N° 240
Juillet/Août

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juillet 2023
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
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EDITO

VACANCES OU EMEUTES

        Nous voici en été, c'est le temps des vacances qui est propice au repos et au changement, il nous permet de reprendre souffle pour nous libérer de certaines tensions et stress accumulés au cours de l'année. Je vous souhaite de bonnes vacances car on ne sait pas ce qui nous attendra à la rentrée.

        Un petit rappel historique, c'est le 1er juillet 1903 qu'a débuté le premier Tour de France cycliste, cela fait 120 ans.

        Le pays est encore secoué par des émeutes communautaires qui n'ont rien à voir avec la mort tragique d'un jeune de 17 ans. C'est à la justice de se prononcer mais pas à la rue. Tout est bon pour mettre à mal les institutions du pays.
        Quand on a, par des déclarations des hommes politiques en commençant par le Président de répoublique, soufflant le chaud ou le froid suivant le moment où cela les arrange pour en tirer un profit personnel ; La pression médiatique qui survalorise le scoop au nom du droit à l'information en occultant des vérités ; Une assemblée nationale qui fait une minute silence en dehors de tout règlement et bienséance sans respecter les enquêtes en cours, C'est normal que le terrorisme et le vandalisme des rues deviennent le moyen violent d'attirer l'attention sur les messages que des groupes subversifs ou séditieux veulent faire passer à propos de leurs objectifs aveuglant la majorité des citoyens.
        Ces événements survenus récemment, montrent combien le pays est en danger avec l'évolution dramatique de la décivilisation d'une grande partie de la population avec leur finalité, soit idéologique, religieuse, politique, crapuleuse ou autre, et la brutalité des actions conçues pour faire peur ou impressionner.
        Ce terrorisme sournois se montre au grand jour et il se trouve toujours des idéologues de tous bords pour justifier l'injustifiable et trouver de bonnes raisons humanistes ou humanitaires pour pratiquer le déni de réalité au profit des coupables et instigateurs.

        Tout cela pour en revenir au cimetière de Bône (Annaba) qui préfigure ce qui arrivera en France dans quelques années. Le mois dernier je vous avais promis des photos, vous pourrez voir une vidéo du saccage à cette adresse.
http://piednoir.fr/bone/titre_rubrique/cimetieres/saccage2023.html

        Je rajouterai les courriers envoyés au Président de l'APC (maire) ; au Wali ; Au président M. Tebboune ; au sénateur des français de l'Algérie et toutes initiatives qui seront entreprises. On verra s'il y a des réponses.
        Bonne lecture
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.



LE FACTEUR BÔNOIS
Envoyé par M. Georges Barbara

.             - " Hou Hou ! Bonjour, oh madame Vella Z'êtes là ? C'est le facteur ! J'peux rentrer ?
            - " Bonjour m'sieur Scotto, rentrez rentrez, z'êtes en retard c'matin, madone y va t'être midi ! Que cats y vous arrive ? Vous vous l'avez porté à la longue ou quoi ?
            - " Eh, l'atchidente, adebon j'en peux plus, que c'est le jour que j'apporte les mandats du trimeste, alors toutes les vieilles mémés, comme c'est la fin d'l'année a m'attendent comme Papa Noël ! Et la tchatche ça y va bien sur !.

            - " J'avais pas pensé à ça ! Ah c'est vrai, c'est le moment des pensions, comme moi j' la touche directement à la mairie pour ces quelques heures de ménage que j'ai fait aux Contributions. J'me touche qu'à même une bonne retraite pourquoi quand j'étais jeune, Je connaissais bien le Directeur et même de vous à moi, j'le connaissais trés bien, vous 'oyez ça qu'je veux vous dire ? ! C'est vrai qu'y m'arrangeait le povre ! Ah y l'est plus là, enfin, on était jeunes !.
            - " Entention que pour moi c'est un plaisir qu'à même de te voir tout ces grandmères compter les p'tits billets que j' leur apporte !

            - " Tenez M'sieur Scotto prenez ce p'tit café, que ce canemourte de mon p'tit fils y l'est pas venu me faire les commissions hier soir et que j'me trouve sans le vin ! Si c'est pas possible ça ! Mais j'l'attends quand y va venir çuila pour me demander les sous pour aller au cinéma, y va t'être bien servi, je va t'lui faire faire la route d'Joanonville aller retour sans respirer ! Te vas 'oir ! Z'avez gouté mon café comme y l'est bon ? C'est du Nizière m'sieur Scotto, moi je prends que du Nizière. Ce peu t'café, ça vous changera je pense 'ac tout ça que vous avez du envaler depis c'matin !

            - " Oh oui pas mal c'est vrai,... c'est vrai ! Mais j'ai l'entrainemnt moi alors rouge blanc rosé j'ai l'estomac que lui il est vacciné ! A debon y l'a du faire le cal depuis le temps !
            - " Eh ben qua' même faites un peu ententtion facteur a'c le temps en viellissant, les artères a sont plus larges comme le cours Bertagna, enttention, hen ! Moi Julien mon pauvre mari Diocane, que ça fait deux ans qu'y m'a quitté, c'est bien cette putain d'anisette qui te l'a emporté ! Y l'a jamais voulu écouter ça qu'je lui disais ce Tchoutche ! Et 'oila le résultat ! Y doit se mordre les doigts là-bas à chez Taddo !

            - " Ah vous savez, madame Vella à debon y l'est bien fort votre café, c'est vrai. C'est un café Maltais ou quoi ? Non….. je rigole y l'est tres bon. Mais tiens avant qu'j'oublie, par la même occasion j'vous laisse qua même le calendrier d'la poste avant que je pars, et comme y m'en reste quelques uns, alors profitez ! Vous voulez vous le choisir vous ? Ou alors tenez prenez çuila ya des p'tits chats, et comme je sais que vous aimez les bêtes ça tombe bien !

            - " Attendez assaouare si j'ai encore un chouia de monnaie dans ma table de nuit. Et zek vous avez d'la chance vous... tenez ... et gardez tout, une fois par an je peux faire la large après tous les services que vous nous rendez ! C'est vrai que vous êtes un homme qu'y se met en quatre pour toutes ces gougoutses qu'y z'en valent pas la peine ! Vous aurez du vous faire Curé m'sieur Scotto.

            - " Merci bien madame Vella et au revoir…... Ah attendez…. mais au fait avant que je pars y faut que j' vous dis quequ'chose que j'ai t'sur le coeur ! J'allais oublier... Parcqu'adebon vous êtes com'ma sœur vous, vous savez !
            - " C'est quoi facteur ?
            - " J'peux m'asseoir un moment ?
            - " Et oui mettez vous là, reprenez un peu d'café en attendant que j'ferme la porte, à cause de toutes ces oreilles baladeuses qu'elles se promènent dans l'quartier, y vaut mieux ! Hein !

            - " Et ben vous savez madame Vella, mais comme dans un tombeau que tout ça y reste entre nous bien sur. Quand j'ai donné la pension à madame Dibatista, qu'elle habite au six dans la rue, et ben son fils qu'il était là, vous savez celui qu'y l'a jamais trop cassé les manches de pioche dans sa vie !, et qu'y si y devait maigrir y faudrait qu'y perde un os. Et ben il a pris toute l'argent et y l'a mis dans sa poche. La vieille a l'est devenue toute blanche michkine, et a s'est mise à crier que t'yaurais dit qu'elle allait te faire une faiblesse.
            Mais a'c ses cris, a l'a du réveiller sa fille qui te dormait dans la chambre à côté, parcequ'alors l'autre a l'est venue comme une tigresse et elle a commencé a tapper t'sur son frère 'ac une louche qu'elle a pris t'sur le lévier d'la cuisine ! Et oui comme j'vous l'dit y se sont fait une madone de bagarre dans cette salle à manger ! Et moi le gougoutse que je suis, et que diocane je changerai jamais, et ben j'ai voulu me mettre au milleux pour les séparer. Mais quand j'suis passé à la caisse j'me suis rotrouvé a'c un beau bleu t'sur la poitrine. Tiens rogardez !

            - " Et zek alors vous m'en racontez une belle vous c'matin. J'savais que ce cats de fils qu'elle a y venait souvent la torpiller et lui demander un peu des sous, mais là à lui prendre toute sa pension, et qui y s'croit cuila ? Diomadone où c'est que nous vivons dites moi un peu facteur ?
            - " Et oui madame Vella j'en ai vu des anormalités dans ma vie moi mais un mauvais temps pareil où c'est qu'vous pensez qu'ça peu t'arriver vous ? Atso et ben moi si je m'attendais à ça ? ?

            - " Et comment que ça a fini c'te chaklala ?
            - " Comment ça a fini ? Et ben tous les oisins y sont descendus pour 'oir un peu c'te fin du monde et moi je vous dis la franche vérité j'ai profité pour me tailler. C'est que moi j'ai un service publique à faire !

            - " Laissez tomber m'sieur Scotto, de toutes façons moi dans pas longtemps j'vais sa'oir comme ça a fini surtout que la Toinette celle du 2eme qu'on appelle la depeche de l'est a l'était la bas et qu'elle va se faire un plaisir de m'raconter la sienne. Aller au revoir m'sieur Scotto et que St Augustin y vous garde !
            - " Bonne journée aussi Madame Vella , bonne journée !

Georges Barbara, août 2022


Le Naufrage du LAMORICIERE
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.

            Il y a quelques années, profitant d'un séjour à La Calle, j'effectuais des recherches sur les registres de l'Etat-Civil, en particulier, les décès enregistrés de 1942 à 1945. J'ai été très surpris, de relever au nombre des défunts, plusieurs identités avec la mention " Naufragés du Lamoricière."

            A l'époque Louise ma mère m'avait indiqué, que, plusieurs corps de naufragés, s'étaient échoués sur nos rivages Callois où, ils devaient être récupérés et transportés à la morgue de l'hôpital de notre cité.

            Voilà, ce que nous a raconté sur le sujet, notre ami Francis Balestrieri :

            " En 1942, je travaillais comme forestier aux dunes, sur la route de Tunis après le passage à niveau, au service de M. Mariage, industriel demeurant à Bône. Mon père exploitait pour le même patron la nécha du lac Tonga ( Bois de Boulogne ).. La coupe des dunes, était située sur le versant nord non loin de la mer. J'avais l'habitude à l'heure des repas, de me rendre à la plage et faire un tour sur les rochers. Un jour en arrivant au bord de la mer, j'ai été surpris et saisi de voir sur le sable, le corps d'un homme sans vie, mutilé et les jambes sectionnées. Après m'être ressaisi, je me suis avancé et j'ai remarqué qu'il portait un gilet de sauvetage avec une inscription le " Lamoricière " J'ai tout de suite réalisé, qu'il s'agissait d'un naufragé du paquebot, qui venait de sombrer en méditerranée. J'ai aussitôt dépêché un ouvrier à cheval, pour prévenir les gendarmes de La Calle, dont le chef de brigade de l'époque était M. Laporte.

            Arrivés sur les lieux en compagnie des douaniers, les gendarmes devaient procéder au constat : le noyé portant un uniforme d'aviateur français. Le gilet de sauvetage, avait préservé ses papiers d'identité de l'humidité, ce qui a permis l'identification du corps. Il s'agissait de Maurice Barres qui était militaire en Algérie et qui se rendait en permission en métropole, dans sa famille qui résidait dans les Pyrénées.

            L'aviateur fut conduit à la morgue de l'hôpital de La Calle, puis, inhumé dans notre cimetière, mais, je ne sais pas à quel moment le corps fut transféré en France."

            Pour ma part, j'ai eu le privilège de m'entretenir du sujet avec l'un de nos adhérents, fervent ami de La Calle, le Docteur Lucien Borgex +, mon voisin et ami. Ce chirurgien militaire devait m'indiquer, que, le Lamoricière, assurait des liaisons régulières entre Marseille et Alger, que ce navire n'était pas très important, mais, vétuste, quoique bien entretenu. Le Docteur Borgex a fait l'avant dernier voyage sur ce bâtiment pour rejoindre Alger. La mer était houleuse et la traversée fut rude.

Le Lamoricière = quel était ce navire

            Navire de 4.712 tonneaux construit en 1921. Affecté aux lignes d'Afrique du nord et maintenu en service après juin 1940, le paquebot quitte Alger le 06 janvier 1942 avec 272 passagers et 122 hommes d'équipage. Le 07 janvier, il se porte au secours du Jumiege en perdition au large de Minorque et ce sauvetage va vite tourner à la catastrophe. Sur place, pas de trace du Jumiege, mais, une mer démontée et une pression de plus en plus difficile à tenir dans les chaudières.. Encore quelques heures et se sera le scénario bien connu de tous les marins, l'envahissement des soutes et l'arrêt des machines, l'abandon du navire à la dérive et au gîte, l'arrivée enfin des premiers secours et les tentatives désespérées d'évacuation du navire.

            Le lendemain à midi tout était fini, car, le Lamoricière a coulé et seuls 89 passagers pourront être rapatriés sur Marseille. A l'origine de cette tragédie, plus encore que l'état de la mer, c'est plus précisément le combustible employé : un ersatz de charbon en quantité à peine suffisante et de surcroît humide.

            Cette chronique serait incomplète si je négligeais un seul instant de présenter le Général Lamoricière, qui, en son temps, a été avec le Général Bugeaud, le chef le plus populaire de l'Armée d'Afrique.
            - Christophe, Louis, Léon Juchault de Lamoricière
            - Général de division le 09 / 04 /1843
            - Député de la Sarthe du 10 / 10 / 1846 au 02/12/1851
            - Grand officier de la Légion d'Honneur le 14 / 01 / 1848
            - Ministre de la guerre du 28 / 06 / 1848 au 19 / 12 / 1848
            - Décédé le 11 / 09 / 1865 à Plouzel ( Somme ).

            A noter que le 23 / 12 / 1847, Lamoricière reçu la soumission d'Abd-el-Kader arrêté dans la nuit du 21 au 22 / 12 / 1847 par le Colonel Yusuf, alias, Guiseppe Ventini.

            Si le Général Lamoricière a pu vaincre Abd-el-Kader, le navire qui portait ce nom prestigieux, a eu un destin bien différent face à la fureur de la Méditerranée.

            Etait-ce là, un signe prémonitoire du destin de l'Algérie ?
            Docteur Jean-Claude PUGLISI
            de La Calle de France
            Paroisse de Saint Cyprien de Carthage

            https://fr.wikipedia.org/wiki/Lamorici%C3%A8re_(navire)

            Seuls 93 passagers et membres d'équipage seront sauvés. Le bilan du double naufrage s'élève à 301 morts pour le Lamoricière, et 20 morts pour le Jumièges. Parmi les victimes du naufrage du Lamoricière se trouve le mathématicien polonais Jerzy Rózycki, qui a contribué au déchiffrement d'Enigma. Enigma est une machine électromécanique portative servant au chiffrement et au déchiffrement de l'information. Enigma (machine) - Wikipédia (wikipedia.org)

            L'épave du Lamoricière a été retrouvée en mai 2008 par une équipe de plongeurs italiens et espagnols, par 156 mètres de profondeur à dix kilomètres au large du Cap Favaritx, au nord-est de Minorque5.


LE CHÂTEAU NEUF
de Geneviève Trenant
Echo de l'ORANIE N" 265, NOVEMBRE/DECEMBRE 1999

       Le Château Neuf, contrairement à son nom, est une vieille Citadelle - Trois grosses Tours massives qui forment le donjon de l'ouest, reliées par une courtine trapue, dominaient depuis si longtemps le rivage, le ravin et l'étroit plateau, que certains historiens affirmèrent qu'elles étaient l'œuvre d'une commanderie de St-Jean de Jérusalem.
       Rien n'est moins sûr, mais les géographes El Békri au Xlème siècle, El Edrissi au Xllème, des historiens : ABOULFEDA, IBN-KHALDOUN au XVème ou Léon I'Africain au XVème parlent avec admiration de cette ancienne ville d'OUAHARAN, serrée dans ses remparts de terre. Il se peut que le sultan ABOU'L HASSAN ; Ies aient trouvées presque neuves lorsqu'il vint s'établir à Oran en 1347 ils les auraient ceinturées d'un mur de pisé pour en faire un bordj redoutable, afin de couvrir à I'est la ville, tout en la fortifiant du côté de la mer.
        Lorsqu'en 1509, le Cardinal Ximenes pénètre à Oran conquise par Don Pedro Navarro, il se hâte vers la forteresse pour mettre en liberté 300 esclaves chrétiens enchaînés dans les cachots souterrains.
       Autour du donjon maltais, première résidence des gouverneurs espagnols, un mur de maçonnerie avait, dès 1514, sur l'ordre du Commissaire Général de l'artillerie, Diego de Vera, remplacé le mur de terre du sultan mérinide.


       De 1563 à 1568, I'ingénieur Italien Jacomo Paléazo lui substitua des fortifications qui couvraient la ville au sud et constituaient un bastion qui semble bien avoir eu une existence autonome.
       Les espagnols lui donnaient le nom de Araz-Alcazal peut-être dérivé de l'arabe Ras-el-Ksar. Le fils de Charles Quint, Don Juan d'Autriche y admira les couleuvrines en batterie et Cervantès, émissaire du roi catholique, évoquant ses souvenirs d'esclavage à Alger, conçut le sujet de son drame, "le vaillant espagnol".
       La majeure partie de la forteresse est plus récente - "Aux angles des bastions, dont les hautes murailles intactes font encore impression, les échauguettes ont une grâce de tourelles Renaissance ; la seule demi-lune conservée - entre les bureaux de la place et le Cercle militaire, montre un escalier majestueux par où les défenseurs pouvaient se replier sur l'ouvrage principal" - La construction, dont le nom se modifiait pour devenir le "Castillo del Rosalcazar" dura un siècle, un cartouche encastré dans l'escarpe du front en marque son achèvement en 1701. Lors du siège mené par le Khalifa Baba-Hassan, la Citadelle fit une belle défense mais lorsqu à bout de munitions il fallut capituler, le 26 décembre 1708, les 540 braves subirent un humiliant esclavage. Durant 24 ans, le Château Neuf fut aux mains des Turcs mais le Bey Mustapha Béni Youssef dit "Bou-Chlaghem" (le moustachu) préféra résider dans la Vieille Kasba.
       En 1732, le Comte de Mortemar et les espagnols reprirent la ville et complétèrent leur oeuvre - le mur du front nord et la large galerie souterraine, qui s'ouvre dans la cour et les casernes voûtées, à droite de l'entrée, ainsi que la porte monumentale sont de cette époque - le Lieutenant Général Don Juan Martin Zermeno y fit apposer une inscription en langue espagnole datée de 1760 - une autre inscription en arabe s'y voit aussi "Louange à Dieu unique.
       Oran fut conquise
       Dieu la rendit aux musulmans. "

       En fit sortir les infidèles humiliés et abaissés.."
       Entre temps, il est vrai, le tremblement de terre de la nuit du 8 au 9 octobre 1790 avait anéanti les édifices construits depuis des générations et ensevelit une grande partie de la garnison et de la population - mais le Château Neuf était demeurée intact - le Bey de I'ouest Mohammed-el-Kébir y vint s'établir en mars 1792. Durant 39 ans, les nouveaux occupants des lieux s'attachèrent à lui donner toutes les commodités possibles. Tout au fond, sur le mur Sud, ils construisirent un élégant palais relié par une communication à une maison mauresque où se trouvait le sérail du Bey, et perché à l'angle sud-est, à quinze mètres au-dessus de la "Ville nouvelle", se trouve le pavillon de la favorite.


       Dans le ravissant Mirador, les Beys d'Oran qui occupèrent les luxueux appartements du Château-Citadelle venaient oublier les soucis de leur charge entre les bras de l'élue du moment. Durant les années de l'Algérie française, le palais fut la demeure du général commandant la place et la maison mauresque abrita l'Etat-Major de la division.
       Partout, à l'intérieur du fort, dont ça et là quelques arches atténuent l'austérité, parmi les édicules modernes et parasites, se reconnaissent aisément, maintenant occupés par des services ou offertes au logement des familles, de coquettes constructions Turques ; quelques-unes ont conservé les typiques coupoles surmontées du croissant.
       Premier habitant du Palais, après le vieux-bey Hassan, dont il reçu la soumission, le général Comte de Danrémont qui succéda à Clauzel à la tête de l'Armée d'Afrique en 1837 et fut tué dans l'assaut de Constantine. Puis le général Boyer, Desmichels, Trézel, d'autres dont les commandements furent plus ou moins éphémères, avant Lamoricière et Pélissier, futur Duc de Malakoff. Dans cet hôtel de commandement - Le Duc d'Orléans, suivi de Marbot et Morny, le maréchal Clauzel, Perrégaux, le maréchal Valée, Yussuf, Bugeaud, Bosquet, Trochu, le Duc d'Aumale, Cavaignac qui, nommé gouverneur général en 1848, pleura de honte près avoir reçu les félicitations de canaille d'Oran précédée du drapeau rouge.
       Napoléon III, le général de Mac-Mahon, le général de Montauban, futur Comte de Palikao, et Martimprey, Waslin-Esther Deligny, Winpffen, et Lyautey et Giraud... Je signale la mémoire du général Comte de Trobiant, maréchal de camp, proche de ma famille paternelle, cité à l'Ordre de l'armée lors des combats du 8 mai 1832 autour d'Oran, contre Abd-el-Kader et qui, plus tard, fit partie des 12 conseillers municipaux de la première municipalité d'Oran nommés le 22 février 1848 - le maire M. Jonquier et les adjoints : M. Boyer et mon arrière-grand-oncle, M. de Sauzéde qui fut longtemps le secrétaire du maréchal Clauzel. Le général Détrie commanda la division d'Oran de mai 1884 à aout 1893, m'écrit son petit-fils, M. P.H. Détrie qui m'envoie, avec les photocopies de l'article sous la signature du colonel P. Gendry, paru dans la Revue Historique de l'armée en 1953, d'où j'ai tiré la majeure partie de cet article, les magnifiques photos qui l'illustrent. Mon correspondant est le fils du général Paul Détrie et sa femme née Suzanne Boudier tous deux nés à Oran en 1872 et 1882 et décédés à Bayonne en 1962 et 63. Bien que n'ayant pas connu Oran, il est très attaché à ce passé familial et nous n'oublions pas que la mémoire du général Paul, Alexandre Détrie né le 16 août 1828 fut aussi honoré par l'appellation de Détrie donnée au village de Sidi Lahassen en 1906. (Nous avions consacré un article à ce Village dans notre n°204 de septembre-octobre 1989).
       M. PH.H Détrie m'écrit que son grand-père eut l'occasion d'accueillir au Château Neuf des personnalités comme Félix Faure et sa fille, François Coppée, Pierre Loti etc...

       Le colonel Gendry note avec humour - "Si le séjour en ces lieux de tant de chef célèbres dans nos annales militaires a enrichi l'histoire du Château Neuf, les apports de l'occupation française dans le domaine matériel, marqués du strict caractère de l'utilité immédiate, n'ont, le plus souvent, rien ajouté à sa beauté" - c'est en effet, le moins qu'on puisse dire - mais reprenons l'article dans cet aspect émouvant.

       Dans l'angle nord-est notamment, au-delà des casernes, dont la première a déjà plus d'un siècle, les bâtiments de servitude ont été relégués. Que le serviteur ait cependant la conscience de pousser jusque là et de poursuivre son investigation, et il ne découvrira pas sans surprise, dans un coin où le sans-gêne des vivants a accumulé les laideurs, un carré de tombes à l'ombre de faux-poivriers.

       Saisi d'une émotion légitime, il lira avidement les noms et les dates que la piété des générations a su préserver de l'usure du temps :
       Colonel Lefol        1789-1831
       Maréchal de camp de Fitz-James        1788-1834
       Colonel de Maussion        1795-1840
       Colonel Mouret        1796-1846
       Aux angles de cet humble enclos limité par une margelle et un grillage, des canons fichés en terre.
       Là reposent quatre soldats français, dont le destin n'eut pas la gloire étincelante d'autres officiers et dont le souvenir serait oublié s'ils ne bénéficiaient pas de ces sépultures exceptionnelles.

       Nous vous en reparlerons dans d'autres articles et pour l'heure, nous nous interrogeons sur le devenir actuel, après 37 ans d'indépendance, de ces pauvres témoins d'une épopée que l'histoire, versatile, a vouée à l'échec.
       Quel lecteur nous dira la réponse à cette question qui n'est, après le saccage et le viol de tant de sépultures en Algérie, qu'une simple curiosité historique.
       Geneviève de Ternant










       
       



LE CAPITAINE-MAJOR
Médecin à Ras-El-Aïoun a été vengé
Par Georges MULLER
ACEP-ENSEMBLE N° 297-septembre 2015

               Lecture recommandée à tous les crétins qui parlent du colonialisme en n'en connaissant que ce qu'en disent les perroquets.

EPISODE I LA NAISSANCE DES FAITS

               Durant la Guerre d'Algérie, commencée la Nuit de la Toussaint 1954, il faut attendre le lendemain du 20 Août 1955, date des massacres engendrés par les rebelles du Front de Libération Nationale (FLN) dans l'Est Constantinois, pour voir apparaître des renforts très importants, dans les rangs de l'Armée Française.
               Dans le département de Constantine, les groupes armés du FLN sont très bien installés. Mais conformément au choix du Commandement Supérieur de l'Armée Française, c'est d'abord dans les agglomérations de la population que l'épuration des adversaires s'est faite. Ensuite, il faut pacifier les zones extra-muros, c'est à dire les étendues du territoire dans les campagnes et surtout dans Ies chaînes montagneuses.

               
               En ce qui concerne l'Arrondissement Nord de Constantine, c'est vers la fin de 1956 que l'Etat-major français décide d'effectuer des avancées, baptisées "Têtes de pont" dans les zones dites d'insécurité, où les fellaghas du FLN se sont bien réfugiés.
               Mais pour cela, il faut regrouper les populations rurales, dans des hameaux à créer, pour les extirper des griffes du FLN qui en abuse sauvagement, y compris la peine de mort souvent pour bien peu de chose.

               Ainsi le Général commandant les troupes françaises, dans tout le découpage géographique précité, demande au Sous-préfet en exercice, de détacher auprès du Capitaine, Chef du 3eme Bureau Militaire, un représentant très qualifié sur le terrain, de chaque Administration Territoriale civile afin d'intervenir spécifiquement, en collaboration administrative avec l'Armée française sur les avancées en cause.

               En ma qualité professionnelle de "Conducteur de Travaux" à la Subdivision de l'Hydraulique et de I'Equipement Rural, Constantine-Nord, je suis détaché au groupe de travail des avancées précitées.

               Je rejoins donc des homologues désignés par les différentes administrations, telles que ponts et chaussées, Direction de l'Agriculture Service Topographique, Office des Forêts, Hygiène Départementale, District du Service des Voies Ferrées, etc... etc...
               Etre à la fois civil et militaire n'est pas chose très facile. Si mon salaire mensuel est toujours versé par mon Administration, par contre, il faut répondre, en tout temps, aux demandes du 3eme Bureau Militaire pour lui apporter toutes ses connaissances personnelles, le maximum d'informations sur ses orientations stratégiques projetées.
               A savoir :
               - Ies conditions d'accès et de circulation des véhicules
               - les ressources en eau potable du site
               - l'aspect géographique
               - les fertilités possibles des sols etc... etc...
               Ainsi, les études de la Commission de créativité, à laquelle je suis inclus, permettent d'établir avec un grand succès, la mise en place de postes militaires de défense et d'opération, mais encore de créer des centres de regroupement des populations rurales.

               II en résulte que chaque autorité communale, en accord avec Ie pouvoir militaire, établit son programme en concordance avec son étendue géographique.
               Ainsi, je dois citer la naissance rapide et importante d'un des nouveaux hameaux, réalisé par les communes d'Oued Zénati, à une vingtaine de kilomètres au nord d'Aïn Regada, lieu dit Ras EI Aïoun : la traduction de cette appellation, en langue française veut dire "la tête des sources".
               Il est vrai que dans le relief de Ras El Aïoun, apparaissent bien des points d'eau. Il convient de noter que l'un d'eux, situé au départ de la petite vallée, laisse couler un filet de pétrole brut et porte le nom d'Aïn EI Gaz. D'ailleurs, durant l'année 1952, la Société Nationale de Recherche pétrolifère a oeuvré dans cette zone. La réalisation de trois forages d'environ 360 mètres de profondeur, avèrent un gisement artésien important.

               Il en résulte un projet commercial très favorable car l'altitude de ces forages permet à ces ressources pétrolifères de s'écouler par gravité, jusqu'à la gare de Bordj Sabat, puis vers le port de Bône par voir ferrée.
               Donc, sur le grand plateau de Ras El Aïoun, s'installe tout d'abord un détachement du Bataillon de Corée. Pour leur sécurité, les soldats s'empressent de construire un modeste fortin qui domine la petite vallée. Puis, une Section Administrative Spécialisée (S.A.S.), sous les ordres du Capitaine Piplard, s'implante sur le plateau. Pour sa formation de pacification, et le recrute parmi la population rurale regroupée masculine, des adultes optant pour la présence française.

               Donc, cet officier de la S.A.S., aidé par un sergent-chef de l'armée régulière, forme une compagnie de supplétifs militaires, d'une centaine d'actifs appelés "Mouraznis" synonyme de goumier.
               Dans le cadre de ma profession, mon rôle est d'assurer I'alimentation en eau potable de ce nouvel hameau "Ras El Aïoun".

               En premier lieu, je fais construire une galerie filtrante, au travers de la petite vallée, dans son infero-fluxe, c'est à dire dans l'écoulement, en profondeur, de l'eau potable phréatique.

               L'aménagement d'une station de pompage recueille cette eau et la refoule, 120 mètres plus haut, dans six cuves de 8m3 chacune et à la demande : celles-ci sont abritées dans des tours de guet sur le plateau dont l'une d'entre elles est installée dans Ie fortin. En six endroits différents, des bornes-fontaines desservent Ies habitations selon leurs besoins.

               Il faut aussi penser à donner à boire au bétail qui appartient à la population regroupée.
               Pour cela, je fais aménager trois points d'eau, les plus proches des habitations construites, en matériaux durs par la S.A.S. Chaque réalisation comprenant : le captage d'une source dans les règles de l'art avec un regard de visite maçonné en bout du drainage. Puis une conduite métallique qui amène l'eau potable à un abreuvoir équipé d'une borne-fontaine à poussoir, tirant I'eau potable depuis un petit regard réservoir de quelques centaines de litres. C'est le trop-plein de celui-ci qui se déverse dans un bassin pour le bétail.

               Pour ces chantiers, la main d'œuvre est recrutée sur place. Cette obligation réaliste découle d'un roulement mensuel d'embauche dirigé par le Secrétaire Administratif de la S.A.S. Il permet de faire travailler successivement les adultes masculins qui obtiennent ainsi une ressource financière pour faire vivre leur famille.
               Je dois préciser, du point de vue de la main-d'œuvre travaillant sous mes ordres que dès la première embauche, je suis attiré par l'un de mes ouvriers. Celui-ci appelé "Bou Touil" d'une trentaine d'années, mais sa taille atteint les deux mètres. Est-ce à cause de son physique qu'il me donne l'impression de s'imposer, de commander facilement les autres équipiers. D'ailleurs, il les dirige parfaitement bien et mes instructions, concernant les ouvrages projetés, sont suivies avec exactitude et beaucoup de soin.

               De plus, Bou Touil, cause un peu la langue française et qu'en ce qui me concerne, je maîtrise l'arabe dialectal d'où notre entente parfaite sur le chantier hydraulique.

               En échange, je le nomme chef d'équipe, ce qui lui vaut un emploi continu avec l'avantage d'un salaire un peu plus élevé que celui de ses compagnons de travail.

               Entre les militaires et les civils, la population de Ras El Aïoun atteint maintenant les six cents habitants. Du côté sanitaire, les urgences sur la prise en compte de la santé des gens s'imposent.
               Elles sont prises en charge par l'autorité de l'armée française qui met en place les services d'un Capitaine Major, Médecin généraliste, qui effectue son service militaire. Ce dernier est d'une très grande polyvalence et rien ne I'arrête dans son travail pour soigner les Aïounistes de jour comme de nuit.

               Mon engagement d'hydraulicien n'est pas terminé pour ce nouvel hameau car je dois établir l'étude et le projet d'aménagement d'un quatrième point d'eau.

               Donc ce matin du 17 février 1957, dans mon véhicule de service conduit par un chauffeur attitré et très dévoué, je me rends sur les lieux. Il fait à peine jour quand nous empruntons la route du Kroubs suivie de celle d'El Fria, puis d'El Hambil pour arriver de bonne heure à Ras EI Aïoun. Pas de problème pour circuler car mon chauffeur est moi nous possédons un laissez-passer militaire permanent, nous donnant le droit de nous déplacer en tous lieux et à toute heure, quel que soit le site.

               Après avoir salué et bavardé quelques instants avec le Chef de la S.A.S., je file sur le terrain du point d'eau en cause, avec une équipe de quelques manœuvres, pour effectuer l'étude topographique des lieux et me conduire, lors de mon retour à mon bureau, à l'élaboration d'un plan côté, puis au tracé du projet de l'aménagement prévu..

               Mon travail de ce relevé des sols se termine en début de l'après-midi. Vers 15 h 30, je quitte Ras El Aïoun, mais il me faut faire un détour par le village d'Oued Zénati, chef lieu de commune, pour rencontrer le Secrétaire Général de la mairie et convenir de l'engagement des crédits de dépenses relatifs à l'élaboration de l'agencement de ce quatrième point d'eau.
               En effet, 20% des dépenses sont à la charge de la collectivité locale et 80% de l'Etat représenté par la Direction Départementale de I'hydraulique et de l'Equipement Rural de Constantine.

               Sur la route du retour et à environ 1 km 500 de Ras El Aïoun, j'ai le choix, pour rejoindre le village d'Oued Zénati, soit de passer par Aïn Régada, soit par Bordj Sabat.

               Après bien des hésitations avec mon chauffeur, c'est ce dernier tracé de route que nous choisissons et évitons le détour par Ain Régada.
               Arrivé en mairie d'Oued Zénati, les pourparlers se passent très bien et chacun accepte les charges financières relatives au projet du renforcement de l'alimentation en eau potable du hameau de Ras El Aïoun.

               Donc ce 18 février 1957, je quitte la mairie d'Oued Zénati pour rejoindre mon domicile à Constantine. La nuit est déjà là, mais peu importe. Mon second amour de la vie est de pouvoir donner, le plus vite possible, de l'eau potable à tous ceux qui en ont besoin, dans le découpage géographique de ma brigade, soit treize communes. Là est la cause essentielle du choix de mon métier et c'est d'être un bon hydraulicien.

               Le lendemain matin, 18 février 1958, je rejoins mon bureau bien avant l'ouverture au public, du siège de la Subdivision Constantine-Nord. Beaucoup de travail m'attend quand, vers 8 heures mon téléphone sonne. Je décroche et prenant l'écoute, c'est une grande surprise : j'ai au bout du fil mon ami le Secrétaire Général de la Mairie d'Oued Zénati qui me dit, d'une voix chevrotante : "Hier après-midi, tu a failli perdre la vie.
               Heureusement que pour venir me voir, tu n'as pas emprunté la route d'Ain Regada. Le camion de la S.A.S. de Ras El Aïoun, revenant de Constantine, l'a suivie. Au passage du Pont des Lauriers, tout le personnel transporté est tombé dans une embuscade tendue par les fellaghas qui ont coupé la voie routière par deux profondes tranchées. Un seul goumier a réussi à s'échapper et courant très vite, il a réussi à donner I'alerte.

               Le Médecin Capitaine Major a perdu la vie, ainsi que douze goumiers et deux gars du peloton cynophile du Bataillon de Corée, avec leurs deux chiens qu'ils ont fait vacciner à Constantine.

               Quant au Sergent Chef et au Secrétaire Général de la S.A.S., ils sont blessés et suivis à I'Hôpital Militaire Laveran, à la Casbah. Essaye d'aller prendre leur état de santé, que tu voudras bien me communiquer."
               De telles nouvelles me coupent les jambes et comment annoncer cela à mon dévoué chauffeur, lui parler de cette embuscade meurtrière que nous avons évitée de justesse.

               De plus, une urgence s'impose qui est d'aller prendre des informations de mes deux amis blessés, sur leur état de santé.

               Titulaire de mon laissez-passer militaire permanent et dès le début de l'après-midi, je me rends à I'Hôpital Militaire. Impossible car ils sont en soins intensifs.
               Cependant un privilège m'est accordé de pouvoir rencontrer mes deux amis, mais seulement pour un court moment.

               Chose faite, le Sergent-Chef souffre d'une blessure par balle qui a traversé son corps au niveau du foie. Quant au 3ème, Secrétaire Général de la S.A.S. c'est aussi une balle qui est passée entre son omoplate et ses côtes de l'épaule gauche.

               Ce dernier m'explique qu'au retour de Constantine et conduisant le camion de la S.A.S., il est passé par Aïn Régada.

               C'est au lieu dit "Le Pont des Lauriers" que I'embuscade est tendue par des hommes du FLN. A cet endroit, dans un virage en S de la route très marqué, on enjambe un ruisseau, tandis que les abords de la ravine sont bordés, de chaque côté de deux bancs rocheux caverneux d'une vingtaine de mètres de hauteur.
               C'est cette raison pour laquelle il n'a pu voir suffisamment tôt, que la chaussée était coupée transversalement à deux endroits successifs. Le véhicule bloqué devient la cible irréversible des rebelles.

               Des coups de fusil partent des deux côtés du chemin routier, donc en feux croisés très meurtriers. Il quitte précipitamment la cabine du camion ainsi que le Capitaine-Major, chacun de leur côté respectif. C'est alors que ce dernier crie à haute voix : "sauvez-vous vite, moi je suis blessé à I'abdomen " Puis le Secrétaire Général de la S.A.S. rajoute qu'à ce moment là, il sent une douleur vive à son épaule gauche, Il se précipite vers le ruisseau et se jette dans un trou d'eau, bordé sur un côté par une grande arrête rocheuse de quelques mètres de hauteur qui le protège d'un certain angle de tir de l'adversaire.
               Puis il voit arriver deux fellaghas, en armes qui fouillent les touffes de la végétation abondante des lieux. Alors, il n'hésite pas d'user du fusil de chasse qu'il possède, un calibre 16 à deux coups, chargé de deux cartouches à balles en plomb. Il tire sur le premier fellagha qui s'écroule et répète la même action sur le second.

               Mais le plus triste, c'est qu'il est le témoin d'une horreur impensable : mon Chef d'Equipe Bou Touil, équipé d'une grande hache, se précipite sur le Capitaine Major Médecin généraliste de Ras El Aïoun, couché au sol il I'achève à grands coups avec l'outil de bûcheron dont il dispose.

               A cette indication qui m'est donnée, un uppercut en pleine face ne peut me faire aussi mal et dire que I'auteur d'une telle sauvagerie, c'est Bou Touil, mon Chef de
               Chantier qui a su conquérir ma confiance. L'image qui en résulte s'inscrit à jamais dans ma mémoire. Je me demande si son autorité sur mes ouvriers de chantiers ne vient pas de son appartenance active, mais sournoise, au clan du F.L.N. Peut-être même qu'il rançonne la population de son hameau ? Le fait de son action sauvage sur un blessé gisant au sol, ce Docteur d'un grand dévouement sans borne et d'une polyvalence absolue, m'accable profondément.

               Devant les lits de mes camarades blessés, des larmes me coulent des yeux, quand une infirmière entre dans la pièce pour me dire que ma visite se termine.

               Elle rajoute, qu'à la morgue, il y a un besoin urgent d'identifier les morts français de cette embuscade et que peut-être, je suis utile dans l'identification des défunts. Après avoir dit à mes deux amis, un au revoir très fraternel, je me rends dans le triste bâtiment précité.
               Je suis accueilli par un ami d'enfance, l'aîné des enfants Cassuto, résidant rue du Monténégro, une ruelle reliant la rue Sauzaie avec le boulevard Joly de Brésillon, Je salue Cassuto qui, en me serrant la main, me demande si j'ai le cœur bien solide. Je réponds qu'avant tout, je tiens à rendre service en essayant de donner des identités, voir des appartenances sur les corps déposés.

               Mon ami Cassuto ouvre la porte d'une chambre froide et tirant lentement un lit mobile, il fait apparaître un corps sans vie, allongé sous un drap blanc qu'il va retirer. Je reconnais aussitôt, de par ses vêtements, que ce défunt est le Capitaine-Major. Puis Cassuto me dit : "Voilà ce qu'un rebelle a fait lors de cette embuscade" II tire un pied de cet officier décédé et toute la jambe quitte le pantalon. Il a fait pareil avec une main et tout le bras quitte la veste. Il termine en me disant que les deux autres membres sont coupés de cette façon.

               Ce que je viens de voir déclenche spontanément en moi, l'idée d'une vengeance que je dois accomplir. Déjà mon esprit cherche comment agir pour faire justice.

               Les journées passent, mais depuis ce 17 février 1957, le sieur Bou Touil ne paraît plus à Ras El Aïoun. Quand et comment vais-je le retrouver ?...

               Comme suite à ce qui vient de se passer et compte tenu que mes activités, hors agglomération, ne cessent pas même dans les zones les plus douteuses, du point de vue de la sécurité, mon chef de service me gratifie de frais de déplacement pour acheter une arme à feu.
               Je choisis donc, une carabine de la Manufacture d'Hendaye, calibre 22 long-rifle, de grande portée, à tir tendu, avec chargeur de 20 cartouches à balle en cuivre. L'ajout d'une lunette de longue visée m'assure une précision absolue.

               Cet équipement me soutient dans mes activités d'hydraulicien, lors de mes opérations fréquentes et continues, de prospection et d'étude, dans les zones d'insécurité pour assurer l'alimentation en eau potable, des regroupements des populations et des postes de défense contre la rébellion.

               Je dois préciser que, conformément à une circulaire ministérielle du moment, les fonctionnaires de l'Etat, ne sont pas obligés d'aller travailler dans des lieux dangereux dominés par les fellaghas, à moins de se porter volontaire, par écrit ; c'est précisément cet acte que je choisis.
               D'ailleurs, mes supérieurs de la Direction de l'Hydraulique et de I'Equipement Rural sont pleinement conscients de mon dévouement continu, des risques particuliers auxquels je suis exposé, dans l'exercice de mes fonctions.

               Aussi, en accord avec le pouvoir militaire, le 28 juillet 1958, il m'est affecté par ordre préfectoral N' 65, un pistolet mitrailleur MAT 1949, calibre 9 mm G 50650, assorti de 8 chargeurs, contenant chacun 32 cartouches à balle.
               Voilà, je suis armé pour faire la guerre et certainement que Bou Touil l'est aussi, dans les rangs de I'ALN. Quand et comment allons nous nous revoir ?

2ème épisode

               Le mois de juin 1958, I'Armée Française a pratiquement anéanti tous les groupes importants de I'ALN tels que katibas et mentakas. Dans nos rangs, c'est sensiblement l'équivalent d'un bataillon et d'une compagnie de soldats..
               Mais les rescapés en arme, se rassemblent par cinq (une main) sur un terrain plutôt montagneux, d'environ une dizaine de km2. Ces mains se regroupent quand il faut faire un coup dur.
               1er Dans cette situation, I'Etat-Major de l'armée française décide alors, sur tout l'arrondissement de Constantine Nord, d'appliquer la stratégie suivante : Des Harkis sont rassemblés en commandos de chasse. C'est à dire trois sections chacune formée d'une trentaine de volontaires encadrés par des gradés français, partent en nomadisation pour une quinzaine de jours et ainsi de suite.
               Ils battent la zone pour faire fuir les fellaghas vers un site préalablement choisi, en vue d'un encerclement facilement réalisable par nos troupes.

               2) Quand les prévisions sont atteintes et dès l'aube du jour choisi, des détachements de fantassins appuyés par des engins blindés, bouclent la zone précitée.

               3) Des formations de commandos instruites pour ce genre de combat rapproché, entrent en action à l'intérieur de I'encerclement et ratissant tout sur leur passage, détruisent les éléments de I'ALN rencontrés.
               L'Etat-major pense alors que les effectifs de commandos doivent être plus importants. Pour cela, il fait appel au volontariat, dans les rangs des Unités Territoriales, de la Réserve (moins de 35 ans d'âge) qui n'œuvraient qu'intra muros jusqu'alors, depuis début 1956.

               Pour être admis dans ce commando, il faut bien connaître le découpage géographique en cause, de par sa résidence ou la pratique de son métier.
               Un tel volontariat, dans le cadre de toutes les opérations actives, sera tenu dans le plus grand secret pour éviter des éventuelles représailles du FLN sur des proches de la famille des candidats retenus.

               Epris de patriotisme, c'est de tout cœur que je m'engage dans cette nouvelle classe de l'Armée Française.
               Ainsi les territoriaux qui quittent le 64ème Bataillon des intra-muros permettent la formation de trois secteurs de 36 combattants chacune, d'où la 1ère Compagnie de Commandos, baptisée de "Vigilance et d'Action Rapide".

               A la fin du 3ème mois de formation, dans une école militaire spécialisée, nous sommes déclarés opérationnels.
               Tout ce qui nous équipe, dont I'armement en tout genre, de fantassin, est d'origine américaine.
               Notre devise est : "Tuer pour ne pas l'être". En dehors de notre vie civile et durant dix jours consécutifs par mois, nous sommes, en permanence, actifs sur le terrain. Notre convocation, pour former la compagnie de commandos, reste très discrète. Entre voisins de quartier nous nous entendons par téléphone, dans un vocabulaire bien spécifique, afin de répondre à I'appel de l'autorité militaire, quant au lieu et I'heure fixée du jour de départ en opération. Cela se passe pendant le couvre-feu car chacun d'entre nous dispose d'un laissez-passer permanent.

               Donc chaque mois, pendant la nuit, nous nous rendons à la caserne fixée de Constantine, pour recevoir tout notre équipement. Puis nous embarquons dans des camions qui nous transportent aux abords de notre zone opérationnelle.

