ce parfait chrétien qui, étant né gentilhomme, a été obligé, pour relever sa fortune, d'embrasser le parti du commerce et il semble que la Providence l'ait conduit à Toutouan pour y servir de père commun aux pauvres esclaves. Il doit servir de modèle à tous ceux qui iront après lui dans ces quartiers-là(54). "

           Quel qu'ait été le développement du commerce du Maroc pendant la première partie du règne brillant de Muley Ismaël(55), il n'avait pas, en somme, une importance très grande. Cependant, Salé et Tétouan étaient les échelles de Barbarie où les Français faisaient, vers 1690, les échanges les plus actifs et les plus fructueux. En Tunisie et en Algérie, quand les guerres n'avaient pas interrompu leur trafic, c'étaient les compagnies du Bastion et du cap Nègre qui en avaient pris la meilleure part ; elles n'avaient laissé qu'un rôle secondaire et des bénéfices restreints aux résidents des échelles d'Alger et de Tunis.

           

(1) Thomassy (p.157-160) a raconté cet épisode d'après le journal manuscrit de Saint-Olon. - Il représente Benache comme " l'agent du prince d'Orange " et explique son attitude par la reconnaissance qu'il avait d'avoir été libéré de l'esclavage sans rançon par les Anglais (p. 156), mais Benache avait été rendu à la liberté par Jacques II et c'est à celui-ci seulement, alors allié de la France, qu'il était reconnaissant, comme il le lui témoigna lors de son voyage en France et ainsi que le fait ressortir Thomassy lui-même (p. 165). C'est cette reconnaissance et l'influence de l'amiral qui expliquent sans doute deux curieuses lettres de Muley Ismaêl, de janv. et févr. 1698, à Jacques, où il lui conseille de venir à Lisbonne afin de préparer une descente en Angleterre, pour laquelle il lui promet son appui. Arch. nat. marine, B7. 218. fol. 44-55. - Quant aux visées de la cour de France, les dénonciations n'étaient pas sans fondement comme le croit Thomassy. Le projet d'occupation de Tanger avait été, en effet, agité à diverses reprises. V. à ce sujet : item. Art. sujet du port de Tanger par le sieur Renaud. 1er novembre 1678. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 87-90. - Projet d'entreprise sur Tanger. 1er mars 1698. Ibid. t. III. fol. 168-173. - Deux mémoires sur Tanger. 1698. Arch. nat. marine. B7, 220. - Mémoire pour Maroc par le sieur Dedons, capitaine de brûlot, (sans date). Ibid. B7, 218, p. 57.
(2) Lettre du 4 septembre 1697. Arch. de la Chambre de Commerce, AA, 10. - Voir pour les années 1693-1697: Inventaire de Laffi lard. loc. cit. - Lettres du roi de Maroc à Louis XIV, de l'alcaïde Ali ben Abdalla au roi et à Pontchartrain, du 18 août 1693, rapportées par Saint-Olon. Arch. nat. marine, B7, 218. - Deux mémoires d'Estelle, en date de Salé, 2 mai et 26 août 1694, et un autre du 26 septembre 1698, pour la destruction dès corsaires de Salé. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 187-198 et 207-209.
(3) V. ce projet en 20 articles aux Arch. nat. marine, B7, 223, p. 357-50 (sic). L'article 7, relatif aux esclaves, est laissé indécis.
(4) La lettre du roi de Maroc, du 27 septembre 1698, qui l'accréditait, faisait de lui un pompeux éloge et lui donnait tous pouvoirs. Publiée par Plantet (Mouley-Ismaël, p. 349), d'après les Arch. des Aff. étrang. Cf. Arch. nat. marine, B7, 218, p. 40-41. - Pétis de la Croix (Relat. Univers., t. I, p. 449) appelle l'amiral Hadji Ali Manino Benache et dit qu'il appartenait à une des meilleures familles du Maroc, mais l'amiral ambassadeur est nommé dans tous les documents Abdalla Ben Aycha ou Benache. - V. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. III : Extraits de lettres et mémoires concernant les honneurs rendus aux ambassadeurs du roi de Maroc en France et les dépenses faites à cette occasion (1681-1699), fol. 23-42.
(5) V. une série de pièces relatives à la négociation aux Arch. nat. marine, B7, 223: Projet de traité de Dusault en 30 articles, p. 312-302 (sic). Projet présenté par l'ambassadeur le 11 mars, p. 329-47. Répliques de M. de la Touche aux réponses de l'ambassadeur, p. 317-14. Projet fait à Chavanne par M. le baron de Breteuil, pour dernier effort, le 2 mai, p. 291-278. Lettre de l'ambassadeur aux esclaves sur les galères, 20 avril, p. 295-92.
(6) Lettre du roi au roi de Maroc en récréance sur le reys Abdalla bin Aycha. 4 mai 1699: " Comme les pouvoirs que vous lui aviez donnés se sont trouvés trop bornés pour conclure, il retourne vers vous sur un de nos navires de guerre et vous verrez par le compte qui il vous rendra… s'il est de votre intérêt et de celui de vos sujets d'accepter la paix aux conditions communiquées par nos ordres à votre ambassadeur. " Arch. nat. marine, B7, 223, p. 252-53.
(7) 10 mai 1699. Ibid. 250-51.
(8) Lettre à M. Jourdan, de Nantes, 14 mai 1699. Ibid.
(9) Voici une curieuse lettre d'amour écrite à cette dame par Benache " Dieu veuille que cette lettre arrive à bon port à Madame le Camus, de la part de son ami embrasé d'ardeur pour elle, dont elle connaît l'état.
      " Loué soit Dieu seul et c'est en lui que se trouvent la force et la pleine puissance comme le très haut, le très grand.
      " J'ai écrit cette lettre d'amour que je vous envoie - Je chante dans ces vers le bonheur de ma destinée - Je voulais me taire par respect pour votre beauté - Pendant que le feu caché de mon coeur s'enflamme sans paraître - O lumière de mes deux yeux que votre absence est dure - Mais vous êtes présente au milieu de mon coeur - A l'arrivée des ténèbres de la nuit, je m'attriste de ne vous pas voir - Et l'aurore ne parait pas plus tôt que ma fâcherie éclate - Je m'écrie, ô ma bien aimée, recevez un salut qui vous puisse éterniser - Vous et tous ceux qui ont le bonheur de vous approcher. -
      " Je me console avec la lettre que j'ai reçue de votre part, mais à l'égard de ce que vous marquez que vous étiez dans cette maison de la porte de laquelle je suis retourné, si j'eusse su que vous y fussiez, j'y serais monté la face en terre et non pas sur mes pieds. Hélas ! j'ai suivi en cette occasion la coutume de nos Arabes qui est de ne pas entrer dans la maison d'un homme sans sa permission... J'ai mis la lettre dont vous m'avez honoré dans votre charmant porte-lettre pour qu'elle reste à mes enfants et que je leur fasse connaître l'amitié que vous avez pour moi. La tendresse de votre âme, la générosité et la pureté de votre coeur et la perfection de votre amitié. Je leur recommanderai par mon testament de lier avec vous, après ma mort, une amitié indissoluble et éternelle. " Traduit par Pétis de la Croix). Arch. nat. marine, B7, 223, p. 92-93. - De retour au Maroc, l'amiral n'oublia pas la dame de ses pensées. Il lui écrivait le 2 juillet 1700 : " Je ne puis assez vous témoigner combien l'amour que J'avais pour vous à Paris est augmenté depuis que j'en suis absent… J'ai tressailli dans la lecture de votre lettre, lorsque j'y ai vu la constance de votre coeur et la fidélité avec laquelle vous observez si religieusement les conditions de l'amour que nous avons contracté. Les plus charmants bijoux de France que vous nous avez envoyés en sont une preuve incomparable. " Ibid. p. 184-185.
