N° 108
Juillet/Août

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juillet/Août 2011
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Cet Ecusson de Bône a été généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les derniers Numéros : 100, 101,102, 103,104, 105,106 107,
  Ballade Tunisienne  
De Inconnu ?
        EDITO

 PROTEGER                                       
             LA MEMOIRE PIEDS-NOIRS     

    Chers Amis,

    La Mémoire Pieds-Noirs est un dinosaure en train de disparaître inexorablement.

    La Mémoire poussiéreuse restée là-bas est la gardienne inaltérable de l'œuvre accomplie même avec le poids insupportable de toutes les insultes, dégradations, et outrages subis dans nos cimetières. Vous en aurez une illustration ci-dessous à propos du cimetière de Bône.

    La Mémoire est " l'Instrument " qui incarne l'âme nostalgique de tout un peuple, ses racines, l'amour de son pays natal ainsi que la défense des vérités historiques sur nos ancêtres pionniers. Cela en est devenu notre patrimoine génétique, spirituel et culturel.

    Les Juifs et les Arméniens qui ont mis respectivement 50 et 80 ans pour faire reconnaître leurs mémoires collectives, ont dépensé des sommes impressionnantes d'argent et de temps. Ils ont réussi.

    Dans quelques années, chez nous les Pieds-Noirs, il n'y aura plus de dinosaures vivants et seuls nos descendants auront la charge de conserver notre patrimoine.

    Cet Instrument de noblesse de tout un peuple a été fabriqué, modelé par 130 ans d'Histoire en Algérie. Il se fait mal entendre ou comprendre de la nation française au grand dam de la nouvelle génération de " Jeunes Pieds-Noirs ". Depuis des années, la partition, jouée sur du pipeau, a été composée de querelles incessantes, d'hommages et honneurs personnels recherchés, bien souvent l'appât de gains, des compromissions politiques, des gamineries. Eh bien ! Tout cela a fait énormément de mal à notre communauté qui a beaucoup souffert et qui n'a pas grandie pour vraiment atteindre l'âge de raison malgré les presque 50 ans passés depuis notre exode.

    En général, les associations qui emmagasinent dans leurs armoires " les trésors et témoignages de cette Mémoire ", les gardent jalousement et ne les mettent pas au service du Public que nous sommes tous, ne serait-ce que par l'intermédiaire des vrais Webmasters P.N. Trop souvent, hélas, elles ne jouent pas de cet Instrument, elles lui préfèrent la fourchette, la flûte enchantée et la piste de danse.

    Cet Instrument originaire d'Algérie est un bien national au même titre que la mémoire française. Il mérite d'avoir une nouvelle vie par tous les moyens possibles. J'ai cru un moment, pour cette mémoire à la réalisation d'un vrai film, élaboré par des Pieds-Noirs et soutenu par la communauté. J'ai rêvé jusqu'au moment (une quinzaine de jours) où j'ai appris (par un communiqué " Sauvez le Ravin Rouge ") l'existence d'un conflit qui secouait une nouvelle fois le monde P.N. Il va sans trop le dire que je suis en train de déchanter amèrement. Vous en lirez plus bas le développement lamentable de ce que j'en sais.

    Les Juifs et les Arméniens ont obtenu une loi pour protéger leur instrument et des subventions pour le faire connaître et le perpétuer.

    A quand une vraie loi pour celui des Pieds-Noirs. Assez de promesses Messieurs les politiques.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


   LE CIMETIERE DE BÔNE   
DES NOUVELLES RECUES ..
    Bonjour chers Compatriotes

    Sur le N° 105 de la Seybouse, j'ai passé une info envoyée par un défenseur de notre mémoire en Algérie et qui a voulu nous alerter sur ce qui se tramait sur place. Ceci avec l'aide de photos.
    Dés la parution de cet article, je recevais des messages outragés disant autre autres que j'étais un menteur, un fou, un fouteur de merde et que les associations " responsables " du cimetière oeuvraient main dans la main pour sa sauvegarde et son entretien. Certains de ces messages provenaient d'adhérents d'associations bônoises.
    A chaque fois que je disais ce qui se passait au cimetière, que je montrais des images ou vidéos, certes choquantes, j'étais vilipendé par ces mêmes personnes. Quand je montrais le travail que nous accomplissons sans association, leurs voix étaient en sourdine.

    Et puis, il a quelques jours, j'ai reçu une copie du dernier Editorial de l'une des deux associations " responsables main dans la main ", celle d'Aix en Provence. L'auteur semble reconnaître implicitement ses erreurs, ce serait tout à son honneur.
    Je ne vais même pas décortiquer cet Editorial car il parle de lui-même et même entre les lignes pour ceux qui sont au fait de la chose. A titre d'information, en voici la copie intégrale (sauf la photo que j'ai masqué), je ne fais pas d'autres commentaires car vous en ferez votre propre idée.
    J'espère simplement que les pisses-vinaigre vont en prendre pour leur grade car en définitif le fou, le menteur, le fouteur de merde n'est pas celui qui est toujours accusé et il en rigole de tristesse.
    J.P.B.


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  LA CAROUBE : LES FAMILLES 
par M. Charles Ciantar
LES FAMILLES - Suite

Photo M. Ciantar
Les familles Dibatista, Zammit , Ciantar, Désio, Héllul, Borelli…..
A la fin de l’été, avant de regagner nos domiciles à Bône, il était
une tradition de faire des photos des familles qui avaient un cabanon
autour de la tonnelle qui abritait la chapelle de Saint Michel

Photo M. Ciantar
Les familles Borelli, Ciantar, Dibatista, Hellul et Zammit.
Photo M. Ciantar
1er rang : Charles Ciantar
2ème rang De G à D :Bernard, Marcel et Paul Ciantar, M. Lou Dibatista
Et dans ses bras Cane Sauveur ?
3ème rang : Arlette Dibatista, Marinette Louppino et Odette Dibatista
4ème Rang : Marie Thérèse Cane et Nicole Borelli
Photo M. Ciantar
Ange, Yvonne et Paul Ciantar
Photo M. Ciantar
Famille Ciantar: Charles, Yvonne Ciantar, Bernard, Paul
et Paulette Léonardi
Photo M. Ciantar
Arlette Dibatista, Marinette Louppino et Odette Dibatista
Photo M. Ciantar
Adultes : PARENTS PANE
enfants : Jean Claude Pane, Marcel,
Paul et Charles (en blanc) Ciantar
Photo M. Ciantar
La famille Pane devant leur cabanon
Photo M. Ciantar
Les Grands parents et les parents de J. Claude Pane
Qui est devant son père ?
Photo M. Ciantar
Famille Pane
Photo M. Ciantar
Familles Pane, Troja et Ciantar
Photo M. Ciantar
Photo M. Ciantar
Les familles Maniero, Païno, Sammut et Veneruso
Photo M. Ciantar
Photos Buschiazzo
Buschiazzo, Caruana et Scotti
Photo M. Ciantar
Famille Buschiazzo
Photo M. Ciantar
De G à D : Marcel Tarento, Hélène Camilleri, josé Bonnett,
Joseph Bonnett, jules Fournier, André Draguasti,
Lucien Balestrières et ?
Photo M. Ciantar
De G à D : Anne Marie Tarento, ?, Sylvia Tarento,
Marcel Tarento, José Bonnett, Philippe Tarento,
Joseph Bonnett, Jules Fournier, André Draguasti,
Lucie Tarento et Sylvain Tarento.

Ciantar.charles@wanadoo.fr


LE MUTILE N° 192, 8 mai 1921

rLa légion d'Honneur pour les Indigènes


            M. Morinaud vient de protester`auprès du Ministre de l'Intérieur, contre le fait que la dernière promotion de la Légion d'honneur pour les indigènes algériens ne comprend que des fonctionnaires presque exclusivement.

            " Je vous serais reconnaissant, lui dit-il, de vouloir bien maintenir la décision antérieurement prise, aux termes de laquelle une juste part doit être faite aux représentants élus des populations indigènes, ainsi qu'aux Agriculteurs, commerçants, industriels et membres des professions libérales, non revêtus de fonctions publiques. Ce n'est pas seulement dans les milieux administratifs musulmans que la France compte de loyaux et dévoués serviteurs. Ii convient de donner à tous la preuve de la sollicitude du gouvernement. "
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CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI CORICOLO Y LA MOCHE
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             Ti conni quand ti march' d'en bas di Boudouaou
             Bor andar au village di col Ben-Aïcha.
             La rote y monte partout.
             La chval y march' au pas.
             On ,jor l'coricolo y son beaucoup sargi,
             M'siou li pont chaussi, y mitra di cailloux
             Sur la rote ; pas moyann di Inarchi.
             Li chval y sue beaucoup.
             To li inonde y descend' : on vio, one mazmazille,
             On marabôut franci, afic one ptit kabyle.
             Tos li chval y ziti, tot à fit isquinti :
             Quand y viendra one moche.

             Ci loui là y rigarde, di la chval y s'approche,
             Y chant' y loui dit : - " Moi ji ti fir monti. "
             Y va, y vian, ,ji monte, ji descend ;
             Ji pique on chval, apris ji pique on zautre
             Y son fir son malin, y dir par li zautre
             Qui cit loci qui son fir marchi la micanique.
             Y monte sor la voiture, sor li nez di cochi.
             Y crie : - " Cit Inanifique ! "
             Chaque fois qui son voir l'coricolo marcher,
             Y dir : - " T'y a la chance qui moi ji soui vinir
             Por ji ti donne la main, à présent, bor blizir.
             Après y corir, en avant, en arrière,
             Cit comme one gininar qui sont fasir la guerre.

             La moche to d'on coup,
             Y si mit en colère !
             Y dit : - " 4 Moi ji fir tout,
             Li zautre y riste d'arrière.
             Vos ites di finian ! Barsonne y donne la main
             Dans cette cit mauvise ch'min,
             A li pauvre chval qui sont biann fatigué.
             Ji crois ti en a l'temps, msio li marabout
             Por lire dans vol livre, y ti fir rian di tout.
             Toi, mazmazille, ti chante, y li chval sou soffrir !
             Attan moi aussi à ton zorille ji chante. "
             La moche y son chanti, barc'qui sont bian michante.

             Api ji march' dos hores, la voiture sont rivi
             A col Ben-Aïcha.
             La moche y dir :- " Chouia
             Si ji donne pas la main, li chval y son crivi.
             Matenant mon zami, bisoann qui ji m'en aille
             Allé donne moi l'arjan, béyé moi mon trabail. "

MORALE

             Moi ji conni beaucoup, di zomme, di chaouch
             Qui pot fir li trabail tot à fi comme cit moche
             Y vann à ton mison, y vos embite to l'temps.
             Millor qui ti loui di, bromièrc fois, fot' moi le camp

 

La cloche mystérieuse
Par M. Henri Lunardelli

Une aventure bougiote,
et un épisode historique éclairci par internet.

Avril 2008 : notre groupe de Bônois est en voyage dans l’Est algérien. A l’occasion de notre passage à Bejaia, ex Bougie, notre ami Bernard, le Bougiote du groupe, nous emmène voir son ancienne école -qui est maintenant un collège- tout près de la place Gueydon, avec une vue splendide sur la baie, où nous sommes chaleureusement accueillis par la directrice et les enseignants.
         Nous remarquons une vieille cloche de bronze suspendue au mur du fond. Ce n’est pas la cloche habituelle qu’on trouve dans les écoles, celle-ci est indubitablement une cloche de navire, avec un battant à œil, d’où devait pendre une corde qu’actionnait l’homme de quart en cas de brouillard pour signaler la présence du navire. L’hypothèse est confirmée par l’inscription gravée dans le bronze et visible à travers le zoom de mon appareil photo :


Glenroy – 1899 – West Hartlepool :
le nom du navire, la date de lancement et le port d’attache

Personne parmi les enseignants ne peut nous éclairer sur l’origine de cette pièce de musée.
        Il se trouve que je suis passé à Hartlepool il y a longtemps : c’est un port proche de Newcastle, dans le Nord-Est de l’Angleterre, une région comparable au Nord de la France pour ses mines de charbon. Qu’est ce que ce navire anglais pouvait bien faire en Kabylie ? Qu’est-il devenu ? Pourquoi sa cloche se trouve-t-elle à l’honneur sur le mur de cette école ?

        A notre retour j’ai tenté d’éclaircir le mystère avec Jean-Pierre et Yves, et les quelques informations glanées sur l’internet sur des sites anglais nous ont appris que le Glenroy, navire de 2 755 tonnes appartenant à Robert Livingstone de Hartlepool a fait naufrage le 10 février 1916 « au large de Les Falaises, Algérie », venant de Malte sur ballast et en route pour Bougie. Apparemment il n’y a pas eu de perte humaine, mais le sauvetage a dû être particulièrement difficile car on trouve trace d’une liste de huit personnes à qui fut décernée la médaille de "bravoure en mer" (the Board of trade Sea Gallantry Medal) pour fait de bravoure au cours d'un sauvetage de marins britanniques :
        H.B. Thomas, C. Dibben, engine-driver, H. Bell, turner and mechanic, E.P. Lester, civil engineer, C. Ripoll, foreman, J. Ribillard, pilot, F.H. Booth, clerk, T. Dearling, fitter fireman, off Les Falaises, Algeria (Glenroy of West Hartlepool). (10.2.16)

        Rien de plus sur les circonstances du drame, ni sur le navire ; un naufrage sans victimes ne laisse pas beaucoup de traces dans les annales en temps de guerre.
Trois ans ont passé… Et puis il y a quelques jours j’ai repris mon enquête. J’ai eu de la chance dans mon choix de mots-clés car, en quelques clics, Google m’a trouvé un trésor de documents sur ce très beau bateau qu’était le Glenroy

        Je remercie Peter Searle, de Toronto, Ontario, Canada, qui a conçu et qui entretient un site extrêmement riche et bien conçu sur Sunderland, un autre grand port du nord-est de l’Angleterre, et qui y a accueilli une page entièrement dédiée au Glenroy.
        Je remercie aussi Robert Hunter, de Sunderland, dont le grand-père fut le commandant de bord du Glenroy de 1908 à 1914, et qui m’a autorisé à publier ses photos et le tableau du navire qui terminent cet article.
        Voici le lien vers l’article du site de Peter Searle consacré à l’histoire du Glenroy ; évidemment en anglais, mais les documents sont émouvants.
        http://www.searlecanada.org/sunderland/sunderland150.html

Le navire était venu de Malte pour charger du minerai de fer des mines de Beni Seghoual ou Beni Felkaï actuellement Melbou, à l’est de la baie de Bougie. Une tempête soudaine et très violente l’a fait chasser sur ses ancres et partir à la côte sur les falaises rocheuses. Le personnel de la mine, y compris le directeur lui-même –un Anglais, M. Blake Thomas- a descendu la falaise et a permis aux 22 membres d’équipage de venir à terre en leur lançant des cordes. Parmi les hommes médaillés pour leur courage on voit un C. Ripoll, contremaître, et J. Ribillard, pilote : ce sont peut-être des bougiotes.
        J’espère, avec Robert Hunter, que d’autres informations sur ce naufrage, ou sur les mines de Beni Felkai exploités par la Société des Mines de fer Beni Felkaï ainsi que sur la mine de Aït Felkaï qui se trouve dans la vallée de l’Agrioun qui était exploitée par The Beni Felkaï Mining Company de Middlesbrough (La production totale était autrefois évaluée à 250.000 tonnes), seront envoyées par des lecteurs de cette page, et éclaireront cet épisode d’une nouvelle lumière. J’ignorais totalement qu’il y eut une mine de fer sur la côte de Kabylie, et qu’elle appartenait à des Anglais !


L’épave du Glenroy après le sauvetage de son équipage



Glenroy, 1899-1916


Chargeur de Beni Felkaï

FILM « LE RAVIN ROUGE »

LE DEFERLEMENT                          
             DANS LE RAVIN ROUGE

Le film « Le Ravin Rouge » est dans la tourmente. De quelle couleur en sortira t-il ? A l’heure actuelle je ne le sais pas exactement car le trouble m’a gagné ainsi que bon nombre de P.N.. Je vais tenter de vous dire, aussi clairement que possible, une partie de ce que j’en sais car j’espère qu’une éclaircie pourrait naître. La lecture de ce qui suit va vous paraître long, mais ce n’est rien à coté des heures que j’ai passé en messagerie et en téléphone.
             En effet, moi qui croyais que tout se déroulait normalement pour le meilleur des mondes, après les communiqués reçus les mois précédents et dont je vous ai régulièrement informé.
             Eh bien non ! Le 17 juin, un communiqué, reçu officiellement de Mme Cazal, intitulé « Sauvez le Ravin Rouge » est venu troubler la sérénité dans laquelle nous baignions.
             Presque aussitôt, dans la foulée, je recevais des messages me demandant des explications ; qu’est-ce que j’en savais ; qu’il fallait absolument éclairer les gens qui avaient versé leur obole ; etc., bref les questions pleuvaient comme des grêlons. Puis s’en est suivi des messages aigris ; des messages d’insultes ; et même pire ; etc. J’ai lu, entendu, et saisi le sens des questions qui m’ont été posées.
             Mais tout de même je tombais des nues, car je n’étais au courant de rien de ce qui se tramait en coulisse et je décidais de garder le silence public en attendant de comprendre la situation.
             Donc, chers lecteurs et expéditeurs de messages, excusez-moi de ne pas avoir répondu à vos attentes car mes tentatives pour comprendre et sauver une situation compromise m’a pris énormément de temps. Je vous le devais même si je ne suis pas impliqué matériellement dans cette affaire à part ma souscription, je le suis moralement par solidarité avec vous. Et certains messages me l’ont fait cruellement sentir. Je ne les blâme pas.

             La lecture attentionnée de ce fameux communiqué « Sauvez le Ravin Rouge » que l’on me demandait de diffuser, m’a quand même incité à la prudence pour des raisons essentielles que voici :

             Il laisse apparaître un grave différent dans la gestion financière des dons/souscriptions collectés et la scission en deux parties que nous appellerons « clan1 et clan2 » pour mieux comprendre ce trouble.
             J’ai pensé que la diffusion d’un tel communiqué pouvait être dangereux pour l’osmose communautaire qui avait entraîné ce formidable projet ; pour l’espoir qu’il avait suscité ; pour le bel élan de générosité qui s’est manifesté.
             Il semblait qu’il pouvait être considéré comme diffamatoire. Cela m’a été confirmé après consultation légale et je pouvais être poursuivi comme Webmaster, donc j’ai refusé de le diffuser en l’état sauf autorisation écrite du clan attaqué.
             Vous avez été très nombreux à devenir donateurs suite à la lecture de la Seybouse et de l’appel lancé pour la souscription. Je me suis senti solidaire de vous tous et vous ne manqueriez pas de vous poser la question : « Dans quelle galère il nous a entraîné ? ». Certains me l’ont déjà posé et même en termes plus crus.

             Après cette rapide analyse de ces raisons, comme tout être normalement constitué, j’ai pris mon bâton de pèlerin cybernaute et je suis allé à la pêche aux renseignements et explications.
             Pour tenter de comprendre cette affaire, je vais le faire en un « petit résumé » avec ce que j’en sais suite aux messages et documents contradictoires reçus.
             Tout d’abord je vais vous définir ce que j’appelle « clan1 et clan2 ». Le mot « clan » est peut-être fort mais plus simple à utiliser sans esprit de malveillance, mais par respect.
             Le CLAN1, à ma connaissance, il comprend les deux personnes qui s'intitulent Initiateurs du Projet Mrs Ximènes et Selles auxquels s’est joint Mme Fischoff, plus l’auteur du livre Mme Cazal et en dernier M. Descaves délégataire de Mme Cazal. Dans ce groupe je ne connais que Mme Cazal et M. Selles. Il faut savoir que d'autres personnes revendiquent le titre d'initiateurs car elles ont lancées fortement cette idée au cours d'une réunion publique et qui aurait été reprise par d'autres. (je ne critique pas car lancer une idée c'est bien, et la mettre en pratique c'est autre chose).
             Le CLAN2 ou CLAN DDM, il comprend M. Barisain désigné comme le collecteur et l’association DDM (Droit De Mémoire) qui héberge les fonds sur un compte spécial dénommé DDMRR (Ravin Rouge). Je connais M. Barisain.

La Suite Chronologique de ce que j’en sais
et sans rentrer dans tous les détails.

En 2009, les "initiateurs" contactent Mme Cazal et lui soumettent l’idée de porter à l’écran son livre « le Ravin Rouge ». Celle-ci leur donne son accord à condition qu’elle ait un droit de regard sur le scénario.
             Vers Mai 2010, aux deux initiateurs, se joint le 3ème mousquetaire (sic) et ils prennent la décision de consulter des professionnels pour connaître la faisabilité du projet.
             A la suite de ces contacts, où ils ont eu la conviction impérative qu’il fallait de l’argent pour lancer le projet et payer un scénariste. N’ayant aucun financement, aucune structure légale pour le faire, ils demandèrent à M. Barisain d’en devenir le collecteur avec son Association DDM.
             En décembre 2010, après des contacts avec la CCI de Nice et la société ACAP, ils décidèrent de choisir cette société pour la production du film. Cette société serait chargé de tout, c’est à dire : de l’acquisition des droits d’auteur, de la recherche d’un scénariste pour l’adaptation du livre, de la réalisation et de la diffusion du film et de recevoir seulement un financement pour l’écriture du scénario. Tout le reste du financement étant leur affaire.

             A partir de là, les initiateurs, toujours sans structure légale et juridique, décident de lancer une lettre d’appel, qui pourrait se traduire par «  A votre bon cœur », accompagnée d’un bon de souscription auprès de Donateurs/Souscripteurs P.N. où il est précisé simplement que les donateurs/souscripteurs pouvaient devenir figurants dans le film et seulement cela. Il n’est nullement mentionné qu’ils deviendraient aussi Producteurs et Bénéficiaires d’éventuels dividendes ou qu’ils en seraient solidairement responsables en cas d’échec ou de remettre plusieurs fois la main à la poche. Il y est clairement établi que cette souscription est confiée à M. Barisain et le montant de la collecte est fixé à 30.000€ sur le compte spécial DDMRR. M. Barisain devait remettre la somme équivalente au devis du scénariste (pas encore choisi) sur le compte de la société ACAP qui avait été choisie et mentionnée sur la souscription. Je pense que jusque là c’est clair. La date limite étant le 31 janvier 2011. Repoussée au 15 février faute que la somme réunie atteignait à peine 4000€.

             A la suite de l’appel relayé par les sites Internet et notamment la Seybouse, la somme grossissait. Mais la Société ACAP pour des vraies raisons qui m’échappent actuellement, s’est retirée le 8 février et donc normalement les donateurs/souscripteurs auraient dus être avertis et remboursés conformément aux engagements pris ou après avoir donné leur assentiment pour poursuivre avec une autre société.
             Comme par hasard, si j’ai bien compris (sinon il faudrait m’expliquer) il se trouve que la responsable désignée par la société ACAP pour s’occuper initialement du projet, possède elle-même une société SHE’S BACK Conseil et Gestion, qui se propose de prendre en charge la suite du projet.
             Le 15 février, une réunion s’est tenue entre les initiateurs, le collecteur et la gérante de la société SHE’S BACK. Il est décidé de lui confier la gestion du projet, c’est à dire la recherche d’un scénariste, l’acquisition des droits d’auteur pour le compte de qui ?, les contacts avec un producteur car n’étant plus productrice elle-même.
             Elle a établie un devis de 22.524€ (dont une option pour le scénariste d’un montant de 5.000€) et une lettre de mission (étalée sur 18 mois) qui ont été approuvés par les différentes parties. Le complément du scénariste devant être versé plus tard.
             Ce que les approbateurs n’ont pas fait attention, c’est que cette option de 5.000€ pour le scénariste ne représentait en fait que 10% de la somme finale soit au bas mot 50.000€ pour une adaptation d’un roman déjà écrit. Pourquoi un appel d’offre n’a t-il pas été lancé pour un tel projet ? C’est une des erreurs due à l’inexpérience des protagonistes. Tout se pressait et il fallait signer à tout prix. Où est passé le temps de la réflexion ?
             Voici un détail de ce devis établi par Mme Nicole Ruellé. (NR)
             Droits d’acquisition option 10%…………………1.000€
             Adaptation Scénariste option 10% ……………….5.000€
             Agent ???………………500€
             Directeur du développement NR…….10.000€
             Auteur Mme Cazal………………………………………………...1.000€
             Directeur du développement ???…..                     1.350€
             Assurance et coûts financiers ……2.200€
             Frais généraux 7%…………………………………..1.474€
             SOIT un TOTAL de …………………………….... 22.524€

Personnellement je n’aurai pas accepté ceci sans avoir au préalable consulté et exploité d’autres voies.
             Quelques jours après, le 2 mars M. Barisain signait seul la lettre de mission et établissait un chèque de 22.524€
             Naturellement, M. Barisain signait seul car c’est lui seul qui pouvait apporter sa garantie juridique en tant que président de DDM et en tant que collecteur et gestionnaire de la collecte.
             Les autres n’avaient pas voulu créer et ne représentaient aucune entité juridique à ce moment là.

             Pendant ce temps là l’argent continuait à rentrer dans la caisse pour atteindre la belle somme de plus 68.000€.

             Est-ce que cette somme a fait tourner la tête à certains antagonistes ou à leur entourage, toujours est-il certain que c’est le début des chikayas autour de cet argent.
             Quelques semaines après, à M. Barisain, il est réclamé une nouvelle somme de 25000€, puis dans la foulée le reliquat de la collecte (soit 46.000€) et tout cela sans qu’il ait droit à des justifications détaillées.
             Bien entendu en tant que gestionnaire de cette collecte il refuse de payer sans justification et sans compte rendu déjà du travail effectué sur le premier versement.
             Et la cassure arriva avec l’avènement de deux clans. Le clan1 comprenant que sans entité juridique, il ne représentait rien, s’est constitué en association « Ravin Rouge Le Film ;» qui se proclame Producteur du film.
             Évidemment je n’étais pas au courant de tous ces événements car je n’étais pas impliqué matériellement dans cette affaire. Pour moi cette nouvelle association était la suite logique du projet et non pas le résultat d’un différent d’origine financier et d’un mauvais départ. Je ne savais pas qu’elle devenait Producteur de film alors que le Conseil National du Cinéma dit que cela ne serait pas possible juridiquement. Entre temps, innocemment j’ai continué à diffuser les communiqués qui étaient optimistes mais en réalité ils cachaient des vérités. Cela je ne le supporte pas d’être trompé de la sorte et être involontairement accusé de complicité.

             Cette association dont je ne connais pas la date de départ ni les statuts a signé une nouvelle lettre de mission pour un montant identique à celle signée par M. Barisain. Lettre de mission signée le 29 mars à Nice par Mmes Ruellé et Cazal, sans que M. Barisain en soit au courant.
             Bien sur la nouvelle association n’avait pas les fonds nécessaires, d’où le harcèlement subi par M. Barisain. ET le 30 juin exactement, j’apprends que déjà une 2ème souscription avait été ouverte, car il y a un nouveau chiffre de 85.000€ qui est annoncé pour la même mission..
             Eh oui on nage dans le délire cinématographique et le flou artistique.

             Le 16 juin 2011, M. Barisain reçoit par message un nouvel appel de fond de 20.000€ de Mme Ruellé pour le contrat du scénariste. Entre temps le prix du scénariste a drôlement changé. Ce contrat stipule qu’il y a 18.000€ pour le scénariste lui même et 2.000€ pour l’agent. C’est payable en deux mensualités.
             Cet appel de fond ne mentionne pas que Mme Ruellé a déjà perçu 5.000€ pour le scénariste et 500€ pour l’agent et que donc logiquement il faut les déduire.

             De plus comment peut-elle demander à M. Barisain de signer un nouveau contrat et de lui verser une nouvelle somme d’argent alors que :
             A)  Par un message adressé à M. Barisain elle avait décidé qu’elle rendait caduc la 1ère lettre de mission signée avec lui le 2 mars.
             B)  Qu’elle n’avait produit aucun compte rendu de mission et les justificatifs de dépenses jusqu’à ce jour 16 juin où comme par miracle ces comptes apparaissent avec une fantaisie qui ne fait plus sourire. Vous pourrez voir ce détail sur le site l’Écho d’Oran.
             C)  Que le 29 mars elle avait signé une nouvelle lettre de mission avec Mme Cazal pour exactement le même montant et de ce fait elle écartait M. Barisain.
             D)  Qu’elle n’a jamais informé les protagonistes dans la situation judiciaire où elle se trouvait avant de signer un nouvel engagement. Cela ressort de la simple logique et du contrat de confiance que les partenaires se doivent mutuellement et juridiquement. Tous les renseignements sont sur : societe.com, mot clé Nicole Ruellé. C’est public.
             Bien sur je ne vous détaille pas la messagerie contradictoire et les mots doux reçus par M. Barisain.

             Vous allez dire, il défend M. Barisain et le clan2.
             Sachez que j’ai eu des longs échanges avec les deux clans, Je ne communiquerai pas cette longue messagerie sauf besoin impératif pour justifier mon action si nécessaire. J’ai un dossier bien fourni.
             Je leur ai demandé des documents irréfutables, seul le clan2 m’en a fourni et m’a adressé des échanges de messagerie qui en disent long, très long. Le clan1 ne m’a adressé que des communiqués à diffuser et que j’ai refusé pour les mêmes raisons que leur 1er communiqué. Les pièces annoncées et promises sont restées dans leurs placards.

             j’ai posé des questions simples, là aussi seul le clan2 y a répondu, le clan1 rien.
             J’ai proposé une médiation avec un homme intègre connu des deux clans et avec ma participation si nécessaire pour l’aider dans sa tâche. Seul le clan2 pouvait accepter en mettant un bémol sur une personne du clan1. Le clan1 ne m’a jamais apporté une seule réponse négative ou positive malgré mes nombreux rappels. Il va sans dire que la personne pressentie pour cette médiation, de guerre lasse s’est rétractée devant cette valse hésitation.
             Il faut savoir aussi qu’avec la structure du clan1, les donateurs/souscripteurs deviennent membres d’honneur, producteurs / réalisateurs / propriétaires du scénario / bénéficiaires de retombées financières. Il n’est pas dit qu’ils en assureraient aussi les pertes avec une mise continuelle de fonds pour arriver au budget annoncé de la production du film de 5 à 6 millions d’euros.
             Que jusqu'au 30 juin, constatant tout ce que j'ai appelé des erreurs communes dues à l'inexpérience, je n'ai pas ménagé ma peine auprès de tous les antagonistes et surtout du clan1 en faisant appel au bon sens, à la sagesse, au poids des responsabilités qu'ils auront en cas d'échec, au courage pour mettre pacifiquement un terme à ces chikayas ; tout cela est resté lettre morte coté clan1 à l'heure où je mets en ligne.

             Donc sans prendre partie je dois faire la différence entre les deux clans.
             Sans non plus vous abreuver de tous les détails, ragots et autres de cette affaire, je pense vous en avoir dit l’essentiel et avoir rempli ma mission d’information que je vous devais et par là même peut-être avoir répondu à vos messages.
             Avec tout cela, vous êtes des grandes personnes, vous pouvez prendre votre décision en connaissance de cause.