               Et un jour, le 15 lévrier 1960, notre convoi se dirige vers le Kroubs, puis Aïn Abid et s'arrête à Aïn Regada. Là des informations nous sont données sur notre lieu d'accueil. Pour cela, il faut poursuivre la route, où nous sommes arrêtés vers le village d'Oued Zénati.
               La 1ère section où j'assume avec mon grade de sergent-chef, le rôle d'adjoint au lieutenant qui la commande, dispose d'une aile de bâtiment de la ferme de Kallèche, à 3 km d'Aïn Regada.

               La 2ème section doit aller à 6 km pour accéder à la ferme de Kiflfane.
               La 3ème section bénéficie d'un abri, dans des docks-silos à blé d'Oued-Zénati.

               Après cette courte pose commence notre intervention.
               - La 1ère section doit ratisser le terrain, dès les hauteurs qui surplombent le village d'Ain Régada appelées Hadjar Merkeb, en direction du Nord, pour rejoindre le Chemin de Grande Communication n' 35, vers Bordj-Sabat.
               La surface à contrôler sur 13 km de long, entre les coordonnées Lambefi de longitude Nord 892 à 894 (C.L.N), soit une bande de 2 km de largeur,
               - Même opération pour la section 2, entre les C.L.N. 894 à 896 et pour la section 3 entre les C.L.N. 896 à 892.

               Rien à signaler pour cette 1ère journée. A la nuit tombée, les camions en stationnement sur le C.G.C. n° 33 prennent en charge la totalité des effectifs du 1er commando, pour ramener chaque section à son lieu d'attache précité.
               Ainsi déployé en ligne, le commando ratisse la chaîne rocheuse qui domine la rivière d'Oued Zénati et jusqu' à rejoindre la R.N. 20. Là, deux rebelles, découverts dans une grotte aménagée en abri, sont mis hors de combat.
               Le 3ème jour, dès l'aube, la compagnie est transportée puis déployée au Col de Ras El Akba, ayant pour charge de contrôler toute l'étendue du plateau et les versants de Dra El Kerma.
               Vers 7 h du matin, puis à 9 h, deux accrochages sévères ont lieu et quinze fellaghas sont mis au tapis, sans aucune perte de notre côté.
               Puis vers midi, nous abordons le lieu dit "Bled El Hadjae" une arrête rocheuse très marquée, d'une trentaine de mètres de hauteur, sur environ 2 km, en forme de fer à cheval.
               Ma section avance pour rejoindre la partie inclinée du relief. Je commande l'équipe chargée des armes lourdes : 2 fusils-mitrailleurs et leur équipement, 1 lance grenade et fumigène, 1 lance-roquettes, 1 dynamiteur pour détruire les abris des ennemis.

               Alors que la zone est silencieuse, un coup de feu retentit et l'un de mes hommes s'écrie : "Chef... chef... Il a cassé mon fusil lance-grenades..."
               En effet, un titulaire de cet armement reçoit une balle tirée par un fellagha embusqué à une vingtaine de mètres, qui casse la crosse de son fusil, heureusement sans le blesser.
               Je lui crie de se jeter à terre derrière un gros bloc quand je découvre une faille dans les rochers, d'où apparaît un adversaire prêt à tirer sur moi. Mon réflexe est immédiat et je lui largue une bonne rafale de mon pistolet-mitrailleur Thomson à chargeur de 33 cartouches à balles de 9 mm. Il tombe au pied de la faille tandis qu'un tireur au fusil mitrailleur I'achève.
               Je me précipite alors vers ce fellagha tué, pour récupérer son fusil et le donner, en compensation, à mon compagnon dépourvu de son lance-grenades, en lui disant de rechercher les munitions que le cadavre doit porter dans sa musette.

               Cependant, au préalable, j'ouvre la culasse du fusil récupéré et j'emporte la cartouche à balle qui aurait pu me tuer. C'est une munition d'un fusil anglais dit 303, que je garde toujours en souvenir, en pleine vue, sur mon bureau dans mon habitation.
               Mais je dois préciser que l'accrochage avec ce rebelle qui aurait pu m'enlever la vie, ne s'arrête pas là car un fait important est à venir,
               Donc, ma section poursuit le ratissage du terrain dans le cadre d'une stratégie bien définie. A savoir :
               - Une aile déployée à droite et une à gauche, dans le sens de marche, chacune composée de cinq voltigeurs.
               - Au centre et devançant l'officier de commandement, avec deux titulaires radio et un infirmier, se place l'équipe que je dirige, celle des armes lourdes.
               - En queue de la section et dans le cadre de besoin de renfort, un groupe de cinq voltigeurs d'intervention rapide très mobile.
               En avançant par bonds successifs, nous abordons l'arrête rocheuse si importante quand arrive, pour moi, vraiment à l'improviste : que croyez-vous qui se passe?....

               A une vingtaine de mètres de moi, tout d'un coup, jaillit d'une faille, un fellagha : c'est Bou Touil, mon ancien chef de chantier qui a massacré, il y a trois ans, jour pour jour, le Capitaine Major, médecin de Ras EI Aïoun. Peut être, que dans l'esprit de Bou Touil, la surprise de me voir en arme, tout en face, a retardé en lui le réflexe de faire usage de son fusil. Je tire donc le premier avec mon pistolet-mitrailleur et Bou Touil s'affaisse sur le sol, derrière un rocher.
               Protégé par mon équipe de voltigeurs de droite et après quelques bonds en avant, je surplombe Bou Touil, ce traite qui bouge encore....
               Ma vengeance est là. Mon esprit me commande alors de diriger mon pistolet-mitrailleur en direction de la poitrine de ce fellouze que j'arrose en vidant tout le contenu en balles restant dans mon chargeur.
               Pendant un moment, je ne sais plus si je suis un fantassin ou un aviateur dans le ciel....

               Voilà, j'ai rendu la justice tant attendue avec la coïncidence de deux dates de 1958 et de 1960 mais pour toutes les deux un 17 lévrier et dans l'après-midi.
               Pourquoi cette guerre sans merci ?
               Pourquoi ces sauvages tueries ? Hélas !
               Je ne peux oublier tout ce qui s'est passé. Pourtant, un dialogue ouvert aurait arrangé les choses, plutôt que de quitter sa terre et rendre la vie morose.
               Le malheur des uns a t-il apporté le bonheur aux autres ?....
    


PHOTOS de MADAURE
Envoyées par Groupe de voyage Bartolini




















TCHATCHE….. AU COIN D'UN CANAPE !…..
Envoyé par M. Georges Barbara


            - " O Luluce, o ma sœur, viens un peu ici avant d'aller au chlofe, rogards un peu cette photo, à qui te dis qu'y rossemble çuila ?

            - " A qui y rossemble ? Et ben te 'ois pas que c'est le " jeune homme " qu'y te joue dans le film cette semaine au Lympia. Y s'appelle…. Attends j'ai son nom t'sur le bout d'la langue…. Te sais cet artisse americain a'c la p'tite moustache qu'y l'est toujours dans les films des " Capes et des Pets "... Et oui bien sur c'est " Double Glass en Fer blanc Junior "

            - " Ouille M'ann, combien te me fais honte o ma sœur si te savais, quand c'est que te vas finir de stropier tous les noms. Son nom c'est Douglas Fairbanks Junior ! Fais qu'à mème un peu entention comment tu parles que des fois y peut y'avoir du monde qu'y z'ont de l'enstruction…. Et pourtant dans la famille c'est que toi que t'ya le brevet sportif populaire non ? Et ben moi te veux qu'j'te dise je 'ois qu'y rossemble tout craché, à Mimi non ? MIMI, te sais celui qu'y l'est venu me chercher pour faire le Tango au bal à l'ARC EN CIEL à coté d'la gare hier ? Entre nous de toi à moi les " Swing Boys " y nous ont bien fait régaler. Y sont forts Diocane. L'orchestre de " Glande Muller et ben c'est rien à coté !"

            - " Tu te crois toi métenan que ton Mimi y l'a des airs d'un artisse de cilema ? Dieu nous en préserve, a'c des artisses comme lui te peux fermer le Colisée ma soeur. Ce Mimi le pauvre il est vilain comme un poux, te dirais Paris Soir…. Ouais, Maigre comme y l'est, areusement qu'il a les bretelles pour te tenir son pantalon ! Et pis ou c'est qu'y sait jouer au cilema ton cats de Mimi ? Il est tout juste bon pour te faire les z'haricots de mer à Joanonville !

            - " J'va te dire une chose Luluce, vilain ou pas et ben moi te 'ois p'tite orgueilleuse que t'yé, au moins j'ai du succés quand je vais au bal, je t'en loupe pas une alors que toi, parlons z'en, pendant des heures te joue à la reine d'la tapisserie !

            - " Ecoute Zezette, moi quand je vais au bal j'ai qu'un défaut c'est que moi oui moi j'te choisis mes cavaliers, et je vais pas m'accoler 'ac ces promiers venus, qu'yz'ont plein de la gomina t'sur la tête Et pis c'est toujours la meme chose 'ac toi, on peut plus faire la causette le soir sans que tu t'la prennes de haut, et je m'aperçois que cela fait plusieurs fois que ça t'arrive ! Alors pisque c'est comme ça demain que je devrais te prendre ton tour pour faire la vaisselle après manger, et ben te repasseras ! Moi métenan je vais au lit et toi t'ya toute la nuit pour te continuer à rêver à ton Babalouke de Mimi... Et rogards de plus me deranger pour des conneries pareilles ! Aller vas... la prochaine fois agads que" TE PASSE A L'OMBRE " !

Georges Barbara, Août 2022



MUTILE N° 175, 9 janvier 1921

Un Curieux Incident

       On mande de Casablanca, 5 décembre, à l'agence Afrique et Levant.
       Au cours de la tempête dernière, l'équipage tout entier du voilier espagnol Vénus,, ancré dans la rade de Casablanca, abandonnait le bord sur l'ordre du capitaine, tant la situation était périlleuse. Après mille difficultés, les marins réussirent à passer sur un vapeur qui le transporta à FeiIhala.

       Apprenant alors que le Vénus était abandonné, le capitaine du port, partit avec 30 matelots indigènes et des pilotes pour essayer de monter à bord malgré la tempête. La tentative était audacieuse, mais ce marin breton n'en est pas à une audace près.
       Il manœuvra assez habilement pour... accoster l'épave.. - Le nouvel équipage passa la nuit à bord du Vénus et le lendemain parvint à ramener le voilier dans les eaux calmes.

       Les armateurs du voilier ont offert 60000 francs au capitaine du port pour rentrer en possession du navire.
       Mais celui-ci a déclaré que, d'après les règlements maritimes, l'équipage et lui, auteurs de la prise sont maintenant maîtres du navire et de la marchandise qu'il contient puisqu'ils occupèrent, son bord sans contestation aucune pendant vingt-quatre heures.




L'Eglise Saint-Charles de Blida
Bibliothéque Gallica Algérie catholique N°7, 1936

Son origine

       Une nuit de trois siècles, traversée seulement de quelques lueurs sinistres qui éclairent des catastrophes, s'étend sur la vie de Blida, depuis la fondation par Sidi Ahmed el Kebir en 1535, jusqu'à l'arrivée des Français en 1830.
       Les Maures andalous, venus d'Espagne, et leurs descendants, n'ont pas trouvé l'historien qui aurait pu sauver de l'oubli cette longue période durant laquelle la petite ville se développa, et vît introduire dans ses jardins la culture de l'oranger, apportée d'Espagne par ses premiers habitants. Les Juifs s'y installèrent, à leur tour, et y tinrent bon, en dépit de toutes les vexations et de toutes les injustices dont les accablait une population qui ne manquait aucune occasion de les piller, quitte à leur restituer, quand elle avait besoin d'eux, dans les diverses relations commerciales. Car les Juifs, là comme ailleurs, étaient changeurs, orfèvres, marchands d'étoffes et de tapis, en un mot, dressés à tous les négoces.
       On ne trouve pas la moindre trace d'une colonie chrétienne, si rudimentaire qu'elle ait pu être, dans ce milieu voué au plaisir et aux caprices des événements.

       Le destin fut longtemps cruel à Blida, puisque, depuis la peste de 1556 jusqu'au tremblement de terre de 1825, la ville eut à subir des épidémies terribles en 1561, 1572, 1601, 1620, 1647, 1675, 1691, 1698, et 1700. Cette dernière fit périr 24.000 personnes à Alger et Blida, et 45.000 dans toute la Régence.
       Puis les pestes de 1724, 1731, 1749, celle de 1787 qui emporta 17.000 victimes, tant à Alger que dans la plaine de Blida... enfin, les pestes de 1815, 1817 et 1818, durant lesquelles il mourut une moyenne de 70 personnes par jour. Toutes ces épidémies étaient précédées d'une invasion de sauterelles.

       Quant aux tremblements de terre, ils sont légion. Les plus désastreux furent ceux de 1601, 1716, qui dura du 3 février à la fin juin, par intermittence, 1760, 1770, 1825, qui fut suivi d'une violente épidémie de typhus, et celui de 1867, dont j'aurai l'occasion de parler plus loin.
       "L'incendie accompagnait généralement le séisme, et les ruines s'amoncelaient, sans que la population blidéenne, familiarisée avec tous ces fléaux, cessât la vie de plaisirs et d'orgies qui en faisait une prostituée aux yeux des croyants ".
       L'idéal chrétien manquait à ce milieu pervers, et l'heure de la Providence allait sonner, marquant de façon définitive, au cadran de l'Histoire, l'arrivée des Français, qui avaient à conquérir ce peuple pour le sauver.

        Nous sommes en 1830.
       La population de Blida se compose de Maures, descendants des Andalous venus d'Espagne qui ont fondé la ville, de Turcs, de Coulouglis ou miliciens, d'Arabes, de Mozabites, et de quelques Kabyles des tribus montagnardes voisines.

       "Dix-huit jours après l'entrée des Français à Alger, c'est-à-dire le 23 juillet 1830, le Général en chef de Bourmont, invité traîtreusement par le bey de Tittery, qui commandait à Blida, prenait la tête d'une colonne de 1.500 hommes d'infanterie, d'un escadron de chasseurs et d'une demi-batterie de campagne, et dirigeait sur Blida une excursion-reconnaissance, qui n'avait guère d'autre but qu'une simple satisfaction donnée à sa curiosité..., ce qui était, du reste, bien naturel, et pouvait être permis au vainqueur d'Alger".

       Vers le soir, la troupe atteignit les jardins qui environnaient la ville, et y trouva toute la population mâle, venue au-devant de nos soldats avec les apparences les plus pacifiques, et chargée de rafraîchissements et de fruits variés. La colonne entra dans l'enceinte et y passa tranquillement la nuit, puis la journée du lendemain. Cependant, les Kabyles descendaient plus nombreux de la montagne. Trompé par l'attitude inoffensive des habitants, le général s'en inquiéta peu.
       Mais, vers le milieu de la seconde nuit, il fut brusquement réveillé par la fusillade : les Kabyles avaient pénétré dans la ville, et ils 'attaquaient les Français sur tous les points. On eut tout juste le temps de se mettre en défense et d'abandonner la place. La retraite fut longue et périlleuse, et l'ennemi ne lâcha pied qu'à la vue des avant-postes d'Alger.
       Le Général Clauzel, nommé au commandement de l'Armée, après de Bourmont, résolut de venger cette trahison et cet échec.

       Le 17 novembre 1830, il partit d'Alger avec 7.000 hommes de troupes, pour soumettre la plaine et installer à Blida et à Médéa un nouveau bey qu'on venait de nommer. Le 18, l'Armée arriva devant Blida, et soutint un engagement assez vif, qui laissa la ville aux mains des Français. Mais pendant que l'expédition se dirigeait sur Médéa, le Colonel Rullière, qui avait reçu le commandement de la garnison, eut à subir une attaque violente des Arabes, que sa présence d'esprit réussit heureusement à mettre en fuite. Toutes ces escarmouches décidèrent le général à renoncer à l'occupation de Blida, et il en repartit le 28 novembre, sans y laisser de garnison ! Et la ville ne revint au pouvoir des Français qu'en exécution du traité de la Tafna, signé à Oran, le 30 mai 1837, entre Abd-el-Kader et le Général Bugeaud. Un an après, le 3 mai 1838, le Maréchal Valée installa, comme je l'ai signalé plus haut, au nord de la ville, les deux camps de Joinville et de Montpensier. Le Colonel Duvivier en reçut le commandement, et, l'année suivante seulement, les murs de la ville furent franchis et la véritable occupation française commença.

       C'est là que se place l'origine de la paroisse. Il était bon d'en esquisser rapidement les circonstances, pour faire un peu de lumière autour de ce berceau.
       "Un arrêté du Gouverneur général, en date du 1er octobre 1840, appela à Blida quelques familles européennes, qui furent le noyau de la nouvelle population ".
       Depuis 1840, l'occupation française n'a plus rencontré d'obstacles, et peu à peu l'élément européen s'implanta dans la ville, dont il forme aujourd'hui la principale population.
       Le culte catholique fut célébré tout d'abord dans une baraque en bois, sur l'emplacement actuel de la maison Flondrin, à l'angle de la place d'Armes et du boulevard Trumelet.

       Et voici maintenant la lettre de M. le Comte Valée, pair et Maréchal de France, Gouverneur général de l'Algérie, à Monseigneur Dupuch, Evêque d'Alger, pour lui annoncer qu'il vient d'affecter au culte catholique la "Djemaâ el Kebir ", ou "grande mosquée de Blida, district de l'Atlas".

       "Quartier général à Blidah, le 4 novembre 1840.
       "Monseigneur,
       "Je me suis empressé, à mon retour de Médéah, de m'occuper de la nouvelle colonie de Blidah. Je l'ai trouvée en voie de prospérité, et elle fera bientôt, je l'espère, une seconde Philippeville.
       "J'ai pensé, comme je le devais, à donner à ses habitants les moyens si généralement désirés de pouvoir remplir les exercices de leur religion, et j'ai affecté au culte catholique une mosquée, la plus belle de la ville, et heureusement placée dans les limites de la ville française. Cette mosquée, employée en ce moment comme magasin, a reçu sa nouvelle destination à la grande satisfaction des indigènes. Je donne des ordres pour que le minaret soit immédiatement surmonté d'une croix, qui, annonçant le règne de la religion chrétienne, constatera, mieux que toute autre chose, l'occupation définitive.
       "Vous aurez, Monseigneur, à désigner un ecclésiastique pour desservir cette nouvelle église, et à pourvoir aux objets nécessaires à l'exercice du culte. Un petit bâtiment, faisant partie de la mosquée, sera un logement commode pour le curé, et un autre bâtiment, également dépendant et attenant, sera affecté à une école d'enfants.
       "Veuillez agréer, Monseigneur, l'expression de mes sentiments les plus distingués.
       "Le Maréchal, Gouverneur Général de l'Algérie,
       C. VALEE."


       Le même jour, M. de Salle, gendre du Maréchal, adressait à l'Evêque, la lettre suivante, pour le prier de bénir la nouvelle église de Blidah, sous l'invocation de Saint Charles Borromée.
       Blidah, le 14 novembre 1840.
       "Monseigneur,
       " Monsieur le Maréchal vient de donner la grande mosquée de Blidah pour église paroissiale de cette ville.
       On élève, en ce moment, sur le minaret, la croix qui doit montrer au monde que Blidah est désormais une ville chrétienne. Je viens vous demander de placer la nouvelle église sous l'invocation de Saint Charles Borromée, dont la fête se célèbre aujourd'hui, et qui est le patron du Maréchal.
       "Agréez, Monseigneur, l'expression de mon respectueux dévouement.
       DE SALLE."


       La grande mosquée de Blida, qui, la veille encore, était remplie de soldats malades, fut solennellement bénite, sous le vocable de Saint Charles Borromée, le 13 novembre 1 840, par Monseigneur Dupuch, premier Evêque d'Alger, en présence du Maréchal Valée et de son Etat-Major. Le Révérend Père Handebourg (Marie-Victor), du diocèse du Mons et de la congrégation de Notre-Dame de Sainte Croix du Mans, venant du petit Séminaire d'Alger, au Consulat de Danemark, en Mustapha (sic), fut installé, séance tenante, premier Curé de Blidah."
       Ajoutons que cet événement donnait satisfaction à toute la partie européenne de la population.

       "Blidah, tombé au pouvoir des Français en 1830, après avoir connu toutes les horreurs de la guerre, n'était pas encore habitée par des colons, et par conséquent sa population ne sentait pas le besoin de secours religieux. Mais il n'en était pas ainsi de l'armée qui la gardait. Tous les jours, les soldats réclamaient la présence d'un prêtre, et tous les jours quelques-uns paraissaient devant Dieu, sans que la religion eût assisté à leur agonie, pour les fortifier et les bénir. Aussi, quel ne fut pas leur bonheur, à l'arrivée de Monseigneur Dupuch. Les enfants de troupe allèrent à sa rencontre avec des fleurs à la main, et bientôt officiers et soldats se groupèrent autour de celui qui venait au nom du Seigneur. Le prélat leur adressa un discours plein de consolation et d 'espérance. Il promit de faire tout ce qui dépendrait de lui pour favoriser leurs vœux, si dignes de soldats chrétiens. Ses paroles excitèrent dans tous les cœurs le plus vif enthousiasme. Les Arabes, qui étaient accourus en grand nombre, eurent aussi leur part de la commune. Monseigneur Dupuch ne les oublia pas : il exprima en termes chaleureux le désir ardent qu'il avait de les voir ouvrir tes yeux à la lumière, et marcher dans les sentiers du Salut.
       - Qu'il me tarde, lui disait peu d'instants après un jeune muphti à qui l'on traduisait le discours du prélat, qu'il me tarde de comprendre moi-même ce que tu me dis. En attendant, la douceur du son de ta voix me fait goûter la douceur des sentiments qu'elle exprime ".

       Le 4 novembre 1842, la nouvelle église fut consacrée par Monseigneur de Mazenod, Evêque de Marseille, assisté de l'Archevêque de Bordeaux, des Evêques de Châlons, de Digne, de Valence, d'Alger et de l'Evêque nommé de Nevers.
       Ces prélats revenaient d'Hippone, rapportant des reliques de Saint-Augustin. Le Curé de Blida était alors l'Abbé Anduze.

       Comme chartes, titres, documents divers se rattachant à l'origine et à l'histoire de la Paroisse, il y a simplement les lettres précitées du Maréchal et de M. de Salle, avec le bref commentaire de M. G. Stalter, et les registres de Catholicité. A noter que ceux des années 1840 et 1841 n'existent pas, et n'ont vraisemblablement jamais existé. Les actes devaient être consignés sur des feuilles volantes, dont il ne reste aucune épave.

       En outre, sur les registres des années 1842 et 1943, les actes sont portés régulièrement, mais aucun n'est signé, bien que tous débutent par la formule : " Je soussigné, Curé de Blida..."

        Ses Curés
       Le premier, je l'ai dit plus haut, M. Handebourg, nommé sur place, lors de la bénédiction, par Monseigneur Dupuch, de la mosquée donnée pour église. Y en eut-il un ou plusieurs autres, de 1840 à 1844 ? Rien ne l'indique. C'est en 1844 qu'apparaît, sur les registres de catholicité, la première signature du Curé de Blida. Il se nommait M. J. Rogalle. Son écriture est soignée, et l'on peut tout au moins en conclure que c'était un homme très ordonné.

       Vers le 20 mars 1845 ,M. Mathieu-Benoît Anduze succède à M. Rogalle. En novembre de la même année, on voit poindre à l'horizon un vicaire, le premier de la série, qui a nom Boyer. Bientôt, d'autres arrivent à la rescousse : MM. Bascou, Fouque, Aubry, Carré, etc... M. Anduze décède en son presbytère, le 23 janvier 1847, muni des sacrements de l'Eglise. Il est enterré le lendemain, et c'est l'Evêque d'Alger lui-même qui préside ses funérailles. La graphologie de M. Anduze révèle beaucoup de distinction, et un sens artistique très développé.

       Vers le 10 juillet 1847, M. André lui succède, pour fort peu de temps d'ailleurs, puisqu'il est remplacé, la même année, par M. Sauve. Ce dernier devait avoir, entre autres qualités, le zèle des âmes dans toute sa plénitude, puisqu'il consigne sur les registres de catholicité qu'il a baptisé, dans un gourbi, l'enfant malade d'un négro, âgé d'environ six ans.
       Toutes ces physionomies sont noyées d'ombres, par le fait qu'aucun document ne vient les éclairer d'un simple reflet, si vague soit-il. Mais nous voici désormais en présence de personnages bien en relief.

       Le 1er décembre 1848, Monseigneur Pavy nomme M. Etienne-Joseph Destenave curé de Blida. Il est installé, le 10 du même mois par M. Suchet, Vicaire général. Les vicaires étaient MM. Favre et Rostand. Le conseil de fabrique, présidé par M. Auguste Jourdan, juge au tribunal, comptait comme membres MM. Choulet, maire de la ville de Blida, Meyer, de Tonnac et Natte. Le même jour, ces messieurs tinrent séance sous la présidence du Vicaire Général, pour dresser l'inventaire du mobilier de l'église et du presbytère, à vrai dire pour constater officiellement l'état précaire de l'un et de l'autre matériel.
       M. Destenave venait du diocèse de Grenoble, et Monseigneur Pavy l'avait décidé à le suivre à Alger avant même de quitter Lyon. Il lui confia, pour commencer, la paroisse de Bougie, où il y avait tout à organiser. Quand ce fut fait, il l'appela à Blida, où la situation ne valait guère mieux. Je reproduis l'appréciation de la presse locale vis-à-vis de M. Destenave :

       "M. Destenave était tout d'abord bon, généreux, abordable pour tous, conseiller parfait, ami serviable, protecteur vrai, conciliateur excellent, initiateur des bonnes œuvres, le type, enfin, de l'évangéliste. Rien n'échappa à son zèle, et au cours des épidémies de 1849, 1854, 1856, 1860, il se distingua entre tous par son énergie, son courage, son calme devant le fléau. Quelle récompense fut donc la sienne ? Celle, simplement, d'avoir accompli son devoir. On sent qu'avec un prêtre de cette trempe, l'église ne pouvait rester vide de fidèles. Naguère désertée, elle s'emplit bien vite et devint trop exiguë. Il fallut songer à en construire une plus vaste et mieux appropriée aux besoins du culte. Il intéressa à cette oeuvre toutes ses connaissances, tous ses amis (il en avait partout), et il fut décidé, sous l'administration trop courte du Prince Napoléon, qu'une église serait construite à Blidah".
       Cependant, la mort avait enlevé à M. Destenave, successivement, plusieurs membres de sa famille. Une cabale ourdie contre sa personne s'acharnait à lui enlever toute tranquillité.

       Il résolu de quitter Blida, et demanda un poste de repos. On lui donna Fouka.
       "Quelques années, il a pu, tranquille, contempler la mer bleue qui borde les rives de Fouka. Mais, le danger venu (le choléra de 1867), il n'a plus songé qu'à remplir les devoirs de son saint ministère, et il est mort victime du fléau et de son dévouement. Cette noble existence pouvait-elle finir autrement ?"
       M. Destenave avait organisé la paroisse et intéressé la ville à son bon fonctionnement sous le rapport matériel. Dès son arrivée, il avait obtenu une subvention du conseil municipal. Elle était de 3.700 francs annuel, au moment où son départ laissait la place à M. Paul-Joseph Carrié, qui fut appelé à le remplacer, et qui arriva à Blida le 26 janvier 1864. Il y resta 27 ans, et son souvenir y est encore vivant, depuis 43 ans qu'il n'est plus.

       Voici le témoignage que M. le Chanoine Léonie, qui fut son digne et dévoué vicaire, de 1881 à 1883, a bien voulu me donner sur M. Carrié :
       "Tous les matins, avant sa messe, le vénéré pasteur recevait les fidèles au Tribunal de la Pénitence. Le samedi soir et les veilles de fêtes, son confessionnal était assiégé durant plusieurs heures.
       Ce fut au soir d'une de ces longues séances, et - qui n'y verrait une attention de la Providence ? - la veille de la fête de Saint-Joseph, son patron, le 18 mars 1891, que succomba ce prêtre au zèle d'apôtre. Se sentant subitement envahi par le froid, après trois heures de confessions, il avait couru au presbytère pour s'y réchauffer. Et tandis qu'il attendait, dans sa salle à manger, l'infusion demandée, il s'abattit brusquement pour ne plus se relever.

       Ses funérailles furent très solennelles.
       Elles revêtirent le caractère d'une manifestation vraiment imposante, comme cela ne s'était jamais vu à Blida. Le Maire et son conseil municipal, le Colonel des Chasseurs et celui des Tirailleurs, la Magistrature et le Barreau, les Musulmans eux-mêmes, la multitude des paroissiens, le nombreux clergé accouru de tout le diocèse, formaient un cortège qui se déroulait sur plus d'un kilomètre, depuis l'église jusqu'à la porte d'Alger. La municipalité de Blida marqua sa particulière estime au pasteur regretté, en accordant gracieusement à sa dépouille mortelle une concession à perpétuité dans le cimetière de Blida ; et son successeur immédiat, M. le Chanoine Piquemal, prit l'initiative d'une souscription qui permit d'élever sur cette tombe un monument digne de la grande mémoire de celui qui y dort son dernier sommeil ".
       M. Alexandre Piquemal. Ce fut le 1er juillet 1891 que M. l'Abbé Piquemal, venant de la Paroisse Saint-Bonaventure de Mustapha inférieur, comme on disait alors, prit possession de celle de Saint-Charles de Blida, à laquelle venait de le nommer S. E. le Cardinal Lavigerie.

       Disons d'abord que M. Piquemal avait été vicaire à Blida, du 1er avril 1875 au 15 janvier 1879. Il avait donc fait l'apprentissage de la vie pastorale sous la direction de M. Carrié, son prédécesseur.
       Avec un tel maître, l'élève devait devenir un maître à son tour, et un grand maître.
       Ce que M. Piquemal était à cette époque de la vie, il le resta jusqu'à la fin, augmentant chaque jour la somme de ses vertus et de ses mérites, à mesure qu'il se sentait plus près de son éternité. Il avait une parole vibrante et chaude, et l'on aimait à l'entendre chanter la préface, à la grand'messe, les jours de fête.

       Ce fut alors que la Paroisse de Blida connut sa plus grande splendeur, tant à cause de l'heureuse impulsion qu'il sut lui donner qu'en raison du clergé nombreux que le Collège Saint-Charles de Blida mettait, au besoin, à sa disposition, en plus de ses vicaires. Il quitta Blida en 1909, pour prendre les fonctions de Vicaire Général de Monseigneur Combes, alors Archevêque de Carthage et d'Alger, fut promu lui-même à l'épiscopat et sacré à Carthage, le 25 mars 1909, avec le titre d'Evêque de Thagora et la charge d'auxiliaire de Monseigneur l'Archevêque d'Alger. Il mourut à Notre-Dame d'Afrique, le 4 juin 1920, à 68 ans. Son corps repose dans la basilique, à droite en entrant.
       M. Thibon. Ce fut le 10 janvier 1909, en la fête de l'Epiphanie que M. Thibon, venant d'Orléansville, où il était resté onze ans révolus, fut présenté par Monseigneur Cornud, Vicaire Général, à ses nouveaux paroissiens.

       M. Thibon se mit à l'œuvre avec la prudence et la ténacité qui étaient dans son tempérament ardéchois, et le résultat ne tarda pas à récompenser son initiative et ses efforts. Il fonda, peu de temps après, un bulletin paroissial qu'il jugeait indispensable à la bonne tenue de ses œuvres, et qu'il appela " L'Echo de la Mitidja ". Il parut pendant cinq ans environ. Puis la guerre vint, qui désorganisa plus ou moins le service paroissial, et malgré de nombreux prêtres mobilisés dans sa paroisse, M. Thibon eut à fournir un labeur considérable pendant toute sa durée. Sa robuste constitution en fut ébranlée, et des symptômes de fatigue évidente se manifestaient parfois, qui n'étaient pas sans inquiéter son entourage. Il n'en continuait pas moins les différentes occupations de son ministère, faisant rayonner partout sa grande bonté, qui l'avait rendu très populaire, et visitant, avec une joie non dissimulée, ses paroissiens, toujours heureux de l'accueillir.
       Au cours de l'été 1920, il fit le pèlerinage de Rome, et la fatigue de ce long voyage aggrava sûrement son état général, malgré l'immense satisfaction qu'il en éprouva.

       A son retour, il déclina rapidement, et mourut le 7 octobre 1920, ayant fait, la veille encore, les annonces du dimanche dans la chaire, comme il en avait l'habitude.
       Il repose dans le tombeau de M. Carrié, et une inscription y marque la grande estime et la vénération dont ses paroissiens l'entouraient.
       M. Thibon fut remplacé, le 11 novembre 1920, par M. l'Abbé Aimé Vial, alors pro-curé de la Cathédrale d'Alger, et curé actuel de Blida, l'auteur de cette monographie.

        Ses institutions, fondations, communautés religieuses, écoles, etc...
       La Société des Dames de Charité.
       - Elle fut établie le 5 avril 1892, par M. Piquemal, et comptait, dès son origine, une centaine de membres. Elle est officiellement reconnue, et son effectif présent est d'environ 130 dames ou jeunes personnes, dont un certain nombre se contentent de donner leur cotisation annuelle et les autres reçoivent et visitent les pauvres à demeure. La réunion du bureau a lieu tous les premiers vendredis, et la société fait donner un sermon annuel de charité au bénéfice de ses pauvres.

       La Conférence Saint Vincent de Paul.
       - Fondée à Pâques 1918, elle fonctionne d'après les statuts authentiques, et se réunit une fois par semaine, le dimanche ordinairement. Elle compte environ 40 adhérents. Ses membres pratiquent la visite des pauvres.
       La société donne aussi un sermon annuel de charité. Elle comporte, comme annexe, une bibliothèque populaire, un bureau de placement et un vestiaire.

       La Chorale Paroissiale "La Sainte Monique".
       - Elle fut créée en 1921, sous la présidence de Monsieur le Curé. Composée de voix mixtes, elle prête son concours, très apprécié, les jours de fête et parfois le dimanche, en exécutant des chœurs et solis de circonstance.

       Les Enfants de Marie.
       - Cette fondation remonte à 1923. L'Association est dirigée par les Religieuses de la Doctrine chrétienne. Elle compte actuellement une quarantaine d'adhérentes ; une fois par mois, elles se réunissent à la chapelle de l'Immaculée-Conception, où Monsieur le Curé leur adresse la parole et leur donne la bénédiction du Très Saint Sacrement. La communion mensuelle a lieu le premier dimanche, à l'église paroissiale. Les Enfants de Marie ont, dans leurs attributions, la chorale, les catéchismes volontaires et les quêtes du dimanche en été.

       Le groupe Noëliste.
       - Il est affilié au Noël de Paris et date de 1927. Il comporte comme annexe un certain nombre de cadettes, et a son bureau comme les aînées. L'activité des Noëlistes s'exerce sur une vaste surface :
       Elles fabriquent des layettes pour les enfants pauvres, quêtent pour le Denier du Culte et les Vocations sacerdotales, chantent à la chorale, dressent, chaque année, un arbre de Noël qui a toujours un grand succès, et donnent des représentations théâtrales qui font salle comble. Monsieur le Curé est le Protecteur du groupe Noëliste.

       Les Scouts de France.
       - Fondée en 1933, la troupe compte actuellement 25 " garçons ", de 12 à 18 ans, groupés en cinq patrouilles, qui se réunissent le jeudi de chaque semaine, sous la conduite d'un chef et d'un assistant.
       En 1934, une " meute " de louveteaux fut établie avec le concours de trois cheftaines. Elle réunit 15 enfants de 7 à 12 ans. Scouts et louveteaux forment le groupe " Général de Maud'huy ", en souvenir du premier chef scout de l'Association.

       La Croisade Eucharistique.
       - Le groupe des jeunes filles existe depuis 1932, au Pensionnat de l'Immaculée-Conception. Il est très florissant et compte 60 adhérentes, sous la direction des religieuses de la Doctrine Chrétienne.
       Celui des garçons date de 1934. Il est dirigé par une zélatrice, et, sous son contrôle, 20 enfants s'entraînent à augmenter le trésor de prières et de sacrifices de la croisade. L'œuvre du cinéma éducatif donne, chaque jeudi, des films intéressants et choisis aux croisés et aux enfants du catéchisme.

       La Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.0.C.).
       - Elle a pour but de gagner au Christ la masse ouvrière, qui échappe presque totalement à l'action de l'Eglise.
       C'est un jociste de la Métropole, faisant son service militaire à Blida, qui fonda la section en 1935. Elle est désormais organisée avec un président, un secrétaire et un trésorier. Trois équipes de militants s'efforcent d'atteindre leurs camarades, par les réunions d'étude, la vente du journal "La Jeunesse ouvrière " et celle du calendrier jociste, sans négliger l'attraction que peut exercer leur influence personnelle. Une permanence accueille les jeunes travailleurs qui désirent connaître le mouvement. La section groupe actuellement 16 militants et sympathisants de 15 à 20 ans.

       La Jeunesse Etudiante Chrétienne (J.E.C.).
       - Elle est au milieu étudiant ce que la J. O. C. est au milieu ouvrier.
       Inaugurée en 1935, elle enrôla aussitôt une dizaine de " collégiens " qui se réunissent une fois par semaine, pour traiter diverses questions religieuses.
       Chaque mois, une réunion de section et une grande réunion " d'amitié " groupe les adhérents et tous les étudiants qui veulent connaître l'action "jéciste".
       Je ferai observer que ces noyaux de jeunesse ne sont, en somme, qu'une émanation spécialisée des œuvres de la Jeunesse catholique, dont un groupe fut fondé dans la paroisse, vers Pâques de l'année 1919.
       Affilié officiellement à l'A. C. J. F., il fit preuve d'une belle vigueur jusqu'à l'été de 1929. Alors, il s'émietta rapidement, et il n'en resta bientôt plus que le souvenir.

       Saluons sa résurrection sous les formes de la J. O. C. et de la J. E. C., voire même dans le Cercle militaire, dont je vais dire aussi quelques mots.
       Le Cercle militaire. - Etabli en 1923, il eut à subir une éclipse totale d'août 1929 à août 1930.
       Depuis lors, il a repris de l'activité, et l'on peut dire qu'il est actuellement très prospère. Soigneusement organisé, le bureau comporte un président, deux vice-présidents, deux secrétaires, un trésorier et trois assesseurs, pris dans les trois corps de troupe de la garnison : Aviation, Artillerie et Tirailleurs.
       Le nombre des soldats inscrits au cercle est d'environ 120. Un chœur de chant exécute, chaque dimanche, les chants liturgiques de la grande messe à l'église Saint-Charles.
       Les militaires qui fréquentent le cercle y trouvent des distractions variées : une bibliothèque, un piano, un billard, un ping-pong et divers autres jeux. Chaque année, ils donnent, au théâtre municipal, deux représentations. C'est un vicaire de la paroisse qui assure les fonctions d'aumônier.

        Son passé historique.
       Il n'implique pas de nombreux événements dignes d'être rapportés. Il en est cependant qu'il ne faut point passer sous silence, car ils sont importants.

       Tout d'abord, la visite que l'Empereur Napoléon III fit à Blida et à son église en 1865.


       " L'Empereur, parti d'Alger le 11 mai à 8 h. 1 /4, arriva à Blidah à 9 h. 20 minutes. M. le Général de Wimpffen, M. le Préfet Poignant et M. le Général de Lasserre, qui avait le commandement des troupes, l'attendaient à la gare. Après la présentation des autorités militaires, l'Empereur, que les acclamations populaires n'avaient cessé d'accompagner depuis son arrivée, fit son entrée dans la ville par la porte El Sebt. Cette porte avait été transformée, pour la circonstance, en arc de triomphe, au moyen d'une décoration composée de fleurs et de feuillage, entourant deux trophées d'armes et un trophée d'instruments agricoles. On remarquait, au sommet de cet arc de triomphe, une inscription d'un caractère tout local. Toutes les lettres composant les mots "Vive l'Empereur ! " avaient été reproduites en relief avec des oranges juxtaposées, traduisant ainsi, sous une forme originale, les sentiments de la ville des orangers ".
       Par la rue Bab-el-Sebt, aujourd'hui Boulevard Trumelet, et la place d'Armes, toutes deux brillamment pavoisées, Sa Majesté se rendit à la nouvelle église, où l'attendait le clergé, et où M. l'Abbé Carrié, Curé de la paroisse, lui adressa le compliment ci-après :
       Sire,
       Le clergé du canton de Blidah s'associe à la joie qu'a fait naître, dans le cœur de nos populations, l'heureux événement de l'arrivée de Votre Majesté en Algérie. Il s'y associe à un double titre, car, à l'expression du plus respectueux des hommages, il ajoute celle de la plus profonde reconnaissance. C'est à vous, Sire, c'est à votre gouvernement que Blidah doit cette basilique, le plus bel ornement de notre cité, et le témoignage éclatant de votre haute sollicitude pour les intérêts de la Religion.
       Sire, que le Très-Haut, auquel nous ne cessons d'adresser, pour la conservation de Votre Majesté et celle de son Auguste famille, les plus ardentes prières, écoute la voix de nos cœurs et bénisse ce voyage qui restera éternellement gravé dans notre souvenir !


       Au sortir de l'Eglise, des jeunes filles, sous la conduite de la Sœur Supérieure des Religieuses de la Doctrine Chrétienne (Mère Paul), remirent à Sa Majesté un énorme bouquet en lui récitant ces quatre vers :
Souverain, Père, Epoux, soyez trois fois heureux.
Sire ! Que le Seigneur vous aide en toute choses !
Et, pour celle avec qui vous partagez nos vœux,
Prenez ce souvenir de la Ville des Roses.

       Cet événement sensationnel mis en relief comme il convient, je mentionnerai encore deux visites faites à Blida par Monseigneur Henry, Evêque de Grenoble. Ce prélat y était né le 20 juillet 1851, son père, Guillaume Henry, y était capitaine au 1er Spahis. Il fut baptisé le 16 août de la même année et eut pour parrain le capitaine de Zouaves Jacques-Joseph Frèche, et pour marraine Mme Elisabeth Perrin, qu'il retrouva à Blida, lors de sa visite.
       ..Monseigneur Henry consacra, à cette occasion le nouveau maître-autel de l'église Saint-Charles, le 23 novembre 1901, et officia pontificalement, le lendemain dimanche à la grand'messe.

       Dans l'après-midi du même jour, il alla voir à Montpensier, la maison où il était né et qui existe encore. Il fut reçu à l'entrée du village par M. le capitaine en retraite Piérini, revêtu de son uniforme, et sur la poitrine duquel brillent quatorze décorations, dont la croix de la Légion d'honneur et toutes les médailles commémoratives des guerres du Second Empire.
       " Sur le seuil de la maison, des fillettes récitèrent des compliments et lui remirent des gerbes de fleurs. Le prélat parcourut, non sans émotion, les différentes pièces. Il reçut ensuite les vieilles habitantes de Montpensier, amies de la famille, dont quelques-unes, comme Mme Locquet, l'avaient tenu sur leurs bras.

       Puis, il visita les malades et, après une heure de séjour au village, il regagna Blida en voiture, respectueusement salué par la population. Le lendemain lundi, Monseigneur Henry célébrait le deuxième anniversaire de son élévation à l'épiscopat. Les paroissiens de Blida lui offrirent, à cette occasion, par souscription, une magnifique aiguière d'argent ciselé, de style oriental, et une superbe lampe arabe. Il s'embarqua le jeudi suivant, promettant à ses compatriotes de revenir." (" Semaine Religieuse " du 1er décembre 1901).
       Il revint, en effet, en février 1910, et donna, le dimanche 20 du même mois, le sermon de circonstance à la réunion organisée par les Dames de Charité, au profit de leurs pauvres.

       Monseigneur Henry mourut l'année suivante, à l'âge de 60 ans. Monseigneur Piquemal, à qui l'unissaient des liens de grande affection, s'était embarqué avec l'espérance de passer quelques jours auprès du cher malade, pour lui apporter le réconfort de sa chaude amitié. Il n'arriva que pour embrasser son cadavre.
       Avec l'autorisation de M. le Chanoine Vial nous avons publié ci-dessus un extrait de la Monographie de la Paroisse de Saint Charles de Blida. Les personnes qui désireraient se procurer cette Monographie devront en faire la demande à M. le Chanoine Vial, Curé de Blida (Algérie).

       


Le PAIN
- miracle du Seigneur notre Dieu.

par Jean Claude PUGLISI,
        C'est pourquoi mes amis et amies, que mes propos vont aujourd'hui tourner sur le pain.
        Pourquoi ? le pain, me demanderez-vous et bien parce qu'il a été de tous temps la principale nourriture de l'homme.
        Mais a-t-il été bien respecté par certains humains ? J'en doute fort, surtout, lorsque l'on fait aujourd'hui le triste constat, que le pain est parfois trouvé dans les poubelles.
        Sacrilège des sacrilèges s'il en est ! Quel grand malheur mon Dieu.
        Pourtant, nos ancêtres étaient bien plus respectueux et s'arrangeaient toujours pour conserver précieusement et se servir des restants de pain rassis et même durs.
        J'en veux pour preuves, ces 4 recettes de cuisine qui viennent de la nuit des temps, mais, qui sont toujours très actuelles, dans les cuisines de certaines familles de chez-nous : le pain dur n'était jamais jeté, mais utilisé pour faire des merveilles de préparations, dont, la simplicité, n'enlevait en rien leur saveur et rassasiait enfin les plus féroces appétits.
        Laissez-moi un seul petit instant, vous parler de la divine Castagnade aux haricots blancs - de la douce Panade au lait et au œufs - du généreux Bancotte sauce tomate - du Pain en salade, si apprécié au retour de la plage.
        Voyez-vous, toutes ces recettes, étaient à base de pain rassis ou dur, que nos ancêtres conservaient avec beaucoup de respect, pour en faire en définitive des miracles culinaires.
        Essayez donc de faire, même une seule fois l'une de ces recettes et croyez-moi sur parole, comme cela coule de source, je ne viendrai pas vous demander si vous les avez appréciées.
        En espérant avoir réhabilité le pain, je peux maintenant dormir sur mes deux oreilles, après avoir accompli me semble-t-il - un devoir plus que sacré.
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La Castagnade

        Ingrédients :
        500 g de haricots blancs secs.
        1 tête d'ail.
        Galettes des Corailleurs ou tranches de pain rassis.
        ½ verre d'huile d'olive.
        Sel et poivre.

