N° 95
Juin

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juin 2010
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Cet Ecusson de Bône a été généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les dix derniers Numéros : 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94,
  C'était le 5 juillet 1962    
Par : Rodolphe Orane
EDITO

   LE SCOUTISME et LA VIE…..   

         Chers Amis
         Depuis la sortie à Cannes d'un certain " Film Polémique ", on parle de scoutisme en Algérie et de scoutisme musulman.
         Je ne me souviens pas de cette entité musulmane dans les vrais scouts à cette époque et jusqu'en 1962 à Bône.
         Je sais que chez les scouts de Sainte Anne à Bône, nous avions des copains musulmans qui venaient avec nous en sortie, pour la convivialité, l'amitié fraternelle, le respect des autres et pour tous les principes de vie que nous avions et que leurs parents appréciaient.
         Quand je dis Scoutisme, je ne parle pas des mouvements politiques ou guerriers qui se sont considérés comme scouts depuis 1935 en Algérie.
         Cela n'était pas du Scoutisme comme conçu en 1907 dans l'esprit de son fondateur Lord Robert Baden-Powell, général anglais en retraite.

         Robert Baden-Powell décide de mettre l'expérience apprise à la guerre au service des jeunes gens, cette fois dans une optique de paix afin de leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes avec bienveillance et patience. Il disait : " À la fin de ma carrière militaire, je me mis à l'œuvre pour transformer ce qui était un art d'apprendre aux hommes à faire la guerre, en un art d'apprendre aux jeunes à faire la paix ; le scoutisme n'a rien de commun avec les principes militaires. "

Qu'est-ce être scout ?
         C'est être en phase avec le mouvement de jeunesse basé sur l'apprentissage de valeurs fortes, telles que la solidarité, l'entraide, le respect, la recherche, l'observation, la déduction, le sport, le secourisme, la santé, la discipline, les responsabilités, la chevalerie, le patriotisme, donc tout simplement le civisme.
         On était scout dans tous les actes et les lieux de la vie civile. C'est-à-dire : à l'école, dans la rue, dans d'autres bâtiments administratifs, les stades, au travail sur le chantier comme au bureau ou à l'atelier, mais aussi et surtout à la maison avec les tâches qui s'y attelaient.
         Le premier apprentissage de la vie scoute était donné, dans la très grande majorité, par la vie et le noyau familial. Sans cette fonction première, c'était très difficile d'accepter les rigueurs et disciplines du scoutisme.
         Le but principal du scoutisme est fondé sur un principe pédagogique qui cherche à donner des responsabilités à l'enfant et à l'adolescent pour les aider à former leur caractère et construire leur personnalité en permettant leur développement physique, mental et spirituel afin qu'ils puissent devenir des citoyens actifs dans la société et à épanouir leur vie sociale dans le respect des valeurs traditionnelles de leur milieu social.
         Le scoutisme s'appuie sur une loi et une promesse et a souvent un lien religieux. La loi est une série de " conseils de vie ", la promesse est l'engagement que prend le jeune devant ses pairs pour marquer son adhésion à la loi et aux valeurs du mouvement.

         Le scoutisme n'interdisait pas de rêver à un futur ou d'écraser des désirs honnêtes que l'ont pensait inaccessibles. Au contraire, il permettait de préparer tout cela dans une vie sereine, d'amour et de sacrifice car il était inutile d'espérer y arriver sans une persévérante discipline de vie. C'était comme à l'armée, celui qui ne savait pas ou ne voulait pas faire son lit, il ne pouvait pas avoir les capacités nécessaires pour gérer des situations exceptionnelles. C'est par exemple, ce que nous constatons actuellement avec l'éclatement des familles au moindre pépin.

         Certains parents ont fait passer la plupart des devoirs d'éducation après leur bien-être personnel ; d'autres ont tellement de soucis à joindre les deux bouts qu'ils délaissent aussi et à tort ces devoirs. Et c'est pourquoi, nous voyons des enfants ou jeunes en déshérence ou en délinquance.
         Je vois et j'entends déjà ceux qui vont dire : il n'y a pas que cela. Je l'admets, il y a aussi, chez une frange de la population, une volonté délibérée de modifier nos codes de vie par des actes d'incivilités répétés et programmés. Mais là c'est un problème de politique nationale et c'est à nos dirigeants de se conduire en chefs scouts pour tenter de redresser cette grave et dangereuse situation qui pèse sur notre civilisation, si l'on veut éviter des événements comme ceux évoqués dans le " Film Polémique " de Cannes.

         C'est vrai qu'à l'heure actuelle, le monde est tout chamboulé avec un modernisme qui n'en finit pas de battre des records de vitesse dans son expansion. De plus, la montée de l'individualisme, la raréfaction du bénévolat, l'affaiblissement du " monde associatif ", ne peuvent que préoccuper ceux qui ne vivent pas dans une tour d'ivoire. Le scoutisme est une chance pour les jeunes, encore faut-il qu'il reste un scoutisme libre.

         Volontairement je n'ai pas parlé du Coté religieux du Scoutisme, afin d'éviter toute polémique inutile. C'est ainsi que je ne dirai pas : " prions pour ", mais " espérons que le monde prenne conscience que les principes de vie du Scoutisme sont un atout pour l'avenir. "

Pourquoi, ai-je parlé de Scoutisme ?
         A part l'amalgame fait dans " le Film Polémique ", c'est parce que dimanche dernier, j'ai vu avec grand plaisir une troupe de jeunes scouts traverser " mon village d'exil ". Cela faisait de longues années que je n'avais plus vu une telle colonne et que les souvenirs inoubliables d'une bonne époque me sont remontés du fond des tripes.
         Scout Toujours.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


A la mémoire des Agriculteurs
de la plaine de Bône
                                          par Georges Bailly                                       N°14

LA SOCIÉTÉ AGRICOLE DES FERMES D’HIPPONE
(Récit et documents de Jean-Philippe Pellarin et B. Hanquart)

Domaines de la Safhi

La Safhi était totalement indépendante de la Société des Fermes Françaises d'Algérie. Le domaine dont une partie avait appartenu à la famille Dalaise, était situé à St. Paul, commune de Duzerville.
La Société Agricole des Fermes d'Hippone S.A. au capital de 675.000 Nouveaux Francs, S/S ST. PAUL, Commune de DUZERVILLE R.C. BONE 3359, avait ses bureaux 11, Allées Guynemer à Bône, téléphones : Bureaux 22.83 Bône, Domaine 32 à Duzerville CCP 103.10 ALGER, PDG Armand PELLARIN.
Logo : Cercle incrusté dans un Losange avec à droite et à gauche (horizontalement) une grappe de raisin stylisée, dans le cercle verticalement et horizontalement SAFHI.
Monsieur Veillet son administrateur avait proposé à son gendre, Armand Pellarin, sortant de l'école Centrale, de le seconder, puis de lui succéder. Armand Pellarin était marié avec Jeanne Veillet tous deux de Chambéry, ils eurent cinq enfants : Jacqueline, Chantal, Monique, Jean-Philippe, Marie-Pierre.
L'exploitation agricole comprenait : 74 ha d'agrumes en hiver, les 334 ha de vigne en été. Elle possédait une cave où elle vinifiait son propre vin, elle possédait en plus la ferme Bou Athout, et louait des terres à la famille Ben Ottman, ce qui revenait à environ 1000 à 1200 ha, entretenus par 400 ouvriers permanents, plus 250 à 300 employés pour la vendange et 36 kadars pour le tabac.
Au printemps, on essayait quelques cultures nouvelles, comme le coton.


     Logo Safhi (fait de mémoire)           Moulin à eau du domaine de la Safhi

Armand Pellarin avait pris aussi la relève de son beau-père comme maire de Duzerville et il fut le seul maire français de la plaine, à avoir poursuivi son mandat après l'indépendance pour garantir les intérêts des français des deux origines qui travaillaient sur la commune.
A la nationalisation du domaine, il donna sa démission et rentra en France.
II reconvertit alors la société en entreprise de matériel agricole de la marque "John Deere" sous l'appellation de SAFHI-TOULOUSE.
Monsieur Pellarin et son épouse sont enterrés dans le caveau familial, cimetière d'Aucamville, prés de Toulouse.

Tous ces grands domaines employaient des milliers d'ouvriers et produisaient des tonnes d'agrumes et des milliers d'hectolitres de bon vin, qu'on exportait non seulement en Métropole, mais aussi dans bien des pays d'Europe et une partie du monde.

Bône Capitale du bon vin et des fruits savoureux

Pour faciliter le transport rapide de tous ces produits périssables jusqu'au port d'embarquement, nous avions mis en place une ligne de chemin de fer de Randon à Bône.
Partant de Randon, le train faisait un petit détour pour passer par le grand domaine de Darhoussa, puis s'arrêtait à Saint Paul, d'où il reprenait la ligne vers Duzerville et Bône où il était dirigé vers le quai Warnier du port où se trouvait tous les exportateurs.


Vue de la gare de St. Paul de la ligne Randon- Bône

MONNAIES BÔNOISES

Pendant la guerre 1914/18, la monnaie à forte proportion de cuivre servit à confectionner les balles de fusils. Aussi l'État autorisa-t-il les Chambres de Commerce, les villes et, même, certains commerçants à battre monnaie dite de Nécessité, en métal vif, en papier carton, etc. Ces pièces étaient, évidemment, garanties par les initiateurs.


Monnaie du Vignoble du Chapeau de Gendarme, cliché Gérard Boutonné

Tous ces magnifiques domaines de la région de Bône furent nationalisés par l'État algérien le 6 avril 1963 pour insuffisance d'exploitation, on en rit (jaune) encore, car on remarquera que bien des agriculteurs arabes possédant de notre temps de grandes propriétés louaient celles-ci à des agriculteurs européens devant leur incapacité à s'adapter aux techniques d'exploitation agricoles modernes.

D'ailleurs aujourd'hui on constate hélas les résultats !

Chapitre VII
CONCLUSIONS et ANNEXE

La diversité des structures agricoles de la plaine, la liberté d'entreprendre et la variété des entrepreneurs avaient favorisé la modernisation de la région de Bône et l'autosuffisance alimentaire, amenant à tous un mieux être.
Mais ces magnifiques propriétés agricoles employant des milliers de travailleurs musulmans et autres, furent nationalisées par l'État Algérien socialiste.
En réalité, à la demande du gouvernement d'alors, à la recherche d'un coup médiatique, un remembrement désastreux fut effectué par des Italiens méconnaissant le pays : Arrachage des vignes, quasi-arrêt de la culture du coton, arboriculture laissée à l'abandon, réduction de la production de tabac.
Cultures remplacées par celles des pommes de terre, des tomates, des melons, des pastèques et, même, du riz consommant plus de 10.000 mètres cubes d'eau par hectare dans un pays qui manque cruellement d'eau. La production de bananes sous serres fut même tentée. On voulait ressembler à Cuba !
Conséquences : plus de productions donc plus d'exportations.
En raison de cet échec agricole, l'Algérie importe aujourd'hui, près de 50% de ses produits alimentaires, les autorités ont même été contraintes récemment de procéder à des dénationalisations.
Quarante-deux ans après, les Algériens d'aujourd'hui, envisagent de replanter du coton dans la plaine de Bône et de revenir à des structures associatives, comme à l'époque de la présence française.
Aujourd'hui, Annaba (ex Bône) capitale de l'acier possède un grand complexe sidérurgique, construit par les Français Gaullistes et leur plan dit de Constantine. Il est géré aujourd'hui par des Indiens. Il a fait disparaître des milliers d'hectares de terres cultivables pour ne produire en réalité que de sérieuses pollutions.

Les Fermes et domaines que nous avons laissés prospères, sont gérés par des sociétés d'exploitation et petitement cultivés, il n'y a pour l'instant plus de cultures d'agrumes, nos arbres étant morts de vieillesse.
Mais l'État algérien, conscient de ce manque, à gagner, fait un effort de plantation de nouveaux arbres, qui produiront peut être dans quelques cinq voir huit ans. Inch'Allah

Voici des photos des frontons de quelques caves des propriétés viticoles de la plaine de Bône laissées à l'abandon, prises en 2005 en ma compagnie par mon ami Georges Cassar. Vestiges d'une colonisation florissante !


Ruines de la cave du domaine de la famille Germain

IN MEMORIAM

A NOS AGRICULTEURS DE LA PLAINE DE BÔNE
ASSASSINÉS PAR LE FLN ENTRE 1954 ET 1962

Jean Augier en 1958 à Morris, Jules Baïa à Randon, Jean Hefner avec ses fils André et Gonzagues le 1/1/1956, Jean Pavet le 19/2/1957 dans sa propriété de Mondovi, Joseph Gauci le 3/7/1957 avec son beau-frère Laurent Sultana, Salvator Gauchi le 22/9/1959, Clément Grech le 15/4/1958, Eugène Lignier le 16/4/1959, dans sa propriété de Duzerville, Raymond Lupinacci le 25/3/1958 sur le domaine de Oued Kébir, Charles Lassus, Roger Ode le 18/10/1956 à Zérizer, Portelli, Pierre De Redon le 20/6/1960 à AÏn Mokra (ferme Brisson), Maurice Rey de la Safhi, Armand Torre avec ses fils André et Jean-Paul, Henri Vernède le 19/3/1962 ainsi que Ernst Hirschmud époux de sa fille Pierrette.



Henri Vernède
Officier de la Légion d'Honneur

Président de la JBAC

Nous ne cesserons jamais de penser à vous tous
En nous excusant pour ceux que nous n'avons pas retrouvés

BOISSONS BÔNOISES
Fabriquées avec l'eau et les fruits de notre plaine
Photos Georget Cassar


La cave des Ets. Emile Cassar rue Perrégaux à Bône

On remarque que les plaques d'immatriculation de la voiture Simca Aronde et du camion portent le numéro 9C indiquant le département français de Bône.


Nous prions nos amis lecteurs de bien vouloir nous excuser pour la qualité de certains documents et des erreurs ou oublis commis bien involontairement.


Foire de Bône en juin 1949

FIN DE CETTE BELLE HISTOIRE

LE MUTILE N° 189, 17 Avril 1921

Sécurité, vous l'avez !
DEDIE A M. ABEL
Gouverneur Général, Missionnaire..

              D'un grand débat parlementaire, motivé par une interpellation de M. Lefebvre, député de la deuxième circonscription d'Alger, sur la sécurité et la famine en Algérie, il est résulté un vote de confiance à une assez forte majorité accordée au Gouvernement.

