05 février 2001

Essai sur ma ville : Bône

Voici plus de 10 mois que je n'ai pas écrit sur ma ville. Par contre, j'ai reçu il y a quelques jours, le courrier d'une personne que je ne connais pas mais qui m'a mis du baume au cœur car je me suis aperçu que quelques souvenirs jetés à une heure avancée de la nuit, le plus souvent autour de minuit, pouvaient réveiller des souvenirs chez d'autres personnes.

C'est là le miracle d'Internet. Jusqu'à présent,  j'ai situé Bône dans son écrin de verdure et son horizon bleuté, j'ai décrit les quartiers périphériques, mais je n'ai pas décrit le centre ville. Je vais reprendre celui ci en commençant dés la semaine prochaine par "le Cours Bertagna".

pierre.leonardelli@wanadoo.fr


13 février 2001

 

Le cours Bertagna

Quel Bônois ne se souvient pas du cours Bertagna, artère centrale de notre ville partant du fond du vieux port et remontant en très légère déclivité vers notre cathédrale aujourd'hui disparue puisque rasée après l'indépendance.

Le cours Bertagna

Jérôme Bertagna ancien maire de la ville lui a donné son nom. Ce soir, je le vois sur un agrandissement d'une vue aérienne en face de mon bureau. Qu'il était beau notre port partant du fond de la petite darse avec la petite place des gargoulettes et le bar de l'Oasis. Il y avait presque toujours là, le Caramy un bateau assurant les liaisons sur Ain Barbar et Herbillon très utilisé pendant les années de guerre où la route vers cette petite ville était si dangereuse .

La première moitié du cours jusqu'à la place du Théâtre était occupée par deux doubles allées de ficus toujours aussi bien taillés qui, de part et d'autre de l'allée centrale, formaient un bel espace ombragé très agréable en période estivale. En bas dans l'axe, trônait la statue de Thiers célèbre car quand il pleuvait fort, il était notre Maneken Pis, l'eau dégoulinant de son bras et de son doigt pointé vers le bas. En haut de cette première partie se trouvait le kiosque à musique avec de chaque coté des kiosques à tabac. Plus bas, des stands de glaciers,  Longo avec l'Ours blanc et de l'autre coté, Nigro. Les gens "faisaient le cours" surtout le soir, en fréquentant davantage l'allée Ouest, que l'allée centrale et l'allée Est . Je ne connaissait pas alors les remblats de Barcelone mais notre cours Bertagna pouvait soutenir la comparaison.

Le kiosque à musique

Le cours était bordé du coté Est par des immeubles cossus avec une enfilade d'arcades partant en bas du palais Calvin sur le port et remontant tout en haut en face de la cathédrale. Sur le coté Ouest seul le palais Lecocq en bas, possédait de belles arcades . C'est d'ailleurs sur ce coté Ouest que se trouvaient les belles terrasses de nos cafés . En bas le Maxéville, en face de l'Oasis sur le Port, un peu plus haut le Dauphinois avec entre les deux une Maison de la Presse puis le Trianon .

Après le carrefour de la rue Gambetta la terrasse du café de la Paix puis celle de l'hôtel d'Orient juste avant le théâtre . Toutes ces brasseries sur la face Ouest expliquaient que l'allée Ouest était la plus fréquentée, les terrasses débordant sur le bord du Cours .

Sous les arcades de la face Est du Cours se trouvaient de très beaux magasins, modernes, très bien achalandés avec de belles bijouteries, photographes, articles de voyage et selleries. Mais les plus grands magasins se trouvaient en face et plus haut, juste avant l'hôtel d'Orient les Galeries de France et plus haut, donnant sur le jardin de la mairie, le Grand Bon marché et le réveil du Lion .

Voilà notre Cours que personne n'a oublié. Pour ce soir je m'arrête mais je continuerai un autre chapitre sur la partie haute du cours après la place du Théâtre.

pierre.leonardelli@wanadoo.fr


22 juillet 2001

 

Le cours Bertagna, (suite)

 

Je vais décrire ici la partie haute de notre cours, du temps de la présence française car il a été prolongé en rasant notre cathédrale disparue dans le vent de l'Histoire, chose que je n'ai pas vue.

Cathédrale disparue

La partie haute du cours Bertagna allait de la place du théâtre au carrefour au bas de la cathédrale. Le vieux théâtre construit en 1854 a subi les avatars des bombardements allemands de la seconde guerre mondiale et comme le vieux marché, il avait été pris de plein fouet par un chapelet de bombes incendiaires, le marché avait brûlé, le théâtre moins atteint était encore debout.