        Préparation de la Castagnade :
        Faire tremper la veille au soir les haricots blancs secs dans de l'eau bicarbonatée.
        Rincez-les à l'eau fraîche et égouttez le lendemain matin.
        Cuire dans de l'eau salée + 1 feuille de laurier.
        Dés la cuisson terminée retirez du feu et rajoutez à cru la tête d'ail pilée + ½ verre d'huile d'olive.
        Bien mélanger les ingrédients.
        Servir chaud dans des assiettes creuses et sur des morceaux de galettes des Corailleurs ou sur des tranches de pain rassis.

        Conseils culinaires :
        - Cette célèbre recette qui est simple à réaliser, ne nécessite pas d'ingrédients onéreux.
        - Cependant on peut toujours ajouter : 1 pied de cochon ou 1 morceau de petit-salé ou des couennes ou quelques saucisses…
        - Mais à quoi bon ! Nature, la Castagnate à une saveur qui se suffit à elle-même, nos ancêtres les Corailleurs le savaient très bien.
        - Si des viandes sont ajoutées supprimez le ½ verre d'huile d'olive.
        - Il faut savoir que les galettes des Corailleurs sont meilleures lorsqu'elles ont vieilli plusieurs semaines, voire, quelques mois.
        - C'est un plat unique des jours d'hiver.
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La Panade.

        Ingrédients :
        400 à 500 g de pain sec.
        ¾ à 1 litre de lait.
        2 à 3 oeufs frais.
        Fromage de Gruyère râpé. ;
        Sel et poivre.

        Préparation de la panade :
        Émiettez le pain rassis dans une casserole d'eau posée sur le feu.
        Salez et poivrez généreusement.
        Portez à ébullition et laissez sécher doucement le pain qui va absorber toute l'eau.
        Retirez du feu et bien mélanger à la cuillère de bois.
        Versez lentement les 2/3 du lait chauffé à part en tournant constamment la préparation.
        Battre 2 à 3 oeufs frais en omelette dans le reste du lait.
        Versez tout le mélange sur le pain et amalgamez délicatement à la fourchette sur un feu très doux.
        Versez la panade dans des petites soupières individuelles et servez-la très chaude saupoudrée de fromage et de coquilles de beurre.

        Conseils culinaires :
        - Cette panade ne doit être ni trop crémeuse ni trop sèche.
        - Elle permet d'utiliser le pain rassis : qu'il ne faut jamais jeter, SVP !
        - Cette recette n'est pas celle de nos ancêtres les Corailleurs, qui procédaient de la façon suivante : cuisson du pain sec à l'eau + ail + huile d'olive + sel, poivre, thym et laurier.
        - Du fromage râpé ? Lorsqu'il y en avait !
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Le Bancotte ( le Pain cuit )

        Ingrédients :
        6 tranches épaisses de pain rassis.
        2 gros oignons.
        2 gousses d'ail.
        1 boite de 140 g à 28 % de concentré de tomate.
        Sel, poivre, thym, 1 feuille de laurier.
        Fromage râpé.

        Préparation du bancotte :
        Faire revenir dans de l'huile d'olive : les oignons émincés + l'ail écrasé + le concentré de tomate.
        Ajoutez ½ à ¾ de litre d'eau tiède.
        Salez, poivrez, 1 branche de thym et 1 feuille de laurier.
        Laissez cuire la sauce à feu moyen 20' environ.
        Découpez en morceaux les tranches de pain et disposez-les dans un grand saladier.
        Arrosez de sauce tomate et saupoudrez de fromage râpé.
        Mélangez délicatement.

        Conseils Culinaires :
        - C'est un repas très simple mais délicieux des soirs d'hiver, que l'on dégustait autrefois en écoutant chanter le Bafougne ( vent d'hiver du nord-ouest ).
        - C'est aussi une façon supplémentaire d'utiliser le pain dur ou rassis.
        - En été quelques tomates bien mûres venaient bonifier la préparation.
        - Pour relever un peu la sauce 1 à 2 clous de girofle ne seraient pas de trop.
        - Veillez à ce que la sauce tomate, ne soit pas ni trop liquide, ni trop épaisse SVP !
        - Avec en dessert une belle patate douce cuite sous la cendre du kanoun ( brasero arabe ) : qui mieux que nous !
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Pain en salade.

        Ingrédients : ( pour 6 personnes )
        6 tranches épaisses de pain rassis.
        3 grosses tomates mûres.
        1 oignon moyens.
        2 à 3 gousses d'ail.
        12 filets d'anchois.
        1 verre d'olives noires dénoyautées.
        Cornichons + câpres.
        6 oeufs durs.
        Huile d'olive et vinaigre de vin rouge.
        Sel et poivre + persil haché.

        Préparation du pain en salade :
        Disposez dans chaque assiette, 1 belle tranche de pain rassis ramollie à l'eau fraîche et bien égouttée.
        Garnir avec : des rondelles d'oignon et de tomates + 2 filets d'anchois + de l'ail écrasé + quelques olives noires + cornichons et câpres + 1 oeuf dur coupé en 2 + saupoudrez de persil frais.
        Salez et poivrez.
        Arrosez d'huile d'olive et de vinaigre.
        Gardez au frais.

        Conseils Culinaires :
        - Cette recette sera très appréciée en été au retour de la plage.
        - Avec en dessert : melons, figues ou pastèques... Ce plat se suffit à lui-même.
        - Essayez un peu et vous serez peut-être surpris par la bonté de cette modeste recette.
        - Elle permet en plus de ne pas jeter le pain dur ou rassis : sacrilège des sacrilèges s'il en est !
        - Ite Missa Est ! Mes chers amis et amies de La Calle, la messe est dite et permettez-moi un instant de vous saluer à tous bien affectueusement.
Docteur Jean-Claude PUGLISI,
de La Calle de France - Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


Nos Sociétés Musicales
BONJOUR N° 9 du 4 décembre 1932,
journal satyrique bônois.
              Revenons sur une question que nous avons à peine ébauchée. Nous avions dit que nos Sociétés Musicales recevaient de la Municipalité des larges subventions. Le public en est persuadé. C'est inexact.
              L'Harmonie Bônoise touche 15.000francs par an et Les Enfants de Bône pas davantage. Ces sociétés ont des frais auxquels le public ne pense pas. Il faut payer le loyer d'un local. On nous dit que celui que va occuper l'Harmonie Bônoise coûtera 600 francs par mois. Le Chef de chaque Musique doit être rétribué de droit et le Sous-Chef également. Il est difficile de donner à un moins de 3 ou 400 francs par mois et, au second, la moitié du traitement du premier. II faut acheter des instruments de musique de temps à autre et ils coûtent fort cher. Enfin, il faut aussi se pourvoir de partitions nouvelles pour ne pas jouer, toujours, les mêmes rengaines.

              Il y a encore d'autres détails qui viennent grossir ces frais.
              Bref, il n'est pas exagéré de dire que chacune de nos sociétés ne peut boucler son budget à moins de 1500 à 1600 francs par mois. Donc, la subvention annuelle de 15.000 francs est nettement insuffisante.
              Nos sociétés ont-elles d'autres ressources ? Oui, mais elles sont précaires comme toutes celles qui ne proviennent que de la générosité d'autrui, cette générosité qui a, parfois, ses caprices. Le Président de chaque Société, les Vice-Présidents font des versements volontaires et, forcément, intermittents. Il y a aussi des Membres Honoraires et là nous avons éprouvé quelque surprise. On nous a montré des statistiques désolantes.
              Naguère, alors que notre ville était moins importante dans ses industries et dans sa population, chaque Société comptait 3 ou 400 Membres Honoraires dont la cotisation était minime c'est vrai, mais dont la somme faisait un chiffre mensuel intéressant. Aujourd'hui, si on additionne le nombre des Membres Honoraires des deux Sociétés, on est encore loin de la centaine !

              On nous parle de la crise. C'est entendu. Nous l'avons dit en d'autres occasions, cette crise est un prétexte devenu trop facile et on n'est pas plus pauvre si on verse une cotisation dont le chiffre est le prix d'une anisette ou peu s'en faut. On n'affirmera pas sans rire qu'il n'y a pas, à Bône, 500 personnes capables de payer, sans gêne, 40 sous par mois.
              Cela ferait 500 francs mensuels pour chaque Société, on les ajouterait à la subvention municipale et ce serait parfait.
              Car, enfin, tous nos musiciens sont des volontaires.
              Nous entendons bien qu'on leur reproche d'être peu nombreux dans leurs concerts sur le kiosque et d'être, en revanche, subitement, en surnombre lorsqu'il s'agit de participer à quelque concours ou à quelque festival. Convenons que ces occasions sont assez rares ; et puis, ne sont-elles pas les légères récompenses attribuées à un dévouement qui est absolument gratuit ?
              On s'en souvient, peut-être, c'est un incident, assez banal en soi, qui nous a donné l'occasion de parler de nos musiciens. La Société qui était de Service tel Dimanche dont la date nous échappe, n'avait point joué. On avait, à l'heure habituelle, allumé le kiosque, le public avait attendu et, comme Sœur Anne, n'avait rien vu venir. Notre public n'est pas bônois pour rien et il s'était énervé.
              Le prétexte donné pour cette carence, nous le connaissons, il est un peu enfantin. Un homme - qui - s'était dévoue, paraît-il, aux intérêts des musiciens en Algérie, était décédé, à Alger, il y avait un mois. C'était en signe de deuil que les Musiques avaient décidé de ne point jouer pendant ce mois. C'était exagéré et les plus ardents défenseurs de nos musiciens en ont convenu. Par ailleurs, on nous affirme que les deux Chefs de Musique avaient prévenu la Municipalité. Ce serait, donc, la Municipalité qui aurait commis un oubli. Tout cela n'est pas bien grave.

              En général, notre public est mal averti de la façon dont fonctionnent et vivent nos Sociétés Musicales et il apparaît que dans les observations qu'on leur adresse, on ne devrait pas exagérer la sévérité. Après les critiques, il nous semblerait juste que l'on veuille bien formuler, parfois, quelques remerciements.
P. M.
 


L'Exil-de-Victor-Hugo
Par Bernard Palomba

             Le mot" génocide"existe, voici sa définition :d estruction méthodique d'un groupe humain.
             Le génocide est donc un crime contre l'humanité : acte criminel à l'encontre d'un groupe humain violant gravement les droits de la personne.
             Je considère que l'EXIL sans espoir de retour imposé à un groupe humain est un crime contre l'humanité.

             Suivons ce grand poète dans ses "HELAS",mais pas dans sa Lassitude.......bien que...
JP Bouchet


SALADE TUNISIENNE

ACEP-ENSEMBLE N° 297-septembre 2015
                  
               Temps : 30'
               Ingrédients :
Pour 4 à 5 personnes
               - 1 kg de poivrons
               - Une livre de tomates
               - 4 gousses d'ail
               - 1 citron
               - 1 demi-verre d'huile d'olive.

                Préparation :
               - Passer les poivrons et les tomates à four chaud pendant 1/4 d'heure.
               - Mettre les poivrons dans un sac en plastique ou du journal à la sortie du four.
               - Peler et épépiner les tomates.
               - Couper les tomates en lamelles dans un saladier.
               - Sortir les poivrons du sac et les peler.
               - Couper les poivrons également en lamelles et les joindre aux tomates.
               - Préparer une sauce avec l'huile, le citron, le sel, le poivre et les gousses d'ail pressées.
               - Verser la sauce dans le saladier pour assaisonner les poivrons et les tomates.
               Servir frais.
    


Pour les pauvres
Envoyé par M. Christian Graille

                 C'est l'hiver avec son triste cortège qui fait les rues désertes, les campagnes solitaires et ramène l'homme à la conscience de sa petitesse en présence des forces de la nature.
                 De tous côtés retentit l'écho inévitable du triste glas, qui fatalement accompagne la brusque arrivée du malencontreux visiteur.
                 Et de ce changement subit, et trop fort de l'air ambiant part la douloureuse et fatigante série des maladies dont on connaît surtout le nom et guère les remèdes : rhume qu'on nomme coryza, Bronchite, toux etc. et par-dessus tout, le redoublement intense et parfois mortel de la misère du pauvre malheureux sans travail !

                 Malgré les inconvénients les misères les catastrophes qu'amène avec lui le froid intense et si cruel, combien cependant en voyant le thermomètre baisser avec cette brusque rapidité se sont écriés : Enfin !
                 Combien pour lesquels le triste tableau qui endeuille les rues et les hommes n'est que le repoussoir obligé de visions plus gracieuse de plaisirs attendus. Car le monde est ainsi fait.

                 Ce qui est douleur de l'un est plaisir de l'autre. Et dans la comédie ou la tragédie humaine, suivant sa situation sociale, chaque homme se place à un bout des évènements et les apprécie ainsi différemment.
                 Attendu avec impatience par ceux dont ici je parle, le froid est le cadre obligé le facteur principal des plaisirs nouveaux, et d'autant plus intense qu'ils sont moins durables heureusement. Fouettés par la bise glaciale contre laquelle les garantit leurs épaisses fourrures, le froid ne sera pour eux qu'un piment.
                 Il leur fera trouver plus douce la température de serre chaude des bals, où on expose les toilettes nouvelles et les sourires de commande.
                 Et pour qu'ils aient moins de souci, la buée qui couvre les vitres les empêchera d'apercevoir la douleur et la souffrance d'autres moins privilégiés.

                 Mais malgré toutes les barrières, il retentit plus fort que tout, le cri de la souffrance humaine parce qu'il part de plus de bouches.
                 Et la clameur monte émouvante, des victimes de catastrophes, le gémissement s'exhale pitoyable, de tous côtés, de ceux à qui la température apporte, en guise d'étrennes, un surcroît de douleurs et de besoins, en leur enlevant comme compensation le moyen d'y parer, le travail.
                 Et il est tel que, malgré tout, il arrive aux oreilles des indifférents des heureux à l'abri des à-coups du sort de la température.
                 Un devoir de solidarité s'impose à l'homme et puisque l'inclémence ajoute à vos plaisirs, riches et heureux, n'est-il pas juste que vous en payer la rançon.
                 Dans les longues heures occupées à ne rien faire, jetez à travers les vitres de votre demeure un furtif regard sur la rue, vous y verrez un tel surcroît de misère que vous en serez apitoyés.

                 Quand vous aurez entendu le cri des souffrances ; les plaintes à qui le froid enlève un dernier abri à qui il ôte un morceau de pain, ouvrez larges votre bourse et votre cœur.
                 Qu'à la plainte plus intense réponde la pitié plus fraternelle le secours intelligent et rapide.
                 N'attendez pas que le mal soit passé pour y remédier.
                 Donnez largement avec votre bourse avec votre cœur.
                 Si votre bourse devient plus légère, votre cœur sera plus satisfait.
                 Et comme physiquement et moralement le cœur est le siège de la vie, vous vous en porterez mieux.

Le Progrès d'Orléansville (19-01-1895)


 Alger, le Sahel, la Mitidja
Envoyé par M. Christian Graille

                 Lorsqu'on approche des côtes d'Afrique, après une traversée de trente-six heures, pendant lesquelles l'attention n'a eu d'autres intermèdes que la vue à vol d'oiseau des îles Baléares, on ne peut se soustraire à un vif sentiment d'admiration.
                Ce n'est point Alger qui frappe l'imagination, c'est cet immense panorama, qui tout à coup, se déroule dans un lointain voilé par les brumes qui s'élèvent de la mer : Ce sont ces crêtes hardies du Djudjura reflétant les rayons dorés du soleil, entre l'azur du ciel et la teinte verdâtre des premiers plans de l'Atlas c'est la courbe gracieuse de l'Atlas lui-même qui forme autour de la baie d'Alger comme une enceinte naturelle, protégeant les terres fertilisées par la civilisation c'est l'immense plaine de la Mitidja qui serpente autour du Sahel et n'offre à l'œil que son delta fertile, masque par le Sahel, sur lequel s'étagent de délicieuses villas.
                Il est impossible de rêver un spectacle plus grandiose, et l'âme est involontairement saisie par ce mirage qui laisse entrevoir des richesses immenses derrière ces croupes arrondies, où la végétation ne laisse aucune place à des roches abruptes, comme on en voit autour des rivages qui bordent la Méditerranée.
                Quelle transition pour le voyageur qui, la veille, laissait derrière lui, la terre couverte de neige, et qui grelottait dans ses fourrures : comme il sent la chaleur renaître dans ses veines à mesure qu'il approche de cette baie jadis si redoutée, aujourd'hui si hospitalière !

                Il faudrait pouvoir s'arrêter à quelques lieues en mer pour saisir tout le charme d'un pareil tableau qu'il ne sera jamais donné à un pinceau humain de reproduire, mais qui reste fixé dans l'imagination et que rien ne peut effacer. L'impatience est si grande qu'on perd mille détails, et qu'on a hâte d'apercevoir Alger, comme si la vue de cette ville devait compléter la sensation qu'on éprouve.
                C'est Alger que l'œil avide recherche Alger, la ville heureuse comme l'a appelée Victor Hugo, Alger où l'auteur de Fanny désirait mourir !
                Puis, tout à coup, on la voit, la belle amoureuse, couchée nonchalamment dans le demi-cercle que lui forme le premier plan du Sahel ; sa tunique blanche flotte jusqu'au fond de la baie, et ses pieds vont se prendre vers l'embouchure de l'oued Harrach, à l'entrée de la Mitidja.
                Elle repose le bras étendu, et de ce bras, elle semble arrêter la vague importune, pour préserver les navires confiés à sa garde.
                On l'appelle la reine de la Méditerranée, non point au même titre que Marseille, sa sœur aînée.
                Celle-ci est reine par l'industrie par le prestige des richesses et de l'abondance, elle a toutes les anxiétés et l'aspect sévère d'une Reine Mère.
                Alger a la physionomie gracieuse et souriante d'une jeune souveraine aux allures nonchalantes aux loisirs heureux ; c'est en contemplant cette ville privilégiée qu'on comprend la royauté de Cléopâtre et celle de Dion.
                On ne peut pas approcher du magique panorama que circonscrivent les lignes du Sahel et un peu plus loin celles de l'Atlas, sans songer au héros de Troie et au rival d'Auguste.

                Si la vue des côtes d'Afrique, par la transparence du ciel et par l'éclat que le soleil projette sur des terres naturellement chaudes de teintes, a le don de surexciter l'imagination et d'attirer, que ne peut-on pas dire de l'effet produit par le spectacle riant qui attend le voyageur assez osé pour se risquer à aller saisir de près les délicates nuances de la végétation.
                C'est pourtant par ces degrés que passe l'esprit à mesure à mesure qu'on approche du rivage ; c'est, d'abord : une admiration sans bornes, puis une surprise étrange et enfin une curiosité sans frein.

                On se dit qu'il y a là : une terre inconnue, une ville ignorée, une existence à part et des trésors de recherches et d'observations.
                La physionomie d'Alger ne se compose pas de ce groupe de maisons posé d'une manière bizarre au flanc de la Bouzaréa, elle se compose de tout ce qui l'entoure, de tout ce qui fait le charme de la vue de tout ce qui encadre cette baie sans rivales qui s'étend de la Pointe-Pescade au Cap Matifou ; Que dis-je ?

                Par les montagnes de la Kabylie, aussi ne peut-on se borner à une description succincte de la partie qui tombe sous le regard lorsque les bateaux à vapeur se rapprochent de la côte.
                Je ne crois pas qu'il soit possible de réunir, dans une seule vue d'ensemble, autant d'éléments de paysage, et on a raison de dire qu'Alger ne distrait l'attention qu'on moment où se replie l'éventail magique sur lequel étincellent tant de brillantes perspectives.
                Restons donc les yeux rivés au rivage et contemplons Alger en attendant que nous puissions nous égarer dans ce dédale qu'on appelle une ville.

                L'industrie aura beau planter là ses fourneaux ardents et lui créer une noire brume de charbon de terre, jamais ce fond délicieux de verdure qui s'étale et s'arrondit : entre la Bouzaréa et l'Harrach, entre l'azur du ciel et l'azur ne perdra sa fraîcheur indélébile et son cachet oriental.
                Alger est condamnée à la souveraineté de la lumière comme Londres à la souveraineté de la brume.
                Il ne dépend pas des caprices des hommes de changer son aspect, et c'est Dieu qui l'a faite pour toujours souriante et coquette.

                Qui n'a assisté maintes fois au réveil de la population immigrante, secouant la torpeur du voyage sur le pont des bateaux des Messageries, et appliquant toute son attention à saisir le spectacle qu'Alger offre au nouveau venu !
                C'est un cri unique une explosion d'admiration arrachée à toutes les poitrines, puis c'est le silence et le recueillement de l'étude et de l'observation des détails placés au bout de la lorgnette.
                Pendant les deux heures nécessaires au bateau pour parcourir l'espace qui sépare l'horizon de la terre l'attention est constamment sollicitée, constamment soutenue.
                Dans ce demi-cercle, s'élevant progressivement en amphithéâtre, qui n'a pas moins de vingt à vingt-cinq kilomètres et dont les deux points extrêmes sont à l'Ouest la Pointe Pescade et à l'Est le Cap Matifou, un cicérone a le temps de faire connaître aux nouveaux venus tout un passé toute une histoire de luttes sanglantes et de terreur ; cette histoire est écrite en lourdes et massives épaves sur le rivage, et on en voit les débris jusque sur les hauteurs de la Casbah.

                Là-bas, cette sombre masse qui surplombe la mer avec ses murailles crénelées et ses pans de murs déchiquetés, c'est la Pointe-Pescade, ancien château-fort, phare d'observation, d'où les Barberousse guettaient les escadres espagnoles.
                Le temps et les hommes n'ont point encore si bien détruits ce nid de pirates, qu'on ne retrouve les principaux détails des bâtiments consacrés aux gardiens turcs de la côte d'Afrique.
                Plus près ce massif de villas noyées dans la verdure et coquettement assis au bord de la mer, c'est Saint-Eugène, un nid de rentiers paisibles, qui représente l'épargne d'un commerce tranquille fuyant les agitations de la ville.
                Ce n'est plus qu'un faubourg de la ville d'Alger, qui tend tous les jours à dépasser

                Au-dessus de ce village, qui domine le mont Bouzaréa, l'œil perçoit un monument d'aspect religieux, c'est l'église de Notre Dame d'Afrique, un caprice splendide d'un des plus grands esprits que la colonie ait comptés en son sein.
                L'évêque Pavy était un évêque de la primitive Eglise, rude comme l'époque où il fut nommé profond comme les grands hommes qu'avait comptés l'Eglise d'Afrique tolérante et humble comme doit l'être un ministre chrétien.

                Au-dessus de cette église, à peine achevée au moment où nous écrivons ces lignes s'élève la Bouzaréa, le point le plus élevé de Sahel et la partie la plus salubre des environs d'Alger : la Bouzaréa, que l'on ne peut comparer qu'aux montagnes des Cévennes, où sont cachées, dans des échancrures formées par le ravinement des eaux, et sur les pentes toujours vertes et toujours fleuries, les plus ravissantes maisons mauresques que l'on puisse rêver.
                C'est là que les hardis écumeurs de mer, que les capitans pachas enfouissaient les trésors rapportés de la course, et qu'ils cachaient à tous les regards les charmantes captives qu'ils enlevaient sur les côtes.
                Là s'éteignent les ardeurs du soleil d'Afrique là cessent ces influences marécageuses qui développent la fièvre et minent les habitants de la plaine.
                Il n'est pas rare d'y voir séjourner un ou deux mois tous les hivers.

                Dans les ravins de la Bouzaréa on trouve tous les fruits de France : la poire, la pomme, la cerise, la pêche, l'abricot sans compter les fruits de l'Algérie si nombreux sur les marchés.
                Entre Saint-Eugène et les fortifications d'Alger, dans une vaste échancrure où se déversent les eaux qui viennent du Frais-Vallon et des sommets de la Bouzaréa, on voit s'élever un faubourg sans physionomie accentué à l'aspect sec aride et presque calciné.
                C'est un quartier presque entièrement habité par des immigrants espagnols, rudes au travail et peu exigeants pour leur habitation.
                On entend là les sons du guitarero et le chant un peu monotone mais vif et cadencé de la manola ; c'est le trait d'union entre Saint-Eugène et Alger.

                Puis vient la ville enlacée dans des fortifications dues à l'art militaire moderne, camisole de force qui paralyse son développement sans utilité bien démontrée ; la ville étagée sur une colline au versant rapide et dominée par la Casbah dont la partie supérieure profile dans l'immensité du ciel les crénelures de l'ancienne demeure des pachas, comme les dents d'une couronne.
                La ville partagée en deux parties étranges et bizarres : la ville ancienne et la ville nouvelle, la cité turque, où grouille, dans les habitations mauresques, la population indigène qui a conservé ses différents types ses costumes et qui ne se mélange guère avec les Européens que dans les opérations commerciales.

                Le long de la mer, près du port de la ville nouvelle, dont le boulevard à peine achevé indique l'étendue et dessine si gracieusement la destinée et l'importance autour de l'ancienne cité, qui a pris d'une manière générale la désignation de Casbah, serpente, comme un trait de feu, la ligne des fortifications turques, que la pioche des démolisseurs fait disparaître un peu chaque jour.
                A peine a-t-on dépassé du regard la zone stérilisée des fortifications, que l'œil se repose avec une entière satisfaction sur cet admirable fond de tableau qui a nom " quartier de Mustapha " et qui est le centre d'attraction véritable de la future Alger.
                Le quartier de Mustapha aujourd'hui parsemé de luxueuses habitations d'été, se prête merveilleusement à l'extension de la ville moderne ; la pente est douce de la partie supérieure vers le fond de la baie ; elle a une profondeur qui exclut les travaux difficiles de terrassement ; elle est balayée par les vents du Nord-Ouest qui apportent la brise et la fraîcheur, et qui vont, sans obstacle, s'épanouir dans la plaine de la Mitidja.

                Au fond de la baie qui n'attend qu'une jetée pour constituer un port immense parfaitement sûr, on découvre cette merveille créée en vingt-cinq ans, qu'on appelle le Jardin d'essai, ornement indispensable d'une grande cité, et tentative heureuse, qui démontre la fertilité prodigieuse du sol de l'Algérie.
                Un peu plus loin, sur le versant oriental du Sahel, se détache un monument qui ne manque ni de grandeur ni de style, et qui fait le pendant de Notre Dame d'Afrique, c'est le grand séminaire de Kouba, qui surplombe la plaine, qu'elle domine toute entière.
                Au pied de cette pointe, l'embouchure de l'Harrach, dont les eaux torrentielles et bourbeuses viennent dans les grandes pluies, teinter d'un jaune ocre les eaux bleues de la Méditerranée.

                La Maison Carrée, point d'observation, placée à l'entrée de la plaine puis la Mitidja, déjà presque toute entière défrichée et livrée à la culture européenne : la Mitidja qui pourrait occuper cent mille bras et inonder les marchés de la métropole, si des lois économiques bien entendues permettaient d'opérer le transport de ces produits à bas prix et avec une vitesse suffisante.
                Une foule de maisons blanches indiquent le village de Fort de l'eau peuplé par cette laborieuse et honnête race mahonnaise dont l'immigration en Algérie est si utile et si féconde.

                Un peu plus loin le cap Matifou qui n'est pas le point moins intéressant de cette immense hémicycle, car là, par un temps calme le pêcheur, qui vous fait approcher du rivage, vous montre, à quelques mètres de profondeur, les ruines d'une cité que la mer a submergée sans qu'on puisse dire par suite de quel bouleversement géologique cette étrange catastrophe a eu lieu.
                A chaque partie de ce tableau, se rattachent des souvenirs historiques qui ont leur importance et leur charme, et dont nous trouverons l'occasion de retracer les phrases, dans le cours de ce travail, écrasant pour le narrateur et bien au-dessous des impressions qu'il a lui-même ressenties, mais qu'il se considère comme impuissant à traduire dans un langage digne de la tâche qu'il s'est imposée.

                Le vieil Alger, vu dans son ensemble, avec ses maisons à terrasses percées d'étroites fenêtres grillées aux murailles blanchies à la chaux ressemble assez à une immense carrière ouverte à tous les vents.
                Sa physionomie extérieure a été singulièrement modifiée, et, disons-le après tant d'autres écrivains, gâtée par l'addition d'étages percés de fenêtres et garnis de volets peints en vert.
                La nécessité de loger, au début de la conquête, une population flottante considérable, avait forcé à surélever les maisons mauresques et avait ainsi détruit cet ensemble qui, tout original qu'il était, aurait mérité de conserver son cachet oriental. Il ne faut pas maudire le progrès, mais on peut regretter ce mélange au point de vue archéologique.

                 Pour rendre à la ville d'Alger le prestige qu'elle avait au yeux du voyageur, il faudrait la dépouiller de ce magnifique frontispice qui, en dix ans, lui a donné l'aspect de la cité la plus florissante qu'il y ait sur le rivage méditerranéen ; il faudrait la peindre telle qu'elle était avant la construction du boulevard, alors que les mosquées noyaient leurs fondations dans les eaux bourbeuses du port, et se miraient dans les flots qui venaient battre jusqu'à leur pied.
                Il y avait alors quelques monuments dont l'aspect dominait le rivage et empruntait aux roches abruptes et noirâtres un cachet de vigueur perdu aujourd'hui.

                C'était, aux deux extrémités de la ville, les fort Bab-Azzoun et Bab-el-Oued, bagnes où les corsaires reléguaient les malheureux chrétiens qui tombaient entre leurs mains.
                C'est là que fut enfermé l'amiral Bruat, encore enseigne de vaisseau ; c'est là que Michel Cervantès avait passé les premiers temps de sa captivité.
                Aujourd'hui ce sont des pénitenciers et des casernes qui n'ont conservé de leur prime destinée que l'aspect sévère imprimé par l'homme à tout ce qui sert à séparer de la société les malheureux que le crime ou l'esclavage condamnent aux fers ou à la solitude.

                On remarquait en plusieurs endroits, et notamment sur l'emplacement actuel de la place du gouvernement une foule de minarets ; ils formaient un premier plan très gracieux et vraiment original, car le minaret, c'est tout pour une ville d'Orient ; il n'y en y avait pas moins de soixante à soixante-dix, qui, tous, ont été démolis vers 1840 ou 1845 pour faire place à un quartier européen.
                La caserne Lemercier, près de la porte de France, à l'extrémité de la rue de la Marine, servait jadis de casernes aux janissaires et avait un cachet de force et de grandeur que les restaurations lui ont été enlevé.

                La ville, ainsi constituée, avait une physionomie très pittoresque et toute orientale, qui a disparu, de même qu'a disparu, en partie, l'aspect de la Casbah, dont les terrasses s'étageaient depuis le palais de la Jenina jusqu'au fort qui domine la ville et qui était la retraite des pachas.
                Si on ne visitait dans ses loisirs ce triangle bizarre qui est la ville ancienne, on ne soupçonnerait point l'existence d'une population indigène de trente à quarante mille âmes, qui s'est conservée là avec toutes : ses traditions, ses mœurs et ses coutumes ; assez indifférente des progrès accomplis et assez peu soucieuse de l'envahissement dont elle a été la victime, pour croire que, un jour donné le Mouley-Saâ jettera à la mer tous ces chrétiens qu'ils maudissent comme aux premiers jours de la conquête.

                Il existe encore en France des esprits assez étroits pour demander naïvement si Alger est une ville habitable si même la sécurité y est suffisamment établie pour qu'on puisse s'y risquer, sans être armé jusqu'aux dents.
                La vérité est que nous sommes obligés, pour reconstituer une ville orientale : de fouiller dans le développement prodigieux de la ville moderne et de prendre le voyageur par la main pour lui dire : Voilà encore des échantillons de cette ancienne cité dont votre imagination aime à se repaître.
                Voilà un palais, c'était autrefois celui de Mustapha-Pacha, aujourd'hui, c'est la bibliothèque.
                Voyez ce magnifique écrin de colonnades de chapiteaux, hier c'était l'intendance, aujourd'hui c'est la cour d'assises.

                Tout ce qu'il y avait de curieux et de précieux a changé de destinée en changeant de maîtres. Alger est un musée, où se heurtent et se disputent des intérêts divers et des traditions hostiles par leur origine et leurs aspirations.
                Il est facile de déterminer les phases par lesquelles cette ville étrange a passé ; elles sont de trois ordres et s'harmonisent parfaitement avec les périodes de la conquête. Au début tout était oriental : les maisons, rues étroites tortueuses et sombres.
                Les consuls des diverses nations habitaient des palais mauresques.
                Le soldat français prit la place des janissaires dans les casernes turques, les administrations déplacèrent les beys et le pachas pour s'installer à leur place les Maures qui ne croyaient pas à la possession définitive, cédèrent à vil prix et à réméré là rente des habitations splendides qu'ils espéraient bien reprendre lorsque l'envahisseur serait chassé par Le Moulay-Saâ.

                Après avoir ainsi aliéné les maisons de la ville ils en vinrent à vendre, dans les mêmes conditions, les magnifiques villas qu'ils possédaient sur les coteaux de Mustapha et sur le Sahel. Les tribunaux et les huissiers ont fait le reste.

                La seconde époque c'est l'époque du provisoire.
                Sur ces maisons mauresques aux fondations solides aux voûtes inébranlables s'élevèrent rapidement des étages percés de fenêtres ayant vue sur mer et c'est là que la population avide de trafic, venue de tous les points de la Méditerranée, trouva un supplément de logements que l'étroitesse de la ville ne permettait pas de construire dans l'enceinte des fortifications turques.
                Il n'est pas hors de propos de relever certains détails qui prouvent que l'immigration n'a reculé devant aucun sacrifice pour s'implanter sur le sol algérien.
                Le droit de coucher dans une chambre, côte à côte avec des étrangers, coûtait deux francs par nuit soixante francs par mois.
                Il n'est donc pas étonnant que tant de constructeurs aient rapidement réalisé des fortunes énormes, pendant les vingt premières années de l'occupation.
                On peut encore voir, dans la partie moyenne de la Casbah, bon nombre de constructions légères ; elles ont eu une valeur relative et un succès de peu de durée car elles sont abandonnées à la classe pauvre, qui, chaque soir, va s'y réfugier, après avoir accompli sa tâche dans le quartier industrieux où le commerce occupe ses bras.

                La troisième période est la période actuelle que nous appellerons la période de stabilité.
                C'est celle de la construction moderne luxueuse confortable qui tend à faire d'Alger la rivale des plus florissante cités du monde.
                Nulle part, on ne trouve une promenade de quatre kilomètres d'où la vue s'étende sur un horizon infini, promenade conquise sur le vide, et bardées d'habitations splendides, comme on n'en trouve, par exception, que dans les plus riches cités d'Europe.
                Les maisons où est le cercle d'Alger, l'hôtel d'Orient, la banque d'Algérie qui étale sur sa façade de splendides colonnes en brèche du Chenoua ; l'ancienne banque transformée si rapidement par les frères Villenave en une habitation luxueuse, prouve par leur élégante construction que ceux qui ont gagné des millions n'ont aucune appréhension sur l'avenir d'Alger et n'hésitent pas à confondre leurs intérêts avec sa destinée.
                Les heureux locataires de ces splendides habitations oublient bien vite, du haut de leur balcon, le luxe de leur intérieur, lorsqu'ils contemplent ce magnifique panorama, que l'art et la nature déroulent devant eux.

                L'ancien port a quatre hectares d'étendue. Le port créé depuis 1835 a plus de trente hectares ; les navires de toutes les nations et de toutes les grandeurs y sont parfaitement à l'abri et, mille petites barques nagent autour, sans jamais s'entre choquer.
                Une escadre entière trouve sa place du côté de l'Est sans que sa présence gêne le mouvement commercial.
                Au-delà de la jetée jusqu'au cap Matifou d'innombrables barques de pêcheurs guettent, comme des mouettes blanches, la proie qui doit alimenter le marché de la ville.
                La courbe gracieuse de la baie se dessine sans interruption jusqu'au cap Matifou, et, au loin, se profilent dans un fond opalin les croupes dentelées des montagnes de la Kabylie. Au mois de janvier le Djurdjura reflète, sur ses sommets couronnés de neige, des tons dorés qui se fondent dans les nuages.
                Ce spectacle est si attrayant qu'on passerait des heures entières à le contempler, et qu'on se sent à peine vivre, tant l'attention est sollicitée par la variation du tableau qui passe devant les yeux comme un kaléidoscope.

                Le développement d'Alger frappe l'esprit de l'économiste et démontre le prodigieux élan que la colonisation a imprimé à la prospérité de la ville presque inconnue et inaccessible il y a à peine quarante ans.
                La population indigène y est noyée dans l'expansion de la population européenne ; on peut même sans exagérer, dire qu'elle y est en quelque sorte étouffée par les besoins des immigrants.
                Réfugiée dans les étroites et sombres demeures de la haute ville qu'elle partage avec la population flottante qui vient : de la Kabylie ; de Biskra ou du Mzab, elle lutte péniblement entre un travail peu rémunérateur et le renchérissement progressif des denrées de première nécessité.

                La composition de la population d'Alger offre à l'étude un grand attrait.
                A côté du Français qui n'arrive là qu'avec l'esprit un peu blasé sur toutes les jouissances et avec l'expérience donnée par l'éducation, on voit des émigrants espagnols qui apportent avec leur constitution robuste et leur ardeur au travail des champs, une sobriété rivale à celle des Arabes.
                L'Italien souple et rusé qui se voue aux travaux publics et qui continue par tradition la tâche que les Gênois et les Siciliens s'étaient imposés au temps de la domination turque.

                C'est à la main artiste de l'Italien qu'on devait ces trésors d'architecture, qui font admiration. C'est à des Italiens qu'on doit la plupart des édifices contemporains.
                Le Maltais se fait remarquer : par sa vaste encolure, par cette tête expressive aux traits accentués mélange de sang ionien et sarrasin et par sa langue qui a, avec la langue arabe, tant de rapprochements.
                Le Mahonnais aux traits fins et à la physionomie honnête se livre aux travaux de jardinage et fonde des villages où il donne l'exemple de la bonne tenue de l'économie et de l'amour de la famille.

                Les croisements entre ces diverses fractions des peuples du bassin méditerranéen ont créé une race qui ne manque ni de finesse ni de caractère.
                La fusion qui s'opère chaque jour par le mariage apporte, dans la communauté d'existence des éléments d'éducation qui profitent aux enfants peu à peu, initiés par leurs parents : au langage, aux coutumes et aux traditions de ces nationalités diverses.
                L'enfant algérien est très précoce et entre de très bonne heure dans la vie publique ; sa constitution physique participe davantage que donne à l'homme des origines différentes ; l'intelligence est prompte le système nerveux très développé.
                Il n'est pas rare de trouver des enfants qui savent, d'une manière imparfaite : le français, l'espagnol, l'italien, l'Arabe, et qui peuvent, sans intermédiaire, se faire comprendre dans tous ces idiomes ; ils les apprennent presque sans effort par la seule fréquentation. L'étude la plus attrayante est celle qu'on peut faire de la destinée de la race maure.
                Tandis que le Kabyle, le Biskri et le Mozabite viennent jouer à Alger le rôle modeste que l'Auvergnat, le Limousin et le Savoyard jouaient autrefois à Paris.

                Tandis que le Juif persécuté appauvri et avili, s'est relevé par une âpreté sans égale au travail et au gain.
                Le Maure expression de l'état social le plus élevé parmi les races orientales, s'est laissé spolier, et a descendu, par fierté, tous les degrés de la misère et de l'abaissement.
                Il n'existe presque plus de familles maures opulentes et fastueuses les héritages se sont fondus sans qu'il soit resté à ces nobles débris d'une race fière et digne, même de quoi vivre dans la médiocrité.
                On ne peut ni les blâmer ni les secourir. Le moral s'est complètement affaissé à mesure qu'ils se sont vus dans l'impuissance de réagir contre le vainqueur et ils se sont réfugiés dans cette mort anticipée qui s'appelle la résignation.
                Quelques familles ont essayé de réaliser les débris d'une fortune jadis brillante et d'aller vivre dans une atmosphère pure du contact de l'étranger : à Tunis, à Tripoli, dans les échelles du Levant, à Damas ou bien encore dans le Maroc. La nostalgie les a ramenés sous le beau ciel d'Alger et la mort les a fauchés au milieu de la contemplation et de la prière.

                La Casbah fourmille de malheureuses créatures qui demandent à l'inconduite le pain de chaque jour et qui appartenaient à des familles riches et de noble origine.
                Les hôpitaux sont peuplés de filles de grande race, qui, chassées par leurs frères ou abandonnées par leurs maris, viennent y terminer une existence flétrie par la prostitution.
                Dans le livre charmant qu'Ernest Feydeau a publié sur Alger, il a poussé le dernier cri de détresse qu'on pût faire entendre au nom d'une race foulée au pied de l'esprit de spéculation et de mercantilisme : cri d'angoisse arraché à une âme généreuse qui s'est perdue dans le fracas des insurrections et des luttes d'intérêt.

                Ne pouvant atteindre le degré d'aisance que donne le commerce, l'agio ou la spéculation, la race maure a, peu à peu, restreint son existence matérielle et s'est condamnée à une sobriété qui a fini par miner sa constitution physique.
                Elle avait toute la beauté des races privilégiées.
                Le port noble, la physionomie grave et distinguée, l'ampleur de la démarche indice de la prospérité ; elle n'a plus aujourd'hui que l'aspect débile et souffreteux des êtres réduits à des ressources insuffisantes. L'observation permet de mesurer la misère qui les a frappés.

                Leur constitution qui présentait tous les caractères du tempérament nerveux et sanguin propre aux Arabes est devenu lymphatique et scrofuleuse ; aussi observe-t-on chez les femmes une tendance marquée aux infiltrations séreuses qui dégénèrent en éléphantiasis. (Gonflement des membres le plus souvent des jambes).
                Les os des jambes sont incurvés, les extrémités perdent leur finesse et leur élégance native et les maladies des yeux sont aujourd'hui plus fréquentes qu'autrefois.

                Si on étudie la race juive qui possédait au plus haut degré les caractères physiques et constitutionnels que la misère imprime aux races déprimées, on constate qu'elle se relève et qu'elle gagne beaucoup à mesure qu'elle profite davantage des progrès réalisés par l'hygiène.
                Depuis que les Juifs habitent des maisons saines et aérées, depuis qu'ils se nourrissent mieux et qu'ils ont abandonné leur dégoûtant costume traditionnel, ils ont acquis plus de force et de ténacité et la race s'améliore sensiblement.

                La résignation des Maures a été toute volontaire ; aucune loi oppressive ne les a frappés ; ils se sont abandonnés eux-mêmes, ne voulant point suivre les coutumes du vainqueur : c'est à peine si un petit nombre a consenti à faire apprendre aux enfants la langue française la langue des lois et des transactions qui leur aurait épargné la ruine par l'âpreté au gain et l'habileté à les exploiter des interprètes avides.
                Quelques familles maures réfugiées à la campagne ont conservé des habitudes mercantiles et se sont soutenues par des bénéfices honnêtes.
                C'est un spectacle touchant et même curieux de voir, vers le soir, ces vieillards, souvenir d'un autre temps, montés sur un mulet ou sur des ânes coquettement caparaçonnés, grimper les sentiers sinueux de la Bouzaréa, et se rendre au sein de leur famille en égrenant entre leurs doigts maigres et effilés les grains d'un chapelet ou en murmurant dans leur barbe blanche des versets du Coran !
                Ce sont des ombres graves et dignes qui glissent sans prétention et sans bruit au milieu du fracas de la civilisation.

                Quel que soit la haine qui fermente au cœur de ces pauvres parias, on ne peut les voir passer sans une sympathie profonde et sans se livrer à de sérieuses réflexions sur les incertitudes de la fortune des nations.
                On les respecte et on les admire jusque dans leur fanatique résignation !
                Les premières impressions satisfaites par la vue des progrès réalisés depuis quarante ans, il faut aller étudier cette ville ancienne, dans ses mille replis et dans ses traditions intimes.
                Ce n'est pas la vie d'un peuple que l'on a sous les yeux, c'est la vie de tous les peuples d'Orient, et c'est une étude pleine d'attraits, que le touriste peut entreprendre à ses moments perdus, sans que rien le gêne dans sa curiosité.
                Le Maure représente la vie industrielle active mercantile du peuple arabe il est l'artiste et l'artisan.
                Tout ce qui miroite sous la tente vient de lui : broderies, bijoux, paillettes, écharpes de luxe, tout a passé par ses mains avant d'orner le cou, les bras ou la taille de la femme aimée avant de rehausser l'orgueil et la fierté du cavalier.

                Constantine, Bougie, Alger, Calaa, Mostaganem et Tlemcen étaient les foyers de l'art et de l'industrie avant la conquête et avaient chacune leur spécialité de production industrielle.
                Constantine fournissait les plus belles selles et les plus belles armes,
                Bougie rivalisait avec cette ville surtout pour les armes,
                Alger avait le secret des soieries luxueuses et des couleurs éclatantes ; ses orfèvres fabriquaient les plus beaux bijoux et les plus riches ceintures brodées,
                Calaa savait harmoniser les couleurs pour la fabrication de tapis qui faisaient oublier ceux de Brousse et de Smyrne.
                Mostaganem est encore le centre de la fabrication des pipes au bout d'ambre au long tuyau de cerisier et
                Tlemcen a gardé le secret des magnifiques tentures.

                Les belles vestes en velours brodé d'or ou d'argent qui allaient dans le Levant et étaient recherchées jusqu'à Constantinople venaient d'Alger.
                C'est dans les rues étroites et sombres de la Casbah qu'on peut étudier toutes ces industries silencieuses qui n'ont pour outil que la main de l'homme et la patience d'une race qui ne pactise point avec le bruit et l'embarras des machines industrielles.
                Il n'existait pas une seule rue, depuis la porte de France jusqu'à la partie supérieure de la Casbah, à l'exception de certaines portions de la rue de la Marine où une voiture pût circuler, et ce n'est pas une des moindres surprises du voyageurs qui, aujourd'hui voit rouler, dans la basse ville tant d'équipages et tant de corricolos d'apprendre que tout le bruit dans lequel il est assourdi était inconnu aux indigènes avant 1830.