(10) Cependant, l'ambassadeur partait mécontent de son échec et des personnages de la cour auxquels il l'attribuait ; il laissait voir parfois sa mauvaise humeur, comme dans cette curieuse lettre à Pétis de la Croix, du 21 mai l699, mélange de reproches et d'amitiés, qui débute ainsi : " Au savant de la Croix, ennemi de ma religion et non pas ami… Nous avons vu de belles curiosités, nous avons bien bu et bien mangé, nous nous sommes fâchés, nous nous sommes défâchés, le bon Dieu augmente sa prospérité, je le remercie de tout mon coeur. " Ibid. B7, 223, p. 248-49. - Pour l'ambassade de Benache, outre les documents cités, voir Aff. étrang. Maroc et l'inventaire de Lafi llard. (Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I); Arch. nat. marine, B7, 223, registre contenant une volumineuse correspondance relative à l'ambassade de Benache ; Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc. t. II, fol., 214-224 et 227-31 deux mémoires relatifs à cette ambassade; cf. Ibid., t. III, fol. 185. - Thomassy (p. 162-171), et Plantet (Mouley Ismaël, p. 350-62) donnent d'intéressants détails sur le séjour de l'ambassadeur à Paris, surtout d'après le Mercure Galant de 1699. - Cf. Rouard de Card, p. 29-33.
(11) Dans toutes ses lettres, Benache s'informe longuement et très affectueusement de la santé de Mme Jourdan et de ses enfants : il lui écrivait d'ailleurs aussi à elle-même. Cette dame était en état de grossesse, lors du voyage de l'ambassadeur, et avait déjà deux filles. Benache lui annonça un fi ls et fit à ce sujet une gageure avec le mari, que celui-ci perdit et paya. En souvenir, le fils du négociant fut nommé et baptisé Jean-François Abdalla Benache Jourdan. Lettre de Mme Jourdan à Bin Aycha. 21 mars 1700. Arch, nat. marine B7. 223. p. 161-65. - Toute cette correspondance de Benache est conservée dans ce très intéressant registre, qui est le recueil des traductions de ses lettres et de celles de Muley Ismaël, par Pétis de la Croix ; le texte arabe est en regard de la traduction. Benache y est appelé généralement Bin Aycha.
(12) Sur cette princesse a qui passait en ce temps-là pour un prodige de grâce et d'élégance voir Plantet, Mouley Ismaël, p. 363-70.
(13) B7, 223, p 129 bis, 130 bis. - La lettre adressée à Pontchartrain (ibid., p. 226-27) se terminait ainsi :
      Voilà, ô Monsieur de Pontchartrain, que je vous écris un secret de grande conséquence qui est venu dans le coeur du très grand roi l'empereur de Maroc. Si vous jugez qu'il faille là-dessus dire davantage de paroles, l'on se fie à votre prudence. Entretenez-vous de cela avec M. Jourdan qui m'en écrira au plus tôt.... Je vous prie que le premier vaisseau de guerre qui viendra ici de France puisse apporter la réponse de votre main, comme nous la désirons en toute vérité, afin que je m'embarque sur icelui pour aller vers vous sans trouver aucune opposition à cette alliance… " Cette lettre a été publiée par M. Plantet (Mouley Ismaël, p. 362-64), d'après les Arch. des aff. étrang., Maroc.
(14) B7, 223. P. 228-33. " Nous avons dessein, disait plus loin Muley Ismaël, de faire construire un pont considérable dans un lieu inaccessible, haut et bas, où la science de géométrie est nécessaire avec grande méditation. Je prie donc V. M. de m'envoyer quelques habiles architectes et maçons. " Puis, Bin Aycha lui avait parlé d'une cotte de maille qu il avait vue en France " laquelle étant mise sur une planche se mouvait et agissait à vue d'oeil. " " Cela m'a fait souvenir, disait le roi, d'une cotte de mailles que nous avions autrefois, que l'on disait être du nombre des cuirasses de David ; elle s'est égarée dans notre trésor et nous ne savons pas entre les mains de qui elle peut être tombée depuis environ vingt ans. Je désire extrêmement de voir celle que vous avez.... je vous prie de nous l'envoyer en l'état qu'elle est, pour la voir seulement et l'admirer, à condition de vous la renvoyer. "
(15) Thomassy ( p. 174-176) et Plantet (p. 371-372) ont cité ces pièces de vers.
(16) B7, 223. p. 162-165 : Lettre de Jourdan à Bin Aycha, 14 janvier 1700.
(17) Bin Aycha à Jourdan, 25 septembre 1699. B7. 223.
(18) Daté de mai 1700. B7, 223, p. 267-62 (sic). L'article 7 de ce traité en vingt articles proposait encore l'échange, tête pour tête, des esclaves et le rachat de ceux qui resteraient en surplus. Le prix de ce rachat était fixé à 150 piastres mexicaines ou sevillanes par tête. En 1699, il avait été question de 300 livres ce prix plus élevé était donc une concession faite aux Maures. - Instruction à M. de Pointis.14 avril 1700. Invent. de Laffi lard. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I.
(19) Bin Aycha à Pontchartrain, 22 septembre 1700. B7, 223, p. 216-217. Estelle à Pontchartrain, 10 mai 1700. Pontchartrain à Estelle, 19 mai. Inventaire de Laffilard.
(20) V. ci-dessus, p. 208, note 1.
(21) Lettres de Pointis : de Cadix, de Gibraltar, 18 juillet, de Brest, 8 septembre: lettre du sieur Mirasol, 15 juillet. Invent. de Laffi lard. - Dans la correspondance consulaire de Tripoli (1699-1707), il y a un mémoire curieux adressé au roi par un juif de Tripoli, Boaz Pinchaz, qui offre de servir d'intermédiaire pour une négociation avec le Maroc.
(22) Il ne faut pas oublier cependant que l'instabilité du gouvernement, le manque de politique suivie, la versatilité et les caprices des despotes marocains, auraient toujours rendu cette paix précaire et difficile à maintenir. Mais cela ne change rien au jugement à porter sur la politique de Louis XIV.
(23) Ce début fut très heureux. L'Amphitrite revint le 3 août 1700 avec un chargement extrêmement riche. Ce vaisseau repartit en 1701 et n'eut pas-moins de succès : il revint richement chargé, eu septembre 1703. Ce retour avait donné tant d'espoir que le roi accorda une nouvelle concession de 15 ans et la Compagnie fit partir encore trois vaisseaux. Mais elle se borna à ces cinq envois : la guerre de succession la découragea : de plus, la division entre les associés les empêcha de profiter de l'union qu ils avaient faite avec une Compagnie de Saint-Malo formée par le célèbre Lépine Danican. Dict. de Savary. édit. de 1722. col. 1361. - V. le livre de C. Madrolle. Les premiers voyages français à la Chine. La Compagnie de la Chine. 1698-1718. - Paris, Challamel, in-8°. 1901.
(24) L'usage du thé, introduit en Angleterre en 1666, n'était pas devenu encore d'un usage très commun dans ce pays vers 1700. V. Raynal. Hist. Philos. des deux Indes, t. I, p. 371-72.
