POUR UNE PAIRE DE SOULIERS...
Poème d'Antoine ROCA
Bulletin N°22 de l'A.B.C.T.

D'Espagne, mon grand-père, un jour est arrivé
En Algérie. C'était déjà un émigré;
Il n'avait même pas de souliers.
Pour vivre, les vignes il s'est mis à tailler.
Toujours pieds nus, il a marché avec espoir.
Sans le savoir, il est devenu un " pieds noirs ".
Pour une paire de souliers cloutés
Mon grand-père, un jour s'est engagé
Et pour la guerre de 1870
Sa famille l'a vu partir réjoui.
Mon père avait, lui, et c'était un progrès,
Une paire d'espadrilles légèrement usées.
Mais pour ces satanés souliers,
Comme son père, il s'est enrôlé
Pour défendre, en 1914, la France attaquée.
Moi, son fils, j'avais des souliers,
Mais la France je l'aimais.
Alors, pour défendre la liberté
De mon pays, encore une fois saccagé,
Pour la guerre de 39, j'ai été appelé.
Sans penser à ma vie que j'allais risquer,
J'ai, avec courage, méprisé le danger.
Maintenant, à la fin de ma vie,
Après un douloureux départ d'Algérie,
Je ne peux plus mettre mes souliers,
Car pour la France, après avoir tant marché,
J'ai surtout gagné des cors aux pieds.

MORALITE:
" Pieds?noirs " par la France abandonnés,
Pour être certains de vivre sans regrets,
Surtout, ne mettez jamais de souliers.


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