                La vie intérieure était soigneusement murée, la vie de transaction était muette et silencieuse. Quel contraste entre le mouvement des Européens qui dévorent l'existence et qui se saturent des excitations de la vie extérieure, et ce calme des indigènes qui glissent d'une étroite boutique jusque dans leur intérieur où ils n'entendent que le babil de leurs enfants et les joyeux éclats de rire de leurs femmes !
                Lorsqu'après avoir parcouru de l'oeil : le palais du gouvernement, la bibliothèque de la ville et le palais de l'intendance qui sont adossés par leur murailles extérieures, on a franchi ces longues voûtes qui abritent des rayons de soleil, on entre en plein dans la Casbah.

                Dans ce dédale de ruelles entrecoupées d'impasses sans nombre où aboutissent les vieilles portes basses et cintrées des habitations mauresques.
                Ce sont des rues pavées et en pente raide où deux personnes ont de la peine à marcher de front et bordées d'étroites et sombres boutiques, semblables à celle qu'on admire dans les vieilles villes de France : Rouen, Bourges, Arles, Tarascon.
                Il faut monter un peu plus haut vers le milieu de ce labyrinthe pour rencontrer quelques ruelles obliques où les rayons de soleil glissent entre les auvents et éclairent ces demeures exiguës consacrées à l'existence commerciale des populations indigènes.
                Là se déroule le tableau dont le voyageur est avide car le mélange est à peine sensible entre l'Européen et le Maure.

                C'est là que loin du bruit et entouré de ses coreligionnaires l'ouvrier indigène continue ses traditions et se livre à ces mille petites industries qui lui sont chères parce qu'elles on pour objet la fabrication des vêtements qui couvriront ses pères, et des bijoux qui orneront ses femmes.
                Il y a beaucoup de poésie dans le travail de l'ouvrier maure et sa main diligente et habile n'est que l'interprète des sentiments qui animent l'acheteur.
                Un jour assis sur le seuil hospitalier d'un jeune brodeur arabe, qui lentement et patiemment passait ses fils d'or à travers une ceinture de velours grenat, je lui demandais :
                " Pour qui brodes-tu cette ceinture ? " sans rien dire il allongea la main et prit sur un coffre une paire de babouches délicieuses d'un travail exquis et une chéchia autour de laquelle scintillaient des boudjous (ancienne unité monétaire d'Alger) et des soltanis (pièces) d'or, et, les plaçant sous mes yeux il me dit avec un sourire d'un ineffable bonheur : " C'est pour Hanifa ! " Hanifa était le nom d'une jeune fille qu'il voulait épouser.
                Quand ce n'est pas pour eux-mêmes qu'ils brodent, c'est pour quelque amoureux et ils ne se font alors que les interprètes des sentiments qu'ils ont eux-mêmes éprouvés.

                Quand on s'assied sur le seuil de ces boutiques que rendent odorantes les cuirs de Russie employés pour les objets brodés et les fleurs dont les ouvriers maures aiment à s'entourer, on se sent dans un milieu plein de calme plein de sérénité et l'on oublie bien volontiers les agitations de l'existence européenne.
                La sérénité des métiers auxquels se livrent les Maures présente un relation directe avec les besoins primordiaux de la vie.
                La nourriture, le vêtement, les armes voilà la triade industrielle autour de laquelle roulent les occupations.
                Il y a trois ou quatre cents ans que les vestes se brodent de la même manière, que les selles ont les mêmes dessins que les Aïcha et les Fatmas, les Hanifa coiffent la petite calotte gracieuse qui se pose si coquettement sur le coin de l'oreille.
                La mode est inconnue en Orient, et, si elle y pénètre c'est pour gâter l'ouvre de plusieurs siècles.

                L'Européen est laid dans son costume et il faut bien croire qu'il se trouve tel, puisque tous les trois mois il en change et la forme et la couleur.
                Le musulman se trouve bien dans le sien, et il ne tient pas à le modifier. Dans les rues qui sont situées près du palais du Gouvernement, on trouve des broderies de clinquant qui sont l'œuvre d'industriels avides de jeter des paillettes aux yeux des curieux qui s'arrêtent devant leurs boutiques ; ce n'est point-là la broderie arabe c'est la boutique du mercanti, véritable musée oriental, où l'on trouve toutes les productions de l'Algérie mêlées aux inimitables tapis de Brousse et aux étoffes souples et soyeuses du Maroc.
                Tout cela brille par des contrastes de couleurs vives, mais n'a point de cacher spécial et artistique propre aux ouvrages fins que l'œil du connaisseur sait bien discerner au milieu du clinquant et des paillettes.

                Dans ces vieilles rues de la Casbah, notamment à l'entrecroisement des rues : Kléber de la Girafe et des Pyramides existait naguère un carrefour où l'on pouvait à l'ombre de larges voûtes voir circuler toute la population indigène en humant le café servi par les trois kaouiadjis d'origine différente.
                Là se trouvaient tous les éléments qui groupent les Arabes et les obligent à une existence commune : la fontaine autour de laquelle on voit assis les Biskris laborieux qui viennent remplir la cruche de cuivre qui est leur gagne-pain, la mosquée où les femmes mauresques voilées et enveloppées de leur haïk blanc, vont, sous un prétexte religieux, donner l'heure du rendez-vous à l'amoureux qui attend, perdu dans la foule des oisifs ; sous les auvents, la négresse accroupie enveloppée de sa fouta (pièce de tissu enroulée autour des reins) bleue, qui vend ses petits pains anisés et des fritures de petits poissons assez appétissants à l'œil.

                Un peu plus loin c'est l'épicier maure qui range dans des couffes d'alfa et de palmier nain ses denrées très proprement tenues.
                Il est accroupi au milieu de son étroite demeure, sur une natte, et il n'occupe que l'espace strictement nécessaire à ses mouvements.
                Le Coran à la main il attend en marmottant entre ses lèvres des versets et en s'inclinant de temps à autre, qu'une pratique vienne, presque aussi silencieuse que lui, lui apporter le gain quotidien.
                A côté, c'est le cordonnier avec ses jeunes apprentis, occupés à fabriquer cette large et unique chaussure qui n'emprisonne le pied que par ses extrémités arrondies.
                Plus loin cet homme replié sur lui-même, le pied et la main confondus sur un petit tour à la main, qui, dans ses évolutions rapides, fait entendre un son strident.
                C'est le fabricant de bracelets et de bagues en corne noire que les nègres du Soudan viennent acheter par milliers pour les transporter, à l'aide de caravanes, jusqu'au cœur de l'Afrique.

                Un Maltais polyglotte, aux formes herculéennes perdu dans ce milieu bizarre, vend au détail de la farine et de la semoule aux familles indigènes qui ne vivent qu'au jour le jour.
                Des fripiers ambulants font entendre un cri rauque qui annonce le prix d'une gandoura, d'un burnous ou de quelque vieille veste fanée.
                Parfois un jeune marchand de bouquets ou un gamin à l'œil vif font entendre d'une voix enfantine ce cri charmant : O yasmin ! O yasmi, ! du jasmin ! du jasmin ! et laissent après eux une traînée odorante, développée par les chapelets de fleurs qu'ils tiennent au bout des doigts.

                Au milieu de cette population, dont on n'entend pas résonner le pas silencieux, grouillent des enfants vifs alertes coiffés de la chéchia qui s'en vont le teint bistré les yeux brillants et presque nus.
                De temps à autre passe quelque blanche Mauresque voilée de la tête aux pieds traînant après elle ces jolis bébés qu'on prendrait pour des poupées et suivie de près par sa mère courbée par l'âge ou lune débilité précoce et de la négresse qui pour sur la tête, dans une immense sébile de bois, les haïks et vêtements échangés au bain maure.
                La vie matérielle est restée pure de tout mélange avec la vie européenne.
                Il y a des cuisines maures et des restaurants arabes pour les berranis ou étrangers venus de l'intérieur.
                Les prix de cette existence matérielle n'ont aucune relation avec les prix des denrées qui se vendent sur les marchés destinés à l'alimentation des Européens, et il est heureux qu'il en soit ainsi, car la population arabe n'aurait pu supporter les exigences de notre existence dispendieuse et serait littéralement morte de faim.

                La sobriété des indigènes et généralement des Orientaux est proverbiale, leur existence cluse grave et mesurée leur épargne la dépense organique que nécessite l'activité du Maltais et de l'Espagnol ; ils semblent économiser le mouvement en vue d'économiser les fonction d'absorption ; à l'exception des jeunes hommes qui ont le teint vermeil et l'aspect bien portant, les hommes mûrs et les vieillards ont le teint blême et l'aspect débile.
                Le Biskri, le Mozabite, le Kabyle qui descendent sur le port ou dans les marchés pour y exercer les métiers : de portefaix, de bouchers, et d'hommes de peine, dépensent beaucoup plus, et un grand nombre n'hésite pas à joindre les boissons alcooliques, le vin et l'eau-de-vie à leur alimentation qui est plus substantielle.
                C'est par eux que pénètre dans les tribus cette sorte d'éducation qui efface les distances entre les races, qui fait tomber les préjugés et prépare l'introduction des procédés qui améliorent l'état social.

                Entre ces races diverses, qui conservent, dans une communauté relative d'existence : leurs costumes, cachet originel, leurs habitudes traditionnelles se place une race qui peut à bon droit intéresser la physiologiste, c'est la race juive.
                Déprimée par les Orientaux et soumise à des lois restrictives qui lui rendaient la vie intolérable avant la conquête, la race juive a travaillé à son émancipation avec une ardeur sans égale.
                Elle a toutes les qualités que donne un état traditionnel bien défini et tous les défauts qu'une situation fausse peut engendrer.
                Douée d'une intelligence très vive d'une souplesse réfléchie elle s'est appliquée à gagner les bonnes grâces du conquérant sans perdre tout à fait celles du peuple conquis, qui pourrait, à un instant donné, reprendre possession de son pays.
                C'était une position bien difficile dans laquelle cette race s'est dirigée avec une habileté profonde qui prouve en faveur de ses facultés.

                Il y a quelque chose de lugubre dans ce tableau d'une fraction de la société qui a hâte de s'enrichir et qui, d'un moment à l'autre peut retomber dans le néant, broyée par la colère d'un peuple qui ne lui accordait ni pitié ni merci.
                Les Juifs possédaient, avant la conquête, le secret des transactions commerciales ; l'argent des Maures et des Arabes passait entre leurs mains, non à titre de prêt, la loi musulmane interdisant toute espèce de prêt à intérêt mais à titre de dépôt.
                Ils étaient greffés aux familles puissantes par ces dépôts et reconnaissaient les services qui leur étaient rendus par des cadeaux.
                Aussitôt que les Français eurent pris pied dans les villes du littoral les Juifs devinrent les auxiliaires indispensables des opérations commerciales.
                La race juive profita largement de l'occasion : initiée aux coutumes arabes, parlant la même langue, elle servit de truchement dans les relations qui s'établirent péniblement entre les vainqueurs et les vaincus.

                La France leur apportait la chose la plus précieuse pour leurs familles, la protection ; elle sut leur inspirer le sentiment le plus utile pour le libre exercice des facultés commerciales, la sécurité.
                Aucun lien ne les rattachait aux populations musulmanes qui les avaient opprimés pendant des siècles.
                Placés par les circonstances dans un milieu qui favorisait leurs instincts les Juifs se livrèrent avec ardeur à la spéculation et au commerce.
                Il faut juger cette race avec impartialité et sans se laisser influencer par les sentiments hostiles que lui avaient voués les Arabes.
                Elle a été d'une grande utilité pendant quarante ans et elle a été récompensée par l'assouvissement de sa passion dominante, l'amour des richesses. Habituée à fléchir devant l'orgueil des Arabes elle était tombée dans une atonie physique digne de remarque. Par contre ses facultés intellectuelles s'étaient développées en raison de la compression qu'elle avait subie.
                C'est une race tout à fait inoffensive qui s'est empressée d'accepter les usages français et qui s'étudie à effacer les distances qui existent entre elle et les Européens tant elle semble avoir horreur de l'état social auquel elle avait été condamnée.

                La famille est admirablement constituée la femme y est respectée à l'égal de la femme européenne, il faut dire qu'elle le mérite bien, car elle est très bonne ménagère et excellente mère.
                Les mariages mixtes ont été très rares en Algérie aussi la race a-t-elle conservé les caractères physiques qui leur sont propres.
                Les vieillards étaient maladifs voués aux ophtalmies lymphatiques ; les hommes jeunes ont une constitution plus saine et considérablement améliorée par les soins hygiéniques dont ils s'entourent.

                La jeune fille juive est assez belle et est élevée avec soin par des parents qui connaissent tout le prix de l'éducation sérieuse. L'existence de la famille est plus compliquée que celle des Arabes.
                Il n'est presque pas d'intérieur juif où l'on ne constate la présence de lits, de commodes, de tables de chaises, tandis que les Maures et les Arabes couchent par terre, sur des nattes ou des matelas et n'ont que des coffres pour tout mobilier.
                On trouve à Alger toutes les nuances de l'état social par lequel a passé la race juive.
                Il y a encore des vieillards qui portent le costume avilissant imposé par les Turcs, et il y en a, parmi eux, qui sont devenus millionnaires ; leurs enfants portent le costume européen.

                On voit encore des femmes coquettement parées du long foulard de soie à franges dorés, maintenu par une longue épingle ornée de brillants.
                Mais la majeure partie endosse peu à peu le costume français.

                Qu'ont-ils à regretter du passé ? Quel est le lien qui pourrait ramener leur imagination vers les temps de l'oppression ? Pourquoi donc y a-t-il des individus qui s'affublent ridiculement de turbans de vestes brodées et de ceintures que leurs pères n'ont jamais portées ?
                Les Juifs sont essentiellement commerçants, une timidité native les tient éloignés de la vie des champs et des occupations agricoles ; c'est sur le marché, en face des denrées d'échange qu'ils sont d'une habileté prodigieuse. Ils se préoccupent dès la plus tendre enfance de leur avenir et de celui de leurs parents ; ils se choisissent une profession et y sont très appliqués.
                L'économie, la parcimonie et la persévérance sont les qualités dominantes de cette race qui dépouillée des prérogatives que donne la puissance des armes, a cherché à se servir de celles que donnent le capital.
                C'est en cela qu'elle a montré une intelligence rare mais elle doit réfléchir sur les bienfaits que la France lui a apporté en Algérie, et ce serait un beau spectacle, consolant la dignité humaine, de voir éclater la reconnaissance dans de telles proportions que la race arabe elle-même fut obligée de s'incliner devant cet acte spontané de rédemption !

                Laissons, lecteur, la race juive moins intéressante pour le touriste que les races arabes, subir, comme la chrysalide sa transformation sociale.
                Dans dix ans il n'y aura plus un seul israélite qui ne parle français pas un seul qui ne s'affuble des oripeaux ridicules qui en font à la fois un objet de pitié et de risée. Elle aura gagné beaucoup en fréquentant nos écoles et en se familiarisant avec nos coutumes.
                En tant que race indigène, elle ne comptera plus, mais elle aura servi d'exemple à toutes les fractions du peuple juif disséminées en Orient.
                Elle aura surtout prouvé combien le génie de la France est tutélaire ! Revenons un peu dans cette Casbah où il ne suffit pas de jeter un coup d'œil curieux sur les étroites boutiques occupées par les Maures industrieux pour être au courant de se qui s'y passe.

                Levez un peu la tête vers ces étroites fenêtres grillées qui prennent jour dans une impasse ou dans quelque encoignure ruinée d'une maison mauresque ; à travers les barreaux vous verrez briller la frange rouge de ces délicats foulards dont les tisserands maures savent seuls harmoniser les couleurs.
                Deux yeux noirs bordés de koheul et rehaussés par des sourcils fabriqués au pinceau dardent leurs feux sur les passants et attendent, perdus dans l'espace, le jeune Maure à qui est réservée la fleur posée coquettement dans les cheveux.
                Ce n'est pas là la Mauresque de la famille, c'est la malheureuse qui n'a dans la vie d'autre occupation que la coquetterie d'autre satisfaction que des joies éphémères d'autre avenir que la misère.
                A ses heures elle descend voilée et indolente dans les rues de la basse ville puis elle revient au gîte à l'affût de quelque aventure qui lui donne le triste pain que le travail ne saurait lui donner.
                La misère des jeunes filles était telle, que le gouvernement colonial avait institué des ouvroirs pour les recueillir et les instruire.
                L'établissement de Mme Luce, situé rue de Toulon et celui de Mme Barhoile rue des Abderhamanes reçoivent plusieurs centaines d'enfants qui travaillent à ces fines broderies indigènes qui rappellent ces longs travaux de patience exécutés par nos grand'mères au coin du feu et qui se conservaient pieusement dans les familles à travers les générations.
                Les petites mains sont là appliquées et silencieuses sur ces beaux mouchoirs brodés, sur ces burnous soyeux qui protègent les blanches épaules des danseuses au sortir du bal ; elles diaprent de fleurs et d'arabesques ces coussins moelleux sur lesquels on n'ose se poser, crainte de les faner.
                Rien de plus attachant que cette œuvre morale entreprise dans le but d'arracher ces petites filles à la destinée fatale qui les attend.
                C'est par le travail qui charmait la captivité de leurs mères que ces enfants sont initiés à la vie de famille ; c'est dans ces ateliers de bienfaisance qu'elles sont recueillies et enlevées au vagabondage et réconcilient avec l'humanité. Quand on les a visités, on veut les revoir encore, et on a quelque peine à se persuader que les charmants ouvrages qui en sortent soient l'œuvre de ces petits êtres chétifs et malingres que la débilité ravage.

                Il y a beaucoup à faire pour une race qui s'abandonne elle-même, et c'est une œuvre essentiellement pieuse que de recueillir toutes ces petites filles de les instruire et de les moraliser.
                On trouve là, achetées par les directrices de ces établissements des tentures anciennes qui remontent à des époques reculées et qui servent aujourd'hui de modèles tant elles ont d'harmonie et d'éclat.
                La vie de la femme indigène se partage entre les soins du ménage, la visite aux cimetières et le bain maure.
                L'intérieur de ces maisons que l'aspect extérieur ferait prendre pour autant de prisons ne manquent pas de charme et d'animation.

                Les Mauresques sont d'une propreté extrême et ont dans leur intérieur un ordre parfait. La cour d'une maison mauresque est généralement pavée en marbre des caveaux sombres et voûtés l'entourent de tous côtés et il n'est presque pas d'habitation où il n'y ait une citerne ou un puits.
                Au premier étage sont les appartements qui servent à la famille et c'est sur les galeries intérieures protégées par une toiture plate soutenue par des colonnades qu'elles se livrent à toutes les petites opérations du ménage.
                La terrasse est le lieu de récréation et de délassement.
                Là, vers le soir, lorsque le soleil a disparu derrière le Sahel, elles vont respirer la brise qui vient rafraîchir la température et, accoudées sur la galerie extérieure, elles plongent leurs regards dans ce merveilleux tableau que l'horizon borne de ses brumes opalines. Au premier abord
                Les villes situées sur les bords de la Méditerranée ont un immense avantage ; elles permettent d'étayer les maisons de façon à ce que la majeure partie de la population puisse jouir du spectacle de la mer et recevoir la brise qui assainit les habitations et évite des promenades que le climat rendrait fatigantes et qui, d'ailleurs, sont peu dans les mœurs des musulmans.
                La disposition intérieure des maisons mauresques de la ville et de la campagne est partout la même.
                Ce sont des galeries à colonnades du plus précieux effet, et des fenêtres étroites garnies d'épais barreaux suffisants pour établir des courants d'air mais ne permettant point une curiosité indiscrète.
                Il existe encore dans Alger des palais que l'art moderne n'a point soumis à la restauration capricieuse qui bien souvent dénature sous prétexte d'embellir.

                Le palais du gouverneur est un bijou, dont le grand salon, à lui seul, fait oublier, à l'amateur de souvenirs mauresques, la lenteur des audiences.
                Il y a dans ces retraites à demi obscures, des armoires dont les portes sont des chefs-d'œuvre de menuiserie.
                Le plafond rouge et or est tout entier en boiserie, et sur les encadrements des murailles, grimpent des feuillages peints sur des faïences que Gênes, Livourne et Florence expédiaient aux pachas.
                Tout cela est d'un grand effet et quoique les couleurs paraissent un peu vives, l'œil n'en est nullement choqué. La bibliothèque de la ville, ancienne demeure de la famille de Mustapha-Pacha mérite une attention toute particulière.
                La demeure du premier président, celle du secrétaire général du gouvernement, le palais qui avait été réservé aux sous-gouverneurs permettent d'étudier l'architecture mauresque dans tous ses caprices et dans toute sa splendeur.

                Le principe de la construction mauresque est admirablement approprié aux mœurs orientales et répondrait à toutes les exigences de la vie confortable des Européens, mais il exige beaucoup d'espace pour satisfaire aux lois de l'hygiène.
                Si la ville d'Alger occupait une étendue quatre fois plus considérable, si à chaque maison mauresque était joint un petit jardin où s'épanouiraient les riches corbeilles de fleurs que le climat permet d'élever sans frais et sans précautions, ce serait la plus riante ville du monde, et Gênes, n'a pas de rivales pour ses terrasses odorantes, perdrait son prestige et sa royauté.
                Ce qui rend les maisons mauresques inhabitables pour les Européens, c'est l'humidité et l'obscurité des étages inférieurs ; c'est là une des causes de la débilité qui envahit les indigènes et les prédispose au lymphatisme et à l'éléphantiasis.

                Les familles maures ne bâtissent plus, elles s'entassent dans leurs anciennes demeures et subissent les effets de l'encombrement.
                Tout conspire à l'extinction de cette malheureuse population que ses traditions éloignent de nous et rendent réfractaire à nos coutumes.
                Il existe encore quelques demeures dont le cachet est resté complet et qui n'ont subi aucune transformation : elles sont fréquentées par des Arabes riches qui viennent des tribus et qui les conservent comme pied-à-terre ; il est à remarquer pourtant que les chefs indigènes préfèrent acheter des maisons mauresques dans la campagne afin d'y vivre tout à fait éloignés de notre curiosité et de notre contact.

                Quel est le voyageur, que les livres de Fromentin, de Feydeau, et les tableaux si gracieux de Regnault et de Girardin n'ont pas surexcité et poussé à pénétrer dans ce dédales d'impasses pour assister aux séances nocturnes et indescriptibles des Aissaouas ?
                Il faut avoir passé quelques soirées au milieu de ces danseuses lascives qui s'animent au bruit du tambour, du violon, de la mandoline pour connaître tous les détails de l'existence de la femme indigène.
                Qu'on se figure une cour mauresque toute bariolée de lanternes vénitiennes ; tendue de ces étoffes algériennes aux couleurs vives et garnie de tapis moelleux sur lesquels chaque danseuse vient à son tour faire admirer la souplesse de son corps et la moelleuse inflexion de ses membres.

                Il y a à Alger des danseuses en renom qui possèdent les traditions des almées à et qui figurent dans les N'bitas que des courtiers habiles organisent chaque soir pour la plus grande satisfaction des riches oisifs amenés par l'hiver sous ce beau ciel.
                Elles sont vêtues de riches costumes, de larges pantalons blancs, de vestes magnifiques, elles ont autour de la taille des ceintures brodées leurs pieds sont à peine comprimés dans des babouches délicieuses sur leur tête brillent des soltani enroulés de la chéchia.
                Sur leur cou s'étalent de longs et larges colliers de perles et de diamants, leurs bras nus ornés de beaux bracelets s'échappent de la large manche qui retombe gracieusement le long de la taille et leurs mains effilées aux ongles noircis soutiennent des écharpes soyeuses qui flottent autour de leur tête pendant qu'elles tournoient enivrées devant les spectateurs.
                La danse des Mauresques a beaucoup de caractère et agit voluptueusement sur le système nerveux.

                C'est la présentation des attitudes de Vénus livrée aux entraînements de la passion, et on ne peut assister à un semblable spectacle sans songer aux énervantes soirées qu'Aspasie (compagne et épouse de Périclès) réservait aux riches débauchés d'Athènes.
                Toute l'antiquité bachique se révèlent dans les rapides contorsions de ces jeunes danseuses, qui s'oublient dans leurs rapides évolutions et dont le talent consiste à interpréter les scènes les plus voluptueuses.
                La musique, lente d'abord et à un rythme cadencé s'anime à mesure que les gestes deviennent plus rapides ; puis elle acquiert une vivacité vertigineuse, jusqu'au moment où la danseuse épuisée et haletante s'affaisse sur elle-même comme si elle voulait disparaître aux regards du public.

                Autre chose est le spectacle étrange indescriptible qu'offre les Aïssaouas. Il faut avoir un système nerveux bien solide pour supporter la vue de ces charmeurs de serpents de ces espèces de derviches tourneurs et hurleurs qui se livrent à des exercices que la machine humaine ne peut supporter sans un ébranlement profond.
                Que penser après avoir vu à trois pas de distance un homme presser de sa langue un fer rougi à blanc, mordre à belles dents une feuille de cactus garnie de ces épines acérées dont la piqûre est venimeuse, sauter à pieds joints sur le tranchant bien effilé d'un long yatagan que deux individus soutiennent par les extrémités !
                J'ai vu de rudes compagnons que ce spectacle rendait fous et énervait au point qu'il fallait les emporter loin de ces infernales demeures.
                Les AÏsaoouas forment une secte comme les derviches d'Orient.
                Ils se rendent dans les maisons mauresques à des heures avancées de la nuit et chacun à son tour donne à l'assistance l'étrange vision d'une gymnastique qui n'est ni une danse ni une interprétation mais un symbole incompréhensible pour les Européens et sacré pour les affiliés.

                Il y a là des têtes à caractère : des nègres du Soudan qui font résonner de larges tam-tams, des joueurs de flûte qui tirent d'un simple roseau des sons cadencés et graves.
                Le bruit domine la scène et surexcite la fibre des contorsionnistes qui s'affaissent ruisselants de sueur les yeux hors de l'orbite et la tête violacée par la congestion.
                C'est le dernier degré de l'extase qui précède l'affaissement complet d'un organisme en délire.
                Nous avons dit que ces soirées-là sont indescriptibles et si nous nous sommes quelquefois égarés dans ces scènes bizarres c'était pour ne point rester étranger aux détails intimes de la vie orientale ; mais nous n'en sommes jamais sorti sans un ébranlement profond qui avait quelque chose du cauchemar.

                Lorsque la nuit on monte sur une terrasse de la basse ville et que l'on jette les yeux sur cette voie lactée qui brille sur un fond blanc jusqu'au sommet de la Casbah, on entend résonner le tambour du nègre et on perçoit les modulations caverneuses de la flûte arabe.
                On peut dire : Là se passe une scène d'Aïssaouas ; une gerbe lumineuse qui s'échappe d'une cour mauresque vous désigne le point où a lieu cette soirée diabolique.
                Si vous entendez des sons plus doux, l'harmonie stridente du violon ou de la mandoline, c'est une n' bita dont les émanations parviennent jusqu'à vous, emporté dans un cercle lumineux plus vif.
                Ici, des démons, là, des almées (danseuses qui chantent et dansent lors des mariages) les manifestations extrêmes du délire et de la passion chez un peuple qui a voué toute son existence au silence et à la résignation !

                Si la vue d'Alger, éclairée par un soleil de feu inspire au voyageur un sentiment d'admiration sans mélange, rien ne saurait rendre le charme des nuits rafraîchies par la brise qui se répand sur toute la côte du Nord de l'Afrique et fait oublier les chaleurs du jour.
                Quand vers minuit on sort du théâtre et qu'on respire à pleins poumons ces effluves bienfaisants qui viennent du large, on se demande pourquoi la vie de relations ne commence pas à la chute du jour pour finir à l'aube ou aux premiers rayons du soleil.

                Sous les arcades sur les bancs de la place du Gouvernement et sous les portiques des édifices publics on se heurte à chaque pas à une masse grisâtre étendue sur les dalles : c'est le biskri qui dort enveloppé dans son burnous, c'est un malheureux déclassé sans feu ni lieu qui économise là le gîte que sa bourse trop légère ne lui permet pas de louer.
                Il n'y a qu'Alger au monde où la nudité des petits vagabonds n'offusque point l'œil du moins sévère des moralistes ; il n'y a qu'à Alger où des milliers d'êtres puissent dormir dans les rues sans que la police ait le droit de les empiler dans des prisons infectes.
                On peut se promener la nuit sur le port sans que les marchandises courent le risque d'être pillées ; Il y a là des biskris et des négros qui s'étendent sur des sacs et font bonne garde.

                Les nuits sont calmes transparentes et, si, parfois vous êtes tiré de votre sommeil, c'est par la douce mélodie d'un guitarero espagnol chantant doucement de ces airs nationaux qui font rêver plus qu'ils ne fatiguent ou bien, par la voix du muezzin qui, vers trois heures de la nuit, fait entendre son appel à la prière du haut des quelques minarets encore debout.
                La vie bruyante recommence avec les premiers rayons du jour ; c'est l'heure où les jardiniers du Hamma et du Fort de l'Eau apportent leurs denrées sur la place de Chartres.
                Le gaz éteint ses mille lumières, la lune se cache et cette nature splendide reparaît avec des teintes plus vives ranimées par les vapeurs de la nuit.
                Il est impossible de rester quelque temps à Alger sans que la curiosité soit sollicitée par ses environs, et c'est presque une témérité à un auteur que d'entreprendre de les décrire.

                Il n'est pas de ville au monde qui possède une campagne plus florissante et plus digne d'attirer l'attention du touriste. La Mitidja, c'est la richesse c'est le luxe dans la voie agricole c'est l'avenir de tout un peuple ; Mais le Sahel, ce petit pâté montagneux dont la ville n'occupe qu'un point microscopique sur le versant méditerranéen, c'est le charme de la campagne avec toutes ses séductions.
                La flore des environs d'Alger ne peut se raconter dans un livre aride, plein de détails et de termes scientifiques, elle se perçoit par tous les sens : par ses yeux que cette éternelle verdure distrait et repose ; par l'odorat, que saisissent les effluves odorants dont l'air est embaumé.

                A peine les pluies d'automne ont-elles pénétré le sol que tout renaît et que la terre se couvre d'un immense tapis de verdure.
                Au mois de janvier, les amandiers et les pêchers fleurissent et le feuillage sombre des oliviers sauvage est renouvelé par des bourgeons d'un vert tendre du plus charmant effet : la clématite, le cytise (petit arbre remarquable grâce à la floraison de ses belles grappes de fleurs jaune d'or) et le jasmin s'enlace en touffes épaisses autour des vieux troncs moussus et laissent traîner dans les branches mortes leur épaisse chevelure et leurs grappes de clochettes élégantes.
                L'hiver c'est en Algérie la saison de la moisson des fleurs et des promenades interrompues seulement par les pluies torrentielles dont on ne peut d'ailleurs maudire l'abondance car elles versent sur la terre la promesse d'une fertilité prochaine.

                Les coteaux de Mustapha supérieur suffiraient à l'ambition d'une ville désireuse de conquérir le droit d'attirer les riches oisifs qui fuient les frimas de l'Europe, mais Alger a, par delà ce premier plan, des horizons qui ne le cèdent point à ce voisinage déjà si recherché.
                Lorsque l'on a dépassé le Jardin d'Essai dont o ne peut sortir sans être émerveillé tant il renferme de riches échantillons de la flore tropicale que l'art y a importés et que la nature y développe comme un enseignement on se trouve en présence d'une végétation qui ne doit rien de sa splendeur à la main de l'homme ; on pénètre dans ce ravin étroit et tout ombreux qu'on appelle le ravin de la Femme sauvage, et qui fait oublier le panorama que la mer encadre de ses flots bleus.
                Pendant une heure on se croirait dans une étroite vallée de la Suisse aux plus beaux jours du mois de juillet et on arrive à ce petit village de Birmandreis perdu dans une forêt de platanes sous lesquels les rayons du soleil ont de la peine à pénétrer.
                Pour peu que la curiosité encourage à suivre la route qui fait le tour du Sahel, l'œil émerveillé de ce fouillis de villages européens qui signalent les étapes de la colonisation et qui fortifient dans la pensée que la terre, bénie par le sang des conquérants a été deux fois conquise par la main du défricheur.

                Jusqu'à Douéra qui domine la plaine de la Mitidja on ne peut compter les fermes qui se sont partagées la terre inculte et qui ont modifié l'aspect de ces croupes jadis abandonnées aux lentisques et aux bruyères aujourd'hui couvertes de vigne et de belles moissons.
                L'aspect des villages d'un Sahel n'a ni l'étroitesse des villages de France ni le ton sale et grisâtre des hameaux qu'encombrent les fumiers et la boue ; ce sont des villages riants aux murailles blanchies qui tranchent sur une végétation sans cesse renaissante car l'arbre vert tient une large place autour des habitations.
                On ne songe point à demander compte aux vaillants travailleurs qui les habitent de ce qu'ils ont fait, on n'a qu'à le constater ; on leur souhaite de nouveaux aides et de nouvelles recrues pour compléter des centres si propices au développement des familles et à la prospérité du sol.

                Lorsque l'on revient de Douéra, dont la belle situation égale la salubrité, on se trouve sur un versant d'où l'œil embrasse tout à la fois l'immensité de la plaine et l'immensité de la mer.
                On se croirait aux environs d'une grande cité comme Paris ou Marseille et on s'étonne de rencontrer tant de maisons mauresques perdues dans tous les replis du sol abandonnées et noyées dans le développement sauvage des plantes grimpantes qui tapissent les murs comme un manteau qui cache la nudité et la misère.
                Le Sahel était littéralement diapré de charmantes habitations mauresques entourées de sept à huit hectares de terre parfaitement délimitées par des haies de cactus, d'aloès et de lentisques.

                Les familles maures vivaient dans ces retraites du produit de la terre, lorsque la conquête vint les secouer dans leur somnolence.
                Un grand nombre d'entre eux émigrèrent, d'autres vendirent à vil prix leur immeuble, d'autres enfin sont restés là, jetant, par les étroits judas garnis de barreaux un regard furtif sur le passant curieux qui se risque dans l'étroit chemin et défendant du mieux qu'ils peuvent cette bribe de leur héritage ce dernier trait d'union avec la terre natale.

                Rien n'est charmant comme ces promenades entre deux haies touffues où le soleil pénètre à peine et que le Maure défiant n'élague jamais tant il craint les regards indiscrets.
                Les aloès sont surchargés par les lianes grimpantes qui les enlacent et s'accrochent à leur aiguillons acérés ; entre deux palmes de figuier de Barbarie s'étalent de larges feuilles d'acanthe, de cyclamens, de scilles et d'hyacinthes.
                Toute une forêt de ces belles plantes vertes qu'en Europe on cultive pour l'agrément des salons et qui poussent là sans soin et sans art.
                Il vous arrive des odeurs pénétrantes qui font aimer la nature et par-dessus ces haies s'élèvent des bouffées de fleur d'oranger qui parfume une atmosphère déjà saturée d'émanations végétales.

                La journée se passe toute entière dans ces excursions qui laissent dans l'esprit des souvenirs ineffaçables et le lendemain on parcourt de nouveaux sentiers et on éprouve de nouvelles satisfactions.
                La campagne ne présente jamais un aspect absolument aride et jamais elle n'est dépouillée.
                Pendant l'été même la vigne s'étale comme un tapis vert, et protège la terre contre les ardeurs du soleil.
                L'arbre vert, le caroubier, l'olivier, le lentisque, le thuya et les sapins forment les abris protecteurs sous lesquels on peut, en plein midi, reposer en paix et sans courir le risque d'une insolation.
                La main de l'homme manque à la terre et l'on peut dire sans exagération que les environs d'Alger enrichiraient une population de travailleurs dix fois plus considérable que celle qu'on y rencontre.
                Ses tons changeants et ses grappes pleines de promesse.
                L'activité du colon est sans cesse sollicitée et il n'a pas plutôt terminé une récolte qu'une autre l'appelle et lui fait trouver sa tâche douce et sa propriété pleine d'attraits.

                Quand on a dépassé Ben-Aknoun et qu'on rentre par la route qui vient d'Alger à Chéragas on ne peut résister à l'envie d'aller sur le point culminant du Sahel qu'on appelle la Bouzaréa d'où la vue embrasse des horizons infinis et vers l'intérieur de l'Algérie et vers la lointaine Kabylie et vers le Nord d'où viennent, avec la brise, les nouvelles de la mère patrie.
                La Bouzaréa qui a une élévation de 450 mètres au-dessus du niveau de la mer, court de l'Est à l'Ouest à partir du Frais-Vallon et va s'incliner doucement en face de la baie de Sidi-Ferruch. C'est en la contournant que l'armée française soutint, en 1830, le combat de Staouéli qui décida de la prise de possession du Sahel.
                Quand on suit cette crête que bordent à droite et à gauche des ravins très accidentés, vrais nids à ruines mauresques, on a devant soi tout le panorama qui peut attirer et séduire le touriste. Le plateau du Sahel tout entier avec ses villages et ses fermes isolées dans les cactus, derrière la plaine de la Mitidja déployant sa courbe gracieuse ; à l'extrémité de ce long ruban de verdure et de moisson, le Chenoua et le pic des Beni-Menasser, le pendant du Djurdjura dont pourtant il n'a point l'élévation et la majesté.

                Lorsque la brume n'est point trop intense, on aperçoit le Tombeau de la Chrétienne (kober roumia) dont la désignation véritable est celle de Tombeau des Rois numides.
                Le lac Halloula, aujourd'hui en partie desséché n'apparaît dans le lointain que comme un miroir perdu dans l'herbe.
                Au loin, de l'autre côté de la plaine Blida, les Gorges de La Chiffa, El-Affroun, Mouzaïa puis à l'extrémité Marengo dont l'importance devrait être doublée car c'est cette ville qui commande l'immense territoire occupé par la colonisation.
                Celui qui voudrait assister à ce spectacle magique, auprès duquel s'efface le souvenir des émotions que le Righi le Faulhorn et le mont Cenis font naître dans l'esprit du voyageur n'a qu'à prendre l'omnibus de la Bouzaréa et à aller s'asseoir à quelques mètres au-dessus de l'église du village ; là abrité par les larges feuilles d'un vieux figuier, il pourra, tout à l'aise, contempler ce que ne peuvent concevoir ceux-là même qui ont visité les points les plus curieux de l'Europe.

                Je ne puis comprendre pourquoi la Bouzaréa n'a point encore acquis l'importance qu'elle mérite à tous les points de vue, et pourquoi le paresseux citadin s'arrête à ce charmant village qu'on appelle El-Biar et qui ressemble tant aux luxueux parterres qui entourent Paris.
                Au point de vue de la salubrité, la Bouzaréa réalise tout ce que l'hygiéniste peut ambitionner ; au point de vue de la production on peut y créer des exploitations complètes ; il y a de l'eau à profusion et l'élévation même de cette crête au-dessus du niveau de la mer en augmente le prix.
                La vigne y donne des vins déjà fort estimés et les arbres fruitiers de France y réussissent à merveille.
                L'influence de cette élévation se fait sentir sur les fonctions digestives et ceux qui ne peuvent supporter le climat chaud et humide de la plaine et de la ville d'Alger reconnaissent pour ainsi dire à cette altitude où règne le climat des plus belles contrées de France.
                J'ai toujours rêvé là, une maison de convalescence qui éviterait aux habitants de l'Algérie, fatigués par le climat, des déplacements onéreux et qui permettraient aux parents de surveiller les enfants languissants qui étouffent dans la ville et des faubourgs.

                Il y a dans ces ravins profonds de merveilleuses ruines mauresques qui donnent au paysage une animation toute particulière et qui prouvent le cas que les Turcs faisaient du climat de cette portion du Sahel.
                La saison d'hiver en Algérie commence avec les premières pluies, et le touriste peut étudier, en détail, les mille nuances de la vie orientale et les mœurs des populations indigènes qui grouillent sous ses yeux : les excursions sont faciles grâce aux larges voies de communication qui sillonnent tous les environs des villes. On est vraiment surpris qu'en si peu de temps, et eu égard à une population immigrante aussi restreinte, on ait pu réaliser tant de choses.
                On se croirait dans une contrée possédée depuis des siècles et que des luttes acharnées n'ont point ensanglantée.

                Alger est mieux apprécié à mesure qu'on visite les endroits avec plus de soin ; on comprend mieux à quel but tendent les sacrifices immenses qui l'on complètement transformée.
                C'est le débouché d'un continent, le point de ralliement et de concentration d'immenses intérêts encore mal définis, mais toujours croissants.
                Alger a pris la place de Carthage et aspire à sa suprématie ; ce n'est point une ville faite, c'est encore, malgré splendeur actuelle, une cité en voie de développement.
                Quand on se retrouve dans cette fourmilière de costumes bizarres de boutiques toutes chatoyantes de ces mille riens qui sont dus à l'industrie indigène on comprend le goût artistique d'un peuple à qui tout souriait : La terre, les fleurs, les femmes, le ciel.

                La vue de la campagne et de ces habitations solitaires où les Maures vont cacher leur patiente résignation, fait comprendre leur attitude dans ces étroites boutiques où ils entassent sans ordre et sans prétention les produits de leur lente industrie.
                Si vous entrez dans la boutique de Rayato ou d'Ali ben Samar, dans le bazar Sarlande vous êtes frappé du peu d'étalage qu'ils font de ces riches marchandises qu'ils reçoivent du Levant, de Tunis ou du Maroc.
                Ils ne hèlent point le visiteur par des phrases provocantes ; ils attendent gravement qu'on leur demande le prix du coffret incrusté de nacre, des tapis de Perse ou du miroir que l'on admire, ils laissent tomber de leurs lèvres un prix, et c'est tout ; achetez ou n'achetez pas ils se contentent d'incliner la tête respectueusement sans exciter le client par des détails inutiles.
                Cette attitude est celle que Théophile Gautier a signalé chez tous les marchands de Constantinople ; la dignité et la sobriété de paroles sont le caractère général des musulmans qui sont fort honnêtes dans leurs relations et dans leur commerce.

                Comment s'arracher au charme qui vous a gagné pendant les quelques mois qu'on a passés dans Alger ?
                Comment faire pour fermer la page qui équivaut à un adieu et comment retenir son émotion quand le bateau qui vous a conduit vers cette riante contrée vous reprend pour vous rendre à une famille que l'absence a rendu exigeante ? Faut-il fermer les yeux et ne plus regarder derrière soi quand on a la perspective de contempler une dernière fois ce magique tableau dont le souvenir ne s'effacera plus ?
                Toutes les séductions dont on a été entouré reviennent à la pensée et augmentent les regrets qu'inspire le départ et plus d'un voyageur attendri jette à cette plage, dans un dernier regard, le mot profondément triste qu'Ernest Feydeau jetait à ces riants coteaux de Mustapha : " Je voudrais mourir là ! "
La saison d'hiver en Algérie par le docteur Amédée Maurin (1873).

Le paludisme
Envoyé par M. Christian Graille
Dangers de la quinine

                 A voir la désinvolture avec laquelle la plupart des coloniaux absorbent la quinine on pourrait la croire une drogue inoffensive.
                 Il n'en est rien, et comme tout médicament réellement actif, prise à dose rationnelle, elle possède une action précieuse, à dose exagérée elle devient dangereuse, pouvant occasionner la perte de l'ouïe ou de la vue, même la mort.

                 Et point n'est besoin de risquer de s'empoisonner avec la quinine pour en obtenir les bienfaits, car en ce qui concerne le paludisme, on doit rechercher son action non pas sur l'organisme mais sur l'animalcule qui produit la maladie : elle est antiparasitaire.
                 Si l'on prélève par une piqûre quelques gouttes de sang à un paludéen, qu'on examine ce sang au microscope, il contient des hématozoaires ; il n'en contiendra plus après que l'on aura fait prendre de la quinine au patient, même à doses très faibles et sans action physiologique apparente.
                 Dans le laboratoire on obtient des résultats analogues. " Une solution même très faible d'un sel de quinine, mélangée à du sang qui renferme les hématozoaires du paludisme fait prendre aussitôt à ces derniers leurs formes cadavériques." (Laveran).

                 Par conséquent un paludéen doit prendre de la quinine, c'est aujourd'hui admis par tout le monde scientifique, mais il ne doit pas en prendre des doses formidables comme beaucoup ont tendance à le faire, car cela pourrait leur coûter cher (je pense à sa santé et non à sa bourse).
                 Beaucoup d'accès d'hémoglobinurie (fièvre hématurique) sont dus à l'usage abusif de la quinine.
                 Elle peut produire, à côté de cela les phénomènes suivants dont la gravité augmente avec l'élévation des doses absorbées. Les bénins sont des bourdonnements d'oreille, de la pesanteur de la tête, des vertiges pouvant empêcher la marche, des vomissements parfois incoercibles, puis des éruptions sur la peau, une véritable ivresse, analogue à l'ivresse alcoolique, avec embarras de la parole, démarche titubante, des hallucinations, des convulsions même des accès de folie, la diminution de l'acuité visuelle, l'abolissement de la perception des couleurs.

                 Quelques fois même le malade ne peut plus distinguer la lumière de l'obscurité, c'est la cécité absolue.
                 Enfin la quinine peut provoquer le ralentissement et l'arrêt de la respiration et du cœur. Et quand le cœur ne bat plus ...
                 Bien que la plupart de ces troubles ne soient que passagers et guérissent, ils peuvent laisser de graves lésions.
                 Il faut donc prendre de la quinine à doses suffisantes pour tuer les hématozoaires et insuffisantes pour détériorer l'organisme humain.

Dr J. Roger. Les clochettes algériennes et tunisiennes (11-01-1903)

NUITS DU BLED
Envoyé par M. Joachim Sardella

         Sur cette fin de jour tu jettes ton suaire,
         Que m'apportera-tu mystérieuse nuit ?
         je voudrais qu'avec toi je sente de la terre,
         Monter la fade odeur se mélangeant aux bruits.