(25) Voir pour tout cela une série de lettres : 25 septembre, 15 novembre 1699 ; 22 mars, 2 juillet, 20 août 1700. B7, 223. La lettre suivante du 22 février 1700 (ibid. p.142151) montre l'empressement de Jourdan à contenter, à la fois, la cupidité et la curiosité du maître et du favori : Il y est question de miroirs, flacons de cristal, porcelaines, bijoux des Indes, montres et flacons de poudre, tasses d'agathe, peaux de buffles, sabres de Damas, de faisans, de dindes et de paons. Jourdan fait surtout valoir un tapis : " C'est la plus belle pièce qui se soit faite au monde, il revient à l'ouvrier qui l'a fait à plus de 5000 piastres et ceux qui l'ont travaillé sont morts, la fabrique est à bas; ainsi, c'est une pièce unique et un original qui ne sera pas imité. Je voudrais qu'il fût encore cent fois plus beau, il ne serait pas encore digne d'être présenté à votre puissant empereur, comme nous avons dessein de faire, et, quoique vous me disiez que vous le voulez payer, je ne vous renvoie point à cette intention. "
(26) 1er août 1699, B7. 223.
(27) Lettres du roi de Maroc à Jourdan du 13 juillet, 30 octobre 1699, 13 juillet 1700 ; lettre de Bin Aycha, 15 septembre 1699. B7, 223.
(28) Lettre à Benache, 23 février, 1700.
(29) C'est ainsi qu'il signe ses lettres (Arch. de la Chambre de Comm. de M., 16 novembre 1698. AA, 560). Dans la correspondance ou l'appelle Mosnier de la Clozeric.
(30) Lettres du 10 avril, 22 mai, 6 août, 13 novembre. 22 décembre 1700. Patentes de consulat dit roi de Maroc pour Manier de la Clouzerie. 8 octobre 1700. p. 210-211.
(31) 28 août, 29 septembre 1700. Inventaire de Laffilard.
(32) 23 février 1700. Le sieur Mercier devait remplacer comme facteur Manier ou Mosnier dont il a été question ci-dessus ; l'autre agent annoncé, le sieur Hélouin, devait être sous les ordres de Mercier et lui succéder en cas de maladie, 20 août 1700.
(33) Benache répond à Boulanger, le 2 juillet 1700, en le félicitant d'avoir formé une société avec Jourdan : Nous ne vous regarderons donc plus avec M. jourdan que comme une même personne.
(34) Voir à ce sujet une série de pièces aux Archives coloniales. Carton Cie de commerce, n° 16. Le 27 janvier 1700, avait été formée la Société de Salé, en commandite, entre les sieurs Jourdan, Pierre Violette, sieur d'Alain, et leurs associés, parmi lesquels figuraient Moyse-Augustin Fontanieu, conseiller secrétaire du roi, trésorier général de la marine, les sieurs Perdiguier, Chapdelaine, Maleffre. Parmi les créanciers sont cités Guillaume du Noyer, ci-devant grand maître des eaux et forêts de la province du Languedoc, les sieurs Masson, Boujattiére, Chevalier, veuve Aumont. - Cf. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I. Inventaire de Laffilard : Arrêt concernant la Compagnie de commerce de Salé, intéressée avec celles du Bastion de France et du Cap Nègre, 8 mars 1707 ; lettre du 7 janv. 1708.
(35) Arch. nat., marine. B7, 220. Julien avait résidé à Salé. Cf. p. 184.
(36) Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 242.
(37) Mém. de J.-B Estelle, consul de Salé, janv. 1699. Arch. nat. marine. B7, 220.
(38) Avril 1696. Journal manuscrit de Saint-Olon. (Dans Thomassy, p. 158160). Il est constant, lit-on dans un mémoire rédigé par le fils du consul Estelle, en 1688, que le revenu de 18 %, d'entrée et autant de sortie, que le roi tire de ce qu'il entre et sort du royaume, est un revenu si considérable que, s'en voyant privé par une cessation et interdiction du commerce, aussi bien la faute des denrées, comme je dirai ailleurs, lui ferait demander la paix avec soumission. Estelle avait déjà présenté un mémoire en ce sens, le 6 juin 1687, à M. de Vauvré, intendant de la marine à Toulon et conseiller très écouté de Seignelay ; une ordonnance du 24 juillet 1687 interdit, en effet, aux Français, le commerce du Maroc. V. Arch. de la Chambre de Comm. HH, 7. V. ci-dessus, p.115. Dans un mémoire de 1669, Estelle dit que les droits perçus à Salé, depuis janvier 1697 à juin 1698, avaient été de plus de 200.000 livres. Arch. nat. marine, B7, 220.
(39) Cf. État des bâtiments partis de Marseille (1680-83). En faisant le relevé des marchandises chargées sur 7 bâtiments partis pour le Maroc, on trouve que sur les 7 il y avait du papier ; sur 6 du tartat (tartre) et de l'alun ; sur 3, des bonnets ; sur 3, des peignes, des toiles, du savon, du cumin, des amandes ; sur 2, des soieries, des draps, des chapeaux, de la mercerie, de la couperose, du soufre ; sur un seul, des prunes, des noisettes, des pommes, du riz, des gommes, du gingembre, du poivre, de l'opium, du mastic, de la rhubarbe, de l'huile, du sucre, du verdet (tissu), de la quincaillerie, de la laine, des cartes, du tabac, des trides (?). Arch. de la Chambre, II, 2. - l'auteur de la Lettre escritte... (Charant. 1670) remarque qu'on ne sait pas encore " ce que c'est au Maroc que ces boissons de caffé, de thé et de cha (?)... qui sont en usage aux Indes et au Levant et dont l'usage est venu aussi en France et surtout en Angleterre, " p. 115.
(40) Mouette parle d'un sieur de l'Aubia, marchand bayonnais, qui résidait à Salé en 1672, p. 31-32.
(41) Pour la valeur du commerce français au Maroc, on n pas d'autre indication précise que l'affirmation d'Estelle citée plus haut.
(42) La Primaudaie (d'après la Relation de Mouette, p. 306), parle d'un comptoir, fondé en 1883, par des négociants de Marseille à Taheddârt, à quelques milles au nord d'Arzilla (Rev. Afr. 1872, p. 395). Mouette ne parle en réalité ni de la fondation d'un comptoir à " Taguedarte ", ni de l'année 1683. Taheddârt servait de port à Alcassar, alors centre commercial de quelque importance, parce que cette ville avait servi de capitale au chef R'ailane (Gayland), l'ancien rival de Muley er Rachid (V. Mouette, p. 89-91). On y transportait les marchandises à dos de chameaux et de mulets. Larache, le vrai port d'Alcassar, à l'embouchure de la rivière, appartenait aux Espagnols.
(43) " En l'année 1838, on découvrit dans le royaume de Fez une mine d'étain très fin de laquelle on en retirait une prodigieuse quantité et il y eut un vaisseau de Rouen qui en chargea jusques à 1300 quintaux à la fois. " Mém. du consul Prat, 1669. Les guerres civiles firent cesser le travail.
(44) Les états de recette du cottimo ne nous renseignent pas sur le nombre des navires qui revenaient du Maroc à Marseille, parce qu'ils n'étalent pas soumis à ce droit. - Dans l'état des bâtiments partis de Marseille, pour les années 1680-83, on trouve : 2 bâtiments partis pour Safi et 1 pour Salé en 1680, 3 pour Salé en 1681, 1 pour Safi et 1 pour Tanger en 1682, 2 pour Tanger et 1 pour Tétouan en 1683. Mais ce ne sont pas des années normales ; on était en guerre avec Alger et même avec Salé.
(45) " Quant au commerce que font les marchands chrétiens, quoiqu'il leur soit avantageux, il l'est de beaucoup davantage au roi de Maroc et aux Mores et juifs ses sujets. Ces derniers font presque tout le commerce du pays. " Mém. d'Estelle. Janv. 1699. Arch. nat. marine. B7, 220.
