BÔNE "LA COQUETTE"
Par André SAID

La ville de BÔNE, chère aux Bônois, ainsi qu'aux habitants du département est l'héritière d'un long passé historique. Pour la connaître, et pour avoir une vue panoramique de cette belle cité, il suffit de gravir les 55 mètres de hauteur de la colline de la Basilique du Vénéré et Grand Evêque Saint-Augustin, père de l'Eglise latine.

SAINT-AUGUSTIN, Romain d'Afrique, converti à MILAN sous l'influence de l'Evêque AMBROISE a été baptisé en l'an 387 avant de rentrer dans son Afrique, à THAGASTE (Souk-Ahras), puis en 398 à HIPPONE lorsqu'il fut promu Evêque.

De l'immense parvis et de l'importante esplanade qui le complète, on peut contempler le paysage admirable de beauté qui se perd à l'infini vers le bleu de la Méditerranée (la ville, les jardins, monuments, palais, plages etc ... du Cap de Garde à l'Aérodrome des SALINES.

HIPPONE est assurément la ville de l'Afrique du Nord qui peut revendiquer la plus lointaine origine depuis les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Turcs et autres envahisseurs. Des vestiges de l'ère Romaine qui pouvaient être encore utilisés avaient été remis en état et entretenus. Ils étaient toujours en service à notre exil en 1962 dont le pont romain en dos d'âne de 98 mètres de long qui enjambait la « Boudjimah », affluent de la « SEYBOUSE ,, ainsi que les citernes à eau de 12 000 mètres cubes construites par l'empereur romain HADRIEN et restaurées en 1893.

Après la prise d'Alger par les français le 5 juillet 1830, la ville musulmane d'ANNABA comptait vers 1832, environ 5000 habitants.

Le rattachement de la ville de BÔNE à la France se situe au début de l'année 1832. Les premiers militaires ayant pris garnison à BÔNE par Ordonnance de Louis-Philippe 1er en date du 21 juillet 1845, étaient ceux du 3ème Régiment de SPAHIS constitué en Escadrons stationnés dans la province de BÔNE et formés par le Capitaine YUSUF dont le nom a toujours subsisté à l'entrée du casernement occupé, par la suite, par le 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens, et situé place Jeanne d'Arc.

BÔNE, chef lieu du département du même nom, était le principal port de la région du Constantinois et de l'Est Algérien. Il était très fréquenté quotidiennement par des navires français et étrangers, ainsi que par des navires de guerre. Sa situation géographique, était assez privilégiée. Elle était abritée du vent par les montagnes de BUGEAUD et de l'EDOUGH avec le bénéfice d'un climat doux.

La majorité de la population était composée d'Européens, aux premiers rangs desquels, les Maltais, les Italiens, les Français et quelques Espagnols, Grecs et divers. Au recensement de 1953 la ville comptait 120 000 habitants.

BÔNE Joua un grand rôle durant la dernière guerre mondiale dans le débarquement des troupes alliées en AFN et en particulier pendant la campagne de TUNISIE. Des milliers d'hommes et de véhicules ont été débarqués, ainsi que des quantités énormes de matériels et de munitions, dans les meilleures conditions, malgré les bombardements, et prirent le chemin, successivement, de la Tunisie, de la Corse, de l'Italie et de la France.

Le contingent Bônois de réserve dans l'Armée d'Afrique, était très important durant les années de 1943 à 1945, au sein duquel un grand nombre d'Officiers et de Sous-officiers de réserve.

A la fin de la guerre, en mai 1945, la cité meurtrie par des centaines de bombardements, offrait aux visiteurs un lamentable spectacle de ruines au centre ville (cours Bertagna - Vieille Ville). Dans le port, l'avant-port et sur les plages environnantes, des épaves de navires gisaient éventrées ou entièrement brûlées (1)

Lors d'une visite officielle, en mai 1949, Monsieur Vincent AURIOL Président de la République Française, avait remis solennellement à la ville, la Croix de Guerre 1939-1945, en présence des autorités civiles et militaires, et des anciens combattants des deux guerres. Quelques vestiges des bombardements cruels subsistaient encore en 1950, mais de nombreux immeubles et places furent reconstruits et des jardins et squares remis en état, plantés et refleuris pour la beauté des monuments qu'ils entouraient.

Du centre-ville, descendant de la cathédrale, vers le port, séparé par un magnifique jardin devant l'Hôtel de ville (square de la liberté) nous trouvons la statue imposante de Jérôme BERTAGNA, tout près du nouveau théâtre. Plus bas, avec à son début et à hauteur des brasseries de la Paix et d'Orient, le kiosque à musique. Vers la statue de THIERS et l'ancienne darse, les 3 allées longues de plus de 200 mètres, promenade quotidienne de la population et bordées de chaque côté par des ficus. L'allée de droite, en descendant, était bordée par les brasseries et glaciers (tables et chaises). L'allée de gauche jouxtait les taxis, landaus et calèches (ces dernières très appréciées des promenades de touristes) dans cette partie du cours se retrouvaient les sportifs et leur public commentant les derniers résultats, les performances des équipes etc... FOOT, BASKET, ATHLETISME, NATATION -TOURNOIS DE BOULES ainsi que d'autres sports dont la ville était friande. Enfin parlons de la Grande allée au milieu, très bien éclairée le soir ou se retrouvaient principalement les jeunes, garçons et filles de tous âges pour des rencontres amicales ou plus ou moins amoureuses ; cela commençait par des flirts et ce sacré cours Bertagna en faisait, au moins, à 80 % des mariages.

Souvent le dimanche, soit le matin ou le soir, les mélomanes profitaient de beaux concerts donnés sur le kiosque à musique par les nombreuses sociétés philharmoniques comme « L'Harmonie Bônoise », « Les Enfants de BÔNE », « La Bônoise, typique avec ses plumets rouges » ou bien la musique de la clique du 3ème Régiment de Tirailleurs.

Dans un splendide Stade Vélodrome dont disposaient les Bônois se déroulaient beaucoup de compétitions sportives dont le football était le roi, principalement avec deux Associations de haut niveau sur le plan Algérien, l'ASB et la JBAC ainsi que des courses cyclistes sur piste et certaines épreuves d'athlétisme, Il y en avait d'autres bien sûr, mais il nous faudrait au moins deux pages de plus pour rappeler les dizaines d'Associations que comptait la ville, car, toutes les disciplines en sports étaient représentées (Basket, athlétisme, équitation, escrime, boxe, voile, avirons, plusieurs jeux de boules et également un aéro-club très important).

Même si j'en oublie, arrêtons ! Soyons quand même modestes.

Et pour terminer cette longue documentation sur notre chère ville à jamais perdue, rappelons que nous avons eu des hommes célèbres comme le Maréchal Alphonse JUIN et l'écrivain Albert CAMUS, mais aussi des figures locales un peu farfelues qui amusaient souvent la galerie, à savoir : GOUDZOUMU, BENGUECHE, CHICHETTE, PARIS SOIR qui étaient les plus connues de la population.

Adieu BÔNE, ANNABA est revenue après 130 ans.

Quand les corbeaux voleront « Blancs »
et que la neige tombera « Noire »
Les souvenirs de BÔNE et du département
s'effaceront de ma mémoire.

1)- 164 morts, 202 blessés, 3035 sinistrés, 510 immeubles détruits ou endommagés ainsi que de nombreuses installations portuaires.

( Revue Ensemble N° 212 Avril 1998, page 34, 35, et 67)


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