             Pour ma part, reprenant ma casquette de donateur/souscripteur je constate que sur mon bon de participation :
             Il est stipulé que c’est la société ACAP qui était choisie et personne d’autre.
             Celle-ci ayant fait défaut (avait-elle déjà ses raisons et le nez fin?), le projet s’arrêtait en l’état, comme prévu, le remboursement devait intervenir ou du moins en avertir les souscripteurs afin d’avoir leur consentement pour continuer avec une autre société. Surtout quand derrière il y avait déjà une autre idée qui sommeillait.
             Que j’ai beau lire et relire le bon de participation ainsi que la lettre d’accompagnement,
             je ne vois ni remerciement comme on me l’a dit, ni qu’il y aurait une structure où les donateurs/souscripteurs en seraient membres d’honneur, ni même que ceux-ci en deviendraient producteurs / réalisateurs / propriétaires du scénario / bénéficiaires de retombées financières. D’ailleurs je ne l’aurai pas accepté car je ne désire pas devenir tout cela, par ma conception de la mémoire. Et en plus je ne voudrai pas assurer aussi les pertes avec une mise continuelle de fonds pour arriver au budget annoncé de la production du film de 5 à 6 millions d’euros.
             Qu’à la lecture des communiqués, du simple détail farfelu de l’utilisation du premier versement et du reste, j’ai toutes les raisons, moi souscripteur de demander le remboursement. Ce que je ferai très prochainement car je ne veux pas financer les goûts de luxe d’une dame qui se fout de la gueule des P.N. avec des nuits d’hôtel à 1700 € (dont 5O % payé par les donateurs), c’est normal vu que la pompe à fric est amorcée. Pour combien de temps, mais sans moi, je n’ai nullement l’intention de recevoir des honneurs, titres pompeux et en plus en payer éventuellement les pots cassés dans un puits sans fond. Ma conception de la mémoire n’est pas à vendre ou à acheter.
             Que j’ai pris une nouvelle leçon qui fait que je ne donnerai plus rien, même pour la cause qui me serait présentée comme la plus noble du monde. C’est fini, basta, je rentre à regret dans le rang des gens dégoûtés.
             Que j’ai fait le constat personnel que M. Barisain n’a pas trahi la confiance que j’ai placé en lui, même s’il a commis des erreurs dues à l’inexpérience en la matière et à la rouerie d’un monde de l’art qu’il a découvert.
             Par respect des donateurs/souscripteurs et à sa parole, il a réagi de façon remarquable à ce qui paraît être une gabegie des dons récoltés. Il en a préservé les deux tiers. Il n’a en rien dilapidé l’argent des donateurs/souscripteurs, il ne s’est pas enrichi sur leur dos. Il n’a pas détourné un seul centime à son profit ou celui de DDM. Il est resté droit. Et surtout il ne mérite pas tout ce qui lui est imputé avec insultes et menaces. Tout cela est à son honneur et je continuerai à lui garder ma confiance jusqu’à ce que l’on me prouve le contraire. A l’heure actuelle j’en doute sérieusement.
             Ce qui va me chagriner, c'est que certains vont encore me dire, on t'avait prévenu, c'est une nouvelle embrouille. Les P.N. sont des imbéciles et il y aura toujours le plus petit grain de sable pour empêcher la machine de tourner.
             J'aurai toujours la satisfaction de savoir que Pierre Barisain est resté l'honnête homme que j'apprécie.

             Dans tout cela, ne croyez pas que je sois contre le film ou contre le fait qu’une nouvelle association en reprenne les rênes avec une nouvelle souscription, car je serai heureux de voir ce film mais sans ma participation. Cette expérience m’a suffit et je pense que je ne serai pas le seul. Chacun reprend sa liberté.
             Cette malheureuse affaire qui pour moi était due simplement à des erreurs causées par l’inexpérience est en train de tourner au ridicule pour ne pas dire une tromperie. Je ne sais pas qui en tire les ficelles, j’espère simplement qu’il ne soit pas P.N. car se serait une honte supplémentaire.
             C’est pour tout cela que j’adresse toutes mes excuses à ceux qui ont apporté leur obole basée sur la confiance que la Seybouse leur a donnée par les lettres et communiqués publiés ici même. J’en suis vraiment désolé.  
                         J.P.B.

 

CUISINE
de nos lecteurs

RECETTE CALAMARS FARCIS
(Encornets, Chippirons)

Façon Rémy LAFRANQUE

Ingrédients :
Calamars
Sel
Poivre
Huile d’Olive
Pack de Tomate ou concentré
Œufs 2 ou 3 en fonction du volume pour lier la farce
Talon de Jambon cuit
Botte de Persil ou Épinards en boite Hachés
Cognac ou Armagnac
Parmesan râpé
Mie de pain

             Préparation :
             - Nettoyer les Calamars et réserver les cornets, les têtes et les ailerons.
             - Préparer la farce :
             Hacher à la machine grosse grille, dans un grand saladier, les têtes, les ailerons, le Persil, le talon de jambon cuit, la mie de pain.
             Mélanger en y ajoutant le sel, le poivre, le parmesan, les œufs et un verre de cognac ou Armagnac, jusqu’à obtenir une pâte homogène.
             - Remplir les cornets avec une cuillère ou une poche à douille
             - Dans une Cocote, mettre un peu d’huile d’olive, placer les cornets sans les fermer dans l’huile chaude pour les faire dorer, ainsi que le surplus de farce. (Ils se fermeront tout seul). Les tourner pour les faire dorer uniformément, puis flamber avec un verre de cognac ou d’armagnac.
             - Ajouter la tomate et un peu d’eau ainsi qu’une petite pointe de piment de Cayenne, couvrir et laisser cuire environ une heure.
             - Servir avec des Spaghettis.
             - Régalez vous, Bon Appétit.
                                                  Rémy



SOIRÉES
                ALGERIENNES            N°7

CORSAIRES, ESCLAVES ET MARTYRS
DE BARBARIE   (1857)
PAR M. L'ABBE LÉON GODARD

ANCIEN CURE D'EL-AGHOUAT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE
AU GRAND SÉMINAIRE DE LANGRES

Dominare in medio inimicorum tuorum.
Régnez, Seigneur, au milieu de vos ennemis.


SOIREES ALGERIENNES
SEPTIÈME SOIRÉE
Les esclaves martyrs. (Suite)

        " Hier soir et les jours précédents, vous avez plusieurs fois prononcé le nom de martyr, mon révérend père; est?ce qu'on peut considérer comme martyrs tous les esclaves chrétiens mis à mort par les musulmans ?
        - Le titre de martyr, Alfred, a un sens plus ou moins strict, et il n'est pas inutile, en effet, de nous expliquer à cet égard, pour éviter entre nous toute fausse interprétation. Dans le sens liturgique et rigoureux du terme de martyr, on ne peut appliquer ce litre qu'à ceux auxquels l'Église l'accorde par un jugement, et qui ont souffert la mort pour la doctrine de Jésus-Christ. Ainsi, ces chrétiens que nous avons vu verser leur sang plutôt que d'embrasser le mahométisme, mais dont l'Église n'a pas inscrit le nom au catalogue des saints et des bienheureux, ceux-là ne doivent pas être appelés martyrs, selon cette première signification, et l'on ne peut leur attribuer les honneurs du culte réservé à ceux que l'Église place sur les autels.
        Mais, dans le sens littéraire du mot, nous avons le droit d'honorer du nom de martyr celui qui meurt évidemment pour la cause de Jésus-Christ et pour garder le titre de chrétien. Martyr signifie témoin : or, quel témoignage plus complet que celui que l'on signe de tout son sang ? Les renégats convertis et les esclaves immolés en Barbarie par les musulmans, n'avaient qu'une parole à prononcer contre le Christ et pour Mahomet, et leur vie était sauve. Ils sont donc réellement morts martyrs de Jésus-Christ.

       - Ces définitions, mon père, sont bien suffisantes pour que l'on interprète notre langage dans un sens légitime. Veuillez donc continuer à dérouler le martyrologe des bagnes de l'Afrique.
        - Mohammed Ier, fils de l'ancien pacha d'Alger Salah-Raïs, avait succédé, en 1557, au pacha Hassan II, fils de Kheïr-ed-Din. Sous son règne mourut à Alger un homme de mer d'un courage remarquable, Jean Gasco, natif de Valence, où il avait sa femme et ses enfants.
        Désireux de servir Dieu et S. M. Charles V, et d'acquérir de l'honneur en travaillant à sa propre fortune, il se rendit à la cour d'Espagne, et demanda au roi les moyens nécessaires pour tenter un exploit aussi brillant qu'utile. Gasco s'offrait à pénétrer au port d'Alger, pour y brûler tous les vaisseaux qui s'y trouveraient. Son désir et ses idées plurent au monarque. L'affaire fut examinée au conseil de guerre, et l'on renvoya le marin au vice-roi de Valence, qui devait lui fournir ce qu'il fallait pour son entreprise. Gasco, encouragé par les éloges et les promesses de Charles-Quint, présenta ses lettres au vice-roi. Il put armer deux brigantins, l'un de quatorze bancs, l'autre de quinze. Il choisit pour les monter des rameurs vigoureux et de vaillants soldats ; puis il partit de Valence dans les premiers jours d'octobre 1567. L'époque était bien choisie; car, à l'entrée de l'hiver, les navires se trouvaient réunis en plus grand nombre au port d'Alger. Gasco, favorisé par un beau temps, arriva rapidement en vue de cette ville. De jour, il reconnut la terre ; mais il se tint au large, pour que ses brigantins ne fussent pas signalés.

       Il était près de minuit, heure où s'oublie la vigilance des gardes. Jean Gasco avait distribué les rôles à ses compagnons : on accosterait les navires ennemis, et l'on se hâterait d'y allumer l'incendie avec les pots à feu et les matières inflammables préparées dans ce but. Pour lui, sautant vite à terre, il irait au bastion de la Marine, et, pour preuve de sa vaillance, il y laisserait son poignard encloué. Il braverait ainsi les Turcs, qui montent la garde toute la nuit au bastion et sur le môle.
        Les brigantins s'avancent, entrent dans le port sans être entendus, mettent l'éperon sur des navires attachés au môle et désarmés ; Gasco est à terre, il touche au bastion, frappe trois coups de son poignard à la porte, et l'y laisse enfoncé. Ses compagnons lancent les pots à feu remplis de poudre; mais nulle part l'incendie ne s'allume. Plusieurs sautent sur les galiotes pour exciter la flamme ; et à ce moment les gardes de la marine des Maures, endormis sur quelques navires, se réveillent, reconnaissent les chrétiens, et poussent le cri d'alarme. La ville est en rumeur et sur pied.
        Gasco, dans les ténèbres, a rejoint ses compagnons ; il les exhorte à de nouveaux efforts. Fatalité ! le feu refuse de prendre. Gasco revient sur ses pas, tue à coups d'épée plusieurs des gardes qui criaient à l'ennemi, et se rembarque avec trois chrétiens qui dormaient dans le port par ordre de leurs maîtres.
        Lorsqu'il se crut assez au large pour n'être pas vu d'Alger, il se mit à réfléchir. Le courage et la volonté ne lui manquaient pas, disait-il, pour tenter de nouveau, dans deux ou trois jours, la même entreprise.

       De son côté, le pacha Mohammed apprenait le danger que sa marine et sa fortune avaient couru. Il fit venir quatre corsaires, leur ordonna d'armer en hâte quatre galiotes, de poursuivre eu diverses directions, à toutes rames et à toutes voiles, les bâtiments chrétiens, et de ne pas revenir sans lui ramener du moins un d'eux.
        Le corsaire Dali, renégat grec, fit route vers le nord, et il aperçut avant midi les deux brigantins. Ceux-ci l'avaient vu également, et, soupçonnant qu'ils étaient poursuivis, ils prirent la fuite. Les Turcs leur donnèrent la chasse avec furie; et comme une des galiotes filait aussi rapide qu'un poisson, elle atteignit enfin celui des brigantins qui restait en arrière. Les forces des navires étaient trop inégales : après quelques coups de feu, les chrétiens furent faits prisonniers. L'autre brigantin avait pris de l'avance, et il put se sauver. Les Turcs furent ravis d'apprendre qu'ils avaient entre les mains Jean Gasco, chef de l'expédition. Mohammed, impatient, attendait leur retour ; le 14 octobre, ils lui présentèrent Gasco et ses hommes. Pour frapper d'épouvante les chrétiens, le pacha ordonna aussitôt de dresser une potence à l'endroit où ce capitaine avait débarqué, de l'y pendre par le talon du pied gauche, et de le laisser mourir dans cette affreuse position.
        Le condamné fut donc ramené à la Marine, où la potence était déjà prête, et, selon l'ordre du pacha, on l'accrocha par le talon à un long croc fixé au gibet. Un Turc, de ceux qui avaient pris et saccagé le brigantin, y avait trouvé la lettre du roi d'Espagne aux vice-rois de Valence et de Majorque, par laquelle Sa Majesté prescrivait de fournir à Gasco les moyens nécessaires à son expédition. Cette lettre, attachée au talon et au croc par lesquels le chrétien était pendu, devint un sujet de risée pour les Turcs et les Maures. Le patient soufrait des douleurs atroces ; mais il invoquait notre Seigneur et la Vierge Marie.

       Il endurait ce supplice depuis une heure, lorsque des capitaines corsaires, trouvant injuste le genre de mort qu'on lui avait infligé, allèrent trouver le pacha pour obtenir une révocation de la sentence. Ils lui représentèrent que selon l'usage, les hommes de guerre cherchaient à faire tout le mal possible à l'ennemi et à brûler ses navires, sans mériter pour cela des châtiments extraordinaires ; qu'ils brûlaient eux-mêmes chaque jour et détruisaient des vaisseaux chrétiens, et qu'il convenait de ne pas donner à leurs adversaires une raison de les traiter avec cette cruauté, s'ils venaient à être pris à leur tour. Celui qui insista le plus sur ces raisons fut Dali, le renégat grec auteur de la capture du brigantin.
        Mohammed ordonna donc, à contrecœur, de décrocher Gasco et de le conduire à son bagne. Là, les chrétiens lui prodiguèrent, pour le guérir, tous les soins dont ils étaient capables. Il fut traité avec la charité la plus tendre par le digne Contreras, habile chirurgien espagnol, qui était alors captif à Alger, avec deux autres gentilshommes au service de don Martin de Cordoue. Ils servaient d'otages pour ce seigneur, en attendant qu'il eût achevé de payer sa rançon. Gasco et ses amis rendaient grâces au Ciel de ce qu'il était délivré d'une mort terrible et imméritée ; mais le Seigneur ne permit pas que leur contentement fût de longue durée.
        Deux jours s'étaient à peine écoulés, quand des Maures qui s'étaient enfuis de Valence (il en arrivait tous les jours de l'Espagne en Barbarie) propagèrent le bruit que les chrétiens attribuaient à la crainte du roi d'Espagne l'ordre que Mohammed avait donné d'épargner Jean Gasco ; le pacha, disait-il, ne pouvait pas tolérer qu'on portât une semblable atteinte à sa réputation. Mohammed, à cette nouvelle, entra en colère; les Tagarins l'aigrirent de plus en plus, et firent si bien, qu'il commanda de rattacher au fer de la potence l'infortuné Gasco. Ils s'empressèrent d'exécuter la sentence avant qu'elle fût divulguée, dans la crainte que les corsaires n'eussent le temps de renouveler leurs réclamations. Mais ils dépassèrent le sens des paroles du pacha, et, au lieu de pendre Gasco par le talon, ils l'élevèrent à la cime du gibet, d'où ils le firent retomber sur le croc, qui lui traversa le ventre de part en part. La blessure était mortelle ; il expira sans prononcer une parole et sans pousser un cri.

       Telle était l'irritation de Mohammed, excitée par les Tagarins, qu'il défendit sous des peines graves de descendre et d'ensevelir le supplicié. Le corps resta plusieurs jours au croc ; il fut mangé par les oiseaux de proie, et tomba en lambeaux putréfiés, jusqu'à ce que des chrétiens en enlevèrent secrètement les derniers restes, qu'ils enterrèrent au cimetière de Bab-el-Oued. Jean Gasco, pouvait avoir trente-huit ans.
        - Quels sont donc, révérend père, demanda Carlotta, ces Maures que vous avez appelés Tagarins ?
        - On donne ce nom aux Maures qui passaient de l'Espagne en Barbarie, pour éviter la domination des rois chrétiens de la Péninsule, et suivre en toute liberté la religion musulmane. Ils étaient nombreux dans toutes les villes du littoral d'Afrique, et se distinguaient par la vivacité de leur haine contre les chrétiens, et surtout, nous le disions, contre ceux d'Espagne. Je puis vous en citer un nouvel exemple: il appartient encore au règne du pacha Mohammed, qui gouverna quatorze mois.
        Une frégate sortit du port de Cherchell, et se dirigea vers l'Espagne pour piller sur la côte. Les Maures qui la montaient étaient presque tous de ces Tagarins, qui formaient en bonne partie la population de Cherchell Sur la plage de l'Alméria, ils enlevèrent un chrétien très estimable qui habitait la ville du même nom. Il était de la milice qui veillait sans cesse à la défense de cette ville, et s'appelait Jean de Molina. Les corsaires, ayant déjà pris d'autres chrétiens sur ces côtes, jugèrent leur capture suffisante et rentrèrent à Cherchell.

       Lorsque les navires reviennent de course et abordent en quelque lieu, les habitants accourent, les uns pour vendre des rafraîchissements, d'autres pour acheter du linge ou des habillements, d'autres enfin, attirés par la curiosité, pour voir les captifs et le butin. Les Maures de Cherchell vinrent donc à la frégate. Deux d'entre eux apprenant que Jean de Molina était d'Alméria, lui demandèrent s'il aurait par hasard quelque nouvelle d'un de leurs parents, fait prisonnier depuis trois ans près de cette ville.
        " Notre parent, lui dirent-ils, était né à Grenade ; il connaissait parfaitement la côte et le pays. Il servait d'espion à des pirates qui exerçaient leur métier sur le littoral espagnol. Un jour il débarqua avec dix à douze autres, Maures et Turcs, au cap de Gate, à onze milles d'Alméria; il les conduisit à un endroit où il passait continuellement du monde, et où il était facile de faire capture. Mais ils furent poursuivis par des soldats sortis d'Alméria, qui les prirent tous, excepté deux assez heureux pour regagner le navire. - J'ai très-bien connu votre parent, répondit Jean de Molina sans penser à l'imprudence de ses paroles ; j'étais avec les soldats qui l'ont arrêté.
        - Savez-vous ce qu'il est devenu ?
        - Il fut conduit comme les autres à Alméria, continua le captif avec la même simplicité. Là, des Maures et des chrétiens le reconnurent; car six ans auparavant, lorsqu'il ne s'était point encore réfugié en Barbarie, ils l'avaient vu à Grenade et s'étaient trouvés en relations amicales avec lui. Le corrégidor, premier officier de justice, informé des faits, le fit venir en sa présence, puis emprisonner sous bonne garde. Il avait appris d'ailleurs que ce Maure, s'étant rendu coupable d'un assassinat, avait quitté Grenade en y laissant sa femme et ses enfants. Il l'envoya peu après dans cette dernière ville, et instruisit le tribunal du roi. Le Maure fut condamné à être pendu, bien qu'il eût mérité une mort plus cruelle : car au crime d'assassinat il avait ajouté celui de l'apostasie et celui d'avoir servi d'espion et de guide aux corsaires. "

       Les Maures ne firent point d'attention aux motifs qui avaient déterminé cette sentence. Ils s'irritèrent comme si leur parent n'avait été puni que pour son titre de musulman, et ils brûlèrent du désir de le venger sur Jean de Molina lui?même. Ils dissimulèrent cependant à cette heure, et répétèrent d'abord à leurs familles ce que Jean de Molina leur avait dit. Partout on approuva leur projet de vengeance, et l'on prit l'engagement de leur fournir l'argent nécessaire pour les mettre à même d'acheter le captif au capitaine et aux Maures, dont il était la propriété.
        La frégate quitta le port de Cherchell et se rendit à Alger l'affluence des acheteurs amenait en cette ville la plupart des prises; car il y avait des chances de s'en défaire plus avantageusement sur un marché si fréquenté. Le départ du navire fut bientôt suivi de celui des Maures qui en voulaient à Jean de Molina. Ils arrivèrent par terre à Alger, trouvèrent des marchands tagarins favorables à leurs vues, et obtinrent la victime pour trois cent soixante-cinq doubles, ou cent cinquante écus. Ils donnèrent des arrhes, ramenèrent le chrétien à Cherchell, et l'enfermèrent dans la maison d'un tagarin, leur ami. Le prisonnier avait une grosse chaîne aux pieds, et il ne pouvait parler à aucun chrétien.
        Les deux Maures qui l'avaient d'abord interrogé, se rendirent ensuite, accompagnés de plusieurs des principaux tagarins, près du pacha Mohammed, pour obtenir l'autorisation de mettre à mort le prisonnier, Ils exposèrent les faits sans aucun respect de la vérité.
        " Le roi d'Espagne, dirent-ils, traite les Maures d'une manière si tyrannique, que non-seulement il les force à embrasser le christianisme, mais qu'il les fait mourir cruellement, s'ils ont le malheur de se retirer en Barbarie pour assurer leur salut. C'est ainsi qu'une justice cruelle a frappé récemment un de nos parents à Grenade. On espère par ce moyen décourager ceux qui seraient tentés de suivre son exemple. "
        Ces paroles, prononcées d'un ton astucieux, excitaient l'indignation du pacha ; ils continuèrent à jouer leur rôle.
        " Votre Altesse ne l'ignore pas : une frégate, qui revient de la course, a pris un chrétien espagnol qui s'avoue l'un des auteurs de l'arrestation de notre parent, et c'est lui qui a causé sa perte. Par le culte d'Allah, pour l'honneur de Sidna-Mohammed, (que la paix soit sur lui !) et pour la confusion des chrétiens, nous vous supplions de nous laisser venger cette perte par la mort de ce prisonnier. "
        Le pacha le leur accorda sans difficulté ; ils s'en retournèrent joyeux et triomphants. Puis, combinant un prétendu sentiment religieux avec la sordide avarice qui caractérise les Maures, ils s'arrangèrent de faon à obtenir en aumônes plus d'argent qu'ils n'en avaient dépensé pour acheter Jean de Molina. Voici comment ils s'y prirent : le vendredi suivant, jour spécialement consacré au culte chez les musulmans, comme le dimanche chez les chrétiens et le samedi chez les juifs, ils tirèrent jean de Molina de la prison où il était à la chaîne, et le promenèrent dans la ville, les mains liées, un bâillon à la bouche. Plusieurs Maures marchaient derrière lui pour le surveiller, d'autres le précédaient, un plat à la main. Le cortège passa devant les portes des mosquées, aux heures de la prière et des audiences des juges, et circula dans toutes les rues en demandant l'aumône.
        " Donnez, donnez-nous pour acheter ce chien de chrétien que nous voulons brûler vivant ! "
        Puis ils stimulaient la piété et la générosité des musulmans, en leur répétant la mensongère histoire qu'ils avaient fabriquée. Le captif, bâillonné, subissait la calomnie sans pouvoir y répondre. Il entendait demande l'aumône nécessaire pour payer le bois qui devait le consumer. On lui mettait sous les yeux les horreurs de la mort ; les injures, les coups de pied, les soufflets, les coups de poing derrière la tête, pleuvaient sur le malheureux, ou plutôt sur le bienheureux confesseur de Jésus-Christ, On le poussait dans tous les sens ; les enfants de la plus vile populace lui arrachaient des cheveux et des poils de la barbe en faisant des huées : c'était un spectacle à fendre le cœur.
        Mais, ô puissance admirable de la grâce ! la patience du captif demeura inaltérable. Autant que le bâillon et les liens le permettaient, il prenait l'attitude de la prière, et il levait les yeux au ciel, montrant qu'il se résignait à la volonté de Dieu.
        C'était le 20 août ; les Maures, aidés de renégats qui voulaient paraître zélés musulmans, avaient recueilli assez d'aumônes. De cet argent ils acquittèrent la dette de l'achat du captif, puis ils firent porter une grande quantité de bois sec près de la tour du phare qui s'élevait alors sur un îlot à l'entrée du port.
        A trois heures du soir, jean de Molina, toujours garrotté et bâillonné, fut amené à la Marine. Le concours des spectateurs était si grand, que la circulation devint difficile sur la voie publique; les cris et le tumulte de la foule ébranlaient le ciel. Le martyr s'avançait avec calme, et l'on voyait qu'il portait Dieu dans son cœur. Ses regards, de temps à autre, cherchaient dans la foule quelques chrétiens reconnaissables à leurs vêtements, et il leur disait d'une voix distincte, malgré le bâillon " Chrétiens mes frères, priez Dieu pour moi ! "
        On arriva au lieu du supplice. Les Maures firent mettre le feu à un énorme bûcher, d'où la flamme lança bientôt ses langues dévorantes. Ils jetèrent sur le sol le confesseur de Jésus-Christ, doux comme l'Agneau de Dieu, et muet, à son exemple, sous la main de ses bourreaux. Ils l'attachèrent par les pieds et par les mains avec une forte corde. Quatre Maures le prirent, le balancèrent, et le plongèrent vivant au milieu du brasier. Le serviteur de Dieu rendit l'âme sans faire de mouvement et sans dire une parole. Il avait environ trente-sept ans. Le corps fut réduit en cendres, à l'exception de quelques restes d'ossements. Ils avaient disparu le lendemain, soit que des chrétiens les eussent emportés à la dérobée, soit que les Maures les eussent jetés à la mer.
        - Nous croyons, mon révérend père, dit Mme Morelli, que ce Jean de Molina est un véritable martyr ; car il n'a été immolé qu'en haine du christianisme, et il a rendu jusqu'au dernier soupir témoignage à notre sainte religion. Il est regrettable que Rome n'ait pu connaître suffisamment de tels faits. l'Afrique moderne compterait certainement des martyrs canonisés.
        - Peut-être, ajouta M. Morelli, la Providence, dont la sagesse et les ressources sont infinies, manifestera-t-elle un jour à son Église quelqu'un de ces martyrs ensevelis dans l'oubli ; l'Église couronnerait dans la personne de celui-là leur phalange héroïque.
        - Il faut y comprendre, poursuivit le vieillard, un chrétien de Raguse, mis à mort en 1572 par ordre d'Ahmed Ier, Arabe d'origine et gouverneur d'Alger, Pour garantir cette place contre toute surprise de la part des Espagnols, ce pacha travailla deux ans à fortifier le côté vulnérable de Bab-Azoun. Il fi t raser le faubourg, abattre la porte, et construire sur un meilleur plan de nouveaux remparts. Le génie français transforme à son tour ces ouvrages, que les progrès dans l'art de la guerre rendraient aujourd'hui insuffisants. Arab-Ahmed surveillait les ouvriers la pique à la main ; il y avait parmi eux beaucoup de Maures et d'esclaves chrétiens, qu'il traitait fort brutalement pour ne pas perdre la confiance des janissaires : car ils pouvaient le voir de mauvais œil à cause de sa qualité d'Arabe.
        Au nombre des esclaves était le patron d'un navire de Raguse, capturé par des galiotes algériennes, au mépris du droit des gens et de toute notion de justice : la république de Raguse, en effet, payait alors un tribut au Grand Turc, et se reconnaissait en quelque sorte comme vassale, afin de pouvoir naviguer librement sous sa sauvegarde. L'esclave, digne homme et bon chrétien, savait de quelle flagrante iniquité il était victime. Voyant donc un jour, c'était le 15 ou le 16 avril, Arab-Ahmed s'approcher du fossé où il travaillait avec d'autres esclaves, il l'aborda, et lui dit :
        " Hé quoi ! sultan, est-il juste qu'on me retienne ici en captivité, tandis que la république dont je suis citoyen paie au Grand Seigneur un tribut pour naviguer sous sa protection ? Est-il juste que je sois si maltraité et que vous me fassiez travailler si durement ?
        - Ah ! tu n'es pas mon esclave, toi ? répondit le pacha en colère.
        - De droit, je ne le suis pas ; car je suis vassal du Grand Seigneur.
        - Tu verras bientôt si tu es mon esclave ou non.

       A l'instant même il envoya chercher, par un chaouch, le gardien-bachi ou gardien en chef de ses esclaves, et lui donna des ordres en langue turque, afin que les chrétiens ne les comprissent pas. Le gardien-bachi appela le Ragusan, et l'emmena au port, sans lui rien dire. Ils montèrent avec trois Turcs dans une des barques amarrées d'ordinaire en cet endroit, et s'éloignèrent du port à la distance d'un bon trait d'arbalète. Les musulmans lièrent alors les pieds et les mains au chrétien, lui attachèrent une grosse pierre au cou, et le jetèrent dans les flot ; il ne reparut plus.
        Je dois signaler cet Arab-Ahmed, continua le père Gervais, comme un des pachas les plus inhumains qui se soient joués de la vie des chrétiens. Un mois après la mort du Ragusan, il ne rougit pas de se faire lui-même le bourreau de malheureux captifs. On lui amena deux jeunes hommes d'environ vingt cinq ans, l'un né en Espagne, l'autre à l'île d'Iviça, et que les Arabes venaient d'arrêter à Cherchell, tandis qu'ils fuyaient d'Alger à Oran.
        " Pourquoi, leur demanda le pacha, avez-vous pris la fuite ?
        - C'est le désir de la liberté qui nous a poussés, comme tant d'autres captifs : on se procure la liberté comme on peut. "
        Le barbare les fit étendre par terre, et, d'une pique qu'il avait d'habitude à la main, il frappa l'Espagnol sur le ventre avec tant de force, que la pique se brisa. Il frappa de nouveau avec un bâton, et le patient expira sous les coups en invoquant le doux nom de Jésus. Il s'acharna ensuite sur l'esclave d'lviça, et lui écrasa le foie et les entrailles jusqu'à ce qu'on le crut mort. On retira le corps pour l'enterrer ; mais il y avait encore un souffle de vie. Le jeune homme survécut deux jours, et sanctifia sa mort par de grands sentiments de piété.
        - Il n'est pas rare, dit M. Morelli, que les souverains musulmans aient agi comme Arab-Ahmed. Moulê-Abd-el?Melek, roi de Maroc en 1629, aimait les esclaves chrétiens et voulait qu'ils se fissent musulmans pour être rapprochés de sa personne ; mais il était cruel dans l'ivresse. Il avait des lions dans un parc, et se plaisait à voir les chrétiens succomber en luttant contre ces animaux.
        - Ce Romain ! interrompit Alfred.
        - Il rouait de coups ceux des captifs qui ne voulaient pas céder à ses ordres en reniant la foi. Un jour il les réunit, prend son cimeterre, et jure qu'il tuera ceux qui oseront lui résister. Ils passent l'un après l'autre en lui baisant les pieds. Il fait mettre à mort ceux dont il exige l'apostasie et qui la refusent. Le père Cyprien, dominicain, passe et se dit Portugais.
        " Ce sont des poules d'eau, fit Abd-el-Melek ; laisse?le aller. "

       Le père Jean Coural, augustin espagnol, s'avance et ne consent pas à renier. Abd-el-Melek, d'un coup de cimeterre, l'étend à ses pieds.
        Le dominicain français Pierre Morel vient ensuite, et déclare qu'il est et restera chrétien. Le sultan le frappa de son cimeterre; mais les blessures ne furent pas mortelles.
        Puis il se précipita en furieux sur les chrétiens, sabrant au hasard jusqu'à ce que l'arme se brisât. Le commandeur de Rasilly et le père Dan constatèrent ce fait par le témoignage de plusieurs de ceux qui avaient été victimes. Moulê?Abd-el-Melek fut tué par un renégat qu'il voulait mutiler d'une manière ignominieuse.
        - Il est probable, dit Alfred, que le père Comelin veut parler d'Abd-el-Melek, quand il raconte qu'un roi de Maroc fit jeter des esclaves chrétiens dans une fosse aux lions, à la sollicitation de ses marabouts. Voyant que les lions épargnaient les chrétiens, il ordonna de retirer ceux?ci et de jeter à leur place les marabouts, qui furent bientôt dévorés.
        - Pour revenir au féroce Arab Ahmed, reprit le père Gervais, il avait vu s'augmenter, en 1573, le nombre des esclaves chrétiens. L'un d'eux, N. Trinquette, Italien de naissance et cordonnier de son métier, convint avec plusieurs de ses amis qu'ils tenteraient de recouvrer leur liberté par la fuite. Ils devaient descendre, la nuit, du haut du mur qui s'étend vers la Marine, et ils s'empareraient dans le port d'un brigantin désarmé. Quarante esclaves entrèrent dans le complot. On était en décembre 1573, et la saison offrait des chances de salut. Les corsaires et patrons de navires hivernaient hors d'Alger, ou bien ils avaient désarmé leurs bâtiments. Ainsi les fugitifs auraient le temps de gagner du chemin avant qu'on prit leur donner la chasse.