              Cet ordre du jour de confiance accordé au Gouvernement signifie-t-il que les faits dénoués par le député d'Alger sont inexistants ou exagérés? Signifie-t-il que la politique de notre Gouverneur en mission renouvelable a été sage et indemne de critique? Nous ne le croyons pas. Il nous parait que cette interpellation annoncée beaucoup trop tôt et successivement renvoyée sons doute pour permettre à notre néo et incapable gouverneur de mieux visiter l'Algérie et partant de mieux la connaître et se documenter à tort et à travers était un lourd boulet attaché aux pieds du gouverneur et qu'il a fallu le sauver en jetant du lest pour sauver le gouvernement à la veille de la conférence de Londres.
              En style parlementaire, jeter du lest veut dire, mener une active campagne de couloirs avant une interpellation gênante pour rallier des députée dont on n'est pas très sûr du vote et que l'on ramène par des promesses ou des concessions pour obtenir une majorité coûte que coûte.

              C'est le petit tour de passe-passe auquel on a eu recours pour stabiliser un ministère branlant en tirant en même temps M. Abel, gouverneur ineffable, d'un bien mauvais pas. On ne nous fera jamais croire que ce vote de confiance qui atteste que tout est pour le mieux en Algérie, alors que chaque jour les colonnes de nos quotidiens sont pleines de récits de crime et de vols, comme pour infliger le plus sanglant démenti à ceux qui croient que vraiment la sécurité existe en Algérie, est due à l'éloquence parlementaire de colonie, car sa documentation, aussi fausse que piètre, n'aurait jamais convaincu ses auditeurs s'il n'avait fallu sauver à tout prix, le ministère de la culbute magistrale qui le menaçait.
              Il est vrai qu'il a eu beau jeu et que la coupable ignorance des députés qui connaissent très peu ou pas du tout l'Algérie a été son plus formidable atout.
              Si le débat parlementaire avait été clos par le vote d'une Commission d'enquête, M. Abel aurait déchanté et n'aurait certes pas vu renouveler sa mission car laquelle eut certainement révélé le tissu d'inepties dont, durant des heures, il a donné lecture à ses auditeurs convaincus par ordre, avec un sérieux du plus haut comique. Le concierge du Palais Bourbon et les missions de service en pleuraient d'attendrissement.
              Enfin, le tour a été joué et le ministère sauvé. C'était tout ce qu'il fallait. Peu importe que chaque jour des brigands armés sèment la terreur en assassinant et en pillant la plupart du temps impunément ; M. Abel a juré solennellement sur sa barbe, que la sécurité régnait chez nous ; que les indigènes ne manquaient pas de vivres et sa parole sacrée a fait taire les clameurs et les hurlements des " mesquines " qui, à l'heure actuelle et malgré les secours qui leur ont été tardivement imparfaitement donnés, meurent d'inanition et de typhus.
              Le député Lefebvre a menti ou exagéré dit ce bon gouverneur touriste qui voyage avec une forte escorte armée et dîne royalement. Les journaux ont également menti en relatant des crimes, ou des vols imaginaires. L'Algérie est tranquille, si tranquille que le voyageur peut cheminer sans armes et à n'importe quelle heure, sur toutes les routes et sans aucun danger. Il est faux qu'à Alger, capitale de l'Afrique du Nord, on assaille les passants à la tombée de la nuit et que l'on fasse mettre les mains en l'air à quiconque a le malheur de s'attarder.
              Il n'ai pas vrai qu'il y a quelque temps le nommé Mohmed El Arbi Yaklef, âgé de 33 ans, cultivateur, demeurant fraction des Chemama (Mouzaïville), a été frappé à 8 heures du soir de plusieurs coups de couteau et que ses meurtriers, Gacem Larbi Seraïl Mahmed ont été arrêtés par M. Grellet, chef de la brigade de gendarmerie ;
QUE le 14 février dernier, à '7 heures et demie du soir, à l'Arba, M. Bensaïd Marius qui sortait de son magasin porteur de la recette de la journée, s'élevant à 4.000 fr.. a été assailli par un indigène qui lui a porté deux violents coups de matraque à la tête, le blessant grièvement et qui a pris la fuite aussitôt.
QUE le 11 du même mois, à deux reprises, à Relizane, des malfaiteurs ont placé sur les rails de la ligne qui longe la Mine, d'énormes blocs de pierre que le mécanicien du train venant de Tiaret a aperçu à temps évitant ainsi un terrible déraillement; que, le lendemain, au même endroit, le train de marchandises a été attaqué par des indigènes qui ont lancé dans la direction du convoi de grosses pierres;
QUE LE 14 février, à Cherchell, le garde forestier Jourdan, ramenant un troupeau abandonné, a été atteint, à 1500 mètres de son domicile, d'un coup de fusil chargé à balle, qui nécessité la trépanation;
QUE le 12 février, sur le territoire mixte de Djeridel, prés d'Afreville, un anglais, M . Hausbrough, connu pour sa haute philanthropie et l'aide qu'il donnait aux miséreux indigènes, a été trouvé assassiné d'un coup de debbous sur la nuque et que ses appartements ont été mis au pillage; qu'on lui a même arraché son dentier en or ; que la malheureuse victime avait déjà été attaquée en janvier dernier ;
QUE le 11 février, en pleine ville de Blida, dans une rue éclairée, tout prés d'une boulangerie, où l'on travaillait de nuit, des malfaiteurs inconnus ont cambriolé les magasins de tabacs de M. Ben. Cherchali ;
QUE le 11 février, à Beni-Amran, le bandit Fécaye, qui tient la brousse depuis deux ans, a tiré sur un maréchal des logis et un gendarme en tournée de service parce que, sur sa sommation, ils refusaient de s'arrêter;
QUE le 27 janvier, M. Ravelle Auguste, maçon à Duperré, qui revenait de la chasse à 6 heures du soir, a reçu un coup de matraque derrière la tête, avec une si rare violence, qu'il a été étendu à terre sans connaissance et que son fusil Hammerless à deux coups, lui a été volé ;
QUE, dans la nuit du 28 au 29 janvier, huit indigènes masqués et armés ont attaqué deux hommes près d'Abbo et qu'ils on échangés une véritable fusillade avec les propriétaires gui ne voulaient pas se laisser dépouiller ;
QU'À Mascara le 31 janvier, 54 voyageurs qui se trouvaient dans un autobus, ont été impitoyablement soulagés de tout ce qu'ils possédaient par de redoutables bandits; que le Caïd Ghani Mohamed Ould Abderrahman et le garde champêtre Hachemaoui Senoussi Oukl Daho ont été arrêtés comme complices;
QUE le 9 février, à Oued-el-Alleug, un malfaiteur surpris entrain de dévaliser une orangerie, a tiré un coup de feu sur le gardien qui intervenait et qui l'a abattu tout net, grâce à une heureuse riposte ;
QUE le 9 février, à Beni-Amran, un indigène, nommé Domaru a été assassiné de cinq coups le feu, en plein jour :
QU'A Boghari, le 9 février, dans la nuit, à 10 heures du soir, un groupe de dix malfaiteurs indigènes a attaqué à coups de fusil un campement, tuant le jeune Raf Mohamed, âgé de 14 ans et enlevant quatre-vingt-dix moutons ;

              Il n'est pas vrai ce compte rendu d'un bilan de crimes auquel il faut ajouter ceux qui se sont commis depuis et se commettent chaque jour...
              La Chambre des Députés, trompée par notre gouverneur en mission, a solennellement reconnus sincères, tous les faux rapports dont il lui a bourré le crâne et cela doit suffire à calmer nos alarmes.
              Dès l'instant que le père Abel dit " la Sécurité ", a affirmé qu'il n'y avait pas l'ombre d'un tout petit malfaiteur dans la colonie où qu'ils pullulent, témoins les faits sus énoncés. Les Algériens peuvent dormir sur leurs deux oreilles.
              Dormons donc tranquilles, puisque le gouverneur, que les Hottentots nous envient, veille attentivement.
              Ce que nous ririons, pourtant, si des malfaiteurs audacieux, et il n'en manque pas,
              mettent, certain soir, ses appartements à sac, histoire de le remercier pour les avoir protégés par les discours qui ont endormi la méfiance de nos parlementaires. et attisé, l'audace des professionnels de la pince monseigneur et des chevaliers du browning.

E. MASSON.              

ANECDOTE


Sources : BNF, Mutilé du 17 avril 1921



Deux prêtres en vacances à PLOEMEUR
Envoyé Par Thérése-Marie


          Ils sont déterminés à prendre de vraies vacances en ne portant rien qui pourrait les identifier comme étant membres du clergé.
          Aussitôt arrivés, ils achètent bermudas, shorts, chemises, sandales, et lunettes de soleil.
          Et le matin suivant, ils sont à la plage, habillés comme des touristes. Assis sur leur chaise de plage, ils prennent un drink au soleil en appréciant leur situation de vacanciers lorsqu'une belle grande blonde aux formes désirables, en bikini topless, passe devant eux et dit avec un grand sourire
          "Bonjour mon Père..., bonjour mon Père."
          à chacun d'eux...
          Ils sont éberlués. Comment sait-elle qu'ils sont prêtres ?

          Le jour suivant, ils retournent au magasin pour s'acheter des costumes de plage encore plus modernes.
          Toujours assis sur leur chaise de plage, ils profitent du soleil lorsque la même grande blonde aux rondeurs plus que dénudées, monokini - string, leur adresse son plus beau sourire.
          "Bonjour mon Père... Bonjour mon Père..."
          et continue son chemin.

          Un des prêtres, n'en pouvant plus, l'interpelle.
          "Une minute jeune fille !"
          Oui, mon Père." dit-elle.
           "Nous sommes des prêtres et fiers de l'être, mais j'ai besoin de savoir comment vous pouvez vous en rendre compte, habillés comme nous le sommes?"
          Mais enfin mon Père...
          C'est moi... Soeur Catherine


MŒURS ET COUTUMES DE L'ALGÉRIE
  1853                     Par LE GÉNÉRAL DAUMAS                            N° 19 
Conseiller d'Etat, Directeur des affaires de l'Algérie
TELL - KABYLIE-SAHARA

AVANT-PROPOS.
  
Appeler l'intérêt sur un pays auquel la France est attachée par les plus nobles et les plus précieux liens, faire connaître un peuple dont les moeurs disparaîtront, peut-être un jour, au milieu des nôtres, mais en laissant, dans notre mémoire, de vifs et profonds souvenirs, voilà ce que j'ai entrepris. Je ne me flatte pas d'avoir les forces nécessaires pour accomplir cette tâche, à laquelle ne suffirait pas d'ailleurs la vie d'un seul homme; je souhaite seulement que des documents réunis, avec peine, par des interrogations patientes, dans le courant d'une existence active et laborieuse, deviennent, entre des mains plus habiles que les miennes, les matériaux d'un édifice élevé à notre grandeur nationale.
Général E. Daumas

LE SAHARA.
VI.
Organisation d'une caravane

         Ayant beaucoup entendu parler du commerce de l'intérieur de l'Afrique, déprécié par les uns, exalté par les autres, j'ai voulu m'enquérir auprès d'un Arabe qui, plusieurs fois, avait suivi les caravanes de ce qu'il pouvait y avoir de fondé dans les allégations des uns et des autres.
         C'est à cette occasion que j'ai recueillie, sur l'organisation d'une caravane, les détails qu'on va lire.
         Je laisse parler l'Arabe :
         Un Targui (1) du Djebel Hoggar, nommé Cheggueun, vint se fixer à Metlily (2), en 1839, et s'y maria la même année.
         Aventureux par instinct, par habitude et par nécessité, comme tous ses frères les Touareug, il avait déjà conduit plusieurs caravanes du Touat (3) au Soudan, et il s'était fait enfin khrebir de profession.
         Dans le Sahara, nous nommons khrebir (4), menir (5) ou delil (6), indifféremment, le conducteur d'une caravane ; car ces flottes du désert ne se hasardent point sans chef, ainsi que vous le croyez, vous autres chrétiens, sur notre mer de sables, qui, comme l'autre, a sa houle, ses tempêtes et ses écueils. Chacune d'elles obéit passivement au maître qu'elle s'est donnée ; il y commande absolument, c'est un reis à son bord. Il a sous lui des chaouchs pour exécuter ses ordres; des chouafs (voyageurs) pour éclairer le pays (7); un khrodja (écrivain) pour présider aux transactions, les régulariser, en écrire les conventions, recevoir, en cas de mort de l'un des voyageurs, les dernières volontés du défunt, et recueillir sa succession ; un crieur public pour faire les annonces ; un moudden pour appeler à la prière ; un iman enfin pour la dire sur les fidèles.

         Le khrebir est toujours un homme d'une intelligence, d'une probité, d'une bravoure et d'une adresse éprouvées. II sait s'orienter par les étoiles; il connaît, par l'expérience de voyages précédents, les chemins, les puits et les pâturages, les dangers de certains passages et le moyen de les éviter, tous les chefs dont il faut traverser le territoire, l'hygiène à suivre selon les pays, les remèdes contre les maladies, les fractures, la morsure des serpents et les piqûres du scorpion. Dans ces vastes solitudes, où rien ne semble indiquer la route, où les sables souvent agités ne gardent pas toujours les traces du voyageur, le khrebir a pour se diriger mille points de repère. La nuit, si pas une étoile ne luit au ciel, à la simple inspection d'une poignée d'herbe ou de terre qu'il étudie des doigts, qu'il flaire et qu'il goûte, il devine où l'on est, sans jamais s'égarer (8).

         Quand une caravane a fait choix d'un khrebir, elle se donne entièrement à lui ; mais il en est responsable devant la loi, et, sous peine d'amende, il doit la préserver de tous les accidents qui ne viennent pas de Dieu : il paye la dïa (prix du sang) de tous les voyageurs qui, par sa faute, meurent, s'égarent et se perdent, ou sont tués; il est punissable si la caravane a manqué d'eau, s'il n'a pas su la protéger ou la défendre contre les maraudeurs. Cependant, comme une fois en marche reculer n'est plus possible, et qu'il faut, heureux ou malheureux, que le voyage s'accomplisse, une caravane se garderait bien d'accuser ou de menacer un chef qui l'aurait compromise, avant d'arriver en un lieu sur où l'on peut faire la justice.
         Pour échapper à la loi, un khrebir de mauvaise foi pourrait, ainsi que cela s'est vu, rarement il est vrai, la vendre aux Touareug, la faire tomber dans une embuscade, partager le butin, et rester avec les voleurs.
         Cheggueun avait toutes les qualités qui font un bon khrebir. Il était jeune, grand et fort ; c'était un maître du bras; son oeil commandait le respect et sa parole prenait le coeur. Mais si dans la tente sa langue était douce, une fois en route, il ne parlait qu'au besoin et ne riait jamais.