         Lugubre est l'aboiement et l'oiseau qui hulule,
         Apportent en mon âme, profonds pressentiments,
         En peuplant mon esprit de diables noctambules,
         Qui troublent mon sommeil d'un long ricanement.

         Nuit du bled mon amie,
         Nuit du bled dernière nuit,
         Vient me bercer ce soir encor
         Pour chasser en moi les remords
         Etouffants

         Nuit du bled mon amie,
         j'écoute fort ce que tu dis,
         Me rappelant tous ces moments,
         Où je planais en attendant
         Le sommeil.

         Nuit du bled mon amie,
         Quand tu invitais dans tes bruits,
         L'oiseau nocturne, le chat huant
         Et les tristes plaintes du vent,
         Et ses sifflotements.

         Nuit du bled mon amie,
         En occupant mes insomnies
         Tu m'envoyais sur un ton fade
         L'écho lointain d'une rafale,
         Soudaine.

         Nuit du bled mon amie,
         Derniers adieux, nuit,
         En emportant tes souvenirs,
         Je te quitte car je dois partir…
         Ailleurs....

Joachim Sardella à Fetzara le 22 janvier 1960




Le naufrage du général Chanzy
Envoyé par M. Christian Graille

                 L'Algérie est encore sous le coup de l'émotion poignante que lui cause la catastrophe du Général Chanzy, perdu corps et biens au Nord de Minorque dans la nuit du 9 au 10 février.
                 C'est seulement dans la journée de vendredi, qu'après de mortelles heures d'angoisse, les parents et les amis des passagers furent mis en présence de l'affreuse réalité.
                 C'est par le survivant que l'on a connu la nouvelle.

                 Jeté par les vagues sur un rocher, tandis que la mer engloutissait le navire, Marcel Badez fut longtemps avant de reprendre ses sens, puis il erra à l'aventure jusqu'au moment où transi de froid, mourant de faim, il fut en vue du village de Ciudadella.
                 Aux habitants qui l'entouraient, il fit comprendre sa détresse, et les conduisit sur le lieu où la catastrophe s'était produite.
                 Un terrible spectacle s'offrit à ses compagnons.
                 Du beau navire qu'était le Général Chanzy il ne restait rien, sinon quelques épaves que le flot secouait.
                 A ces épaves étaient accrochés de lamentables restes humains que les rochers mutilaient.

                 Le paquebot qui avait quitté Marseille dans l'après-midi de mercredi à destination d'Alger avait été assailli aussitôt par une violente tempête.
                 Le commandant Cayol, vieux marin expérimenté, résolut de longer la côte espagnole jusqu'aux Baléares, puis de prendre la passe qui sépare Majorque de Minorque.
                 On présume que, poussé par le courant qui le fit dévier de quelques degrés, n'apercevant pas les feux beaucoup trop faibles, le vapeur se jeta à toute vitesse sur les rochers où il s'ouvrit et sombra.
                 Ce désastre coûte la vie à 100 personnes et plonge 200 familles dans le deuil.
                 La population d'Alger a fait son devoir comme elle sait le faire en toute circonstance.
                 Une souscription et des fêtes de charité permettront de secourir les veuves et les orphelins qui pleurent.
L'Afrique du Nord illustrée (10-02-1910).



Forêts en Algérie
Envoyé par M. Christian Graille
Le chêne liège

                 Le chêne-liège est l'essence dominante des forêts de l'Algérie, notamment dans les cercles de La Calle et de Philippeville.
                 On le rencontre également dans les gorges de la montagne de Mahouna, à 8 kilomètres au Sud de Guelma, dans l'Edough, à l'Ouest de Bône, dans les bois de Boudouaou et de la Chiffa près d'Alger, dans la forêt Moulaï Ismaël et dans les bois d'Emsila, aux environs d'Oran.

                 Les incendies qui passent à peu près périodiquement chaque année sur le sol de l'Algérie et détruisent en grande partie ou font disparaître complètement les autres arbres forestiers, en même temps qu'ils s'opposent à leur développement, semblent épargner le chêne-liège.
                 Cet arbre protégé par son écorce épaisse et peu conductrice de calorique, résiste bien plus longtemps à l'action du feu qui, néanmoins l'appauvrit toujours ou le calcine en partie.
                 Les chênes-lièges, en petit nombre, il est vrai, qu'une circonstance accidentelle a garanti, donnent la mesure du développement que cet arbre atteint et des beaux produits qu'on peut en espérer.

                 L'élévation moyenne des chênes-lièges de la forêt de La Calle est de 12 à 15 mètres et leur circonférence de 90 centimètres à 3 mètres, mesurée à un mètre du sol.
                 C'est dans cette localité et dans les régions plus élevées que cet arbre semble atteindre le plus de développement ; il vient en grande abondance dans les vallées et dans les massifs qu'il forme suivent généralement les lignes de fond des ondulations du terrain.

                 Le voisinage des autres arbres semble être préjudiciable au chêne-liège ; ainsi dans les places où d'autres arbres existent, son développement se ralentit.
                 Sur la gauche du chemin de La Calle à Aïn-Khiar, on trouve une portion de forêts dans laquelle cette différence de végétation peut être appréciée, car les chênes-lièges n'y sont pas très beaux, tandis que les chênes zens y sont prodigieusement développés.
                 A part quelques chênes-lièges dont les Arabes ont enlevé l'écorce pour faire des ruches à abeilles ou pour couvrir les toits de leurs gourbis en guise de tuiles, presque tous les arbres des forêts de l'Algérie portent leur liège vierge, ce qui est facile de reconnaître, car le liège vierge est situé longitudinalement, la superposition des couches concentriques est interrompue par des gerçures très prononcées, dont les bords sont usés par des intempéries.

                 Le liège de reproduction porte un caractère tout à fait différent : il est beaucoup plus uni extérieurement, son épaisseur est presque uniforme et il présente beaucoup plus d'homogénéité dans sa composition ; c'est du reste le seul qui soit estimé dans le commerce.

                 Le liège vierge sert à peine à quelques usages, et le premier écorcement dans une forêt de chênes-lièges est toujours une opération onéreuse pour celui qui l'exploite.
                 Le chêne-liège de la Calle se fait remarquer par sa consistance et la densité : l'écorce est fort irrégulière dans son épaisseur, parce qu'elle n'a pas été enlevée une première fois pour faire place aux suivants qui se régularisent et s'améliorent à chacun des tires ou récoltes successives.
                 Du reste le liège parait fin et serré ; dans certaines parties, il dépasse 5 centimètres d'épaisseur.

                 De tous les produits que l'on est en droit d'attendre des bois et des forêts de l'Algérie, le liège est, suivant toutes les probabilités, celui qui un jour offrira les résultats les plus importants.
                 Son utilisation augmente à mesure que ses usages se multiplient, et, sous ce rapport, la France se voit de plus en plus dans l'obligation d'avoir recours à l'étranger.
                 Déjà le gouvernement a saisi la nécessité d'utiliser les ressources qu'offre l'Algérie car il vient de faire quelques concessions à terme de forêts où le chêne-liège domine ; sous le climat africain une période de huit ans suffit à la reproduction du liège et lui permet d'atteindre les dimensions exigées dans le commerce (environ 28 à 32 millimètres)

                 La récolte annuelle des lièges de reproduction des forêts de La Calle, après la huitième année, ne s'élèvera pas à moins de 750,00 francs.
                 Le chêne-liège est un arbre dont les produits sont nombreux.

                 Tout le monde connaît l'utilité et les usages du liège proprement dit, usages qui prennent un développement en raison inverse de la production, aussi le prix augmente-t-il tous les ans.
                 Son bois est d'une contexture serrée qui le rend apte à différents emplois dans certaines branches d'industrie et notamment au charronnage.
                 Il est dur, ses veines sont rouges et d'une grande beauté mais il est difficile à travailler et il s'écaille quand il est poli.
                 Ce défaut tient probablement aux souffrances que fait éprouver aux arbres le feu que les Arabes mettent dans les herbes des forêts.

                 De nombreux essais ont été faits dans les parcs de construction du matériel du génie, d'artillerie et du train des équipages avec des bois extraits des forêts de La Calle.
                 Les timons de caissons et de prolonges que ces forêts ont fournies font remarquer par leur résistance et leur durée.
                 Lorsque le bois de chêne-liège a atteint le premier degré de dessiccation, il brûle facilement et tient au feu.
                 Ce bois dépouillé de ses écorces et soumis aux procédés ordinaires de carbonisation produit un charbon de carbonisation qui rend environ 8 à 19 % de son poids.

                 Jusqu'ici le chêne-liège a été exclu des constructions navales. La grande quantité d'acide tannique qu'il contient réagit sur le fer avec lequel il est mis en contact et l'attaque fortement.
                 Cet inconvénient est grave ; mais l'exclusion du chêne liège n'est pas sans appel, car actuellement on généralement un mode de chevillage qui offre plus de durée, et par suite plus d'économie.
                 En 1841, M. le maréchal ministre de la guerre ayant exprimé le désir de faire explorer les forêts de chêne-liège de La Calle par un ingénieur des constructions navales, M. le ministre désigna pour cette mission M. Kerris, qui à son retour fit connaître le résultat de ses recherches.

                 M. Kerris pense qu'il est impossible d'utiliser les chênes-lièges de La Calle pour les constructions navales :
                 1° parce que les dimensions de cet arbre sont généralement trop courtes pour qu'on puisse l'employer comme bossage
                 2° parce que la multiplication des usages du liège et l'accroissement de son prix font que les propriétaires et les concessionnaires des forêts auront profit à attendre quelques récoltes de plus, sauf à laisser périr l'arbre de vétusté, mais l'ingénieur maritime reste convaincu que le bois du chêne-liège, qui coûte moins cher et qui a une plus grande durée et solidité que le chêne ordinaire pourra être très facilement et très avantageusement utilisé pour la construction des principaux éléments du charronnage.
Th. Scribe, Administrateur-Gérant
L'Algérie courrier d'Afrique d'Orient
et de la Méditerranée (12-12-1845)


La loi des deux ans
Envoyé par M. Christian Graille

                  Les coloniaux qui siègent au Sénat et au Palais Bourbon font preuve, depuis quelque temps, envers nous d'une sympathie touchante, très touchante même puisqu'elle nous atteint profondément.
                  Les membres des anciennes législatures jetaient auparavant sur notre pays si éprouvé un regard de commisération et de pitié ; prenant part à nos infortunes, ils déploraient les crises qui amenaient la mévente des vins, la sécheresse qui ruinait le colon qui hier encore était si confiant ...

                  Or il paraît que tout est pour le mieux dans la meilleure des colonies.
                  Les criquets dévorent bien les vignes, pourtant les incendies des meules éclatent bien de tous côtés mais ce sont là des choses insignifiantes et les membres du Sénat ont pensé que l'Algérie, terre des privilèges, devait payer un impôt ... double et être ramené sous le régime de ... l'égalité.

                  Alors que la colonisation réclame des bras alors que l'on crée de nouveaux centres et qu'on les peuple à grand peine, le Sénat et la Chambre, nous disent les correspondants parlementaires des journaux d'information, vont voter, sans qu'une réserve soit faite pour l'Algérie, le service obligatoire de deux ans.
                  Les fils des colons qui, sous un soleil torride, font courir le soc de la charrue dans les champs arides, d'où des miasmes putrides s'échappent, les fils de colons qui voient leurs récoltes à chaque instant menacées par les intempéries de notre climat ne payent pas assez, paraît-il, l'impôt qui est dû à la civilisation.

                  Les attentats que journellement les indigènes commettent contre ces travailleurs laissent indifférents ceux qui ne connaissent en fait de production agricole que les primeurs et les bons vins d'Algérie dont leur palais sont si agréablement charmés.
                  La sueur de cette vaillante phalange de ces véritables pionniers de la civilisation le sang de ces malheureuses victimes des vengeances de fanatiques indigènes n'a pas assez arrosé le sol algérien ... puisque l'on veut les astreindre à passer deux ans sous les drapeaux, au nom de la civilisation.
                  On trouve que l'Algérien est privilégié puisque jusqu'ici il n'avait payé que ...minimement (sic) sa dette à la Patrie et pour faire disparaître ce fameux privilège, on obligera à servir deux ans et cela dans un but d'égalité qui ne peut échapper à personne.

                  Nous avouons qu'une partie de cette réforme nous surprend agréablement puisque nos frères de France bénéficieront d'une réduction qu'ils réclamaient depuis longtemps.
                  Voilà certes qui est du progrès ; mais vouloir parce que l'on réduit d'un côté augmenter de l'autre, voilà qui est loin d'être approuvé des Algériens lésés par une décision aussi inique.
                  D'ailleurs que d'arguments prêchent en notre faveur ! L'Algérien en une année peut faire un excellent soldat.
                  Il est bon tireur avant d'entrer à la caserne. Une preuve : Hier, notre concitoyen Surin, un élève de notre lycée était placé premier dans le championnat de tir entre tous les lycées de France et d'Algérie ... et toutes les années se sont des résultats identiques.

                  Les fils de colons sont habitués aux exercices du corps, ils passent leur vie en plein air et y acquièrent des muscles solides.
                  Enfin c'est un véritable crime que de vouloir combler d'un vide dont les résultats se feront hélas trop sentir, nos villages.

                  La terre manquera de bras, les vols, les rapines augmenteront assurés de l'impunité les indigènes sans crainte de la répression sévère et rapide dont on vient de nous doter s'en donneront à cœur joie.
                  Mais en outre c'est l'intérêt de l'Algérie qui est en jeu.
                  Or cet intérêt est lésé gravement.
                  En effet la période accomplie par les Algériens était en quelque sorte une prime à l'immigration.
                  Nos frères de France attirés par cette faveur justifiée dont nous retirions le bénéfice venait apporter ici le concours de leur intelligence et de leurs capitaux.

                  A quoi bon maintenant, si cette loi est votée, venir habiter sous un ciel peu clément et courir de nouveaux dangers ?
                  Enfin puisque la loi des deux ans va nous atteindre, pourquoi nous obligera-t-on à habiter dix années consécutives cette Algérie à laquelle nous sommes si profondément attachés .......

                  Et voilà les faveurs dont nous bénéficions la sympathie que l'on nous témoigne.
                  Pour servir la France il n'est guère besoin d'habiter deux ans la caserne et nos représentants sauront, nous en sommes certains, protester contre de pareilles violations qui, si elles voyaient le jour, porterait dans notre colonie si éprouvée la ruine et la désolation.

                  Que toutes les assemblées suivent l'exemple que les Conseils municipaux d'Alger et de Constantine viennent de leur donner.

                  Que les Algériens veillent, c'est une question vitale pour eux qui s'agite...

Les clochettes algériennes et tunisiennes (20-07-1902)


CENTENAIRE
De M. Jolivet


Notre Marianne

         Ce n'est pas à vingt ans, dans les " camps de la mort "
         Que Josette Molland pensait être centenaire !
         C'est, en ce jour, à Nice, cette ville qu'elle adore,
         Que Josette Ilinski fête cet anniversaire !
         Cent années ! Passionnée par l'amour de la France,
         Vos croix et vos médailles en portent témoignage !
         Petit soldat de l'ombre, entrez en résistance
         Pour sauver la Patrie d'un funeste esclavage.
         Quelles que soient les douleurs, les peines, les souffrances,
         Vous prenez tous les risques dès votre plus bel âge !
         J'ai eu l'immense honneur de croiser votre route,
         De prier avec vous, dans l'église du village,
         Pour croire en l'avenir et effacer le doute
         D'une France en déclin, triste et sans visage.
         Tous ensemble honorons l'artiste picturale
         Spécialiste des icônes, trésors de l'Art Sacré,
         Symboles de chrétienté et d'action pastorale
         Auxquels, durant des lustres, vous vous êtes consacrée !
         Je vous souhaite, chère amie, en ce quatorze mai,
         De poursuivre votre vie dans la joie, le bonheur.
         Heureux anniversaire, vœu que je vous transmets
         Au nom de tous unis. Pour vous, gloire et honneur !
        
Hugues JOLIVET
14 mai 2023          





Une chasse à la panthère
Envoyé par M. Christian Graille

                 A cette époque bénie où nous avions trente ans, des cheveux et pas de rhumatismes, nous chassions, mon ami le major L ... et moi dans les parages des Beni-Teuf-Teuf.
                 Nous étions devenus déjà presque célèbres parmi les naturels du pays et, de la source de l'embouchure de l'Oued-Hafaf, ainsi nommée, je crois parce qu'on se " rase" solidement sur ses rives, l'écho et les indigènes répercutaient à l'envie, nos coups de Martini. (fusils). Il faut dire qu'il y en avait de beaux.
                 On était en septembre. Depuis juin nous chassions, et il serait impossible de compter : les chacals, Lièvres, Panthères, perdrix et autres animaux féroces qui étaient tombés sous nos balles meurtrières.

                 Or ce jour-là, lequel, je ne saurais le préciser, mais il est certain que c'est un jour quelconque de l'année où nous nous trouvions, un indigène vint sous notre guitoune nous avertir qu'un " meneur " (panthère) était venu la nuit précédente enlever un mouton dans son douar.
                 Avec des chasseurs comme nous, l'affaire fut vite arrangée.
                 On prit rendez-vous pour le soir, et l'indigène nous promit d'amener le chevreau traditionnel devant servir d'appât.
                 Une fois seuls, nous causâmes naturellement animaux féroces. Mais de grâce, cher lecteur, ne craignez pas que j'ose venir, après Bombonnel et tant d'autres Nemrods (chasseurs passionnés) émérites, vous ennuyer avec le récit d'une chasse au gros chat.
                 Car, ne vous en déplaise, la panthère n'est qu'un gros chat, pas plus.
                 Vous savez du reste que mon habitude n'est pas de marcher sur les brisées d'autrui, et que pour réveiller mes sens blasés je tâche de dénicher quelque chose de " pas banal ".

                 Le major se mit tout d'un coup à réfléchir profondément, puis bondit tout droit se frappa le front et pareil à Archimède s'écria en Français : " J'ai trouvé ! " ...
                 Et le voici à farfouiller dans la caisse à médicaments qu'il emportait toujours avec lui. Et tout en bouleversant la pharmacie, il monologuait : " Nom d'un chien ! Z'allez voir ! ... Pas ordinaire cette chasse " ... Après avoir mâchonné quelque sacré nom de nom, il se dressa et brandit triomphalement à mes yeux deux fioles bouchées à l'émeri.
                 L'une contenait un liquide jaune qui me parut être une sorte d'huile.
                 Dans la seconde étaient renfermés des morceaux cristallisés d'une substance incolore assez analogue au sel de cuisine.

                 " Ah ! s'écria-t-il, la voilà, ma panthère ! ... S'il vous plait ? ...

                 Non, pas tout à fait, reprit-il en riant, mais enfin le moyen de la tuer ... et plus sûrement qu'avec une doum-doum. Ah, ah ! avec ces deux petites bouteilles ?
                 Parfaitement ! .... Celle-ci contient ... mais à quoi bon ... vous n'y comprendriez rien ! ... Merci. Et puis vous aurez la surprise "...
                 Pourtant, je me promis bien, malgré l'assurance de mon ami le major, d'emporter mon Martini avec une bonne balle explosive dans chacun de ses canons.

                 Lui continuait ses préparatifs. Il alla couper à un tamarinier voisin, une baguette bien droite et fixa à l'un des bouts un gros tampon de coton ouaté.
                 Il prit ensuite un verre, y versa le contenu d'une autre fiole un liquide incolore et jeta quelques cristaux que je croyais être du sel de cuisine.
                 " Vous vous êtes fait mal ? lui demandai-je.
                 Pourquoi çà ?
                 Dame ! vous préparez de l'eau salée ...apparemment pour vous mettre une compresse sur une ecchymose " ...

                 Nous étions seuls, sans causer, sous la lune qui nous montrait à quelques pas de nous le chevreau attaché à son piquet.

                 Enfin que vous dirai-je. L'animal arriva, le major vivement arrosa son tampon du contenu de la fiole et bravement s'en alla le ficher sous le nez de la panthère.
                 Un rugissement, un bond je perdis mon sang-froid, je pressai la détente.

                 Plus rien ! Je m'avance et j'entends : " eh !... Dites ...retirez-moi de dessous cette grosse bête ... elle m'étouffe ! " C'était le major.
                 J'accourus et tout tremblant : " vous n'êtes pas blessé lui dis-je.
                 Non mais vous avez tiré à temps. "
                 Je respirai. Je l'aidai à se dégager, puis " ne m'en veuillez pas d'avoir tiré ... c'est parti malgré moi ... j'avais perdu la tête ; çà ne vous a pas empêché de viser juste ... elle n'a pas dit ouf ! " ...

                 En effet, je l'avais arrêtée nette d'une balle entre les deux yeux. " Sans vous, continua-t-il j'étais frit ! ... j'ai vu le moment... Mais votre moyen ? ...Raté mon cher ... ah ! que vous avez bien fait de prendre votre fusil ... N'est-ce pas ? .... Mais voyons, notre truc ? ... Eh bien, voilà ! après ce que vous avez fait pour moi, je puis bien vous l'expliquer ... quand même que vous ne comprendriez pas. "

                 Nous nous assîmes près du cadavre et il commença : " la substance dont j'ai enduit ceci, finit-il en montrant son tampon, c'est du cyanure de mercure dissous dans l'eau. Et ceci ajouta-t-il en montrant la fiole vide, renfermait de l'acide chlorhydrique. Alors vous saisissez ? ... Pas bien ! ... Mais si, c'est clair...je verse mon acide sur le cyanure, il se forme du chlorure de mercure et de l'acide cyanhydrique ! ... Et puis ! ... Et puis, mais c'est un acide très dangereux, voyons ! ...et vous savez bien que ses inhalations sont mortelles ... Ah ! je comprends, vous vouliez asphyxier la panthère ... Si vous voulez " ...et levant les yeux au ciel : " il appelle çà asphyxier ! ... Alors ça n'a pas pris ? ... Eh ! non ... la réaction n'a pas été assez subite ... pourtant j'ai réussi .... sur des lapins ... autrefois.

                 Notez ami lecteur, que je vous redis une histoire qu'on m'a conté. Car je n'ai jamais pu, même à trois pas, au régiment, mettre une balle dans la cible ! ... Et il m'arrive parfois, tellement je suis myope, de moucher mes voisins, croyant effectuer cette opération sur moi-même.

Zampa . Les clochettes algériennes et tunisiennes (29-03-1903)


Conte de Noël.
Envoyé par M. Christian Graille
Conte arabe

          Voyez-vous le petit moutchatchou qui sort à l'instant de la ferme ?
                  Sous son burnous de laine que la neige a un peu blanchi frileux grelottant les jambes nues dans l'eau qui gicle sous ses pas, comme sa petite figure est souriante !
          Dans ses menottes contre sa cachabia entr'ouverte, quel est donc l'objet si précieux qu'il serre avec tant de joie que ses yeux couverts avec tant de délices ?
          Est-ce un morceau de pain blanc, mieux encore, un gâteau peut-être ?
          Mais non, c'est une manne noire, du cuir usé, un soulier un vieux soulier qui depuis longtemps traîne dans quelque placard et qui fait aujourd'hui le bonheur du petit mesquine.

          Depuis le jour, accroupi près de la porte, sous la brise âpre et sifflante, disparaissent presque sous la neige qui tombe en larges flocons mousseux, il a attendu implorant.
          De toute la passion de sa jeune âme fataliste, il s'est obstiné ; il s'est obstiné dans sa demande timide, qu'il a répété d'un air plus monotone et plus triste chaque fois qu'une rafale l'a fait frissonner.
          Et maintenant le voilà qui disparaît radieux, vite, vite sur ses petites jambes grêles.
          Derrière la ferme, semblant se resserrer sous la neige comme pour chercher à se réchauffer entre eux, sont groupés les gourbis et les tentes.
          C'est dans un de ces pauvres abris, où le froid pénètre toujours et quelquefois la pluie, qu'est entré Omar le petit moutchatchou, Omar avec son soulier.

          L'hiver, cette année est particulièrement rigoureux. Toute la journée il a neigé, puis sur le soir une accalmie a succédé au mauvais temps : maintenant les champs couverts de neige reflètent les rayons de lune qui de temps à autre filtrent à travers un nuage moins épais.
          Aussi loin qu'il cherche à percer ou à deviner, l'œil ne peut rien découvrir sur l'interminable plaine blanche où s'estompent seulement dans un vague lointain quelques petites collines.
          Sous cet éclairage lunaire, que la neige rend plus éclatant, pas un arbre pas une haie dont le relief distrait le regard. Rien que la plaine, la vaste plaine du Sersou, mer de neige en hiver mer de blé au moment des moissons !
          Par de là les murs de la ferme, la lumière se diffuse vaguement. C'est Noël ! Et l'on veille ce soir. Aussi les rires éclatent joyeux troublant par instant le silence majestueux de la plaine endormie.
          Peu à peu cependant ils se font plus rares plus discrets. Dans un murmure confus de voix qui s'éteignent, la lumière décroît puis disparaît.
          Depuis longtemps, les petits se sont mis au lit, plein d'un espoir chaque année satisfait et toujours plus, neuf cependant.

          L'an dernier déjà, avec quelle joie délirante ils sont allés montrer leur récolte de joujoux au petit Omar ébahi ! Demain leur joie sera sans pareille.
          Pour le moment ils dorment sagement, poursuivant un rêve fantasmagorique où s'entrecroisent les poupées parlantes dans des ménages éblouissants et des soldats de plomb sur des chevaux de bois.
          Dans les gourbis abritant les ouvriers, rien ne luit aucun bruit ne se révèle.
          Las du travail de la journée, recroquevillés sous le vent coulis qui les glace, ils reposent.

          Tout dort désormais. Pourtant le coin de la tente s'est soulevé ; lentement, en silence, une ombre se glisse. A pas feutrés sous la neige qui crisse légèrement ; la voyez-vous qui, méfiante se dirige vers ce bâtiment ruiné dont il ne reste qu'un morceau de toit et une cheminée qui se dresse lamentablement.
          Un voleur peut-être ou quelque amant mystérieux qui va à quelque rendez-vous nocturne. Non l'ombre est trop petite, Omar qui sous son burnous semble cacher quelque chose.
          Un chien, du gourbi voisin a hurlé ; aussi se presse-t-il maintenant ; il court, il court, bientôt ce n'est plus qu'une ombre allongeant sur la neige le sillage des pas ; puis, plus rien ; l'ombre a disparue ; Omar est entré dans la maison en ruines.
          Que faisait-il dans cette bâtisse écroulée ? Que peut donc cacher cette maison en décombres pour que, sui tard et par ce froid intense, il déserte ainsi le gourbi paternel ?
          Ouverte à tous les vents par ses murs délabrés à la pluie par son toit entrouvert, cette bicoque est un abri plus piètre encore que la tente familiale.

          Pourtant, Omar ne revient pas ... Près des gourbis, le chien s'est tu .... La neige qui tombe de nouveau recouvre bientôt la trace des pas.
          La plaine a repris son silence et refait son uniforme tapis blanc.
          Au premier rayon du jour qui a filtré à travers les persiennes closes, les petits roumis ont sauté à bas de leur lit. Vite ils ont couru à la cheminée où hier ils ont mis leurs souliers, cirés de leurs propres mains.
          Et tandis que la maison retentit de leurs cris de joie, dans le gourbi de Kaddour des femmes se déchirent le visage et se lamentent.
          Au matin, quand le père est sorti pour donner la nourriture aux bêtes ; il n'a plus vu à son côté le burnous de son moutchatchou.

          Il a cherché et appelé en vain et quand enfin il est entré dans la maison délabrée, il a trouvé le petit Omar assis sur la terre humide et tout recouvert de neige.
          Ses yeux avaient pleuré de froid et de chagrin ; grands ouverts ils fixaient dans la cheminée à demi effondrée un informe soulier où, pour lui, n'était descendu aucun joujou.
          Kaddour n'a pas compris ; mais ce matin, dans le bleu Paradis, papa Noël a guidé devant Jésus un petit maure qui n'était pas un roi mage, qui n'avait avec lui ni or ni myrrhe ni encens mais qui apportait en présent un vieux soulier de Noël.
V. Berger-Vachon. Alger Etudiant (16-12-1922)


Alger 30 septembre
Envoyé par M. Christian Graille

Correspondance particulière
du journal de l'Algérie

                 Il n'est bruit ici que de la colère de M. le maréchal Bugeaud contre le traité du Maroc. En apprenant les conditions du traité il a écrit, dit-on, à Paris des lettres où il a franchement exprimé son opinion.
                 C'est vraiment que vous avez réclamé contre le marteau de nos démolisseurs.
                 La gracieuse coupole de la mosquée tous ces charmants produits de l'architecture mauresque, tout tombera sous les coups de nos maçons.
                 Dès que la nouvelle façade de l'église sera élevée avec ses clochetons, son perron, son porche, la pioche et le marteau reprendront leur œuvre de démolition.
                 C'est là, assurément, une des plus grandes fautes qu'on ait commises à Alger. N'aurait-on pas pu trouver un terrain plus vaste et moins cher pour élever une cathédrale ?
                 N'y a-t-il donc pas parmi les hommes qui dirigent à Paris les affaires d'Algérie un cœur d'artiste qui ait pu empêcher ce vandalisme ?

                 Le service des eaux et égouts me paraît mal ordonné.
                 Il n'y a pas de jour où l'on ne se batte aux fontaines d'Alger pour s'y disputer un filet d'eau ; il n'y a pas de jour où la circulation ne soit arrêtée en ville pour cause de réparation des égouts. Jusqu'ici on n'a pas exécuté on n'a pas même projeté un travail d'ensemble pour cette branche si importante de l'hygiène publique ; on s'est borné à rapiécer tant bien que mal les conduits et les égouts faits par les Maures.
                 Il est temps, cependant, que l'on songe à améliorer cet état de choses.
                 Le faubourg Bâb-Azzoun, bientôt plus grand et plus populeux que la ville d'Alger, n'a encore : ni pavés, ni égouts, ni fontaines.

                 Bientôt du reste, le port, de jour en jour resserré par les travaux du môle ne pourra plus recevoir, sans danger pour la santé publique, les immondices que les égouts y entraînent.
                 Tout concourt donc à appeler l'attention de l'autorité sur ce point important.
                 On parle d'établir quinze villages au pied des montagnes qui limitent la Mitidja, depuis Blida jusqu'au Fondouk.
                 L'administration a, dit-on, des demandes de concessions qui dépassent l'étendue des terres de ces villages.
                 Cependant, jusqu'ici les villages déjà fondés sont loin d'être en prospérité.
                 Une grande misère règne dans ceux du Sahel et de la plaine. Les colons semblent découragés.

                 D'un autre côté la liquidation des expropriations anciennes n'avance pas ; les anciens propriétaires n'ont encore reçu aucune réponse à leur juste demande d'indemnisation.
                 On parle bien de remplacer les propriétés anciennes expropriées par des terres nouvelles, mais comment se feront les échanges ; sur quelles bases auront-elles lieu, qui tiendra la balance entre les expropriés et les expropriants ?
L'Algérie courrier d'Afrique, de l'Orient
et de la Méditerranée (06-10-1844)



ALGER ETUDIANT

N°192, 1931
Source Gallica

Par Edmond DESPORTES

      D'une chiquenaude sous le paquet, Mascarro fait sauter une cigarette...
      - On descend sur la Place... ?
      Il vide son verre et il essuie la lèvre dit revers de la main qu'il a noire et gonflée comme un joueur de pelote.

      On descend. Il a plu, hier. Les villas, dans le vert, sont pleines de cris et d'aboiements. Maintenant le soleil fait revivre tout ça.
      Les femmes, les gosses. Et aussi les chiens, les arbres, les guêpes, les sentiers qui sentent bon le pollen, les vieux murs hantés de tarentes, et les jardins avec leur odeur de terre qui reste sur la langue...
      -- Tu oublieras pas d'emporter des citrons, dit Mascarro.

      Des senteurs de fraesias courent dans l'air comme un printemps.
      Des toits rouges dans le vallon et des murs blancs. Des chiens se répondent.
      - Regarde ça, dit Mascarro, si ça se construit...
      Et il montre la colline. C'est ça, pour lui, la vie. Des échafaudages dans la verdure, des pierres de tuf dans les champs, des chargements de briques au long des sentiers, l'odeur du ciment. Il tient ses mains ouvertes à cause des doigts qui sont trop gros et de la corne qu'il a dans les paumes. Il les tend vers l'horizon...
      - Ça travaille !...

      Et en disant cela, il remonte son pantalon des deux mains d'un geste machinal. Par habitude, bien sûr, parce qu'aujourd'hui c'est dimanche et qu'il s'est habillé. Des bretelles, une cravate, un feutre.
      La Place, c'est devant le café.

      Pascal est là, qui nous attend.
      Il y a aussi le fils Pascal et d'autres qu'on ne connaît pas.
      - On est huit, crie Pascal, et voilà les boules.

      L'inconnu, on l'appelle maintenant le Parisien parce qu'il ne sait que crier et donner des conseils et qu'on n'entend que lui...
      Et plombe ici, et fais ceci, et fais cela..
      - Et va de là, dit Pascal, si je prends la rigole je m'en vais à Chéragas...
      - Où Chéragas ? Plombe ici, sur mon pied, je te dis. Ta boule morte...
      - C'est le point, dit Mascarro...
      - Si elle touche le bloc ici, c'est le point...
      - Mais si elle touche pas, dit Pascal, elle s'en va à la mer...
      - T'occupes pas... Laisses qu'il joue à son idée...

      Le fils de Pascal a quitté lui aussi sa veste et retroussé ses manches sur les bras durs...
      - Si c'est pas malheureux de se ronger les foies pour boire une anisette...
      - Qu'est-ce que tu crois que je joue pour I'anisette ? C'est pour la distraction quoi... Histoire de passer un dimanche...
      - A toi, dit Mascarro. Tu fais les pas à droite, et rien que tu laisses tomber ta boule. Bessif elle prend le point.
      La boule heurte un caillou, suit une rigole, ralentit un moment sur un tertre, écrase un brin d'herbe, prend la pente, repart...

      Nous, on est derrière à la suivre et à la conseiller. Et Pascal qui fait de grands gestes comme pour ouvrir l'horizon, et l'autre qui s'est mis à quatre pattes devant la boule et qui souffle dessus...
      - A la Pointe-Pescade elle s'en va... estime Mascarro.

      Le fils siffle comme on fait dans les T.M.S. pour arrêter un tram...
      - Tiens bon !
      - Aouatt ! Mainnant elle a pris la pente, qui c'est qui l'arrête... ?
      - Tiens bon... !
      - Qu'est-ce que ça sert de gueuler comme ça, dit le vieux, le point c'est pour nous autres et c'est pas pour un autre et le Bon Dieu il l'enlève pas...
      - Elle va s'arrêter dans l'herbe.
      - Quelle herbe ? dit Mascarro.
      Mieux tu vas tout de suite la chercher à la Place du Gouvernement... !
      - Quand même, répète le fils, on s'est bien cassés. Et tout ça pour une anisette de quinze sous.

      Après, c'est Mascarro qui a joué. Lui, on n'oublie pas qu'il a enlevé la bouteille de Phénix au dernier concours, celui que Miguel d'El-Biar avait doté de 200 francs parce qu'il voulait être conseiller et que ces choses-là, c'est toujours question de politique...
      - Je pointe, dit Mascaro. Obligé...
      Il met la boule à la hauteur de l'oeil, saute trois fois sur ses jambes courtes et lance le bras avec un han de poitrine.
      - C'est la bonne ! dit Pascal.
      - A moins qu'il fait un ravage....
      - Attention les têtes qu'elles ont pas d'os!... lance le fils qui veut faire le malin parce qu'il y a une jeune fille qui traverse la place...

      La boule retombe, enlève tout.
      - C'était droit, constate Mascarro.
      - Alors cadeau... concède le Parisien.
      - Cadeau, dit le fils. Mais on bouge de là, ça manque de donzelles...
      On prend les vestes...
      - Tu comprends, dit encore Mascarro, le jeu, il était clair. Si tu prenais la rigole, avec ta boule morte...
      - Va, va faire des cages, dit Pascal qui n'est pas de cet avis...

DESPORTES.





PHOTOS de MADAURE
Envoyées par Groupe de voyage Bartolini






















TOUT VA BIEN
De Jacques Grieu

     
Ce matin, au réveil, après un doux sommeil,
C'est la sérénité, je me porte à merveille.
J'allume la radio pour prendre les nouvelles :
Ecouter les infos, il n'y a rien de tel,
Pour " être dans le coup " et vivre avec son temps.
Il est bon de savoir quels sont les incidents.
Pour l'instant, " tout va bien " aurait dit la marquise
Qui était d'une époque ignorant toute crise.

De fait, il y aurait " danger de pollution ",
Indique le speaker qui, comme solution,
Conseille de " marcher sans ménager ses pas ".
Mais attention aussi à " l'alerte attentat " !
Vigipirate est-il encor d'actualité,
Quand les " parcelles fines " attentent à nos santés
Que persiste un virus obligeant vous et moi
A rester vigilant dès qu'on sort de chez soi ?

Il y aurait aussi " alerte innondations "
Martèle " France-info " avec répétitions.
Le risque sécheresse n'est plus d'actualité
Et dame météo veut bien nous l'assurer.
Par contre, un tsunami du côté des " Tonga "
Dans tout le Pacifique, va faire des dégâts.
A part ça tout va bien : le PSG recrute
Et l'équipe de France est prête pour la lutte.

Il y a bien parfois quelques voix de grincheux
Qui se lamenteraient sur des constats piteux :
Déficits commerciaux, du budget, d'EDF
De tous les hôpitaux, de la SNCF...
Notre école régresse en toutes les matières,
Et notre PIB, par Français, est à terre.
A part ça, tout va bien : la cuisine française
Reste bien la meilleure avec sa mayonnaise...

Mais le pétrole monte, et le fer et le bois
Les pâtes et le riz, comme les petits pois.
La dette qui explose est-elle une menace ?
Les retraites sont-elles enfin hors de l'impasse ?
Questions pour alarmistes ! Propos de défaitistes,
Puisque le CAC 40 , à la bourse, résiste !
Pour l'instant, tout va bien. Et nos jeux olympiques,
Seront, on en est sûr, un succès historique.

Des pessimistes obtus parleraient d'inflation ?
Des bruits de bottes sont dans les conversations ?
La France rabougrie aurait perdu dix places
Au top vingt des nations où ses atouts décroissent ?
Nos licenciés en lettres écorchent la grammaire ?
Les GAFA ont croqué tous nos publicitaires ?
Heureusement, on a de bons économistes !
" Tout va bien " nous ont dit ces plus fins spécialistes.

La France est le pays où l'on " bosse " le moins ;
" Le déclin s'accélère " ? Mais je ne le crois point !
Une idée, tout à coup : Coué au moins, est Français ?
Celui de la Méthode, un génie, comme on sait.
On pourrait l'exporter, la vendre au monde entier,
Redressant la balance avec ce grand surdoué !
" Tout va bien, tout va bien ", chantons-le tous en chœur,
" Tout va bien, tout va bien ", et nous n'aurons plus peur !

Jacques Grieu                  



LE NAUFRAGE DU BORYSTHENE
Autorisation de M. Claude Rabault
du site Archéologie sous-marine, les Epaves et naufrages en Manche et Atlantique (archeosousmarine.net)
Envoyé par M. P. Barisain
Le naufrage du paquebot BORYSTHENE

BORYSTHENE ex BRASILEIRA (1855)
Paquebot (1853-1865)
  
L'île Plane, Oran
Erreur de navigation, le 15 décembre 1865


Le naufrage du BORYSTHENE (l'illustrateur a dessiné un vapeur à aubes, alors que le navire était à hélice)
Caractéristiques

         BORYSTHENE paquebot à vapeur, une hélice en fer de 1.158 tonnes, 75 m x 8 m, sa machine compound 2 cylindres lmachine verticale à engrenages de 250 NHP, lui assure une vitesse de 10 nœuds.
         Il est lancé le 3 avril 1853 par John Laird à Birkenhead, pour la South American & General Steam Navigation Co, sous le nom de BRASILEIRA (ou BRASILIERA), affecté à la ligne du Brésil. Le BRASILEIRA a été achevée à temps pour démarrer le service le 24 août, 1853, sous le commandement du capitaine Green, il a rencontré une violente tempête dans la Manche, mais est arrivé à Lisbonne en moins de cinq jours. Il devait faire escale à l'île Saint-Vincent Cap-Vert pour ravitailler en charbon, mais en raison du mauvais temps il a continué vers Pernambuco, où il arrive le 12. Il arrive à Rio de Janeiro le 24 septembre. Ce vapeur a effectué 12 voyages en Amérique du Sud, et mérite des éloges pour être le pionnier dans ce domaine.
         Il est racheté en décembre 1854 par les Messageries Impériales. Il participe à la guerre de Crimée. Il fait sa première croisière pour cette compagnie, le 7 janvier 1856 à destination d'Istanbul sur la ligne du Levant qu'il alterne avec la desserte de l'Algérie et de la Tunisie à partir de 1860. Il est totalement affecté sur cette ligne Algérie -Tunisie, en 1863.
Le naufrage

         Il appareille de Marseille, le 13 décembre 1865 à direction d'Oran. Le 15 décembre à moins de cinq milles du port, c'est le drame, comme en témoigne le récit de presse ci dessous :





  
Ile Plane aujourd'hui         Vestiges du Borysthène
(photos Tarik Mokhtari)
  
Vestiges du Borysthène (photos Tarik Mokhtari)

  
Vestiges du Borysthène (photos Tarik Mokhtari)

         Dans une lettre adressée à sa famille, l'aide-major Vérette, passager à bord et échappé au désastre, a fait de cette scène émouvante la narration qu'on va lire :
         "Le commandant du navire nous assura qu'entre dix et onze heures du soir nous arriverions à Oran. Grande fut notre joie, car c'est vraiment bien triste de ne voir pendant deux grandes journées que le ciel et l'eau; et puis ce mouvement perpétuel du navire vous fatigue et vous ennuie; on soupire après la terre. Ce Au dîner, il y eut beaucoup de gaieté. A huit heures, on bouclait ses sacs de nuit pour être plutôt prêt à débarquer. A neuf heures et demie du soir, nous étions encore sur la dunette, à causer. La mer devint tout à coup plus mauvaise. J'allai me coucher, mais le roulis m'empêchait de fermer les yeux; je m'en plaignais à mon voisin, qui ne me répondit pas; il dormait comme un bienheureux. Je sommeillais cependant depuis environ une heure, quand j'entendis une voix crier : "Stop, nous sommes dessus, machine en arrière vite." Puis le bruit sourd de l'hélice cessa de se faire entendre. Le bâtiment sembla s'arrêter, on courait sur le pont. Allons, allons, dis-je à mon voisin, nous sommes arrivés, nous entrons dans le port, on manœuvre en haut. Tout en disant cela, et comme saisi d'un vague pressentiment, je saute à bas de mon hamac pour monter sur le pont.

         Au même instant, un craquement terrible, indéfinissable, se fait entendre, accompagné de secousses si violentes que je tombai à terre. Puis j'entends un matelot qui crie : " Mon Dieu! Nous sommes perdus, priez pour nous !"
         Nous venions de toucher le rocher et le navire s'entrouvrait. L'eau entrait dans la cale, on l'entendait bouillonner. Les soldats qui couchaient sur le pont se sauvent pêle-mêle, n'importe où, en poussant des cris affreux. Les passagers à demi nus s'élancent hors des cabines. Les pauvres femmes s'accrochaient à tout le monde en suppliant qu'on les sauvât. On priait le bon Dieu tout haut. On se disait adieu.
         Un négociant arme un pistolet et veut se brûler la cervelle, on lui arrache son arme. Les secousses continuaient. La cloche du bord sonnait le tocsin, mais le vent mugissait affreusement, la cloche n'était point entendue à 50 mètres.

         C'étaient des cris, des hurlements, des prières. C'était je ne sais quoi d'affreux, de lugubre, d'épouvantable. Jamais je n'ai vu, jamais je n'ai lu de scène aussi horrible, aussi poignante. Etre là, plein de vie, de santé, et en face d'une mort que l'on croit certaine, et d'une mort affreuse !... En ce moment suprême et indescriptible, le vicaire, M. Moisset, nous donna à tous la bénédiction. La voix pleine de larmes de ce pauvre prêtre, recommandant à Dieu deux cent cinquante malheureux que la mer allait engloutir, remuait toutes les entrailles.
         Presque au même instant, le navire versait tout entier sur le côté droit ; l'eau entrait dans la salle à manger, dans les cabines, à gros bouillons. Tout le monde fut précipité du même côté. Nous avions de l'eau jusqu'aux épaules. Il fallut nager jusqu'à la rampe de l'escalier qui conduisait sur le pont. C'est alors qu'on n'entendit plus un cri, chacun se sauvait sans proférer une parole. Arrivé au bas de l'escalier, j'aperçois Dogny nageant près de moi. Nous montons tous deux.

         Mais arrivés en haut, la porte était fermée, et nous entendons crier : " Gare ! le grand mât va tomber !". On l'abattait à coups de hache, mais bientôt une lame enlevait les matelots occupés à ce travail. Au haut de l'escalier se trouvait un petit tambour en tôle, qui en recouvrait l'entrée. Deux petites lucarnes étaient pratiquées dans le tambour. La porte étant fermée, nous ne pouvions l'enfoncer, et Dogny me dit : "nous sommes perdus, l'eau monte dans l'escalier !" En passant-la tête par la lucarne, que vois-je? Roux, Godard et Weber, accroupis sur le haut du tambour et se cramponnant comme ils pouvaient. Ils m'aperçoivent et me crient : "Vite, Vérette, vite, passe par la lucarne ; nous sommes perdus !" Ils m'ont tiré tant et si bien que je suis passé et Dogny ensuite. Nous voilà donc tous les cinq groupés sur un espace où trois personnes auraient été fort gênées, derrière nous la mer furieuse, à droite la mer encore ! Au bout d'une minute nous entendons des cris, c'était l'arrière tout entier du navire qui craquait et s'engouffrait tout d'un coup, entraînant avec lui une vingtaine de personnes... puis le silence !
         "La nuit était noire, et les vagues d'une phosphorescence telle qu'elles nous retombaient sur le dos comme une pluie de feu. Cela sentait l'éther, la créosote. Jamais je n'avais vu cela. Les lames balayaient le pont avec une rage inouïe, entraînant tous ceux qui ne se cramponnaient pas; on les entendait venir de loin, et, quand elles arrivaient, on baissait la tète et on se serrait les uns contre les autres. Nous en avons reçu de si violentes, que nous craignions que le tambour de l'escalier sur lequel nous nous trouvions ne craquât et ne nous entraînât dans sa chute. "Weber me disait : "Vérette, nous allons mourir; mais, si l'un de nous, se sauve, qu'il jure d'écrire à nos parents aussitôt qu'il le pourra."