       Trinquette, par l'intermédiaire d'un chrétien dont le métier était de faire des rames, obtint d'un autre esclave qui espérait recouvrer avec eux sa liberté, la promesse de livrer les clefs d'un magasin dont celui-ci était le gardien, et où l'on trouverait des rames et des agrès. Le jour fixé, le 28 décembre, arriva. Vers minuit, Trinquette et les chrétiens se trouvèrent prêts, à la muraille qui est entre la Grande-Mosquée, Djema-el-Kebira, et le magasin de rames. Les uns portaient sur les épaules des barriques d'eau, les autres des sacs de biscuit ; ceux-ci des cordages, ceux-là des pièces de gros bouracan, propres à servir de voiles.
        Ils descendent. L'esclave dépositaire des clefs du magasin de son maître ouvre la porte et donne vingt rames très-bonnes, qui appartenaient à un brigantin semblable à celui qu'on devait prendre. On s'achemine vers le môle, dans le plus profond silence. Tout à coup des Maures et des Turcs s'écrient :
        " Au secours ! au secours ! Les chrétiens s'enfuient. "
        Le pacha, prévenu du complot, on ne sait comment, avait aposté ces sentinelles. Les esclaves, se voyant découverts, se sauvèrent de tous côtés au hasard. Mais douze, au nombre desquels est Trinquette, plus hardis que les autres, s'élancent dans le brigantin, démarrent, se garantissent comme ils peuvent des pierres qu'on leur jette, et se mettent en mer avec courage, animés par les exhortations de Trinquette. Déjà ils sont à deux grands milles du rivage ; ils arborent pavillon au mât, tendent une voile, et voguent vers l'est, poussés par le vent.
        Ils allaient ainsi, à la garde, de Dieu, lorsque sa providence permit an mistral de se déchaîner. La tempête mugit, menaçant d'engloutir le brigantin, et les pauvres chrétiens se virent forcés, à leur grande douleur, de chercher le salut dans un port de la côte. Mais les vagues rejetèrent le navire brisé sur la plage, et ce fut par miracle qu'ils échappèrent à la mort. Les Arabes de ce pays avaient aperçu le bâtiment en péril, et ils étaient accourus sur le bord de la mer. Les naufragés furent pris et conduits à Alger. Le pacha fit rouer de coups, en sa présence, dix de ces infortunés, et il condamna aux ganches Trinquette et un de ses compagnons, jugés plus coupables. Cependant on le pria de se montrer moins sévère, et il consentit à ce que ces derniers, au lieu d'être mis à l'horrible croc, fussent attachés à l'antenne d'un navire et percés de flèches. De nouvelles supplications obtinrent une nouvelle commutation de peine, et les deux chrétiens furent pendus à l'endroit de la muraille qu'ils avaient choisi pour leur évasion.
        Les sentiments pieux qu'ils firent paraître à la dernière heure édifièrent et consolèrent beaucoup les autres chrétiens, que cette perte affligeait d'ailleurs profondément. "

       Mme Morelli suspendit quelques instants les récits du vieillard, que l'on devait craindre de fatiguer. Fatma, selon la coutume, servit le thé. Tout le monde remarquait un certain changement dans l'extérieur de la négresse. Soit qu'elle fût heureusement influencée par ces conversations du soir, dont elle recueillait une partie, tout en berçant le petit enfant confié à ses soins ; soit plutôt que son éducation chrétienne, dirigée par Carlotta, eût fait des progrès notables, Fatma se transformait sensiblement. Son regard brûlait d'une lumière plus intelligente ; elle ne s'affaissait plus sur elle-même sans aucune dignité, et sa sollicitude pour la petite Marie paraissait supérieure à ce dévouement instinctif qui n'est pas rare dans les serviteurs de sa race, et qui ressemble trop à l'attachement du chien pour son maître.
        On échangeait ces observations tandis qu'elle s'était retirée pour faire son service. Carlotta écoutait, pensive et silencieuse. La négresse vint reprendre l'enfant des bras de la mère, et l'on remit le bon vieillard sur l'inépuisable chapitre de ses souvenirs historiques et personnels.
        " Le successeur d'Ahmed 1er, dit-il, fut Ramadan-Pacha, renégat sarde, dont l'entrée eut lieu à Alger en 1576. Il s'était enfui de Tunis trois ans auparavant, lorsque don Juan d'Autriche, frère du roi d'Espagne Philippe II, vint assiéger cette ville et l'occupa sans coup férir. Kairouan lui avait offert un asile, et les Algériens l'avaient eux-mêmes demandé pour gouverneur.

       De son temps il y avait à Alger un renégat grec, nommé Asanico et fameux par ses cruautés. C'était pour lui un passe-temps de couper le nez et les oreilles à ses esclaves, et il les faisait monter ainsi mutilés sur sa galiote. Un printemps, il alla en course avec cinq autres navires. On se dirigea vers le couchant, et l'on fut en peu de jours hors du détroit de Gibraltar, dans les parages de Cadix. Les corsaires savaient qu'à une demi-lieue de cette ville, dans un endroit nommé Saint-Sébastien, et où le duc de Medina-Sidonia possédait un domaine, les chrétiens se trouvaient en grand nombre, occupés à la pèche au thon. Ils convinrent d'y débarquer avant le jour trois cents Turcs chargés de les faire prisonniers. Asanico était parmi ceux qui descendirent à terre.
        Le coup réussit parfaitement. Les chrétiens étaient sans inquiétude, endormis sur la plage ; deux cents furent pris et conduits vers les galiotes. Mais un renégat du pays s'était enfui au débarquement des corsaires, et il avait donné l'éveil à Cadix. Des habitants sortirent en armes et attaquèrent les Turcs au moment où ils regagnaient les navires, de sorte qu'une grande partie de leurs captifs restait sur la plage. De plus, soit que la marée fût très basse, soit que les galiotes fussent trop chargées, les Turcs s'aperçurent qu'elles touchaient le sable et n'étaient plus portées par les flots. A force de bras et d'épaules, ils s'efforcèrent de les retirer du rivage, pendant qu'une faible troupe des leurs contenait les chrétiens par des escarmouches. Quelques Turcs à terre furent faits prisonniers, et d'autres blessés. Cinq des bâtiments avaient réussi à se remettre à flot ; mais la galiote d'Asanico ne put y parvenir. C'était la plus grande ; elle avait par flanc vingt et un bancs ; on s'y était réfugié en trop grand nombre, et les chrétiens dirigeaient sur elle leurs plus vigoureux efforts. Ils la tiraient d'un côté, les Turcs de l'autre. Asanico et ses compagnons étaient sans espoir. Ceux-ci, se jetant à la mer, atteignirent à la nage les autres navires; ceux-là, renversés sur les bancs, voulaient éviter les coups d'arquebuse. Enfin les chrétiens se rendirent maîtres de la galiote, des corsaires qui restaient, et d'Asnico lui-même.

       Grande fut la joie des gens de Cadix : ils rendaient cent quarante chrétiens rameurs à la liberté. Ils n'avaient qu'un regret, c'était de voir s'éloigner les cinq autres galiotes. Elles furent bientôt hors de l'atteinte des grosses arquebuses et d'une pièce d'artillerie traînée de Cadix, qui leur envoyaient force projectiles. La galiote capturée fut mise en sûreté. Cadix en fête reçut la longue procession des esclaves délivrés et des Turcs faits prisonniers. Peu d'heures après, le corregidor fut instruit des crimes d'Asanico. Les anciens captifs de ce renégat demandaient justice contre lui : ils montraient leurs oreilles, leur nez, leurs doigts coupés ? Les traces des blessures qu'il leur avait faites aux yeux et à la figure. Il fut condamné à la peine capitale, et l'on exposa sa tête à l'une des portes de la ville. Avant de mourir, il reconnut son erreur et ses crimes, se réconcilia pieusement avec l'Église, et donna les marques d'une sincère pénitence.
        Or, au même temps, demeurait à Cadix un marchand, Grec aussi de nation, nommé Nicolo. C'était un assez bon homme, père de famille, et que faisait vivre une boutique de toiles et de quincaillerie. Il avait quelquefois visité et consolé dans la prison Asanico, son compatriote. Le malheur voulut qu'allant à Lisbonne pour son commerce, il tomba aux mains de corsaires algériens.
        Désirant ardemment retrouver sa famille, dont il était l'indispensable soutien, il fit une convention avec un Maure d'Alger qui portait le turban vert de chérif. Celui-ci l'achèterait et l'amènerait à Tétouan, ville du Maroc plus rapprochée de l'Espagne. Là Nicolo donnerait pour sa rançon cinq cents doubles ou deux cents écus d'or d'Espagne. L'affaire était conclue ; ils devaient d'un jour à l'autre partir pour Tétouan. Mais voici qu'un des renégats pris à Cadix avec Asanico se sauve de cette ville, arrive à Alger, et reconnaît un jour, en passant, Nicolo, qui cousait un caban dans la boutique d'un tailleur chrétien. Il avait vu le marchand lorsqu'il visitait à la prison son compatriote. Animé d'une malice infernale, il dit aux renégats :
        " Si vous désirez venger la mort d'Asanico, la chose est facile. Je me charge de vous indiquer l'auteur de sa porte. "
        Ils accueillirent, on le pense bien, la proposition, et réclamèrent du pacha l'autorisation de punir le pauvre marchand. Ramadan-Pacha n'était pas plus scrupuleux que les autres gouverneurs : il abandonna le captif aux renégats. Le chérif maître de ce dernier le leur vendit au prix de cinq cents doubles. Le bienheureux Nicolo (nous pouvons l'appeler ainsi, car de ce moment va commencer son martyre) fut enfermé sur-le-champ dans le bagne du renégat albanais Mami-Arnaut, digne de commander à ces brigands, dont la cruauté tenait de la tête fauve. On lui riva aux pieds une longue et lourde chaîne. Défense aux Maures comme aux chrétiens de lui adresser une parole ; défense de lui donner aucune nourriture.

       C'était le 23 décembre, et les renégats avaient d'abord résolu de mettre à mort Nicolo le lendemain. Mais ils ajournèrent l'exécution au 25, réfléchissant qu'elle empoisonnerait la joie des chrétiens, qui célèbrent avec tant de bonheur la fête de Noël. A peine ce beau jour commençait-il à luire que toute cette canaille, Turcs, Maures, renégats, se mit à hurler :
        " Il faut brûler le chrétien ! Il faut brûler le chrétien ! "
        Leur rage s'anima tellement, que nul des chrétiens n'osait sortir dans la rue : les coups de poing derrière la tête, les coups de pied, les soufflets les obligeaient aussitôt à la retraite.
        Il y avait alors à Alger un religieux de la compagnie de Jésus, le révérend père de Torris, Castillan de nation. Il était venu racheter beaucoup de pauvres chrétiens avec les aumônes que le vaillant Louis de Quixada, l'ami de don Juan d'Autriche, avait léguées par testament. Révolté de la manière dont on se conduisait envers un innocent, il alla trouver le pacha, remontra fortement que l'on agissait contre la justice et l'humanité, et supplia Son Altesse de s'opposer à ces traitements barbares. Le père de Torris ne put tenir cette démarche si secrète que les renégats n'en eussent connaissance. Craignant que le pacha ne revint sur sa parole, ils se rendirent au palais en grand nombre et y trouvèrent le religieux. Ils ne voulurent pas entendre à ses raisons, et crièrent que la décision du roi devait s'accomplir. Ils allèrent plus loin, et demandèrent que ce baba lui?même fût brûlé.
        " Si l'on met à mort les renégats en Espagne, disaient-ils, c'est à ces babas qu'il faut l'attribuer. "
        Ce n'était pas une mauvaise plaisanterie, mais une demande sérieuse ; et Mami-Arnaut, tout méchant qu'il était, voyant le danger que courait le père de Torris, s'approcha de lui, et, le couvrant de son burnous en signe de protection, dit aux renégats :
        " Cet homme doit être à l'abri de toute injure, car il est ici le représentant du roi d'Espagne pour le rachat des captifs espagnols. Contentez-vous de punir le Grec. "
        Le pacha fut du même avis, et les renégats s'en allèrent, jetant feu et flamme. Le père de Torris se retira également, effrayé de la cruauté de cette nation.

       Le bienheureux Nicolo était instruit de la trame ourdie contre lui. Il bénissait le Seigneur de ce qu'il daignait le choisir pour glorifier son saint nom ; il en recevait une surabondance de grâces pour soutenir le combat auquel il était appelé. Comme on marquait le jour de sa mort glorieuse à la fête de Noël, il s'y prépara saintement, et put se procurer le secours d'un confesseur : c'était un père de-la Trinité, esclave lui-même, et qui plus tard s'enfuit à Oran. Nicolo passa le jour de Noël dans l'attente de ses bourreaux ; mais ils avaient remis le supplice au lendemain, fête de saint Étienne, le premier martyr. Ils voulaient réunir en aumônes toute la somme qu'ils avaient dépensée pour acheter Nicolo ; il était bon, d'ailleurs, à leur avis, qu'un très-grand nombre contribuassent à une œuvre si méritoire. Le 26, ils se donnèrent beaucoup de mouvement pour compléter la somme. Un renégat espagnol, natif de Murcie, nommé Morat, voyant la fête retardée parce qu'il manquait soixante doubles ou vingt-quatre écus, offrit la moitié de la somme, et alla mendier le reste, un bassin à la main, auprès de ses amis. Il obtint promptement ce qu'il désirait.
        Vers midi, trente à quarante renégats, accompagnés de chaouchs exécuteurs de justice, se rendirent au bagne de Nicolo. On lui ôta la chaîne, et on le conduisit à Bab-el?Oued, avec le cortège accoutumé de la multitude des Turcs et des Maures. Les vociférations, les outrages, les coups de cette populace, les injures de cette tourbe d'enfants qui pullulent encore dans les rues d'Alger, et qui se disputent l'honneur de décrotter nos chaussures, ne troublèrent pas la paix et la gravité du martyr. Sur le lieu du supplice, on l'attacha à une ancre renversée, dont la lige était fixée en terre ; on alluma le bois disposé en cercle autour de lui, et on le rôtit vivant. Il priait à haute voix, et souffrait avec une constance surhumaine. Au bout de trois quarts d'heure, il inclina la tête et rendit l'âme. Les renégats le lapidèrent, et les enfants rivalisèrent d'ardeur avec eux. Le feu dura toute la nuit, et le lendemain les chrétiens ne trouvèrent plus que des restes d'ossements. Ils les emportèrent, et les ensevelirent secrètement en leur cimetière.

       " Si du moins les reliques de tant de martyrs, dit Mme Morelli, avaient pu être préservées ! Pensez-vous qu'on en eût retrouvé chez les chrétiens d'Alger au moment de la conquête ?
        - Peut-être, répondit le trinitaire ; car il serait injuste de croire que l'on n'appréciait pas suffisamment la dépouille mortelle de ceux qui mouraient pour la foi. Au besoin, des faits merveilleux, pour ne pas dire miraculeux, auraient rappelé de temps à autre à la pensée des fidèles le caractère de ces reliques. Et cette réflexion me donne lieu de vous faire connaître un martyr de Tunis, Antonio di Pace, qui souffrit dans cette ville au mois d'avril 1650.
        " Cet esclave, natif de Trapani, était âgé d'environ dix-huit ans. Sommé d'apostasier, il refusa de prononcer la confession de foi musulmane, el-chehada, et il fut crucifié comme l'apôtre saint André. On le lia sur la croix, et il y fut attaché par quatre clous. On lui déchira les épaules et les flancs, et on lui lança des pierres. Un des barbares qui le torturaient lui donna un grand coup de sabre sur la tête, avec l'intention de le tuer ; mais il survécut du samedi au mardi, sans cesser de proclamer les saintes vérités de notre foi. Le mardi au matin, on oignit de miel sa tête et son visage pour y attirer les mouches et rendre sa dernière heure plut douloureuse. Il expira chargé de mérites et pendant une oraison brillante.

       Les chrétiens esclaves obtinrent le corps du martyr et lui donnèrent une sépulture distinguée dans l'église Saint Antoine, au cimetière de notre religion, ou peut-être dans l'église Sainte-Croix ; car on ne sait pas au juste où il fut immédiatement déposé par le père François de Ventimiglia, préfet apostolique de l'ordre des capucins.
        Mais ce père le confia bientôt après à un navire français, pour le transporter à Rome. Alors il arriva quelque chose d'extraordinaire. Trois fois le bâtiment s'éloigna du port de la Goulette par un vent favorable et un temps calme, et trois fois la tempête le força d'y rentrer.
        " Le préfet, soupçonnant un dessein particulier de la Providence, et quelque indiscrétion de la part du capitaine, fit débarquer la caisse qui contenait le corps d'Antonio di Pace et les instruments de son supplice. A l'ouverture, il s'aperçut qu'il manquait un des quatre clous. Il en demanda compte au capitaine, qui d'abord nia l'avoir pris, et qui ensuite, pressé par sa conscience, le restitua. La caisse fut replacée sur le bâtiment ; et cette fois il fit voile pour Rome sans éprouver de mauvais temps.
        - Que sont devenues les reliques d'Antonio ? demanda M. Morelli,
        - Je l'ignore, dit le moine. Les archives des capucins de Tunis m'ont révélé l'histoire de ce martyr. J'y ai vu une lettre des sénateurs de Trapani, qui fait le plus grand honneur à ces magistrats par la piété qu'elle respire. Ils y demandaient, au père général des capucins, à la date du 11 janvier 1740, une relation exacte du martyre de leur compatriote et des indications sur le sort de ses reliques. On ne put rien leur apprendre de Tunis, et moi-même j'ai fait des recherches inutiles à Rome et à Paris, pour savoir ce que sont devenus ces restes vénérables. "
        Mme Morelli mit fin à la conversation, et l'on se retira. Carlotta semblait toute préoccupée. A cette question : Trouverait-on à Alger des reliques des esclaves martyrs ? Le religieux avait répondu : Peut-être ; et ce peut-être excitait les espérances et le zèle de la jeune fille.
A SUIVRE

Histoire d'enfer
Envoyé par Thérése

          Un type meurt sur la frontière franco-allemande.
          Quand il arrive au ciel pour le jugement dernier, Saint Pierre lui dit:
          - Bon ! votre vie sur terre, pas terrible, quelques adultères, pas souvent à la messe, des blasphèmes, etc etc.... Je ne peux pas vous faire entrer au paradis, mais comme vous n'avez rien commis de grave, et que vous êtes mort sur la frontière, je vous laisse le choix entre l'enfer allemand et l'enfer français.
          - Mais Saint Pierre, je ne connais ni l'un ni l'autre, pourriez vous m'en dire un peu plus, SVP ?

          -Eh bien, dans l'enfer allemand, on vous met dans une grande marmite pleine de purin, des petits gnomes très très vilains qui sentent mauvais mettent des bûches sous la marmite, un dragon vient allumer les bûches , et vous cuisez toute la journée. Et c'est tous les jours pareil !
          - Et l'enfer français ?
          - Et bien, dans l'enfer français, on vous met dans une grande marmite pleine de purin, des petits gnomes très très vilains qui sentent mauvais mettent des bûches sous la marmite, un dragon vient allumer les bûches, et vous cuisez toute la journée.Et c'est tous les jours pareil ! Mais, si vous voulez un bon conseil, je serais vous, je choisirais l'enfer français !!!
          - Mais, Saint Pierre c'est exactement la même chose !!!!!!!
          - Non non, pas du tout !... Car, dans l'enfer français,
          un jour les gnomes sont en grève,
          un jour on n'a pas livré les bûches,
          un jour le dragon est en RTT,
          un jour il est en congé maladie
          un jour il ne trouve plus la marmite,
          un jour on n'a pas commandé le purin .


 Une tragédie occultée
par les livres d’histoire…
Par M. José CASTANO

En mémoire des 1927 marins français morts sous le feu « allié »

3 JUILLET 1940… L’AGRESSION BRITANNIQUE
SUR MERS-EL-KEBIR

« Le souvenir de ces morts dérange tout le monde parce que l’évènement échappe à la logique. Il est à part des tragédies de la guerre. Personne n’a intérêt à ce que l’on en parle trop » (Amiral Marcel Gensoul)

Mers El-Kébir… le « Grand Port », mot composé arabe, évoque la mer, que ce lieu géographique essaie d’étreindre dans la tenaille, largement ouverte de sa rade, et l’installation portuaire que la France de la seconde moitié du XX° siècle y a créée…
          Tour à tour, port de pirates, centre de transit commercial et base navale, elle a offert une physionomie différente à chaque nouveau contact de populations, à travers les vicissitudes d’une histoire bimillénaire. Ce mouillage est à 200 kilomètres des ports ibériques de Carthagène et d’Alméria, du port rifain de Mélilla, à une distance à peu près double du Détroit de Gibraltar, passage obligatoire de la Méditerranée à l’Atlantique ou du Moyen Orient à l’Occident européen.
          Mieux abrité que Gibraltar, le port possède une des rades les plus belles et les plus sûres de l’Algérie. Le site profite enfin de la proximité de l’agglomération urbaine d’Oran, créée au début du X° siècle.

          Le but de la base navale est, non seulement de compléter la défense des côtes algériennes, de maintenir l’intégrité du territoire français, mais aussi d’assurer la liberté des communications et d’organiser notre présence dans la Méditerranée occidentale, en cas de conflit, face à une Italie hostile (en 1939) et à une Espagne d’une neutralité bienveillante envers les pays de l’Axe Berlin-Rome.

          L’armistice franco-allemand du 18 juin 1940 consacre l’échec de nos armées sur terre ; notre flotte, une des plus puissantes qui n’avait pas été vaincue, est libre. Ni l’amiral Darlan, ni le général Weygand n’ont l’intention « …de livrer à l’ennemi une unité quelconque de notre flotte de guerre » et de Gaulle le dira, le 16 juin à Churchill en ces termes « La flotte ne sera jamais livrée, d’ailleurs, c’est le fief de Darlan ; un féodal ne livre pas son fief. Pétain lui-même n’y consentirait pas ».
          Les Anglais, de leur côté, désirent que notre flotte, riche en unités lourdes et légères, se rende dans leurs ports. Elle aurait pu le faire, le 16 juin 1940, mais personne ne lui en donne l’ordre et la Marine reçoit l’assurance, « qu’en aucun cas, la flotte ne sera livrée intacte », mais qu’elle se repliera probablement en Afrique ou sera coulée précise l’Amiral Darlan. Hitler ne demande pas livraison de notre flotte (le projet d’armistice ne le prévoyant d’ailleurs pas), pas plus que de nos colonies, sachant qu’il n’est pas dans nos intentions d’accepter de telles exigences.
          Les 18 et 19 juin, sont sabordées ou détruites, des unités en construction à Cherbourg, celles en réparations à Brest, Lorient, La Pallice et au Verdon. Les bâtiments capables de prendre la mer appareillent partie pour Plymouth, partie pour Casablanca, même le cuirassé Jean Bart inachevé.
          Le 27 juin, Churchill, en dépit des assurances données par le gouvernement Français, décide, dans le plus grand secret, de mettre « hors d’état de nuire » la marine française. Cette opération aura pour nom Catapult.

          Le 30 juin, dans un accès de colère, l’amiral North s’adresse à l’amiral Somerville :

- Qui a eu cette fichue idée (opération Catapult) ?
          - Churchill ! répondit Somerville
          -No Catapult but Boomerang !
Cette opération nous met en danger, répliqua North. Winnie (Churchill) est fou ! Je vois ce qu’il veut mais c’est une solution criminelle.

          Les bâtiments de la Méditerranée, le 3 juillet 1940, sont amarrés le long de la jetée de Kébir, d’Est en Ouest : le transport Commandant Teste, les cuirassés Bretagne et Provence, les croiseurs Strasbourg et Dunkerque. Leur font vis-à-vis, dans le fond ouest de la baie, six contre-torpilleurs : Mogador, Volta, Tigre, Lynx, Terrible, Kersaine…les fleurons de la flotte française. Au mât du Dunkerque, flotte la marque de l’Amiral Gensoul, commandant en chef… La démobilisation doit commencer dans quelques jours, les équipages se préparent à aller en promenade pour se distraire à terre.
          Les clauses de l’armistice ont été scrupuleusement observées, et dans le délai qui avait été fixé. Sur nos bâtiments, les culasses des pièces ont été démontées ; il en a été de même dans les batteries de côtes et de D.C.A. Dans les hangars d’aviation, les mesures de démobilisation ont été prises ; on a vidé les réservoirs de leur essence, démonté les canons des chasseurs et les mitrailleuses de tous les appareils ; les munitions ont été rassemblées et mises en dépôt.

          Vers 7 heures du matin, un torpilleur anglais, le Foxhound, se présente devant Mers El-Kébir. Un premier message annonce qu’il a à son bord un officier britannique, chargé d’apporter au commandant en chef de la flotte de l’Atlantique une communication de la plus haute importance. Mais une véritable force navale l’accompagne : le Hood, bâtiment de 42000 tonnes, le plus grand cuirassé du monde, armé de pièces de 380 ; le Vaillant, la Résolution, armés également de pièces de 380 ; l’Ark-Royal, le plus rapide des porte-avions anglais, tous escortés de bâtiments légers et de torpilleurs.
          Sur les bâtiments français, l’arrivée inattendue de cette imposante armada provoque de l’étonnement, qui sera bientôt de la stupeur. Un officier d’état-major français est envoyé par l’amiral Gensoul à la rencontre de l’officier britannique, le commandant Holland. Celui-ci est porteur d’un document qu’on peut résumer ainsi :
          « La flotte de l’Atlantique est invitée à rallier la flotte britannique, ou à défaut, un port de l’Amérique, avec équipages réduits. En cas de refus de cette offre, elle devra se saborder, sinon, par ordre du gouvernement de Sa Majesté, la flotte britannique usera de la force. »

          L’amiral Gensoul réafirma au parlementaire britannique que les craintes de voir les bâtiments français tomber aux mains des Allemands et des Italiens étaient injustifiées : « La marine française n’a pas l’habitude demanquer à sa parole ! », s’exclama-t-il.
          Plus tard, il affirmera qu’il ne pouvait accepter « un ultimatum se terminant par : « ou vous coulez vos bateaux ou je vous coule. C’est exactement : la bourse ou la vie… quelquefois, on donne sa bourse pour sauver sa vie. Dans la Marine, nous n’avons pas cette habitude-là ». Servitude et grandeur militaires !
          Ainsi, nos bâtiments, contre la force, se défendraient par la force.

          Au moment où l’officier britannique sortait de la rade, le commandant de la flotte anglaise signalait : « Si les propositions britanniques ne sont pas acceptées, il faut que je coule vos bâtiments. »
          Les bateaux français, aux feux éteints, disposés pour un désarmement rapide, reçoivent l’ordre à 7h55 : « Prendre dispositions de « combat », puis à 9h10 : « Flotte anglaise étant venue nous proposer ultimatum inacceptable, soyez prêts à répondre à la force par la « force ».

          En effet, le 3 juillet 1940, vers 10h, l’Amiral anglais Somerville adresse un ultimatum aux unités de la flotte française : « Coulez vos bâtiments de guerre dans un délai de 6 heures, ou nous vous y contraindrons par la force. »
          Après un conseil tenu par l’Amiral Jarry, commandant la Marine à Oran, le général de Saint-Maurice et le Préfet Boujard, celui-ci informe la population, par un communiqué affiché à 13h30, « qu’une alerte réelle pourrait avoir lieu l’après-midi, l’invite à se réfugier dans les abris, tranchées, etc…, renvoie les élèves dans leur famille ». Les consulats anglais du département sont gardés et surveillés, pour parer à toute manifestation. Les services de défense passive, l’hôpital, les services sanitaires, la Croix-Rouge et la police sont alertés. La dispersion des habitants de Mers El-Kébir est décidée, seul le Maire, les conseillers municipaux, les fonctionnaires et ouvriers de la Centrale et des travaux portuaires restent à leur poste.

          Dès 14h, heure approximative de l’expiration de l’ultimatum, les avions de l’Ark Royal volant sur l’eau déposent des mines magnétiques, à l’entrée du port et de la rade de Mers El-Kébir. L’escadre française est pratiquement bloquée (Churchill l’a reconnu). L’Amiral Gensoul cherche à gagner du temps pour permettre aux batteries côtières, aux avions de la Sénia (aéroport situé à la périphérie d’Oran), aux unités de la Flotte, de se réarmer pour le combat et aussi de laisser à nos alliés d’hier le temps de réfléchir à la portée de leur ultimatum. L’amiral anglais répond à une demande de cesser le feu qu’il ne l’arrêtera « que quand toute la flotte française sera coulée ».

          A 16h56, la flotte anglaise commence le feu. Abritée derrière l’éperon rocheux du fort de Mers El-Kébir, elle tire à cadence accélérée sur nos bâtiments qui cherchent à sortir de la rade. Les consignes s’exécutent partout avec ordre, à Oran comme à Kébir. Après 12 ou 15 minutes de « tir au gîte », les batteries côtières du Santon et de Canastel répondent au feu des Anglais ; le Strasbourg sort des passes. Le bilan s’établit ainsi : le croiseur Bretagne, atteint, explose, coule en sept minutes et disparaît sous l’eau : 150 hommes seulement sur 1300 fuient la mort, soit à la nage, soit en chaloupes. Le croiseur Dunkerque, n’ayant pu prendre la mer, à cause d’une avarie à son gouvernail, reçoit un obus qui tue 150 marins, plus de 100 mécaniciens et chauffeurs, 2 ingénieurs… Le bâtiment est hors de combat. Le croiseur Provence, touché, peut par ses propres moyens, aller s’échouer sur la côte de Kébir : il y a 4 morts. Le contre-torpilleur Mogador X61, incendié par l’arrière, s’échoue et compte 14 morts. Le Rigaut de Genouilli est atteint, seul le Commandant Teste, non cuirassé, amarré à la jetée en construction, est intact. Le Strasbourg fonce vers la haute mer, part vers Alger, puis Toulon

          Et partout ces mêmes visions apocalyptiques ; parmi les carcasses d’acier éventrées, calcinées, retentissaient les cris déchirants de centaines et de centaines de marins agonisants, mutilés, brûlés ou suffoquant au milieu d’une fumée âcre et d’un mazout noirâtre qui étouffent leurs dernières plaintes.
          Aussitôt les secours s’organisent. Le Maire de Mers El-Kébir, M. Boluix-Basset, les pêcheurs, gendarmes, pompiers, marins rescapés et la population aident au sauvetage des hommes des bâtiments atteints, jetés à l’eau valides ou blessés. Une chapelle ardente est installée dans la salle du cinéma de Kébir. Les obsèques des 1380 marins –assassinés- ont lieu le 5 juillet, au cimetière de Mers El-Kébir, en présence du Maire, du Préfet et de l’Amiral Gensoul qui s’adressera une dernière fois à ses hommes en ces termes : « Vous aviez promis d’obéir à vos chefs, pour tout ce qu’ils vous commanderaient pour l’Honneur du Pavillon et la grandeur des armes de la France. Si, aujourd’hui, il y a une tache sur un pavillon, ce n’est certainement pas sur le nôtre. »

          Le drame n’est pas terminé pour autant. La haine ancestrale de nos « alliés » allait se concrétiser ce 6 juillet 1940. A 6h30, par trois fois en vagues successives, des avions britanniques survolent la rade, à basse altitude, déposent des mines magnétiques entre le Dunkerque et la passe, prennent le navire comme cible. Torpilles et bombes atteignent le bâtiment qui s’enfonce et échoue sur le fond, en donnant de la bande. Les trois chalutiers ou remorqueurs, coopérant à l’évacuation des morts du 3 juillet, sont coulés à leur tour. La D.C.A côtière, les batteries du Santon, Bel Horizon et Lamoune, les mitrailleuses installées sur la côte, au stade de la Marsa et à l’usine électrique répondent. Le drame, c’est que cette attaque fera encore 205 tués et 250 blessés atteints gravement. Au total, la marine française déplore plus de 1927 morts ou disparus et plusieurs centaines de blessés dont la plupart gravement brûlés. Deux avions anglais sont abattus.

          Ce qui est horrible, c’est que les marins anglais ont tué en une semaine plus de marins français que la Flotte allemande pendant toute la seconde guerre mondiale. Nous ne sommes pas loin des 2403 morts du drame de Pearl Harbor, l’un des grands événements de cette guerre puisqu’il décida de l’entrée en guerre des Etats-Unis d’Amérique. Mais les Japonais étaient leurs ennemis, les Anglais étaient nos alliés. C’est là un crime inqualifiable… impardonnable.

          Le 8 juillet, De Gaulle, parlant au micro de la BBC, déclare :
          « En vertu d’un engagement déshonorant, le gouvernement qui fut à Bordeaux avait consenti à livrer nos navires à la discrétion de l’ennemi… J’aime mieux savoir que le « Dunkerque » notre beau, notre cher, notre puissant « Dunkerque » échoué devant Mers El-Kébir, que de le voir un jour, monté par les Allemands, bombarder les ports anglais, ou bien Alger, Casablanca, Dakar. »
… et pas le moindre mot de compassion envers les victimes de cette tragédie.