         Voué par passion et par état aux voyages, pour inspirer plus de confiance, comme à Metlily, il s'était marié à Insalah, point extrême du Touat où se rallient les caravanes de l'ouest, et dans le Djebel Hoggar, qu'il faut traverser pour aller au Soudan. Il avait ainsi des amis et des intérêts échelonnés sur les deux principales stations de la route, et cette étrange combinaison, qu'autorisent les moeurs et les lois musulmanes, le mettait en contact nécessaire avec les marchands du Sahara algérien, du Touat et du Maroc, et lui assurait à la fois la protection indispensable des Touareug.
         Devenu notre hôte, bien accueilli de tous, car il avait connu quelques-uns de nos marabouts dans ses courses précédentes, il nous parlait souvent de ses aventures, et toujours avec tant d'éloquence qu'il faisait une vive impression sur les jeunes gens.
         " Le Soudan, nous disait-il, est le plus riche pays du monde ; un esclave n'y vaut qu'un bernous ; l'or s'y donne au poids de l'argent ; les peaux de buffle et de bouc, les dépouilles d'autruche, les sayes (9) et l'ivoire s'y vendent au plus bas prix ; les marchandises des caravanes y centuplent de valeur.
         " Vous êtes des fous, ô mes enfants, de vous arrêter à Timimoun (10). Beau voyage ! Long comme de mon nez à mon oreille. Voulez-vous être riches? Allons au pays des nègres ! Souvenez-vous que le Prophète a dit :
         " El Djereb douta et guetran,
         Ou el feker doua el Soudan.
         La gale (des chameaux), son remède est le goudron;
         Comme la pauvreté, son remède est le Soudan. "


         En l'écoutant, l'amour des aventures nous était venu ; l'espoir de la fortune nous tentait. Sa position d'ailleurs nous garantissait qu'il ne pouvait point nous engager dans une folle entreprise.
         Connu et marié dans notre tribu avec une femme jeune, riche et belle, qui venait de lui donner un enfant, nous le regardions comme de nous.
         Nous nous décidâmes donc, au nombre de quinze, tous parents ou amis, marabouts de la famille des Ouled-Sidi-Zigheum, à courir, sous sa conduite, les chances d'un voyage au pays des nègres, et nous partîmes dès le lendemain pour les villes des Beni-Mezab, Cardia, Beni-Isgneun et Mellika, où nous nous approvisionnâmes des marchandises les plus recherchées dans le Soudan, et qui, par leur volume, devaient le moins embarrasser notre marche.
         C'étaient des aiguilles, du corail, de la verroterie, du papier, du soufre, du benjoin, de la cannelle, du droure, espèce de parfum, du poivre noir, du sembell, du el entyte, du mesteka, des chachias, du drap, des mouchoirs, de la cire, des cotonnades, des habaïas (vêtements de laine), des chapeaux de paille, etc., etc., du fer et des aciers que nous devions échanger dans le Touat contre du tabac et du sel.
         Chacun de nous en chargea trois chameaux, et nous revînmes à Metlily pour terminer nos préparatifs. Notre départ fut ensuite fixé au jeudi suivant, jour que l'on sait être heureux pour entreprendre les voyages.
         Le Prophète a dit :
         " Ne partez jamais qu'un jeudi, et toujours en compagnie. Seul, un démon vous suit; à deux, deux démons vous tentent ; à trois, vous êtes préservés des mauvaises pensées; - et dès que vous êtes trois, ayez un chef. "

         La saison était d'ailleurs favorable : le mois d'août allait finir, les plus fortes chaleurs étaient passées, et nous devions trouver dans le Touat des dattes nouvelles pour ajouter à nos provisions.
         Les chefs et les marabouts des Chambas, avertis de notre décision, se réunirent en assemblée, firent appeler Cheggueun, et lui dirent :
         " 0 Cheggueun ! Tu as mis dans la tête de nos enfants d'aller au pays des nègres, où tu leur promets de grands bénéfices. Que Dieu te rougisse la figure (11) et allonge ton existence ! Tu connais les routes, tu es un homme sage; nos enfants sont dans ta main. Conduis-les, guide-les, apprends-leur ce qu'ils ignorent, et ramène-les-nous avec l'aman (12); Dieu te récompensera! "
         Cheggueun leur répondit :
         " S'il plaît à Dieu, ô Chambas, j'emmènerai vos enfants avec l'aman et je les ramènerai de même; ils feront de grands bénéfices; je les sauverai des Touareug; les routes, je les connais; l'eau, ils n'auront pas soif. Enfin, je réponds de tout, excepté des événements de Dieu. "
         Alors les marabouts reconnurent Cheggueun pour notre khrebir et lurent sur lui le fatahh (13):
         " Louanges à Dieu, souverain de l'univers,
         Le clément, le miséricordieux,
         Souverain au jour de la rétribution !
         C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous implorons le secours.
         Dirige-nous dans le sentier droit, dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits;
         De ceux qui n'ont pas encouru ta colère et qui ne s'égarent pas. Amin !
         0 Cheggueun, dirent-ils ensuite, que Dieu te donne sa bénédiction ! Qu'il assure la marche dans ce monde ! Qu'il te fasse gagner! Qu'il vous fasse tous, ô mes enfants, arriver avec le bien au but de votre voyage et vous ramène avec le bien !
         0 Cheggueun, nous te nommons khrebir de nos enfants, qui sont devenus les tiens. "


         La foule nombreuse de nos parents, de nos amis, de nos voisins, nous entourait; beaucoup pleuraient, et nous-mêmes, nous avions les larmes dans les yeux; car nous ne nous dissimulions aucun des hasards de l'entreprise, et, quoique bien résolus, nous sentions venir le regret de quitter pour si longtemps, pour toujours peut-être, ceux qui nous aimaient et ceux que nous aimions. Mais notre parti était pris, et nous aurions voulu pouvoir nous mettre de suite en marche, n'eût-ce été que pour éviter les adieux qui amollissent le coeur.

         Le soir de cette journée, après un repas en commun, nous nous cotisâmes suivant l'usage pour offrir à notre khrebir un habillement complet et trente douros d'argent; selon l'usage encore, il fut convenu que nous le défrayerions pendant tout le voyage.
         Nous devions partir le surlendemain, et nous employâmes ce dernier jour à faire nos provisions de route. Ce fut pour chacun de nous, un sàà de kouskuessou, un sàâ et demi de dattes, une outre de beurre, de la viande séchée (khreléa), deux outres pleines d'eau, un seau en cuir avec sa corde pour abreuver les chameaux, deux paires de chaussures (belghra), des aiguilles à coudre le cuir, et des lanières (séïr) pour les raccommoder, un briquet et du thom, espèce d'amadou que nous faisons avec le chiehh et le doumeran. Notre provision d'eau devait nous conduire jusqu'à la prochaine halte ; celle de dattes, de viande et de kouskuessou, jusqu'à Gueléa, où nous pourrions la renouveler.
         Mais, pour un si long voyage, ce n'est pas assez de pourvoir à la faim et à la soif; il faut être en garde contre les attaques à main armée. Les meilleurs amis d'un voyageur sont un bou fusil, son pistolet et son sabre.
         Nous prîmes donc les nôtres avec des pierres à feu, de la poudre et des balles pour l'avenir; et pour le présent, vingt-quatre coups tout prêts dans les vingt-quatre roseaux de notre ceinture (mahazema).

         Chacun de nous ensuite choisit quatre forts chameaux, bien bâtés, bien outillés : trois pour les marchandises, l'autre pour les bagages.
         Le soleil du jeudi s'étant enfin levé, ce fut l'heure du départ et des adieux.
         J'allai faire les miens à mon vieux père : il m'attendait. Son émotion était grande, et la mienne plus grande encore ! Mais pour ne pas la lui laisser voir, je me précipitai vers lui et lui baisai la tête.
         " 0 mon père, lui dis-je, que vos jours soient heureux! Je pars, et je ne sais si nous nous reverrons en ce monde. Ne m'oubliez pas dans vos prières et donnez-moi votre bénédiction. "
         Il me répondit d'une voix tremblante :
         " Que Dieu te préserve de tout malheur! Qu'il te ramène sans accident, et qu'il nous réunisse à une époque fortunée! Heureux sera ton voyage, s'il plaît à Dieu! "

         J'allai ensuite saluer ma mère ; et voyant venir à moi ma femme en pleurs, qui de loin me présentait mon enfant, je me cachai le visage dans les mains et je m'échappai; l'usage nous défend de faire nos adieux à nos femmes quand nous partons pour une expédition périlleuse.
         Le plus fort est faible à l'heure de la séparation!
         Le rendez-vous était à la porte El Gharbi (de l'Ouest).
         Nos soixante-quatre chameaux et mes quinze compagnons de voyage y étaient déjà réunis, entourés de toute la population de Metlily et de celle des tentes, campées sous les murs de la ville. Dès que je fus arrivé, Cheggueun, qui n'attendait plus que moi, se mit en marche.
         A ce moment solennel, il se fit dans la foule, jusque-là silencieuse, un grand mouvement. Nos parents, nos amis, nos marabouts s'écrièrent : " Allah akebeur ! Allah akebeur ! Dieu est le plus grand ! Dieu est le plus grand ! " Et de tous les côtés, les femmes arrivant, leurs cruches sur la hanche, aspergèrent d'eau fraîche la croupe de nos chameaux en nous criant :
         " S'il plaît à Dieu, vous réussirez!
         S'il plaît à Dieu, vous réussirez ! "

         Nous marchâmes ainsi, pressés, entourés, suivis, l'espace de cinq ou six cents pas; à mesure que nous avancions la foule était moins nombreuse, et quand enfin nous fûmes seuls, et que nous nous retournâmes pour jeter un dernier coup d'œil sur notre ville bien-aimée, nous vîmes nos mères, nos femmes, nos enfants courbés sur la route, recueillant la terre que nous avions foulée. Il est connu que ce témoignage d'affection est agréable à Dieu.
         Ces reliques, portées en amulettes par les amis d'un voyageur, le sauvegardent du malheur et le rappellent au pays.

         Péniblement absorbés dans nos réflexions, nous cheminions lentement à travers la forêt de palmiers qui s'étend sous Metlily, quand, au détour d'un sentier, nous fîmes rencontre de la belle Meçaouda, femme de l'un de nos chïkh ; elle revenait de son jardin, suivie d'une négresse qui portait sur sa tête une corbeille pleine de fruits.
         Aucune femme dans Metlily n'est plus belle que Meçaouda, ni plus élégante, et son nom veut dire heureuse. C'était d'un bon augure. La joie nous revint, et nous nous écriâmes : " Dieu bénira notre voyage! "
         L'un de nous, Mohammed, s'approcha d'elle et lui dit : " Meçaouda, c'est Dieu qui t'envoie ! Dénoue ta ceinture et fais-la flotter au vent, tu nous porteras bonheur; au retour, nous t'en donnerons une autre plus riche et plus belle, avec les plus jolies pantoufles du Haoussa (14).
         - S'il plaît à Dieu, répondit la jeune femme, vous voyagerez et reviendrez avec la paix. "
         Et dénouant sa ceinture de soie, elle en prit les deux extrémités, et les agita en nous souriant.
         Un peu plus loin, nous nous croisâmes avec le chïkh Salah, qui revenait de Gueléa. Il montait une jument noire, superbe, richement habillée, avec une selle en cuir rouge de Tafilalet (15) et une bride de Figuigue (16) piquées d'or et d'argent. Salait était lui-même bien vêtu : son burnous de Gardaïa était blanc comme la neige, son pistolet et son long fusil de Tunis étaient damasquinés, et son yatagan pendait à son côté dans un fourreau d'argent bien travaillé. Deux grands lévriers jouaient et couraient devant lui, et deux domestiques bien mis et bien montés lui faisaient escorte et compagnie.

         En passant à côté de nous, le chikh Salah fit caracoler sa jument, et nous souhaita d'heureuses chances.
         " Ne prends jamais la route si ta première rencontre, en sortant de chez toi, est une femme laide ou vieille, ou une esclave ;
         " Si tu vois un corbeau voler seul et comme égaré dans le ciel;
         " Si deux hommes se querellent auprès de toi, et que l'un dise à l'autre : " Dieu maudisse ton père ! Quelque étranger que tu serais d'ailleurs à cette malédiction, elle retomberait sur ta tête.
         " Mais si tes yeux sont réjouis par une jeune femme, par un beau cavalier ou par un beau cheval;
         " Si deux corbeaux, l'heureux et l'heureuse (meçaoud et meçaouda) volent ensemble, devant toi;
         " Si des souhaits, des mots ou des noms de bon présage touchent ton oreille, prends la route avec confiance.
         " Dieu qui veille sur ses serviteurs, les avertit toujours par un fal (présage) lorsqu'ils se mettent en voyage. "


         Quand notre seigneur Mohamed, suivi du seul Abou-Bekeur, eut quitté la Mecque pour aller à Médine, parce que les djahilya (idolâtres) voulaient l'assassiner, Emkueltoum, dans la maison duquel il descendit, le voyant arriver, appela ses serviteurs : " Mebrouk ! Salem ! "
         Le Prophète, en entendant ces noms, dont l'un veut dire l'heureux et l'autre le sauvé, se retourna vers Abou-Bekeur et lui dit :
         Cette maison nous sera sans aucun doute un refuge assuré.
         Ce fut en effet de ce jour que la puissance de notre seigneur Mohamed commença à s'étendre sur les nations (17).
         Nous partions donc sous les meilleurs auspices.
         Vers el asseur (3 heures), on s'arrêta sur l'Oued-Nechou qui était à sec, mais où nous connaissions des puits.
         Dans le voisinage de l'un d'eux, notre khrebir tendit sa tente de peau de boeuf et nous fit placer autour de lui de manière à former un grand cercle, dont nos bagages devaient tracer le périmètre, et dont nos chameaux occuperaient le centre. Cheggueun seul avait une tente; pendant toute la traversée, nous couchâmes, nous, en plein air, sur nos bagages, enveloppés dans nos burnous et dans nos haïks.

