A « BIGEAUD »
AUGU et MOI Envoyé par Marc Dalaut

AUGU y m'a dit hier soir : Aga, demain, y a la fête à « Bigeaud » et on se monte ac la moto que j'a acheté chez Djir, çuila qui vend les estocks anglais.

Comme je connais pas « Bigeaud », j’y dis oui et on s'a donné rendez-vous pour dimanche matin, rue Burdeau.

Dans la musette, on s'avait mis un bon casse-croûte ac des cavales en skabetch et deux litres de Guébar, pourquoi les hôtels là-bas y sont pleins à bloc.

Je monte derrière Augu qui me dis « A tiens bon » et nous oilà partis.

Au col des Chacails, on s'arrête, pourquoi la moto elle allait prendre feu, tellement elle chauffait.

D'en haut, on voyait toute la Choumarelle, la Sybouse où on se fait les vers pour la pêche, la Casbah, le Stade, Saint-Cloud, le Fortin, la Patelle où on se plonge les oursins. J'a même vu la maison à Fifine, pourquoi elle m'a dit qu'elle ferait la lessive et j'a reconnu les draps qui chésaient sur la tirrasse.

On a remonté sur la moto, et on a croisé des cars remplis comme les oursins quand y a pleine lune. Après, on a rentré dans la forêt remplie de chênes-zènes et d'arbres d'arbouses. Dix minutes après, on rentrait au village et Augu, fier, laisse-le qui se tient droit sur la moto et qui s'emballe le moteur pour faire oir qu'on était là.

Comme il était bonne heure, les gens y étaient tous à la messe ou chez eux. Alors, on s'a été à l'Edough, dans la forêt. On a laissé la moto tsur la route, et Augu laisse-le y jure quand chaque fois y glissait sur les feuilles mortes. Dans les arbres, y pendaient des branches souples comme une palangrotte et on s'a amusés à faire Tarzan. Ma tout d'un coup, la branche qui casse et Augu y tombe dans un trou d'eau où y avait des moustiques grosses comme des zibellules. Heureusement, il avait porté, et moi aussi, des affaires pour se changer, pour aller au bal.

Après, on s'a bien tapé la cloche, et on s'a remonté au casino. Comme c'est beau. On dirait le Palais Majestic en plus petit. D'en haut, on voit la mer, et un Bigeaudois, y m'a fait oir l'Egyptienne. Moi que j'a été jusqu'à la, classe du certificat, j'y dit : « Et là-bas, ce grand rocher, c'est la Pyramide ? » -Y m'a dit : « Non, c'est le Pain de Sucre... »

Comme j'avais touché un rappel, j'y a dit à Augu : « Viens, je t'enlève la soif », et nous rentrons au casino.

Un Monsieur en noir, ac les lunettes, y jetait la boule dans un rond et y disait : « Rien y va plus ».

J'a joué 100 francs, ma j'a tout perdu... Mieux la fête de Sainte-Anne ac les zoies-canards à la roulette...

Tsur la place, on s'a rentré au bal. L’orchesse, il était estra. Le saxophone, tellement y jouait bien, on dirait qui suçait un os à moelle, et çuilà de la contrebasse on dirait qui s'avait renversé une tchatine et qui grattait dessus ac la rame.

J'a voulu danser, ma les gens y sont fiers et tout le monde y m'a refusé. Reusement, j'a vu Margot, qu'elle sert dans le restaurant de « Bigeaud » et on s'a fait une java à petits pas, en première, mieux que la béguine et la bougie-bougie.

A minuit, on s'a remonté tsur la moto, et vinga la descende tsur Bône. La ville, elle était toute allumée : on voyait le stade où ils se tiraient la loterie, ma comme on n'avait pas des numéros, en arrivant on s'a couché.

Et oilà...