          Pour la première fois se trouvait ainsi affirmée, dans la bouche même d’un général français, une contrevérité : Alger, Casablanca, Dakar, donc les clés de l’Empire, allaient être utilisées contre les alliés britanniques. Et comme il vouait une haine viscérale à « l’Empire » qu’il considérait comme « Pétainiste » et qu’il fallait absolument mettre au pas pour la réalisation future de ses desseins, il donna à la flotte britannique, le 23 septembre 1940, la consigne de bombarder Dakar. Ce fut l’échec. L’insuccès des Britanniques fit comprendre aux uns et aux autres qu’il était vain de vouloir détacher l’Empire français de la Métropole et que la poursuite des attaques servirait de prétexte à une intervention allemande.
          Dans ses mémoires, Churchill n’a pas caché son embarras. Il a comparé Mers El-Kébir à une tragédie grecque : « Ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine de toutes celles que j’ai eues à partager », écrira-t-il.
          Les historiens, les politiques, les « moralistes » et les censeurs qui ont eu à juger des hommes, des gouvernants, et à écrire l’Histoire, ont dédaigné de prendre en considération le traumatisme dévastateur que cet événement tragique avait produit dans les esprits…
          Mers El-Kébir explique en grande partie l’attitude de bon nombre de nos gouvernants de Vichy durant le conflit comme elle explique aussi celle des autorités civiles et militaires d’Algérie en 1942-1943 et d’une population acquise au Maréchal Pétain mais volontaire pour poursuivre la lutte avec Darlan et Giraud contre les puissances de l’Axe.

          L’Afrique du Nord, malgré son traumatisme, accepta de rentrer en guerre en 1942 et sera avec son « armée d’Afrique », l’une des composantes de la victoire finale. Elle conservera, néanmoins, son hostilité à De Gaulle, que ce dernier, devenu président du Comité de la Libération devait justifier… Il se souviendra toujours de ce sentiment d’inimitié à son égard et, dès 1958, remis au Pouvoir par ceux-là mêmes qui l’avaient blâmé, leur fera supporter amèrement le poids de sa rancune…
          Ces morts Français, bannis de la mémoire nationale, auraient pu reposer en paix. Or, le 5 Juillet 2005, jour anniversaire d’une autre tragédie (Le massacre de plus de trois mille Européens, le 5 Juillet 1962 à Oran), le cimetière de Mers El-Kébir fut saccagé sans qu’aucune autorité gouvernementale française, aucun média, aucune association humanitaire et « antiraciste », n’élevassent la moindre protestation, préférant s’humilier à « commémorer » la « répression » (beaucoup plus commerciale) de Sétif par l’armée française en 1945.

          Aujourd’hui encore, le souvenir de cette lâche agression britannique contre une flotte au mouillage et désarmée demeure vivace dans la Marine et, paraphrasant Talleyrand, on peut affirmer que « Mers El-Kébir a été pire qu’un crime, une faute ».
          Quant aux survivants de cette tragédie qui défilèrent devant les cercueils de leurs camarades, ils ont conservé depuis, ce visage dur des hommes qui n’oublient pas.

          N.B : Le 24 mai 1941, au large de l’Islande, le cuirassé Bismarck coula le Hood. Trois jours plus tard, le 27 mai 1941, il fut attaqué au large de Brest et sombra à son tour sous les coups d’une armada britannique.

          José CASTANO>

« Le souvenir est un honneur, oublier serait une honte »
(Devise du « Souvenir Français »)

« Les affronts à l’honneur ne se réparent point »
(Corneille – Le Cid)


         - Pour visionner la vidéo sur cette tragédie et consulter les photos – cliquez sur : MERS EL KEBIR 3 Juillet 1940

         … et également sur : - Mers-El-Kébir

         Marins, qu’ont-ils fait de vos sépultures ? Cliquez sur : http://www.dailymotion.com/video/x5f993_mers-el-kebir-15-avril-2005_people

         - La profanation du cimetière marin de Mers-El-Kébir – Cliquez sur : association MEK mers el kebir les marins oublies

         - Un blog émouvant, sincère, vrai, très documenté, un forum avec de nombreux commentaires qui s’affrontent parfois mais d’une rare qualité… Cliquez sur : Mers el-Kébir 1940

         - Une association, qui a déjà publié un livre de témoignages en 2005, recherche des images, pour faire un "album du souvenir".

         - Le Site : http://www.ledrame-merselkebir.fr/

         - nina.plume@wanadoo.fr

         - users@ledrame-merselkebir.fr

         - Les photos du chantier de la base navale – cliquez sur :
          - La Base navale de Kébir
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         LE RAPPEL HISTORIQUE CI-DESSUS, AFIN QUE NUL N'OUBLIE CES MORTS POUR LA FRANCE : LES GOUVERNEMENTS FRANCAIS, QUI SE SONT SUCCEDES APRES DE GAULLE, ONT CURIEUSEMENT ABANDONNE TOUTE INTERVENTION EN ALGERIE.
         LES TOMBES PROFANEES DE CES MARINS FRANCAIS EN TERRE ALGERIENNE SONT UN AUTRE ASSASSINAT : CELUI DE LEUR MEMOIRE.

         LE PREMIER ASSASSINAT, CELUI DE LA DESTRUCTION A QUAI D'UNE GRANDE PARTIE DE LA FLOTTE FRANCAISE, IMPLIQUERAIT, SI ''L'ON CREUSE'' HONNÊTEMENT LES DESSOUS DE L'HISTOIRE, UNE RESPONSABILITE DU GENERAL DE GAULLE, FAVORABLE A LA TRAÎTRISE DE CETTE ATTAQUE.
         Louis ALBERTELLI

HISTOIRE DES VILLES DE LA
PROVINCE DE CONSTANTINE      N°5
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.

LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Deuxième destruction du Bastion de France, en 1604

           
           En effet, malgré les Capitulations et les Traités conclu avec la Porte, qui garantissaient la libre navigation des vaisseaux portant le Pavillon de la France et signifiés aux Algériens par des envoyés du Sultan, ceux-ci n'en continuaient pas moins leurs courses sur tout navire, sans distinction de Pavillon et causaient au Commerce français, notamment à celui de Marseille, des pertes considérables. Les Marseillais armèrent à leur tour, contre les Pirates et retinrent prisonnier quelques Algériens échappés des Galères d'Espagne qui étaient venus chercher un refuge en France.
           Dès que la Milice eût connaissance de ces faits, elle enleva le Consul de France de sa demeure et le chargea de chaînes ; M. de Vias n'obtint, plus tard, sa délivrance qu'en payant une forte rançon.
           Mais, en même temps qu'à Alger, notre Consul était ainsi maltraité, au lendemain de la délivrance des nouvelles Lettres patentes du Sultan, une autre injure plus violente était faite à notre Établissement du Bastion, qui commençait à prospérer sous l'Administration de M. de Moissac. Au mois de Juin 1604, les Turcs de la garnison de Bône venaient attaquer le Bastion et le détruisaient de fond en comble.
           D'après certains historiens, Kheder-Pacha qui gouvernait alors à Alger, fut poussé à cette violence par une famine qui avait éclaté dans le pays et que les Arabes attribuaient aux exportations de grains que faisaient les Français. Mais l'agression des Turcs avait une autre cause ; cette famine avait seulement servi de prétexte pour envahir l'Établissement.

           Depuis quelque temps, des Algériens élevaient contre la France de très vives récriminations, parce que, disaient-ils, le Roi en accordant à certains navires étrangers le privilège de faire le commerce sous son Pavillon, les frustrait de leur droit de course et les privait de leur bien.
           Le Gouvernement français ayant refusé d'écouter cette singulière réclamation, le Divan irrité, donna l'ordre, aux Raïs ou Capitaines de navires corsaires, d'attaquer les bâtiments Français comme ceux des autres Nations(1).
           Nous venons de dire que Henry IV, sans se laisser intimider par les démonstrations hostiles du Divan, ordonna à ses galères d'user de représailles contre la Marine algérienne ; en même temps, il écrivit à Savary de Brèves, son Ambassadeur à Constantinople, ce qui venait d'arriver, lui commandant d'instruire le Grand Seigneur des mauvais déportements de son Vice-roi d'Alger, et de le prévenir que cette insulte faite à la France, au lendemain d'un Traité, ne pouvait rester impunie. Savary de Brèves avait ordre de demander le prompt redressement du Bastion et une indemnité convenable pour les dégâts qui avaient été commis, et pour tous les objets qui avaient été volés.
           Le Sultan ordonna aussitôt à son eunuque Moustapha dit Koussa, - le sans barbe, de se rendre à Alger. Celui?ci, à peine arrivé au but de sa mission, arrêtait le Pacha régnant, Kheder, qu'il faisait étrangler, après lui avoir fait payer six mille sequins d'indemnité.
           Du reste, parmi les instructions adresses à de Brèves, nous retrouvons une lettre qui dénote la colère de Henry IV contre les Pirates algériens(2).

           " Fontainebleau, 31 août 1604.
           " Monsieur de Brèves, vous verrez par l'attestation du Consul d'Alger (M. de Vias), que je vous envoie, quelle obéissance et réserve le Pacha et les Janissaires du dit lieu ont rendu au Commandement de ce Seigneur (le Sultan) portés par son Chiaoux ; et portant quels efforts je dois dorénavant attendre de l'amitié et alliance de la Maison Ottomane, méprisée et mal obéie des siens comme elle l'est. Je vous ai écrit, par ma dernière, l'insolence de ces gens au rasement et pillage du Bastion de France, qu'ils ont exécuté avec une fureur digne d'eux. Ces injures et offenses réitérées par eux, coup sur coup, au lieu d'infinies preuves de bienveillance qu'ils ont reçues de moi, sont insupportables et m'obligent à m'en revancher, comme vous leur déclarerez à la réception de la présente, que je suis tout résolu de faire.
           " J'avais délibéré de ne voir ni ouïr un Ambassadeur envoyé vers moi par le Roi de Perse, arrivé en mon Royaume, il y a plus de six semaines, afin de manifester à tout le monde le compte que je faisais de l'amitié de ce Seigneur (le Sultan). Le dit Roi de Perse en ayant envoyé un autre, en même temps, à l'Empereur, qui a été reçu par lui somptueusement et a été par lui admis à négocier et traiter, et ses Conseillers fort étroitement. Mais, puisque les Esclaves du G. S. sont si ennemis de la gloire et du nom de leur Prince, que de traiter aussi injustement mes Sujets (en ce qui leur est recommandé de sa part) que les ennemis déclarés de son Empire, et qu'ils méprisent ainsi son nom et ses mandements, je changerai aussi de conseil et de conduite, et me saurai bien résoudre à pis faire en m'alliant de ceux qui ont conjuré la ruine de son Empire ; si après que vous leur aurez fait ma juste plainte avec la présente Déclaration, il ne me fait telle justice et raison de ces traîtres et Barbares que j'aye occasion de m'en contenter. Au moyen de quoy, selon la réponse et satisfaction que vous lui en tirerez, vous tiendrez avertis mes Sujets qui trafiquent en son Empire, et mes Officiers établis aux Échelles d'iceluy, de ce qu'ils auront à faire pour n'être sujets à la revanche que j'ai délibéré de rechercher de prendre de telles offenses et perfidies...

           " ... De quoi s'il faut que je sois si mal reconnu par l'insolence et avarice insatiable de cette canaille d'Alger, je ne l'endurerai pas, et si quand les nouvelles du rebut qu'ils ont fait au dit Chiaoux me sont arrivées le Baron de Solignac se fût trouvé encore ici, j'eusse rompu tout à fait son voyage. Mais comme il faut qu'il demeure longtemps en chemin, avisez à lui faire savoir d'avant qu'il parte de Venise, la délibération de ce Seigneur sur, cette affaire, afin qu'en en étant instruit, je prenne conseil et résolution de ce qu'il aura à faire...(3) Accompagné d'un Officier Turc, Mustapha-agha, pour la sûreté de sa personne, l'Ambassadeur Savary de Brèves se rendit d'abord auprès du Pacha de Tunis et lui notifia l'ordre du Grand Seigneur d'avoir à rendre tous les Esclaves français et les prises faites sur le commerce de notre Nation. Le Pacha s'écria que la milice ne pouvait consentir à sa ruine et qu'il ne fallait tenir aucun compte d'ordres extorqués par les intrigues des Chrétiens. Après bien des débats, il convint cependant de rendre les Esclaves, mais il continua à ne pas vouloir entendre parler de la restitution des marchandises. On ne put même lui faire rendre un navire de Marseille capturé depuis que l'Ambassadeur était à Tunis. Celui-ci voyant qu'il était impossible de vaincre l'obstination de ce Corsaire entêté et ne voulant pas que les captifs en fussent victimes, dût se contenter de leur délivrance et de la promesse qu'à l'avenir le Pavillon Français serait respecté par les Tunisiens(4).

(1) Elie de la Primaudaie.
(2) Deux autres lettres sur le même sujet, furent écrites par Henri IV à de Brèves. Le Recueil des Documents sur l'Histoire de France, n'en donne qu'un résumé :
1° Lettre du 19 Juillet 1604, de Monceaux. Indignation du Roi à propos de l'insulte faite à la France. Le Bastion a été démoli et dévasté. Sa Majesté demande à le faire relever, à être indemnisé pour les dégâts qui ont été commis et tous les objets qui ont été volés.
2° Lettre du 4 Août 1604, de Fontainebleau. Nouvelles plaintes du Roi au sujet du Bastion. L'Ambassadeur devra déclarer au Sultan l'intention du Roi, d'obtenir réparation complète par tous les moyens possibles. Le Baron Solignac remplaçant de Brèves, qui doit prochainement partir pour Constantinople, sera porteur d'instructions très pressantes à ce sujet et sur l'exécution des récentes Capitulations.
(3) Recueil des lettres-missives de Henri IV. Documents sur l'Histoire de France.
(4) Voir pour les détails de ce qui se passa à Tunis, le Voyage de De Brèves - dont Rousseau a reproduit quelques passages dans ses Annales Tunisiennes.

L'Ambassadeur de Brèves à Alger, en 1606

           
           De Brèves se rendit ensuite à Alger, où, après une pénible traversée, il arrivait le 26 Septembre 1606. Mustapha Agha, l'Officier Turc qui l'accompagnait dans sa mission, alla présenter au Divan les Commandements du Grand Seigneur donnés pour la liberté des Esclaves français et la réédification du Bastion. Les Janissaires ne tinrent aucun compte de ces Commandements et destituèrent leur Agha, parce qu'il avait émis l'avis d'obéir à la volonté du Prince ; et l'Agha qui lui succéda, se trouvant dans la même opinion, fut immédiatement cassé de sa charge, et deux autres encore successivement après lui.
           " Les Janissaires, racontent les Mémoires de De Brèves, firent un grand tumulte au Divan, et ayant vomi tout plein de paroles outrageantes, en mépris du Grand Seigneur, s'attachèrent d'injures et de menaces au pauvre Mustapha Agha, et peu tint qu'ils ne lui missent la main au collet ; tellement, que tout éperdu de frayeur, retiré qu'il fut à son logis, croyant que ce jour devait être le dernier de sa vie, il dépêcha un homme vers De Brèves, qui était resté à bord, pour l'aviser du péril où il se trouvait, et lui mander aussi, comme la Milice était fort animée contre sa personne, partant qu'il pourvut à sa sûreté, en fuyant au plus tôt.

           " Ce qui nous donne d'autant plus à penser que ce jour même, à la diane, nous avions vu charger et pointer, contre notre navire, l'Artillerie du boulevard qui est sur le Port.
           " Or, pour entendre par quels ressorts se faisaient tous ces mouvements, il convient de faire savoir que mon dit sieur de Brèves, étant à Constantinople, fit condamner aux galères un Chérif (ainsi appellent les Turcs les descendants de Mahomet), Muphti ou Grand Prêtre des Janissaires d'Alger, et ce, pour avoir donné un soufflet au Consul de notre Nation. Celui-ci délivré peu après, à la requête du dit Seigneur, et remis en son pays, en sa première dignité, fut un des principaux boutefeux de ce tumulte. Car, la présence de M. de Brèves lui ayant rafraîchi la mémoire des sorts qu'il en croyait avoir reçus et allumé ensemble un désir de s'en venger, il n'y épargna aucun artifice, tant par ses prédications que par ses dires privés et familiers, tenus entre les principaux ; il travailla de tout son pouvoir à le rendre odieux à la Milice, publiant qu'il était ennemi mortel des Musulmans, et qu'à l'aide du crédit que par son beau langage il s'était acquis à la Porte, il en avait perdu et réduit à mauvaise fin plusieurs, alléguant l'exemple de Kheder Pacha et de quelques autres, châtiés à sa poursuite ; exagérant principalement l'atrocité des injures à lui faites, à lui, disait-il, extrait de la race du Prophète et, outre cela, Prélat de leur Église, conditions extrêmement révérées de ces peuples.

           " D'un autre côté, les parents, amis et serviteurs de feu Kheder Pacha, s'occupaient à même effet, d'autant plus dangereusement qu'ils étaient en grand nombre et aimés des soldats qui, tant par compassion du désastre de leur Maître qu'en haine de la domination présente, les avaient admis aux charges et élevés en autorité. Le dit Kheder Pacha était Vice-roi d'Alger ; l'Eunuque qui y commande aujourd'hui, envoyé de Constantinople pour lui succéder, le fit étrangler à son arrivée, en la ville qui fut le mois de Mai de l'An passé, l'autre s'étant de bonne foi transporté à son logis pour le saluer. Or, les gens du dit Kheder Pacha, se souvenant de quelle manière il l'avait mené à Constantinople, et contraint de rendre Six Mille Sequins qu'il avait dérobés aux Français, avec Trente Esclaves et finalement réduit à telle terme que, s'il eût voulu, il lui coupait la tête(1). Sachant qu'à l'occasion des plaintes que de Brèves avait portées contre Kheder Pacha à cause de ses pilleries, on avait ôté à celui-ci le Gouvernement et la vie, ils tâchaient tous à venger sa mort sur celui-ci, qu'ils criaient publiquement en être l'auteur ; aigrissant à ce dessein la Milice contre lui. Et de ce parti étaient un Kaïd, Mohammed Bey Ferhat(2) et Hassen Bey, puissants de moyens et de faveur populaire, lesquels, à ce qui nous fut apporté, avaient comploté d'empêcher que de Brèves ne descendit à terre, afin, qu'en son absence, ils pussent aisément, et sans contredit traverser ses affaires, ou en cas qu'il vint dans la ville, de peur que par son humanité et attrayante douceur il ne se conciliât le cœur des soldats, à la ruine et subversion de leur dessein, le faire assassiner par une troupe de Noirs.

           " Cependant au Divan du lendemain, il fut déterminé qu'on ne procéderait point à l'expédition de nos affaires que l'Ambassadeur n'eût été entendu. Sur quoi Mustapha?Agha ayant répliqué que ledit Seigneur ne descendrait pas sans sauf conduit et sûreté publique, elle lui fut accordée et le Divan promit de la faire publier le lendemain à sa troupe, à ce qu'elle le sut notoire à tous, et qu'aucun sous peine de la vie, n'eût à nuire de fait ni de parole à lui ou aux siens. Mais comme on l'eût présenté au Pacha pour la ratifier, il n'en voulut rien faire, s'excusant sur le peu de confiance qu'il avait en la parole des soldats dont l'insolence effrénée ne pouvait être retenue d'aucun respect ni considération quelconque. Et disant que s'ils venaient à entreprendre à l'encontre de ladite foi publique, autorisée de la sienne, de quoi leur légèreté et perfidies ordinaires lui donnaient de justes et légitimes craintes, que son honneur et sa vie auraient à en répondre à la Porte. Que l'un et l'autre lui étaient trop chers pour les mettre en compromis si imprudemment. Qu'il ne s'obligerait jamais à chose qui fut hors de son pouvoir ; bref, qu'il se garderait bien de faire témérairement des promesses, dont la sincérité courrait risque, par les méchancetés d'autrui, d'être soupçonné de fraude et accusé d'avoir servi d'appât à une, trahison. Que le dit Seigneur Ambassadeur avait pour ennemis les plus puissants de 1a ville, gens audacieux et enragés, lesquels ne s'abstiendraient jamais de lui nuire quand ils en verraient une si belle occasion. Que Mustapha-Agha, Officier de leur Prince et Porteur de ses Commandements, était capable de manier seul cette affaire, pour ce, qu'on se contentât de traiter avec lui. En somme, il fi t tant qu'il rompit cette résolution, et, après avoir écrit à M. de Brèves les raisons qui l'y avaient porté, lui mandant qu'il ne sortit de son vaisseau quelque instance qu'en fit la Milice.

           " Ces contrastes réduisaient M. de Brèves à une grande perplexité d'esprit, car, d'une part, il voyait clairement qu'en son absence les affaires ne s'avanceraient jamais, et d'ailleurs le péril. dont il était menacé, s'il descendait à terre, le retenait, mais plus encore la crainte qu'il avait d'irriter le Pacha en méprisant son conseil, et lui donner de là, occasion de se tourner contre lui, pour faire épaule à ses ennemis, à quoi il ne semblait aucunement disposé. "
           Dans cet intervalle, deux Bâtiments français capturés par des Corsaires, étaient amenés à Alger, et le tout, chargement et équipage, réduits en Esclavage, vendu à l'encan.
           " M. de Brèves ennuyé de voir qu'on l'amusait en vain et que les Algériens, au lieu de prêter obéissance aux Commandements de leur Sultan, donnés pour entretenir son amitié avec nous, commettaient tous les jours de nouvelles hostilités et maltraitaient devant lui nos malheureux Captifs, manda à Moustapha Agha qu'il eût à renoncer à solliciter cette canaille et qu'il employât seulement ses audiences à faire agréer son départ, afin qu'il put démarrer au premier bon vent.
           Le dit Agha s'étant trouvé au Divan, il s'acquitta de ce que lui prescrivait de Brèves, mais inutilement car on le renvoya à un autre jour pour lui donner une réponse définitive.(3) "

           " Le 19 Octobre, Mourad Raïs arriva de l'Armée d'Orient avec ses deux Galères que le Grand Seigneur avait honorées du Fanal(4) et auquel il avait donné le Gouvernement de la Morée où il devait se rendre dans peu de jours.
           " Dès qu'il eut mis pied à terre et appris la cause pour laquelle M. de Brèves n'était encore sorti de son navire, il en blâma les janissaires, avec plus de gravité toutefois que d'aigreur, n'ayant autorité parmi eux que par son âge et la réputation de sa valeur. Il obtint d'eux l'assurance que désirait de Brèves, laquelle il confirma de sa foi et lui envoya.
           " Avec ce sauf conduit, de Brèves débarqua enfin. Le Pacha ayant réuni en son palais les Beys et autres personnes de qualité, fit lire à haute voix les Commandements du Grand Seigneur. Il. protesta que comme créature et esclave de Sa Majesté Ottomane, il voulait lui obéir sincèrement ou, au cas que la malice d'autrui empêchât le bon effet de sa résolution, renoncer à l'Administration du Royaume et reporter sa bannière à la Porte, exhortant les Beys qui avaient le plus de crédit parmi la Milice, à témoigner en cette affaire au service de leur Prince et travailler avec lui pour remettre les Janissaires dans la voie de l'obéissance : ce qu'ils promirent d'exécuter fidèlement.
           " On décida qu'au prochain Divan (il s'en tenait quatre par semaine), on expédierait d'abord l'affaire du Bastion avant de parler de la liberté des Esclaves, de peur que les particuliers intéressés n'empêchassent par dépit et se rendissent contraires à l'autre. Ce conseil approuvé de chacun, l'Assemblée se sépara.

           De Brèves employa le moyen en usage parmi les Indigènes ; il gagna avec de l'argent quelques-uns des Chefs les plus factieux, pour se les rendre favorables ; ils promirent en effet leur concours. " Mais le jour, dit-il, où l'affaire devait se traiter, les Beys qui avaient promis tant d'assistance saignèrent du nez et s'absentèrent de la ville pour ne pas se trouver au Conseil, soit que leur mauvaise volonté ou que la crainte d'encourir les peines auxquelles l'Ordonnance émanée du Divan, lorsque le Bastion fut démoli, condamnait ceux qui proposeraient de le réédifier, les incitât.
           " Tellement que Mourad Bey se rencontrant seul et abandonné des autres, il n'en osa ouvrir la bouche et demanda seulement quelle réponse il plaisait au Divan de donner à l'Ambassadeur de France. A quoi fut répliqué : que ce qui avait été déjà résolu ne se rétractait point. Qu'ils ne voulaient pas que le Bastion se refit en aucune façon, et, pour les Esclaves, ils les rendraient quand on aurait amené les Turcs prisonniers à Marseille(5). De Brèves fut donc contraint de rentrer en France sans avoir pu assurer, en Barbarie, l'exécution complète du Traité de 1604, le plus beau titre de gloire diplomatique de cet habile négociateur.
           A partir de cette époque et jusqu'à la paix, de 1628, la Piraterie prit une extension immense, malgré les défenses du Sultan qui menaçaient de mort tout Corsaire qui ferait subir la moindre avanie aux Bâtiments français.
           Les causes de cet acharnement provenaient, surtout: de l'indépendance qu'avaient usurpée, sur les droits de la Porte, les nouveaux États Turcs du Nord de l'Afrique ; - de l'expulsion d'Espagne des Maures qui rapportaient en Barbarie la haine et le désir de la vengeance, enfin l'apostasie d'une foule de Chrétiens, sorte de contagion morale qui faisait alors beaucoup de ravages chez les gens de mer. Ces Renégats étaient généralement les Corsaires les plus habiles et presque toujours les plus impitoyables. Au rapport d'Aranda, on en comptait, en 1640, plus de trois mille à Alger seulement. Il y avait même, surtout à Tunis, des Anglais et des Flamands qui, sans changer de religion, faisaient la Course contre les Chrétiens avec les Barbaresques(6).
           Le Père Dan estime que, pendant cette période de guerre, les prises des Algériens se montèrent à plus de vingt millions. Leur Marine se composait de soixante-dix bâtiments, armés chacun de vingt-cinq à quarante canons. On calcule que, jusqu'à la paix de 1634, les Algériens prirent à la France, quatre-vingt navires. Leur valeur totale montait à 4,752,600 livres tournois. Le nombre des captifs, provenant de ces prises, fut de 1,331, dont 149 se firent Musulmans. A cette époque il y avait, dans la Régence, plus de 30,000 Esclaves Chrétiens, parmi lesquels 3,000 Français étaient dans les bagnes d'Alger.(7).
           Quelques tentatives furent faites, cependant, par les Marines Chrétiennes, pour châtier les Barbaresques.

(1) Les Turcs punis de mort étaient étranglés, on ne coupait la tête que pour les peines infamantes.
(2) Mohammed Bey Ferhat doit être le même qui l'année suivante étant Bey de Constantine trouva la mort devant Bône que les Français vinrent ruiner pour se venger des corsaires et de la destruction du Bastion de France.
(3) Je rappelle pour mémoire que pendant le séjour de M. de Brèves dans le port d'Alger, les Janissaires se révoltent à deux reprises contre le Pacha, et qu'ils sont à la veille de l'assassiner. On ne les calme qu'en leur donnant de l'argent.
(4) La fanal équivalait au Pavillon d'Amiral.
(5) Voyage de De Brèves, p. 364 et suivantes.
(6) Voyage de De Brèves.
(7) Dan, Barbarie.

Attaque contre la Kasba de Bône, en 1606

           
           En 1607, six Galères de Florence et cinq vaisseaux commandés par des Officiers Français, représentant une force de 2,000 hommes environ, surprirent la Kasba de Bône et taillèrent en pièce sa garnison. Après avoir pillé et incendié la ville, ils se rembarquèrent pour Livourne emmenant en esclavage 1800 hommes, femmes et enfants. Mais cela ne se passa point sans combats ; les populations de l'intérieur amenées aussitôt élevant Bône, par le Bey Ben Ferhat qui gouvernait alors à Constantine, attaquèrent les Chrétiens avec acharnement et les forcèrent de se rembarquer.

           Le Bey Ferhat perdit la vie dans cette lutte. En 1619, le Comte de Joigny, Général des Galères de France, parcourut la mer pendant quelques mois et prit et détruisit plusieurs Corsaires. La même année, les Algériens demandèrent la Paix et envoyèrent, à cet effet, des Ambassadeurs à Louis XIII qui remit la connaissance de cette affaire au Duc de Guise. Les Négociateurs Algériens cherchant à excuser le Divan, rejetèrent les torts du passé sur l'insubordination des Armateurs, mais ils assurèrent que le Gouvernement d'Alger avait pris, depuis quelque temps, plus de force et ferait à l'avenir respecter les Conventions. Le Duc de Guise peu confiant dans de telles promesses, exigea qu'aucun bâtiment ne put sortir du Port d'Alger pour aller en Course, sans avoir donné caution qu'il n'attaquerait pas le Pavillon Français. Il demanda aussi que les Algériens fussent tenus de livrer des otages. Les Ambassadeurs y consentirent et le Duc fit partir avec eux un gentilhomme appelé Pierre de Moustiers, pour aller faire ratifier le Traité par le Divan ; mais ce Sénat de Corsaires s'avisa de demander qu'avant tout, on lui rendit deux canons pris par le Flamand Danser, alors au service de France, et, comme de Moustiers ne put les donner, les négociations furent rompues.

          L'année suivante, le Divan envoya une nouvelle Ambassade pour redemander ces canons, s'engageant à ce prix à souscrire à toutes les conditions imposées par le projet de Traité du Duc de Guise. Le Roi voulut bien céder sur un point, sans importance réelle, pour arriver à un arrangement qui paraissait offrir quelque solidité. Mais le malheur, voulut qu'au moment ou l'Ambassadeur Algérien arrivait à Marseille, de retour de son voyage à la Cour de France, on reçut dans cette ville la nouvelle que l'équipage d'un navire Marseillais, capturé par les Corsaires, avait été massacré en entier. Le peuple furieux se rua sur l'Ambassadeur et le mit en pièces avec sa suite composée de quarante-cinq personnes (1).
           Ces sanglantes et odieuses représailles ayant éloigné tout espoir de Paix, on ne songea plus, de part et d'autre, qu'à la Guerre. Beaulieu défendit avec succès les côtes de Provence et fit plus d'une fois repentir les Corsaires d'avoir cherché à les insulter(2).

           Ils furent battus ensuite en pleine mer par de Mantin, Vice-amiral des mers du Levant(3). Mais comme mesure de précaution le Roi fi t publier un Règlement pour la mer, conçu en ces termes :
                      (ANNÉE 1625)
           " Pour garantir ceux de nos Sujets qui trafiquent au Levant, des pertes qu'ils reçoivent des Corsaires de Barbarie et maintenir la réputation et la dignité de notre couronne parmi les Étrangers, nous voulons qu'à l'avenir il y ait toujours en nos Ports quarante Galères bien et dûment entretenues, prêtes à servir hiver et été pour nettoyer les côtes.
           " Pour cet effet, nous ordonnons au Trésorier de notre Épargne, de délivrer présentement la somme de cent cinquante mille écus pour la construction de trente Galères.
           Commandons au Grand Maître de notre Artillerie de les fournir de toute celle qui leur sera nécessaire, et voulons que, tous les ans, soit mise entre les mains des Trésoriers de la Marine la somme de deux cent quarante mille écus pour l'entretènement du Corps, Chiourmes et Mariniers des dites Galères, aux Capitaines desquelles nous accordons six mille écus à cet effet, nous réservant l'entretènement des Soldats.
           " Pour empêcher que lesdits Corsaires ne prennent abri à plusieurs de nos Ports déshabités, et ainsi ayant plus commodité de troubler le trafic que nos Sujets font par mer, nous voulons qu'en tels et tels lieux, soient bâtis des Forts ou, à l'avenir, seront entretenus des Garnisons qui, avec du Canon, empêcheront l'abord des dits Ports…
           … Le pays de Provence fera les frais du Bâtiment et Munitions des Forts, et sur Iceluy se lèvera l'entretènement des Garnisons.
           " L'entretènement des Galères se prendra sur l'Impôt du petun et du sucre…(4) "

(1) Ruffi , histoire de Marseille.
(2) Pélissier, mémoires historiques.
(3) Beaulieu, en 1609, surprit aussi la flotte des Corsaires Tunisiens en rade de la Goulette et l'incendia. - Pélissier, Mémoires historiques.
(4) Lettres du Cardinal de Richelieu, Avenel II, p. 163 et suiv. Le petun est le nom que l'on donne au tabac dans l'Amérique méridionale.