         Nous nous sommes serré la main plus de dix fois en nous disant adieu. Les vagues ne nous laissaient plus de repos. L'eau nous coulait dans le dos, nous en avions plein les yeux et la bouche. Quand une vague balayait le pont, on voyait encore se détacher quelqu'un d'un groupe, glisser sur la pente inclinée du pont.

         Le malheureux criait : "0 mes amis !" La vague se retirait en l'emportant, et c'était tout. D'autres criaient : " Soutenez-moi, je glisse, je suis perdu !" Un contrôleur voit sa femme enlevée par une lame. Elle avait son enfant de dix-huit mois sur les bras. Ne pouvant la retenir, il saute dans la mer en disant : " Nous mourrons ensemble !" Le vicaire, M. Moisset, a coulé près de moi, je lui ai tendu la main, mais il l'a manquée et il s'est accroché au bas de mon pantalon ; le morceau lui est resté dans la main et la lame l'a enlevé. Vers trois heures du matin, nous essayâmes de quitter notre refuge et de grimper sur le bord non submergé du navire ; mais pour accomplir ce trajet, il nous fallait franchir un espace de trois ou quatre mètres en montant une pente presque verticale et glissante comme du savon gras. Impossible de tenter une pareille, escalade, d'autant plus' qu'il fallait grimper dans l'intervalle de deux vagues.


         On nous jeta alors une corde que nous nous passâmes autour du corps, et les soldats qui avaient pu réussir à se mettre achevai sur le bord qui était hors de l'eau, nous montèrent chacun à notre tour. En arrivant, un soldat me reconnut : " C'est vous, monsieur le major, me dit-il, donnez-moi la main tenez-vous bien et laissez-vous aller." Il me hissa, après moi Dogny, Roux, Godard et Weber. On organisa alors avec une corde une espèce de va-et-vient, car à cinquante mètres de nous environ se trouvait le gros rocher contre lequel nous avions échoué. Mais le tout était de se porter sur le rocher. La corde devait nous servir de pont volant.
         On mit un canot à la mer; il fut brisé en mille morceaux; un second eut le même sort, et les quatre marins qui le montaient furent engloutis. C'est alors qu'un matelot nommé Leblanc, à qui nous devons tous la vie, s'attacha la corde autour des reins et se lança dans les flots à la grâce de Dieu. Cinq fois, avec un courage surhumain, il tenta l'abordage, cinq fois il fut repoussé et meurtri. Enfin, il atteignit le rocher et fixa la corde. Nous passâmes alors au-dessus de l'onde mugissante sur ce pont volant. A neuf heures du matin, tout le monde était sur le rocher.

         On se compta. Il y avait 70 morts. La mer en amena trois sur le rocher. On leur prit leurs souliers et on les donna à ceux qui n'en avaient plus. On fit du feu avec les planches des canots brisés et l'on mit des mouchoirs blancs au haut de grands bâtons pour être aperçus et secourus. C'était alors notre seule cloche d'alarme.
         Le rocher forme une petite île complètement dépourvue de terre, aride et à pic Pas d'eau à boire, rien à manger, transis de froid, mouillés jusqu'aux os, pouvant à peine nous tenir sur nos jambes, tant nous étions épuisés ! Voilà notre situation.
         Enfin vers midi, une balancelle montée par des corailleurs espagnols aperçut nos signaux et la fumée de nos feux; elle approcha et nous jeta un sac de biscuits de mer, du pain et du tabac, puis cingla vers Oran pour annoncer notre naufrage.

         L'après-midi, il plut. On fit placer dans les anfractuosités du rocher, à l'abri de la pluie, les femmes, les enfants, les malades. Les soldats donnaient leurs capotes à ceux qui s'étaient sauvés de leurs cabines sans être vêtus. On passa la nuit sur des rochers, autour des feux que nous avions allumés. Pendant ces deux jours, nous couchâmes à la belle étoile, nous chauffant avec des herbes sèches et avec les débris du navire, et allant puiser dans les creux des rochers de l'eau de pluie avec de l'eau de mer. C'est là que je connus, chers parents, les premières privations. Nous avions deux fois par jour, pour tout repas, un petit morceau de pain gros comme un oeuf de poule, et rien à boire !
         Enfin, le dimanche 17, à dix heures du matin, nous vîmes arriver cinq balancelles espagnoles. On s'embrassait, on se serrait dans les bras l'un de l'autre : nous étions sauvés ! On monta d'abord les femmes, les enfants et les malades, puis tout le reste suivit. A une heure de l'après-midi nous entrions dans le port d'Oran, où une foule immense nous attendait sur le quai. Tout le monde, nous tendait les bras. Les hommes agitaient leurs chapeaux en l'air et les dames leurs mouchoirs.
         Nous avions les costumes les plus bizarres. Ainsi, Mme Munier, dont le mari est conservateur des hypothèques à Mascara, avait une capote de soldat, son mari avait les pieds enveloppés dans des morceaux de pantalon déchiré, etc.
         Moi, j'avais ma tunique, plus de képi, mais un mouchoir autour de la tête, mes bottes abîmées comme tout le reste par l'eau de mer, le pouce de mon pied passant au travers, mon pantalon arraché par ce pauvre prêtre qui s'était noyé, et je ne pouvais plus me tenir sur mes jambes en arrivant à terre. J'étais hébété et je croyais rêver."

Position

Lieu du naufrage
Vidéo de l'épave

https://archeosousmarine.net/mp4/borysthene.mp4

Notes

         1. La South American and General Steam Navigation Co., Liverpool 1852-1855 a été fondée à Liverpool en 1852, pour lancer une flotte de bateaux à vapeur vers l'Amérique du Sud. Une commande a été soumise au chantier John Laird à Birkenhead pour deux paquebots 1.100 tonnes, le BRASILEIRA et LUSITANIA et avec celui de John Reid & Co. à Port Glasgow pour un navire similaire, l'OLINDA. Un navire en bois à aubes destiné à un service d'alimentation vers l'Amérique du Sud, a également été construit par John Laird et nommé ARGENTINA. L'ARGENTINA a fait naufrage dans la River Plate en Décembre 1853 et l'OLINDA a fait naufrage le 26 Janvier 1854 près de Holyhead quelques heures après le début de son deuxième voyage.
         2. Pourquoi évoquer le naufrage du Borysthène ? Ce naufrage, hors de la zone des épaves de notre base, représente pour moi un souvenir : celui de la première épave sur laquelle j'ai plongé par hasard, en 1976. A l'époque je travaillais en Algérie, à Oran et ne pratiquais que la chasse sous-marine. L'Ile Plane était toute proche et un fabuleux réservoir de liches et de mérous. J'ai observé vaguement les vestiges de ce navire ne comprenant qu'aujourd'hui l'intérêt qu'il aurait du susciter. Alors voilà cette fiche, pour atténuer mes regrets... C. Rabault Je remercie particulièrement Tarik Mokhtari, plongeur oranais pour sa contribution.
         3. Borysthène, en grec Borusthenês : nom donné au Dniepr dans l'Antiquité. Le Dniepr est un fleuve d'Europe orientale. Il se classe, avec ses 2 290 km, à la troisième place des fleuves d'Europe pour sa longueur.
         4. "Naufrage du Borysthène", tableau par Emile Pierre Berthélemy, No 139, intitulé dans le catalogue "Naufrage du Borysthène, le 15 déc. 1865. 4068". Sous le No 139, une annotation dans le catalogue : "Un matelot nommé Leblanc, après cinq tentatives infructueuses, porte une corde sur le rocher où le Borysthène s'était brisé, de façon à établir un va-et-vient au moyen duquel une grande partie des naufragés furent sauvés."

Sources

         "Le naufrage du 'Borysthene', 15 décembre 1865", Pierre Emile Berthélemy ; "Steam Shipping SG & SGTL Vol 12", Pages 275 et 283, 17-31 Dec 1855 ; "Le Monde Illustré", 1866 ; A.D. 85 (La Gazette vendéenne, 1849-1882) ; The New-York Times (nov. 23, 1853) ; "Pierre-Emile Berthélémy - 1818-1894, Peintre des rivages normands", Jean-François Détrée, ISBN : 978-2-7572-0058-2 ; Annales du sauvetage maritime (01/1866, A1,T1) ;


Tirailleur Algérien, N°14, 19 novembre 1899
N° 7, 4 octobre 1899

Source Gallica
Louable Sollicitude

            Le Morbacher publie la note suivante,

            " Je suis informé que plus de huit cent indigènes d'Algérie qui, après avoir vendu leurs terres, s'étaient rendus à Damas avec leurs familles, dans l'espoir d'y trouver une situation plus prospère, sont actuellement plongés dans la plus affreuse misère, et demandent, avec instance, à être rapatriés en Algérie.
            " J'ai été affligé de cette situation et je considère qu'elle doit être connue de tous les musulmans.

            " Le gouvernement de la France entend que tous ses sujets restent dans le devoir, mais il ne perd pas de vue leurs intérêts ; c'est pourquoi je fais un pressant appel à tous les hommes sensés, parmi les indigènes algériens, aux hommes de travail et de probité, afin qu'ils se rendent à l'évidence et comprennent l'erreur dans laquelle cherchent à les entraîner quelques professionnels de l'agitation ou certaines informations tendancieuses venues de Constantinople.
            "Il importe que les indigènes se ressaisissent, qu'illusionnés par de brillantes promesses, ils ne vendent pas à vil prix, les terres et le bétail qu'ils possèdent, pour n'aller récolter, en Syrie, que d'amères déceptions et la plus profonde misère.

            "Mon appel sera entendu de tous les musulmans algériens. L'exemple, de leurs coreligionnaires les instruira des dangers auxquels ils s'exposent et aujourd'hui, mieux informés, ils seront reconnaissants au Gouvernement de la République, de leur avoir évité de cruels déboires.
"Le gouverneur général,
"Ed. LAFERRIERE",



PHOTOS de MADAURE
Envoyées par Groupe de voyage Bartolini





















LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica
VALENCE
XI

Pages de 99 à 113

         D'immenses affiches, encadrées d'un filet d'or et enguirlandées de toutes les fleurs du printemps, avaient été placardées sur les murs d'Alger avec ce titre en grosses lettres formées de petits boutons de roses FERIA DE VALENCIA. D'autres, encore plus splendides, avaient été distribuées dans les cabarets et chez les marchands de journaux espagnols. On y voyait un torero, le jarret tendu, les lombes épanouis sous la soie craquante de sa culotte bleue et argent, s'incliner, la toque à la main, devant la loge de la presidencia, où des dames blondes, en mantilles de dentelles, se penchaient d'un air gracieux derrière leurs éventails. Les noms de Guerrita et de Mazzantini se lisaient au-dessous, en tête de la liste des cuadrillas. Dans un mois, il y aurait des taureaux à Valence.

         Le bruit se répandit soudain à travers le Faubourg, colporté par une foule de gens que l'on ne connaissait pas. On les rencontrait dans les cafés, chez les perruquiers, un peu partout. Leurs descriptions enthousiastes bouleversaient toutes les têtes. Ils vantaient la facilité du voyage, le bon marché des billets et, par-dessus tout, Mazzantini et Guerrita. Un armateur de la ville avait frété deux bateaux exprès pour les fêtes ; - et tous ceux qui avaient quelques économies couraient se faire inscrire aux bureaux d'embarquement sous les voûtes du port.
         Rafael, en arrivant de Laghouat, n'entendit parler que des courses de Valence.
         Dans un estaminet de Bâb-el-Oued, où il entra avec Philippe et Bacanète, on faisait cercle autour du tio Martino, qui en causait avec une telle chaleur, des superlatifs si flamboyants, une mimique si entraînante que chacun s'y croyait déjà. Les deux bras étendus, il donnait une idée de l'immensité de l'arène ;
         Il imitait le bruit de la foule, les exclamations des marchands d'éventails et de boissons fraîches, les cris des aficionados réclamant des chevaux : Caballos ! caballos !... finalement les sonneries de trompettes annonçant la mort. II se fit un silence ; tout le monde le regardait. Soudain il bondit de sa chaise, et la tête inclinée sur l'épaule, les yeux mi-clos, il pointa une épée imaginaire, puis, avec une agilité où se retrouvait l'ancien joueur de pelote. il fonça sur la bête, en poussant un ollé frénétique. On la vit tomber comme une masse. Les spectateurs emballés claquèrent des mains, crièrent des bravos, tandis que le tio Martino au milieu de l'arène, l'air à la fois modeste et victorieux, comme s'il était Guerrita en personne, saluait le public.


         Bacanète contemplait avec admiration cette petite comédie. Mais Rafael et Philippe s'esclaffaient, trouvant que ces pataouètes étaient vraiment bien sots. Le tio Martino les aperçut. Il tira de sa poche une réclame et rapprocha deux d'un air engageant ;
         - Eh bien ! vous partez pour Valence, vous autres ?,. des hommes qui gagnent de l'argent comme vous...
         Philippe fit un geste de refus. Alors Martino prit Rafael par l'épaule. Il l'embrassa presque :
         Et toi, Rafaelète, tu ne vas pas voir ton pays ? C'est pour rien, vingt francs aller et retour, quinze jours à passer là-bas... Et le voyage ?... rien du tout ! Une nuit à passer en mer !
         - Mais vous, tio Martino, vous qui êtes si chaud, vous allez à Valence aussi ?...
         - Oh ! moi, c'est différent ! Je connais trop ça !
         Quelqu'un insinua que le tio Martino faisait l'article pour la maison qui avait frété les deux bateaux : opinion qui ne manquait pas de vraisemblance. Mais l'enthousiasme général empêcha qu'on y fit attention.
         Bacanète, qui avait été à Valence tout enfant excitait Rafael à partir, se lamentant de ne pouvoir en faire autant, à cause des équipages, Martino renchérissait. Rafael ne répondit rien, peur ne pas avoir l'air de se laisser conseiller. Cependant il brûlait d'envie de voir valence. Ce n'était pas seulement les taureaux qui l'attiraient, mais une espèce de curiosité pour le pays des siens où se mêlait un peu de piété filiale. II n'annonça sa décision que le surlendemain, le matin même où il devait reprendre la route. Par bonheur, Pépico se trouva là pour le remplacer.

         A !a grande surprise de Rafael, sa mère ne protesta pas contre cette fantaisie de voyage. Elle l'encouragea même : Il passerait à Valence le temps des fêtes, et ensuite il irait voir leurs parents d'Espagne. Sans doute le grand-père et la grand'mère n'étaient plus de ce monde, voilà déjà longtemps. Mais leur fils Juanète était marié et établi dans leur pays d'origine, Castellon-de-Rugat, un petit village de la province de Valence. Peut-être y aurait-il quelque chose à recueillir de la succession du vieux. Et puis enfin c'était toujours une bonne chose d'aller au moins une fois dans sa vie au pays natal.

         Martino profita de ces dispositions favorables pour s'impatroniser de plus en plus dans la maison. Il écrivit d'abord une lettre à l'oncle Juanète pour lui annoncer l'arrivée de Rafael, puis il en rédigea une autre adressée à un de ses neveux, qui était ciseleur à Valence et qui, disait-il, serait enchanté de promener Rafael à travers la ville. Celle-là, il l'avait longuement minutée, choisissant ses expressions et moulant son écriture. Il en était si content et il la jugeait d'un castillan si correct qu'il vint lui-même la lire chez la tia Rosa pendant le souper. Il avait amené quelques amis avec lui, afin de donner à sa lecture toute la pompe convenable. La lettre, fort longue, commençait ainsi :
         Mon cher neveu.

         Tu m'excuseras si je viens te molester ainsi, mais quand tu sauras que la personne que je te recommande est très affectionnée chez nous et très amie de la famille, je ne doute pas que tu ne fasses pour elle tout ce que tu ferais pour moi-même, c'est don Rafael, dont je t'ai souvent parlé, l'entrepreneur de voitures, qui a pris fantaisie de venir visiter notre Valence. Je compte que tu donneras ordre à ce qu'il ne lui échappe aucune des curiosités de cette capitale, ou que tu daigneras l'accompagner en personne. Montre-lui la Lonja, le Café du Siècle, le Café d'Espagne, l'Alameda, mais surtout les merveilles de notre cathédrale, telles qu'orfèvreries, statues, tableaux et autres objets artistiques capables d'intéresser une personne qui voyage...


         Le tio Martino avait même ajouté en post-scriptum, afin d'éblouir Rafael et sa mère : Si ton Père et toi vous êtes toujours en bons rapports avec don Ramon, le valet de chambre de Monseigneur l'archevêque, je te prie de lui présenter nos respectueux compliments.
         Mais tout cela fut en pure perte: les formules cérémonieuses, les périphrases habiles concernant Rafael, les expressions élégantes. Sauf les amis du tio Martino, personne ne comprit rien à sa lettre.
         Le lendemain, qui était un dimanche, il y avait grande affluence sur les quais. Tout le Faubourg s'était porté au bateau, chacun ayant un parent ou des amis à accompagner.

         Le tio Martino s'y trouvait en compagnie de sa fille Assompcion, dans une toilette qui attirait tous les regards. On ne s'expliquait pas pourquoi elle était venue, puisqu'elle ne partait pas pour Valence.
         A la dernière minute, (car Rafael en bon charretier n'était jamais pressé), le tio Martino le vit apparaître avec sa mère et Juanète, qui portait sa valise. Il constata avec ennui qu'il était en blouse, ce qui allait détruire auprès de son neveu, les effets de sa lettre et il ne put s'empêcher de lui en faire l'observation.
         - Tu aurais dû mettre une veste noire, comme tout le monde, Rafaelète ! En Espagne, on ne porte pas la blouse ..
         La mère répondit tout de suite qu'elle avait eu soin de plier dans la valise la veste de Rafael. Mais celui-ci jura qu'il ne la porterait pas : "Il n'avait pas envie de ressembler à un employé ! "


         La remarque du tio Martino l'avait indisposé très fort contre le vieux, ce fut sa première contrariété. Cependant il se contint en présence d'Assompcion, pour laquelle il se mit aussitôt en frais de galanterie. La jeune fille répondit fort tranquillement à ses phrases câlines, de l'air dont on parle à une personne indifférente, tandis que son père observait Rafael du coin de l'œil.
         La cloche du départ sonnait à toute volée. Il fallut brusquer les adieux. Rafaël sauta dans la dernière barque où les retardataires s'étaient empilés. On les reçut à la coupée des marchandises, et les hommes de l'équipage les poussèrent dans l'entrepont, comme s'il se fût agi de simples bestiaux. Rafael, poussé comme les autres, allongea un coup de poing à l'un des matelots.
         - Dis donc, toi ?... Est-ce que tu me prends pour un de tes pataouètes d'Espagne ?
         Ce fut bien pis lorsque le capitaine, un gros homme apoplectique à figure de sanglier, avisant un groupe où il se trouvait, les invectiva grossièrement pour s'être approchés trop près des premières. Rafael, dont la colère montait, lui répondit sur le même ton, au grand scandale des Espagnols qui l'entouraient et qui tremblaient d'avant le capitaine. Les deux hommes se mesurèrent du regard.

         On suppliait Rafael de ne rien dire afin de ne pas attirer de représailles. Il étouffa. Ses injures, et le capitaine s'éloigna, en lui lançant une dernière fois un regard furieux et en proférant des menaces.
         Rafael regrettait déjà de s'être embarqué.

         - En voilà un pays de sauvages!... S'ils sont tous comme ça, en Espagne, j'aurais mieux fait de rester chez moi !
         Ses compagnons, en entendant ces paroles, faillirent se signer comme à un blasphème. L'un d'eux, un fabricant d'espadrilles, entreprit de calmer Rafael.
         - Ne parle pas mal de ton pays, Rafaelète !
         Et comme Rafael ne répondait pas.
         - Oui, c'est ton pays, l'Espagne, comme à nous autres... Tu vas voir, c'est autre chose que l'Afrique !
         Il commença à parler de Valence avec une sorte d'émotion religieuse et une emphase de prédicateur. Il y avait des choses étonnantes à Valence, des choses qu'on me voyait nulle part ailleurs. Alger n'était rien à côté. Ainsi, par exemple, ce fameux café tout en glaces...
         Rafael souriait d'un air incrédule.
         - Oui, tout en glaces !... Le plafond, les murs, le plancher, tout est en glaces.
         Tu marches sur les glaces comme sur le pavé, aussi les femmes n'y entrent pas, parce que, tu comprends, on leur verrait le dessous...
         Cette plaisanterie parut si bonne que tout le monde éclata de rire, excepté Rafael, qui trouvait ridicules ces hâbleries. Il quitta le groupe du marchand d'espadrilles et se mit à voyager à travers l'entrepont. Mais la circulation était difficile, à cause de l'encombrement des passagers. Beaucoup même avaient déjà étendu leur matelas pour la nuit. D'autres commençaient à souper et étalaient des victuailles. Rafael, enjambant par-dessus le matelas, se réfugia sur le gaillard d'avant, et il s'installa auprès d'un homme de l'équipage qui manœuvrait un treuil. Comme le marin avait une mine débonnaire, il lia conversation avec lui.
         - Quel beau temps! dit l'homme... La mer est plate comme la main. Ça va être un plaisir de dormir sur le pont !
         Rafael lui roula une cigarette. L'homme lui promit en échange une couverture pour la nuit. Le soleil venait de se coucher. Une humidité tiède se déposait en gouttes d'eau sur le rebord du bastingage. Le jeune homme s'avança jusqu'à la pointe extrême du navire et, s'accrochant d'une main à la hampe du pavillon, il aspira l'air marin à pleine poitrine. Le grand vent de la course lui coupait la figure et faisait claquer derrière lui les plis de sa blouse.
         Suspendu ainsi au-dessus des plaines de la mer, il était emporté par l'ivresse de l'espace, comme cette nuit d'été où, pour la première fois, il s'en alla vers le Sud. On aurait dit que la proue glissait sur des moires au frôlement silencieux et doux. Il se croyait dans le désert de Bougzoul, lorsque, étendu sur son chariot et se réveillant de sa sieste, il ouvrait les yeux devant les perspectives fuyantes des mirages. Ses pensées s'élançaient d'un invincible élan, par delà les vapeurs laiteuses et les lacs de lumière. Oubliant ses colères de tout à l'heure, il cherchait à deviner l'Espagne à travers le cercle des eaux plus sombres et les transparences étincelantes de l'horizon.

         Il se rappelait tout ce qu'il avait entendu dire de ce pays de son père et de sa mère. Il le voyait en pensée avec la même angoisse, mêlée de joie, que lorsqu'il allait au cimetière sur la tombe de Ramon, comme si, en touchant cette terre, sa vie allait s'accroître de toutes celles des ancêtres morts.
         Il souhaitait maintenant d'y être déjà, et son imagination, exaltée par les prestiges du couchant, caressait sans peine toutes les merveilles qu'on en racontait. La grande affiche multicolore qu'il avait vue dans les cafés du Faubourg s'animait à ses yeux. La pompe guerrière des courses de taureaux défilait dans l'arène. Il acclamait avec la foule; il se délectait dans la douceur du sang répandu parmi l'or des costumes et les sourires des femmes. Puis, le soir tombant, il se calma peu à peu. Le souci de son métier lui revint.

         Après tout, il allait voir comment on travaillait là-bas et si, avec leur fameux attelages de mules, ils étaient plus forts à Valence qu'en Afrique, comme le soutenaient Salvador et le tio Martino."
         Assompcion lui apparut un instant. Il la revit avec sa toilette de dame et ses façons un peu froides, et il se rappela ce que lui avait dit sa mère autrefois :
         " Mais toi, Rafaelète, il faudra bientôt que tu te maries ! "
         Il songea tout de suite : " De quoi est-ce que j'aurais l'air auprès d'elle ? On me prendrait pour son domestique !... Ah ! j'en trouverai bien d'autres !... Peut-être même qu'en Espagne... "

         La mer, à cet instant, frissonnait, toute blanche, dans le crépuscule. En une grande nappe splendide, sans une ride, elle se déployait jusqu'au brouillard d'or de l'occident ; et, du côté de l'ombre, sous les vapeurs montantes, elle s'ouvrait comme un immense parterre aux fleurs neigeuses. Un calme profond descendait avec la nuit. Les passagers dormaient déjà dans l'entrepont.
         Seul le bruit régulier de l'hélice troublait les solitudes de la mer.
         Avec l'aube, ils entrèrent dans le port du Grao. Les quais étaient déserts. A droite, le long de la plage, s'échelonnaient de petites cabanes de baigneurs à l'aspect misérable.
         Aussitôt une barque accosta le bateau, c'étaient les douaniers qui venaient pour la visite réglementaire. Leurs uniformes, que Rafael voyait pour la première fois, la raideur presque prussienne qu'ils affectaient, tout cela commença à lui déplaire si fort que sa mauvaise humeur de la veille se réveilla petit à petit. Il s'impatienta des lenteurs du débarquement. Puis ce fut le passage forcé à la douane, les fouilles qu'il fallut subir, les rafles de tabac et de cigarettes. Rafael, dépouillé, grommelait des injures et le marchand d'espadrilles, qui le suivait, avait toutes les peines du monde à le calmer. Comme ils s'acheminaient vers le tramway à vapeur qui relie le Grao à Valence, un homme, qui courait derrière eux, interpella joyeusement Rafael. C'était Lopez, son ancien camarade de la route de Laghouat, mais à peu près méconnaissable, la barbe sale, la veste graisseuse, des espadrilles effilochées à ses pieds nus.

         Il expliqua qu'il était au Grao, depuis trois mois, ayant été expulsé d'Algérie à la suite d'une bataille.
         - Tu as de la chance, toi, d'être encore à Alger, dit Lopez à Rafael... Ah oui ! vive Alger !... Tu vas le voir, leur sale pays d'Espagne, tu vas voir...
         Et tendant la main vers les quais :
         - Tiens, regarde-moi leur port !... excepté pendant la saison des oranges, tu peux t'y promener comme dans la plaine de Bougzoul...
         L'homme du Faubourg, indigné de ces propos, leur faussa brusquement compagnie. Ils entrèrent dans un cabaret pour causer plus à l'aise.
         - Alors, tu ne te plais pas par ici ? demanda Rafael.
         - Qu'est-ce que tu veux qu'on s'y plaise, quand on crève de faim ? Sais-tu bien qu'ils ont le courage de donner trente sous par jour à un conducteur de tramway ?... Aussi, moi, je fais tous les métiers, portefaix, camionneur, cocher de place... Je raccroche ce que je peux. A présent je suis manœuvre dans une fabrique d'anisette, là, en face, tu vois la cheminée d'ici...
         Il demanda des nouvelles du Faubourg, des camarades de la route, d'Espartéro, Son ancien patron. Quand Rafael lui eut raconté sa brouille avec celui-ci,
         - Eh oui, je ne te dis pas, il y a des coquins partout. Mais ça ne fait rien, Rafaelète, qu'il vaut mieux être à Alger qu'à Valence... Un de ces jours, vois-tu, il faudra que j'y revienne,
         - et il se mit à rire de son rire fou
         - oui, quand je devrais me déguiser en Arabe !...

         Il ne se lassait pas de questionner Rafael, de lui parler d'Alger. Mais Rafael commençait à l'examiner, trouvant étrange surtout qu'il ne fût pas encore à sa fabrique, à huit heures du matin ! Les propos toujours un peu extravagants de ce Lopez, ses allures de bohême, enfin quelque chose, de louche répandu dans toute sa personne le mit en défiance. Il le quitta assez froidement, bien que Lopez lui eût proposé de l'accompagner, le soir, à travers la ville, et lui eût donné rendez-vous dans un estaminet.

         Pendant le trajet du Grao à Valence, Rafael s'étonna du mauvais état de la route, toute défoncée et creusée d'ornières :
         " Qu'est-ce que ça doit être à la campagne, songeait-il, si les routes sont si mauvaises autour d'une ville comme celle-ci ! "
         Les attelages ne lui inspirèrent pas moins de mépris: c'était de petites charrettes à deux roues, très haut perchées sur les essieux et surmontées de cerceaux que recouvrait une mauvaise bâche. Les mulets étaient fort ordinaires, et les harnais d'une grossièreté toute primitive, Rafaël, à cette vue, exulta.
         Comme il allait rabattre le caquet à Salvador et à tous ces hâbleurs, qui en avaient plein la bouche quand ils parlaient des équipages de leur pays ! Il les connaissait maintenant, leurs équipages !
         Ses préventions contre l'Espagne s'en fortifièrent. Il était de plus en plus convaincu qu'il s'enfonçait dans la sauvagerie.
         Il descendit du tramway devant le jardin de la Gloriette, et il se mit en quête d'une voiture pour se faire conduire chez le neveu de tio Martino, dont il regarda encore une fois l adresse ; Antonio Ponzy calle de Cordellats.
         Il ne trouva que des tartanes, véhicules à la mode du pays, à savoir une espèce de tapissière à deux roues, dont la capote de toile cirée s'aplatissait en forme de fer à cheval. Rafael, une fois installé avec sa valise, commença à plaisanter le cocher, qui, n'ayant pas de siège, conduisait assis sur le timon.

         Eh ! camarade, on ne connaît donc pas les calèches dans votre pays ! "
         Le cocher se montra piqué du ton irrévérencieux de cet étranger, qui, cependant, parlait le valencien aussi bien que lui. La tartane rebondissait sur les pavés avec d'horribles cahots. Rafael, que les secousses renversaient sur le banc ou qui heurtait du front la toile cirée, finissait par trouver cela drôle, et sa mauvaise humeur s'en allait en gouailleries, que le cocher écoutait avec résignation.
         La rue des Cordeliers est une petite rue très étroite qui borde une des façades de la Lonja de la Seda. Rafael trouva tout de suite la boutique du ciseleur, une échoppe de l'ancien temps à la devanture étroite, où se voyaient exposés quelques ustensiles de dévotion.
         Au bruit de la voiture, était apparu sur le seuil un vieil homme en tablier de serge verte, qui se mit à dévisager Rafael avec un air de défiance. Celui-ci lui ayant remis la lettre du tio Martino, il lut la suscription et il appela immédiatement son fils, qui travaillait dans l'arrière-boutique.
         - Tony ! il y a pour toi une lettre d'Afrique.
         Le jeune homme salua froidement Rafael.
         C'était un garçon de dix-huit à vingt ans, très maigre, les épaules un peu voûtées, avec une petite-tête d'une pâleur ascétique, mais dont les yeux étaient pleins d'une passion extraordinaire. Il déchira l'enveloppe d'un coup sec, et, tenant la lettre entre ses mains nerveuses, il se mit à lire à haute voix.
         Tandis qu'il lisait, Rafael épiait de l'œil un troisième personnage qui était assis au fond de l'échoppe, sur un tabouret de bois, le menton appuyé contre sa canne. Complètement vêtu de noir, la figure rasée et rubiconde comme un chanoine, il regardait sournoisement entre ses cils baissés. Le jeune homme se tourna vers lui, quand il arriva à la fameuse phrase du post-scriptum : "Si ton père et toi vous êtes toujours en bons rapports avec don Ramon, le valet de chambre de Monseigneur l'archevêque... "

         C'était lui-même. Il ne bougea pas, se bornant à sourire d'un air bénin.
         Sitôt la lettre finie, le père et le fils montrèrent un empressement comique à réparer la rudesse de leur premier accueil.
         Ils serrèrent avec effusion les mains de Rafaël ; ils le firent asseoir, lui proposèrent des rafraîchissements. C'était un ami de la famille, un hôte, un Français. Le logis lui appartenait, il n'avait qu'à commander.
         Don Ramon lui-même daigna s'enquérir de la santé du tio Martino.
         Il fut décidé que Rafaël déjeunerait au moins à la maison, puisqu'il refusait la chambre qu on lui offrait. Antonio, qui allait s'habiller, le conduirait à un hôtel et lui ferait voir la ville, en attendant midi.
         Le père se remit à son travail, un plateau de cuivre qu'il repoussait à la pointe, et comme Rafael le regardait curieusement, il lui donna des explications. De la main, il lui montrait divers objets qui étaient pendus aux murs ou abrités derrière les vitrines : des crucifix, des chandeliers, des burettes, des plateaux de toute espèce, mais surtout des faroles, ces lanternes surmontées d'une croix, qu'on porte dans les processions devant le Saint-Sacrement. Le vieux ciseleur laissa retomber sa main d'un air découragé.
         - Ça ne va plus, le métier ! Les curés ne commandent plus rien...
         - et regardant don Ramon avec un sourire narquois,
         - je me demande ce qu'ils peuvent faire de leur argent
         - Ils l'envoient à Rome, riposta celui-ci.
         Il y avait une telle drôlerie d'intonation dans ces paroles que Rafael et le père d'Antonio se mirent à rire.
         - Ah ! il en connaît des histoires sur ces coquins-là, reprit le ciseleur, en désignant le valet de chambre de l'archevêque.
         Don Ramon, les cils toujours baissés, s'illumina d'un sourire farceur, malgré la dignité toute ecclésiastique de son maintien.
         Par prudence, il ne voulut rien dire devant Rafaël; mais, bien qu'il fût très bon chrétien, il éprouvait un petit plaisir de vengeance à entendre médire des prêtres.
         Lui-même s'enhardissait quelquefois jusqu'à débiter sur eux de bonnes histoires très grasses, que l'on jugeait absolument authentiques, puisqu'il devait être au courant, par son métier, de tout ce qui se passait dans le clergé de Valence. Il se Rendait mystérieusement à l'échoppe des deux ciseleurs, qui était le rendez-vous des libéraux du quartier, ouvriers ou petits bourgeois.
         Les propos subversifs qui s'y tenaient offraient tout l'attrait du fruit défendu on y frondait l'Eglise et le Gouvernement, Antonio y exposait ses théories républicaines, et don Ramon, les yeux mi-clos, écoutait tout cela avec une délicieuse angoisse que ce ne fût peut-être un péché.

         - Ah ! oui ! moi aussi, j'en ai assez de travailler pour les curés,
         - déclara Antonio, qui descendait du premier étage en toilette très soignée.
         - Ils ne vous commandent plus que de la porcherie ; ils dégradent le métier ; ils aiment mieux s'adresser à des industriels de France. Alors on leur envoie une horrible camelote qui fait ressembler leurs églises à des bazars !
         Il entraîna Rafael dans l'arrière-boutique, qui lui servait d'atelier, afin de lui faire admirer ses ouvrages. Les murs disparaissaient complètement sous des dessins faits par lui de toutes les orfèvreries du Miguelète (cathédrale de Valence), car Antonio était élève à l'Ecole des Beaux-Arts. Sur une petite table, dans un coin, traînaient deux gros volumes brochés : une traduction espagnole des Misérables de Victor Hugo.

         Le jeune homme souleva respectueusement une énorme applique d'argent appuyée contre la table,
         - un chef-d'œuvre qui l'occupait depuis des mois. Il s'était inspiré de ces lanternes colossales qui, à l'entrée de la cathédrale de Valence, se dressent de chaque côté du trône de la Vierge. Conçues dans le style flamboyant du rococo espagnol, avec l'exubérance et la préciosité de leur ornementation, elles semblaient plutôt faites pour accompagner des carrosses de gala ou éclairer des antichambres royales.
         - C'est une commande du marquis de Villena, dit Antonio... Nous ne travaillons plus que pour les particuliers sans eux, il faudrait mourir de faim... Et encore, c'est rare des commandes comme ça !... Mon père, lui, fait des plateaux pour les Marocains. On n'achète plus rien en Espagne.
         Ah ! misère de nous !
         Rafael s'émerveillait de la masse d'argent employée pour les appliques ; mais tout e reste le laissait très froid. D'ailleurs la présence de don Ramon le gênait vaguement, sans qu'il sût pourquoi. Et tous ces objets étalés, dont il ignorait l'usage ou la valeur, l'humiliaient un peu. Antonio qui s'en aperçut, l'emmena tout de suite pour le mettre à l'aise. Ils prirent congé du père et de don Ramon, et, une fois dans la rue, ils se mirent à causer des choses d'Afrique.
         Au bout d'un quart d'heure, Antonio et lui se tutoyaient.
         Comme tous les jeunes gens de Valence, celui-ci était vêtu avec beaucoup de recherche : petit veston court de drap noir, large ceinture de taille sur un plastron éblouissant, chapeau plat à grand bord à la mode des toreros. Son élégance un peu frêle se mariait assez bien à la grâce robuste de Rafaël, dont la blouse strictement drapée était remarquée des passants. D'ailleurs une sympathie les entraînait l'un vers l'autre. Mais, comme sous l'empire d'une idée fixe. Antonio revenait sans cesse aux théories qui lui étaient chères. Il ne doutait pas que Rafael, à titre de Français, ne partageât ses opinions.

         - Ainsi, vous autres, en France...
         - D'abord, dit Rafael, je ne suis pas de France. Et puis, tu sais, je ne suis pas plus Français que toi.
         - N'importe ! en France, par quoi est-ce qu'on commence dans un village ? Par bâtir une école. En Espagne ?.. par une église !...
         Rafael laissa voir que les écoles ne l'intéressaient pas plus que les églises, ce qui contraria Antonio. Mais leur haine commune des prêtres les mit d'accord. Le ciseleur attaquait les couvents avec virulence ; il reprochait aux Frères de s'engraisser dans la fainéantise, tandis que d'autres allaient se faire tuer à Cuba. Et c'est en tenant ces propos révolutionnaires qu'ils entrèrent à la cathédrale.
         Rafael fut promené d'un bout à l'autre du vaste édifice par son compagnon, qui, tout entier à sa passion des vieilles choses, s'oubliait à admirer.
         A la sacristie, il le retint près d'un quart d'heure devant un reliquaire du XIVe siècle en forme de croix, qu'il avait déjà dessiné, mais qu'il ne se lassait pas de regarder. Rafael était excédé de cette visite, l'odeur d encens dont les églises espagnoles sont comme empoisonnées, l'écrasement des voûtes, la demi-obscurité des nefs, le sens inintelligible pour lui, de tous ces symboles qui l'entouraient, tout cela l'emplissait d'un indéfinissable malaise, comme s'il était menacé dans son besoin de vie et de liberté. Il ne respira que dehors, dans la lumière éclatante du parvis. -
         Tu sais ? dit-il à Antonio... Si tu n'as que des églises à me montrer, ce n'est pas la peine... J'aime mieux voir de beaux attelages, moi, c'est mon métier. Le tio Martino m'a dit qu\in minotier d'ici avait une écurie superbe...
         - C'est vrai, dit le jeune homme en riant... Aussi, pourquoi est-ce que mon oncle m'écrit de te montrer la cathédrale ?... Il est fou Martino !

         Il promit à Rafael de lui faire voir, le lendemain, les plus beaux équipages de Valence. Après le déjeuner, il le conduisit dans une espèce de pension de famille, la classique casa des huespedes. La pauvre mine de la chambre qu'on lui donna, les cloisons minces comme des portants de théâtre, les serrures qui ne fermaient pas, l'aspect douteux des draps, provoquèrent encore une fois la mauvaise humeur de Rafaël. Antonio le laissa pour aller faire la sieste, et le jeune homme par désœuvrement et par ennui, se décida à se coucher.
         Quand il sortit, vers six heures, un grand tumulte emplissait les rues. On attendait une musique militaire de Perpignan, que la municipalité avait invitée aux courses. Sur la place de la gare, où Antonio avait donné rendez-vous à Rafaël, il y avait foule. La passion politique excitait encore l'enthousiasme populaire, car le parti libéral voulait profiter de l'occasion pour manifester en faveur de la France et de la République.

         Enfin les journaux parlaient depuis quelque temps d'une alliance franco-espagnole, et les gens du peuple et de la petite bourgeoisie y voyaient la fin de la guerre de Cuba et le renversement de la dynastie.
         La foule, sans être encore tout à fait prête pour les expansions patriotiques, était remuante et joyeuse. Le train venait d'entrer en gare, les dernières voitures du cortège traversaient péniblement les masses compactes. Une agitation se produisit vers les grilles, qui reflua d'un bout à l'autre du terre-plein. Tout à coup des instruments éclatèrent, et l'air de Carmen s'enleva en un essor triomphal. Les ondes vibrantes s'abattirent sur la foule, la roulèrent dans un chant de vertige et, tandis que les chairs s'émouvaient vaguement, toutes les bouches s'ouvraient pour aspirer le souffle de la joie qui passait, des images de pompe et de magnificence emportaient les têtes. Les musiciens apparurent dans l'éclat des cuivres, avec l'uniforme de l'artillerie française, que les yeux du peuple revêtirent de toute la splendeur des choses inconnues. Entouré d'une bande de bambins qui précédaient les tambours, un enfant, pieds nus, dansait devant le cortège, en balançant des palmes.

         Les hommes applaudirent, les femmes agitèrent des ombrelles et des éventails. Une immense acclamation s'éleva. Les musiciens passèrent dans le vent farouche de leur chant, comme une nuée de tempête. Les coups retentissants du rythme frappaient sur les cœurs battants, et, derrière eux, montait une grande houle d'amour.
         Rafael se sentit fier de l'enthousiasme d'Antonio, qui, à la vue des uniformes, s'était remis à parler de la France. Cet air de Carmen, qu'il avait entendu au théâtre d'Alger, les souvenirs voluptueux de Bougzoul qu'il réveillait chaque fois en lui et ces costumes des musiciens qui lui rappelaient son Afrique, le mirent aussitôt à l'unisson de la foule et lui donnèrent un appétit de plaisir.

         Ils suivirent le mouvement du peuple qui descendait vers la ville par la Bajada de San Francisco et, pour se divertir jusqu'à l'heure du dîner, ils entrèrent au Café d'Espagne. Un long couloir, tapissé de glaces, qui conduisait à un vaste hall au plafond vitré, fit supposer à Rafael que c'était là le légendaire café dont avait parlé le marchand d'espadrilles. Au centre, un jet d'eau rafraîchissait l'air, et, dans le fond, les valses d'un orchestre continuaient les musiques de la rue. Des paysans endimanchés, des ouvrières en cheveux, qui sortaient à peine de leurs fabriques, se pressaient aux même tables que des gens en toilette recherchée, couverts de breloques et de bagues. Les jeunes filles mangeaient des mantecados avec des biscuits, les hommes, le cigare à la bouche, dosaient savamment les mélanges de leurs boissons fraîches ; et tout ce monde bigarré se coudoyait sans nul respect humain, avec cet admirable sens de l'égalité qu'ont tous les Espagnols.

         Il faisait nuit quand Rafael et Antonio sortirent pour aller dîner à la casa de huesfedes, car on dîne très tard en Espagne.
         L'air riant et l'animation de la salle à manger lui firent oublier le délabrement et l'indigence de sa chambre. Il y avait encombrement outre les habitués, petits fonctionnaires ou officiers pauvres, des gens aisés qui étaient accourus de tous les coins de la province. Tout ce monde, très paré était en liesse. On parlait avec chaleur des courses du lendemain, on se disputait sur les noms de Guerrita et de Mazzantini. La table, malgré sa vaisselle vulgaire, resplendissait de l'éclat des beaux fruits, qui montaient en pyramides sur des coupes. C'était tout le trésor des riches jardins de Valence.

         Entre des corbeilles de pêches et d'abricots, une énorme pastèque, découpée en tranches, montrait ses chairs rouges qui semblaient fondre comme une neige, sous les feux du gaz. Eclatantes, savoureuses et fraîches comme les beaux fruits de la table, des servantes, en robes de percale décolletées, aux courtes manches bouffantes, allaient et venaient, en frôlant les convives de leurs bras nus.
         Dehors, quand Rafael sortit avec Antonio, il retrouva le même air de fête et la même mollesse répandue dans l'air. Ce fut presque l'unique moment où il connut Valence et où il l'aima.
         Les tramways chargés de monde, roulaient vers l'Alameda illuminée. Des jeunes filles, qui passaient en se tenant par le bras, laissaient derrière elles une odeur de jasmin. Des chanteurs, qui s'accompagnaient de guitares ou de mandolines, débouchaient des rues avoisinantes. La foule, en groupes serrés, d'un seul mouvement lent et grave, dévalait par les rues et les ponts du Guadalaviar. Sur l'autre rive, les masses confuses des arbres de l'Alameda apparurent dans la lueur intense des lampes électriques, et la rumeur douce qui montait de la fête s'apaisait avec le rayonnement des lumières dans la tiédeur de la nuit, du Cercle conservateur, et ainsi de suite jusqu'au bout de l'avenue.