(46) " Saphye est aussi considérable que Salé pour le commerce. Mais Agader, Aguer, ou Sainte-Croix, qui dépend de la principauté de Sus... surpasse toutes ces autres villes, à cause que les marchandises que l'on en tire sont plus exquises et de plus grand débit en Europe. " Mouette, p. 314. - Mouette est le seul à donner cette importance à Saffi et à Sainte-Croix : d'après le consul Prat, en 1669, le commerce pratiqué à Sainte-Croix par des marchands de Rouen et de Marseille n'était pas considérable. Mém. cité. - Cf. Description de toutes les rades, ports et havres, .... 1682. L'auteur de celle-ci même est le seul à signaler le commerce anciennement Important de Mogador : " Il se faisait autrefois en ce lieu un fort bon commerce de cire, cuirs et laines... Ce commerce a été fait, pendant plus de 30 ans, par les marchands de Dieppe et n'a été interrompu que depuis la conquête de feu Tafilete (Muley-er-Rachid) ; Il se pourrait aisément rétablir, à présent, lorsque le traité que fait le seigneur Achetomix, ambassadeur de Maroc en cette Cour, sera conclu. " p. 12-13. Achetomix est une curieuse erreur de lecture ou déformation pour Hadji Tumin. - Sainte-Croix était l'ancien nom de Santa-Cruz-de-Mar-Pequeña, fondée à la fin du XVe siècle, par les Espagnols des Canaries, pour assurer leurs relations avec le continent.
(47) D'après Mouette (p. 307), Muley Ismaël, après avoir repris Mamora aux Espagnols, en 1681, songea à en faire une grande place de commerce.. C'est le lieu le plus commode pour tout le royaume de Fez, dit Mouette, le fleuve est très profond et peut recevoir des navires chargés, du part de 300 tonneaux. Mamora a 21 pieds d'eau de haute mer ; Salé a 14 pieds d'eau de haute mer.
(48) Relation de l'empire de Maroc et Journal manuscrit de Saint-Olon (dans Thomassy. p. 185-188).
(49) Savary 1ère éd., colonnes 1034-1037 ; 2e éd., p. 366-67. - Voir les renseignements qu il donne sur les voyages des caravanes à Tombouctou. - Mouette donne de curieux détails sur le commerce des Arabes du sud du Maroc avec les nègres de Tombouctou, parce que " leur manière de négocier est assez plaisante et que l'usage de la parole y est interdit. " p. 315-18. V. aussi, p. 318-20, le détail des marchandises tirées du Maroc et des marchandises d'Europe qui y étaient envoyées. Savary copie en partie Mouette. - Cf. Périllié, consul de Salé. Mémoire sur le commerce du Maroc, 3 janv. 1688. Aff. étrang. Maroc, 1677-1693 ; Mém. du consul Estelle, du 6 juillet 1699 (contenant tout ce que Mgr le comte de Maurepas désire savoir). Ibid., Mém. et doc. Maroc, t. III, f. 187-92. - Le consul Prat rapporte une singulière fable au sujet de l'or de Tenbouquetou : " On dit qu'il est apporté par des serpents les plus venimeux que l'ardeur du soleil tient cachés au plus profond de la terre et que, pour se tenir plus frais, ils tiennent dans leur bouche de cette poussière d'or qu'ils portent sur la terre à la faveur de la nuit pour sen venir repaître. " Mém. de 1669. - D'après Prat, la caravane de Tenbouquetou ne partait du royaume de Sous que tous les deux ans. Elle y portait des draps, de la toile, de la rocaille, des drogues et quinquailles, dont le tout n'était pas de grande valeur. Elle comptait ordinairement 1000 à 1200 personnes, 800 chameaux et une quantité de chevaux. - Les caravanes pour Tombouctou par tant du royaume de Maroc étaient plus importantes. Cf. Lettre escritte ...1670, p 38 et seq. (Détails sur les caravanes). L'auteur parle d'un esclave français. Paul Imbert, des Sables d'Olonne, qui avait fait le voyage de Tombouctou avec son maître et le racontait souvent. D'après celui-ci, la caravane, ne voyageant que de nuit à cause des grandes chaleurs du jour, et s arrêtant aussi en route pour charger du sel, mettait deux mois pour aller de Maroc à Tombouctou.
(50) Mém. de janv. 1699. Ibid. B7, 220. - Cf. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II : Commerce des Français dans les places de Tetouan, Salé, Sainte-Croix, Saphy. juin 1688, fol. 137-138. Mémoire pour ce qui regarde le commerce quiet fait à Sophie et Sainte-Croix et par quels marchands ces endroits sont habités, janv. 1689, fol. 139-142.
(51) Dans une assemblée de la nation française de Salé, du 2 mars 1091, é propos d'un différend avec le consul, J.-H. Estelle, on trouve les noms de marchands suivants: Antoine Reymond, Pierre Gautier (tous les deux ayant exercé les fonctions de consuls avant 1689), Dominique de la Croix, Jacques Arnaud, Boursouin, Martin Doquinlegny, Aff. étrang. Maroc 1577-1693.
(52) Mémoire sur la affaires et négoce français aux ports maritimes du royaume de Maroc. par Estelle le fi ls. Arch. de la Chambre de Commerce. HH, 7. En note se trouvent les noms de trois tartanes venues de Cadix à Tétouan, en novembre-décembre 1687. chargées pour le compte de huguenots français réfugiés à Cadix. - " Les marchandises que les Anglais et les Hollandais portent sont toute sorte de contrebande comme poudre, arquebuse, pistolets, fer, câble, mâts et vergues : ils y portent de leurs draps, estimés beaucoup plus que ceux de France, à cause de la teinture, toutes sortes d'épiceries et marchandises des Indes ". Mém. du consul Prat, 1669.
(53) Ce témoignage de renégats qui avaient besoin d'excuser leur apostasie peut paraître suspect. D'un autre côté, l'exactitude de Mouette semble devoir être mise en doute, car les esclaves reniaient précisément pour recouvrer immédiatement leur liberté en se faisant musulmans, sans avoir besoin de payer ensuite une rançon.
(54) Un Anglais du XVIIIe siècle, qui avait été esclave au Maroc, publia des accusations analogues contre les marchands chrétiens et spécialement contre les Anglais. (Simon Ockley. Relation des États de Fez, p. 186).
(55) P. 326-27. Cf. p. 156. - M. de Saint-Amand donna à Boyer la charge de consul. V. Arch. des Aff. étrang. Maroc. 1577-1693. Lettres du 30 avril 1683, 26 décembre 1683, 17 juin 1684. - Quel est ce consul de Salé que Mouette accuse d'une façon si précise ? Serait-ce Pierre Gautier que Château Renaud établit comme consul en 1680 ? V. arch. des Aff. étrang. 1577-1693. Lettre du sieur Prat à Colbert, 24 janv. 1682 - A vrai dire, on datait alors guère bonne opinion des consuls de Barbarie en général. Voir ce que l'intendant de la marine, de Vauvré, écrivait à Seignelay le lé juillet 1686, à propos du consul de Salé, Perillié. Arch. nat. marine. B7, 210. - Seignelay avait fait une ferme générale des consulats du Levant et de Barbarie ; le consul d'Alger aurait dû payer au fermier 1500 livres par an, celui de Tripoli 700, ceux de Tétouan et de Salé 400 ; mais ces consuls sen tirent dispenser, sous prétexte qu'ils n'avaient pas de quoi subsister. Seul, en Barbarie, le consul de Tunis paya son fermage de 1200 liv., porté ensuite à 1500.Ceux du Caire et de Smyrne payaient 9000 et 6000 liv. de ferme. État de la ferme des consulats, 1690. Ibid. B7, 213. - On voit, par cet exemple, quelle était l'importance minime du commerce de la Barbarie vers 1680 ; il est vrai que la ferme avait dû être fixée à un prix particulièrement bas pour eu consuls, à cause des conditions toutes particulières où ils se trouvaient ; les fermages des deux consulats du Maroc, notamment, n'étaient certainement pas proportionnels à la valeur du commerce.
(56) L'abbé Raynal dit dans son Hist. philosoph. ... t. II, p. 188: " La peste enleva, dit-on, au Maroc, en 1678, quatre millions d'habitants. Ce calcul peut être exagéré, mais il est certain qu'en aucun lieu du globe ce fléau destructeur n'avait jamais fait d'aussi affreux ravages.
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A SUIVRE