Après guerre, a été reconstruite et inaugurée en 1954, une magnifique salle de plus de 1000 places avec un plateau technique comportant je crois, une scène à ascenseur permettant d'effectuer rapidement les changements de décor. Ce théâtre, certes moderne, était très beau. Je me rappelle y avoir vu quelques pièces des galas Karsenty, la famille Hernandez. Il faut aussi noter les troupes locales, les galas de danse de Mme Geneviève Munck, et de Mme Salavatti-Lamy. Cette salle a été récupérée par la république Algérienne et il faut y mentionner l'assassinat de Boudiaf.

En face du théâtre partait sur le coté montant du Cours, la rue Neuve Saint Augustin qui gagnait la place d'Armes au centre de la vieille ville. Au centre se trouvaient les jardins de l'Hôtel de Ville avec la statue de Jérôme Bertagna mort en 1903, faisant face au kiosque à musique sur le bas du cours. Jérôme Bertagna a laissé son nom à l'ensemble du cours. Sur le coté droit en montant se trouvait notre mairie qui n'avait aucun aspect colonial, faisant plutôt penser à un édifice du nord de la France. Cette mairie, terminée en 1888, avait en son centre un clocheton octogonal avec en contre bas une horloge de part et d'autre. La toiture se terminait par deux dômes. La mairie, comme toute cette partie montante du cours, possédait sur le devant, des arcades. Dans cette mairie, j'ai passé mon conseil de révision. Bien plus tard après l'indépendance, au début 1963,  je m'y suis marié devant un adjoint spécial Français. Le 20 juin 1962, un incendie a détruit les combles et la toiture, ceci quelques jours avant l'indépendance de l'Algérie, les bâtiments principaux étaient sauvés. J'ai vu sur une photo parue sur notre site que la toiture n'avait pas été reconstruite, (sans doute une terrasse a été faite) et il n'y avait plus l'horloge centrale à la base du clocheton. Tout en haut des quatre cent mètres d'arcades, la place Jeanne d'Arc avec une statue de notre héroïne nationale. A droite, partait la rue Victor Hugo.

Tout en haut du cours Bertagna, la place de la cathédrale avec son parvis. Notre cathédrale ou église Saint Augustin construite vers 1850, était là, surplombant tout le cours. Je ne sais pourquoi elle a été rasée. Derrière la cathédrale se trouvait le Lycée de jeune fille Ernest Mercier. A droite, la rue Sainte Monique mère de Saint Augustin, et à gauche le palais de justice et la prison.

Devant cet ensemble, les allées Guynemer remontaient vers la place Marchis et le début du quartier de la Colonne puis le début de la rue Bouscarein qui descendait très loin jusqu'au marché à bestiaux.

Tout au début sur la gauche, se trouvait le petit magasin du glacier "Fanfan" qui faisait de si bons créponnets. Je n'ai jamais retrouvé ce délicieux sorbet au citron en France. Une seule fois il y a 15 ans en traversant Sousse, j'en ai trouvé d'acceptables chez un marchand Tunisien ambulant.

Au dessous de la place, on reprenait le coté gauche du haut du cours Bertagna avec quelques bâtiments cossus abritant des commerces d'habillements de bon alois : Le Petit Duc je crois, et surtout le Réveil du Lion (établissements Laussat). A l'angle de la rue des Volontaires, des banques dont le Crédit Foncier d'Algérie et Tunisie et la Société Générale si je ne me trompe. Un pâté de maison plus loin, on retombait vers le théâtre. Voilà le haut du cours Bertagna. Je n'ai sûrement pas tout mentionné car on ne peut se rappeler de tout, c'était le centre de notre ville si belle et si coquette.

pierre.leonardelli@wanadoo.fr


9 août 2001

 

La place Marchis

Cette place, grossièrement triangulaire, faisait communiquer le centre ville avec le quartier de la Colonne Randon, plus communément nommé "quartier de la Colonne" . On y arrivait par les allées Guynem en pente douce descendante, (décrites précédemment),  depuis le haut du cours Bertagna vers et où se trouvait au départ le Palais de Justice et la prison, puis plus bas, le parc d'Artillerie.

Avant d'arriver sur la place Marchis, on trouvait un important jeu de boules. De la place Marchis vers le marché central, partait la rue Bugeaud et sur le coté Ouest, le boulevard des Généraux Morris se dirigeait vers la place Maroa Favre et les quartiers Ouest de la ville. Vers le Nord, après un petit square, commençait le boulevard Alexandre Papier, la cité Bonnat et le quartier du lycée Saint Augustin que j'ai précédemment décrit.