Sanson Napollon reprend les négociations, en 1626

           
           Les choses restèrent en cet état jusqu'en 1626. Cette même année, la lassitude de la guerre ayant effacé le souvenir des anciens griefs, le Cardinal de Richelieu chargea le Capitaine Corse Sanson Napollon, gentilhomme de la Chambre du Roi, de travailler à un rapprochement, et de négocier la paix et la liberté du commerce entre les sujets de France et ceux d'Alger. Cet Agent se rendit d'abord à Constantinople où il obtint, de la Porte, des ordres précis pour l'exécution du Traité de 1604, obtenu par de Brèves.
           De là, il se transporta à Alger, où il fut assez bien accueilli ; mais quelques Armateurs qui avaient intérêt à prolonger les hostilités, parvinrent à élever des doutes sur l'authenticité des pièces qu'il rapportait de Constantinople. Les plus furieux opinaient pour qu'on brillât vif cet insolent envoyé. Le Divan décida qu'avant de passer outre on enverrait à la Porte pour s'assurer du fait. La réponse du Gouvernement Turc ayant été favorable à Sanson Napollon, cette première difficulté fut écartée ; mais on suscita mille chicanes de détail. Sanson vit bien qu'il lèverait tous les obstacles avec un peu d'argent. Comme il n'en avait point, il partit pour Marseille à l'effet d'en obtenir du Commerce.
           " La Chambre du Commerce de cette ville fournissait, en effet, les fonds destinés à subvenir soit aux dépenses extraordinaires des Nationaux, soit aux cadeaux présentés aux Autorités algériennes. Vis-à-vis d'un peuple barbare, avide, vivant le rapines, méprisant les Chrétiens, et foulant aux pieds le droit des gens, les remontrances étaient sans valeur et les menaces vaines ; la seule manière d'obtenir quelque tranquillité sans faire trop bon marché de sa propre dignité, était d'offrir, à propos, d'adroits présents.

           Les Négociants marseillais, en fournissant les cadeaux, ont contribué puissamment au maintien des bonnes relations de la France avec Alger. De plus; la Chambre de Commerce de Marseille paya directement les Consuls jusqu'en 1718, et eut toujours exclusivement qualité pour délivrer à nos Nationaux l'autorisation de résider dans le Levant et en Barbarie.

D'Argencourt essaie infructueusement de rebâtir le Bastion

            .
           " Marseille a donc conquis dans l'histoire de nos Rapports avec la Régence d'Alger, une place considérable que l'équité fait un devoir de mentionner(1). "
           Pendant le voyage de Sanson, le Gouvernement français voulant trancher la question fit partir pour le Bastion, d'Argencourt, Gouverneur de Narbonne, Surintendant des Fortifications de France, chargé de relever cet Établissement. Cette mesure n'eût pas un heureux succès, parce qu'elle ne fut pas appuyée du nombre de troupes nécessaires.
           A peine d'Argencourt avait-il commencé ce travail qu'il fut attaqué par les Arabes et par la Milice de Bône, et contraint de se rembarquer. Il fallut revenir à la voie des négociations(2).

          Sanson muni d'une lettre d'amitié du roi de France et ayant réuni quelque argent(3) repartit avec trois navires pour Alger où il arriva le 17 Septembre 1628. Le Gouvernement français avait consenti à lui remettre deux canons de bronze pris aux Corsaires d'Alger, et que ceux-ci redemandaient depuis longtemps. Le Capitaine ramenait aussi avec lui plus de deux cents bons esclaves musulmans rachetés par ses soins, mais cependant il fallut encore payer. Les présents que Sanson fut obligé de faire, à Alger, sont indiqués dans la note ci-après, et dès lors la puissante et invincible Milice d'Alger ne se refusa plus enfin à changer l'ancienne inimitié en une amitié bonne et durable :
           " Les affaires qui se font en Turquie veulent qu'on dispose ceux du Conseil par donatif et par présent pour les résoudre à conclure les affaires favorablement ; c'est pourquoi il a fallu que le dit Sanson Napollon ait passé par là, et qu'il ait donné aux principaux Ministres ce qui s'ensuit :
           " Premièrement :


" A Sidi Hamouda, premier Secrétaire et Surintendant des finances, celui qui donne la solde à la Milice, la somme de onze mille pièces de huit réaux d'Espagne, réduites en monnaye de France, montant à la somme de...

26.400 liv.

" Au Bacha, la somme de trois mille pièces de huit réaux, réduites en monnaye de France font la somme de

7.200 liv.

" Au lieutenant du Bacha, cinq cents pièces de huit réaux, réduites en monnaye de France montant à la somme de

1.200 liv.

A l'Agha, chef de la Milice, mille pièces de huit réaux, réduites en monnaye de France

2.400 liv.

" A plusieurs Chefs des parties du Conseil, cinq cents pièces de huit réaux, réduites

1.200 liv.

" Le vingt cinquième Octobre de la dite année, les Tabarquins ont fait de grandes offres pour empêcher le dit redressement. Il a fallu passer les offres par le Conseil où il fut pièces de huit réaux en monnaye de France plusieurs personnes du Conseil, cinq cents ordonné que le Contrat passé avec Napollon tiendrait et autant que de besoin ratifié. Pour cet effet, il a fallu dépenser en donatif fait à plusieurs personnes du Conseil, cinq cents pièces de huit réaux en monnaye de France.

1.200 liv.

" De plus, se fait achat au dit Arger de quantité de biscuit pour porter au Bastion et plusieurs munitions, ferrements pour la fabrique, tables de Flandre, autres munitions nécessaires pour le redressement des dites Places ; en tout s'est dépensé deux mille, quatre cents pièces de huit réaux, auxquelles est compris cinq cents pièces avancées à quarante maîtres et vingt manœuvres Turcs et Mores qui sont allés en compagnie du dit Napollon pour redresser les dites Places, réduites en monnaie de France à

5.760 liv.

Somme totale des parties susdites montent à la somme de

45.360 liv.

(1) Albert Devoulx, Archives du Consulat d'Alger.
(2) Ruffi , Histoire de Marseille. Collection manuscrite de Brienne, Pelissier, Mémoires historiques.
(3) La ville de Marseille s'entendit avec quelques autres villes du littoral pour fournir au Négociateur une somme de 16,000 piastres ou 72,000 livres qui le mit à même de conclure le traité de 1628.


A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

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 UNE PAGE D'HISTOIRE
Par M. José CASTANO, 09 juin 2010

« L’APPEL DU 18 JUIN »
ou LA MECONNAISSANCE DE L’HISTOIRE

« J’aurais suivi De Gaulle avec joie contre les Allemands, mais je ne pouvais le faire contre les Français… Il me semblait qu’un Français de l’étranger devait se faire le témoin à décharge, et non à charge de son pays… Si je n’étais pas gaulliste, c’est que leur politique de haine n’était pas pour moi la vérité » (Antoine de Saint-Exupéry)


          Le 18 juin sera l’occasion pour bon nombre de gaullistes de commémorer « l’appel » lancé de Londres par leur chef spirituel. L’histoire a fait de ce discours le symbole de la résistance face à l’occupant allemand et a qualifié le général de brigade « à titre temporaire » Charles de Gaulle, de « premier résistant de France ». C’est une ineptie ! De Gaulle n’a jamais fait partie de la résistance. La résistance, c’est l’histoire du Colonel Fabien qui a débuté le 21 juin 1941.

          Comme le disait Weygand, de Gaulle était un militaire, pas un soldat et il y a à son sujet, toute une légende à détruire. Sa carrière militaire a pris des allures très particulières, marquées très tôt par la certitude de sa supériorité intellectuelle sur ses pairs. Ces derniers, en raison de sa morgue et de son extrême confiance en soi, l’avaient baptisé « le Connétable ». En fait, il les détestait tous, en particulier Juin, major de sa promotion dans laquelle de Gaulle avait obtenu un rang médiocre.

          Sa réputation de prophète d’une armée blindée moderne fait partie de la légende. Le général Guderian, spécialiste des blindés allemands, consulté à propos de l’influence qu’auraient pu avoir les écrits du colonel De Gaulle sur l’emploi d’une force mécanisée, répondit : « Ces théories sont déjà anciennes, les écrits de de Gaulle ne sont guère que de la littérature sans réelles applications pratiques nouvelles. Nous n’y avons pas porté d’intérêt ! »

          En 1940, au commandement de la 4ème division cuirassée, il subit un échec sanglant, prouvant d’une part son incapacité tactique et un entêtement criminel devant les conseils de ses pairs. D’ailleurs, il abandonna sa division en plein combat, apprenant qu’il était nommé général à titre temporaire et que Paul Reynaud faisait de lui un sous secrétaire d’Etat à la Défense. Le képi de général et ses deux étoiles devinrent alors sa première préoccupation, la seconde étant de contrer Weygand par tous les moyens.

          La fin de la campagne de 1940 apporte la confirmation : De Gaulle n’est pas un guerrier. Il n’est pas de ces officiers qui vont à l’assaut en casoar et en gants blancs, de ceux qui crient « debout les morts ! » ; c’est un rhéteur, un communicant que son entourage appellera bientôt « le général micro ». L’armée n’est pour lui qu’un instrument qui ne reflète en aucun cas un symbole national.

          Le 17 juin 1940, quand il quitte Bordeaux à destination de Londres, la guerre n’est pas finie puisque l’armistice est du 24 juin. Alors, pourquoi est-il parti en Angleterre ?

          Le 17 juin, eût lieu à Bordeaux le passage des pleins pouvoirs à Pétain et la formation du nouveau gouvernement. Or, de Gaulle eût l’amère surprise de constater que le Maréchal n’avait pas voulu de lui. Il connaissait trop bien l’homme et son orgueil démesuré pour lui confier un poste dans son nouveau gouvernement. Déçu, dépité, vexé, il décida à ce moment de quitter la France. Il attendit, caché derrière un pilier des vestibules, le passage du général anglais Spears, lui raconta avec une mine défaite qu’on voulait l’assassiner (une élucubration de plus) et lui demanda de l’emmener avec lui en Angleterre dans l’avion que Churchill avait envoyé à cette occasion. Le soir, il était à Londres et adressa un télégramme au Ministre de la Guerre à Bordeaux : « Suis à Londres. Ai négocié avec le Ministre de la Guerre britannique, sur instruction de monsieur Paul Reynaud, au sujet des points suivants… » (Il s’agissait des matériels d’armement remis aux alliés par les Etats-Unis et du sort des prisonniers allemands actuellement en France).

          Hésitation de de Gaulle : Obéir ou pas ? Dans un premier temps il décida d’obéir et demanda un avion au général Lelong. Celui-ci désigna le capitaine de l’armée de l’air Brantôme, pour l’accompagner avec l’unique avion que les Anglais avaient laissé aux Français. Cet officier déclarera : « Tout semblait devoir se dérouler sans encombre lorsque j’apprends que les Anglais, sans avertir personne, avaient fait vidanger le matin même l’essence des réservoirs et déplacer l’avion dans un hangar aux portes cadenassées et gardées par des sentinelles en armes. »

          Devant l’impossibilité désormais de rejoindre Bordeaux, de Gaulle s’adressera aux Français, le 18 juin, sur les ondes de la BBC, en ces termes :

          Ce texte n’a rien à voir avec ce qu’on appelle communément, l’appel du 18 Juin, où se trouverait la phrase fameuse : « la France a perdu une bataille, elle n’a pas perdu la guerre » En effet, cette phrase ne vit le jour qu’en Août 1940 sur une affiche placardée sur les murs de Londres. Ce faisant, de Gaulle ne faisait que copier, la proclamation du ministre anglais de l’information, Duff Cooper, à la suite de la capitulation de l’armée belge.

          Dès lors, de Gaulle devint pour bon nombre de Français le « symbole de la résistance »… alors qu’il passa toute la guerre en toute quiétude en famille, mangeant à sa faim, à l’abri des affres de la pénurie et de l’insécurité. Mais qu’importe : La légende gaullienne était en marche…

          Que serait-il advenu de l’auteur de « l’appel du 18 Juin » si le Maréchal Pétain (respecté par les Allemands pour avoir été le seul général à les avoir battus à Verdun), au lieu de confirmer Weygand dans le rôle de Général en Chef, pour qu’il réorganise l’Armée d’Afrique, avait choisi de Gaulle ? Ce dernier n’aurait, assurément, jamais rejoint Londres.

          Roosevelt détestait de Gaulle et le considérait comme un dictateur en puissance, « un arriviste » à ses yeux. Il disait de lui : « De Gaulle se prend de temps en temps pour Clemenceau, de temps en temps pour Jeanne d’Arc ». Par contre, il estimait Giraud qui, arrivé à Alger, fin 1942, n’avait qu’une idée en tête : recomposer une armée française pour continuer la guerre… d’où l’animosité sans borne que De Gaulle vouait à ce dernier.

          Churchill n’estimait pas davantage De Gaulle et dira du personnage : « De toutes les croix que j’ai portées, la plus lourde a été la Croix de Lorraine ». Un jour, il lui fit cette remarque qui le glaça : « Votre pire ennemi, c’est vous-même. Vous avez semé le désordre partout où vous êtes passé ! » Et le désintérêt –voire l’antipathie- qu’ils vouaient à de Gaulle amenèrent Churchill et Roosevelt à le tenir à l’écart de leurs projets concernant le débarquement du 8 novembre 1942 en AFN, ce qui fit s’écrier l’homme de Colombey : « J’espère que les gens de Vichy vont les refoutre à la mer ! ».

          Tenu à l’écart, il le sera aussi lors du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944… date à laquelle l’Armée d’Afrique défilait dans Rome qu’elle venait de libérer sous les ordres des généraux Juin et Monsabert.

          Cependant, cette mise à l’écart, au lieu de provoquer chez lui un sentiment d’humilité, aiguisera au contraire son orgueil démesuré et, désormais, sa seule devise sera : « Moi, de Gaulle ! » Cette paranoïa, cette ambition amèneront les catastrophes qui détruiront l’unité nationale.

          Dans ses principales destructions : l’empire et l’armée qu’il a toujours méprisée. On lui reprochera –entre autres- sa complicité dans la destruction de la flotte française par l’aviation anglaise, le 3 juillet 1940 à Mers-El-Kébir et du massacre de près de 1600 marins ; de l’attaque de Dakar, le 25 septembre 1940, par cette même armada anglaise ; la guerre franco-française de Syrie dont il fut le principal responsable. A cet effet, en janvier 1941, le colonel Monclar, commandant la 13ème DBLE et futur commandant du fameux bataillon de Corée, éprouvant quelques scrupules à l’idée de devoir tirer sur d’autres soldats français, s’adressa à de Gaulle en ces termes : « Mon général, en face il y a la Légion… La Légion ne tire pas sur la Légion… d’ailleurs vous nous avez affirmé que nous ne nous battrions jamais contre des Français… » Et le « chef de la France libre » de répliquer : « Monclar ! Les Français, c’est moi ! La France, c’est moi ! ». On lui reprochera aussi l’épuration de l’armée d’Afrique à qui il ne pardonna pas d’avoir « gagné sans lui » ; son opposition à la libération de la Corse par Giraud ; sa mise à l’écart de De Lattre et de Juin, généraux victorieux qui pouvaient lui faire de l’ombre. Son égocentrisme sera exacerbé quand le général Américain Clarck rendra au général Alphonse Juin, après que l’armée d’Afrique se couvrit de gloire en Italie, un vibrant hommage en ces termes : « Sans vous et vos magnifiques régiments, nous ne serions pas là ! ». De Gaulle saura s’en souvenir…

          Après sa prise de pouvoir en mai 1958, il n’eut de cesse de se débarrasser de l’armée victorieuse en Algérie en épurant ses chefs les plus prestigieux au bénéfice d’hommes « à lui » qui, s’ils n’étaient guère brillants sur le plan professionnel, avaient au moins l’avantage « d’être sûrs » : Gambiez, Ailleret, Katz, Debrosse… Le Maréchal Juin, patron de l'Armée d'Afrique qui libéra la France avec Eisenhower, Roosevelt, Churchill eût à donner son jugement sur l'OAS : « C'est un mouvement généreux ! » De Gaulle le mit aussitôt aux arrêts de rigueur et lui retira toutes ses fonctions. Il obtenait là sa revanche…

          Et pourtant, on l’avait appelé, lui, de Gaulle, le sauveur, pour conserver l’Algérie française ! Mais d’incompétence en veulerie, de fautes en palinodies, d’abandon en trahison, de largesse en munificence, de discours en référendums, on en était arrivé aux concessions suprêmes, à l’abdication, à la fin sans le moindre égard pour ces milliers de morts et de disparus qui jalonnaient l’histoire de ce pays.

          Aventurier, paranoïaque, il restera, malgré la légende, épiphénomène dans l’histoire de France. Pour avoir rêvé de dominer la France –et probablement le monde- il avait pris un costume trop grand pour lui. Il est mort à Colombey, les pieds dans les charentaises, devant une tasse de camomille, sans doute étranglé par la rancœur, la haine à l’égard de ceux qui n’avaient pas su reconnaître son génie.

          José CASTANO>

« Pour la honte éternelle de la France, de Gaulle s’est comporté envers la population profrançaise d’Algérie –aussi bien d’origine européenne que d’origine musulmane- comme s’il s’agissait de criminels et il a autorisé d’incroyables atrocités perpétrés contre elle par la gendarmerie mobile, tandis que dans le même temps il ordonnait à l’armée de ne pas gêner les sévices, les enlèvements et les massacres du FLN. »
(Thomas Molnas – Journal National Review (USA), septembre 1962)


         - Texte publié aussi sur : http://popodoran.canalblog.com/archives/2010/06/09/18213758.html
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A propos du grade de « général » de De Gaulle :

          Dans le Journal Officiel de la République Française du 24 juin 1940, page 4470, on peut lire :

          « Ministère de la Défense Nationale et de la Guerre. Etat Major Général. Par décision ministérielle du 22 juin 1940, la promotion au grade de Général de Brigade à titre temporaire de M. le colonel d’infanterie breveté de Gaulle (Charles, André, Joseph, Marie) est annulée. »
          «Infanterie – Admission à la retraite – Armée active. Par décret en date du 23 juin 1940, M. le colonel d’Infanterie breveté d’état-major de Gaulle (Charles, André, Joseph, Marie) est admis d’office à la retraite par mesure de discipline »


          Rappelons qu’à cette date du 24 juin 1940, la France était sous le régime de la IIIe République, présidée par Albert Lebrun. Il ne s’agit donc pas d’un texte issu du « régime de Vichy » ni de l’ « Etat français » dont tous les actes ont été déclarés nuls.
          Inutile d’ajouter que ce document n’est pas facile à se procurer… et pour cause !


          Source : Magazine « L’Echo de l’Oranie » (Revue bimestrielle des « Amitiés Oraniennes ») n° 249 (mars-avril 1997) – 11, av Georges Clemenceau – 06000 NICE). e-mail : echo.oranie@wanadoo.fr
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Quand Nice statufie
la trahison et le mensonge
Que célèbre-t-on le 18 juin ?
Par Mme Anne CAZAL


          Le 16 juin 1940, Charles De Gaulle détourne vers l'Angleterre, plutôt que vers l'Afrique du Nord, le paquebot Pasteur qui transporte les armes américaines dont la France a le plus urgent besoin, un besoin vital !
          Mais c'est aussi le 16 juin, vers 22 heures que Paul Reynaud, après avoir perdu sa majorité, remet officiellement au Président de la République, Albert Lebrun, la démission de son gouvernement.
          Le Chef de l'Etat charge aussitôt le Maréchal Pétain de former un nouveau cabinet, ce qui est fait en une heure de temps. A 23 heures 30, les décrets du nouveau gouvernement sont signés par le Président Lebrun.
          De Gaulle accourt… A 21 heures 30, il atterrit à Mérignac. Il se précipite à la Préfecture de Bordeaux où se tient le Conseil des Ministres. Le grand hall est à peine éclairé à cause des alertes aériennes… De Gaulle est angoissé, livide… Collé à une colonne du hall, il se dissimule dans l'ombre… Soudain, il est reconnu par le général Spears, envoyé de Churchill… Il lui déclare avoir de bonnes raisons de croire que le général Weygand va le faire arrêter… " Que faire pour pallier à cette funeste issue - lui demande-t-il - retourner avec vous à Londres ? "…
          En réalité, De Gaulle est furieux parce qu'il n'est plus sous-secrétaire d'Etat. Il sait que Pétain lui a définitivement retiré sa confiance et que, dans le meilleur des cas, il sera, au minimum, mis au placard.
          " C'est bon, ils ne veulent pas de moi ! Dans ces conditions, je fous le camp à Londres…" Ces propos sont rapportés, de façon similaire, par Alfred Fabre-Luce dans ''Le plus illustre des Français'', (Ed. Julliard) et Paul Baudouin secrétaire général du gouvernement, promu ministre des Affaires Etrangères dans ses mémoires ''Neuf mois au gouvernement'' Ed. La Table Ronde)
          En réalité, De Gaulle, submergé de rancune, n'a plus qu'un objectif : se venger parce qu'il ne sera pas dans le nouveau Gouvernement… Alors, il s'organise, il monte, comme toujours, un scénario. Le 17 juin, il prend, par téléphone, des rendez-vous fictifs pour l'après midi et le lendemain, puis il file vers Mérignac dans la voiture de Spears, et monte dans l'avion de celui-ci.
          Ainsi, Charles De Gaulle agença sa première palinodie en fuyant ses responsabilités, en quittant son pays en pleine guerre - véritable désertion - et en consentant à se mettre à la solde de Churchill pour inaugurer, au micro de la B.B.C., une guerre franco-française, soutenue par l'Angleterre, avant de devenir également, peu de temps après, le vil caudataire de Staline…

          Dès le lendemain de son retour à Londres, c'est la perversion du langage qui débute. Charles De Gaulle commence à diffuser sur les ondes ses " Appels aux Français " qui ne sont que subversion et calomnies… Rappelons-nous trois mots de son premier discours : " alléguant la défaite.. " première perfidie annonciatrice de toutes les autres. On y sent une absence totale d'amour de la vérité et des hommes…
          Ayons juste une pensée, au passage, pour les 1.300 marins français qui furent massacrés les 3 et 6 juillet 1940 à Mers el Kébir après l'escroquerie morale de l'homme de Londres qui prétendait, dans son discours du 2 juillet, que la flotte française intacte était mise à la discrétion de l'ennemi, ce que Churchill lui-même reconnaitra plus tard comme faux…
          Que dit l'instigateur de cette tragédie, le 8 juillet, derrière son micro en parlant des navires français et en oubliant les marins morts pour rien ? " Il vaut mieux qu'ils aient été détruits… " rejetant le poids de ce crime sur le Gouvernement de Bordeaux, l'accusant même " d'avoir amené cette canonnade fratricide "…
          Deux télégrammes sont envoyés, le 18 et 19 juin, au nom du Gouvernement français par le Général Colson, ministre de la guerre, à notre attaché militaire à Londres pour informer le général De Gaulle qu'il est remis à la disposition du général commandant en chef, et qu'il doit rentrer sans délai.
          Simultanément, un communiqué du Ministre de l'Intérieur précise qu'ayant cessé d'être membre du Gouvernement, Charles De Gaulle n'est pas autorisé à faire des déclarations au nom de la France…

          Le 22 juin, le Général Colson, agissant sur ordre du Général Weygand, annule la nomination de Charles De Gaulle au grade de général de brigade à titre temporaire.
          Le lendemain, 23 juin, au Conseil des Ministres, le Général Weygand obtient du Conseil que Charles De Gaulle soit rayé des cadres de l'Armée et admis à faire valoir ses droits à la retraite par mesure de discipline. C'est un décret signé par le Président de la République, et le Ministre de la guerre est chargé de son exécution.

          Le 30 juin, De Gaulle reçoit une ordonnance du Juge d'Instruction auprès du Tribunal Militaire permanent de la 17ème région l'informant qu'il est renvoyé devant le dit Tribunal pour crime de refus d'obéissance en présence de l'ennemi et délit d'excitation de militaires à la désobéissance, et qu'un mandat d'arrêt est lancé contre lui.
          L'ordonnance lui enjoint de se constituer en état d'arrestation à la Maison d'arrêt Saint Michel de Toulouse avant l'expiration d'un délai de cinq jours, faute de quoi, il sera jugé par contumace.
          Le Général de Lattre de Tassigny, commandant la division militaire de Clermont-Ferrand convoque alors le Tribunal Militaire chargé de juger De Gaulle. Le 2 août 1940, sous la présidence du Général Frère, Gouverneur militaire de Lyon, ce tribunal condamne Charles De Gaulle à mort par contumace pour désertion et rébellion en temps de guerre, ainsi qu'à la dégradation militaire…
          Anne CAZAL


La route du chat..
Envoyé Par Marie


          Un mari qui hait le chat de sa femme décide de l'emmener en voiture à 20km de là.
          Il l'abandonne et retourne à la maison, son arrivée le chat l'attend sur le pas de la porte.
          Nerveux il reprend le chat et l'emmène à 40 km de à puis l'abandonne de nouveau, à son arrivée à la maison le chat l'attend sur le pas de la porte.
          Furieux il reprend le chat et fait 10 km par la droite, puis 25 par la gauche, 30 km vers le Nord, et 25 km vers le Sud.
          Il abandonne le chat et repart.

          Au bout d'un moment il appelle sa femme avec le portable :
          - Chérie, juste une question, le chat est-il là?
          - Oui il vient d'arriver pourquoi ?
          - Passe moi ce renard au téléphone, je suis perdu.


LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE V

Arrivée du général Clauzel. - Commission d'enquête. - Nouvelle organisation de l'armée. - Formation des zouaves. -Comité du Gouvernement. - Organisation des divers services publics. - Justice. - Domaine. -Douane. - Mesures spoliatrices à l'égard des Turcs et des corporations. - Ferme-modèle. - Analyse de divers actes administratifs.

          M. le général Clauzel, que le nouveau gouvernement venait de mettre à la tête de l'armée d'Afrique, occupais un rang distingué dans les fastes de la gloire française ; on l'attendait avec impatience et l'on était disposé à le recevoir avec transport. Mais nous sommes forcé de dire que ses premiers rapports avec l'armée furent de nature à refroidir un peu cet enthousiasme. Il fit d'abord paraître une proclamation où il se bornait à annoncer aux troupes l'avènement du roi Louis-Philippe et la mission dont il était lui-même chargé, sans qu'un seul mot indiquât que la patrie fût contente de son armée d'Afrique, ni qu'elle adoptât la gloire dont elle venait de se couvrir.
          Le lendemain parut un ordre du jour où une courte phrase laudative servait d'introduction à l'annonce de la formation d'une commission d'enquête chargée de constater la vérité au sujet des soustractions coupables que la rumeur publique reprochait à l'armée d'Afrique. Cet ordre du jour, dont la rédaction était plus hostile que bienveillante, produisit en général une impression pénible. Certes, les bruits fâcheux répandus par les journaux au sujet des dilapidations commises à Alger, avaient pris assez de consistance pour qu'il fût du devoir du général Clauzel d'examiner s'ils étaient fondés; mais il aurait été à désirer qu'il ménageât, un peu plus qu'il ne le fit, l'armée qu'il venait commander, et qu'il ne mit pas, en quelque sorte, 56,000 hommes en état de suspicion pour des délits de nature à n'avoir pu être commis que par un petit nombre d'entre eux.
          Le choix des membres de la commission d'enquête ne pouvait adoucir ce que la mesure avait d'humiliant : on y voyait figurer peu de ces hommes que l'on aime à prendre pour juges dans des causes où l'honneur est intéressé. Ces messieurs commencèrent leur tâche avec une aigreur qui aurait pu faire croire qu'ils étaient plus jaloux des spoliateurs qu'indignés des vols; mais ils se radoucirent peu à peu, et enfin, le 21 octobre, I'armée fut instruite officiellement, qu'elle n'avait rien perdu dans l'estime de MM. Delort, Fougeroux, Cadet-de-Vaux, Pilaud-de-Bit et Flandin; que quelques désordres particuliers avaient eu lieu, mais que les auteurs en étaient abandonnés aux remords qui les poursuivent et les poursuivront sans cesse.

          Pendant que ceci se passait à Alger, les officiers de l'armée d'Afrique qui rentraient en France, étaient soumis, à Marseille et à Toulon, aux recherches les plus désobligeantes. Un misérable employé de la douane eut même l'infamie de fouiller le cadavre du brave Amédée de Bourmont que l'on transportait dans la sépulture de ses pères.
          Par un retour assez ordinaire des choses d'ici-bas, M. le général Clauzel essuya plus tard à son tour les attaques de la malveillance. On lui reprocha avec amertume quelques acquisitions d'immeubles faites par lui pendant son commandement; on alla même plus loin, ce qui dut lui prouver que la calomnie n'épargne personne, pas même ceux qui jouissent de la réputation la plus brillante et la mieux méritée. Au reste, quand bien même le général Clauzel aurait cherché à améliorer sa fortune en Afrique, il aurait toujours eu la ressource de dire, comme le maréchal de Villars, qu'en faisant ses affaires il n'avait pas du moins négligé celles de la France. Il joignait à des vues larges un esprit vigoureux et possédait surtout une qualité bien précieuse, celle de savoir beaucoup prendre sur soi. I1 était malheureusement un peu trop facile, et accordait souvent sa confiance à des gens qui en étaient peu dignes.
          Retirés de l'armée depuis quinze ans, M. le général Clauzel et son chef d'état-major, M. le générai Delort, ne pouvaient être parfaitement au courant de l'état de la législation militaire, qui est malheureusement si variable. Quelques affaires s'en ressentirent dans le commencement de leur administration ; mais bientôt ces sortes de détails furent confiés au capitaine d'état-major Chapelié. Cet officier, très capable et bon travailleur, parvint à imprimer à cette partie du service une marche à peu près régulière; mais il ne put empêcher qu'on ne formât quatre divisions des trois qui jusque-là avaient composé l'armée d'Afrique. Cette mesure n'avait d'autre but que de donner de l'emploi au général Cassant, vieux compagnon d'armes de M. Clauzel, exhumé par la révolution de juillet, quoique moralement et physiquement incapable de rendre aucune espèce de service.
          Il était d'autant moins raisonnable d'augmenter le nombre des divisions, que plusieurs régiments avaient reçu l'ordre de rentrer en France : ces régiments étaient les deux de marche et le 5e de ligne. Pour remplir le vide que leur départ allait laisser dans l'armée, un arrêté du 1er octobre ordonna la formation de bataillons d'indigènes, sous le nom de bataillons de zouaves. M. de Bourmont avait conçu le projet de cette organisation; mais il n'avait pas cru devoir le mettre à exécution dans la position précaire où il se trouvait. Les Zouaves, ou plutôt les Zouaouas, sont des Kbaïles indépendants de la province de Constantine, qui vendent leurs services aux puissances barbaresques, comme le font les Suisses en Europe. On forma d'abord un de ces bataillons, dont on donna le commandement à M. Maumet, capitaine d'état-major ; on essaya ensuite d'en former un second , qui resta toujours beaucoup au-dessous du complet; le commandement en fut donné à M. Duvivier , capitaine du génie. De belles promesses avaient attiré un grand nombre d'indigènes dans les rangs du premier, mais leur non-exécution en fit déserter plusieurs ; ces bataillons ne durent même la conservation de leur existence qu'a la prodigieuse activité de leurs chefs, qui eurent à lutter contre des difficultés de toute nature, dont la plupart leur étaient suscitées par des rivalités de positions.