NOUVELLES de LÁ-BAS
Envoyées d'Algérie
Annaba aujourd’hui : La grande mue de la Coquette
Publié le : 17-07-2011 sur El Moudjahid

              De mémoire de Annabi, la wilaya de Annaba n’a jamais vu son développement boosté autant que ces dernières années où pratiquement tous les secteurs confondus ont connu une très forte impulsion. La mise en œuvre des différents plans a incontestablement consacré sa mé-tamorphose.
              L’action de l’Etat lui a permis de renouer avec un développement harmonieux, voire même d’enregistrer des progrès substantiels, notamment dans les secteurs où les déficits accumulés étaient très contraignants. L’habitat et l’hydraulique aux côtés de l’infrastructure éducative et universitaire ont à leur actif des résultats très probants et sont en passe de conforter la wilaya dans sa stature d’antan et de grand pôle régional adossé à des infrastructures de base d’envergure, une base industrielle d’importance, ainsi que d’autres équipements et services stratégiques. Les programmes d’habitat tous types confondus, permettront de venir à bout aux échéances fixées à la crise du logement. Le wali est, à ce propos, catégorique. « D’ici à 2014, l’habitat précaire sera éradiqué. La transparence qui a cours dans la confection des listes des attributaires établies avec l’aide précieuse des associations de quartiers permettra de lever les appréhensions quant à l’iniquité dans la distribution. A ce rythme nous auront distribué quelque 40 000 logements tous types confondus d’ici à la fin du programme quinquennal. » Les perspectives incitent assurément à l’optimisme, justifié s’entend. Cela quand bien même Annaba serait dotée d’un parc très vétuste. Les statistiques donnent aux alentours de 19 % les habitations à insérer dans la catégorie précaires ou vétustes.
              Cet état de fait est à l’origine de la pression qui s’exerce sur les équipements et infrastructures des communes avec un impact sur la qualité de l’offre de services. Les premiers sites remontent à la période coloniale.

