EN CE TEMPS LA,
SUR LA COLLINE D'HIPPONE ...
René VENTO
Dépêche de l'Est, lettre N° 29 du 15 septembre 2001 (pages 10 et 11 )

En ce 23 Août 1953, la procession des fidèles gravissait lentement la colline d'Hippone en se dirigeant vers la basilique Saint Augustin.
Au début du cortège, le Père MIZZI, Recteur de la basilique, l'Archiprêtre Houche de la Cathédrale et l'abbé Conte de l'église Sainte Thérèse, guidaient leurs brebis dans la prière.

Suivaient les enfants de Marie, les dames paroissiales des différentes églises de la ville et tous les croyants qui venaient honorer le saint, si cher aux Bônois , dont c'était ce jour-là la fête.

En queue de cortège, la fanfare des sapeurs pompiers donnait la cadence de l'avancement de la procession de son Ave Maria, que la chorale reprenait en chantant à gorges déployées, malgré l'essoufflement provoqué par l'ascension de la colline sous un soleil de plomb.
En tête de la fanfare, mon père qui en était le chef, et en queue, moi avec mon clairon et ma tenue de pompier que mon père m'avait fait confectionner sur mesure. J'avais alors treize ans et, en Octobre, j'entrais en 4ème au lycée Saint Augustin.

Arrivés en haut de la colline, les "processionnaires" se dirigèrent vers la crypte qui abritait la relique de Saint Augustin. Au même instant, le clergé, la fanfare, et quelques curieux s'installaient sur l'esplanade devant l'hospice des vieillards pour souffler un peu et y consommer quelques rafraîchissements avant de reprendre le déroulement de la cérémonie à l'intérieur de la basilique.

Pendant cette pause, l'ambiance devenait moins protocolaire et il arrivait même que des plaisanteries circulent sur les lèvres des musiciens, voire même du clergé. Soudain, je vis mon père s'approcher du Père MIZZI, avec lequel il entretenait des relations cordiales en raison de leur commune origine maltaise (ma grand mère s'appelait Borg). Tous deux me regardèrent ; mon père se dirigea vers moi et, devant l'assistance qui cessa alors de "tchatcher", il me demanda à haute voix :

- René, récite au Père MLM l'histoire que tu as écrite et qui raconte comment que la basilique Saint Augustin elle a été construite.

Vers la fin Juin, mon père avait été intrigué de me voir écrire tout un après midi penché sur un feuille posée sur la table de la salle à manger.
- Qu'est ce que tu fais René , dit il en essayant de déchiffrer ma prose ?
- J'écris en latin l'histoire qui raconte comment que la basilique de Saint Augustin elle a été construite, répondis je.
Mon père n'insista pas mais voilà qu'aujourd'hui, il m'invitait fermement à prouver mes talents d'écrivain latiniste devant le clergé Bônois ! Je n'avais plus d'échappatoire et, sans enthousiasme, je commençai mon sermon, en latin, devant un public silencieux et à l'écoute.

Voici la traduction du récit que ce jour de 1953, j'ai osé faire, en latin, au pied de la Basilique.

En ce temps là, jésus vivait à Hippone pour y rencontrer un Berbère qui s'appelait Augu.
- En vérité, je te le dis Augu, sur cette colline tu bâtiras une église que le nom y sera celui de ton descendant qui s'appellera Augustin.
Augu y répondit :
- Oui, mais doux Jésus, pour construire y faut du flouss et moi j'en ai pas. T'y peux pas donner un gala au profit de celui qui va payer la construction ?
Jésus accepta et Augu l'amena au bord de la Seybouse qui, ce jour là, coulait à flots pour cause de crue. Augu y fait marcher le téléphone berbère qui se fonctionne de bouche à oreille pour appeler ses amis et même ses ennemis les Romains qui venaient manger la galette des berbères.
Les bords de la Seybouse y z'étaient noirs de monde et Augu en profita pour faire la quête. Lorsque la recette atteignit le montant de la construction, alors le gala y commença. Jésus se dirigea vers la Seybouse en marchant à pied sur l'eau et y demanda à Augu de le suivre
. Augu y l'avança jusqu'à ce que l'eau elle lui arriva jusqu'au cou et alors il s'écria :
- jésus au secours, je me noie ! jésus se retourna et lui envoya une parabole pour le sauver :
- Augu fais comme moi diocane, marche sur les pierres !
Au fur et à mesure que je racontais mon histoire, tel un orateur sur le Forum de Rome, je vis le Père MIZZI se passer plusieurs fois la main dans sa barbe ; l'Archiprêtre Houche saisit nerveusement le crucifix qu'il portait sur sa poitrine tandis que l'Abbé CONTE me fixait d'un regard sévère en mijotant la pénitence qu'il allait m'infliger ultérieurement.

A la fin du récit, le public, qui ayant perdu son latin, n'avait rien compris, applaudit. Mon père s'approcha des membres du clergé et s'exclama :
- Alors elle vous a plu l'histoire qu'il a écrite mon fils ?

Un silence religieux, au sens propre du terme, accueillit la question de mon père. Le Père MIZZI fit un pas vers moi et me chuchota à l'oreille
- Pour te faire pardonner, tu descends la colline à pieds nus et tu remontes en courant avec des cailloux dans les souliers.
L'Archiprêtre Houche, avec un sourire aux lèvres à peine contenu, me fixa un rendez vous à la cathédrale pour m'entendre à confesse.
Quant à l'Abbé CONTE, il me tourna le dos sans dire un mot. Huit ans plus tard, je le retrouvai à l'église Sainte Thérèse pour mon mariage. Il se souvenait encore de mon histoire de Saint Augustin et murmura en souriant :
- Je crois que je vais être obligé de te marier dans la sacristie sans cérémonie.
Je lui fis alors remarquer que ma future épouse était protestante et qu'en nous mariant à l'église, il récupérait une nouvelle paroissienne. Mon argument œcuménique avait dû le séduire car, au cours de la cérémonie de mon mariage, il me donna la bénédiction de Dieu à grand renfort d'eau bénite. A la sortie de l'église, un nuage blanc qui traînait dans le ciel presque bleu, déversa sur nous une pluie dense et tiède qui nous trempa jusqu'aux os. Ce devait être Saint Augustin qui, bien placé auprès de Dieu, lui avait demandé de nous servir la rince de sa bénédiction.
S'il advenait que mon histoire ait choqué quelques âmes très catholiques, qu'elles me pardonnent comme l'ont fait le Père MIZZI, l'Archiprêtre HOUCHE, l'abbé CONTE et peut être Saint Augustin lui même. Ce n'est qu'une histoire bônoise sans intention blasphématoire.
Jésus, dont on raconte aujourd'hui qu'il savait plaisanter. aurait peut être souri en entendant ce récit. mais qu'aurait il pu dire diocane ?
"Ca c'est une question théo (pas) logique que le Bônois que jesuis y peut pas répondre".

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Gaétan TABONI


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