La route de Constantine et la côte Est
Bône - La Calle
Par Henri LUNARDELLI
Publications du Centenaire de l'Algérie ( 7 tomes):
Georges Rozet, 1929. -


Nous nous étions rafraîchis à Bugeaud, avant de redescendre sur Bône. Notre " guide-touriste " métropolitain nous fait maintenant découvrir un bijou caché de la côte algérienne : La Calle. N'oubliez pas que c'était en 1929… mais le lac Fetzara n'est toujours pas asséché en 2003…

N'aurez-vous pas la curiosité, avant de retourner vers l'ouest, de pousser jusqu'au plus oriental des ports algériens, La Calle ?.. Ces 90 kilomètres, qu'on ne fait guère que pour se rendre en Tunisie, en s'écartant d'ailleurs d'une côte bordée de lacs et de marais, ont leur pittoresque cependant: route à travers brousses, entre des boisements à droite et de vagues marécages à gauche.
Entre Blandan et Le Tarf, la vallée de l'Oued el-Kébir (un des nombreux oueds algériens de ce nom) s'orne de prairies et de beaux arbres. Au-delà d'Yusuf, le lac Oubeïra est encadré par des hauteurs boisées. Le lac Melah, qu'on visitera de La Calle, annonce une côte aussi plate et indécise que la Corniche djidjellienne était nette et violemment colorée.

Surtout, on goûtera l'élégante mélancolie du petit port de La Calle, jadis prospère, aujourd'hui déserté pour celui de Bône. Derrière ses lacs et ses forêts, le vieux port des corailleurs n'est pas sans grâce encore avec son quai de palmiers sur lequel se dresse une église gothique à l'image de Chartres. Ici fut, au XVIe siècle, un des premiers établissements français sur la côte barbaresque. C'est un pèlerinage qui a son prix et qui sera célébré lors du Centenaire, en attendant qu'un projet adopté par les assemblées algériennes redonne la vie à ce port.

Port et église de La Calle
Belle sortie de Bône, à travers de grasses prairies, bordées de hauteurs finement nuancées devant lesquelles bientôt s'interpose le marécage du soi-disant lac Fetzara, 14.000 hectares que l'on assèche peu à peu pour compléter la Mitidja bônoise.

Au bord de notre route, des eucalyptus étêtés repoussent avec une vigueur qui dit la qualité de ces terres. Aïn-Mokra, centre d'un gisement minier partiellement épuisé, marqué par quelques vestiges antiques, nous ouvre le chemin d'Herbillon: souvenir de l'ancienne Tacatua, type de ces anses médiocres qui suffisaient aux menus vaisseaux puniques ou romains et ne sont plus aujourd'hui que d'humbles ports de pêcheurs.
En revenant d'Herbillon, résistez à la tentation de retrouver la ' nationale' et prenez, sur votre droite - 7 km environ avant Aïn-Mokra - le chemin de Dem-el-Begret, dont les Guides ne parlent guère. Amusante façon cependant de gagner Philippeville, car c'est la seule voie carrossable qui, à l'est de la plage de Djidjelli, soit un instant et magnifiquement côtière.

Plate et rectiligne d'abord, à travers d'immenses prairies à bestiaux, elle s'enfonce bientôt dans une prairie de chênes-lièges, traverse un chaos rocheux et débouche enfin devant le golfe de Philippeville, terminé au nord-est par le cap de Fer, une formidable avancée montagneuse qui vient mourir dans la mer en pointe effilée et délicatement façonnée de fuseau à dentelle : vision brève, mais inoubliable.