          Plusieurs généraux et officiers supérieurs avaient quitté leur poste par suite de la révolution de juillet. M. d'Escars était parti un des premiers : il fut remplacé, dans le commandement de la 5e division, par le général Boyer, qui avait servi pendant quelque temps le réformateur de l'Egypte.
          Le général Clauzel, ayant ainsi réglé les affaires intérieures de l'armée et pourvu aux emplois vacants, songea à étendre un peu le rayon de l'occupation. Il n'existait alors que deux routes praticables à une armée pour se rendre d'Alger à la Métidja : l'une par le bord de la mer, l'autre à travers les collines du massif d'Alger. Des postes furent établis sur ces routes, et le plus fort occupa Haouch-Hassan-Pacha, qui reçut depuis le nom de Ferme-Modèle; cette ferme, dont les bâtiments présentent une enceinte d'une défense facile, est située à trois lieues d'Alger, au pied des collines et à l'entrée de la Métidja.
          Cependant le général en chef ne perdait pas de vue qu'il devait être à la fois guerrier et administrateur. Nous avons vu que, par l'incurie de M. de Bourmont, tous les services publics avaient été désorganisés ; il devenait d'autant plus urgent de rétablir l'ordre que la population civile européenne s'accroissait chaque jour.
          Le 8 septembre, l'administration des douanes et celle des domaines furent constituées. Cette dernière fut chargée, non-seulement de la gestion des biens domaniaux, mais encore de la perception de tous les droits autres que ceux de la douane ; la direction en fut confiée à M. Girardin. M. Descalonne fut mis à la tète du service des douanes.
          Le 16 octobre, un comité du Gouvernement fut créé pour donner l'impulsion administrative et décider les questions contentieuses : il se composa de l'intendant de l'armée, qui en eut la présidence, et de trois autres membres, le premier pour la justice, le second pour l'intérieur, et le troisième pour les finances. Les membres de cette commission furent : M. Volland, intendant en chef, qui avait remplacé M. Denniée; M. Deval, consul de France, chargé de la justice ; M. Cadet de Vaux, de !'intérieur; M. Fougerous, des finances ; M. Gaze fut nommé secrétaire de ce comité.

         La municipalité instituée par M. de Bourmont fut conservée. Elle eut pour commissaire du roi M. Cadet de Vaux, en remplacement de M. Bruguière.
          M. d'Aubignosc fut remplacé, dans ses fonctions de lieutenant général de police, par M. Roland de Bussy. Celui-ci n'eut que le titre de commissaire générai; il fut nommé par le ministre de l'intérieur, qui lui prescrivit de correspondre directement avec son ministère. Je ne sais jusqu'à quel point M. Roland de Bussy se conforma à cette disposition qui, certainement, ne devait pas plaire à M. le général Clauzel.
          L'acte le plus important de l'administration du général Clauzel fut l'organisation des tribunaux. Le 9 septembre, un tribunal mixte, composé d'Européens et d'indigènes, fut constitué ; mais il n'exista que peu de temps, et un arrêté du 22 octobre organisa l'administration de la justice sur les bases suivantes
          Une Cour de justice, composée de trois membres, dut connaître de toutes les causes civiles ou commerciales dans lesquelles un Français était intéressé, ainsi que des causes de même nature entre étrangers de diverses nations, et de celles de ces derniers avec les indigènes. Elle fut autorisée à appliquer les lois françaises ou celles de la Régence d'Alger selon le cas. Elle devait juger, en dernier ressort, jusqu'à la somme de 12,000 fr., indépendamment de tous dommages et intérêts.
          Les affaires criminelles entre Français devaient être instruites à Alger par la Cour de justice, et renvoyées en France pour le jugement. Les affaires criminelles entre Français et étrangers étaient instruites de la même manière, et il en était rendu compte au général en chef pour qu'il statuât ce qu'il appartiendrait.

          Un tribunal de police correctionnelle fut créé : il réunissait à ses attributions celles des justices de paix, et jugeait comme les tribunaux de simple police.
          Les indigènes conservèrent leurs juges et leurs lois. Toutes les causes entre Musulmans durent être portées devant le cadi maleki, jugeant sans appel, tant au civil qu'au criminel. Toutes les causes entre Israélites, tant au civil qu'au criminel furent dévolues à un tribunal de trois rabbins, jugeant également sans appel. Enfin, le cadi maleki devait prononcer dans toutes les causes entre Musulmans et Israélites, sauf appel à la Cour de justice.
          Un arrêté du 15 octobre mettait sous la juridiction des conseils de guerre les indigènes accusés de crimes ou de délits commis contre les personnes ou les propriétés des Européens. Il ne fut rien changé à cette disposition.
          L'arrêté du 22 octobre ne toucha point aux justices consulaires. Les agents des diverses puissances continuèrent à connaître des causes entre gens de leur nation. Le générai en chef, en donnant au cadi et aux rabbins une juridiction sans appel, se réserva le droit de statuer sur les plaintes en prévarication ou en déni de justice qui pourraient être portées contre eux.
          L'acte législatif que nous venons d'analyser a mérité les éloges de M. Pichon lui-même, ce critique sévère de tout ce qui, à Alger, n'a pas été fait par lui. Il sut pourvoir au besoin du moment sans rien préjuger pour l'avenir, et en tournant les difficultés avec habileté.
          M. le général Clauzel, après avoir organisé les grandes branches de l'administration, créa quelques emplois subalternes d'une utilité plis ou mains contestable. C'est ainsi qu'il forma une commission de voirie, laquelle devait prendre nécessairement une partie des fonctions naturelles de la municipalité ; car il n'y avait certainement pas lieu d'établir à Alger, à cette époque surtout, une distinction quelconque entre la grande et la petite voirie. Le secrétaire de cette commission reçut pour mission de changer les noms de toutes les rues, ce dont il s'acquitta si bien que les habitants d'Alger ne se reconnaissaient plus dans leur propre ville. M. Clauzel aurait désiré placer avantageusement tous ceux qui l'approchaient. Cet exemple de bienveillance pour ses créatures fut suivi par son chef d'état-major, qui fit porter ses domestiques gascons sur le tableau des interprètes arabes.
          Les rouages administratifs, constitués comme nous venons de le dire, commencèrent à fonctionner, ayant pour force motrice tantôt les arrêtés du général en chef, tantôt la législation de la métropole. Je vais faire connaître les plus importants de ces arrêtés, en commençant par ceux qui sont relatifs à l'administration des domaines.

          
          Le 8 septembre, le général Clauzel, au mépris de la capitulation, signa un arrêté qui réunit au domaine les propriétés du Dey, des beys et des Turcs déportés, ainsi que celles de la Mecque et Médine. Cette violation de la foi jurée était fort condamnable. Elle passa cependant presque inaperçue à Paris; mais, à Alger, elle excita de vives et justes réclamations, non de la part des Turcs, trop abattus pour oser même élever la voix, mais de la part des familles indigènes qui s'étaient alliées à eux. Ceux qui conseillèrent cette mesure au général Clauzel, en connaissaient si bien eux-mêmes l'illégalité, qu'elle ne fut pas rendue publique par la voie des affiches, seul moyen de publication qui existât alors à Alger : on ne la connut que par les applications qui en furent successivement faites, selon les circonstances, et peut-être aussi selon les convenances des personnes chargées de l'exécution. Nous verrons plus loin que, sous l'administration du général Berthezène, l'on convertit en séquestre d'une durée indéterminée la confiscation prononcée si légèrement contre les malheureux Turcs par M. le général Clauzel
          Le 7 décembre, parut un arrêté qui donna à l'administration des domaines la gestion des biens de la Mecque et Médine, de ceux des mosquées, et généralement de tous ceux dont les revenus ont une destination spéciale se rapportant à des communautés. II y a deux remarques importantes à faire sur cet arrêté : la première, c'est qu'il parle des biens de la Mecque et Médine comme appartenant encore à cet établissement, quoique celui du 8 septembre les eût réunis au domaine, ce qui semble indiquer que le législateur, qui est ici le général Clauzel, regardait le premier arrêté comme nul, ou qu'il en avait oublié l'existence; la seconde remarque est que l'esprit qui dicta l'arrêté du 7 décembre a quelque chose de moins fiscal que celui qui présida à la rédaction de l'arrêté du 8 septembre. C'est tout simplement l'expression d'une monomanie administrative qui voulait détruire dans la Régence des affectations spéciales, parce que les règles de notre législation financière ne les admettent pas en France; car il était bien entendu que le Trésor devait pourvoir aux dépenses que ces affectations étaient destinées à couvrir.
          L'arrêté du 7 décembre fut appliqué sans difficulté aux biens des fontaines. Tout le monde sait que l'érection des fontaines est, chez les Musulmans, un acte de charité publique très-fréquent de la part des personnes riches, qui affectent à leur entretien des immeubles ou des rentes. Il existait à Alger plusieurs établissements de ce genre, que l'arrêté du 7 décembre dépouilla. Le soin de la conservation des fontaines passa de l'Amin-el-Aïoun, qui ne fut plus qu'un employé subalterne, à de savants ingénieurs français, et, depuis ce changement, la ville d'Alger fut, chaque année, menacée de manquer d'eau, quoique les dépenses pour cet objet dépassassent de beaucoup les revenus des biens des fontaines, qui ne sont que de 15,000 fr., somme qui suffisait à leur entretien sous l'administration simple et économique de l'Amin-el-Aïoun.
          Je sais fort bien que l'on peut répondre à cela que, Ies soldats avant, dans les premiers temps, dégradé ou détruit tous les aqueducs, et que la surcharge imposée aux conduits d'eau par nos lourdes voitures les ayant souvent écrasés, il n'est pas étonnant que les frais se soient accrus. Mais si les soldats ont détruit les aqueducs, à qui la faute en doit-elle être imputée? Quant à la surcharge imposée aux conduits, chacun sait qu'il n'existe à Alger que trois rues où les voitures peuvent circuler, et qu'au dehors, le génie était assez maître de son terrain pour ne pas faire passer les routes qu'il a construites précisément au-dessus de ces mêmes conduits, s'il s'était donné la peine d'en étudier la direction. Je citerai pour exemple la route de Birmadreis, où ce n'est qu'après avoir terminé les travaux de terrassement, que le génie s'est aperçu qu'il était au-dessus de l'aqueduc de ce nom.
          La gestion par l'administration des domaines des biens des établissements religieux et charitables ouvrit la porte à de nombreuses plaintes : le Gouvernement en fut étourdi ; mais, selon son habitude de ne jamais résoudre entièrement aucune question, il n'abrogea pas les arrêtés des 8 septembre et 7 décembre, et se contenta d'en mitiger l'application. Il fut convenu que les biens de ces établissements continueraient d'être régis par des oukils ou procureurs musulmans, mais que l'excédant des revenus sur les affectations serait versé au Trésor.
          La marche qui fut suivie dans cette affaire fut telle, que les intérêts du trésor et ceux des établissements religieux et charitables furent sacrifiés à des intérêts privés, c'est-à-dire à ceux des oukils. En effet, si l'arrêté du 7 décembre eût été appliqué complètement, le domaine, après s'être acquitté des charges des établissements, aurait profité du surplus; si, au contraire, cet arrêté eût été complètement abrogé, les revenus auraient suivi sans obstacle leur ancienne destination; mais, le Gouvernement ayant reculé devant l'application pleine et entière d'un arrêté qu'il laissait cependant. subsister, il en résulta une espèce de chaos qui, d'un côté, affranchit de tout contrôle les oukils des établissements religieux, et qui, de l'autre, permit à ces mêmes oukils d'opposer les termes d'un acte législatif encore existant, aux demandes de ceux qui avaient des droits sur les revenus de ces établissements : "Nous n'avons rien à vous donner, pouvaient-ils leur dire, puisque les Français se a sont emparés de nos revenus." Cette réponse était d'autant plus admissible, qu'il y eut en effet des versements faits au domaine : d'abord, dans les premiers jours de la conquête, on enleva tout ce que les oukils avaient laissé dans les caisses; ensuite, des sommes plus ou moins considérables furent versées à diverses époques. Mustapha-Bouderbah, oukil de la Mecque et Médine, versa en quatre ans 54,531 fr. au trésor; il a dû distribuer dans le même laps de temps environ 50,000 fr. aux pauvres, à qui il ne donnait guère plus de 250 fr. par semaine; or, les revenus qu'il a gérés étant, de l'aveu de tout le monde et du sien propre , de 80,000 francs par an au moins, il a dû percevoir dans ces quatre ans 560,000 fr., dont 275,4.69 sont nécessairement restés entre ses mains.
          Parmi ces établissements religieux, celui de la Mecque et Médine est le plus riche de tous; viennent ensuite celui de la grande mosquée, ceux des autres mosquées, celui des Andalous ou descendants des Maures d'Espagne, celui des chérifs, ceux des zaouïas ou chapelles, et quelques autres; tous ont pour origine des donations et legs pieux, et tous doivent pourvoir, soit aux dépenses du culte, soit aux besoins des pauvres, ou d'une certaine classe de pauvres, selon le but de l'institution. Celui de la Mecque et Médine doit, de plus, envoyer de certaines sommes à ces deux villes, saintes aux yeux des Musulmans.
          Depuis la prise de la ville d'Alger, beaucoup de maisons particulières étaient occupées militairement; d'autres avaient été démolies pour l'élargissement des rues et l'établissement de quelques places publiques. Par un arrêté du 26 octobre, le général Clauzel promit des indemnités aux propriétaires dépossédés, et y affecta les immeubles du domaine. Cette mesure juste et humaine ne fut pas mise à exécution : un odieux esprit de fiscalité prévalut sur les règles de la justice et de l'honneur. La capitulation fut foulée aux pieds. Une nation dont les revenus s'élevaient à 1,200 millions, fit banqueroute à de pauvres familles qu'elle avait dépouillées contre toutes les lois divines et humaines. Je dis banqueroute, car, qu'était-ce que des promesses dont l'exécution fut sans cesse ajournée? Rien de plus facile cependant que d'affecter à l'acquittement de cette dette sacrée les immeubles du domaine dont les revenus étaient honteux pour le trésor, tant que les victimes de notre administration n'étaient pas indemnisées. Quoi ! la famille que vous aviez dépouillée était sans asile, et, dans la rue même dont le pavé lui servait de lit, vous osiez spéculer sur une maison au lieu de la lui donner! Nous reviendrons plus tard sur ce triste sujet; mais nous avertissons le lecteur, dès à présent, que les démolitions qui ont fait d'Alger un vaste amas de ruines, pendant plusieurs années, ruines d'où sortit plus tard une ville européenne, aussi maussadement qu'illogiquement construite, que ces démolitions, dis-je, n'ont eu très souvent d'autres causes que les idées systématiques de quelques ingénieurs routiniers, qui ont mis cette malheureuse cité sur le lit de Procuste, taillant et coupant sans être arrêtés par aucune considération. Mais reprenons la suite de nos analyses administratives.

          Le 8 novembre, un arrêté interdit l'aliénation des biens du domaine, et n'en permit la location que pour trois ans. L'administration ne connaissait pas très-bien, à cette époque, ce qu'elle possédait, et ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'elle est parvenue à être un peu plus instruite aujourd'hui.

          Le 7 décembre, un arrêté soumit à la patente les professions industrielles, divisées en quatre classes, et en une catégorie exceptionnelle composée de banquiers. Le 31 du mène mois, les débitants de boissons furent assujettis au droit de vente.

          Le 17 septembre, parut un arrêté sur les douanes, qui, modifié par un autre du 17 octobre, établit le système sur les bases suivantes:
          Le droit d'importation fut fixé à 4 % pour les marchandises françaises, et à 8 % pour les marchandises étrangères, sans distinction de pavillon. Les objets de petite consommation furent, en outre, assujettis à un prétendu droit d'octroi, qui ne fut en réalité qu'un supplément du droit de douane fixé à un dixième en sus.
          Le droit d'exportation fut fixé à 1 % pour les navires français et algériens, et à 1,5 % pour les navires étrangers.
          Les lingots, l'or et l'argent monnayés, excepté les monnaies de France, furent assujettis à un droit d'exportation de 5 francs par lingot pour l'or, et de 90 francs pour l'argent, mais seulement pour les quantités excédant 5 kilogrammes pour l'or, et 9.5 kilogrammes pour l'argent.
          La valeur des marchandises d'après laquelle les droits seraient liquidés dut être réglée chaque mois par une mercuriale arrêtée par la chambre de commerce. Mais cette mercuriale devant nécessairement présenter des lacunes, les marchands furent souvent obligés d'estimer eux-mêmes la valeur des marchandises qu'ils introduisaient, et si cette estimation ne convenait pas aux employés de la douane, le droit de préemption était exercé dans toute sa rigueur.
          Les droits de navigation furent réduits à un droit d'ancrage réglé ainsi qu'il suit, sans distinction de pavillon : 50 fr. pour tous les navires de 5 à 50 tonneaux ; 75 fr. pour ceux de 50 à 100 tonneaux; 100 fr. pour les navires de plus de 100 tonneaux. Les barques de moins de 5 tonneaux, et les corailleurs étrangers, ne furent point assujettis à ce droit.

          Un arrêté du 7 décembre, voulant favoriser l'introduction des vins français, porta à 15 p. % le droit d'entrée sur les vins étrangers. Cette surtaxe fut appliquée aux liqueurs et aux eaux-de-vie étrangères par celui du 28 du même mois.
          Par un arrêté du 17 septembre, autre que celui dont nous venons de parler, les droits d'octroi perçus, soit en nature soit en argent sur les denrées et les productions du pays, furent abolis, excepté pour les blés et les cuirs. Le droit d'octroi sur les marchandises importées par mer fut le seul qui continua à exister jusqu'à l'administration du général Berthezène; mais le produit en fut versé au Trésor, et non à la caisse municipale, ainsi que l'avait réglé 11. de Bourmont.

          Un arrêté du 9 janvier 1851 établit que le conseil municipal, composé de sept Maures et de deux Israélites, serait renouvelé tous les ans. La présidence en fut dévolue au commissaire du Roi près la municipalité. L'emploi de consul de France ayant été supprimé enfin dans une ville qui, étant devenue française, n'en avait évidemment plus besoin, les actes de l'état civil furent mis, par arrêté du 7 décembre, dans les attributions de ce même fonctionnaire.
          Le 16 novembre, un arrêté nomma Jacob Bacri chef de la nation juive il fut statué, par le même arrêté, que les plaintes contre le chef de la nation juive, pour prévarication ou abus d'autorité, seraient portées au général en chef, qui statuerait suivant la gravité du cas.
          M. le général Clauzel, après avoir organisé les services et fixé les bases des diverses branches de l'administration, régla le mode de comptabilité. Il fut établi, par arrêté du 14 décembre, que chaque mois une répartition de fonds serait faite par l'intendant entre les trois départements de la justice, de l'intérieur et des finances. Les membres du comité du Gouvernement chargés de ces départements purent ordonnancer les mandats de moins de 500 fr., sauf régularisation à la fin du mois, par un mandat unique de l'intendant ; les mandats au-dessus de 500 fr. durent être ordonnancés directement par l'Intendant.

          Tel est l'ensemble des dispositions domaniales, fiscales et municipales prises par M. le général Clauzel. Il nous reste à parler des arrêtés relatifs au commerce, à l'agriculture et à la police.
          Le 4 novembre, l'exportation des grains et des farines, pour toute autre destination que la France, fut interdite.
          Le 7 décembre, un arrêté institua à Alger une chambre de commerce composée de cinq Français, d'un Maure et d'un Israélite. Les membres en furent nommés pour six mois par l'autorité, et il fut statué qu'après ce laps de temps, le commerce les élirait librement.
          Un arrêté du 31 décembre accorda à la place d'Alger un entrepôt réel, en mettant en vigueur les principales dispositions de la loi du 17 mai 1826 sur cette matière; mais le manque de magasins ne permit pas de mettre cet arrêté à exécution.
          Le 5 octobre, parut un arrêté remarquable en ce qu'il fut le premier pas vers la colonisation. Plusieurs personnes, plus aventureuses qu'habiles, avaient suivi M. le général Clauzel en Afrique. Elles conçurent l'idée d'établir une ferme expérimentale pour servir de régulateur à tous les établissements agricoles qui viendraient à se former. Une société anonyme s'organisa à cet effet, et l'arrêté dont il est ici question en approuva les statuts et lui loua la ferme dite Haouch-Hassan-Pacha, qui, depuis ce moment , a été connue du public européen sous le nom de Ferme-Modèle. La location comprit les bâtiments et 1,000 hectares de terrain. Elle fut faite au prix annuel d'un franc par hectare, et pour 9, 18 ou 27 ans, avec faculté de résiliation, mais en faveur des preneurs seulement. Les actions de la Ferme-Modèle, qui, comme on l'a dit plaisamment, ne fut pas le modèle des fermes, furent d'abord de 500 fr., mais elles ne firent que baisser depuis. Plusieurs causes contribuèrent à arrêter le développement de l'établissement; la plus agissante fut l'insalubrité de la position.

          L'inauguration de la Ferme-Modèle se fit avec un certain éclat. On y établit un poste pour protéger les travailleurs. Quel qu'ait été le peu de succès de cette entreprise, le général Clauzel n'en fut pas moins très-louable d'avoir favorisé, autant qu'il dépendait de lui, un établissement dont le but était aussi évidemment utile.
          La police attira aussi l'attention du général Clauzel : le grand nombre d'étrangers qui affluaient à Alger de toutes parts rendait une surveillance active bien nécessaire; d'un autre côté, les soins de la police générale et politique exigeaient des dispositions spéciales sur le droit de port d'armes et sur la vente des armes et de la poudre.
          Nous avons vu qu'aussitôt après la conquête, la population d'Alger avait été désarmée sans difficulté; mais il ne pouvait en être de même des Arabes des campagnes. Ensuite, quand même leur désarmement eût été possible, comment exiger qu'ils voyageassent sans armes lorsque, pour venir à nos marchés, ils étaient obligés de suivre des routes que l'anarchie avait peuplées de brigands? Cependant la prudence semblait demander qu'on ne les laissât pas pénétrer armés dans nos lignes. En conséquence, il leur fut désigné des postes où ils devaient déposer leurs armes en arrivant sur le territoire occupé par l'armée française, et où ils les reprenaient en partant. Le général Clauzel , ne trouvant pas cette précaution suffisante, y ajouta, le 22 octobre, la peine de mort contre tout arabe qui pénétrerait armé en dedans de la ligne de nos postes. Le même arrêté interdit, sous la même peine, le transport de la poudre et du plomb au-delà des limites des camps. Toutes ces mesures furent prises à la suite d'un assassinat commis sur un officier du 55e régiment de ligne.
          Un second arrêté, du 22 octobre, ordonna l'établissement à Alger de bureaux de débit de poudre et de plomb. Les munitions ne devaient être délivrées aux acheteurs que sur un permis du commandant de la place. Une commission de trois membres fut instituée pour surveiller ces bureaux, qui, du reste, n'existèrent que sur le papier, ainsi que l'entrepôt, dont l'établissement fut ordonné par un arrêté du 14 décembre. Cc même arrêté prononçait des peines sévères contre les débitants clandestins ; mais comme, pendant quatre ans, il n'exista aucun débit légal et constitué par l'autorité, malgré l'arrêté du 29. octobre et une foule d'autres, rendus depuis sur cette matière: qu'il était cependant évident que la population ne pouvait se passer de poudre, le commerce interlope s'en fit au vu et au su de l'autorité, qui ferma administrativement les yeux.

          Le 14 novembre, un arrêté prescrivit des dispositions tendant à restreindre le commerce des métaux propres à la confection des armes, mais elles furent abolies par un autre arrêté du 2.8 décembre. Le 14 du même mois, l'introduction des armes de guerre, soit étrangères, soit françaises, fut interdite; il fut réglé que celle des armes de chasse et de luxe n'aurait lieu que sur un permis du commandant de la place d'Alger. Je me suis peut-être arrêté trop longtemps sur des détails qui tous n'auront pas été d'un intérêt égal pour le lecteur; mais je devais lui faire connaître l'ensemble de l'administration civile de M. le général Clauzel, qui mérite d'être étudiée.
A SUIVRE


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Diverses de BÔNE
Envoyé par M. Begdadi


Plage Saint-Cloud
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Cathédrale
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Théatre à coté de l'hôtel d'Orient
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Cours Bertagna, Hôtel d'Orient, Brasserie
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Mosquée El Bey à la Place d'Armes
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Rue Saint Augustin
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Pharmacie à l'angle des rues Gambetta et Perregaux
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Station essence à coté square Randon
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HISTOIRE DES ÉTABLISSEMENTS
ET DU COMMERCE FRANÇAIS
DANS L'AFRIQUE BARBARESQUE
                                 (1560-1793)                              (N°9)

(Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc)
PAR Paul MASSON (1903)
Professeur d'Histoire et de Géographie économique
à l'université D'Aix-Marseille.

DEUXIÈME PARTIE
(1635-1690) LE COMMERCE FRANÇAIS ET
LES GUERRES CONTRE LES BARBARESQUES

CHAPITRE VII
LES ÉCHELLES DE BARBARIE (1633-90)

II. - LE MAROC

1° Négociations et Ambassades (1635-1693)

           Tandis que, pendant cette période, la France fut sans cesse en guerre avec Alger, Tunis et Tripoli, il semble, au premier abord, que les traités de paix et d'amitié, conclus au Maroc par Razilly et du Chalard, n'eurent pas de résultats durables. Les consulats qu'ils avaient rétablis après une brouille toute momentanée, paraissent n'avoir eu qu'une durée éphémère. En effet, les archives de la Chambre de Commerce de Marseille ne possèdent aucune correspondance des consuls du Maroc avant 1683, et c'est aussi à cette même date que remonte celle qui est conservée au ministère des affaires étrangères.

           Il est facile de trouver des raisons à cette fâcheuse situation : les corsaires de Salé, toujours en république, ne respectèrent pas les traités de 1631 et de 1635, et, comme les Barbaresques, attirèrent sur eux à diverses reprises les représailles des escadres de S. M. très chrétienne ; d'un autre côté, le Maroc, jusque vers 1670, continua d'être en proie à une profonde anarchie(1) peu favorable à un commerce régulier. " Les cafilles (caravanes), écrivait un Français en 1670, vont bien de Toutouan à Fez ou de Saffià Maroc, mais qu'une cafille aille de Fez au Maroc, d'un de ces royaumes à l'autre, c'est ce que je n'ai point vu en sept ans de temps et n'ai jamais ouï dire à personne d'avoir été de Fez au Maroc, sinon en la compagnie d'un marabout...
           Encore moins peut-on aller au royaume de Sus "

           Cependant, en examinant de près les quelques documents de cette période qui nous sont parvenus, on y trouve la preuve que les Français eurent sans interruption des consuls au Maroc et que, en dépit des circonstances défavorables, ils cherchèrent même à y multiplier leurs comptoirs et leurs entreprises commerciales. On a vu; qu'en 1630, André Prat, de Marseille, avait été pourvu par lettres-patentes des consulats de Salé et de Tétouan(2). Son fils écrivit, en 1682, à Colbert, pour lui demander de lui accorder la " continuation de l'exercice de cette charge que nous avons exercée, disait-il, feu mon père, moi et mes neveux depuis cinquante ans, avec toute la fidélité et exactitude possible, ayant toujours eu à cœur l'intérêt du roi, le bien public et du commerce, d'autant qu'on n'a jamais vu payer aucune avarie dans ladite échelle comme on remarque journellement dans celles du Levant(3) ".

           Le Marseillais Prat était modeste quand il parlait ainsi du rôle joué par son père et par lui au Maroc. Il aurait pu rappeler les services importants qu'ils avaient tous deux rendus au commerce dans des circonstances difficiles, sans recevoir aucun appui de leur gouvernement. En 1635, du Chalard, faute d'argent, avait dû laisser en captivité environ 300 esclaves qu'il s'était engagé, au nom du roi, à retirer dans le délai de six mois. Il avait laissé, pour caution de sa promesse, Gaspard de Rastin qui exerçait le consulat à Salé au nom du propriétaire André Prat. Mais, au moment où la France engageait toutes ses forces dans la guerre de Trente ans et s'inquiétait du début malheureux des hostilités, il n'était pas facile de trouver de l'argent et des navires pour une nouvelle expédition au Maroc. En juin 1686, une barque de Marseille, envoyée par le roi, porta des lettres aux gouverneurs de Salé, leur demandant de prolonger le délai accordé à du Chalard Jusqu'à la fin de 1898, ce qui fut accordé.

           Cependant les captifs qui, en attendant, avaient été mis en liberté provisoire, en profitaient pour s'enfuir, tandis que les Saletins apprenaient que des vaisseaux du roi arrêtaient deux de leurs navires et mettaient les équipages aux galères. Les gouverneurs de Salé avaient fait tous leurs efforts pour calmer la colère des habitants; ils finirent par remettre les captifs à la chaîne et le vice-consul, de Rastin, caution de la parole de du Chalard, fut emprisonné lui-même et mis aux fers (juillet 1687). En vain avait-il envoyé, peu auparavant, en France, le marchand marseillais Jean Marges pour aviser la Cour ; celle-ci, de plus en plus absorbée par la guerre de Trente ans, ne put donner que de vaines espérances.

           Au moment où la situation des Français était ainsi critique, les Anglais se trouvaient en très bonne posture. Un agent de Charles 1er, nommé Blerq, qui résidait auprès du roi de Maroc " avait pris avec des marchands anglais résidant audit pays toutes les fermes du roi de Maroc, afin que les marchands trafiquants audit pays ne pussent négocier que par leurs mains. " Ils avaient enlevé ces fermes à des juifs qu'ils avaient fait disgracier. D'un autre côté, les Espagnols fermaient aux navires de Marseille le passage du détroit ou rendaient dangereux le voyage des ports du Ponant aux côtes du Maroc. Aussi c'est sur un navire anglais que Marges s'était embarqué pour venir en France.

           Grâce à des troubles violents qui éclatèrent parmi les Saletins, au milieu desquels plus de vingt-cinq de leurs vaisseaux périrent dans le port, le vice-consul de Rastin avait été remis en liberté, mais on l'avait rendu responsable de la dette contractée par du Chalard. Après avoir payé 15.000 ducats fournis par le consul Prat, n'ayant plus d'espoir d'être secouru par la cour et libéré de sa dette, il mourut de chagrin en 1643. En même temps, la crainte de voir leurs marchandises et leurs fonds saisis détournait les négociants d'expédier des navires à Salé ; " toutes les embarcations qui y allaient négocier, avant que d'aller dans le port ils demandaient une assurance aux gouverneurs au sujet de cette dette. "

           C'est dans ces circonstances qu'Henri Prat, fils du consul, fit en 1643 le voyage de Salé et fut assez heureux pour signer, avec les gouverneurs une nouvelle convention commerciale, après les avoir fait renoncer à toutes leurs prétentions au sujet de la dette de du Chalard. " Depuis, écrivait Prat en 1669, les Français et autres négociants sous la bannière du roi y sont allés jusqu'à présent avec toute la liberté, sans y avoir eu jamais aucune avanie à leurs biens, ni religion, et la sainte messe se célèbre publiquement dans ma maison consulaire. " En revanche, Prat nous apprend que, depuis 1635, la situation de nos rivaux avait décliné. " Il y avait autrefois, dit-il, à Tétouan et Sallé des consuls anglais et hollandais mais, depuis quelques années, ils se sont retirés, ayant vu qu'il n'y avait pas un négoce considérable pour y pouvoir subsister, en sorte qu'il n'y a que François Jullien, mon neveu, qui y réside en qualité de mon vice-consul, aimé des gouverneurs et grands du pays.(4) "

           Ainsi, malgré la longue cessation de toute action de notre gouvernement au Maroc, l'initiative des Marseillais avait maintenu le consulat de Salé et, même, les marchands y avaient vécu tranquilles au milieu de cette population de corsaires, si du moins l'on en croit l'affirmation du propriétaire de ce consulat. Bien plus les Marseillais avaient essayé d'en établir deux autres indépendants " dans les lieux de la dépendance du consulat de Fez et Maroc ; l'un à Safis, Mogodir ou Mogodora et Sainte-Croix, l'autre à Albuzème ". C'est un manuscrit de la Bibliothèque nationale qui nous donne quelques détails sur cette tentative.

           " L'établissement du premier fut proposé par François Boyer, sieur de Bendort (Bandol ?), à qui, provisions furent expédiées le 29 mars 1647, avec faculté de le faire exercer par des vice-consuls et d'en établir aux lieux de sa dépendance. Il avait commis une personne pour aller faire cet établissement. Mais jusqu'à présent on n'en a retiré aucune commodité par le peu de communication et commerce que nous avons avec les gens de ces pays ...