              A l’indépendance, la situation s’est aggravée avec les contraintes générées par l’exode rural et la croissance démographique et particulièrement suite à l’industrialisation tous azimuts de la région et à la faiblesse de production de logements.
              L’autre contrainte de taille reste l’habitat vétuste dans le tissu urbain. Jusqu’à aujourd’hui les programmes qui se sont succédé ne sont pas parvenus à combler le déficit.
              La réalisation des différents programmes inscrits au titre du quinquennal et notamment du programme rural pourrait desserrer l’étau sur une wilaya qui affiche de grandes ambitions en matière de développement. Pôle universitaire en perpétuel développement, la wilaya d’Annaba est résolument ouverte à l’investissement.
              Et ses multiples atouts peuvent drainer les capitaux aussi bien nationaux qu’étrangers.

              La mue formidable opérée ces dernières années est d’autant plus perceptible que les indicateurs économiques montrent les changements dans tous les secteurs, notamment ceux en rapport avec le développement humain.
              Les efforts consentis en matière d’AEP sont considérables, et c’est un objectif de dotation journalière de 160 l/j et un raccordement à hauteur de 95 % qui est ciblé. L‘effort déployé dans le secteur des transports n’est pas en reste.
              Le projet d’importance de réalisation d’un tramway et la réhabilitation et la remise en fonction du téléphérique, parallèlement à la construction d’une nouvelle gare routière conféreront à Annaba une autre dimension.
              Le tramway ne manquera pas de révolutionner le transport dans la wilaya puisqu’il prendra en charge près de 200 000 voyageurs /jour, ce qui représente 40 % de la population.
              A l’extérieur du tissu urbain, les projets ne sont pas de moindre envergure. C’est le cas du tronçon d’autoroute Est-Ouest qui traverse la ville sur 39 km, en plus des ouvrages d’art et le dédoublement de l’axe routier qui s’étend d’El Hadjar à la limite de la wilaya de Guelma. L’infrastructure aéroportuaire est également en développement. Une nouvelle aérogare et un nouveau parking avions donneront à l’aéroport international une meil-leure fonctionnalité.
              Le secteur de la santé qui mise sur un nouveau CHU pour prendre en charge les soins de haut niveau, l’enseignement de qualité et la recherche médicale renforce son infrastructure par l’hôpital de 120 lits d’El Hadjar et le centre anticancéreux érigé dans l’enceinte de l’hôpital Ibn-Rochd. Cette nouvelle structure d’un coût de 1, 8 milliard et qui est destinée au traitement, à la recherche et à la prévention du cancer, sera dotée d’une capacité de 150 lits et pourra accueillir 3 000 malades par an. La wilaya d’Annaba est en phase de recouvrer son rayonnement d’antan.
               S. Lamari

