EN AVION
Augu et Moi

Envoyé par Marc dalaut

SAMEDI soir, à cté l'estatue Thiers qui te montre le doigt, j'a rencontré avec Augu, Popaul de l' " arioclub ", un camarade à moi et qui nous dit : " Demain matin, si vous voulez, je vous donne le baptême en l'air tzur, le " Norencrin ". Entendu, que j'y dis, et nous se quittons.

Le lendemain, on se trouve au terrain l'Allélick et Popaul y nous attendait habillé ac un bleu de chauffe blanc, un casque en cuir, et des maousses de lunettes.

On fait le tour de l'avion tout neuf. On dirait, la vérité, une grosse Libellule verte, à qui seulement la parole elle manque.

Popaul, il ouvre la porte et nous fait assoir tzur des extrapontains. Y monte devant nous, y tire tzur des boutons et oilà le moteur qui lance des pétarades. Nous autres on se tenait raide et on était fiers comme le prince et la princesse Lisabeth, la fille à le roi d'l'Angleterre.

Pensez un peu, nous autres, d'la matsame, monter dans un avion tout neuf. Dans le vomissement du moteur (c'est comme ça qu'on dit, je crois) y fallait crier pour s'entendre. Tout d'un coup, oilà un coup d'accélérateur et vinga on roule à toute vitesse et dalli une secousse : on s'avait décollé. Augu, à côté moi, y parlait plus ; il était pâle comme le Chinois qui vend les peignes en dedans le marché et y commence à claquer les dents.

- Augu, ty as froid.

-Ché froid, j'a peur : je crois que ma dernière heure elle a sonné à l'horloge de la gare.

Et moi par le carreau en mica le regarde en dehors. Je vois San, Aouestine ac les tours, la Sybouse qu'elle ressemble à une grosse murène, l'Estade, la Casbah, " Saint Cloud ", la Caroube. Je reconnais le cabanon à la merâtre à Fifine où j'a passé la lune en miel, la plage Toche et le bateau portugalais coupé en deux.

On tourne et c'est le 'Col des Chacails et la route comme le lacet blanc d'une espadrille et Bigeaud au milieu de la forêt d'arbres de liège. Plusse loin la oile noire et le Pain de Sucre et la Spiageole.

Augu maintenant il a le loquet et tout d'un coup dalli y fait le 14 juillet. Ça des fusées de bromedj !!! C'est de la dégoutation. C'est plus le baptême, c'est l'extremjonction et la mortaison. Moi aussi je commence à transpirer d'la peur. Ja la sueur qui coule tzur les armoires plates. Le pilote du doigt y nous montre l'ariodrome. On commence à faire une virade tzur l'aile. Au lieu que nous on va vers la terre, c'est elle qui vient vers nous autres.

La tête, elle commence à me tourner, heureusement le pilote y nous a pas fait faire des " maillonades ", le tonneau, la feuille qu'elle est morte ou les loupines.

Encore une secousse on s'a atteri et on roule vers le zangard où y a un grand cornet en chiffon. Dieu bénisse, c'est fini...

On descend dl'appareil et on va prendre l'apéro au Club Ouste et on rentre en ville.

Pour pas vous enduire en erreur, car je suis pas menteur et on me donne le bon Dieu sans confection) je dois vous dire que l'avion, c'est une belle invention et que là-bas en haut on se sent à l'aise, c'est affaire de l'habitude.

Pour moi c'est Augu qui m'a porté la chkoumoune pourquoi en principe j'a pas peur et pour ce sport y faut d'l'adresse et le courage.

Vive l'arioclub de Bône, vive l'aviation et en bas Augu et moi, les rois des froussards.