           " Comme le lieu d'Albouzème (Alhucemas) a une espèce de port qui peut contenir un bon nombre de vaisseaux, pendant que la guerre durait entre la France et l'Espagne, plusieurs capitaines n'osant relâcher aux côtes d'Espagne et ayant reconnu la commodité de ce port prirent la coutume, lorsqu'ils se trouvaient pressés du mauvais temps, de s'y aller mettre à l'abri. Quelque temps avant que la paix se fit entre les deux couronnes, il vint en pensée d'un de ces négociants de lier communication avec ceux du pays pour y établir quelque commerce, et, de fait, ayant eu à cet effet quelques pourparlers avec ces gens là, même avec un des gouverneurs du pays, sa proposition leur fut bien agréable et, sur l'assurance qu'il rapporta de ce gouverneur qu'un consul des Français y serait bien reçu, un nommé le sieur Lambert fut pourvu, il y a dix ou douze ans(5), de cette charge dont, depuis, un nommé Roland Fréjus de Marseille a traité et s'en est ensuite accommodé avec la compagnie nouvellement formée pour le commerce d'Albouzème à laquelle il est associé(6) ".

           En effet, peu de temps après que Tanger, comprise dans la dot de l'infante Catherine de Portugal, fut devenue anglaise en 1662, deux Marseillais, Michel et Roland Fréjus, conçurent l'idée de fonder à côté des établissements, tous militaires des Espagnols et des Anglais, sur la côte nord du Maroc, un établissement commercial analogue à celui du Bastion de France. Ils avaient formé une compagnie pour l'exploitation de celui-ci et du cap Nègre ; l'arrêt du Conseil, du 12 mars 1663, la leur avait accordée pour 18 ans ; ils voulurent que leur Compagnie s'occupât en même temps du commerce du Maroc et choisirent centre de leurs opérations la petite île d'Alhucemas sur la côte du Rif, entre Melilla et Tétouan. Colbert, tout entier à ce moment là à la formation de ses grandes compagnies, préoccupé d'en fonder une pour le commerce du Levant, ne pouvait qu'approuver une pareille idée et peut-être avait-il aidé lui-même à la constitution de la Compagnie Fréjus. L'arrêt du Conseil du 4 novembre 1664 et les lettres patentes rendues en conséquence en octobre 1665 lui accordèrent les plus grands privilèges.

           " Savoir faisons que nous avons par ces présentes, signées de notre main, dit et statué... que lesdits Fréjus et leurs associés composant ladite Compagnie du commerce d'Albouzème et du Bastion de France, aient seuls à perpétuité le privilège de faire ledit commerce d'Albouzème, et lieux en dépendance.... leur permettant à ces fins de faire incessamment aux dits lieux d'Albouzème, ports, havres et autres places en dépendantes.... les bâtiments et accommodements qu'ils jugeront nécessaires. Auxquels effets pourront lesdits Fréjus et Compagnie faire conduire et transporter de ce royaume aux dits lieux, tel nombre de soldats, marchands, patrons, mariniers et autres personnes que bon leur semblera, ensemble telle quantité de munitions de guerre.... même de faire avec le divan dudit Albouzème, royaume de Fez.... tous les traités et accommodements.... le tout à la charge que lesdits Fréjus seront tenus de nous envoyer annuellement et par forme de redevance la quantité de dix des plus beaux chevaux barbes(7). "

           On n vu comment la Compagnie Fréjus ne put entrer en possession, ni du Bastion; ni du cap Nègre ; elle dut donc restreindre ses efforts à la fondation de l'établissement d'Albouzème. C'était une entreprise d'autant plus délicate, que le gouvernement du Maroc était peu solide comme celui de tous les pays barbaresques, et que les révolutions, qui s'y succédaient, risquaient de remettre en question, ou de faire perdre, ce que l'on avait eu beaucoup de mal à obtenir.

           Roland Fréjus fut chargé par la Compagnie d'aller négocier auprès de Muley Arxid (er Rachid) qui venait de se rendre maître du nord du Maroc et de prendre Tasa, ville située dans les montagnes à l'est de Fez, à trois journées et demie de cheval au sud d'Albouzème. Fréjus partit d'Almeria au commencement d'avril 1666, porteur d'une lettre flatteuse de Louis XIV pour Muley Arxid, et accompagné de quatre autres français. Il toucha à Melilla, trompa le gouverneur espagnol sur ses projets et put aller débarquer à Albouzème. Les circonstances le favorisèrent Muley Arxid, vainqueur, avait dépossédé du commandement de la région son beau-père Cheik Arras, brouillé avec lui, qui venait d'entrer en relations avec une compagnie composée d'un Anglais, de deux Français, peut-être de Hollandais, et lui avait permis de fonder un établissement; il avait gardé comme esclave un Français de Bayonne laissé comme agent par cette Compagnie(8). Fréjus sut flatter habilement les lieutenants de Muley Arxid qui le reçurent ; il leur persuada que, pour les protéger contre les Espagnols des Présides qui les empêchaient de cultiver leurs plaines, il leur faudrait une forteresse sur la grande île d'Albouzème. Il s'offrait à la bâtir lui-même à ses propres frais ; outre la protection qu'ils en recevraient, ils jouiraient de celle des bâtiments de mer que la Compagnie aurait incessamment dans leurs ports et seraient ainsi en plein repos.

           Fréjus fit son entrée à Tasa au milieu d'une foule énorme ; l'annonce de l'envoi d'une ambassade et d'une lettre de l'empereur de France donnait un prestige énorme à Muley Arxid(9), qui fit le meilleur accueil au Marseillais. " Nous l'avons chargé, disait le roi, de vous offrir tout ce que vous pourrez avoir besoin de notre royaume et même de vous entretenir de plusieurs autres choses et de l'établissement du commerce de vos sujets avec les nôtres; ayant, pour cet effet, permis aux sieurs Michel et Roland Fréjus de faire une compagnie des principaux de notre royaume, les intérêts de laquelle nous vous recommandons.

           Le chef marocain promit à Fréjus de lui accorder tout ce qu'il lui demandait, lui remit une lettre pour Louis XIV, et le chargea de lui faire parvenir de la poudre, des lances, des épées, des draps et toiles qu'il paierait au prix que voudrait Fréjus, quand il y en aurait pour 20,000 écus. La négociation avait donc réussi à souhait; Fréjus revint à Marseille et s'occupa en hâte de réunir ce que Muley Arxid lui avait demandé ; il proposait aux directeurs de la Compagnie établis à Paris, de retourner au Maroc pour présenter lui-même ses marchandises et demander définitivement au roi la permission de faire des fortifications et autres établissements dans l'île d'Albouzème, d'exporter les blés et de faire la pêche du corail. Pendant son voyage à Tasa, son bateau avait fait des recherches dans la baie ; " il n'avait trouvé que des chouettes, signe qu'il devait y avoir du corail ; il est vrai que la violence des courants, produits par le voisinage du détroit, lui faisait craindre qu'il n'y en eût pas beaucoup, mais on pourrait se rattraper dans les parages de Boutoye et des Zaffarines. "

           La suite des évènements ne devait pas confirmer ces espérances ; la Compagnie fit des pertes que Fréjus attribuait à la conduite de ceux qu'il avait laissés à Albouzème ; dès 1667, elle était en banqueroute. En 1670, la Compagnie du Levant fut substituée à celle de Fréjus pour l'exploitation du commerce des Albouzèmes. Le principal associé de celui-ci avait, d'ailleurs, été le sieur Laurent de Chauvigny, l'un des principaux membres de cette nouvelle Compagnie(10).

           Roland Fréjus fut aussitôt envoyé en nouvelle mission à Fez, accompagné d'un autre agent de la Compagnie, le sieur du Pin, pour obtenir du chérif la confirmation des privilèges obtenus en 1666. Mais, en 1670, Muley-er-Rachid, victorieux de tous ses adversaires et reconnu maître de tout le Maroc, avait une toute autre attitude, vis-à-vis des puissances étrangères, que ses prédécesseurs, impuissants et toujours disposés à chercher contre leurs compétiteurs un appui auprès des puissances chrétiennes. Fréjus lui-même le remarqua dès son retour au Maroc.

           " Mon premier voyage en cette Cour, écrivait-il le 2 juin 1671, avait assez bien disposé les choses pour en devoir attendre la paix, si les gens que j'y avais laissés pour le commerce s'y étaient comportés comme ils devaient.... ou que j'y fusse revenu aussitôt.... mais les affaires avant traîné trop longtemps, tout avait échoué et j'avais perdu espérance de les remettre vu la fierté du roi Mule-Arxid, qui, depuis sa dernière victoire de Suse.... est devenu de si difficile accès, qu'il a non seulement refusé de faire réponse à la lettre du roi d'Angleterre, mais même de donner entrée à son ambassadeur, qui avait de riches présents à lui faire... Les lettres de Hollande et du consul d'Espagne n'ont pas eu meilleur succès à cette cour. "

           L'auteur d'une Relation qui résidait au Maroc à la même époque parle aussi de la fierté de ce prince, qui, " entêté de la grandeur où il s'était élevé par la fraude et les trahisons, accompagnées de sa valeur et d'une force de corps extraordinaire, méprisait tous les princes de l'Europe et traitait avec tant de hauteur et si peu de foi avec eux que l'on n'a pu durant sa vie tirer de ses mains aucun des esclaves chrétiens que les corsaires de Salé lui avaient remis entre les mains(11). "

           D'un autre côté, Muley-er-Rachid devait être particulièrement mal disposé envers les Français puisque, trois ans de suite, Colbert venait d'envoyer les vaisseaux du vice-amiral d'Estrées croiser devant le port de Salé pour mettre un terme aux pirateries des corsaires(12).

           Cependant, la renommée grandissante de Louis XIV et de sa marine, l'hostilité du souverain marocain pour les Anglais à cause de Tanger et des secours accordés à son compétiteur R'aïlane, ou simplement les traditions de bons rapports avec la France, continuaient de rendre le chérif plus favorable aux Français qu'à toute autre nation. Le marseillais Prat en donnait une preuve éclatante dans une lettre à Colbert, à propos de quatre vaisseaux saletins que d'Estrées avaient contraint de se jeter à la côte.

           " Les armateurs de Salé, écrivait-il, avaient d'abord fait dessein de se prévaloir de leurs portes sur quatre bâtiments français qui négociaient dans leurs ports et, à ce sujet, ils dépêchaient au roi Muley Arrochy un de ces armateurs ; ce qui étant venu à la connaissance du consul, mon neveu, il ne perdit point de temps d'envoyer un courrier à un de ses amis qui est le tout puissant auprès du roi et lui représenta, par la lettre qu'il lui écrivit, qu'étant établi sur le pays sous la bonne foi du commerce, ce qui n'avait rien de commun avec les corsaires, il ne serait pas raisonnable de faire souffrir les marchands.... Ses raisons furent trouvées si raisonnables que l'envoyé desdits armateurs s'étant présenté au roi.... il leur répondit en leur tournant le dos : qui a peur du loup qu'il n'aille pas au bois ; il ordonna de faire continuer le commerce des Français avec toute liberté.(13). "

           Aussi Fréjus fut-il bien accueilli et c'était un succès complet qu'il annonçait au comte d'Estrées, dans sa lettre du 2 juin 1671:

           " Le mérite de notre invincible monarque et ln lettre que j'ai eu l'honneur de lui présenter de sa part ont été si considérés par ce fier roi de Fez, Maroc, Taffilette et Suz, que je m'en retourne en France avec la réponse qu'il fait à notre monarque, par laquelle il lui témoigne, par les termes les plus obligeants qu'il a pu choisir, qu'il était bien aise d'avoir son amitié et la paix. Que si S. M. lui envoie un ambassadeur, il promet qu'il sera, non seulement reçu avec tout l'honneur et civilité qui se peut souhaiter et lui donnera son palais pour logement, nais de lui envoyer pour le même sujet un de ses amis.... M. Du Pin, qui demeure en ce pays, pour la continuation du commerce que la puissante compagnie du Levant y veut établir et à laquelle le roi Muley Arxid l'a accordé avec joie, vous pourra entretenir de toutes les particularités de mon voyage, s'il petit avoir l'honneur de vous voir aux Albouzèmes ou à Beniboujacob au-dessus de Boutoye où il va demeurer jusqu'à mon retour. Votre prudence, Monseigneur, vous inspirera ce que vous jugerez pouvoir faire en cette rencontre.... les affaires sont en disposition d'être terminées par une ferme et solide paix. Il est à considérer que, s'il arrivait quelque contre-temps, peut-être n'y reviendrait-on jamais.... J'ajoute que la réponse du roi Muley Arxid porte que tout ce qui viendra dans ses États de la part de notre monarque y sera très bien venu.... Vous pouvez juger avec quelle joie je retourne en France avec une telle lettre.(14) "
           Fréjus se hâtait trop de se réjouir ; une imprudence commise par lui et un fâcheux hasard gâtèrent tout. Dans son précédent voyage, il avait eu l'intention de faire construire un fort aux Albouzèmes comme au Bastion, il en avait dressé le plan et avait même communiqué son projet aux officiers de la cour de Fez. Bien que la compagnie du Levant n'eût en vue qu'un simple comptoir de commerce, Fréjus avait emporté son plan dans son second voyage, comptant sans doute s'en servir à l'occasion ; mais celle-ci ne s'était pas présentée quand le plan, égaré par Fréjus, tomba entre les mains d'un renégat qui n'eut rien de plus pressé que de le remettre au chérif. Muley er Rachid, peut-être déjà indisposé contre les Français par la croisière des vaisseaux du roi devant Salé et par la prise de quelques corsaires, fit arrêter aussitôt Fréjus et du Pin, considérés comme des espions envoyés à sa cour(15).

           La Compagnie du Levant ne semble pas avoir pris cet accident au tragique. Elle songea d'abord à faire remettre en liberté ses envoyés et, à la fin de novembre 1671, les directeurs de Marseille se préoccupaient de faire un chargement important de marchandises pour le Maroc : " Nous avons, écrivaient-ils, deux chargements à faire qui sont très considérables et qui nous pressent par le temps, qui sont celui d'Albouzèmes et celui des îles (d'Amérique). Le vaisseau est prêt qui peut à présent porter les deux chargements, puisqu'il y a sûreté au port des Albouzèmes… M. du Pin m'a témoigné que l'affaire est très avantageuse et que la sûreté y est tout entière, pourvu qu'on n'y renvoie pas un esprit comme M. Fréjus, qui ne s'était mis en tête que de faire l'envoyé pour la négociation des deux couronnes, au lieu de s'attacher purement et simplement au commerce(16). "

           Mais, deux mois après, les directeurs de Paris étaient à peu près décidés, tout en parlant d'examiner les mémoires rédigés par du Pin et Fréjus, à renoncer au commerce du Maroc et à rappeler deux commis envoyés à Albouzèmes pour y résider(17).

           L'établissement n'eut donc pas lieu et, quelque temps après, les Espagnols profitant des troubles qui suivirent la mort de Muley er Rachid, en 1672, occupèrent eux-mêmes une des îles de ce golfe : c'est de 1673 que date le préside d'Alhucemas(18). Quant au traité de paix sur lequel comptait Fréjus, les circonstances allaient singulièrement en retarder la conclusion.

          Cependant, en l'absence de traité et malgré les courses des Saletins, les Français continuaient leur commerce ordinaire dans les ports du Maroc. Le nouveau chérif, Muley Ismaël, qui devait porter à son apogée la puissance de la dynastie des Hassani, témoigna aussitôt ses bonnes dispositions au consul français, Antoine Reymond, qui s'était hâté de le faire complimenter, lors de sa proclamation, et lui avait fait demander ses ordres pour avoir l'honneur de l'aller saluer en personne.

           " Reymond, écrivait à Colbert son oncle Prat, suppliait bien fort cette Majesté de considérer qu'il était très nécessaire pour le bien du commerce qu'il fit une ordonnance sur trois chefs, le premier, qu'il donnât l'assurance générale pour tous les bâtiments français qui iront négocier dans son pays étant rencontrés par ses vaisseaux corsaires; le second, qu'il donnât la faculté de pouvoir sortir toutes sortes de marchandises du crû de son pays que feu son frère avait interdites, notamment le cuivre et fonte verte, et le troisième, la faculté du rachat de ses esclaves, ce qu'il lui accorda en réponse par sa lettre et par une ordonnance qu'il fit sur ce sujet, et, pour cet effet, on a commencé d'apporter quelques cuivres par cette barque qui m'est venue(19). "

           Aussi, les Français concevaient de nouvelles espérances. L'un des résidents disait, en comparant le nouveau souverain à son prédécesseur : " Muley Ismaël a une politique bien différente, il souhaite l'agrandissement de ses sujets et celui de leurs fortunes par le commerce, qu'il préfère à la piraterie qu'ils exerçaient par le passé avec bien plus d'attachement qu'ils ne font à présent(20). "

           Une fois maître incontesté du Maroc, après cinq ans de guerres, le chérif voulut expulser les Espagnols, les Portugais et les Anglais des ports qu'ils occupaient sur ses côtes(21). Ainsi, il avait assez d'adversaires à combattre et l'amitié de la France lui parut, comme à ses prédécesseurs, utile à rechercher. Les victoires du grand roi sur tous ses ennemis, la force de sa marine, étaient connues et paraissent avoir exercé un grand prestige sur l'esprit du plus grand souverain du Maroc. Il put d'ailleurs redouter de ressentir lui-même les effets de la puissance de Louis XIV quand, après la paix de Nimègue, Colbert voulut employer les escadres royales à ruiner les Barbaresques en 1880, Château-Renaud vint bloquer le port de Salé, détruire plusieurs de ses corsaires et interrompre son commerce.

           Ce chef d'escadre était en même temps chargé de négocier une paix qui mit un terme à la piraterie et donnât au commerce toute sécurité. De Salé, il envoya un officier à Alcassar, mais le Sultan était alors en campagne ; l'alcalde Omar, " lieutenant-général du royaume de Fez ", était grand ennemi des Français. " C'était un homme fort contraire à la liberté du commerce... parce qu'il était lui-même un grand marchand, achetant à bon marché les marchandises étrangères et vendant chèrement celles du pays ". Château-Renaud ne put que signer une trêve, rétablir comme consul Pierre Gautier, représentant du Marseillais Prat, chassé peu auparavant par l'alcaïde Omar et faire décider l'envoi d'un ambassadeur marocain en France(22).

           Muley Ismaël, au retour de son expédition, témoigna un vif mécontentement de ce que la paix n'eût pas été conclue(23). Peu après, il écrivit à Louis XIV, en 1681, pour lui annoncer l'envoi de son ambassadeur, s'il voulait expédier une frégate pour le prendre à Tétouan. Château-Renaud fut renvoyé avec son escadre, au printemps de 1681, pour croiser contre les Saletins et renouer la négociation. L'un de ses capitaines, Lefèvre de la Barre, fut détaché par lui pour la conduire ; il réussit à faire, avec l'alcaïde Omar, un projet de traité et à signer une trêve d'un an qui permit le départ de l'ambassadeur marocain pour la France. Celui-ci, nommé Hadji-Ali ou Mehemed Tumin, vint, en effet, à Paris, signa un traité de paix pour six ans, le 29 janvier 1682, et revint de Toulon à Salé sur un autre vaisseau de guerre français, très content de son voyage et des honneurs qu'il avait reçus(24). Muley Ismaël, de son côté, se montrait très satisfait de l'heureux succès de la négociation. " Le roi, mon maître, écrivait l'envoyé marocain, a été interdit quand je lui ni fait le récit des puissances de S. M. très chrétienne; il a accordé tous les articles de paix que j'ai apportés de France, il souhaite une bonne, ferme et durable paix qui sera le tout fait comme S. M. très chrétienne souhaitera(25). "
           Quelque temps après, partait de Toulon le baron de Saint-Amand, capitaine de vaisseau, comme ambassadeur du roi, chargé d'aller conclure définitivement la paix(26), Saint-Amand, qui avait accompagné Duquesne dans son expédition de Chio contre les Tripolitains et avait été chargé ensuite d'une mission à Constantinople, était complètement ignorant des affaires du Maroc et ne le cachait pas dans ses lettres à Colbert, où il ne cessait de solliciter des conseils et des lumières.

           Il fut chargé de demander une série de modifications au traité, en faveur du commerce. Une des principales était d'obtenir " que les bâtiments français ne pussent être visités et que les marchandises, que les étrangers y auraient embarquées, ne pussent être de bonne prise " ; les marchands espéraient ainsi " fréter plus avantageusement les bâtiments, par la sûreté que les étrangers trouveraient sous le pavillon de France. " Cette clause avait toujours fait l'objet de vives contestations dans les négociations à Alger et à Tunis. Les Marseillais voulaient aussi faire demander que les biens des Français, qui renieraient leur religion, fussent séquestrés entre les mains du consul, mais ils n'espéraient pas l'obtenir et Colbert, tout en prescrivant à l'ambassadeur de solliciter cet article avec instance, n'en faisait pas une condition expresse du traité(27).

           Saint-Amand partit, le 12 juillet, avec une suite restreinte par Colbert, qui se préoccupait d'éviter une trop grande dépense. " L'ambassadeur de Maroc est venu ici lui dixième, écrivait le ministre, et S. M. vous donnant huit officiers de marine, qui auront chacun leur valet, avec les domestiques que vous pourrez amener de votre part, cela pourra faire environ vingt-cinq personnes qui suffisent, et au-delà, pour cette ambassade(28). " Celle-ci emportait les présents du roi pour le chérif ; les marchands de Marseille avaient donné des conseils pour leur composition et fait changer des montres pour du drap écarlate. Mais Colbert avait répondu à leur proposition de porter aussi des présents aux principaux officiers, que " c'était à eux à faire cette dépense, s'ils l'estimaient nécessaire pour le bien de leur commerce. "
           Le ministre espérait qu'on pourrait faire une paix perpétuelle; en tout cas, l'ambassadeur avait pour instruction de n'en pas signer une pour moins de vingt ans.

           On annonçait que les Marocains attendaient avec impatience notre ambassadeur et se préparaient à le recevoir avec magnificence. On se félicitait de la mort de l'alcaïde Omar, notre ennemi. En effet Saint-Amand, qui fut obligé d'aller jusqu'au camp de Muley Ismaël, à une vingtaine de journées de Salé, fut reçu partout avec toutes sortes d'honneurs. Mais il échoua en grande partie dans sa mission : la paix fut confirmée, le 13 décembre 1682, mais les additions demandées au traité, par les Marseillais, parurent inacceptables et l'entente ne put être faite pour l'échange des esclaves.

           Saint-Amand avait écrit lui-même que le " traité étant réciproque pour les sujets des deux empires " il pensait que le roi de Maroc proposerait cet échange, et, " s'il n'avait pas pouvoir de traiter cela, il craignait bien que cela ne rompit toute la négociation ". En effet, le chérif tenait beaucoup à retirer de l'esclavage tous ses sujets qui étaient sur les galères du roi et il offrit de chacun d'eux un chrétien et 300 livres. Malheureusement, Colbert tenait trop à conserver intactes les chiourmes de ses galères qu'il avait tant de peine à recruter(29). Cette question des esclaves devait faire échouer toutes les négociations ultérieures. Peut-être, aussi, Muley Ismaël était-il devenu plus fier et moins accommodant, à la suite de ses récents succès sur les Algériens, qu'il venait de chasser de ses états. D'un autre côté, il voyait les plus puissantes nations maritimes se disputer son amitié et le commerce du Maroc. Les Anglais et les Hollandais avaient engagé des négociations en même temps que les Français. Muley Ismaël était assez fin politique pour songer à tirer parti de ces rivalités. Un envoyé marocain était venu à Londres, en 1682, et avait signé à Whitehall un projet de traité ; déjà on considérait comme faite la paix perpétuelle, mais le lieutenant Nicholson, que Charles II chargea de porter ses lettres au chérif et d'achever la négociation, ne put parvenir à lui faire signer un traité définitif, en 1683. Les Hollandais n'eurent pas plus de succès ; à la fin de 1682, ils avaient donné pouvoir à deux juifs de négocier, ils avaient cru toucher aussi au but, mais avaient fini par échouer en 1684(30).

           Cependant, tout en évitant de s'engager avec les Anglais et les Hollandais, Muley Ismaél s'était bien gardé de rompre complètement les négociations. Il avait su surexciter les rivalités des trois puissances ; en paix avec la France momentanément, il évitait pour ses ports les attaques des deux autres marines et il conservait, pour les Saletins et pour lui-même, les bénéfices de la course. En quelques mois de l'année 1682, les Saletins avaient pris aux Anglais plus de trente bâtiments.

           En envoyant l'ambassade de 1682, Colbert avait songé à organiser définitivement les consulats du Maroc. Saint-Amand était d'avis d'en créer deux, l'un à Salé, l'autre à Tétouan, et, avant de se retirer, il avait provisoirement confié la charge de consul dans cette ville au sieur Boyer, marchand originaire de Cassis, qui y résidait. Il n'avait pas voulu pourvoir au consulat de Salé, parce qu'il y avait plusieurs prétendants, et Colbert s'était réservé de prendre une décision. Le ministre ne tint aucun compte des réclamations du marseillais Prat, propriétaire de la charge, qui ne cessait de solliciter pour être maintenu en possession de ses droits et demandait des provisions en faveur de son neveu Raymond. Depuis longtemps Colbert était préoccupé de réorganiser nos consulats ; il était plein de méfiance vis-à-vis des anciens propriétaires et cherchait à en faire des charges à la nomination du roi.

           D'un autre côté, il avait été circonvenu par son homme de confiance, Bellinzani, personnage peu scrupuleux. Celui-ci, l'âme de la compagnie du Levant, songeait à reprendre, en 1682, les projets de 1670 : une compagnie, la sienne sans doute, proposait de faire des établissements au Maroc et demandait pour cela a la direction du consulat. "

           Il n'est pas juste, écrivait Prat à Colbert, que je sois . privé d'une charge pour une compagnie qui ne continuera pas un an ce commerce et qui ne saurait réussir en aucune façon. Depuis le temps que nous avons maison audit pays, j'ai vu établir plus de dix compagnies qui, au lieu qu'elles aient reçu du profit, elles ont perdu presque tout leur capital. Cela est si bien vrai, monseigneur, que, s'il y avait quelque profit à faire, il ne manquerait pas de marchands en cette ville qu'ils eussent fait des envois considérables. Ce n'est pas qu'on n'y négocie, nais c'est par occasion, lorsqu'on a quelque avis et les chargements qu'on y envoie ne sauraient monter plus de 12 à 14.000 livres que parfois on a peine de vendre, à cause, du peu de marchandises qui se trouvent sur le crû du pays. "

           L'échec de la mission de Saint-Amand empêcha la Compagnie du Levant de poursuivre ses projets, mais Colbert, laissant de côté tous les marchands provençaux qui sollicitaient des consulats au Maroc, nomma un des familiers de sa maison, le sieur Périllié, consul de Salé et de Tétouan. En 1684, Seignelay ayant fait de tous les consulats du Levant et de Barbarie une ferme générale, qu'il adjugea à la Compagnie de la Méditerranée, Tétouan fut compris dans cette ferme et le Marseillais Estelle reçut des provisions du consul de celte ville.
           Dès lors il y eut au Maroc deux consuls français.

           Depuis le traité de 1682, les deux cours avaient échangé à diverses reprises des protestations pacifiques. Le 15 juillet 1683, Louis XIV, répondant à la lettre du roi de Maroc que Saint Amand lui avait remise, lui assurait qu'il ferait exécuter " le traité de paix conclu avec son ambassadeur. " L'alcaïde Ali répondit, au nom de son souverain, qu'il faisait observer la paix à tous les corsaires et fit voir au consul Boyer une lettre de Muley Ismaël, qui lui ordonnait de prendre soin de tout ce qui regardait la continuation d'une bonne paix. Périllié fut très-bien accueilli par Muley Ismaël quand il l'alla visiter à Méquinea, en 1684, et lui faire son présent.

           " Le roi, écrivait-il à Seignelay, demanda si S. M. voulait entretenir la paix avec lui et que lui l'entretiendrait et me parla aussi de ses sujets qui sont esclaves sur les galères... pour lesquels il a les oreilles battues tous les jours de leurs pères et parents de cette ville... Les gens de cette ville (Salé) sont étonnés de l'amitié que le roi témoigne aux Français jusqu'à présent à l'exclusion des autres nations qui lui portent poudre et toutes autres munitions et armes. Ça ne peut être autrement que sous un ministre aussi vigilant que vous êtes Monseigneur, à tenir la marine en bon état. "

           En effet, les exploits de notre marine ne devaient pas être étrangers à ces manifestations d'amitié. Grâce aux rivalités des puissances chrétiennes, tous les Barbaresques étaient tenus minutieusement et rapidement au fait de tout ce qui se passait en Europe. Les bombardements d'Alger, en 1682-1683, celui de Gênes, la paix imposée à tous les Barbaresques, en 1684 et en 1685, ne pouvaient manquer de produire une impression salutaire.

           D'ailleurs, les négociations n'avaient pas été interrompues entre les deux cours depuis le retour en France de M. de Saint-Amand, au sujet du rachat des esclaves. Muley Ismaël s'était hâté d'envoyer sa réponse à la lettre du roi, du 15 juillet 1683 ; il renouvelait sa demande d'échanger chacun de ses sujets esclaves sur les galères contre un chrétien et 300 livres.

           Peu après, poussé par l'alcaïde Ali ben Abdalla, gouverneur de Tétouan, alcaïde général de tous les ports, très favorable aux Français, le chérif renvoyait en ambassade en France, en 1685, le même Hadji Tumin qui y était venu, en 1682, " afin d'affermir pour longues années l'amitié entre les deux empereurs. "

           L'objet officiel de sa mission était de réclamer un petit bâtiment anglais pris à un corsaire marocain par l'armée navale de France, mais l'envoyé devait sonder les dispositions de la Cour au sujet des esclaves. Seignelay, qui rêvait alors la destruction des corsaires barbaresques et poussait Louis XIV aux expéditions navales, n'était guère disposé à faire des concessions.

           " A l'égard de la restitution des esclaves, écrivait-il à l'intendant de la marine, de Vauvré, il est inutile d'en traiter avec cet envoyé qui ne parait avoir aucun pouvoir légitime sur cela... Comme, par l'article 7 du traité du 29 janvier 1682, il est dit qu'ils seront rendus réciproquement en payant 100 écus, S. M. prendra pour une manifeste contravention au traité, si le roi de Maroc ne donne ordre que les Français qui iront pour le rachat desdits esclaves ne puissent les retirer moyennant la somme de 100 écus, aux offres que fait S. M., lorsqu'il viendra des gens de la part du roi de Maroc, pour racheter les esclaves qui sont sur les galères, de les faire restituer moyennant la même somme. "

           Cette combinaison convenait beaucoup mieux au gouvernement de Louis XIV qu'aux Marocains, car il y avait beaucoup plus de Français captifs au Maroc que de Maures en France et, comme l'écrivait de Vauvré, " si on pouvait racheter les esclaves de part et d'autre à un prix réglé, ils en retireraient peu des leurs et on pourrait en racheter beaucoup. " A la réclamation apportée par Hadji Tumin, Seignelay en opposa d'autres plus nombreuses et répondit par des menaces.