         Ces dispositions de campement adoptées une fois pour toutes, quatre d'entre nous furent commandés pour aller faire paître les chameaux, quatre autres pour aller chercher de l'eau, trois pour aller couper du bois, et cinq enfin pour mettre tout en ordre et faire la cuisine.
         A la tombée de la nuit nos chameaux rentrèrent et nous les entravâmes dans l'intérieur de notre douar improvisé. Nous soupàmes ensuite, non pas en commun, mais par groupes de quatre.
         Après le repas, Cheggueun nous appela dans sa tente et nous dit :
         " Asseyez-vous, mes enfants ; nous allons nous concerter; que Dieu nous donne bon conseil ! Ceux d'entre vous qui fument, qu'ils allument leurs pipes, s'ils le veulent, puisque nous ne sommes pas encore en pays assez dangereux pour que la fumée du tabac nous dénonce aux ennemis, et écoutez-moi.
         Je veux vous consulter d'abord sur le choix d'un chaouch et d'un khrodja : d'un chaouch qui puisse m'aider, d'un khrodja qui soit à la fois notre taleb et notre kadi. Quand nous aurons rallié la caravane du Touat; quand, devenus plus nombreux, une organisation plus complète nous sera nécessaire, nous nommerons les autres chefs indispensables à toute assemblée de croyants, qu'elle habite une ville ou des tentes, qu'elle soit sédentaire ou mobile comme nous. "


         D'un commun accord, nous désignâmes à Cheggueun, pour lui servir de chaouch, un nommé Ahmoud, dont l'intelligence et l'infatigable activité garantissaient les bons services ; Sid-el-Hadj-Abderrahman, qui avait été deux fois à la Mecque, et qui était savant dans la loi, fut nommé notre khrodja.
         Il fut en outre réglé que l'un de nous sur quatre ferait la garde cette nuit et les suivantes.
         Mes enfants, ajouta Cheggueun ensuite, s'il plaît à Dieu, nous ferons un bon voyage; mais il sera long et difficile. Quand le danger est autour de nous, que la prudence soit avec nous!... Retenez donc bien ce que je vais vous dire.
         " Ne marchez jamais les pieds nus : le terrain pierreux les meurtrit et le sable les brille ; il se forme alors entre peau et chair des ampoules très douloureuses.
         "El haffa ikolleul el beseur,
         Ikolleul et djeheud
         Ou ikolleul et nefss.
         Marcher les pieds nus affaiblit la vue,
         Diminue la force
         Et diminue la respiration.
         En aucune occasion, ne quittez donc point vos chaussures; cette précaution d'ailleurs est à prendre contre les vipères (lefaâ) qui dorment dans le sable, et dont les morsures sont toujours mortelles (18).
         Ne vous découvrez jamais la tète pendant l'automne et le printemps surtout ; redoutez les coups de soleil. (Bokuelat et chemce.)
         L'été, si le ciel est clair, tournez le dos à la pleine lune en vous couchant, et couvrez-vous bien la figure pour éviter les coups de lune (Bokuelat el kuemer) ; les maux de tète et les rhumes les suivent.
         Ne dormez jamais sur le sable nu, vous vous levriez avec la fièvre.
         Ne buvez jamais à la bouche de vos outres :
         Echerob men foum el lefaâ;
         Ou la techerob men foum et guerba.
         Bois à la bouche de la vipère ;
         Ne bois jamais à la bouche de la peau de bouc.
         Ne buvez jamais d'eau que la marche a battue et que le soleil a chauffée dans les outres, avant de lui avoir fait prendre l'air un instant.
         Après avoir mangé de la viande, ne buvez jamais d'eau sans attendre un moment; vous boiriez peut-être la mort.
         Ne buvez jamais le matin avant d'avoir mangé, vous auriez soif toute la journée.
         Ne buvez jamais avant de vous être un peu reposé.
         Ne buvez jamais que deux fois par jour." Les anciens ont dit :
         Ne jetez jamais l'eau
         Avant d'avoir trouvé de l'eau.
         Matekeïss ma,
         Hatta tesib ma.
         S'il arrive que le vent d'ouest (ouahedje) dessèche nos peaux de bouc et les tarisse, gardez-vous de manger des dattes ; sucez le suc d'un oignon et avalez trois ou quatre gorgées de beurre fondu; ces précautions ne désaltèrent pas complètement, mais elles trompent la soif et donnent le temps d'attendre.
         On peut rendre encore pour un moment la fraîcheur à sa bouche en y tenant une balle de plomb. D'ailleurs, il est connu qu'un homme ne meurt pas de soif avant trois jours entiers ; et dussions-nous tuer quelques-uns de nos chameaux pour nous désaltérer avec l'eau que Dieu met en réserve dans leur estomac, nous n'en manquerons point pendant un si long temps.
         Ne mangez jamais de kouskuessou froid; il est d'une digestion difficile et pénible.
         Il arrivera sans doute que nous serons obligés d'abattre un chameau ruiné par la fatigue, ou blessé, incapable enfin de continuer la route, et dont la chair fraîche sera pour nous d'un appât très vif après nos abstinences forcées. Mais, de quelque tentation que vous soyez pris en face d'un bon repas, sachez faire taire votre appétit ; un excès subit après un long jeune, un excès de viande surtout, donne infailliblement la dysenterie, sinon la mort.
         Enfin, mes enfants, ne courez point la chasse hors de vue de la caravane, ne restez point en arrière, ne vous exposez point imprudemment :
         Celui qui met sa tête dans le son sera becqueté par les poules.
         Jusqu'au pays des Touareug, nous n'avons pas grand chose à craindre ; mais là nous aurons d'autres précautions à prendre, et je vous les indiquerai.
         Allez, et que Dieu allonge votre existence ! "


         Sur ces paroles nous saluâmes notre khrebir en lui baisant la main, et nous allâmes nous coucher sur nos sacs.
         Mais à peine avions-nous fermé les yeux que nous fûmes éveillés par une voix forte qui cria : Hé ! Les gardes ! Dormez-vous?
         C'était Cheggueun qui, de la porte de sa tente, avait fait cet appel.
         " Nous veillons ! " répondirent les gardes ; et le calme reprit.
         Une heure après, la même voix nous éveillait encore ; et, d'heure en heure, il en fut ainsi jusqu'au matin.
         Après la prière, nous décidâmes en conseil que nous achèterions deux moutons aux bergers des Chambet-Berazegas, qui faisaient paître leurs troupeaux dans les environs de l'Oued-Nechou, et que nous les saignerions en l'honneur de Sidi-Abd-el-Kader, pour lui demander sa protection. Ils nous coûtèrent deux douros d'Espagne, et nous les conduisîmes au pied du marabout Ould-Aneur-ben-Mouça, près duquel est un puits abondant ; et pendant qu'un de nous les immolait, Cheggueun élevant la voix :
         " 0 Sidi-Abd-el-Kader (19), dit-il, tu es le protecteur du voyageur, le compagnon de celui qui va en ghrazia, l'ami du malheureux, sois avec nous et pour nous dans ce voyage, et quand nous serons de retour, nous donnerons en ton honneur, aux pauvres, une riche ouada (cadeau, présent). "

         Les victimes furent ensuite dépouillées et partagées fraternellement entre nous et les bergers qui nous les avaient vendues. Ces braves gens nous donnèrent en échange du lait frais de brebis.
         Ce jour-là nous fîmes séjour auprès du marabout.
         Le lendemain, à dix heures, nous déjeunâmes sur l'Oued-et-Maïze (la rivière des Chèvres), où nos chameaux avaient à paître, et le soir nous campions sur l'Oued-et-Gaâ, auprès d'un puits appelé Hassy el-Gad.
         C'est un lieu célèbre et révéré où s'élève, sous un palmier, la koubba de Sidi-el-Hadj-bou-Hafeus , que visitent souvent les Chambas.
         Sidi-el-Hadj-Bou-Hafeus est un saint des Ouled-Sidi-Chïkh, qui a fait à la Mecque trente-trois voyages, dont plusieurs comme Amir-el-Rekueh, ou chef de la caravane de pèlerins qui s'y rend par le Sahara. Le puits d'El-Gaâ était une de ses stations habituelles, et la piété des croyants a voulu consacrer ce souvenir en élevant une koubba à l'endroit où le pieux pèlerin avait tant de fois bâti sa tente.
         Son véritable tombeau est à El-Biod-Mtaà-Ouled-Sidi-Chikh.
         A mesure que nous avancions, Cheggueun redoublait de prudence, et, bien que nous eussions pris toutes les précautions dont j'ai déjà parlé, il se leva plusieurs fois pendant la nuit pour tenir les gardes éveillés, et pour crier lui-même d'une voix forte aux maraudeurs qui pouvaient être tentés de nous attaquer :
         " 0 esclaves de Dieu, vous entendez ! Celui qui tourne autour de nous, tourne autour de sa mort !
         Il n'y gagnera rien et ne reverra pas les siens !
         S'il a faim, qu'il vienne, nous lui donnerons à manger.
         S'il a soif, qu'il vienne, nous lui donnerons à boire.
         S'il est nu, qu'il vienne, nous le vêtirons.
         Et s'il est fatigué, qu'il vienne se reposer.
         Nous sommes des voyageurs pour nos affaires, et nous ne voulons de mal à personne. "


         Soit qu'il n'y eût pas de voleurs dans les environs, soit qu'ils eussent été effrayés par cette publication qui pouvait s'entendre fort loin, dans le silence de la nuit et le calme du désert, il ne nous arriva aucun accident.
         Notre premier repos du jour suivant fut sur l'Oued-Seghrir, qui était à sec, mais dont les rives sont fournies d'herbes et de buissons; et le soir, à cinq heures, nous étions sur l'Oued-Ghriar, auprès de la koubba de Sidi-Mohamed-Zighreum, mon ancêtre : c'est de lui que descend la fraction des Chambas qui porte son nom.
         Sidi-Mohamed, étant en voyage, fut appelé par Dieu dans le lieu même où nous catnpions, nous, ses enfants; ses compagnons transportèrent son corps à Metlily, lui bàtirent une koubba, et revinrent sur l'Oued-Ghriar en élever une autre à sa mémoire.
         Il a emporté dans l'autre vie l'horreur qu'il avait en celle-ci pour le mensonge : ceux qui jurent en vain par lui perdent la vue, leurs troupeaux dépérissent et meurent d'un mal inconnu.
         Nous lui fîmes nos prières en commun (20).


1. Targui, singulier de Touareug, peuplade du grand désert.
2. Metlily, l'une des villes de la tribu des Chambas, qui se divisent en trois grandes fractions : Chambet-Berazegua (de Metlily) Chambet-el-Mahdy (de Gueléa), à l'ouest des premiers, Chambet-Bou-Rouba (d'Ouargla), tout à fait au sud du Sahara, sous le méridien d'Alger.
3. Touat, grande oasis de l'ouest qui confine au Maroc.
4. Khrebir vient du verbe khrebeur, qui, à sa seconde forme, fait khrebbeur, et veut dire : il a donné avis, il a renseigné.
5. Menir vient du verbe nar, il a éclairé. De là, mnarah, lanterne, et menir, qui éclaire.
6. Delil vient du verbe deuil, il a indiqué, il a montré. De là delil, celui qui éclaire une marche, et, aussi, signe par lequel on est dirigé.
7. On nomme encore tekchif, du verbe kcheuf, il a découvert, l'éclaireur du khrebir.
8. Je ne vis pas sans étonnement que notre conducteur, nommé Abou-Mohamed-Sendegou-Ben-Messoufi, bien qu'il eût un oeil de moins et l'autre malade, reconnaissait parfaitement la route. Voyage au Soudan d'lbn-Batouta (traduction de M. Mac Guckin de Slane). - Léon l'Africain rapporte que le conducteur de sa caravane devint aveugle en route par suite d'une ophthalmie et reconnut, en touchant l'herbe et le sable, qu'on approchait d'un lieu habité.
9. Etoffe de cotonnade fabriquée par les nègres; elle est généralement teinte en bleu ou en noir et n'a qu'une palme de largeur.
10. Ville et marché du Touat, à cent vingt lieues ouest de Metlily
11. Expression proverbiale en opposition à cette autre : Que Dieu te jaunisse la figure!
12. Ce terme a différentes significations. Suivant le cas, il peut se traduire par sauf-conduit, confiance, oubli du passé.
13. Ce mot, qui veut dire ouverture, est le nom du premier chapitre du Koran, de celui qui ouvre le livre et que nous citons. Les musulmans lui attribuent des vertus merveilleuses.
14. Les pantoufles (medass) du Soudan sont particulièrement recherchées par les femmes du Sahara, et même par les riches Mauresques d'Alger.
15. Ville du Maroc où l'on prépare les beaux cuirs que les Arabes nomment filali et que nous nommons maroquins.
16. Ville et district du nord du Touat, renommée par l'adresse de ses ouvriers en broderie sur le filali
17. Année de l'hégire, 16 juillet 822. - Médine s'appelait alors latreb.
18. C'est la vipère cornue.
19. Sidi-Abd-el-Kader, dont le tombeau est à Baghdad, est le protecteur de tous ceux qui sont dans la peine. Les voleurs même l'invoquent. Il n'est pas un saint musulman à qui l'on ait bâti plus de marabouts (koubba).
20. Voyage, le Grand Désert, ou itinéraire d'une caravane du Sahara au pays des nègres, par le colonel E. Damnas, ex directeur central des affaires arabes, et Ausone de Chancel. (1848, imp. et lib. de Napoléon Chaix et Comp., Paris, 20, rue Bergère.)

A SUIVRE

Une belle leçon de vie.!
Envoyé Par Thérèse Marie


         Un saint homme tenait un jour une conversation avec Dieu...
         Il lui dit :
                  - Seigneur, j'aimerais savoir comment est le paradis et comment est l'enfer ?

         Dieu conduisit le saint homme vers deux portes.
         Il ouvrit l'une d'entre elles et permit ainsi au saint homme de regarder à l'intérieur.
         Au milieu de la pièce, il y avait une immense table ronde.
         Et, au milieu de la table, il y avait une grosse marmite contenant un ragoût à l'arôme délicieux
         Le saint homme saliva d'envie.
         Les personnes assises autour de la table étaient maigres et livides.
         Elles avaient, toutes, l'air affamé.
         Elles tenaient des cuillères aux très longs manches, attachés à leurs bras.
         Toutes pouvaient atteindre le plat de ragoût et remplir une cuillerée.
         Mais, comme le manche de la cuillère était plus long que leurs bras, elles ne pouvaient ramener les cuillères à leur bouche.
         Le saint homme frissonna à la vue de leur misère et de leurs souffrances.
         Dieu lui dit :
         - Tu viens de voir l'enfer.

         Tous deux se dirigèrent alors vers la seconde porte.
         Dieu l'ouvrit, et la scène que vit le saint homme était identique à la précédente.
         Il y avait la grande table ronde, la marmite de délicieux ragoût, qui fit encore saliver le saint homme.
         Les personnes autour de la table étaient également équipées de cuillères aux longs manches.
         Mais, cette fois, les gens étaient bien nourris, replets, souriants et se parlaient en riant.
         - Je ne comprends pas !
         - Eh bien, c'est simple, répondit Dieu à sa demande, c'est juste une question d'habileté.
         Ils ont appris à se nourrir les uns les autres, tandis que les gloutons et les égoïstes ne pensent qu'à eux-mêmes.
         "L'enfer est souvent sur terre !!! »


CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LA LION NOIR

             Avant qui li Franci, ji vian pas por l'Afrique
             Ji conni on tribou ji crois  pri Bofarik
             On tribou qui ni pas content di tout — Oualach (1) ?
             Porquoi dans la montagne, y ji vian, y si cach'
             On lion gran sale bite, ji m'apil lion noir.
             Cit lion tri mauviz ji viendra to li soir,
             Ji prendra on moton, ji mang'ra on la chivre
             Qand ji n'a plus l'moton, lis Arabes ni pas vivre.
             Blous di quatorze fois, j'isseira di l'touiller

             Ma di balle sor son dos, bas blous qui chatoiller ;
             Porquoi li fort beaucoup ! Y michant ! Fik son patte
             Por dos Arabes y casse la tite, bititre por quat.
             Comme ji dis por vos autr', li z'Arabe pas contents
             Y j’en avi qui dir : « Alli ji fout moi t' camp. »
             Y li femmes s'moquaient .: —« Vos en ites pas dis hommes. »
             Liv' solment l'gandoura ! (2) Ti vira qui qu'nos sommes. »
             Ma j' conni pas l' moyen di tollier cit bit là.
             Millor lisse Io tot sol, ji fir quisqui vodra. »
             On jor bititr' li soir, tos li nass' (3) di village  
             Y blagui. - Djilali, y dir' : « Ci trop tapage !
             Vos ites bons por blaguer, vos ites tos di coillons.
             Si vos volez tot sol, ji toillerai cit lion
             Y ji ni pas bisoan di fosil ni d' la podre
             Ji bisoan sol' ment, on femme ji conni codre

             Ou gran sac, on tellis, ou ji mit dix coffins
             Di sable di l'oued, y di sable bian fin.
             Voila tout akarbi. Ma afic moi ji porte
             On bon petit machin, qui li bon, qui li forte. »
             La soir, ji vlan houit hore, comme la noui ji viandra
             Djilali fik dos homme, ji partra bor cit chasse.
             Ji vian josqu'au chimin, tojor la lion basse
             Y Djilali y dir : « Alli ! trabail la tirre
             Ti firas on gran trou, kif kif comme ji m'entirre
             On Zarab qi sont mort. » Ji fir on trou profond
             Alors Djilali vite y s' cochra tout au fond.
             Y fir covrir la sable, arrangi kif on table.
             Jami ti po benser, on zomme sous cit sable.

