07 Septembre 1999

 

Le massif de l'Edough

Je reprends mon clavier ce soir pour continuer les cotés de l'écrin entourant notre coquette ville. Après la corniche et la côte, la face ouest de la ville était constituée du massif de l'Edough, magnifique montagne culminant à la cime arrondie du Bou Ziizi à 1008 mètres, dominant toute la plaine de Bône et la dépression du lac Fetzara. Vue de la ville, la montagne était là avec sa parure de chênes, soit chaînes liège, soit chaînes Zen, plus bas c'était le maquis comme en Corse ou en Provence.

Pour décrire ma montagne, j'emprunterai la route qui y montait jusqu'au village de Bugeaud. Tout au bout de la Rue Sadi-Carnot, juste après le tournant donnant accès au nouvel hôpital, construit dans les années 55/60, la montée commençait avec quelques courbes surplombant les faubourgs ouest de Bône : La Colonne, Joanola, l'ancien hôpital, ( hospice blotti dans un vallon juste sous la montagne ).

Environ un kilomètre plus loin, on changeait de paysage et on découvrait la mer. Un chemin de terre descendait vers le Château Chancel puis plus bas sur le quartier des Beni Ramassés si typique et si cher à mon cœur car j'y ai vécu de 1937 à 55 , à la suite, la tache plus sombre vert foncé des cyprès du cimetière ( non, ce n'était pas celui du dicton "car si tu vois le cimetière de Bône, l'envie de mourir il te donne", celui ci s'applique au cimetière musulman au dessus de la plage du lever de l'aurore) .

Un nouveau tournant vers l'ouest et la route devenait de plus en plus dure avec des pentes à 10% , plus étroite aussi et l'on arrivait au col des chacals . J'ai fait cette montée en vélo deux fois je crois, mais même avec des jambes de quinze ans, c'était dur...

Du col des chacals on apercevait la mer loin en contre bas. Un chemin de terre partait sur la droite mais je ne sais où il conduisait . Toute cette première partie de la montée redescendait par ailleurs dans des collines vers le cap de garde et les plages de la corniche. Le col avait une altitude de 600 mètres . La route tournait sur la gauche et montait plus doucement sur deux kilomètres jusqu'à un carrefour. La route de gauche conduisait directement vers Ste Croix de l'Edough .

Reprenons la route principale sur la droite, un peu plus pentue sur les 5 derniers kilomètres qui nous conduisait au village de Bugeaud . De temps à autre, la couverture forestière se découvrait dans un tournant laissant voir toute la ville de Bône , ses collines, le port , Saint Augustin et le ruban mordoré de la Seybouse.

Panorama de la ville

On entrait à Bugeaud , on tournait a droite pour monter vers la place centrale entourée de barrières en ciment, à angle droit un chemin carrossé partait vers les plateaux, il y en avait trois avec quelques habitations. Je me rappelle bien Bugeaud car pendant la guerre 42/45 j'y ai résidé, de la fin novembre 42 à la mi juin 43. Pendant cette période, les Allemands et les Italiens ont bombardé Bône presque journellement et au début, plusieurs fois par jour .

Comme beaucoup d'habitants de Bône ma mère est montée avec mon frère et moi pour tranquilliser mon père qui restait en ville. La population de Bugeaud est passée de 2000 à 10000 habitants. Sur les plateaux, il y avait des batteries anti aériennes Américaines ou Anglaises qui essayaient de détruire les avions ennemis. Mais vue la topographie du village; au sommet d'une croupe arrondie, ils n'y parvenaient pas.

Revenons sur la place, la grande rue continuait en face, après l'hôtel Aissa puis l'hôtel Notes. A cinq cents mètres, c'était l'hôtel du Rocher qui, du haut de son nid d'aigle, surplombait toute la côte vers l'Ouest, Ain Barbar puis Herbillon .

Pierre.Leonardelli@wanadoo.fr


12 Septembre 1999

 

Le massif de l'Edough, (suite)

Le site de cet hôtel a fait l'objet de nombreux souvenirs de voyages et après l'indépendance, l'architecte Français Pouillon a coordonné la rénovation en y introduisant une piscine pour attirer les touristes en ce lieu. Après l'hôtel du Rocher, la route redescendait vers le petit village de l'Edough.

L'égliseQuittons cette route sur la gauche par une petite rue remontant en contrebas du village vers le jardin du curé où une source en contrebas de l'église avait parait-il des vertus diurétiques. On retombait alors dans le prolongement de la grande rue sur l'église et la mairie. 

Ce chemin de l'hôtel du Rocher à l'église, parcourait de nombreux jardins potagers et fruitiers. Je me rappelle qu'il y avait beaucoup de noisetiers, et de noyers. Les légumes et les fruits de Bugeaud étaient renommés, en particulier les petits pois, les pommes et les poires. Bugeaud était un paradis climatique car l'altitude de 900 mètres adoucissait les chaudes journées d'été, c'est pourquoi quelques Bônois aisés y avaient une résidence secondaire.

J'ai revu Bugeaud sur deux vidéos assez récentes dont une, faite par un voyage de Ciotéens. Le village paraissait bien vide et le clocher de l'église avait été enlevé.

Dans ce descriptif, j'oubliais la gendarmerie installée en 1960 et le nouveau préventorium, magnifique édifice de santé qui a été inauguré avant l'indépendance en portant le nom de Henri Alloï, dernier maire de Bugeaud que j'ai eu comme dentiste à Bône. En redescendant de l'hôtel du Rocher on arrivait à Sainte Croix de l'Edough, je me souviens d'une petite réserve de biches et de cerf; ceux ci venant prendre ce que les gens donnaient au travers du grillage. Au carrefour, on retrouvait la route venue de Bône en évitant Bugeaud. A peu prés en face, partait un chemin forestier descendant à la magnifique plage de l'oued Begrah. Depuis, ce chemin a été aménagé et goudronné. De sainte croix, la route continuait vers Herbillon a flanc de montagne. A deux kilomètres sur la gauche, partait la route du Bou Zizi, le sommet de notre montagne qui culminait à 1008 mètres. Il y avait là des plateaux assez peu inclinés et du sommet, on voyait toute la plaine.

Je me remémore tous ces bois où je suis allé très souvent, avec mes parents, (avant 1955), ramasser des champignons à pleins paniers ; cèpes, girolles, oronges comme ceux de France et des clavaires aux formes de choux fleurs. Il y avait aussi beaucoup d'arbousiers sauvages.

En 1962, médecin militaire à la Base aérienne des Salines, je suis souvent monté au Bouzizi où nous avions installé des relais hertzien de télécommunications et où un détachement de l'air de quarante soldats assurait la logistique, la maintenance et la défense. j'y suis souvent allé en hélicoptère, en Alouette mais aussi parfois en 2 CV bleue avec mon chauffeur Mr Russo et à cette époque il y avait encore des attentats.

Voilà, je vais clore mes souvenirs sur Bugeaud et l'Edough.

Pierre.Leonardelli@wanadoo.fr


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