LE HERON
Auteur non identifié

Un jour, sur ses longs pieds, allait à saouar où
Le héron ac son bec engantché (1) d'un long cou.
Il se suivait la Grande Sybouse.
Transparente l'eau elle était, presque comme tous les jours,
Et madame la caplate (2) laisse-la qu’elle fait le tour
Ac le barbeau, son beau-frère.
Le héron ça c'est sur, se les aurait tous pris,
Ma mieux c'était d'attendre
D’aour un plus que l’appétit.
Y s’tapait le régime et mangeait à une heure.
Après trente minutes, l’appétit il se vient, l'oiseau
Y s’approcha le bord et y se voit dessus l’eau
Une belle bande de mulets autour d’un morceau d’pain.
Dégoûté bu mulet, il trouva un goujon.
Mamami, si c’est là le dîner d’un héron!
La nuit, elle se tombait, pourquoi il était tard.
L’oiseau mort de faim se prit un p'tit têtard.
Il faut pas être trop difficile
Et manger ça qu’on a et pas faire l’imbécile.
On rixe de tout perdre en voulant trop gagner:
Manger peu , manger bien et ne pas s’affoguer (3),
Et, comme on dit chez nous, au quartier d’la Colonne,
Mieux un oiseau dans la main que deux qui volent.

P.S: Pardon, La Fontaine, si j'ai bu à ta source.

(1)Engantché: vient de l'italien gancio: crochet. En Bônois, le gantche est un énorme hameçon attaché à une perche, servant à harponner les poulpes et les gros poissons,
(2) Caplate: gros mulet à tête ronde, faisant des bonds hors de l'eau.
(3) Affoguer: vient de l'italien affogare: s'étouffer.

(Revue Ensemble, N° 201, Février 1995, page 72)