             Lis Arabe mont' sor l'arbre, por voir quisqui passra
             Y voilà to li trois, j'attendra la shah (4).
             Cit sbah ji sont fort ! ! Ji crois dans tot l'Afrique
             Jami ti po trover on lion comme çoui-là ?
             On bouch' kif on guittoun (5);  y di dents long... comme-çà
             Dans li jor y cochi ; y la nouit ji bromine.
             Cit soir-là en marchant, y dit :    « Tot la s'maine
             Ji mangi di moton ; Quisqui j' va boulotter »
             Moton, tojor moton ; — ji commence digouter.
             Millor si ji troué, ji mang'ra on p'tit' vache
             Di moton ji mange plus, por ,cit viand'là macache.
             Si j'mange on ptit mauresque ? Cit tendre, cit jouli.
             Y marchera por l'chemin ousqu'il it Djilali.
             Ji voir on ptit morceau di viande qui sont tot roge

             Qui sortir di la sable ; y cit viande là y boge ! ! !
             Nom di Diou quisqui c'it ? Ji crois ait ipatant
             On ptit morceau la viande, ji pousse mantenant ?

             Ji croir qui cit on zarbre, afic di foille, di branche.,
             Bititre cit pas mauvise, y ji mang'ra on tranche.

             Ji m'approch' por bian voir, ji sent afic son nez
             Ji toah' afic sa boch, ji soui tris itouné ! ! !
             Cit p'tit morceau la viande, ji pouss encore blous vite !
             Alors il ovr' son bouche por ji l'mang'ra to d'souite.
             Ma voilà qui cit viande ji pouss'ra to d'on coup ;
             Ji entri por la boch', ji pass'ra par li cou,
             Ji cassra l'istomac, ji loui crèvra son ventre
             Y ji sort l’aut côté di çoui-là qui ji rentre.
             Y voilà lion noir sont crivi, mort, foutu !!
             

             Quand Djilali ji voir la lion ji bouge plus ;
Y l'enllève to li sable, li Zarabe y vian vite.

             Alli donc gran fenian — apporte moi tout d'souite
             Là-bas didan mon douar, et moi afic la lion
             Ji rentra comme ça, ji sange pas d' position,
             Por fir voir Djillali comment ji fir la chasse.
             Li Zarabe ji loui fir, sor di branche on paillasse.
             Tos li gens ,qui li voir quand y sont arrivé
             Y crient : « La lion sont mort !! La lion sont crivi.
             Tot li monde sont content. — Ma li femme sontcurieux.
             Y coment ti l' touillais ?  --  Lev' solment la [queue.
             Li femme ji lèvent la queue, y j'embrasse Djilalli

             You... you... you qu'il gousto, You... you...you...ji l' conni.
             Y tous l'on z'apri l'autre, ji !oui fira bousse-bousse
             Y trevra cit viande là plous millor qui l' cousse-cousse.
(1) Pourquoi.
(2)La chemise.
(3)Les gens
(4)Le lion.
(5)Comme une tente.

 

BULLETIN        N°10
DE L'ACADÉMIE D'HIPPONE

SOCIÉTÉ DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES
ET D'ACCLIMATATION


APPENDICES.
sur l'origine des Berbères

Par M. J.J. Bachofen

          Mes études sur l'Origine des Berbères et celles sur l'Hellénie ont des objectifs différents ; il y a cependant entre elles de nombreux points de contact. Dans les unes comme dans les autres, je cherche à démêler la source et la successivité des migrations dans l'Hellas ou la Berbérie, dont, la fable ou la tradition ont Conservé quelque trace. Dans les unes comme dans les autres, j'ai insisté sur celle opinion si importante, suivant moi, que chacune des races qui à tour à tour occupé l'Europe méridionale a fourni des colons à la Libye ou à la Berbérie, par l'une des trois longues presqu'îles jetées dans la Méditerranée, l'Hellas, l'Ansonie et l'Hespérie. Cette dernière observation m'a été empruntée depuis avec une rare discrétion, car on n'en a pas même indiqué l'auteur. Elle est, en effet, féconde, et justifie ce que j'ai avancé ailleurs, que la population berbère a dû, de tout temps, comprendre des bouillies de races, et, par conséquent, des langages très divers.

          Aussi les études linguistiques qu'on essaie sur le berbère ne peuvent rien établir de sérieux, que sur ces vocables principaux qui reviennent à chaque instant à la bouche et ne changent guère dans celle du peuple. Si l'on se bornait à décomposer des noms de villes ou de monuments, et des mots techniques relatifs à des usages spéciaux, il est clair qu'on n'y retrouverait que des radicaux ou des composés propres aux races adventices fondatrices de ces villes et monuments, ou introductrices de ces usages.

          Un savant orientaliste, M. le Dr. Judas, a fait une série d'articles sur la langue berbère dans la Revue intitulée l'Orient. Ses premiers essais (numéros du 25 novembre, 10 et 25 décembre 1866, et 10 mai 1867) portaient sur les mots : CÉSAÏ, éléphant; MADRAST, pyramide à gradins ; QELA, voile de vaisseau; ZEL, fer; auxquels il découvre une origine sémitique. Je le conçois sans peine pour les trois premiers que les indigènes ont pu emprunter aux Phéniciens; mais je ne le crois plus pour le quatrième; il a fallu trop tourmenter des radicaux incompatibles pour arriver à cette conclusion. A propos de KES, manger, paître, M. le Dr. Judas cherche encore à trouver des analogies sémites ou coptes, mais en vain, et il finit par avouer " que c'est le rapport avec la souche aryenne qui est surtout manifeste. (25 avril 1867)- Fous, main (25 mai 1867), viendrait de l'hébreu PHASA, étendre ; FOUNAS, TAFOUNAS, boeuf et vache, de l'hébreu PHARAS, couper, fendre, parce qu'ils sont bisulces (10 juin 1867). Le vocable OUA, un, a fait l'objet de plusieurs articles (25 juillet, 25 septembre et 25 octobre 1866), et c'est à l'égyptien que le rattache M. Judas. Enfin, à propos de OUSER, OUSSER, rabougri, décrépit (10 novembre 1867), et de REG', brûler (30 mars 1868), l'éminent orientaliste en vient, à déclarer " qu'on est souvent frappé de connexions entre les mots berbères et les racines aryennes. " Il ajoute : " Jusqu'à présent, toutefois, ces connexions avaient pour intermédiaires des termes sémitiques. Ici, nous avons bien saisi en hébreu des affinités logiques, mais point une corrélation directe. Ce n'est qu'en passant par dessus les idiomes sémitiques, que nous apercevons dans la langue sanskrite la concordance expresse des formes et des significations." Et à ce propos, le savant docteur mentionne la fameuse tradition relevée par Salluste dans l'histoire de Jugurtha. J'espère qu'on ne me taxera pas de vaine gloriole, si je me permets de rappeler ici que dès le 1er août 1867, répondant à un article de M. le commandant Anatole Péliot, je soutenais l'origine aryenne du gros de la population proto-berbère. Je n'ai nullement la prétention d'avoir converti M. le Dr Judas à ma conviction; ses études sérieuses et loyales devaient l'y mener toutes seules, et c'est ce qui a eu lieu. Mais les lignes précédentes n'en sont pas moins pour moi un précieux témoignage; d'autant plus précieux, qu'à l'époque où j'ai commencé d'écrire sur l'origine des Berbers, la plupart des savants avaient admis de confiance qu'ils étaient presque exclusivement de famille sémite.

          A ce propos, je croirais faire tort à mes lecteurs, si je négligeais d'analyser ou de reproduire une partie des lettres que j'ai reçues à l'occasion de ma brochure.

          La première était de M. Henri Martin ; malheureusement, j'ai commis l'imprudence de la communiquer à quelques curieux, et je ne l'ai jamais revue. Je n'ose citer de mémoire les opinions développées par l'illustre écrivain ; je crois cependant me rappeler que lui aussi admettait chez les Berbères un mélange de Sémites et de colons émigrés de l'Europe occidentale. La présence des Sémites sur la côte africaine est incontestable, si l'on tient les Phéniciens pour Sémites ; les immigrations européennes sont l'une des bases de mon système.

          Le 9 janvier 1868, j'ai reçu de l'un des amis du si regrettable baron Aucapitaine, M. Tauxier, deux pages sur le même sujet.
          " C'est une question que j'étudie depuis longtemps, que l'origine des Berbères, me disait notre érudit et laborieux collègue, et je ne puis que me ranger à votre avis, quand vous dites que ce n'est pas une race pure, mais un mélange de plusieurs peuples C'est ce que j'ai tenté de démontrer à plusieurs reprises dans les articles que j'ai donnés à la Revue africaine. J'avais l'intention de considérer cette question sous le point de vue philologique, mais la connaissance de l'hébreu biblique est trop nécessaire à un travail de ce genre, pour que je n'aie du y renoncer.

          En quoi je diffère d'opinion avec vous, c'est que je pense que les Sémites sont les derniers en date et les plus importants des éléments qui ont formé la race berbère. Ce sont eux, je crois, qui leur ont donné la langue qu'ils parlaient pendant la période romaine, langue dont nous avons des débris assez importants dans la liste des évêchés d'Afrique. Les noms de villes qui s'y trouvent ne sont pas latins, sauf un petit nombre. S'ils ne sont pas latins, ils sont forcément indigènes. Donc la connaissance de leur étymologie fixera avec certitude quelle était la langue qu'on parlait en Afrique lorsqu'on a donné des noms à ces localités.

          Pour ma part, j'en ai étudié quelques-uns que j'ai cru reconnaître sémitiques et je suis persuadé que si on voulait les étudier, on leur trouverait à tous cette origine. Il est bien certain que les paysans des environs d'Hippone, du temps de saint Augustin, parlaient une langue voisine du phénicien, au point même que l'illustre évêque en tirait cette conclusion qu'ils étaient Cananéens. - Il cite même un mot de cette langue, le mot SALUS, qui, dit-il, signifiait trois. Or TSELETS signifie trois en arabe, langue sémitique. Les Kabyles emploient encore TLETA, qui est une autre prononciation du même mot pour dire trois. "

          Personne ne conteste que les fondateurs de Carthage n'aient dû avoir une grande influence sur la langue des Numides, ni qu'ils aient largement concouru à la nomination des cités sur lesquelles s'étendait leur suzeraineté. Je trouve également naturel que les paysans des environs d'Hippone parlassent un jargon dans lequel dominait le phénicien, mais je doute fort que cette influence ait défiguré le vrai berbère, où le nombre trois se disait alors, sans doute, CHARET, OU KERRAD, comme il s'y dit encore.

          A la date du 10 juin 1868, M. Mac-Guckin de Slane me donnait d'affectueux encouragements qu'il accompagnait des observations suivantes :
          " J'ai lu votre mémoire avec un vif intérêt, et j'ai l'espoir que vous parviendrez à éclaircir enfin la question de l'origine des Berbers. Un grand nombre de vos observations et rapprochements me portent à croire que vous êtes dans la bonne voie, et me font désirer la suite de vos recherches. J'avais pensé dans le temps que les Berbers devaient être parents des Coptes: mais, après avoir examiné le vocabulaire de chaque langue el la grammaire démotique de M. Brugsh, je renonçai à mon idée. "

          Quoi qu'il en soit, M. de Slane croit encore le berbère une langue à racines trilitères, comme toutes les langues sémitiques. J'ai déjà dit ce que je pensais de cette doctrine, mal fondée à mon sens, surtout si on la fait exclusive.

          M. le colonel Hanoteau, dont les paroles bienveillantes ne sont pas sorties de ma mémoire, me félicite surtout d'avoir osé le premier aborder la question de philologie comparée. " C'est là, je crois, ajoute-t-il, la bonne voie, celle qui conduira le plus sûrement à la véritable origine du grand peuple de l'Afrique du nord. Je n'ai pour mon compte, poursuit le savant herborisant, aucune opinion sur cette question. Si d'un côté les affinités grammaticales de la langue berbère me font incliner vers une origine sémitique, les différences de vocabulaire, de l'autre, me jettent dans le doute. "

          M. Hanoteau, et M. Letourneux qui se trouvait auprès de lui au Fort-Napoléon à cette époque (30 août 1868), ont bien voulu me signaler quelques erreurs qui m'étaient échappées. Je me suis empressé de profiter de leurs avis avec gratitude, sous réserve toutefois d'une observation générale essentielle : certains vocables berbers ont été rattachés par moi à des racines aryennes, et ces vocables ont également, il est vrai, des analogues en sémite; mais je n'ai pris ce parti que quand le radical était commun à l'une et à l'autre famille, ce qui est très fréquent. Car, si dans les langues sémites les formes grammaticales sont tout à fait particulières, il n'en est pas de même des vocables dont une foule sont parents des aryens; et, si l'on avait le temps de disserter à ce sujet, on prouverait sans peine qu'il ne saurait en être autrement.

          Obligé de passer sous silence, à cause des limites que je me suis imposées, d'autres lettres dont j'ai été honoré, je me croirais cependant coupable d'omettre celle que j'ai reçue, à la fin de mars 1871, de M. Alex. Lombard, de Genève. Elle mérite une attention particulière, parce qu'elle entre au coeur de la question qui divise la science, celle de savoir qui, de la race aryenne ou de la cananéenne, a fourni le premier fonds de la population berbère.