           " Il doit être informé, disait-il à Vauvré, que S. M. a fait armer une escadre considérable, commandée par M. de Preuilly, qui doit se présenter devant Tetouan ou Salé et faire remettre sa lettre au roi de Maroc, en expliquant fortement les intentions de S. M. sur la réparation des contraventions que les Maures ont faites audit traité de paix et, en cas qu'il n'en puisse avoir satisfaction, de commencer la guerre par la prise de quelque bâtiment considérable. "

           Hadji Tumin, après avoir vu contester sa qualité d'ambassadeur, ne put aller à la Cour et dut s'en retourner sans avoir dépassé Toulon(31). Le marquis de Preuilly, à son tour, n'avança rien. L'alcaïde Ali, auquel il remit à Tanger la lettre du roi pour Muley Ismaël, parut bien disposé à maintenir la paix. Mais le chérif était loin, à la tête de son armée, sa réponse n'arriva pas avant la fin de la croisière de Preuilly. Au printemps de 1686, le maréchal d'Estrées reçut l'ordre de dépêcher une frégate pour demander de nouveau réparation de toutes les violations faites à la paix. Si la réponse du roi de Maroc n'arrivait pas, il devait, dès qu'il en aurait fini avec les autres Barbaresques, " passer à Tanger avec toute l'armée navale, pour obliger, par la crainte, à donner satisfaction et confirmer même par un nouveau traité, s'il avait occasion de le faire, ce qui avait été réglé par celui du 29 janvier 1682(32). "

           Au mois de juin, d'Estrées croisa en effet dans les parages du cap Spartel ; les vents l'ayant porté, malgré lui, à la rade de Tanger, il eut plusieurs conférences avec l'alcaïde qui témoigna toujours la même bonne volonté. Le duc de Mortemart, général des galères, qui resta à croiser pendant l'automne, croyait peu à l'efficacité des représailles(33). La mauvaise saison approchant, il envoya à Tanger, en novembre, le capitaine de vaisseau du Chalard auprès de l'alcaïde Ali, qu'il trouva disposé à donner satisfaction. Le consul de Tétouan, Estelle, avait fait en même temps le voyage de Tanger ; tout en se plaignant du a peu de foi de ces gens ci qui vous promettent tout et ne concluent jamais rien ", il croyait aux assurances de l'alcaïde et de tous les Maures qui affirmaient que l'envoi d'une personne ou deux de la part du roi terminerait tout, car l'empereur du Maroc a était bien aise d'avoir une étroite amitié avec la France(34). " Au printemps de 1687, l'alcaïde envoya de lui-même en France le fils du consul
           Estelle, porteur de deux lettres, pour le roi et Seygnelay, où il affirmait de nouveau l'envie qu'il avait de maintenir la paix.(34a)

           Mais Seignelay crut qu'il valait mieux aller plus loin dans la voie de l'intimidation. Tout semblait annoncer une rupture définitive pour l'été de 1687. Le duc de Mortemart, à la tête d'une escadre, reçut l'ordre d'aller à Cadix et d'envoyer un vaisseau exiger de l'alcaïde Ali, dans un délai très court, une réponse péremptoire au sujet de la réparation des torts faits aux Français depuis le dernier traité. Au cas où la réponse ne serait pas satisfaisante, le roi faisait préparer à Brest une escadre de vaisseaux légers pour faire la guerre aux corsaires marocains et, en attendant, Mortemart commencerait par leur donner la chasse. Sommé de donner une réponse avant quinze jours, l'alcaïde demanda un délai plus long, pour informer son maître, et parut ne vouloir que gagner du temps. Mortemart alla se montrer avec toute son escadre devant les ports du Maroc, depuis Tanger jusqu'à Salé. Le bruit se répandit alors que le roi voulait s'emparer de Tanger et, en effet, le duc avait fait reconnaître la baie et la place par un de ses officiers.

           Pendant l'automne, Château Renaud, détaché de Brest avec cinq vaisseaux, alla croiser dans les parages du cap Saint-Vincent, au sud du Portugal, sans rien rencontrer. Enfin, Tourville et d'Estrées, remplaçant Mortemart à Cadix, vinrent inutilement, au mois de novembre, chercher Ben Aycha, l'amiral de Muley Ismaël, au large du même cap. En même temps, pour frapper le chérif et ses alcaïdes dans leurs revenus, défense avait été faite, le 24 juillet, à tous les maîtres et propriétaires de bâtiments de ne faire aucun commerce dans les ports de la domination du roi de Maroc. On avait même proposé au roi de faire sortir tous les Français du Maroc, mais cette mesure parut inopportune et dangereuse(35).

           A la fin de 1687, les démonstrations navales et les menaces restaient sans résultat. Cependant, en 1688, la Cour avait bien d'autres préoccupations que les affaires du Maroc ; une nouvelle guerre allait éclater en Europe, il fallait en finir. Le consul Périllié, qui s'était rendu à Méquinez en janvier, écrivait que Muley Ismaël était disposé à un accommodement. Château Renaud fut envoyé pour renouveler le traité du 29 janvier 1682, à la réserve de l'article 7, relatif au rachat des esclaves, qu'il devait faire modifier suivant ses instructions. En signe de conciliation, la défense de commerce avec le Maroc fut levée le 25 octobre.
           Mais la question de l'échange des esclaves fut encore l'obstacle insurmontable. Elle fit échouer la mission du chevalier Desaugé ou Desaugiers que Château Renaud envoya à Méquinez accompagné de Périllié, en décembre 1688(36).

           Il semble que les deux souverains furent guidés dans cette interminable négociation par un faux point d'honneur qui les engagea à se faire successivement, au sujet des esclaves, des propositions contradictoires(37). Ils avaient aussi chacun cette arrière-pensée de racheter tous leurs sujets esclaves, mais de ne rendre qu'un petit nombre des captifs qu'ils possédaient. " Il y a eu tant de malentendu dans ce qui s'est passé jusqu'à présent pour traiter cette paix avec Maroc, écrivait-on, en 1689, de la part du ministre à Périllié, qu'on peut dire qu'elle n'a été retardée que faute de se bien entendre et que par les entraves que des ministres du roi de Maroc, intéressés ou mal intentionnés, et des esprits brouillons y ont apportées, comme vous pouvez penser du moine trinitaire. "

           En outre, Desaugé était venu trop tard, dans un moment défavorable, quand la France et les puissances maritimes étaient engagées de nouveau dans une grande guerre(38). Périllié fut chargé de négocier une trêve a afin de faire cesser tous actes d'hostilités, en attendant qu'on pût travailler pour faire une paix solide. Mais Muley lsmaël montrait, de plus en plus, du mauvais vouloir; il faisait arrêter à Tétouan, quelques mois après, J.-B. Estelle, nouveau consul de Salé, fils du consul de cette ville, parce qu'on avait fait entendre à l'alcaïde qu'il y était resté pour servir d'espion(39).

           En 1690, les succès de plus en plus marqués des armées françaises semblent avoir décidé Muley Ismaël à de nouvelles ouvertures. J.-B. Estelle fut envoyé par lui, en France, porteur d'une lettre pour le roi et revint à Méquinez à la fin de 1690, avec une lettre de Louis XIV. Il avait aussi pouvoir de conférer au sujet du rétablissement de la paix. Il reçut bon accueil, mais l'alcaïde Ali-ben-Abdalla affecta de ne pas vouloir négocier avec un homme dont la condition était celle de marchand, " n'étant du nombre des seigneurs de l'État, ni des officiers distingués de la Cour ". " S. M. désire, écrivait-il au roi le 1er décembre 1691, que V. M. lui envoie quelqu'un de sa part des principaux officiers de sa Cour qui, étant arrivé avec l'aide de Dieu au trône de notre roi, nous y trouvera médiateur de ses affaires jusqu'à leur entière conclusion, s'il plaît à Dieu ; ou bien, si vous aimez mieux que quelqu'un des principaux officiers de la Cour se transporte en votre pays, elle n'a qu'à vous envoyer un navire pour le transporter et il partira à la grâce de Dieu. " Estelle rapporta à Marseille, avec cette lettre de l'alcaïde, une nouvelle lettre de Muley Ismaël au roi. Heureux du succès de son voyage, il retourna à Méquinez, dans l'été de 1692, avec la réponse de Louis XIV. Ses assurances avaient fait croire à la possibilité d'une négociation définitive et décider l'envoi comme ambassadeur, au début de 1693, de Pidou de Saint-Olon, gentilhomme ordinaire de la maison du roi. Mais, quand Saint-Olon arriva, les circonstances avaient de nouveau changé, le désastre de la Hougue avait fait grand bruit et le chérif n'était plus aussi désireux de faire la paix(40). La rivalité des Anglais et des Français était devenue de plus en plus vive : Estelle avait gagné un juif très en faveur à la Cour ; les Anglais étaient appuyés par Benache (Ben Aycha), général des vaisseaux de Muley Ismaël.

           La négociation de Saint-Olon échoua comme les précédentes. Muley Ismaël renia la lettre qu'il avait écrite à Louis XIV et déclara qu'il n'avait envoyé Estelle en France que pour lui acheter " quelques corps de cuirasses ". L'ambassadeur revint fort dépité. " Je ne sais, écrivait-il à Pontchartrain, de Tétouan, en quels termes vous exprimer ma surprise et mon indignation contre la perfidie des procédés que vous verrez et que vous aurez peine à croire. Mais j'ose espérer de votre justice qu'elle se rendra tout entière à mon zèle(41) ". En réalité, la question des esclaves avait tout arrêté, bien que Louis XIV n'eût fait que proposer de nouveau l'article inséré à ce sujet dans le traité du 20 janvier 1682(42). Muley Ismaël avait en outre été déçu dans son espoir d'obtenir l'alliance du roi contre les Espagnols, pour prendre Ceuta et son désappointement avait été certainement l'une des principales causes de son changement d'attitude.

           Ainsi, tandis que, vers 1690, Louis XIV était parvenu à établir solidement la paix avec tous les autres barbaresques, il n'avait pu maintenir et renouveler celle qu'il avait signée avec le Maroc en 1881. Les corsaires de Salé et de Tétouan et les vaisseaux, armés par le chérif lui-même, continuèrent donc leurs courses contre les Français jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Heureusement ils n'étaient pas bien dangereux. Benache, amiral de Muley Ismaël, ne commandait, en 1698, que six misérables bâtiments, sans compter celui qu'il possédait. " Les particuliers de Salé qui avaient eu toujours dix à douze vaisseaux n'en avaient plus parce que, quand ils venaient avec des prises, le roi de Maroc avait toujours quelque prétexte pour s'en rendre le maître(43). " Ceux de Tétouan étaient aussi peu nombreux et mal armés. Ces corsaires étaient surtout à redouter pour les petits bâtiments français qui allaient à Lisbonne, aux Açores, à Madère. Cependant ils inquiétaient et gênaient aussi la navigation avec les lies d'Amérique ou avec le Sénégal et la côte de Guinée.

           

(1) V. ci-dessus, p. 61, note 2. Elle dura jusqu'après 1870. Avec Moulai Ahmed et Abbas, fils de Mohammed Cheikh, s'était éteinte obscurément à Maroc la dynastie des chérifs saadiens complètement dégénérée (1659). La mime année, mourait Moulaï chérif, marabout, maître de Tafilala, dont les fils allaient fonder une nouvelle et puissante dynastie, celle des chérifs Hassani. L'un de ces fils, er Rachid, se créa des partisans dans le nord du Maroc, défi t son aîné, s'empara de Tafilala (1663), revint vers le nord et prit Taza (1666), puis Fez (1667), chassa le chef R'aïlane, maure andalou puissant au nord-ouest, et, soutenu par les Anglais de Tanger, détruisit la puissance des marabouts de Dela, prit Maroc (1668) ; enfin, reçut la soumission du Sous. Il mourut en 1672, d'un accident de cheval, maître de tout le Maroc. Cependant, il fallut cinq années de luttes à son frère, le fameux Moulaï Ismail, pour faire reconnaître son autorité. Voir Mercier. T. III, passim.
(2) V. ci-dessus, p. 82, note 2. - Henri Prat fut nommé pour remplacer son père comme consul de Salé et Tétouan, le 20 octobre 1648. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 71.
(3) Lettre de Prat, datée de Marseille. 24 janvier 1682. Aff. étrang. Maroc, 15771693. D'après cette lettre, l'un des neveux de Prat, Antoine Reymond, avait exercé le consulat plus de dix ans, antérieurement à 1680. Mouette, esclave à Fez en 1673, parle des secours que Reymond envoyait de Salé aux esclaves (p. 37). Quelques pages plus haut (p. 34), Mouette cite le sieur Parasol, " lors consul de notre nation à Salé " (1672 ou 1673). Serait-ce l'autre neveu de Prat, ou bien ce Parasol suppléait-il momentanément le consul Reymond ?
(4) Relation de ce qui s'est passé au royaume de Maroc depuis l'année 1635 jusqu'au mois de juillet 1637 faite à S. M. et à son Éminence par Jean Marges... Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 63-69. - Mémoire sur le commerce de Mauritanie envoyé par le sieur Prat, consul de la nation française à Tétouan, 8 juin 1669. Ibid. fol. 72-82. - En 1650, les Provinces Unie firent avec les rois de Maroc et de Fez un traité de paix et d'alliance, confirmé par Ruyter en 1657 et renouvelé par trois ambassadeurs envoyés en Hollande en 1659. Petis de la Croix. Relation univ. t. I. p. 470-76.
(5)Le mémoire datant de 1667, ce second essai de consulat remontait à 1655 ou 1657.
(6) Bibl. nat. Mss. fr. 18 "93, p. 98-102. - L'inventaire de Laffilard signale deux pièces concernant les consulats du Maroc à cette époque : Liste des consuls, vice-consuls et chanceliers du consulat de France dans les États du roi de Maroc, 20 octobre 1648 ; arrêt du Conseil sur les droits du consulat de France à Tétouan et à Salé, 23 mai 1664. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I.
(7) Arch. colon. carton Compagnie de commerce n° 16 et Aff. étrang. Mém. Et doc. Afrique. t. V. fol. 32-35. Là se trouvent les statuts vie la Compagnie Fréjus, publiés par M. Boutin, p. 486-92. - Cf. Aff. Étrang. Mém. et doc. Maroc, t. III, fol. 16-20. - Arch. nat. marine. B7. 49 : Provisions de consul de la nation française en la ville d'Albouzème en faveur de Roland Fréjus, 19 novembre 1664 (p. 228-27 et deux autres pièces. p. suivante). État et ordres que MM. les intéressés en la Compagnie d'Albouzème donnent à MM. M et R. Fréjui pour exécuter conjointement avec 11.11 de Moirons et de Chauvigny, directeurs à Marseille, conformément aux articles de Société. 20 mars 16t65 p. 241-46 .
(8) Cette Compagnie comprenait Guillaume Petit, marchand anglais établi à Cadix (Calis) et les frères Joly de Rouen (? Fréjus écrit Reuhen). L'un des Joly était venu, en janvier 1666 à Albouzème avec deux petits bâtiments, dont un hollandais. Il avait laissé comme agent le sieur Desarves de Bayonne (Roland Fréjus Relation, p. 8-9), M. Boutin (p. 483-84) s'est trompé en plaçant en 1664 la tentative de cette compagnie et en faisant de Petit un marchand français de Calais.
(9) Fez reconnut presque aussitôt son autorité ; Galland la lui abandonna le 14 juin 1666, d'après la relation de Fréjus. Mercier place cette prise de Fez en 1667.
(10) Voir peur tout cela la relation du voyage de Roland Fréjus. - Arch. nat. marine, B7, 489. fol. 367-68 : Arrêt du Conseil du 1er juillet 1670. - Aff. étrang. Mém. Et doc. Maroc. t. Ier : Arrêt qui lève la saisie des effets des sieurs Fréjus et Cie, à cause de leur banqueroute.
(11) Relation curieuse des États du roy de Fez.... Paris, 1682, p. 2.
(12) En 1669. 1670, 1671. V. Lettres de Colbert, t. III, 1ère partie, nos 180, 214, 220, 252. - D'Arvieux. Mémoires, t. VI, p. 191. - Lettre de Prat du 10 octobre 1671. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. - L'inventaire de Laffilard signale trois pièces relatives à la campagne de d'Estrées en 1671. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I.
(13) Lettre du 10 octobre 1671. - Peu après, un arrêt du Conseil du 23 mars 1672 privait Prat des droits du consulat de Tétouan, dont il était propriétaire, faute de résidence. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I. Cet arrêt qui avait pour but de forcer le consul à aller gérer en personne son consulat ne fut pas mieux exécuté que les arrêts analogues concernant les consuls du Levant. (V. mon Hist. du Comm. Du Levant).
(14) Aff. étrang. Maroc 1577-1693. - Cf. Lettre des directeurs de la Compagnie du Levant à Marseille aux directeurs de Paris, du 9 juin 1671: " Vous trouverez ci-joint une copie de la lettre que nous avons reçue de Fez de MM. Fréjus et du Pin qui nous confirment la bonne disposition de leurs affaires en ce pays-là. Arch. nat. marine, B7 IV, 208.
(15) Voici la curieuse lettre dans laquelle le consul Prat annonçait cet incident à Colbert, avec son style et son orthographe de provençal peu familier avec le français :
" L'entrepaneur deu dessain dalbouzeme apellé le sieur Rolland freieux par son maleur ou par son inprudance a se quon ma reportté il lessa tumbé en tirant som mouchoir de sa poche le plan quil avait portté pour faire un fort sur une des illes dudict algoseme lequel ayant estté remassé par un renie français feut a la bord le portté au roy que a l'insttant fut arestter ledit freieux et hordonna de fere fabricquer ledict fort pour luy meme auquel hom y travaille puisement. Il lia de gans quils croint que ledit freieux se voyant hors desperance de pouvoir hobtenir du roy arechy se quil avait promis a sa compagnie et ayant très mal faict ses afferes il naye luy mesme donné le plan : je suspand en cella mon leugement crainette de ne le fere temerement. " 10 octobre 1671. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. - Cf. lettres des directeurs de la Compagnie à Marseille aux directeurs de Paris, 3, 13, 17 octobre 1671. Arch. nat. marine. B7, 208.
(16) Lettre du directeur Paparel, du 17 novembre. Arch. nat. marine. B7, 208.
(17) Lettre du 22 décembre 1671. Ibid. - Ce dossier (B7, 208) contient un Journal des lettres écrites de Marseille à Paris par la compagnie des marchands (Compagnie du Levant) depuis janv. 1671 jusqu'au 19 septembre 1673. - Il n'est plus question d'Albouzème, ni du Maroc, dans cette correspondance, après la lettre du 22 décembre 1671.
(18) La Primaudaie, d'après je ne sais quelle source, attribue aux intrigues espagnoles l'échec des Français. " L'affaire fut ébruitée trop tôt, dit-il, et les Espagnols intriguèrent si bien que l'autorisation accordée aux marchands français leur fut retirée ". Les villes maritimes du Maroc. Rev. afric. 1872. p.117.
(19) 24 mai 1672. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. Dans cette même lettre, Prat. Apprend que les Saletins avaient alors 12 vaisseaux de 8 à 20 canons, qui avaient pris cette année 9 vaisseaux, dont 3 de Nantes et de la Rochelle qui allaient aux îles d'Afrique : les autres étaient anglais ou hollandais
(20) Relation curieuse des états du roy de Fez... 1682. p. 2. - Mouette fait un curieux portrait de Muley Ismaël, en 1681 : Mouley Ismaël ou Semein el Heusenin, roi de Fez de Maroc et de Tafilet, est âgé de 37 ans, assez haut, mais de taille fort déliée, quoiqu'il paraisse assez gros à cause de ses habits. Son visage qui est d'un châtain clair est un peu long et les traits en sont assez bien faits; Il porte une longue barbe qui est un peu fourchue; son regard qui parait assez doux n'est pas un Indice de son humanité ; au contraire, il est fort cruel et jusqu'à un tel excès que ses sujets disent qu'ils n'ont jamais eu aucun prince qui l'ait égalé, outre qu'il est l'un des plus avares princes qui aient jamais été, prenant lui-même le soin des fers et des clous à cheval, des épiceries, drogues, beurre, miel et des autres bagatelles qui sont dans ses magasins, ce qui convient mieux à un épicier qu'à un grand prince comme lui. Du reste, il entend fort bien la guerre, il est fort vaillant de sa personne, marche toujours à la tête de ses troupes… ", p. 150-151. - On peut rapprocher de ce portrait celui que traçait le consul Estelle en 1699 : " Ce prince est avare et cruel plus qu'on ne saurait dire. Cette avidité pour avoir de l'argent, pour l'enterrer sordidement et l'ôter pour toujours du commerce des hommes, lui fait commettre des cruautés inouïes, car, dès qu'il sait que quelqu'un a de l'argent, il n'est point en repos qu'il n'en soit le maître... les faisant mourir le plus souvent par lui-même sans avoir besoin du bourreau quand Ils sont geais qui ont rang dans ses royaumes et qui vivent sans reproche. " Mémoire de J.-B. Estelle, consul à Salé, janv. 1699. Arch. nat. marine, B7, 220. V. Plantet. Mouley Ismaël..., p. 339-44.
(21) En 1681, il reprit la Mamore aux Espagnols ; en 1687, il les assiégea dans Larache et les en chassa en 1689 ; en 1684, lassés par de longues années d'attaques Incessantes, les Anglais lui abandonnèrent Tanger.
(22) Lettres de Prat du 24 janv. 1682 et de Saint-Amand, 26 juin 16822. Aff. Etrang Maroc, 1577-1693. - L'inventaire de Laffilard renferme diverses pièces relatives à la mission de Château-Renaud en 1680 : Lettre de M. de Château-Regnault, détaillant la négociation qu il a entamée avec le vice-roi de Maroc à Alcassar, qui est un homme sans foi et sans parole aussi bien que le roi, son maître. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I.
(23) Lettre d'esclaves à Louis XIV : du château de Miquenez, 4 novembre 1680 : " Le roi, notre maître, a témoigné au retour de sa campagne bien du regret de quoi son vice-roi des côtes de la mer n'avait pas conclu la paix que le sieur de Château-Regnaud était venu traiter avec lui, ce qui lui a pensé coûter la vie et témoigne toujours ce désir et nous en parle souvent.
(24) V. le texte du traité. Arch. nat. marine. B7, 223.p. 349-34 (sic). - Ce texte a été publié par Rouard de Card, p. 200-204, d'après Du Mont. Corps diplomatique. - Sur cette ambassade, voir AIT. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 98-123, et t. Ier, (Inventaire de Laffilard). - L'interprète du roi. Petis de la Croix, donne d'intéressants détails sur l'envoyé marocain, le premier, dit-il, qui soit jamais sorti de Maroc pour aller parler de paix dans aucune cour ". Relation univ. de l'Afrique, t. Ier, p. 430-431.
(25) De Tetouan, 6 mai 1682. Aff. étrang., Maroc. 1577-1693.
(26) Les instructions remises à Saint-Amand, le 8 juin 1682, précisaient ainsi l'objet de sa mission : " Le traité fût conclu pour six ans... C'est principalement pour la confirmation de ce traité et pour obliger le roi de Maroc à le faire pour toujours, que S. M. a bien voulu lui envoyer un ambassadeur. " Arch. nat. marine B7, 210. Cf. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. III, fol. 44-46. Saint-Amand devait offrir personnellement " les présents de fusils, étoffes, horloges et tapis de la Savonnerie qui étaient envoyés, S. M. ne voulant pas que ces présents fussent faits en son nom. "
(27) Lettres de Saint-Amand du 26 juin, 3 juillet ; de Colbert du 6 juillet 1682, Aff. étr. Maroc 1577-1693.
(28) 23 juillet. - Lettre de Saint-Amand du 12 juillet : " Je mène six laquais habillés d'écarlate et les officiers en ont huit vêtus de même avec des boutons d'orfèvrerie, un chirurgien, un aumônier. M. de la Croix (interprète), mon maître d'hôtel, mon cuisinier, un officier, un boulanger et quelques garçons. Tous les huit officiers se sont habillés fort proprement. " - De Garsault, un des écuyers de la grande écurie, parlait avec Saint-Amand pour acheter des chevaux. Lettre du 22 juillet.
(29) On avait pris soin, quelques mois auparavant, que l'ambassadeur marocain ne pût voir les galères et s'aboucher avec les esclaves originaires du Maroc, pour savoir combien ils étaient. Il s'en était montré chagrin. Inventaire de Laffilard. Pièces du 24 mars et 5 avril 1682. Aff. étrang. Mém. et doc., t. I. - Les instructions données à Saint-Amand ne laissent pas de doute sur les Intentions peu conciliantes de Colbert. " Comme S. M. n'a pas voulu entendre à aucune proposition sur la restitution des esclaves, sujets du roi de Maroc, qui sont à présent sur ses galères, il se servira de toute son adresse pour éviter de répondre sur ce sujet et, en cas qu'il en soit pressé, il déclarera qu'il n'a point de pouvoir de traiter cet article. "
(30) Playfair, n° 2169 et 2172 (documents du Colonial Office), n° 300 : Traité de paix et de commerce entre Muley Ismaël et la Hollande. - Voir les nombreuses pièces analysées dans l'inventaire de Laffilard. Cf. lettres de Saint-Amand, 23 novembre 1682 ; de Périllié, 3 septembre 1684 (aff. étrang. Maroc, 1577-1693), de Saint-Amand, 4 juillet 1882. (Arch. de la Chambre de Commerce, BB, 171). Relation du voyage que j'ai fait par ordre de S. M... (Saint- Amand) décembre 1683. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. III, fol. 72-84. Une relation sans intérêt a été publiée de l'ambassade de 1682 : Voyage du baron de Saint-Amand, Lyon 1696, in 12.
Pétis de la Croix (Relation universelle. - T. I, p. 436 et suiv.) raconte l'ambassade de Saint-Amand. Suivant lui, " le roi ordonna d'accorder à M. l'ambassadeur tout ce qu'il souhaiterait et même plus s'il était possible, ce qui fut conclu dans deux heures et on alla prendre l'audience de congé... L'ambassadeur fut trouver le roi... au milieu de son camp... ce prince lui dit que sa plus forte passion était de maintenir la paix perpétuelle. " En réalité le succès de l'ambassade avait été très incomplet et ressemblait plutôt à un échec.
(31) Seignelay à Vauvré. 29 avril et 9 juin 1685. Inventaire de Laffilard. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. I. - Cf. Ibid. t. II. - Vauvré à Seignelay. 19 avril 1685. Arch. nat. marine B7, 210. - Comme en 1682, les Anglais négociaient en même temps, au moment où ils abandonnaient Tanger (1684), et il y avait un ambassadeur marocain à Londres en 1684. Le consul Périllié fit tous ses efforts pour traverser leur négociation qui échoua de nouveau définitivement en 1685. V. Lettres de Périllié du 15 juillet, 12 août 1684, 18 janv, 11 fév, 5 mai, 18 novembre 1685. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. - Les Anglais avaient espéré un moment tirer grand profit de la possession de Tanger pour leur commerce. Ils avaient dépensé près de 30 millions pour la construction d'un môle qu'ils détruisirent en s'en allant. Charles II avait fait de Tanger un port franc et lui avait accordé une série de privilèges. La Primaudaie. Rev. Afr. 1812, p. 315-18 et 388-90. - Cf. Bibliog. de Playfair, une série de documents sur l'occupation de Tanger parles Anglais.
(32) Le roi au maréchal d'Estrées, 23 mai 1686. Invent. de Laffilard. Cf. Conditions de paix en.... articles proposées entre .M. le maréchal d'Estrées et l'alcaïde Ali, 1er juin. lbid.
(34) Mortemart à Seignelay. 16 et 30 septembre 1686. Ibid.
(34a) Lettres d'Estelle, 8 septembre 1686, 2 mai 1687. Aff. étrang. Maroc, 15771693. - Journal de mon voyage de Tanger, le 14 novembre 1686 (Estelle). Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 132-133. - Cf. Invent. de Laffilard, et Arch. nat. marine, B7, 210 : lettre d'un officier de marine, de Lattre. 22 septembre 1686.
(35) V. les nombreuses pièces analysées par Lafillard : 9 mai 1687. Instruction pour M. le duc de Mortemart, commandant l'escadre dru roi. Aff. étrang, Mém. Et doc. Maroc, t. I - Lettre de M. de Davoy à Seignelay, 26 août 1687 Arch. nat. marine. B7, 213.
(36) V. Inventaire de Laffilard. - Lettres de Périllié, 25 décembre 1688 (Aff. étrang. Maroc, 1577-1693) et 25 mars 1689 (Arch. de la Chambre. AA, 557).
(37) Ces contradictions sont étranges et difficiles à expliquer : en 1682 et en 1684, Muley Ismaël demande d'échanger un esclave maure pour un chrétien et 300 livres, lettre du 12 août 1684). Au début de 1688, il propose de faire l'échange des esclaves tête pour tête, lettre du 15 févr. 1688). En décembre 1688, Desaugé et Périllié offrent au roi de Maroc de donner un Maure et 200 écus par esclave français pour le rachat d'une partie des Français, proposition qui " leur tourne plus à compte que le tête pour tête. " lettre du 25 décembre 1688).En 1691, le consul Estelle essaie en vain de décider le roi de Maroc à un échange tête pour tête. Un alcaïde lui dit que " ce roi avait juré de ne donner aucun Français qu'on ne lui rendit un Maure et de l'argent en retour. " Lettre du 19 juin 1691). Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. Il y avait, en 1691, 286 esclaves français à Méquinez, d'après une liste des esclaves en date du 12 févr. 1691. Ibid.
(38) " La guerre qui est entre les princes chrétiens rend ce roi encore plus fier et moins traitable qu'il n'a jamais été. " Lettre d'Estelle, 19 juin 1691. Aff. étrang. Ibid.
(39) Lettres de M. de Lagny Périllié, du 29 mai 1659. - Ordre du roi qui commet le sieur de Mondésir, écrivain ordinaire des galères, pour faire les fonctions de consul à Salé pendant la détention du sieur Estelle. 17 novembre 1689. Aff. étrang. Maroc. 1577-1693.
(40) Quand Estelle remit à Muley Ismaël la lettre du roi, le 13 août 1692, il lui expliqua que S. M. était à la tête d'une de ses armées en Flandre et quelle venait de prendre Namur. Le Sultan lui répondit qu'il en avait été Informé mais qu'il savait aussi que l'armée navale de France avait été fort maltraitée et qu'elle avait perdu 27 vaisseaux de guerre. Lettre du 12 septembre 1692. Ibid. - Voir trois mémoires d'Estelle, datés du 23 janv. 1691, 2 mars et 12 septembre 1692, sur son retour de France au Maroc, son premier voyage à Méquinez en 1691, son retour à Marseille et son second voyage auprès de Muley Ismaël en 1692. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 145-176. - Arch. nat. marine, B7, 215 : lettre de l'alcaïde Ali. - Ibid. B7, 218 : lettres du roi de Maroc et de l'alcaïde Ali au roi, décembre 1691, p. 132-137. - Ibid. B7, 218 : Lettre de Louis XIV au roi de Maroc, du 14 janv. 1693, emportée par Saint-Olon, p. 128-129.
(41) Lettres du 30 juillet, 3 août 1693. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. - Cf. deux mémoires d'Estelle au sujet de l'ambassade. Aff. étrang. Mémoire et doc. Maroc, t. II, fol. 177-186; autres mémoires d'Estelle, instructions remises à Saint-Olon, en date du 14 janv. 1693. Ibid., t. III, fol. 95-167. - Thomassy, très incomplet pour l'histoire des relations de la France avec le Maroc au XVIe et au XVIIe siècle parle longuement (p. 139.155) de l'ambassade de Saint-Olon, d'après le Journal de Saint-Olon, recueil inédit de pièces diverses, entre autres, de mémoires du Consul Estelle, qui remplissent 3 vol. in-4°. Ces manuscrits sont conservés à la bibliothèque de l'Institut. - Cf. Relation de l'Empire du Maroc, par Saint-Olon. Paris, 1805. - Les théories de Thomassy ne sont pas toujours acceptables : il attribue (p. 135) une place secondaire à l'échange des esclaves dans les préoccupations de Muley Ismaël; cependant, il est certain que celui-ci même tenait surtout à une alliance contre les Espagnols. - Cf. Rouard de Card, p. 20-29.
(42) V. Arch. nat. marine B7, 218: Projet d'articles et conditions à traiter par M. de Saint-Olon. 13 janv. 1693 (avec des annotations en marge montrant les différences avec le traité de 1632. Cf. un autre texte du projet de traité, en date du 14 janv. 1693. Aff. étrang. Mém et doc. Maroc, t. II, fol. 201-206.
(43) Mém. de J.-B. Estelle, consul de Salé. janv. 1699. Arch. nat. marine B7. 220. " Les Hollandais sont cause qu'à présent les vaisseaux du roi sont en état de naviguer aussi bien que celui de Benache, par les contrebandes que leurs vaisseaux lui apportent, consistant en voiles, cordages, câbles et armes. " - Cf. Lettres d'Estelle. 8 mai et 18 juin 1698. Arch. de la Chambre, AA, 557.

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De M. Pierre Jarrige

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Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
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Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Juillet 2011.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois
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Ne pas s'y méprendre
Envoyé par Jacques

       – Oui, mon règne est passé,...
       – renvoyé, disgracié, chassé ! –
       Ah ! Tout perdre en un jour ! ...
       – oui, pour une amourette,
       – Chose, à mon âge, sotte et folle, j'en conviens !
       Avec une suivante, une fille de rien !...

       On m'exile ! Et vingt ans d'un labeur difficile,
       Vingt ans d'ambition, de travaux nuit et jour ;...

       Mon crédit, mon pouvoir ; tout ce que je rêvais,
       Tout ce que je faisais et tout ce que j'avais,
       Charge, emplois, honneurs, tout en un instant s'écroule
       Au milieu des éclats de rire de la foule !

       A qui pensiez-vous ? D.S.K. ? Non...

       Don Salluste, dans Ruy Blas, acte I scène I (Victor Hugo,1838) !!!



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