A la pointe Nord du triangle de la place Marchis se trouvait le monument érigé en l'honneur de Ferdinand Marchis, avec de chaque coté deux stèles représentant l'effort et l'abondance. A ce niveau, partait la rue Garibaldi très longue qui laissait sur sa droite la rue Sadi Carnot qui se continuait après le chemin de ceinture par la route de Bugeaud. Sur le coté Ouest de la place, on trouvait le square Randon très ombragé.

je décrirai dans un prochain chapitre mes souvenirs de ces quartiers de la Colonne et l'Ouest de Bône vers l'usine à gaz. La place Marchis n'avait aucun style particulier, elle avait un sol en terre damée et quelques arbres dont j'ai oublié l'essence, à part le bosquet d'eucalyptus sous les remparts, à l'angle du boulevard Papier, c'était un lieu très passant entre les quartiers de la Colonne, du Lycée et les quartiers Ouest de la ville.

pierre.leonardelli@wanadoo.fr


5 septembre 2001

 

Le quartier de la Colonne

Après la place Marchis, débutait le quartier de la Colonne qui allait jusqu'aux premiers contreforts de la montagne de l'Edough. Le Général Randon qui commandait les troupes Françaises dans les années 1841 à 1847 lui a laissé son nom. En effet, il est à l'origine de la construction de la route de Bugeaud débutant dans le prolongement de la rue Sadi Carnot après le chemin de ceinture.

On entrait dans cet important quartier populaire par une belle place avec sur les cotés de très beaux immeubles : Sur la droite, à l'angle du Boulevard Papier, un immeuble de six étages avec de beaux magasins et des plaques de cabinets dentaires et médicaux. A gauche, juste après le square Randon et passé le boulevard Zafrania, des immeubles de six étages avec de beaux magasins au dessous. Je me rappelle celui du tapissier Fourcade, champion olympique d'aviron avant guerre.

Après cette placette d'entrée, partaient deux grandes rues : A droite, la rue Sadi Carnot laissant sur le coté droit la rue Burdeau rejoignant le chemin de Ceinture au niveau de la chapelle Sainte Anne, à gauche l'avenue Garibaldi laissant très vite sur sa gauche l'avenue Célestin Bourgoin. L'avenue Garibaldi rejoignait le chemin de Ceinture, (avenue Jean Mermoz), au niveau du petit quartier de l'Elisa et de l'avenue Célestin Bourgoin trois cents métres plus loin au niveau du Pont de Juanola . La rue Sadi Carnot était la plus passante car cette rue était la route d'accès à Bugeaud. Elle était bordée de nombreux petits commerces de toutes sorte.

En remontant sur la gauche, se trouvait l'école Sadi Carnot que j'ai fréquentée une année au "cours moyen premier année", année scolaire 1943-1944. Je me souviens même du nom de mon institutrice : Madame Merle... Notre classe donnait au premier étage sur l'église Sainte Anne, église principale de ce quartier.

Je revois un jour de mai 1944, l'invasion de sauterelles qui créaient un brouillard très mouvant qui estompait le soleil et le clocher de l'église. Juste après, se trouvaient les bâtiments administratifs de la commune mixte de l'Edough. Je connais moins bien l'avenue Garibaldi et Célestin Bourgoin mais le quartier était constitué de petites maisons, de petites villas avec de nombreux jardins. Le véritable quartier de la Colonne se terminait sur le coté droit de l'avenue du Cardinal Lavigerie qui partait de la place du marche arabe et se terminait derrière l'église Sainte Anne.

Pendant une année scolaire j'ai fait à pied, quatre fois par jour, le chemin allant de l'école des Beni ramassés où je demeurais, à l'école Sadi Carnot : Avenue Jean Mermoz puis sur la gauche, rue Burdeau et petite rue Yusuf qui débouchait juste en face de l'entrée de l'école Sadi Carnot. A la fin des années cinquante s'est construit au tout début de la route de Bugeaud le nouvel Hôpital Civil dont les deux cinquième ont été faits du temps de la présence Française. Je ne sais s'il a été finit.

Ce quartier de la Colonne, en dehors de la vieille ville ancienne, représentait bien l'intégration de toutes personnes. Multiethnique, multiraciale , multireligieux, c'était un quartier de petites gens, travailleurs, artisans, commerçants laborieux, c'était un peu le Bab el Oued de Bône.

pierre.leonardelli@wanadoo.fr


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