          Je passe les premières pages infiniment trop flatteuses pour moi, et j'arrive aux observations que M. Alex. Lombard a bien voulu me faire l'honneur de me communiquer.
          Je ne suis point seul, dit-il, à émettre l'avis qu'il y a eu une émigration de groupes cananéens proprement dits (et ici je ne veux pas dire seulement Phéniciens, quoique je tienne les marchands de ce nom pour de vrais Cananéens); l'opinion de savants peu nombreux, il est vrai, s'est prononcée dans le même sens, et sans être entrés dans tous les détails, comme je me suis aventuré à le faire, ils ont attribué à des fugitifs ou colons d'une telle origine plusieurs des monuments des îles de la Méditerranée et d'ailleurs. La comparaison de ces curieuses reliques entre elles ne laisse pas, que de plaider en faveur de cet avis.

          Cette opinion a été émise eu particulier par l'abbé Cerri, dont les travaux sont analysés dans le livre de la Marmora, page 143, un ouvrage très complet que je n'ai lu que par extraits. M. Tyndalis leur donne aussi, paraît-il, la même origine.

          Mais voici un fait que j'ignorais quand j'ai écrit mon chapitre sur les émigrations des Riphaïmites : c'est qu'une tradition mentionnée dans la Cyclopedia Britannica et toute pareille à celles auxquelles j'ai fait allusion, existerait dans le nord de l'Irlande, D'après celle tradition, quelques-uns des enfants de Hanack se seraient établis dans cette contrée où, chose curieuse, subsistent à cette heure encore plusieurs hommes d'une taille exceptionnelle.

          Faut-il attribuer aux moines du moyen âge ces légendes, ou faut-il leur prêter une base réelle? C'est ce que je n'oserais trancher péremptoirement. Toujours est-il que la présence de traditions identiques et celle de monuments similaires dans des lieux si divers mérite d'être remarquée (1). "

          En résumé, je ne suis pas de ceux qui imposent de haute lice des rapprochements linguistiques comme des preuves irréfragables. J'avoue que la glossologie, comme plusieurs autres de nos sciences modernes, a un caractère presque augural et qu'il faut être initié pour y lire. Personne, sans doute, ne contestera que le français, l'italien, etc., soient issus du latin, ni le grec moderne du grec ancien ; on ne trouve plus le même accord lorsque, pour démontrer l'identique origine des deux idiomes, il faut recourir aux mutations de lettres et démasquer un mot caché sous des déguisements méconnaissables. Dans ce cas, pour forcer la conviction, la linguistique ne suffît plus. Mais si, par exemple, pour établir le peuplement d'un pays, je m'appuie d'abord sur sa position géographique ; que je montre ensuite la tradition venant en aide aux conséquences de cette position, et qu'enfin, comme complément, je confirme mes inductions par des rapprochements linguistiques, il me semble que je ne trouverai plus d'incrédules.

          La Berbérie est géographiquement le déversoir de trois longues presqu'îles, par où l'Europe lui a incessamment fait passer son trop plein. Une tradition sérieuse m'indique que des Aryens s'y installent sous la conduite d'un chef Jaoue ; puis des Cananéens y fondent des comptoirs de commerce ; enfin, des Ibères, des Celtes, des Auses, etc., s'y assoient tour à tour. Si la glossologie justifie dans une mesure quelconque, ces immigrations diverses, comment les nier?

          Mais assez de Berbers comme cela, surtout dans un écrit consacré à Sappho, et où j'ai traité, d'ailleurs, une autre question non moins importante, celle de la gynécocratie, à laquelle je dois la lettre suivante de M. J.-J. Bachofen, où respire ce dévouement à la science et cette cordialité généreuse qui sont le propre de la nation suisse :

                                                            Bâle (Suisse), 8 avril 4870.

          Très honoré monsieur,

          " C'est avec une grande satisfaction que j'ai reçu votre ouvrage : Etudes sur l'Hellénie, et la lettre dont vous avez bien voulu l'accompagner. M. Giraud-Tenlon m'oblige infiniment en me rendant connu de vous, dont les idées et les points de vue s'accordent si parfaitement avec les miens. C'est, en effet, une coïncidence très curieuse que trois individus parfaitement inconnus l'un à l'autre, s'occupent, presque au même moment, d'une investigation scientifique regardant la constitution de la famille dans les premiers temps de l'histoire. Mon livre date de l'année 1861 ; celui de M. Lennan : - Primitive marriage, Edinburgh, chez Black, - porte la date de 1865. Depuis l'époque de l'apparition dé mon travail, je n'ai pas cessé d'étudier la même question el d'augmenter, au milieu d'autres études le nombre des faits qui un jour devront servir de base à un traité plus complet et plus logiquement arrangé, sur le droit de la mère et la civilisation fondée sur ce principe gynéco-cratique. Il est sorti de ces aspirations plusieurs petits volumes, dont chacun se lie par son côté principal à la même question. J'ai refait d'abord le tableau du petit peuple si intéressant des Lyciens d'Asie, type d'un étal de choses disparu ailleurs. Sous une couche plus moderne d'idées fondamentales, un autre écrit s'occupe de l'ours et de son rôle dans les religions de l'antiquité. Le dernier qui vient de paraître a pour objet le mythe de Tanaquil, et contient en même temps, dans un appendice, des recherches sur la maternité comme base de la famille étrusque ; dans un second, une critique un peu ironique de Mommsen, qui récemment encore s'est moqué du rôle que joue la mère dans l'histoire de Coriolan, et qui prouve par cela même combien le mot de l'énigme lui est resté voilé. Je vous envoie par la poste ce qui me reste de ces différentes publications; car, malheureusement, je me vois hors de possibilité de me procurer un exemplaire du livre N°4 de 1861. Je le regrette d'autant plus, que j'y ai traité Sappho avec une sorte de prédilection, en rattachant le cachet de sa poésie aux idées fondamentales de la famille maternelle. Je me félicite d'avoir trouvé en vous, monsieur, un collaborateur aussi indépendant qu'il faut l'être pour se familiariser avec un ordre d'idées si étranger à notre manière habituelle de voir. Je crois, après la lecture attentive de vos paragraphes, que nous pourrons beaucoup apprendre l'un de l'autre, et sans renoncer à notre individualité, nous compléter réciproquement. Mes idées n'ont pas trouvé beaucoup de retentissement en Allemagne, dans celle Allemagne qui, par son esprit de scepticisme famélique, détruit les bases mêmes de nos recherches, et, tout entière aux idées du moment, devient incapable de comprendre les idées opposées de premières races historiques. Je salue donc avec d'autant plus d'empressement les travaux fiançais et anglais, qu'ils me confirment dans ma voie et me donnent le courage de continuer des recherches, qui n'ont pas seulement l'attrait de la nouveauté, mais qui réellement élargissent l'horizon de nos pensées et peuvent mener de découverte en découverte. Nous avons beaucoup à faire encore pour donner à notre sujet toute la profondeur dont il a besoin et toute l'importance qui lui appartient. Garons-nous des hypothèses. Nous sommes les géologues de l'esprit humain, et nous n'avons qu'à observer, en bons et consciencieux naturalistes. M. Giraud-Teulon est devenu mon ami par la communauté de nos travaux. Veuillez, monsieur, ne pas penser à la distance qui nous sépare, mais à l'analogie de nos idées, de nos buts, de nos études et nous croire réunis par cela même. Continuons donc de nous informer l'un l'autre du progrès de nos travaux, et de nous indiquer réciproquement ce qui pourrait nous devenir utile.

          Recevez, etc.
                                                            J.J. Bachofen

(1) Nous ne saurions trop recommandera nos lecteurs le remarquable mémoire de M. Alex. Lombard intitulé : La terre de Bascau et les villes des Rephaîm. Genève, 1870.

Bône, le 9 janvier 1869        

A SUIVRE           

PHOTOS D'ECOLE
Envoyé par M. Daniel BONICORI


Ecole Maternelle Caraman
Année 1958/1959
Ecole Victor Hugo, Cours Préparatoire
Année 1959/1960
Les noms de cette 2ème photo ne sont pas dans l'ordre. A vos mémoires pour les replacer dans le bon ordre
Est-ce que d'autres copains se reconnaîtront-ils sur ces photos ?
Merci Daniel.

L'ŒUVRE DE F.-C. MAILLOT
                                                                                                          N° 3

ANCIEN PRÉSIDENT
DU CONSEIL DE SANTÉ DES ARMÉES

Deuxième Edition
PARIS 1894
OCTAVE DOIN, ÉDITEUR
8, PLACE DE L'ODEON

MAILLOT François-Clément, né à BRIEY (Moselle) le 13 Février1804. Ancien Président du Conseil de Santé des Armées, Commandeur de la Légion d’Honneur, récompense nationale attribuée par la loi du 25 juillet 1888. Ancien médecin en chef de l’hôpital militaire de Bône 1834-1836.

TRIBUT DE RECONNAISSANCE DU COMITÉ
D'ÉTUDES MÉDICALES DE L'ALGERIE

II. - RECHERCHES

SUR LES FIÈVRES INTERMITTENTES
DU NORD DE L'AFRIQUE

LETTRE

ADRESSÉE AU CONSEIL DE SANTÉ DES ARMÉES PAR M. MAILLOT, A RAISON D'UNE CRITIQUE DIRIGÉE CONTRE SA DOCTRINE PAR M. GASSAUD, MÉDECIN EN CHEF DE L'HÔPITAL MILITAIRE DE BORDEAUX (1).
MESSIEURS LES INSPECTEURS,


       Le 48° volume des Mémoires de Médecine, Chirurgie et Pharmacie militaires contient un travail de M. Gassaud, lequel dit, page 177, en parlant de l'administration du sulfate de quinine dans le traitement des fièvres intermittentes pernicieuses : " Je sais que quelques médecins de l'armée d'Afrique ont employé ce sel à doses énormes. Je n'oserais imiter cet exemple; j'y serais d'autant moins porté, maintenant que j'ai pu apprécier les succès qu'on se glorifiait d'avoir obtenus.
       " Beaucoup d'hommes, figurant au nombre des guéris sur les cahiers de visite de l'hôpital militaire de Bône, sont venus mourir aux hôpitaux d'Alger avec des colites ulcéreuses occasionnées, sans nul doute, par le sulfate de quinine pris en trop grande quantité ; c'est ce qui résulte des diverses autopsies faites en ma présence par MM. Maillefer et Dufour, sous-aides attachés à mon service, en décembre 1834, à l'hôpital de la Salpêtrière d'Alger. "

       Je me suis demandé, Messieurs, si je devais répondre à M. Gassaud ; si, avec mes antécédents et dans ma position, le silence n'était pas la meilleure réponse à une imputation que vous savez si peu vraie. Car vous savez que j'ai dit la vérité, et les documents officiels que vous avez entre les mains le constatent. Ces documents, fournis par l'autorité militaire, déposent que, sur les 11,593 malades reçus à l'hôpital de Bône pendant mon administration, très peu ont été évacués sur Alger et que parmi ces évacués il en est mort à peine quelques uns. Et encore ces hommes, appartenant presque tous à la légion étrangère, eussent-ils peut-être été sauvés si, comme pour les soldats de l'armée régulière, il eût été possible de les envoyer en France ; mais nos instructions s'y opposaient, et en restant indéfiniment à Alger, ces militaires se trouvaient dans des circonstances presque aussi défavorables qu'à Bône.
       M. Gassaud sait aussi bien que vous et que moi à quelles causes il faut attribuer les résultats cliniques que j'ai obtenus à Bône : il sait que je le dois à ce que j'ai reconnu la nature des maladies qui avait échappé à la sagacité de nos prédécesseurs ; à ce que j'ai évité l'erreur où ils étaient tombés ; à ce que j'ai saisi le caractère pseudo-continu des gastro-céphalites, que, avant mon arrivée, l'on ne traitait que par les antiphlogistiques, dans la croyance où l'on était que l'on avait affaire à des affections réellement continues.
       En racontant mes succès sans ostentation, et mes revers avec franchise, en recueillant mes notes au grand jour, en présence d'officiers de santé qui, pour leur propre compte, en prenaient également dans mes salles pour les publier ensuite de leur côté, j'espérais éviter ces ridicules imputations ; j'espérais aussi dire des choses utiles et qui tourneraient au profit des ignorants ou des médecins qui n'avaient pas l'habitude de ces maladies.

       Je n'ai jamais reculé devant les difficultés soulevées par la question des colites chroniques, consécutives aux fièvres intermittentes. C'est un point que j'ai même d'autant plus longuement traité (et ceci surprendra beaucoup M. Gassaud) qu'il vient à l'appui de ma médication. Voici ce que je dis dans mon Traité des fièvres intermittentes, page 237 (2) ; et ce passage, reproduit dans un journal consacré spécialement aux officiers de santé militaires, ne sera pas sans fruit pour ceux d'entre eux qui auront à traiter les affections dont nous parlons... " Je n'ai pas cherché à dissimuler la part qu'ont à revendiquer, dans la mortalité de mon service, les affections soit aiguës, soit chroniques de la partie inférieure du tube digestif. Je sais cependant qu'on ne manquera pas d'attribuer ces résultats à l'abus du sulfate de quinine. Mais cette critique tombe d'elle-même, par cela seul qu'il n'est pas une épidémie de fièvres intermittentes où l'on n'ait eu à observer ces colites dans des proportions infiniment plus considérables. Aussi, je ne crains pas de l'avancer, loin de déterminer ces diarrhées chroniques, le traitement par le sulfate de quinine, tel que nous l'avons employé et que nous le décrirons plus tard, prévient souvent et retarde toujours, au contraire, leur apparition. Ceci est encore une question de pratique et je m'explique.

