LE CERISIER DE Mme GIOVACCHINI
Dépêche de l'Est N° 34 du 15/12/2002
Par Christian Migliasso

Les plus anciens d'entre nous doivent se souvenir de Monsieur Giovacchini, candidat aux élections de toutes sortes. Il donnait du grain à moudre aux caricatures de tous poils.

On le représentait tantôt avec un corps de serpent, tantôt en lion du massif de l'Atlas. Les affiches, les dessins humoristiques, on les trouvait placardés, jusque sur les murs de sa villa, à l'Orangerie.

La DEPECHE DE L'EST ne se privait pas de les éditer.

Mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, puisque je veux vous parler du cerisier de son épouse.

Un arbre majestueux. Immensément grand, aux longues et larges branches, qui débordaient sur la rue, pour nous donner une ombre rafraîchissante, et point de rendez-vous de la bande de copains.

Dès que cet arbre était en floraison, on voyait plus souvent cette brave dame à ses fenêtres ou dans son jardin.
Ce magnifique arbre fruitier, regorgeait en abondance de baies rouges foncées et charnues, au goût incomparable. Lorsqu'il était en pleine production, Mme Giovacchini campait à longueur de journée à proximité de ce bien de Dieu pour nous empêcher de dilapider sa récolte.

La nuit tombante, elle laissait une loupiote allumé dans la chambre surplombant le bel arbre, afin de nous faire croire qu'elle était présente. Toutes les précautions, toutes les surveillances, toutes les alarmes n'eurent aucun effet.

De chez moi, je pouvais surveiller, puisque du premier étage où j'habitais, je voyais ce qui pouvait se passer autour de notre objectif. Nous savions pertinemment que la dernière personne à quitter la villa était la propriétaire, le téléphone arabe était aussi rapide que le FAX ou le TELEX de nos jours. On chapardait, mais on ne faisait aucun dégât.

La brave femme s'apercevait qu'on lui chipait ses fruits juteux, sucrés comme du miel, mais avec le recul, aujourd'hui, je suis certain qu'elle nous rouspétait pour la forme. Son arbre était tellement généreux que les oiseaux trouvaient, eux aussi, de quoi se nourrir.

Ceci, n'est qu'un souvenir qui remonte tout à coup de notre enfance, de notre adolescence, nous faisions ces petits interdits sans méchanceté car nous vivions alors dans un pays de cocagne.

Christian MIGLIASSO