L'explosion insurrectionnelle
du Constantinois

Général de C.A. CHERRIERE (C.R.)
HISTORAMA - Hors série N°18 - septembre 1972

            La loi sur l'état d'urgence, qui donne en fait à l'autorité civile les pouvoirs de l'autorité militaire en cas d'état de siège, dont la possibilité d'éloigner les suspects, n'est promulguée qu'en avril ; son application est lente et insuffisamment sévère.

            La perte de prestige et d'autorité due à la faiblesse de certaines actions et réactions civiles, comme à l'insuffisance et à l'inadaptation initiale des moyens militaires, entraîne une dégradation rapide de la situation. Et le comportement des élus musulmans s'en ressent, qui commencent à parler des "aspirations politiques des masses musulmanes " et à grossir " l'ampleur de la répression ".

            Aussi ne peut on pas prévenir, comme le commandement militaire le voudrait, l'explosion insurrectionnelle du 10 mai dans le Nord constantinois, prélude à la sombre journée du 20 août, au lendemain de laquelle le " groupe des 61 " va se constituer et présenter les événements d'Algérie comme une " levée nationale préalable à un mouvement d'indépendance".

            On en arrive à cette situation, malgré le dévouement, l'activité et les pertes des troupes qui ont l'impression que le pays en général, l'administration locale et parfois le gouvernement ne leur font pas confiance, voire se méfient d'elles, quand on ne les accuse pas d'immobilisme, de manque de dynamisme et d'incapacité à s'adapter aux problèmes posés par l'insurrection, pour leur faire porter la responsabilité du "pourrissement" général. Ce sentiment est particulièrement douloureux chez les cadres et les militaires de carrière qui ont fait une ou plusieurs fois campagne en Indochine et qui, outre l'amertume d'un échec final, en ont rapporté le souvenir que l'affection et la reconnaissance du pays ne les entouraient pas, quand on ne leur faisait pas porter la responsabilité de l'issue de cette campagne.

            On peut penser que le problème de la rébellion en Algérie aurait pu être réglé au début de 1955 si l'armée avait eu en permanence les moyens nécessaires et adaptés, si l'action politique avait été fondée sur un contact humain direct et si une législation assouplie avait été appliquée par les polices et la justice.

            Ce qui a aggravé les difficultés, c'est qu'au lieu d'avoir à réduire seulement la rébellion de quelques tribus, l'armée a eu affaire aux manifestations locales successives d'une organisation territoriale très complète et bien installée dans tout le pays, de plus en plus aidée de l'étranger et que les polices n'ont pu décapiter.

Général de C.A. CHERRIERE (C.R.)

ECHO D'ALGER des 21/22 août 1955
(Historia Magazine N° 206 – 1971)



PARTOUT LA MORT ET LA DESOLATION

UN BILAN PROVISOIRE


Mis en ligne le 20 août 2005