         Les promeneurs s'arrêtaient, examinaient les femmes. Les ouvrières et les filles du peuple s'extasiaient sur leurs toilettes, tandis que celles-ci, dans la lumière bleue qui tombait des globes électriques, immobiles sous leurs mantilles et leurs bijoux, jouaient de l'éventail d'un air indifférent.
         C'était comme une cour qui se pressait à leurs pieds ; et à vrai dire, elles étaient presque toute la fête, ces belles femmes, ainsi exposées dans leur parure à l'admiration de tout un peuple.
         Derrière elles, des couples tournoyaient au rythme des danses et ces valses démodées de Strauss, exécutées par des orchestres naïfs, prenaient une distinction imprévue dans ce merveilleux cadre.
         Rafael, grisé par la musique, s'attabla avec Antonio, dans un estaminet en plein vent., Il enviait les valseurs qu'il voyait glisser sous les lustres des pavillons, et il se rappelait le temps de ses folies à Médéa, avec son ami Pépico. Comme c'était différent ! La noblesse du spectacle l'humiliait, sans qu'il se l'avouât. Il se sentait un étranger, un barbare grossier au milieu de toutes ces belles choses. Antonio lui montrait les filles qui passaient au bras de leurs amoureux ; puis il se mit à lui parler de sa maîtresse à lui, avec une telle ferveur d'accent que Rafael se rapprocha pour mieux l'entendre. Après les émotions de cette journée, dans cette trépidation de plaisir et ce chatoiement des lumières, leur sympathie mutuelle se rejoignait enfin complètement ils se comprenaient comme deux amis. Antonio s'ingéniait à louer sa maîtresse, il l'ornait d'épithètes étincelantes comme des joyaux.
         C'est sans doute pourquoi Rafael ne rentra pas à l'hôtel, cette nuit-là. Antonio le conduisit dans une petite maison basse, rue Don-Juan-d'Autriche, où une vieille les reçut avec une grande politesse, et, quelques instants après, leur ramena des femmes...
         Le lendemain, dès le matin, Rafaël s'était empressé de se procurer une place à l'ombre " pour la première course. Comme il s'y attendait, il se passionna tout de suite. Seul l'éventrement des chevaux l'écœura, et il ne put s'empêcher de le dire à Antonio, ce qui le fit traiter de gavacho par une femme. Gavacho, terme de mépris par lequel on désigne les, Français.
         Le dernier taureau avait été dédié par Mazzantini à la musique française. Une équipe de mules pimpantes venait de traîner la bête morte à travers la piste. Comme il avait fallu plusieurs coups pour la tuer, un ruisseau de sang coulait sur le sable, et les valets de toril ne parvenaient pas à l'effacer sous la sciure qu'ils jetaient à pleines poignées. L'engagement avait été très chaud, le public, encore frémissant, trépignait.

         Alors Mazzantini et Guenita, sur la même ligne, traversèrent l'arène, suivis de leurs cundrillas. Arrivés devant la loge de la Presidencia, dans laquelle étaient les musiciens français, ils saluèrent, la toque à la main. Aussitôt ceux-ci attaquèrent l'hymne royal espagnol. On l'écouta en silence, mais, avant même qu'il fût fini, des voix furieuses s'élevèrent réclamant la Marseillaise.
         - La Marseillaise, la Marseillaise ! reprit la foule, en une clameur formidable, ininterrompue. Les cuivres jouèrent. Dès les premières notes, les trente mille spectateurs étaient debout. Ce fut du délire. Les prunelles s'allumaient, les bras s'agitaient, les chapeaux volaient par-dessus les banquettes ; ceux des gradins inférieurs enjambaient les barrières en criant :
         - Vive la France !

         Rafael, bousculé par ses voisins, souriait à la vue du tumulte. Il restait froid au milieu de ce terrible enthousiasme, par la contradiction qui le faisait rire au théâtre, quand les autres pleuraient. Un vieillard, qui était à côté de lui l'injuria à cause de son calme:
         - Eh ! je suis plus Français que vous dit Rafaël en haussant les épaules.
         Et montrant à Antonio un flot d hommes qui roulait des hauteurs en brisant les appuis des banquettes:
         - Si on ne dirait pas qu'ils veulent assommer quelqu'un !
         Une sorte de frénésie poussait les masses hurlantes au milieu de l'arène, où les artilleurs français étaient descendus. On les portait en triomphe ; les femmes, plus exaltées encore que les hommes, leur offraient des bouquets. Dans les acclamations éperdues, on sentait les cœurs gonflés et les larmes prêtes à jaillir. L'hystérie des fou, les précipitait en aveugles sur l'objet de leur amour, au risque de l'écraser dans leur étreinte; et, au milieu de ce cirque encore tout chaud de carnage, où l'on piétinait dans une boue de sang, ce cri de fraternité, poussé par une ville entière, était effrayant à entendre comme un rugissement de haine. Au dehors, les sifflements des trains, dans la gare tout proche, se mêlaient par instants à l'immense clameur, et l'on entendait le roulement sourd des wagons sur les rails se prolonger en un grondement de tonnerre.

         Malgré le souvenir désagréable qu'il avait gardé de cette scène, Rafaël ne manqua pas une course, les jours suivants.
         C'était d'ailleurs son unique distraction. Il ne savait comment employer ses matinées et le soir, sans Antonio, il aurait été se coucher dès neuf heures, tellement tout l'ennuyait et l'excédait. Les heures tardives des repas, les boissons sucrées des cafés, jusqu'aux méandres inextricables des petites rues, où il se perdait, lui faisaient regretter de plus en plus d'avoir quitté l'Afrique. Le dernier soir qu'il passa à Valence, il ne cessa de songer à Bacanète et à Pépico ; et supputant les étapes, il conclut qu'ils devaient être à Bou-Ceydraya, chez Patrocinio l'alfatier. Au milieu des splendeurs du Café d'Espagne, il leur envia la soupe aux garbazos et l'eau glacée du puits.

         Aussi, les courses finies, s'empressa-t-il de partir pour Castellon-de-Rugat, malgré les instances d'Antonio, comme si, en même temps que sa famille, il allait retrouver quelque chose d'Alger. A la portière du wagon, il regarda se dérouler jusqu'à Jativa la fameuse huertaz de Valence avec ses champs de maïs, ses arbres fruitiers, ses palmiers et ses orangers.
         C'était une Mitidja plus grande, plus fertile, plus arrosée. Les noms arabes des stations,
         - Benifavo, Alginet, Benigamin, augmentaient l'illusion ; et Rafaël s'attendait presque à voir surgir Beni-Méred, avec sa colonne et ses lauriers-roses.
         A la station de Puebla-de-Rugat, un de ses cousins l'attendait. Deux petits ânes devaient leur servir de montures jusqu'à Castellon, qui était encore éloignée de plus d'une lieue.
         Rafael éprouva quelque répugnance quand il fallut s'installer à califourchon sur sa bête:
         - En voilà, un pays! dit-il à son cousin... il n'y a pas seulement d'omnibus chez vous autres ..
         Mais, à côté d'eux, un jeune homme très élégamment vêtu, s'apprêtait à en faire autant, après avoir essuyé avec son mouchoir ses bottines de cuir jaune. C'était un hobereau des environs qui revenait, lui aussi, des fêtes de Valence. Il disposa sur le dos de son âne une espèce de tartan à franges, puis il s'y assit, les jambes pendantes, à la façon des meuniers. D'une main il prit la bride, de l'autre il tenait une ombrelle à doublure verte. De nombreuses bagues étincelaient à ses doigts. Il talonna la bête et partit au trot en criant un bonjour amical aux deux jeunes gens.
         L'exemple décida Rafael, qui tout d'abord voulait faire la route à pied tellement il avait peur de paraître ridicule sur son âne.
         Ils suivirent un sentier qui s'enfonçait entre des dunes de sable rouge, où s'accrochaient de loin en loin des pins en parasol à moitié déracinés. C'était l'aridité du Sud africain. Des cailloux s'éboulaient, dans les descentes, sous les pas des ânes. On traversait des lits de torrents desséchés, et toute la terre apparaissait d'une misère farouche, comme entre le Camp-des-Zouaves et Boghari. Le sentier étant fort étroit, Rafael ne pouvait guère causer avec son cousin, qui le précédait. Mais, à mesure qu'ils se rapprochèrent du village, la piste devint plus large. Ils commencèrent à cheminer côte à côte.

         Rafael plaisanta les mauvaises routes d'Espagne, les attelages et les auberges.
         Son cousin l'écoutait, bouche béante, l'air timide et un peu scandalisé. Il avait environ vingt ans. Carré d'épaules et de visage, il offrait tous les traits de leur famille et lui ressemblait étonnamment. A chaque instant il rougissait et, sous l'afflux du sang, on voyait s'allumer dans sa chair rose les petits poils d'or de ses lèvres. Il rougit bien davantage quand Rafaël, pour le forcer à parler, lui demanda - Eh bien ! Juanète, tu veux venir en Afrique avec moi?...
         Il baissa la tête avec un petit rire d'enfant honteux, puis il finit par répondre en regardant son cousin à la dérobée :
         - Ah! si le père le voulait, je m'en irais bien avec toi, Rafaelète ! parce que, vois-tu, je m'ennuie, oh! je m'ennuie bien ici... on ne travaille plus chez nous, tandis qu'avec toi...
         Sans oser achever sa phrase, il fixa sur Rafaël ses yeux candides, où celui-ci vit monter une naïve admiration avec un élan de confidence toute fraternelle.

         Dès lors ils furent amis. Juan, tout à fait à l'aise, causa. Il lui parla du village, des siens surtout. Il avait un frère aîné et quatre sœurs, dont la dernière encore toute petite. Une vieille tante, sans enfants, habitait une maison à côté de la leur c'était une tante de son père Rafael se rappela en effet avoir entendu sa grand'mère, la tia Pépa, lui parler de cette belle-sœur comme d'une terrible femme. Elle n'avait jamais voulu quitter l'Espagne, même au plus fort de la famine, et, au ton respectueux dont l'adolescent la nomma, il comprit qu'elle était pour eux une manière de personnage.
         Tout à coup, comme si une angoisse l'oppressait, Juanète demanda à Rafaël :
         - Vous autres, en Afrique, est-ce qu'on vous envoie à Cuba?...
         Rafael se mit à rire, à cette question naïve. Il fut obligé d'expliquer à son cousin que l'Afrique appartenait aux Français et que ceux-ci ne se souciaient point de Cuba. Ces propos jetèrent Juanète dans un grand étonnement, et il ne pouvait admettre que l'Afrique ne fût pas une propriété personnelle de la Reine régente. Il ne retint et ne comprit qu'une chose, c'est que Rafael n'irait point à Cuba
         - Tu es bien heureux, toi, dit-il, le cœur gros. Moi, je vais tirer au sort cette année. On m'enverra là-bas comme les autres... Je ne reverrai plus ma patrie..

         Le village venait d'apparaître, au sommet d'une petite colline en pente douce. Les maisons antiques, percées de fenêtres semblables à des meurtrières, se resserraient sur un étroit espace. Dans la pénombre du crépuscule, les murs grandissaient, se tassaient autour du clocher, et l'on eût dit une de ces cités symboliques que les statues de saints, sous les porches des cathédrales, tiennent dans leurs mains de pierre comme des ex-votos. Le jeune croissant de la lune brillait au milieu d'un ciel d'une limpidité et d'une douceur inexprimables. On distinguait la belle couleur verte des champs de maïs, qui s'étendaient autour du village comme une oasis de culture. Une grande paix enveloppait toutes choses. A peine de loin en loin un petit bruit d'eau courante dans les rigoles des champs.
         Rafael, à la vue de cette terre où les siens étaient nés, éprouva une sorte de peur. Dans ce silence nocturne, où sonnait étrangement la rumeur de leurs voix, le cœur battait comme s'il allait réveiller un mort.
         En haut de la colline, des hommes qui prenaient le frais étaient accroupis sur une seule ligne, qui occupait toute la largeur du chemin. Ils se dérangèrent pour laisser passer les deux voyageurs, en leur adressant un bona nit (i), d'un ton sinistre.
         - En voilà des figures de brigands ! dit Rafael, que ces façons primitives inquiétaient.
         Ils entrèrent dans une ruelle étroite, pavée de durs cailloux, et, tout de suite, Juan montra la maison de famille à Rafael. Son oncle était assis devant la porte. Une petite fille jouait à ses pieds. Sitôt qu'ils furent en présence, Rafael crut voir son père, et il l'embrassa de tout son cœur, comme il n'avait jamais embrassé personne, pas même sa mère, le lendemain de la scène où il avait failli tuer Pepa. Une petite femme maigre et vêtue de noir arriva aussitôt, c'était sa tante. Elle lui souhaita la bienvenue d'une façon si simple et si noble qu'il en fut gêné et ne sut que répondre. Mais l'aînée de ses cousines, une belle fille rieuse, lui rendit un peu De son assurance.
         On le fit entrer dans la principale pièce dont la rusticité l'étonna et lui inspira quelque mépris. On aurait dit une grange. Pas de fenêtres. Seule, la porte ouverte éclairait l'intérieur. Le sol était formé de terre battue, au fond était l'entrée des écuries, et, de chaque côté, les pièces où l'on couchait. Une grande jarre pour la provision d'eau, de pauvres ustensiles de cuisine pendus aux murs, quelques chaises de paille et des tabourets de bois. Au milieu de cette misère, la mère, redressant sa petite taille dans sa robe noire, allait et venait, donnant des ordres à ses filles et accomplissant besognes de ménage avec des gestes si mesurés et si graves qu'on l'aurait prise pour une dame.

         Mais les étonnements de Rafael redoublèrent quand on le convia à se mettre à table. Il ne vit qu'un petit guéridon carré autour duquel on avait disposé quatre tabourets pour lui, son oncle et ses deux fils, dont l'aîné allait rentrer des champs.
         Les femmes servaient les hommes et mangeaient à part, après eux. Une grande soupière contenait la paella, le mets national, le plat des jours de fête,
         - un mélange de riz au safran, de volailles et de porc salé.
         Quatre couteaux, un verre, une cruche d'eau, complétaient le service. Juanete apporta de la cave une autre cruche de vin, pour Rafael et pour son père, car son frère et lui, non plus que les filles, n'en buvaient jamais.
         Le père dit le Benedicite, puis il coupa le pain, après y avoir tracé une croix avec son couteau. Il en rompit un petit morceau et mit la main au plat, en engageant Rafael à l'imiter. Il trempait sa bouchée de pain dans la paella, et, du pouce, appliquait dessus un débris de viande, qu'il mangeait ensuite. Rafael, qui ne savait pas se servir de ses doigts, était fort embarrassé. Il se sentait dépaysé de plus en plus.
         Ces vieilles coutumes, que les siens avaient oubliées, mais surtout l'air austère de la maison l'indisposaient. Il plongeait maladroitement son pain dans la soupière, pour ne pas faire d affront à son oncle. Mais sa tante, qui l'observait, tout en servant les convives, lui apporta, sans rien dire, une fourchette d étain. Le père remplit de vin l'unique verre, méticuleusement, comme s'il versait une liqueur précieuse. Il y goûta et le passa ensuite à Rafaël, tandis que Juanète buvait une gorgée d'eau dans la cruche.

         Cependant Rafael faisait effort pour répondre à son oncle, qui l'interrogeait sur sa mère, sur son autre oncle établi aux environs de Cherchell. Puis il passa à ceux du village qui avaient émigré en Afrique et qu'on n'avait plus revus depuis. De temps en temps, la mère s'arrêtait pour écouter.
         La belle fille rieuse s'était postée devant Rafael, le regardant comme si elle buvait ses paroles. La dernière, une enfant de dix ans, se serrait contre ses genoux et lui caressait la main. Alors, soutenu par le regard de sa cousine, heureux des caresses de l'enfant, Rafael se lança, et, comme il arrivait toujours, il se grisa vite de ses phrases sonores. Il sentait qu'autour de lui tout le monde était ébloui de sa prestance et de sa faconde, du ton d'assurance et de liberté dont il parlait.
         - Vous auriez dû rester en Afrique, dit-il tout à coup à son oncle,
         - et, par allusion à la misère du logis,
         - on gagne de l'argent là-bas... Laissez venir avec moi Juanète, vous verrez s'il vous en ramasse !
         Même une fille comme Remedios, ajouta-t-il en-désignant sa cousine, peut se faire, en étant servante, jusqu'à huit et neuf douros par mois... Et on mange du pain blanc chez nous.
         Le vieux regarda honteusement le pain de seigle qu'il tenait à la main.
         - Oui, oui, je sais, dit-il, je me rappelle. Ah! ce n'est guère comme ici !... Je ne cultive plus que juste ce qu'il nous faut pour manger, les impôts nous prennent tout. Ils ont même imposé le vin du bon Dieu ! et les consumos ! Tu ne sais pas ce que c'est, toi, Rafaël, les consumos : il faut payer à l'entrée des villes pour tout ce que vous amenez, une poule, un chou, un cruchon d'eau-de-vie; un coq, qui se vend ici quinze sous, en coûte trente à Jativa. Aussi les ouvriers n'en mangent plus...

         Le fils aîné venait de faire son entrée avec deux mulets chargés de fourrage. Les bêtes traversèrent la salle pour gagner l'écurie qui était au fond, frôlant Rafael au passage et culbutant les chaises. Le nouvel arrivant les confia à Juanète et vint embrasser son cousin. Il était maigre et décharné comme sa mère, la peau noire de soleil, le front élevé en pain de sucre, avec une chevelure épaisse et dure qui se rabattait sur le front, le vrai type du paysan valencien, robuste et têtu, l'œil atone et sans idées, comme celui des bêtes qu'il conduisait. Rafaël éprouva tout de suite pour lui une répulsion très vive, et son affection pour le cadet s'en accrut.
         L'aîné se mit à table, après avoir lavé ses mains. Puis les femmes commencèrent leur repas, tandis que Rafael et son oncle continuaient à causer. Quand le dîner fut fini, la mère se leva ; il se fit un silence, et, devant les hommes découverts, elle se mit à dire les Grâces, après quoi, elle tira un rosaire de sa poche, pour réciter une dizaine de chapelet.
         Elle commença l'Ave Maria. Toute la famille répondait, sans nulle hâte, d'un ton bas, pénétré, Sancta Maria, mater Dei ! Le murmure de l'oraison remplissait la salle et expirait en un balbutiement candide sur les lèvres de la plus petite.
         Sancta Maria, mater Dei ! Rafaël, qui ne savait plus les paroles latines, s'indignait de la longueur du rosaire; il lui parut interminable. L'oraison finie, les enfants s'approchèrent du père et de la mère, dont ils baisèrent la main, depuis le grand fils aîné jusqu'à la dernière de la famille. Ce rite patriarcal, qu'il n'avait jamais vu chez son père, jeta Rafael dans une profonde stupeur.
         C'était la coutume que les filles allassent se coucher sitôt la prière dite, mais elles restèrent, ce soir-là, pour faire honneur à leur cousin. D'ailleurs des voisins arrivaient, les uns par curiosité, les autres pour avoir des nouvelles de leurs parents d'Afrique. Il fallait les recevoir, leur donner des chaises. Remedios s'en alla à la fontaine chercher de l'eau fraîche, puis elle offrit la cruche, au plus ancien de l'assistance, qui la passa au plus proche. Chacun but une gorgée à la ronde.

         Seul Rafael fumait une cigarette. Il trônait au milieu des groupes, répondant aux uns et aux autres, vantant l'Afrique, conscient de la voir et de la décrire plus belle qu'elle n'était, mais parlant quand même, entraîné par le rythme de ses phrases.
         Sa prestance, son grand air, firent une impression des plus favorables. Les voisins partirent enchantés, et, le lendemain, tout le village savait que le fils de Ramon était arrivé.
         Rafael se réveilla très tard, ayant fort mal dormi. On lui avait donné, dans la plus belle pièce, le lit le plus somptueux de la maison, des images de dévotion décoraient les murs, des coffres semblables à ceux des Arabes, revêtus de ferrements et de cuirs multicolores, s'alignaient dans le fond. Le traversin de son lit était agrémenté, à l'un des bouts, d'une longue broderie qui traînait jusqu'à terre. Mais le matelas était si dur, et il avait la tête si basse qu'il ne dut fermer l'œil avant le jour.
         Quand il se fut lavé à la fontaine, les deux fils étant déjà partis pour les champs, son oncle le conduisit chez la grand-tante, qui habitait quelques maisons plus loin. Rafael vit une vieille femme aux traits durs, mais ayant conservé une allure vive, un peu saccadée. De gestes et de propos impérieux, on devinait qu'elle était accoutumée à une obéissance respectueuse de la part de toute la famille. Elle accueillit Rafael d'un ton jovial. Sa voix rude sonnait comme celle d'un homme.
         L'intérieur de son logis était en tout semblable à celui de l'oncle Juanète. Le même petit guéridon, avec une soupière de paella fumante, attendait les deux visiteurs. La grand-tante les força à s'asseoir, en les engageant à manger, bien que Rafael assurât qu'il n'avait pas faim. Elle-même les servait, remplissant leur verre avec une espèce de fiasque à long bec recourbé, et, tandis qu'ils buvaient, promenant sur la table et sur la soupière une époussette en papier, pour chasser les mouches.

         Elle était très bavarde. Elle ne cessait d'interroger Rafael, voulant tout savoir, et ce qu'était son métier, et sa, mère, et Pascualète, celui qui, comme Ramon, n'était pas revenu en Espagne. Elle hochait la tête quand Rafael célébrait l'abondance et la richesse de l'Afrique. Par plaisanterie, il ajouta en regardant son oncle:
         - Même que je vais emmener Juanète avec moi...
         - Qu'est-ce qu'il irait faire avec toi ? répliqua sèchement la vieille... D'abord il faut savoir parler comme les Maures, dans ce pays-là...
         - Mais non, dit Rafael, on parle le français..
         - Le français, le français!... n'empêche, ce n'est toujours pas une langue de chrétien... Et puis, il n'y a pas d'églises, chez vous autres...
         Rafael protesta qu'il y avait des églises en Afrique, peut-être même plus belles qu'en Espagne, ce qui calma un peu la grand-tante. Mais elle repartit aussitôt :
         - Allez-vous à la messe, au moins, puisque vous avez des églises?...
         En même temps elle coupa une tranche de pain et alla le donner à un mendiant qui débitait ses patenôtres sur la porte.
         Rafael répondit que, pour sa mère, il ne savait pas. Quant à lui, il n'y allait jamais, à la messe. Il n'avait pas le temps, le métier avant tout !...
         - Comment ! tu ne vas pas à la messe ! s'exclama la vieille, d'un ton de stupéfaction douloureuse.
         Elle joignit les mains puis, se redressant de toute sa taille, comme si elle allait dire une chose solennelle :
         - Qui n'e va pas à la messe renie le Christ, et, sans le Christ, qu'est-ce que c'est que le monde ?... Ah ! misère, misère !... Puis, se fâchant pour de bon
         - Alors tu vois bien que j'avais raison, vous êtes des Maures là-bas, vous ne croyez pas au Christ...
         Elle parlait d'un ton véhément, où se retrouvait comme un écho des prônes qu'elle avait entendus. Rafaël souriait, moitié amusé de sa colère, moitié vexé de ses reproches. Il fallut qu'il promît, avant de partir, d'aller à la messe ; et même la vieille lui cria de sa porte, lorsqu'il fut sorti.
         - Tu diras à ta mère et à Pascualète qu'ils sont des hérétiques, s'ils ne vont pas à la messe !...
         Il rit tout haut de la sortie de la grand-tante, mais le silence de son oncle lui fit sentir qu'il était seul de son avis. Celui-ci s'empressa de le montrer à tout le village, qui lui fit une véritable ovation. Les femmes, accourues aux fenêtres, le saluaient.
         On chuchotait d'un groupe à l'autre :
         " Es el Moro, c'est le Maure d'Alger, le fils de Ramon..."
         Beaucoup même s'étonnaient que Rafael n'eût pas la peau toute noire.
         Des hommes se joignirent à eux, et tout un cortège les accompagna jusqu'à la fontaine qu'on venait de construire de l'autre côté du village, sur la route provinciale, c'était une curiosité que Rafael dut admirer.

         De là, on le conduisit à une fabrique de jarres, la seule industrie du pays, et on le présenta au maître potier. Après quoi, il n'y eut plus rien à voir.
         Les jours suivants furent intolérables pour Rafael. D'abord il sentait un abîme entre lui et ses parents. Jamais il n'arriverait à les comprendre, ni à vivre de leur vie. Et puis, que faire, dans ce morne village engourdi de soleil ? Il détestait trop les travaux des champs pour aider ses cousins. L'unique café était désert, et on n'y trouvait aucune des boissons d'Algérie, rien que de la limonade et de l'anisette. Rafael n'eut d'autre distraction que de causer le soir avec Juanète. Il lui démontrait combien son existence était misérable.
         Avait-il envie de croupir jusqu'au bout dans cette misère ?..."

         La veille de son départ, il lui fit promettre de s'embarquer, à la première occasion, pour Alger, même malgré son père, malgré les fureurs de la grand-tante.
         Il partit chargé de commissions et de lettres que ceux de Castellon adressaient à leurs parents d'Afrique. Une mauvaise diligence le conduisit à Altea, une petite ville de la côte, entre Alicante et Valence, où le bateau devait faire escale pour embarquer des fruits.
         Sur la plage, il y avait des montagnes de melons et de pastèques, des poires et des pommes en tas, et jusqu'à des chapelets d'oignons et d'échalotes. Passagers et légumes s'entassaient dans une barque qui allait et venait entre Ie rivage et le bateau arrêté sur ses ancres au milieu de la baie.
         Une bande de jeunes gens, accompagnés de mères en larmes, arriva juste pour le dernier voyage.
         - Tiens ! dit quelqu'un à Rafaël, en voilà encore qui se sauvent pour ne pas aller à Cuba !
         Les jeunes gens se précipitèrent vers la barque, affolés par la cloche qui sonnait sur le navire. Ils bousculèrent, en grimpant dans l'embarcation, une femme enceinte qui ne parvenait pas à se hisser et qui demandait de l'aide d'un ton lamentable. Rafaël ne put s'empêcher de dire.
         - En voilà des sauvages ! Ils traitent les femmes pire que les Arabes...
         Et ce furent ses adieux à l'Espagne.
         Il passa la nuit sur le pont, comme au départ. La soirée fut étincelante et chaude, sans un souffle d'air. Vers quatre heures du matin, une humidité tiède qui le transperça lui fit ouvrir les yeux. La coupole de Notre-Dame d'Afrique était devant lui. Le long de la route de Saint-Eugène, les files des réverbères étoilaient l'ombre de points d'or. Il vit le Faubourg avec ses toits rouges, puis Alger apparut dans les vapeurs bleuâtres, comme une ville de songe.

         Le port retentissait déjà du roulement des camions et des claquements de fouets. Rafael, appuyé au bastingage, reconnut des camarades qui descendaient les rampes du Boulevard au trot de leurs quatre chevaux.
         Il franchit vite le ponton et courut au café ou se tiennent d'ordinaire les charretiers et les camionneurs, Il tomba sur Pépico, attablé avec d'autres amis de la Carrière. A la vue de Rafael, ce fut une explosion de joie et des cris, on lança les bérets en l'air.
         L'enthousiasme factice le gagna, et, ne sachant auquel répondre, il répétait :
         - Ah ! mon ami, si tu savais! ... Il faut avoir vu ça, là-bas !...
         En une minute, il avait oublié toutes ses rancœurs, la misère de Castellon, les reproches de la grand-tante, les longs jours d'ennui. Il ne voyait plus que les jolies mules de l'arène, avec leurs pompons de soie, et les femmes de l'Alameda sous leurs mantilles de dentelles. On faisait cercle autour de lui, grisé par ses souvenirs, emporté par ses phrases, il parlait de Valence comme un amoureux...

        

Louis Bertrand




L'ECHO D'ALGER
Par M. Bernard Donville
                Chers amis, Bonjour aux fidèles

            Voilà le dernier envoi concernant L'Echo d'Alger et quand j'écris le dernier c'est valable pour quelques temps voire...

            En effet j'ai d'autres activités locales pour la préparation de journées commémoratives des 50 ans du Cercle Algérianiste de Toulouse dont je me permets de vous faire parvenir la prochaine affiche et "en même temps " de vous y inviter.
            Par ailleurs j'ai l'intention de partir revoir ma méditerranée pour quelques temps. Enfin je n'ai plus rien à vous apprendre!!

            Autrement dit si le ciel m'apporte un sujet que je n'aurais déjà traité on pourrait se réécrire en octobre sinon sachez que je me suis beaucoup investi dans ces relations que j'ai maintenues et qui je l'espère vous ont conforté dans le souvenir de notre terre.

            Mais aujourd'hui finissons l'Echo d'Alger par les nouvelles de nos voyages vers la metropole et surtout les nouvelles brèves d'échange avec les lecteurs, souvent des délices. La fin du journal pour raison politique est affligeante et je n'ai pu m'empêcher de laisser passer ma rancoeur.
            Tchao les amis, bonnes vacances
            Bonne lecture et amitiés
            Bernard Bernard : bernardonville@free.fr
Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers
            Echo 6.pdf
FIN


ZONE BLEUE

De Jacques Grieu

PARBLEU !

Quand je sors mes pinceaux pour y mettre du bleu
Je me sens tout perplexe, intimidé un peu.
Entre le bleu saphir, le bleu nuit, bleu acier,
On trouve le persan, le cobalt, l'azuré
Ou encor l'outremer, l'horizon, le sarcelle,
Bleu canard ou turquin, bleu pastel ou bleu ciel….

" La couleur bleue est froide ", ont dit les spécialistes ;
Pourtant, le bleu de chauffe est un bleu qui existe…
Pourtant, de chauds jurons, il en a fait, le bleu !
Sacrebleu, ventrebleu, corbleu ou palsambleu.
Jarnibleu, vertubleu, de quelque ton qu'ils fussent,
Ils trempent dans le bleu ! Pervenche ou bien de Prusse ?

Le bleu est mystérieux : symbole de sagesse,
Il nous fait des peurs bleues ou des bleus à compresses !
Du bleu méfions-nous, bleu marine compris.
Pourquoi les casques bleus ont-ils ce coloris ?
Le Fleuve Bleu lui-même a de brusques colères,
Et le requin peau-bleue terrorise les mers.

On sait que les " fleurs bleues " se font toujours cueillir
Qui n'y voient que du bleu avant de tout subir.
Sang bleu ne coule plus mais il porta malheur,
Et on en reste bleu au récit de ses peurs.
Un col bleu, de vertu, n'est pas modèle à suivre,
Pas plus que les bas-bleus confites dans leurs livres.

" Ô : bleu ", a dit Rimbaud. Un Ô… d'admiration ?
Car le bleu est aussi sujet de dilection.
Avoir le ruban bleu est une récompense ;
Être un bon cordon bleu est de grande importance.
Comme la teinte est bleue, pour… nos cartes visa,
Au-dessus des nuages, le plus beau bleu est là ;

Jacques Grieu                  



TLEMCEN ET SON TERRITOIRE.
Gallica : Revue de l'Orient 1851-1 pages 135-150

Division--en trois quartiers principaux.
- Banlieue. - Productions.
- Météorologie. - Statistique.

                 La position de Tlemcen est des plus heureuses. Assise sur un plateau uni, légèrement incliné vers le nord, elle est adossée contre la montagne de Tierni, élevée de 1,335 mètres, appendice du plateau supérieur du Nador d'une hauteur de 1,529 mètres au-dessus du niveau de la mer, et d'où l'on découvre la ville d'Oran.
                 Ces montagnes l'abritent contre les vents du sud.
                 Son élévation, d'après M. Mac Carthy, est de 725 mètres. Sa latitude nord est de 35°, et sa longitude ouest de 3° 6' du méridien de Paris.

                 Elle n'est qu'à 48 kilomètres de la mer du côté de l'embouchure de la Tafna, et elle communique avec Oran par une route carrossable, empierrée en partie.
                 Sa forme est celle d'un quadrilatère presque régulier, et elle est loin d'occuper l'immense enceinte d'autrefois, dont on voit encore les ruines, laquelle pouvait avoir de 5 à 6,000 mètres de développement. L'enceinte actuelle, beaucoup rétrécie, peut à peine suffire aux nombreuses demandes de concession de terrain à bâtir, faites journellement par les habitants. C'est une mauvaise chemise en maçonnerie que les événements de 1845 rendirent indispensable.

                 En creusant le sol pour de nouvelles fondations, on voit que la ville repose sur un monceau de ruines superposées, romaines, turques et mauresques, au-dessus d'une nappe d'eau que l'on rencontre à quelques mètres de profondeur. Cette nappe d'eau rend les habitations du rez-de-chaussée extrêmement humides et malsaines, et l'humidité est encore accrue par d'innombrables conduites d'eau qui traversent la ville dans tous les sens.
                 Si jamais Tlemcen a possédé quelques beaux édifices du temps de la splendeur de ses anciens rois, il n'en reste que très-peu de traces aujourd'hui. Nous ne pouvons citer que la grande mosquée, la mosquée de Sidi Brahim, la porte d'Agadir, celle du Mansourah, son minaret, la mosquée aux farines, la porte du magasin aux vivres, et, par-dessus tout, la mosquée de Sidi Boumediene.

                 Quoi qu'il en soit, ses trente-deux mosquées, ses sept enceintes, ses forts, ses marabouts nombreux, ses bassins, ses conduits d'irrigation, ses aqueducs, ses portes dégradées, ses vieilles tours, ses restes de moulins, ses immenses cimetières, ses minarets, ses barrages enfin, nous attestent qu'elle a possédé autrefois une population immense; nais, malgré tout cela, nous ne pouvons admettre que cette ville, dont les historiens ont tant vanté la force et l'opulence, n'a jamais atteint ce haut degré d'industrie, de commerce ou des arts, où sont parvenues les cités les plus florissantes de l'antiquité.
                 Le voyageur qui n'aurait pas vu Tlemcen depuis 1842, alors qu'elle était dans un état de délabrement et de ruines, serait aujourd'hui très-surpris de sa transformation et de sa situation prospère. Des rues nouvelles ont été percées et empierrées, d'autres ont été élargies.

                 D'énormes pâtés de maisons ont été démolis pour faire des places publiques et des promenades, plantées d'arbres d'une belle venue. D'élégants magasins ont remplacé d'ignobles façades. L'eau est fournie abondamment sur les places et dans les rues par des fontaines publiques et des bornes-fontaines. De larges égouts avec de nombreux embranchements conduisent hors de la ville les immondices qui s'y déversent. L'air, la lumière pénètrent et circulent dans les quartiers assainis, balayés et rafraîchis l'été par un arrosage public. Quand on se reporte au temps où la ville, plongée dans la tristesse de ses ruines, n'offrait çà et là que des cloaques pleins d'immondices, infestant au loin la colonne atmosphérique, nous ne pouvons nous défendre d'un sentiment de satisfaction et d'orgueil, en voyant de si nombreux et utiles travaux effectués en vue de l'hygiène publique et de la prospérité future du beau pays de Tlemcen.

                 La ville se divise en trois quartiers principaux.

                 1° Quartier des Koulouglis C'est le plus élevé et le plus sain. Les maisons des indigènes, quoique ne recevant l'air que d'un seul côté, sont propres et soigneusement blanchies â ta chaux Vieux fois par an. La plupart n'ont qu'un rez-de-chaussée, et un grand nombre possèdent des puits ou des filets d'eau provenant des conduits publics. Ce quartier renferme le Méchouar, ancienne citadelle entourée de murailles nouvellement restaurées, où sont entassés des établissements nombreux qui ne devraient pas être agglomérées sur un seul point. N'est-il pas fâcheux, par exemple, qu'on ait placé un superbe hôpital de 420 lits au milieu des casernements d'un magasin à poudre ? Sa proximité de ta grande caserne ne sera-t-elle pas nuisible aux malades, non pas tant parce qu'ils seront privés de la vue de la campagne et des vents d'est, que parce qu'ils seront sans cesse troublés dans leur repos ? L'homme souffrant n'a-t-il pas besoin de calme et de ce sommeil réparateur.

                 Lorsque le bruit continuel des tambours et des clairons et la présence d'une multitude bruyante de soldats viendront sans cesse interrompre au grand détriment des moyens thérapeutiques ?

                 Une caserne n'est jamais un établissement bien agréable pour les habitants à cause de son entourage ordinaire de cabarets, fréquentés par des soldats et des filles publiques. Aussi, la caserne de Gouamela, située à quelques mètres de l'esplanade du Méchouar, au centre du commerce et de l'industrie dans un jardin qui aurait pu devenir un jour une belle place, entouré de magasins élégants, ne nous semble pas avoir été située sous l'influence d'une heureuse inspiration. Son emplacement aurait été beaucoup mieux choisi, si elle avait été placée sur ses remparts ; suivant en cela l'exemple offert par les garnisons de France.

                 2° Quartier du centre. Il est principalement occupé par les Européens et par les juifs, c'est le quartier du commerce proprement dit. Les juifs, qui se glissent partout où il y a de l'argent à gainer, peuple essentiellement et uniquement mercantile, tout en occupant des magasins à côté des Européens, habitent avec leur famille le quartier dit des Juifs. Quoique ce quartier ait subi d'importantes améliorations, il laisse encore beaucoup à désirer. Une grande partie des voûtes ont été abattues, un grand nombre de ruelles ont été élargies, des rues nouvelles ont été percées et nivelées. Des égouts en maçonnerie ont remplacé les misérables conduits sans cesse obstrués far les éboulements, et donnent un libre écoulement aux eaux sales et au produit des latrines publiques et privées dont l'horrible mélange infestait quelquefois les eaux destinées aux usages domestiques.

                 L'autorité a fait pénétrer malgré eux les bienfaits de l'hygiène, en faisant disparaître chaque jour un grand nombre de causes insalubres que leur incurie et leur insouciance laissaient agir en permanence sur leur santé. Mais il existe encore une infinité de maisons délabrées sur lesquelles il serait nécessaire de porter la sape, vraies catacombes où grouillent dans une affreuse malpropreté des êtres humains. Ce peuple, bornant ses besoins aux exigences de la vie animale, n'a d'autre ambition que celle d'amasser de l'or au sein d'une apparente misère; aussi, pourvu qu'il arrive à ses fins, n'a-t-il aucun souci de l'hygiène ! II faudrait abattre ces boyaux voûtés, encore nombreux, servant de rues, sans air, sans lumière, qui conduisent dans les maisons juives. Lorsqu'on a le courage de s'y aventurer en courbant la tête, on pénètre pour ainsi dire en rampant à travers des ouvertures, et on se trouve ensuite dans des cours étroites, où croupissent entre des dalles mal jointes des cloaques d'eaux boueuses mélangées aux matières provenant des latrines, aux excréments d'animaux domestiques nui répandent une horrible puanteur. Les caves de Lille sont, pour l'ameublement et l'apparence, des palais auprès de ces obscurs et fétides réduits. Le promeneur passant dans les rues principales ne se doute pas de l'insalubrité de tels logements et qu'il existe des foyers d'infection multiple dans cet amas de ruines et de catacombes.

                 3° Quartier des Radars. Après celui des juifs, c'est le plus malsain. Les rues y sont pour la plupart étroites, sans air, sans lumière et sans nivellement. Les maisons sont dans un état pitoyable. Les eaux n'ayant point d'écoulement demeurent stagnantes dans les cours où le fumier des animaux domestiques fermente â côté des pièces destinées aux habitations. Cependant ce quartier s'assainit de jour en jour. Les Européens se sont hasardes jusqu aux endroits les plus reculés. Se confiant à une sécurité douteuse dans le principe, qui n'a été jusqu ici troublée par aucun acte criminel, ils ont pénétré au milieu des habitations arabes ; ils y ont construit des maisons confortables sur des ruines ou sur les emplacements qui avant étaient des réceptacles d'ordures déposées par chacun, sans souci pour L'hygiène publique.

                 Banlieue de Tlemcen. La banlieue de Tlemcen est constituée par la plaine de Tlemcen, la plaine d'Hamaya, la vallée d'Oucha et le plateau de Tienis.

                 La plaine de Tlemcen, d'une forme à peu près quadrilatère, légèrement inclinée vers le nord, très-peu onduleuse, peut avoir une superficie de 80 à 100 kilomètres. Le paysage le plus pittoresque se voit à l'est de la ville, du côté de Sidi-Boumediène. C'est un fourré d'arbres magnifiques que nos promeneurs ont décoré du nom de bois de Boulogne. Dans ce lieu traversé par des ravins majestueux et verdoyants et par des eaux courantes, on pénètre par des chemins nouvellement tracés sous des berceaux où une végétation luxuriante a formé des voûtes de feuillages dont on ne peut bien apprécier les délices qu'au moment où le soleil darde ses rayons les plus brûlants. Là se trouvent réunis une foule d'arbres placés sans ordre et sans symétrie reliés la plupart par des vignes gigantesques qui s'élancent, en se balançant, jusqu'aux cimes les plus élevées, pendant que le lierre, la ronce et la bryone s'attachent aux vieux troncs penchés sur les ravins ou en tapissent les escarpements rougeâtres. Au-dessous on foule aux pieds des plantes odorantes qui répandent dans l'air un délicieux parfum. Ici des marabouts en ruines, mais toujours vénérés, là de nombreuses pierres tumulaires dans l'asile des morts, aujourd'hui abandonné, invitent au recueillement et à la mélancolie et concourent à faire de ce lieu magique le paysage le plus adoré du poète.
                 Du côté opposé sur la route du Mansourah, il existe un grand bassin en maçonnerie qui contenait du temps de la prospérité des Arabes les eaux destinées à arroser la plaine. On sait que l'irrigation dans la banlieue de Tlemcen avait été, de la part des anciens rois, l'objet de gigantesques travaux dont les ruines disséminées sont encore là pour attester la grande importance qu'ils attachaient aux productions d'un terrain si fertile.

                 A 1,600 mètres du même côté, on voit l'immense enceinte du Mansourah qui passe pour avoir été une ville. Du moins les fouilles récentes faites pour l'installation d'un village français ont découvert des ruines qui semblent confirmer cette version. Le pays de Tlemcen, par la richesse de son sol, a toujours été un objet de convoitise, et son histoire n'est qu'un long récit de guerres continuelles depuis ce fameux siége, en1216, par Âbi Saïd frère du sultan de Fez, qui l'assiégea pendant sept ans, et qui, pendant ce temps, aurait fait construire dans son camp la ville du Mansourah, jusqu'au blocus du commandant Cavaignac.
                 La plaine d'Hamaya est oblongue et d'une superficie de 60 à 70 kilomètres. Elle est beaucoup plus basse que la plaine de Tlemcen dont elle est séparée par un pâté de petites éminences, ayant â ses côtés deux petits cours d'eau qui vont se perdre dans la plaine.
                 A quelques mètres du minaret de Sidi-Yaya, qui s'élance â côté de vieilles masures arabes et d'un joli bouquet d'oliviers, on a choisi l'emplacement d'un village français qui doit contenir 221 maisons.
                 Les terrains, dans une contenance de 1,000 à 4,200 hectares et pouvant être arrosés, sont très-fertiles aux endroits cultivés, tandis qu'au-delà, quoique la terre soit également propre à la culture, il lui faut d'excellents laboureurs pour qu'elle paisse produire.

                 Le sol de la plaine est plus bas que les collines qui l'environnent. Cette disposition force les eaux pluviales de séjourner dans les terrains, parce qu'elles ne peuvent s'écouler facilement faute de ravins. Il en résulte que la santé des habitants pourra bien être un jour compromise par suite du dégagement des miasmes, à moins que l'on n'ait la précaution de l'assainir, soit par des travaux de salubrité publique, soit par une vaste culture dont les féconds produits, tout en étant une source de richesses, feront disparaître les causes d'insalubrité.
                 Les cours d'eau qui alimentent le territoire de Tlemcen sont très-nombreux et se dirigent tous du sud au nord.
                 Le principal est à Safsef, qui se jette dans Pisser après un trajet de 20 à 25 kilomètres. Ses eaux montantes, même en été, coulent sur un lit assez profond, garni de gravier, de galets ou de roches calcaires. Ses bords, généralement escarpés, sont surmontés d'une végétation arborescente très-riche qui maintient, ses berges et s'oppose aux inondations temporaires pendant la forte crue des eaux. Les eaux potables de la ville et de la banlieue sont extrêmement abondantes, limpides, d'une fraîcheur et d'une saveur agréables. L'eau de puits, moins bonne que celle des canaux, parce qu'elle contient plus de sels calcaires, n'est cependant pas mauvaise et cuit parfaitement les légumes. Cependant sa grande fraîcheur la rend susceptible d'occasionner des accidents intestinaux chez ceux qui sans précaution en boiraient en trop brande quantité, surtout lorsque le corps est couvert de sueur.

                 Trois canaux principaux, formés d'énormes tuyaux de poterie, création arabe remontant à une origine assez éloignée, prennent les eaux potables sous la montagne de Lallaleti, à un point. qui n'est pas encore suffisamment connu, et les transportent dans un château d'eau, situé à quelques mètres de la porte du sud, d'où elles sont distribuées, par une infinité d'artères et dans toutes les directions, dans les principaux quartiers de la ville pour alimenter les fontaines dont l'écoulement est continu. Elles ne tarissent jamais pendant les étés le, plus secs. Mais l'hiver, lorsque les pluies sont abondantes et tombent pendant quelques jours, lors surtout de la fonte des neiges qui recouvrent d'une couche épaisse les hauts plateaux, ces eaux deviennent, rougeâtres en se chargeant d'une grande quantité de terre arrachée par la rapidité des torrents.
                 Des fouilles récentes ont malheureusement constaté que les trois canaux principaux passaient sous le cimetière européen. Celui-ci, outre ce grave inconvénient qui n'était pas connu lors du choix de son emplacement, possède encore le désavantage d'être glacé contre les règles d'une bonne hygiène. En effet, il est situé trop près de la ville et précisément sous le vent du sud, celui dont l'influence est la plus dangereuse, surtout quand il est chargé d'émanations insalubres, entre les remparts et ta montagne, dans un endroit tellement encaissé que la ventilation ne peut s'y faire qu'au détriment de la santé des habitants.

                 Productions. La banlieue de Tlemcen possède dix villages arabes et quatre villages français sur un territoire parfaitement arrosé et d'une exubérante fertilité.

                 Son territoire s'élève graduellement par une élévation peu sensible jusqu'au plateau où la ville est assise ; il en résulte que les nombreux cours d'eau s'écoulent sans s'épancher au-delà des rives, assez lentement pour ne pas creuser ces ravins Profonds dus à l'action corrodante des torrents rapides qui, une fois l'orage passe, laissent derrière eux et aux environs une décharge désolante, sans faire profiter la culture dans les lieux qu'ils parcourent. Le territoire de Tlemcen est généralement mieux favorisé. Aussi est-il couvert, presque en entier, d'une foule d'arbres utiles dont la végétation ne le cède en rien aux plus beaux vergers de l'Europe. La ville est entourée, dans un demi-cercle, d'une forêt. d'oliviers séculaires d'une vigueur prodigieuse. On estime que, dans un rayon de 10 à 12 kilomètres, on peut compter au moins 50,000 pieds d'oliviers, en grande partie arrosés deux fois la semaine. Toute la banlieue, partout arrosable, couverte d'arbres fruitiers ou à découvert, est parfaitement cultivée far les habitants et produit de riches récoltes que L'on petit évaluer chaque année à 40,000 quintaux de blé et autant d'orge et à 5,000 quintaux de fourrages.
                 Outre la culture des céréales, le jardinage s'y développe avec une grande activité, et fournit en toute saison et avec abondance des légumes frais de toute espèce et de toute beauté. Pendant l'été, les figues, les raisins, les pèches, les melons, les pastèques, etc., sont apportés en profusion sur le marché.