Nuits d'été à Annaba : Entre malouf, folklore
et musique moderne

Publié le : 19-07-2011 sur El Moudjahid

              La magnifique plage d'Aïn Achir de la corniche d'Annaba renoue depuis le début de ce mois de juillet avec les soirées artistiques et les variétés musicales au grand bonheur des familles et des vacanciers en quête de fraîcheur et de détente.
              Le public avait rendez-vous lundi soir avec l'association Essaouahal, qui a offert aux familles annabies une soirée dédiée exclusivement au genre malouf avec Cheb Riadh Bouchareb qui a interprété des noubate suscitant l'admiration du public.

              Le passage sur scène de Cheb Mehdi a donné plus d'animation à la soirée avec ses chansons modernes, permettant aux jeunes, aux moins jeunes et aux mères de famille de danser jusqu'à l'aube au bord de la mer. En plus de la contribution à l'animation des nuits d'été, les associations culturelles les plus actives sur le terrain œuvrent, en collaboration avec l'Office communal pour la culture et le tourisme de Annaba, à l'émergence d'un climat propice pour faire connaître au public les jeunes chanteurs et d'offrir des espaces de détente et de loisirs aux familles.
              La Semaine d'El Aneb pour le tourisme, la musique et l'art qu'a abritée tout récemment la plage de Aïn Achir, illustre la volonté de certaines associations de promouvoir la vie culturelle et musicale et de la mettre au service de l'activité touristique. Les soirées artistiques ne ciblent pas seulement la plage de Aïn Achir ou celle de Rizzi Amor, mais concernent, de temps à autre, le cours de la Révolution, place emblématique de la ville, où des chanteurs se produisent souvent dans le cadre des semaines culturelles des wilayas qu'abrite cet été Annaba.

La Coquette ensevelie sous les ordures
Publié le 20/07/2011 par El Watan

              Si, en politique, tout est permis, dit-on, il ne faut tout de même pas prendre en otage le citoyen qui fait souvent les frais des règlements de comptes entre élus.

              Annaba croule sous les ordures, particulièrement sa périphérie Ouest où les élus délégués chargés de la gestion des secteurs urbains semblent avoir d’autres chats à fouetter que la prise en charge de l’entretien de l’environnement. Les quartiers Eliza, Oued Forcha,
              La Colonne, Sidi Achour, Plaine-Ouest, formant les plus importantes cités de la ville, se sont transformés en favelas où pullulent, autour des ordures ménagères et autres déchets, moustiques, rongeurs, chiens errants et vaches.
              Ce laisser-aller a entraîné la réaction de nombreux habitants, dont une vingtaine s’est présentée, hier, à notre rédaction pour alerter, à travers notre journal, les autorités locales et également poser le problème de l’AEP en ces temps caniculaires.