       " Ce que j'ai été à même d'observer en Corse et en Afrique m'a appris que ces affections, que nous n'avons occasion de signaler qu'au mois de septembre, se rencontrent, en grand nombre déjà, dès le mois de juillet et août, lorsqu'on traite mollement les fièvres intermittentes ; elles se montrent ensuite à l'automne, d'autant plus fréquentes qu'on a attaqué moins hardiment, dans Les mois précédents, les récidives ordinaires à ces pyrexies et qu'on a laissé se succéder un plus grand nombre d'accès ou de paroxysmes, dans le cours de chacune d'elles. C'est un fait incontestable qu'après plusieurs rechutes l'irritation s'établit de préférence sur la partie inférieure de la membrane muqueuse gastro-intestinale, tandis qu'au début elle siège presque exclusivement dans les deux sections supérieures ; et ce, parce que l'estomac et l'intestin grêle si irritables d'abord ont fini par s'accoutumer pour ainsi dire à la congestion qui accompagne les accès, et à ne plus la ressentir, tandis que le gros intestin plus difficilement excitable, à sympathies moins actives, moins étendues, s'irrite enfin alors que l'estomac est inerte à son tour. Ne pourrait-on pas rapporter aussi la ténacité de ces colites à cette moindre énergie vitale de la membrane muqueuse du gros intestin ? Car, de même qu'il a fallu, pour l'altérer, de nombreuses et fréquentes attaques, ne faut-il pas aussi un temps plus long pour qu'elle rentre à l'état normal ? Eh bien ! En arrêtant de suite la marche des fièvres intermittentes, on prévient la lésion anatomique dont la diarrhée n'est que la révélation. On ne met pas à l'abri des rechutes, il est vrai; mais, comme à chaque récidive il n'y a eu qu'un ou deux accès, les tissus à peine ébranlés par les congestions ont eu le temps de se remettre avant de recevoir une nouvelle secousse, et il en résulte que la fièvre reste dans les conditions qu'elle avait au début. Au surplus, quelle que soit l'explication que l'on veuille donner du fait, il me paraît avoir force de chose jugée; pour mon propre compte, je résume
       ma conviction sur ce point, en disant que, dans les épidémies de fièvres intermittentes, les iléo-colites chroniques consécutives sont, pour le nombre, en raison directe du retard qu'on apporte, dès les premiers mois, à enrayer les accès. "

       Il y a loin de là à ce que pense M. Gassaud ; et, s'il avait médité ces lignes, il se serait abstenu d'écrire comme il l'a fait ; il eût appris aussi que ses profondes observations sur l'action meurtrière du sulfate de quinine sont aujourd'hui vieilleries usées. Tout médecin, d'une instruction même médiocre, sait combien sont vraies ces réflexions sur la fréquence des affections du gros intestin consécutives aux fièvres intermittentes, quelles qu'aient été les médications antérieures ; et il n'appartenait pas au médecin en chef de l'hôpital militaire de Bordeaux de l'ignorer. Il y a quelques années à peine que des praticiens, tout aussi judicieux observateurs que M. Gassaud, accusaient également le sulfate de quinine de donner naissance aux engorgements des viscères abdominaux et aux hydropisies que l'on voit si souvent à la suite des mêmes maladies. C'est là encore une opinion que j'ai combattue, en m'appuyant toujours sur des résultats cliniques. Aujourd'hui la question a bien changé de face, car des médecins d'un haut mérite proclament que l'administration du sulfate de quinine, combinée avec l'emploi de légères déplétions sanguines, est la médication par excellence pour dissiper les hydropisies et les engorgements.

       M. Gassaud n'est pas plus heureux lorsqu'il vient s'appuyer sur le témoignage de MM. Maillefer et Dufour. M. Maillefer n'a rien écrit sur les fièvres intermittentes. Quant à M. Dufour, il a soutenu sa thèse sur les maladies qu'il avait eu occasion d'observer en Afrique, à Bougie et à Alger avec M. Gassaud, à Bône avec moi et avec mes prédécesseurs, et j'y lis, page 23, au sujet du sulfate de quinine :
       " Les heureux succès qu'en a obtenus M. Maillot, médecin en chef de l'Hôpital militaire de Bône en 1834, ont prouvé de la manière la plus évidente que son administration n'était pas intempestive et qu'elle réclamait une grande habileté, car, en comparant la mortalité des années précédentes avec celles de cette époque, la différence était immense et hors de toutes proportions. Ainsi, en 1833, on comptait à peu près, terme moyen, un mort sur trois ou quatre sortants ; en 1834, à peine en comptait-on un sur vingt Je vais maintenant exposer la thérapeutique hardie que ce médecin distingué avait osé employer et que les autres praticiens avaient promptement suivie. "

       Voilà ce qu'a écrit M. Dufour dans sa thèse présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 20 juillet 1838, après avoir été témoin, en 1832 et 1833, des meurtrières épidémies de Bône ; après avoir constaté, en 1834, les merveilles enfantées par M. Gassaud ; après avoir vu enfin, au commencement de 1835, à la fin de l'épidémie, notre médication appliquée à plusieurs milliers de malades. Que M. Gassaud soit donc parfaitement tranquille ; en marchant sur mes traces, à Bône, on ne nuira ni à la médecine ni aux malades.
       M. Gassaud devrait savoir que, dans les sciences, une assertion n'est pas détruite par une négation. Pour avoir quelque valeur, pour n'avoir pas le vernis d'une coupable légèreté et quelquefois une apparence plus grave encore, cette négation doit s'appuyer sur des preuves. Si donc M. Gassaud ne veut pas rester au-dessous de ce qu'il a avancé, il devra prouver :
       1° que beaucoup de nos malades sont allés mourir à Alger ;
       2° que les colites auxquelles ces hommes ont, selon lui, succombé étaient dues à l'action du sulfate de quinine prescrit à des doses énormes ;
       3° enfin, que dans les épidémies de fièvres intermittentes et pseudo-continues, où l'on donne peu ou point de sulfate de quinine, on ne voit plus de ces colites ulcéreuses.
       En adversaire généreux, je lui trace son cadre et je lui donne une bien belle tâche: s'il la remplit, ce sera rendre un service éclatant à l'armée, ce sera effacer de tristes souvenirs que je veux bien ne pas rappeler ; ce sera aussi faire avancer la science, car jusqu'à présent il est a démontrer, je ne dis pas à écrire, que le sulfate de quinine agit d'une manière aussi spéciale et aussi désorganisatrice sur le gros intestin. Mais n'en sera-t-il pas, un jour, des colites comme des engorgements viscéraux et des hydropisies ? Je ne sais; mais ce que je n'ignore pas, c'est que, contrairement à l'assertion de M. Gassaud, j'avais apporté la plus grande sévérité dans le service de ces espèces d'évacuations, qui sont pour l'armée d'Afrique une nécessité, comme pour nos autres colonies où l'acclimatement est un rêve ; et, parmi les réformes que j'ai introduites à l'hôpital de Bône, cette sévérité n'a pas été la moins féconde en résultats heureux. C'est antérieurement à mon arrivée, et je le répète une fois pour toutes, que de Bône on dirigeait sur Toulon et sur Marseille des malades dans un état tel que, dans une seule traversée, 21 de ces malheureux succombèrent sur le Marengo. C'est encore là une calamité que j'ai fait cesser en 1834, en donnant à ces évacuations leur véritable destination qui était d'envoyer momentanément en France les hommes qui avaient été trop fortement éprouvés par le climat, ceux dont les fièvres récidivaient à chaque instant. Les registres des lazarets et des hôpitaux de Marseille et de Toulon en font foi; il était facile de s'en convaincre.
       Je demande avec instance que cette lettre soit insérée dans le prochain numéro du Recueil des Mémoires de Médecine, Chirurgie et Pharmacie militaires. C'est de là qu'est partie l'attaque; c'est là qu'il me doit être fait une réparation. Vous ne pouvez pas, Messieurs, donner à cette attaque la sanction de votre silence, car vous taire et refuser l'insertion de cette lettre, ce serait donner votre approbation à ce qu'a écrit M. Gassaud ; ce serait le placer sous votre égide ; ce serait dire que j'ai cherché à propager une médication dangereuse pour l'armée; ce serait dire que j'ai voulu vous tromper sur mes résultats cliniques ; et vous ne le ferez pas, parce que vous ne le pensez pas.

1 Lettre datée de Metz, 18 août 1840, et insérée dans le 49°volume des Mémoires de Médecine militaire.
2 Traité des fièvres ou irritations cérébro-spinales intermittentes. J.-B. Baillière, 1836, Paris.

A SUIVRE

MILLY OU LA TERRE NATALE
par Lamartine
Envoyé par Bartolini


         Pourquoi le prononcer, ce nom de la patrie?
         Dans son brillant exil mon coeur en a frémi;
         Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
         Comme les pas connus ou la voix d'un ami.
         Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
         Vallons que tapissait le givre du matin,
         Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
         Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,
         Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
         Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
         Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
         Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,
         Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
         Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
         Objets inanimés, avez-vous donc une âme
         Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer?

         J'ai vu des cieux d'azur, où la nuit est sans voiles,
         Dorés jusqu'au matin sous les pieds des étoiles,
         Arrondir sur mon front dans leur arc infini
         Leur dôme de cristal qu'aucun vent n'a terni;
         J'ai vu des monts voilés de citrons et d'olives
         Réfléchir dans les flots leurs ombres fugitives,
         Et dans leurs frais vallons, au souffle du zéphyr,
         Bercer sur l'épi mûr le cep prêt à mûrir;
         Sur des bords où les mers ont à peine un murmure,
         J'ai vu des flots brillants l'onduleuse ceinture
         Presser et relâcher dans l'azur de ses plis
         De leurs caps dentelés les contours assouplis,
         S'étendre dans le golfe en nappes de lumière,
         Blanchir l'écueil fumant de gerbes de poussière,
         Porter dans le lointain d'un occident vermeil
         Des îles qui semblaient le lit d'or du soleil,
         Ou, s'ouvrant devant moi sans rideau, sans limite,
         Me montrer l'infini que le mystère habite;
         J'ai vu ces fiers sommets, pyramides des airs,
         Où l'été repliait le manteau des hivers,
         Jusqu'au sein des vallons descendant par étages,
         Entrecouper leurs flancs de hameaux et d'ombrages,
         De pics et de rochers ici se hérisser,
         En pentes de gazon plus loin fuir et glisser,
         Lancer en airs fumants, avec un bruit de foudre,
         Leurs torrents en écume et leurs fleuves en poudre,
         Sur leurs flancs éclairés, obscurcis tour à tour,
         Former des vagues d'ombre et des îles de jour,
         Creuser de frais vallons que la pensée adore,
         Remonter, redescendre, et remonter encore,
         Puis des derniers degrés de leurs vastes remparts,
         A travers les sapins et les chênes épars,
         Dans le miroir des lacs qui dorment sous leur ombre
         Jeter leurs reflets verts ou leur image sombre,
         Et sur le tiède azur de ces limpides eaux
         Faire onduler leur neige et flotter leurs coteaux;
         J'ai visité ces bords et ce divin asile
         Qu'a choisis pour dormir l'ombre du doux Virgile,
         Ces champs que la Sibylle à ses yeux déroula,
         Et Cume, et l'Elysée : et mon coeur n'est pas là !...

         Mas il est sur la terre une montagne aride
         Qui ne porte en ses flancs ni bois ni flot limpide,
         Dont par l'effort des ans l'humble sommet miné,
         Et sous son propre poids jour par jour incliné,
         Dépouillé de son sol fuyant dans les ravines,
         Garde à peine un buis sec qui montre ses racines,
         Et se couvre partout de rocs prêts à crouler
         Que sous sou pied léger le chevreau fait rouler.
         Ces débris par leur chute ont formé d'âge en âge
         Un coteau qui décroît et, d'étage en étage,
         Porte, à l'abri des murs dont ils' sont étayés,
         Quelques avares champs de nos sueurs payés,
         Quelques ceps dont les bras, cherchant en vain l'érable,
         Serpentent sur la terre ou rampent sur le sable,
         Quelques buissons de ronce, où l'enfant des hameaux
         Cueille un fruit oublié qu'il dispute aux oiseaux,
         Où la maigre brebis des chaumières voisines
         Broute en laissant sa laine en tribut aux épines
         Lieux que ni le doux bruit des eaux pendant l'été:
         Ni le frémissement du feuillage agité,
         Ni l'hymne aérien du rossignol qui veille,
         Ne rappellent au coeur, n'enchantent pour l'oreille,
         Mais que, sous les rayons d'un ciel toujours d'airain,
         La cigale assourdit de son cri souterrain.
         Il est dans ces déserts un toit rustique et sombre
         Que la montagne seule abrite de son ombre,
         Et dont les murs, battus par la pluie et les vents,
         Portent leur âge écrit sous la mousse des ans.
         Sur le seuil désuni de trois marches de pierre
         Le hasard a planté les racines d'un lierre
         Qui, redoublant cent fois ses noeuds entrelacés,
         Cache l'affront du temps sous ses bras élancés,
         Et, recourbant en arc sa volute rustique,
         Fait le seul ornement du champêtre portique.
         Un jardin qui descend au revers d'un coteau
         Y présente au couchant son sable altéré d'eau;
         La pierre sans ciment, que l'hiver a noircie,
         En borne tristement l'enceinte rétrécie;
         La terre, que la bêche ouvre à chaque saison,
         Y montre à nu son sein sans ombre et sans gazon;
         Ni tapis émaillés, ni cintres de verdure,
         Ni ruisseau sous des bois, ni fraîcheur, ni murmure;
         Seulement sept tilleuls par le soc oubliés,
         Protégeant un peu d'herbe étendue à leurs pieds,
         Y versent dans l'automne une ombre tiède et rare,
         D'autant plus douce au front sous un ciel plus avare;
         Arbres dont le sommeil et des songes si beaux
         Dans mon heureuse enfance habitaient les rameaux !
         Dans le champêtre enclos qui soupire après l'onde,
         Un puits dans le rocher cache son eau profonde
         Où le vieillard qui puise, après de longs efforts,
         Dépose en gémissant son urne sur les bords;
         Une aire où le fléau sur l'argile étendue
         Bat à coups cadencés la gerbe répandue,
         Où la blanche colombe et l'humble passereau
         Se disputent l'épi qu'oublia le râteau;
         Et sur la terre épars des instruments rustiques,
         Des jougs rompus, des chars dormant sous les portiques,
         Des essieux dont l'ornière a brisé les rayons;
         Et des socs émoussés qu'ont usés les sillons.

         Rien n'y console l'oeil de sa prison stérile,
         Ni les dômes dorés d'une superbe ville,
         Ni le chemin poudreux, ni le fleuve lointain,
         Ni les toits blanchissants aux clartés du matin :
         Seulement, répandus de distance en distance,
         De sauvages abris qu'habite l'indigence,
         Le long d'étroits sentiers en désordre semés,
         Montrent leur toit de chaume et leurs murs enfumés,
         Où le vieillard, assis au seuil de sa demeure,
         Dans son berceau de jonc endort l'enfant qui pleure;
         Enfin un sol sans ombre, et des cieux sans couleur,
         Et des vallons sans onde! - Et c'est là qu'est mon cœur !
         Ce sont là les séjours, les sites, les rivages,
         Dont mon âme attendrie évoque les images,
         Et dont pendant les nuits mes songes les plus beaux
         Pour enchanter mes yeux composent leurs tableaux !
         Là chaque heure du jour, chaque aspect des montagnes,
         Chaque son qui le soir s'élève des campagnes,
         Chaque mois qui revient, comme un pas des saisons,
         Reverdir ou faner les bois ou les gazons,
         La lune qui décroît ou s'arrondit dans l'ombre,
         L'étoile qui gravit sur la colline sombre,
         Les troupeaux des hauts lieux chassés par les frimas,
         Des coteaux aux vallons descendant pas à pas,
         Le vent, l'épine en fleur, l'herbe verte ou flétrie,
         Le soc dans le sillon, l'onde dans la prairie,
         Tout m'y parle une langue aux intimes accents,
         Dont les mots, entendus dans l'âme et dans les sens,
         Sont des bruits, des parfums, des foudres, des orages,
         Des rochers, des torrents, et ces douces images,
         Lit ces vieux souvenirs dormant au fond de nous,
         Qu'un site nous conserve et qu'il nous rend plus doux.
         Là mon coeur en tout lieu se retrouve lui-même;
         Tout s'y souvient de moi, tout m'y connaît, tout m'aime.