                 Les quatre villages français, de 40 à 50 familles chacun, se développent dans une position qui ne laisse rien à désirer sous le rapport de la salubrité. Deux surtout, celui du Mansourah et le village de Négrier, au pont de la Safsaf, sont dans d'excellentes conditions de prospérité. Dans les deux autres, la végétation n'est pas aussi belle ni aussi avancée, et les maisons relèvent d'un pian trop symétrique, qui leur donne un air de langueur.

                 Nos quatre villages ont eu cet immense avantage que les colons sont entrés en possession de terrains en pleine culture, et qu'il ne leur a pas fallu faire de grandes avances pour faire des défrichements. Une fois la végétation vivifiée par des bras, l'intelligence et l'économie, ces terrains procureront dans un avenir peu éloigné une prospérité qui compensera largement les efforts des colons sérieux.

                 La culture des céréales a fait jusqu'ici le fond principal de l'exploitation agricole ; mais quand une fois cette production aura dépassé les besoins, en assurant les besoins de l'existence, l'aisance fera naître des produits industriels et commerciaux. Déjà 15,000 pieds de mûriers ont été plantés, et un riche colon de Tlemcen a obtenu un prix â l'exposition de l'Algérie pour la qualité de la soie qu'il a récoltée. La vigne est d'une belle venue, et tout fait espérer, d'après d'heureux essais, que l'on obtiendra de magnifiques résultats dans des terrains réellement propices à cette culture.
                 La moitié des habitants des villages nouveaux sont mariés. Chaque famille possède dix hectares de bonne terre en parfait rapport. L'administration vient encore au secours de quelques-uns dans la gène, en leur prêtant du blé et des bestiaux ; dans quelques années les bons travailleurs seront tous dans l'aisance.

                 Aux environs de Tlemcen, la terre végétale offre une grande épaisseur dans les jardins, dans les terrains plantés d'arbres et surtout clans fa magnifique forêt d'oliviers. Dans les parties qui ne sont pas arrosables, dans les plaines, la constitution géologique rappelle celle des hauts plateaux. Mais la végétation indigène, dans ces lieux incultes, peut aisément Caire place aux céréales et à des productions utiles, dès que la main du cultivateur intelligent et laborieux voudra lutter contre les obstacles naturels de ce sol jusqu'alors improductif. Dans les parties déclives, dans les vallées, partout où la couche végétale est profonde, la végétation est vigoureuse. Depuis les prairies naturelles, dont l'exploitation retire de beaux produits, jusqu'aux Forêts d'oliviers et d'arbres de construction répandus sur une large surface, le bassin de Tlemcen est susceptible de fournir au commerce et à l'industrie tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie et de devenir un jour la source d'immenses richesses. Cependant les orangers que l'on cultive si avantageusement dans d'autres localités en Algérie, ne paraissent pas pouvoir réussir et prospérer en plein champ sur ce territoire, à cause des froids trop rigoureux qui s'y font sentir pendant l'hiver. Le citronnier, au contraire, y est, d'une belle venue.
                 L'huile est un des plus importants produits de Tlemcen, et les colons français ont déjà compris les grands avantages qu'ils pourraient retirer de cette industrie en plantant sur leurs terres des milliers d'oliviers qui, avec les 50,000 déjà en très-bon rapport, donneront au commerce d'immenses quantités d'huile excellente.
                 On sait que les Arabes, avec leurs presses grossières et imparfaites, ne tirent pas tout le parti possible des olives, outre que leur Huile, épaisse et nauséabonde, est détestable pour nos palais délicats. Les Français ont établi des usines qui fonctionnent déjà depuis cinq ans, et leurs huiles limpides, douces et d'un goût exquis, ne le cèdent en rien aux huiles de Marseille. Mais ces usines ne sont pas encore suffisantes pour la masse d'olives qui abondent dans ce pays et ne sont pas convenablement installées pour les utiliser entièrement.

                 Nous ne ferons pas l'énoncé trop long des produits agricoles et industriels que le territoire de Tlemcen donne dés ce moment ou est susceptible de fournir un jour au commerce, et qui trouveront clos débouchés nombreux lorsque la route d'Oran sera terminée, ou lors que Tlemcen aura son port à Rachegoun. Nous ne parlerons bas non plus de la flore des environs qui ressemble à celle des autres points de l'Algérie. Nous dirons seulement, sans nous étendre sur les règnes, végétai et animal, que les bœufs et les moutons sont tellement nombreux dans la subdivision, que la viande de meilleure qualité ne se paie , dans les boucheries civiles, que 40 c. le kilogramme. Quant au pain, il est encore à un prix assez élevé, non pas tant par suite des faibles récoltes en blé, que parce que Tlemcen ne possède pas encore de minoteries, et que la mouture des grains n'a pas trouvé de concurrence suffisante. Quoi qu'il en soit, si le problème de la vie à bon marché doit, avoir un jour quelque part une solution en Algérie, ce sera assurément dans le riche et beau pays de Tlemcen.

                 Météorologie, La configuration du bassin de Tlemcen devait déjà faire pressentir que la chaleur n'y était pas très-forte en été, ni le froid très-vif en hiver. Si son voisinage du Maroc, si sa riche position agricole au centre d'un pays très-fertile qui l'avait fait considérer jadis comme le grenier naturel et l'entreprit où venaient s'approvisionner les tribus sahariennes, doit donner un jour à Tlemcen cette grande importance militaire et commerciale à laquelle elle est forcément destinée, elle n'est pas moins bien favorisée quant aux excellentes qualités du climat, avantage que ne possède à un aussi haut degré aucune autre ville de l'Algérie. En effet, son exposition levée vers le nord, la quantité des cours d'eau qui la rafraîchissent, sa végétation luxuriante, sa proximité du Sahara algérien, qui, au fur et à mesure que le soleil monte, aspire de bonne heure les brises de la mer destinées à remplacer l'air échauffe aux instants de la journée où les chaleurs sont les plus fortes, pendant que la montagne, contre laquelle elle est adossée, la garantit des vents du sud ; toutes ces causes réunies font due tes oscillations thermométriques ne s'exercent pas sur une trop vaste échelle et que sa température est moins forte que sa latitude ne semblerait l'annoncer.
                 Non seulement les brises de la mer sont plus fortes dans la province d'Oran que partout ailleurs, mais le chiffre le plus élevé du thermomètre n'a lieu à Tlemcen que l'après-midi, vers deux heures, par suite de cette circonstance qu'elles arrivent de meilleure heure pour rafraîchir l'atmosphère. Celle-ci ne s'échauffe définitivement à son maximum que lorsque l'équilibre s'est établi entre les colonnes atmosphériques provenant de la mer et celles qui viennent du Sahara.

                 La culture, la végétation, les moissons, sont au moins d'un mois en retard avec le littoral, où l'hiver est moins rigoureux et la température plus douce et plus uniforme. Tlemcen tient le milieu entre la température d'Oran et celle des Ksours. On sait que dans les oasis, dans ces plaines immenses, si la chaleur est excessive pendant l'été, la brise n'ayant qu'une très-faible influence sur ces sables brûlés par le soleil, les Divers y sont aussi plus rigoureux que sur lis bords de la mer. Aussi la colonne du général Cavaignac, dans l'expédition d'avril 1847, fut-elle très-étonnée d'être assaillie sur les hauts plateaux par les neiges et un froid glacial qui devaient quinze jours plus tard être remplacés far les chaleurs de la zone torride. Ce sont là des accidents météorologiques qui , par les circonstances que nous venons de signaler, ne s'observent pas dans le bassin de Tlemcen.

                 La température la plus basse que nous ayons observé à Tlemcen depuis 1842, a été de + 2, la plus élevée de 45o.
                 La température moyenne de l'année de 1842 à 1854 a été de 17° à 18°.

                 Non seulement le sirocco ne souffle que très-rarement, mais on le supporte facilement, quoiqu'il soit assez intense pour déraciner les arbres. II n'amène ,jamais sur le territoire ces nuées de sauterelles qui désolent de temps en temps les autres localités de l'Algérie. Elles s'arrêtent aux montagnes de Sebdou. Le sirocco n'arrive sur la ville que par rafales, se faisant plus particulièrement sentir sur les parties de la pleine qui ne sont pas, comme Tlemcen, garanties contre son influence pernicieuse. Cependant quand il souffle, l'atmosphère est tellement desséchée, que nous avons vu alors l'hygromètre descendre à 5°.
                 Les vents dominants sont l'ouest et le sud-ouest pendant l'hiver, et le nord pendant l'été. Nous n'avons jamais eu plus de cinquante jours de pluie dans une année, et encore elle ne tombe pas constamment l'hiver, elle laisse par intervalle de longues séries de beaux jours.

                 La moyenne des jours de pluie par année peut être évaluée â trente-cinq jours tout au plus. La moyenne de l'hygromètre est entre 50° et 551. Une année ne se passe pas ordinairement sans qu'il tombe de la neige.

                 Nous l'avons vu souvent couvrir nos montagnes d'une couche de 20 à 25 centimètres d'épaisseur, pendant qu'à 70 kilomètres vers le nord on n'en voyait, aucune trace. Les gelées blanches sont fréquentes, ce qui explique l'absence d'orangers sur le territoire. Le tonnerre ne gronde que dans la saison d'hiver, rarement en été. Les brouillards humides et épais, si fréquents dans l'ouest de la France, s'observent rarement à Tlemcen. Seulement, sur le cours des rivières et dans le fond des vallées, on voit quelquefois le matin, pendant l'automne, comme une nappe blanchâtre de vapeurs floconneuses qui, aux premiers rayons du soleil, se déchirent en lambeaux, bientôt transportés par les vents sous forme ale nuages.
                 La pureté du ciel et l'ardeur du soleil ne durent réellement sans interruption que pendant les mois de juillet, août et septembre. Il en résulte que l'économie, avec des précautions hygiéniques, peut aisément traverser cette période sans éprouver de bien fâcheuses influences. Le reste de l'année, les jours que nous ne considérons pas comme beaux, sont couverts pendant quelques heures de la journée; ensuite le ciel s'éclaircit, le soleil apparaît et ses rayons répandent une chaleur bienfaisante. Cependant, eu égard aux habitudes prises dans un climat chaud, on ressent très-vivement la moindre sensation de froid, el, les variations de température, qui constituent le caractère dominant de ce pays accidenté, sont excessivement funestes pour quiconque n'a pas le soin de s'en garantir.

                 Statistique. La population de Tlemcen et de la banlieue peut être évaluées 15,000 habitants, dont 3,500 Koulouglis, 4,000 Hadoux, 2,905 indigènes des villages arabes, 2,700 Juifs et 2,495 Européens. Ceux-ci se décomposent en 1,393 Français et 4,102 étrangers, la plupart Espagnols. La garnison est de 4500 hommes.
                 La population que l'on nomme Haouzia est formée de gens venus de toutes les tribus, qui servent de jardiniers ou de fermiers aux Koulouglis et aux riches indigènes. Il nous arrive chaque année une foule de Marocains qui servent, de manœuvres pour les travaux de maçonnerie. Le nombre des Nègres peut être évalué à 600.

                 Il existe à Tlemcen 21 écoles primaires chez les indigènes (mekteb), 4 écoles secondaires (medersa) pour former les Talebs. Un service médical est établi au bureau arabe, sous la direction d'un médecin français, assisté du fameux Ben-Zerga, l'ex abib d'Abd-el-Kader.

                 Les usages des indigènes de Tlemcen sont les mêmes que dans les autres villes de l'intérieur. Malgré leur sobriété et le petit nombre de leurs besoins faciles à satisfaire, leur aisance décroît tous les jours à côté de l'activité industrielle et agricole déployée par les Européens qui remplacent par un travail incessant leur nonchalance et leur paresse habituelles. Si l'aisance des indigènes de la ville décroît faute de travail, celle des habitants de la plaine qui cultivent la terre s'accroît de jour en jour.
                 Les Européens, grâce â la fertilité du sol, aux nombreux travaux commandés par le dénie militaire, à l'activité que donne au commerce la présence constante d'une forte garnison, n'ont pas eu à souffrir de cette crise qui a tant pesé il y a quelques années sur les autres villes de l'Algérie. II faut dire aussi qu'ifs ont été préservés de cette fièvre de bâtir sans argent et qu'ils ne se sont pas lancés dans des spéculations hasardeuses au bout desquelles on trouve souvent une ruine inévitable, lorsque, privé d'avances nécessaires, on est forcé de se jeter entre les mains des usuriers. Cependant il y a en ville beaucoup plus de cafés et de cabarets que ne le comporte le chiffre de la garnison et de la population européenne. Ce qui fait que la plupart ont de la peine à tirer bon parti de leurs frais d'exploitation.
                 L'Etat a concédé aux Français 300 maisons au moins, dont 250 ont été passablement restaurées, et 450 hectares de terre propre au jardinage, arrosables en totalité et deux fois par semaine. Chaque famille de la ville a en outre son petit jardin de 12 à 15 ares pour ses soins domestiques.

                 Malgré ces avantages, il en est encore un grand nombre qui ont peine à se suffire, moins par suite du défaut de ressources que par les mauvais éléments dont est composée une partie de cette population aventurière.

A. CATTELOUP
Médecin en chef de l'hôpital militaire,


L'Histoire de Rouiba
Pieds-Noirs d'Hier & d'Aujourd'hui N°208 Nov. 2012
UN PUITS ARTESIEN À L'ORIGINE DE ROUÏBA
     
                 Tout d'abord, avant de commencer, je tiens à remercier notre ami rouïbéen, Pierre Cara Terro, que vous connaissez tous pour son livre " Quand notre drapeau flottait sur Rouïba " et qui m'a précieusement aidé dans cette première partie de l'histoire de Rouïba.

                 L'Histoire de Rouiba est intensément liée à la conquête de I'Algérie et, à la mise en valeur de la plaine de la Mitidja.
                 Le 11 août 1853, sous Napoléon III, le Conseil du Gouvernement se pencha sur le projet de fondation d'un centre, sur la route d'Alger-Dellys, à I'embranchement du chemin d'Aïn-Taya, où le Génie militaire venait de mettre en service un puits artésien. Dès 1845, sur le futur territoire de la commune de Rouïba, quelques concessions de 100 à 150 ha avaient été offertes ou vendues à des Européens.
                 En 1852, huit fermes existaient. Le 30 septembre 1853 est publié le décret suivant.
                 - Article 1: Il est créé dans l'arrondissement d'Alger, sur la route Alger-Dellys, un centre de population de 22 fermes, qui prendra le nom de Rouïba.
                 - Article Il : Le territoire agricole à affecter à ce nouveau centre, ce conformément au plan ci-annexé, est de 585 ha 85 a 20 ca.
                 Fait au Palais des Tuileries le 30 septembre 1853
                 Signé : Napoléon


                 Origine du nom
                 Si l'origine de ce nom ne laisse aucun doute, sa traduction, par contre, ne fait pas l'unanimité - Ce pourrait être une déformation de " petite forêt, ou de la descente ou petit ruisseau ou encore, broussaille". Nous avons une preuve formelle à ce sujet, c'est le reportage d'un journaliste du journal " AKBAR" qui, en 1853, s'était rendu sur les lieux et déclarait: " Dans cet immense désert, je n'ai rencontré que deux habitations dans un océan de broussailles" À cette espèce d'abandon, j'ajoute un sentiment de tristesse et solitude angoissant". Aussi, ce ne fut que début mars 1854, qu'eut lieu I'adjudication de 22 concessions qui furent remises officiellement à leurs propriétaires à la fin de ce mois.
                 - Qui furent ces 22 familles de pionniers qui à la sueur de leur front, au péril de leur vie, guettés autant par la malaria, le paludisme et le choléra, que par les pillards, fondèrent Rouïba ?


                 Une grande majorité d'entre eux était originaire des Iles Baléares, plus précisément de Mahon, et avaient été retenus suite aux très bons résultats obtenus par leurs concessions de Fort-de-l'Eau, qui, dès 1849, s'étaient lancés dans la culture maraîchère. Rouiba était inclus dans la commune de la Rassanta qui comprenait Fort-de-l'Eau son chef-lieu ainsi que les hameaux d'Aïn-Taya, Matifou et Aïn-Beida (Suffren).

                 Le 22 août 1861, Rouiba fut érigé en commune de plein exercice. Petit à petit, le village s'équipe. En 1869, fut bâtie la mairie, et en 1876, l'église dont la construction a été entièrement financée par les familles européennes. En 1906, ce fut le marché couvert, servant aussi de salle des fêtes et de sport. En 1906, aussi, fut érigée la poste qui, jusqu'alors, se trouvait à I'intérieur de la mairie.
                 Dès 1887, Rouïba eut son école avec 3 classes.


                 En 1923 fut inauguré le Monument aux morts financé par une souscription publique. Rouïba, comme bien d'autres communes d'Algérie, avait payé un lourd tribu lors de la guerre 14-18, 105 de nos enfants donnèrent leur vie à la patrie. Dés 1930, un jardin publique d'une superficie de 10 ha, allait embellir notre petit village.
                 Rouïba eut sa première équipe de football en 1918, L'Etoile Sportive de Rouïba qui, en 1920, prit le nom de " Rouïba Sports". Une section de Boxe, gymnastique, un groupe théâtral, "Les Gaietés Rouïbéennes" et une fanfare, vinrent compléter les activités de cette association.
                 Parallèlement, une société de musique: " Les Amis de Rouïba ", un club cycliste,: " La Roue d'Or Rouïbéenne ", une association de boule," L'Amicale Boule Rouïbéenne ", tout ceci avait vu le jour à la même époque.
                 Quant à "Rouïba Sport Foot" il fut radié à vie en 1929, après de violents incidents face à l'équipe de Tizi-Ouzou. (Ils avaient sûrement envoyé les boxeurs à la place des footballeurs ...) Ainsi, le Club de Foot devait renaître de ses cendres en 1931, sous le nom de "L'Olympique de Rouïba.

                 Le boulodrome
                 À Rouïba (Ruba, comme disaient certains anciens), vous ne pouviez pas vous tromper. Tout d'abord, le centre ville avec ses quatre places. Places de la Mairie, du Marché, du Monument aux Morts et place du pissoir... (C'était ainsi ...).
                 Place du Marché, le kiosque à journaux, Mazini-Pons " où tous les Rouïbéens venaient prendre La Dépêche, L'Echo d'Alger ou Dernière Heure, ainsi que leurs paquets de Bastos, Camélia Sports, Job Brasilénas, etc...


                 Derrière vers I'entrée de la salle des fêtes, quelques commerçants dont un spécial qui nous effrayait un peu, " le magasin de couronnes du père Chassin ", place de la Mairie, le Boulodrome, les Établissements Llilo, Antoine (le coiffeur Dames). Place du Monument aux morts, I'Hôtel de France, la pharmacie Benoît-Décaillet et le Moutchou. Enfin la quatrième place, la pharmacie Nicolas Montpère, le Café Mercadal, les Établissements Rindavets " Renault " et la Compagnie Algérienne " banque ". Quatre artères principales, route d'Alger, route de Dellys ou Réghaïa, route du Fondouk ou avenue de la Gare et enfin l'inoubliable route des Amoureux, la route d'Ain Taya.
                 Les quartiers : le quartier Barras, la cité Lote, le quartier des Punaises, le quartier de la Siamna, le quartier neuf ou des anciens combattants et ce qu'on appelait quartier Desbones ou des jardins, vers chez Huet et Pons le fleuriste. Il y avait aussi, ne I'oublions pas, "La cour des miracles, où résidait un sympathique rouïbéen qu'on appelait "Arma-je-meurs" (les anciens s'en souviennent). N'oublions pas aussi, toutes nos splendides fermes qui portaient le fleuron de la Mitidja, où tous nos braves colons s'appliquaient à travailler avec une délicatesse extrême. Tout cela ressemblait à de vrais jardins.


                 Souvenons-nous un peu du village, et faisons ensemble le tour des bistrots.
                 Comme le plus ancien à ma connaissance, c'était Quintana et Sintès. (Les parties de Brisque à 6, de Sehot, de belote, de tarot, les apéros des boulistes, des chasseurs, etc...).
                 Plus loin, chez Mme Angèle (Bar Philippe) avec ses clients attitrés et quelques vedettes de l'époque (Barret, Pierrot, etc...). Ensuite, chez Simon avec "Jeannine et Jojo" et ensuite notre sympathique Georgot Soussan, puis chez Camps, successivement Caca Velu, et Carrière.
                 Vers la gare, chez Gaston Camus "avec Marlène", puis ensuite nos amis Loulou et Gilbert. Le Café de la Gare au tout début (de mes souvenirs) Mémé Marin, puis, je crois que ce fût notre ami Norbert Alvino. Je me souviens à l'époque de M. Marin, avoir vu un joueur de foot entièrement équipé en vert et blanc qui se rendait au stade pour faire son match (à l'époque les terrains n'avaient pas tous des vestiaires). C'était notre sympathique Charlot Noël (c'est loin tout ça).


                 Sur la place de chez Nix (l'épicier de l'époque), en passant devant chez Ziza et le marchand "de Zlabia", on allait au Café de M. Tarot, je me souviens de son chien "Solo"; puis ce fut M. Reith et ensuite Gaby Mercadal. En parlant d'animaux, à Rouiba, je me souviens aussi de la bourrique à Titou Hund "le boucher" qui faisait la navette abattoirs-boucherie, avec son chargement, sans être commandé; puis le moineau dressé de Gilbert Dantrement, la chienne" Solange", d'Henri Javayolès, etc,.. À Rouïba on était si bien! Allons maintenant chez Pierrot (Hôtel-Bar-Restaurant). Mon père m'y emmenait quand j'étais tout jeune, " Ça sentait I'anisette, ça sentait la joie de rire, la rigolade".
                 Déjà à l'époque j'étais en contemplation devant le tableau d'affichage de football et recherchais l'écusson des vert et blanc de l'O.R. "Le virus du foot commençait à faire effet". À côté, c'était Raoul le coiffeur avec ses formidables parties de billard avec Ziza, Cortell, Robert Hund, puis dans les tours qu'il faisait à ses amis.
                 Un jour, Ahane passe devant le salon et dit à Raoul: " - Tu sais Raoul, je suis mal foutu, j'ai mal partout, etc... Eh bien, lui dit Raoul, je vais te faire une ordonnance et tu vas voir Joseph Fleury à la pharmacie, il va te donner ce médicament, c'est recta... Une heure plus tard on voit revenir Ahane, les bras au ciel... Il lui avait fait prendre du " Bleu de méthylène".
                 N'oublions pas, bien entendu, "l'appareil photo" spécial, et les moments de scie musicale et d'harmonica. Enfin, le dernier Café sur la route de Réghaïa, chez Alimondo, puis ce fut Pons (du Red-Star d'Alger) et en dernier Georges Puccione.

                 Les fêtes de Rouïba
                 Rappelons-nous, mes amis, pour les fêtes de Rouïba (sur ces affiches multicolores) quand I'orchestre faisait I'apéritif de midi dans tous ces établissements. Quelle époque extraordinaire, mon Dieu! Et puisque nous parlons fêtes, restons-y. Oui, les fêtes de Rouïba, I'arrivée des premiers forains, les baraques de glaces, etc...
                 M. Albert Ségui et son équipe qui plafonnait la place de guirlandes en papier, que les jeunes découpaient et collaient le soir à la mairie, la mise en place des fameuses barrières bleues, le kiosque à musique, I'entrée principale du bal avec ses multiples branches de palmier. Les cafetiers s'organisaient, aménageaient leurs terrasses, et nous , faisaient profiter de leurs spécialités les fraises à la vanille, les hérissons; les diverses kémias escargots, caragolines, sardines, tramousses, etc...
                 Enfin il y avait les concours de belote, de pétanque, de quadrette, le tir aux pigeons, les courses de vélo et dans les baraques à une époque plus ancienne, le jet de tomates mûres avec Kiko, les petites baraques avec les films de Chariot ou certaines avec le cinéma cochon; le feu d'artifice et bien sûr la retraite aux flambeaux avec, je me les buts, puis Pascalette Ferrer souviens, Ies marches militaires qui vous faisaient vibrer et pleurer au passage de la grosse Caisse. Puis, les fêtes terminées, on pense aussi à la mer les baignades à Aïn-Taya, Surcouf, Alger-Plage, les casse-croûte d'oursins que les plus anciens ramassaient avec "le carreau "et les plus jeunes à la plongée et tout cela se terminait par une longue et paisible sieste.


                 A l'époque des congés, quelques familles s'organisaient et se regroupaient pour une quinzaine de jours, sous les cabanons sur piliers.
                 C'était à l'époque une sacrée expédition matelas, vaisselle, bâche, lampes à carbure et tout I'attirail de pêche. Le dimanche, arrivaient d'autres familles et bien souvent c'était la paella, les fromadjades, les cocas. Puis des groupes de célibataires endurcis Chibani venaient s'y joindre avec leurs Royal bonnes bouteilles de Médéa. Ils créaient en quelques minutes un orchestre bidon et Camille Javayolès accompagné par Bastien, Camps et d'autres, chantaient en anglais...Vous voyez quoi !
                 Le comble c'est quand arrivait l'équipe de Oresté, Pépète et Pierrot. Quand Oresté allait pêcher les murènes sur les petits rochers de Surcouf, c'était sur la plage des crises de fou rire par les femmes. Le bon vieux, accroupi sur son rocher, attiré par cette pêche miraculeuse, laissait involontairement dépasser les outils du large short et vous voyez la suite... sur la plage, pendant des heures on se tordait de rire. Enfin, l'été terminé, il fallait rentrer. Tout bronzé, plein d'oxygène et penser au boulot. L'automne arrivait. Mais quel automne ! Avec ses soirées calmes, sans un souffle de vent, avec ses couchers de soleil extraordinaires. Ah ! qu'il faisait doux et bon chez nous... ces soirées de pétanque à la ferme, chez Jean Campin, avec Edgard, Roger, Jean-flot, les filles.
                 Aussi les soirées à la maison, après souper (on n'avait pas de télé à l'époque, on prenait le temps de rire), on sortait les chaises longues, ou assis sur un bord de trottoir et les voisins nous rejoignaient, les discussions étaient agréables, logiques, sans arrière-pensée. Quel calme, quelle tranquillité d'esprit mon Dieu !
                 Certains soirs, surtout le samedi, les jeunes, après la séance de cinéma chez Mazia (salle des fêtes ou chez Jeannette plus tard), on se retrouvait, assis sur les bancs de la place de la Mairie, certains commentaient le film, d'autres pensaient aller faire des farces, voir le tic-tac... En parlant de tic-tac, ha plus grosse frayeur que nous avons eue, c'est un soir au quartier Borras, avec l'équipe de José Alès, Mickey, Gilbert Molh, Calafat, Gargousse, Alain Prieto, etc..., c'est quand Mathias Ballester (qui devait s'en douter, nous est apparu en chemise de nuit, bonnet de nuit et le pot de chambre à la main... Quel scapa à travers champs et sur qui on tombe?
                 Sur Slimani, le garde-champêtre qui se demandait ce qui lui arrivait. On se tordait de rire pendant de longs moments... tout en rentrant au village. Le lendemain dimanche, il y avait la messe à neuf heures ; certains n'attendaient que la sortie... et les promenades s'organisaient, les groupes se formaient, les footballeurs se préparaient. En parlant foot, nous étions tous fiers de nos vert et blanc, des dirigeants chevronnés, des joueurs qui ont marqué I'existence du Club à chaque époque. Je me souviens avoir vu jouer (et cela remonte très loin), Raymond Turlaw (Bibihla), Joseph Alanda, Jean Fédéhich, Michel Lhiedo, Maurice Ferré, puis une fois au Municipal à Alger. O.R. contre ?... avec Popaul Orfila dans (quel grand goal aussi) sans oublier dans un temps plus rapproché, J.-M. Debou et Momo (Maurice Prieto) qui disait ou criait toujours dans un corner: "laiaiaisse... j'ai ! " Puis bien sûr le porte-fanion au foot à Rouïba, Lucien Torrès qui a fait les beaux jours du Gallia d'Alger pendant de longues années ; il y eut aussi capitaine François (François Fédéhich), Mimi AIès, Gilbert Adrover, Maurice Carréras. etc.,.
                 Puis ce fut le retour de Pierrot Réichert, venant de I'A.S. Boufarik et qui forma quelques joueurs de qualité, tels José Casanovas, Bébert Jaume, Lihite Mora, Et puis, je n'oublierai jamais I'entraîneur Robert Giganti (l'arrière du Red-Star) avec qui Yves Périano, Marc et René Rouesnel, Dédé Bousignac, Georges Campin, Lob Gorias et votre serviteur, ont pu ou su laisser l'O.R., donc aux Rouïbéens, que de sympathiques et glorieux souvenirs.
                 Voilà, les amis, c'est ça Rouïba!

                 Quelques souvenirs
                 Enfin, revenons un peu sur la vie commune au village avec quelques souvenirs que chaque enfant de Rouïba a gardé dans sa mémoire.
                 Certains anciens se souviennent du temps des" sérénades nocturnes", où les garçons allaient chanter sous les fenêtres de leurs promises. Les chansons de Tino Rossi avec Pompon, Raoul, etc... Le camion de crème à la vanille (le camion blanc) et le disque de" Marinella ". - Voilà "Marinella ", disaient les gosses de l'époque. Pour la capitulation de I'Allemagne, quand les jeunes de l'époque avaient habillé un mannequin en " Hitler", fixé celui-ci sur une charrette ; I'annonce était charrette; I'annonce était faite par notre garde champêtre, au tambour et le soir sur la place, tout cela orchestré par Pierrot vieux, le tout Rouïba était réuni. Je me souviens du fameux discours de Carmille s'adressant à M. Periano. (Rbah Douro Djedja)... c'était assez cru, mais quel ventre de rire, il y avait aussi notre ami Hallélo, le marchand de sardines, avec sa petite charrette, qui passait dans les rues en criant" sardiiiiines " et les jeunes reprenaient derrière en disant : "Pourri. Pourri... Et ta mère, répondait Hallélo en se retournant et en faisant semblant de ramasser une pierre.
                 Il y avait aussi Gigot qui ramassait les ordures avec le tombereau ; encore une à accrocher à nos souvenirs. Les sorties avec Saad (Hugo Saad) et sa camionnette. Il nous emmenait dans toutes les fêtes pour pas cher, à fond il faisait du trente-cinq à l'heure et à la côte d'Aïn-Taya, tout le monde descendait pour pousser et passer le sommet. Quelle rigolade !
                 C'était pas beau tout ça ?...
                 Enfin, je vais conclure, car il y en aurait encore tellement à raconter.

                 Chers amis Rouïbéens, que Dieu nous garde et que nous ayons le plaisir de nous retrouver chaque année comme convenu, en donnant à notre réunion annuelle un air de fête, de jouissance, que cela ressemble un peu plus aux fêtes de Rouïba (que les organisateurs se le disent) et non pas à une réunion de groupe, d'affaire... il faut vivre ces jours de rassemblement tous ensemble à s'éclater... Ce que nous souhaitons tous je pense, c'est que ces rendez-vous annuels ne s'arrêtent jamais et que nous puissions montrer à nos enfants et petits-enfants ce qu'était Rouiba, ce qu'était I'Algérie, ce qu'est un Pieds- Noirs.
 Dédé GOUJON

          Légendes :
          1 Vue multiple
          2 Le Monument aux Morts
          3 Entrée du village - La Mairie
          4-5 Avenue de la Gare - Vue générale de Rouïba
          6 Rue des villas fleuries
          7-8 - La Salle des fêtes - La nouvelle Poste au premier plan
          9 l'Hôtel de France
          10 vue générale de Rouïba
          11 Service du Matériel.
    


 

LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Algérie

Envoyé par Hélène
https://www.tsa-algerie.com/algerie-de-la-neige-en-plein- mois-de-juin-video/


tsa-algerie.com - Par: Zine Haddadi 04 Juin 2023

de la neige en plein mois de juin (Vidéo)

         L’Algérie a vécu ces dernières semaines sous le rythme d’une météo instable. Après la canicule de fin mars, le temps s’est légèrement adouci, avant de se dégrader dans la deuxième moitié du mois de mai, avec des pluies torrentielles, et même de la neige dans certaines régions du pays.

         Alors que le printemps entame son dernier virage, la pluie fait des ravages partout dans le Nord du pays. La semaine dernière, plusieurs wilayas du pays ont été touchées par des pluies torrentielles qui ont provoqué des inondations.
         Les wilayas de Guelma, Tipaza et Boumerdès ont été particulièrement dévastées par les inondations. Deux enfants ont trouvé la mort dans les deux premières wilayas à cause des intempéries et d’importants dégâts matériels y ont été enregistrés.

         Dans les wilayas de Djelfa et Sidi Bel Abbès, c’est la neige qui a fait son apparition à quelques jours du début de l’été.
         Les images qui circulent sur les réseaux sociaux sont impressionnantes. D’habitude, ces deux régions connaissent des chutes de neige en hiver, ce qui est normal. Mais de la neige à la fin du printemps, c’est rare et exceptionnel.

         Dans une vidéo publiée, ce dimanche, par la chaîne Dz News sur YouTube, on peut voir que la neige est tombée en abondance à Djelfa au point de perturber la circulation routière.

         Des engins de déneigement ont été dépêchés sur les lieux pour rétablir le trafic et fluidifier la circulation routière.
         Dans la commune de Ras El Ma dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, c’est très difficile de croire que les images de la ville enneigée sont prises au mois de juin.

         Des images dignes de l’hiver, mais qui sont bien filmées en juin.

         À Alger aussi, la météo ensoleillée de ce dimanche 4 juin contraste totalement avec les grosses pluies tombées samedi, notamment dans la soirée. En quelques heures, la capitale a connu un changement radical de météo.
Zine Haddadi           


Nationale

Envoyé par Alphonse
https://www.jeune-independant.net/ ben-chicao-region-phare-de-la-cerise/


Le soir d'Algérie - Par : De Médéa, Nabil.B le 24 juin. 2023

Ben Chicao, la région phare de la cerise

         Région à fort potentiel agricole eu égard à l’important programme d’extension des superficies arboricoles qu’elle a connues au cours de ces dernières années, à la faveur de mise en œuvre de nombre d’actions de plantations d’espèces autochtones et d’espèces importées de cerisiers, la commune de Ben Chicao, 20 km sud de Médéa, est considérée comme une zone où la culture de la cerise est la plus répandue.

         Dans le but de faire connaître les progrès réalisés dans le domaine de la production de cette espèce, des « portes ouvertes sur la culture de la cerise » ont été abritées par la station d’expérimentation de l’Institut technique d’arboriculture fruitière et de la vigne (ITAF) situé à BenChicao sous le slogan « Diversification économique et valorisation des ressources phytogénétiques et recherche de variétés autochtones ».

         La journée, à laquelle ont pris part le DG de l’ITAF, des représentants des organismes sous tutelle du ministère de l’agriculture et du développement rural, a été marquée par une exposition des différentes variétés de ce fruit appelées, entre autres, Napoléon, Régina, Burla, Noir de Meched.

         En outre, des communications en rapport avec la journée Portes ouvertes ont permis aux visiteurs intéressés de s’adresser directement aux spécialistes et techniciens parmi les cadres de l’ITAF, des services de la protection des végétaux de la direction des services agricoles (DSA) et de la chambre de l’agriculture.

         Il ressort de l’organisation de l’événement qu’il existe plus de trente variétés de cerises recensées par la station d’expérimentation de l’ITAF de BenChicao qui s’occupe de la mise en œuvre de l’itinéraire de production des matières végétales pour l’approvisionnement des fermes pilotes et de l’ensemble de la profession et du volet relatif au suivi des programmes qui ont porté sur la plantation de cerisiers sur une superficie de plus de 2000 ha.

         Le programme de plantation a permis de réhabiliter la variété de la cerise locale qui possède ses propres particularités de par sa texture et son goût, variété qui a occupé les premières places sur les marchés il y a encore quelques années et qui s’est rendue de moins en moins présente à la suite de grandes pertes de superficies de cette espèce.

         A rappeler que la région possède d’importantes étendues de terres très fertiles où toutes les espèces arboricoles donnent des rendements élevés grâce aux conditions favorables qui caractérisent son milieu naturel.
          


Annaba

Envoyé par Charlotte
https://elwatan-dz.com/annaba-le-wali-ferme- lentreprise-des-corps-gras-la-belle

El Watan - Par : M. F. Gaïdi 05/06/2023

Le wali ferme l’entreprise des corps gras La Belle

          Sur recommandation du directeur de l’environnement, le wali de Annaba a décidé la fermeture temporaire de la société des corps gras Seybouse La Belle, a déclaré hier un officier de la Gendarmerie nationale de la cellule spécialisée dans la protection de l'environnement, relevant du groupement de Annaba, en marge de la célébration de la Journée mondiale de l’environnement.

           Le chef de l’exécutif a pris cette décision après qu’une mise en demeure eut été adressée à la direction de cette filiale du groupe privé La Belle, lui reprochant plusieurs insuffisances, dont une pollution oléifiante versée dans la mer et un réseau d’assainissement impropre. Selon le directeur de l’environnement, cette société, détenue à 70% par un privé, n’a jamais cessé de polluer les eaux du littoral de la ville avec des rejets extrêmement nocifs. Même si elle figure parmi les signataires d’un contrat de performance environnementale, La Belle trône actuellement parmi le peloton des entreprises les plus polluantes de la wilaya.

           Pis, la promesse d’installation d’une station d’épuration pour limiter les ravages de la pollution de ses rejets a été renvoyée aux calendes grecques, et ce, depuis plusieurs années. «Dans cette entreprise, La Belle en l’occurrence, il y a deux réseaux d’évacuation ; l’un relie l’entreprise à la plage et l’autre à Oued Seybouse. Et si le premier déverse en pleine mer, générant la colère des gardes-côtes (forces navales), le second, quant à lui, serait bouché partiellement. Vous pouvez le vérifier si vous voulez», a révélé, en aparté, l’un des employés de La Belle.

           La fermeture de l’entreprise La Belle par le wali de Annaba n’est pas une première. Cette même entreprise avait fait l’objet de plusieurs fermetures par les anciens walis de Annaba pour les mêmes motifs. Les mêmes promesses d’investir pour mettre fin à la pollution de la mer ont été avancées à chaque fois que la menace de fermeture était brandie par les responsables précédents. Rappelons que la société des corps gras, Seybouse La Belle de Annaba est une filiale du groupe La Belle. Elle emploie quelque 140 travailleurs. 
M. F. Gaïdi             


Migration clandestine :

Envoyé par Mariette
https://www.tsa-algerie.com/migration-clandestine- nouveau-drame-sur-la-cote-ouest-de-lalgerie/

tsa-algerie.com - Par: Rédaction 10 Juin 2023

Nouveau drame sur la côte ouest de l’Algérie

          Encore un drame des traversées clandestines vers l’Europe à partir des côtes algériennes. Plusieurs corps de candidats à l’émigration clandestine ont été repêchés depuis mercredi 7 juin au large de la wilaya de Tipaza.

           Selon plusieurs sources médiatiques, au moins huit corps sans vie ont été repêchés par les garde-côtes algériens, qui sont toujours à la recherche d’une vingtaine de disparus. Les migrants clandestins sont morts en mer en tentant de rejoindre les côtes espagnoles.

           Deux jeunes auraient été secourus près de Cherchell, selon le correspondant d’El Watan à Tipaza.

           Les corps repêchés ont été transférés vers la morgue de l’hôpital de Sidi Ghiles ( Tipaza).

           Le drame s’est produit suite au naufrage d’une embarcation partie du port de Gouraya avec 28 personnes à bord, originaires de plusieurs régions du pays, ainsi que des ressortissants syriens.

           Plusieurs victimes sont originaires de la daïra des Ouacifs, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, rapporte la chaîne de télévision BRTV, sans préciser leur nombre exact.

           Naufrage de migrants : la région des Ouacifs endeuillée

           Selon El Watan, les villages de cette daïra située au pied du Djurdjura déplorent le décès de deux des leurs et deux disparus. Une des deux personnes secourues est aussi originaire des Ouacifs. Une des deux victimes de la région a été enterrée vendredi. Il s’agit d’un quinquagénaire qui tentait de rejoindre la France via l’Espagne, selon la même source.

           Dans le même temps, la gendarmerie d’Oran a fait état du démantèlement de réseaux de passeurs qui ont tenté de faire traverser vers les côtes européennes 27 personnes, dont dix étrangers.

           Les mêmes services ont par ailleurs démantelé en une semaine 4 réseaux de passeurs constitués de 11 personnes âgées de 22 à 53 ans et originaires de la wilaya d’Oran.

           Les gendarmes ont pu récupérer deux embarcations, des fusils de chasse marins, des jerricans de carburant et des sommes d’argent en euro et en monnaie nationale.

           Cette période de l’année est très propice aux traversées clandestines vers l’Europe à partir des côtes nord-africaines. Les perturbations climatiques inhabituelles que connaît la région depuis plusieurs semaines pourraient être la cause du drame de Tipaza, estiment les observateurs.

           Le passage vers l’Espagne à partir des côtes nord-africaines est l’une des routes les plus meurtrières de la migration clandestine. Près de 1600 personnes y ont trouvé la mort ces cinq dernières années.
            



Le jilbab, nouvelle arme des malfaiteurs en Algérie

Envoyé par Thomas
https://www.tsa-algerie.com/le-jilbab-nouvelle- arme-des-malfaiteurs-en-algerie/

  - tsa-algerie.com - Par: Rédaction 04 Juin 2023


           De plus en plus de malfaiteurs déguisés en femme sont débusqués par les services de sécurité en Algérie. L’accoutrement islamique (jilbab) est de plus en plus utilisé pour tromper la vigilance des victimes et de la police.

           Il y a quelques semaines, un entrepreneur a été assassiné à Batna par deux individus, dont un était habillé d’un jilbab.

           Les deux malfaiteurs ont été arrêtés grâce à l’exploitation des caméras de surveillance du domicile de la victime.

           Il est vrai que ce genre de déguisement est d’une efficacité redoutable, sachant que beaucoup de femmes portent cet accoutrement en Algérie. Cette technique sert à ne pas éveiller les soupçons des victimes et à éviter d’être identifié que ce soit par les témoins ou les caméras de surveillance.

           La tâche des services de sécurité est encore plus ardue quand les malfaiteurs portent le niqab, le voile islamique intégral qui couvre l’intégralité du corps, y compris le visage.

           Une autre affaire de déguisement en femme pour commettre des méfaits vient d’être traitée par les éléments de la police judiciaire de Dar El Beida (Alger).

           Un gang démantelé à Alger, un de ses membres s’habillait en jilbab

           Selon un communiqué de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) diffusé ce dimanche 4 juin, 4 membres d’un gang spécialisé dans le vol des locaux commerciaux ont été arrêtés dans cette ville de la banlieue est d’Alger.

           L’un des membres du gang était déguisé en femme en s’habillant d’un jilbab. Les malfaiteurs ciblaient particulièrement les magasins de vente de produits cosmétiques et de parfums.

           La DGSN a aussi dévoilé le mode opératoire du groupe. Ils stationnaient leur voiture devant le magasin ciblé, prétextant une panne, puis en profitent pour entrer dans la boutique pour vider la caisse. Si le propriétaire se rend compte du stratagème et tente de résister, ils l’aspergent avec une bombe lacrymogène.

           L’arrestation des membres du gang a eu lieu grâce à la vigilance du centre de commandement de la DGSN qui a remarqué, à travers les caméras de surveillance, la présence dans une rue de Dar El Beida, d’un véhicule suspect aux vitres fumées.

           Une patrouille de police s’est déplacée sur les lieux et a procédé au contrôle de l’identité des occupants de la voiture, au nombre de trois. A la vue de la police, l’un d’entre eux, un homme, a tenté de se débarrasser de son accoutrement féminin qui lui servait de déguisement.

           Un quatrième membre de la bande a été arrêté plus tard. La police a en outre récupéré plusieurs objets dont un véhicule, une bombe lacrymogène et un coupe-verre. Les suspects seront présentés devant la juridiction compétente, indiqué la DGSN.


               




De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 168A                                                  PDF 169
    PDF 169A                                                  PDF 170
    PDF 170A                                                  PDF 171
    PDF 171A                                                  PDF 172
    PDF 173                                                  PDF 173A
Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Le mot de passe WI-FI
Envoyé par Pierre

     C’est un homme de la Ville qui se rend dans un restaurant Cantalien, à Pierrefort, pour déjeuner.
     Arrivé sur les lieux, son Smartphone capte la connexion Wi-Fi du restaurant.

     Quand la serveuse vient prendre sa commande, il lui demande :
     - S'il vous plaît, Mademoiselle, pourrais-je avoir le mot de passe du Wi-Fi ?
     - Mangez d'abord, Monsieur.

     Le Monsieur s' empresse alors de commander un plat qu'on lui apporte, très copieux.
     Après avoir fini de manger, il appelle la serveuse :
     - Ça y est, j’ai fini de manger, pourrais-je avoir ce mot de passe maintenant ?
     - Mangez d'abord.

     Le Monsieur, se sentant un peu gêné, commande un second plat qui est tout aussi consistant.

     Après s'être gavé, repu, il s'en va directement demander le mot de passe au patron du restaurant - Je tiens à vous dire que le repas était excellent mais je suis mécontent car votre serveuse me fait du chantage.
     Elle veut que je commande d'abord à manger avant de pouvoir obtenir d'elle le mot de passe du Wi-Fi.
     - Pouvez-vous me le donner, s'il vous plaît ?

     C'est "mangezdabord", sans majuscule, sans espace et sans apostrophe !!!




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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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