              Apparemment, le responsable de l’environnement est occupé à autre chose qu’à remplir la mission pour laquelle il a été désigné en tant que membre de l’APC. Mais il faut dire que certains élus pratiquent leur propre politique. Le remue-ménage au FLN entre redresseurs et caciques, les luttes d’influence et le travail de coulisse avec pour objectif d’évincer l’actuel président de l’exécutif communal, grand empêcheur de tourner en rond, guident leurs actions. Certains voient déjà se concrétiser quelques ambitions personnelles bloquées par l’intransigeance de l’actuel maire et sa volonté à répondre en toute priorité à l’attente de ses concitoyens. Pour atteindre leurs objectifs, ses détracteurs travaillent en dilettantisme et abandonnent leur poste de travail avec l’espoir de voir réagir violemment les populations des quartiers et cités dont ils ont la charge.

              Du côté de la direction communale de l’environnement, on avance que «les camions de ramassage des ordures ménagères sont en panne».
              Réfractaire à cette intention de nuire aux citoyens annabis et aux milliers d’estivants venus des quatre coins du pays, un employé de cette direction nous a déclaré: «Le parc communal de Annaba dispose de quelque quarante camions. Il est inconcevable qu’ils tombent tous en panne en même temps. Sauf s’il y a une volonté délibérée d’ignorer leur maintenance. Actuellement on utilise des camions non automatisés qui restent de loin inefficaces devant les déchets ménagers de l’importante population de la ville qui, en plus est en pleine saison estivale.» Cette situation intervient en l’absence du wali et du P/APC de Annaba qui sont en visite de travail en Russie sur invitation du maire de la ville d’Ekaterinbourg. Ce déplacement s’inscrit dans le cadre des préparatifs du jumelage des deux cités.
              Leïla Azzouz


MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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Mr Bremond

       Bonjour
       Ma maman est née en 1932 à bone et a bien évidemment fréquenté les écoles de la ville, cependant je ne trouve aucune trace ..
       Je recherche les familles LINNEMANN, PONT, RIQUIER, ROUGIER
       Merci pour votre aide
       Cordialement
       Mr Bremond
Mon adresse : pierrejean.bremond@gmail.com

Mlle Isabelle Grech

       Je lance un avis de recherche à toutes personnes étant nées à BONE (ALGERIE) pour retrouver des personnes qui auraient connue ma Famille. Il s'agit de la Famille GRECH.
       Mon Grand-Père s'appelait GRECH Auguste, marchand de céréales. Il est décédé en 1948. Son frère s'appelait Jean GRECH, commerçant lui aussi.
       Si quelqu'un connait la Famile GRECH, elle peut me contacter via mon adresse internet ci-dessous, cela me ferait énormément plaisir ainsi qu'à ma famille.
       Merci par avance, cordialement
       Mlle Isabelle Grech
Mon adresse : isabellemartin.grech@orange.fr

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
Diaporama 40                                           Diaporama 41
Diaporama 42                                           Diaporama 43
Diaporama 44                                           Diaporama 45
Diaporama 46                                           Diaporama 47
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Septembre 2011.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois
CLIQUEZ ICI pour d'autres messages.

Bel exercice de langue française !
Envoyé par Jean-Claude
Auteur Inconnu

       Myope comme une taupe», «rusé comme un renard» «serrés comme des sardines»... les termes empruntés au monde animal ne se retrouvent pas seulement dans les fables de La Fontaine , ils sont partout. La preuve: que vous soyez fier comme un coq, fort comme un bœuf, têtu comme un âne, malin comme un singe ou simplement un chaud lapin, vous êtes tous, un jour ou l'autre, devenu chèvre pour une caille aux yeux de biche.

       Vous arrivez à votre premier rendez-vous fier comme un paon et frais comme un gardon et là, ... pas un chat! Vous faites le pied de grue, vous demandant si cette bécasse vous a réellement posé un lapin. Il y a anguille sous roche et pourtant le bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard, la tête de linotte avec qui vous êtes copain comme cochon, vous l'a certifié: cette poule a du chien, une vraie panthère! C'est sûr, vous serez un crapaud mort d'amour. Mais tout de même, elle vous traite comme un chien. Vous êtes prêt à gueuler comme un putois quand finalement la fine mouche arrive.

       Bon, vous vous dites que dix minutes de retard, il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Sauf que la fameuse souris, malgré son cou de cygne et sa crinière de lion est en fait aussi plate qu'une limande, myope comme une taupe, elle souffle comme un phoque et rit comme une baleine. Une vraie peau de vache, quoi! Et vous, vous êtes fait comme un rat.

       Vous roulez des yeux de merlan frit, vous êtes rouge comme une écrevisse, mais vous restez muet comme une carpe. Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez, mais vous sautez du coq à l'âne et finissez par noyer le poisson. Vous avez le cafard, l'envie vous prend de pleurer comme un veau (ou de verser des larmes de crocodile, c'est selon). Vous finissez par prendre le taureau par les cornes et vous inventer une fièvre de cheval qui vous permet de filer comme un lièvre. C'est pas que vous êtes une poule mouillée, vous ne voulez pas être le dindon de la farce. Vous avez beau être doux comme un agneau sous vos airs d'ours mal léché, faut pas vous prendre pour un pigeon car vous pourriez devenir le loup dans la bergerie.

       Et puis, ça aurait servi à quoi de se regarder comme des chiens de faïence.
       Après tout, revenons à nos moutons: vous avez maintenant une faim de loup, l'envie de dormir comme un loir et surtout vous avez d'autres chats à fouetter...



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