         Mon oeil trouve un ami dans tout cet horizon,
         Chaque arbre a son histoire et chaque pierre un nom.
         Qu'importe que ce nom, comme Thèbes ou Palmyre,
         Ne nous rappelle pas les fastes d'un empire,
         Le sang humain versé pour le choix des tyrans,
         Ou ces fléaux de Dieu que l'homme appelle grands!
         Ce site où la pensée a rattaché sa trame,
         Ces lieux encor tout pleins des fastes de notre âme,
         Sont aussi grands pour nous que ces champs du destin
         Où naquit, où tomba quelque empire incertain :
         Rien n'est vil! Rien n'est grand! L'âme en est la mesure.
         Un coeur palpite au nom de quelque humble masure,
         Et sous les monuments des héros et des dieux
         Le pasteur passe et siffle en détournant les yeux.

         Voilà le banc rustique où s'asseyait mon père,
         La salle où résonnait sa voix mâle et sévère,
         Quand les pasteurs, assis sur leurs socs renversés,
         Lui comptaient les sillons par chaque heure tracés,
         Ou qu'encor palpitant des scènes de sa gloire,
         De l'échafaud des rois il nous disait l'histoire,
         Et, plein du grand combat qu'il avait combattu,
         En racontant sa vie enseignait la vertu.
         Voilà la place vide où ma mère, à toute heure,
         Au plus léger soupir sortait de sa demeure,
         Et, nous faisant porter ou la laine ou le pain,
         Vêtissait l'indigence ou nourrissait la faim;
         Voilà les toits de chaume où sa main attentive
         Versait sur la blessure ou le miel ou l'olive
         Ouvrait près du chevet des vieillards expirants
         Ce livre où l'espérance est permise aux mourants,
         Recueillait leurs soupirs sur leur bouche oppressée,
         Faisait tourner vers Dieu leur dernière pensée,
         Et, tenant par la main les plus jeunes de nous,
         A la veuve, à l'enfant, qui tombaient à genoux,
         Disait en essuyant les pleurs de leurs paupières :
         " Je vous donne un peu d'or, rendez-leur vos prières. "
         Voilà le seuil, à l'ombre, où son pied nous berçait,
         La branche du figuier que sa main abaissait;
         Voilà l'étroit sentier où, quand l'airain sonore
         Dans le temple lointain vibrait avec l'aurore,
         Nous montions sur sa trace à l'autel du Seigneur
         Offrir deux purs encens, innocence et bonheur!

         C'est ici que sa voix pieuse et solennelle
         Nous expliquait un Dieu que nous sentions en elle,
         Et, nous montrant l'épi dans son germe enfermé,
         La grappe distillant son breuvage embaumé,
         La génisse en lait pur changeant le suc des plantes,
         Le rocher qui s'entrouvre aux sources ruisselantes,
         La laine des brebis dérobée aux rameaux
         Servant à tapisser les doux nids des oiseaux,
         Et le soleil exact à ses douze demeures
         Partageant aux climats les saisons et les heures,
         Et ces astres des nuits que Dieu seul peut compter,
         Mondes où la pensée ose à peine monter,
         Nous enseignait la foi par la reconnaissance,
         Et faisait admirer à notre simple enfance
         Comment l'astre et l'insecte invisible à nos yeux
         Avaient, ainsi que nous, leur père dans les cieux!
         Ces bruyères, ces champs, ces vigiles, ces prairies,
         Ont tous leurs souvenirs et leurs ombres chéries.

         Là mes sœurs folâtraient, et le vent dans leurs jeux
         Les suivait en jouant avec leurs blonds cheveux;
         Là, guidant les bergers aux sommets des collines,
         J'allumais des bûchers de bois mort et d'épines,
         Et mes yeux, suspendus aux flammes du foyer,
         Passaient heure après heure à les voir ondoyer.
         Là, contre la fureur de l'aquilon rapide;
         Le saule caverneux nous prêtait son tronc vide,
         Et j'écoutais siffler dans son feuillage mort
         Des brises dont mon âme a retenu l'accord.
         Voilà le peuplier qui, penché sur l'abîme,
         Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,
         Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux
         Submergeaient lentement nos barques de roseaux,

         Le chêne, le rocher, le moulin monotone,
         Et le mur au soleil où, dans les jours d'automne,
         Je venais, sur la pierre assis près des vieillards,
         Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards.
         Tout est encor debout; tout renaît' à sa place;
         De nos pas sur le sable on suit encor la trace;
         Rien ne manque à ces lieux qu'un coeur pour en jouir
         Mais, hélas! L'heure baisse et va s'évanouir.

         La vie a dispersé, comme l'épi sur l'aire,
         Loin du champ paternel les enfants et la mère,
         Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts
         D'où l'hirondelle a fui pendant de longs hivers.
         Déjà l'herbe qui croît sur les dalles antiques
         Efface autour des murs les sentiers domestiques,
         Et le lierre, flottant connue un manteau de deuil,
         Couvre à demi la porte et rampe sur le seuil;
         Bientôt peut-être.... Écarte, ô mon Dieu, ce présage!
         Bientôt lui étranger, inconnu du village,
         Viendra, l'or à la main, s'emparer de ces lieux
         Qu'habite encor pour nous l'ombre de nos aïeux,
         Et d'où nos souvenirs des berceaux et des tombes
         S'enfuiront à sa voix comme un nid de colombes
         Dont la hache a fauché l'arbre dans les forêts,
         Et qui ne savent plus où se poser après!

         Ne permets pas, Seigneur, ce deuil et cet outrage!
         Ne souffre pas, mon Dieu, que notre humble héritage
         Passe de mains en mains troqué contre un vil prix,
         Comme le toit du vice ou le champ des proscrits;
         Qu'un avide étranger vienne d'un pied superbe
         Fouler l'humble sillon de nos berceaux sur l'herbe,
         Dépouiller l'orphelin, grossir, compter son or
         Aux lieux où l'indigence avait seule un trésor,
         Et blasphémer ton nom sous ces mêmes portiques
         Où ma mère à nos voix enseignait tes cantiques.
         Ah! Que plutôt cent fois, aux vents abandonné,
         Le toit pende en lambeaux sur le mur incliné;
         Que les fleurs du tombeau, les mauves, les épines,
         Sur les parvis brisés germent dans les ruines;
         Que le lézard dormant s'y réchauffe au soleil,
         Que Philomèle y chante aux heures du sommeil,
         Que l'humble passereau, les colombes fidèles,
         Y rassemblent en paix leurs petits sous leurs ailes,
         Et que l'oiseau du ciel vienne bâtir son nid
         Aux lieux où l'innocence eut autrefois son lit!

         Ah ! Si le nombre écrit sous des destinées
         Jusqu'aux cheveux blanchis' prolonge rues années,
         Puissé-je, heureux vieillard, y voir baisser mes jours
         Parmi ces monuments de mes simples amours,
         Et, quand ces toits bénis et ces tristes décombres
         Ne seront plus pour moi peuplés que par des ombres,
         Y retrouver au moins dans les noms, dans les lieux,
         Tant d'êtres adorés disparus de mes yeux!
         Et vous, qui survivrez à ma cendre glacée,
         Si vous voulez charmer ma dernière pensée
         Un jour, élevez-moi.... Non, ne m'élevez rien;
         Mais, près des lieux où dort l'humble espoir du chrétien,
         Creusez-moi dans ces champs la couche que j'envie
         Et ce dernier sillon où germe une autre vie!
         Étendez sur ma tête un lit d'herbes des champs
         Que l'agneau du hameau broute encore au printemps,
         Où l'oiseau dont mes soeurs ont peuplé ces asiles
         Vienne aimer et chanter durant mes nuits tranquilles.
         Là, pour marquer la place où vous m'allez coucher,
         Roulez de la montagne un fragment de rocher;
         Que nul ciseau surtout ne le taille et n'efface
         La mousse des vieux jours qui brunit sa surface
         Et, d'hiver en hiver incrustée à ses flancs,
         Donne en lettre vivante une date à ses ans.
         Point de siècle ou de nom sur cette agreste page!
         Devant l'éternité tout siècle est du même âge,
         Et celui dont la voix réveille le trépas
         Au défaut d'un vain nom ne nous oubliera pas.
         Là, sous des cieux connus, sous les collines sombres
         Qui couvrirent jadis mon berceau de leurs ombres,
         Plus près du sol natal, de l'air et du soleil,
         D'un sommeil plus léger j'attendrai le réveil.
         Là ma cendre, mêlée à la terre qui m'aime,
         Retrouvera la vie avant mon esprit même,
         Verdira dans les prés, fleurira dans les fleurs;
         Boira des nuits d'été les parfums et les pleurs;

         Et, quand du jour sans soir la première étincelle
         Viendra m'y réveiller pour l'aurore éternelle,
         En ouvrant mes regards je reverrai des lieux
         Adorés de mon coeur et connus de mes yeux,
         Les pierres du hameau, le clocher, la montagne,
         Le lit sec du torrent et l'aride campagne;
         Et, rassemblant de l'oeil tous les êtres chéris
         Dont l'ombre près de moi dormait sous ces débris,
         Avec des soeurs, un père et l'âme d'une mère,
         Ne laissant plus de cendre en dépôt à la terre,
         Comme le passager qui des vagues descend
         Jette encore au navire un oeil reconnaissant,
         Nos voix diront ensemble à ces lieux pleins de charmes
         L'adieu, le seul adieu qui n'aura point de larmes !
        
Lamartine - 1827      



NOS BUVARDS D'ANTAN
Envoyé par M. Jean Pierre PEYRAT

Source : collection personnelle de M. J.P. PEYRAT



NOTES
L'Algérie Agricole, Commerciale et Industrielle
N° 5, mai 1860

PAPIER
Fabriqué avec les plantes textiles de l'Algérie.

      M. le Directeur de l'Aigle, courrier du Midi publié à Toulouse, a bien voulu nous adresser un numéro de ce journal imprimé sur le nouveau papier fabriqué avec les plantes textiles de l'Algérie, par M. Bonnevialle et dans lequel il est donné extrait du rapport favorable de M. le Professeur Filhol, Président de la Commission chargée de surveiller les essais de cet industriel.
      Nous nous empressons de reproduire ci-après cet intéressant document qui vient constater une fois de plus, tout le parti qu'on peut tirer des plantes textiles si nombreuses et si variées en Algérie.
      "La commission chargée de suivre les opérations que M. Bonnevialle se proposait de faire pour la préparation d'une pâte propre à la confection du papier blanc au moyen de diverses plantes provenant de l'Algérie, a accompli le mandat qu'elle avait accepté.
      365 Kilo de spart ont été soumis à l'action de la vapeur pendant quelques heures.
      La plante ramollie, et partiellement décolorée par l'action de la vapeur, d'un mélange de produits chimiques, a été coupée en petits morceaux, soumise â l'action du cylindre effilocheur, blanchie et transformée en papier.
      Les opérations ont eu lieu dans la fabrique de M. Rochefort et sous la surveillance plus spéciale de cet habile industriel, qui a bien voulu noter avec soin les frais entraînés par les diverses manipulations auxquelles on a soumis la plante pour la transformer en pâte à papier.
      L'ensemble des dépenses s'est élevé à 103 fr. 14 c.
      Le poids du papier obtenu était de 216 kilo.
      Ainsi, la quantité de pâte nécessaire pour produire 100 kilo de papier a coûté 47 fr. 75 c.
      Le papier ainsi obtenu présentait encore une légère teinte jaune verdâtre, il était homogène, et sa ténacité nous a paru fort convenable. Nous pensons qu'il conviendra pour une foule d'usages.
      Il n'a été fait sous les veux de la commission que l'expérience sur le spart, en sorte que le présent rapport concerne cette plante seule. "

Toulouse, 4 avril 1860.
Signé : Filhol.
Suivent d'autres signatures de la Commission.
Pour extrait conforme : Blanc.

Ce rapport est complété par les réflexions qui suivent :

« On a reconnu :

      1° Que le papier fabriqué avec les plantes textiles a plus de force, plus de ténacité, plus de sonorité que le papier fait avec les chiffons ;
      2° Que ce papier employé par la maison Destrem pour Papier tenture, est supérieur au papier chiffon de même qualité; qu'il prend mieux les couleurs, et qu'il est arrivé à faire des dessins riches sur ce papier ordinaire, tandis qu'il lui faudrait des qualités de 120 fr. pour faire ces mêmes dessins;
      3° Que le papier journal est composé de : 12 % de chiffon coton ; 13% chiffon fil ; 75 % plantes textiles.
      4° Que cette addition de chiffons peut être sensiblement réduite encore ;
      5° Que le blanchiment, avec une opération régulière dans une fabrique, aurait été supérieur, sans augmentation de frais.
      L'exposition des papiers est permanente dans les magasins de M. Destrem, à Toulouse, où le public est admis à les visiter. "

      Ajoutons que l'Aigle annonce son intention d'employer le nouveau papier pour son tirage ordinaire, aussitôt que l'inventeur aura organisé sa fabrique et qu'il pourra donner à la pâte, au moyen d'une opération régulière, le blanchiment désirable.
      Voici donc une industrie complètement algérienne sortie du domaine des expérimentations. Il dépend maintenant de M. Bonnevialle de faire prospérer l'industrie à laquelle il s'est voué avec tant de zèle et d'intelligence, et nous pouvons lui prédire bonne réussite.
      Quant à notre concours, s'il le juge pour lui de quelque utilité, il peut d'avance en être assuré comme peuvent l'être tous ceux qui travaillent ou travailleront à mettre en lumière et à rendre pratiques les nombreuses industries dont le germe existe en Algérie.
                                                      A. NOIROT.


RAPPEL La Saint-Couffin !
A UZES le 20 JUIN 2010
Communiqué de l'A.B.C.T
RETENEZ BIEN CETTE DATE, 20 JUIN 2010
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Rodolphe ORANE
Auteur, Compositeur, Interprête


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MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
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De Mme Grimaldi Genevieve

J'aimerais pouvoir joindre et avoir des nouvelles de Georges BARBARA que j"ai connu en 1959-1960 au Lycée La Rode à Toulon en classe Prépa Navale avec Jean-Louis Guastavi Jean Casta et Roland Sultana.
Georges BARBARA est originaire de Bône.
Je vous remercie d'avance des renseignements que vous pourez me communiquer, GG.
Mon adresse : grimaldi.genevieve@wanadoo.fr

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
Diaporama 20                                           Diaporama 21
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Pierre Jarrige
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M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mai 2010.
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Le Guelmois

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La pensée d'un jour
Envoyé par Annie

     "Les finances publiques doivent être saines,
     le budget doit être équilibré,
     la dette publique doit être réduite,
     l'arrogance de l'administration doit être combattue et contrôlée
     et l'aide aux pays étrangers doit être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite.
     La population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l'aide publique. "
                              Cicéron - 55 AVANT JÉSUS CHRIST -

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     C'est rassurant !



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