QUELQUES BÔNOISERIES

Rachid HABBACHI
AVERTISSEMENT
Si que tu cherches les fôtes d'hortografle ou de saint axe comme tu me cherches les poux dans la tête, rien que t'y arrêtes tout de suite pasque yana pas.


SON PAYS


Mon père m'a raconté
La merveilleuse beauté
De sa seule folie,
Son pays l'Algérie

Bône c'est son univers,
Rien n'y va de travers,
Tout y est pour le mieux
Sous le plus bleu des cieux
Témoin de grandes prises
Dans des pêches sans surprises
Où le bar devient loup
Au fenouil pour le goût
Qui vous flambe un palais
A l'anis arrosé.



Mon père m'a raconté
Des côtes accidentées
Baignées par une écume
Et des embruns sans brume.

De Bône il parle toujours
Comme d'une coquette d'amour,
D'une ardente maîtresse
Prodigue dans ses caresses
Profondes comme la mer bleue
Qui baigne encore ses yeux
De la couleur des larmes
Qu'il verse sur la place d'armes
La caroube et les choses
Teintées de lauriers roses.

Mon père m'a raconté
Son pays, ses beautés,
La nostalgie qu'il a
De ne plus être là-bas.


NOUS AUT'


Chez nous aut' qu'on a pas l'instruction
On vit ensemble sans histoires à de bon
Dans la famille t'y as que des marioles,
Y en a un qu'il a marié une folle,
Une folle qu'elle a marié un joubasse
Que même y s'appelle Jonas
Et qu'il est guitche d'un oeil,
Que sa soeur elle est pareille
Mais qu'elle a les dents dehors la bouche
Qu'elles bougent quan on les touche.
Sa fille elle est grosse la misquinette
On dit qu'elle est au net
Pasqu'elle fait juste cent kilos
Pour un mète, pas un de trop.
L'aut', le fils qu'il a le caillou rasé,
C'est un fartasse avancé
Qu'il a fait des études
Comme ça, par habitude
Jusqu'au Cerfiticat qu'il a breveté
Pasqu'il l'a jamais décroché.
Et pis, ya l'oncle, le gaziste,
Qu'il voulait devenir caviste
Mais qu'il a bu le bénéfice et le capital,
Il aimait trop le Govinal.
Ensuite le père, qu'il s'est sacrifié,
Toute sa vie, il a travaillé
A rien faire,
Il était gardien au cimitière.
Enfin la mère, une sainte femme
Que tout le monde y s'l'appelle madame
Pasque c'est dans la tête qu'elle a tout,
L'intelligence et même les poux.


LE VERRE DEDANS LA GLACE

Moi, ya des histoires, j'te jure
Quan j'les entends y me vient la honte à la fugure.
Tu ois pas, ya Panisse
Çui là là qu'il est tout rouge, qu'il a la jaunisse,
L'aut' jour,
Dessur le Cours
Y s'assoie pour manger une glace
Ac son ami le fartasse
Et en attendant le garçon,
Ces deux là qui z'étaient gonfes à de bon,
Y parlaient des gens, du quartier, de l'avenir,
De ceux qui venaient, de ceux qui z'allaient partir.
Quan y z'ont eu les coupes
De celles là là que dedans on peut manger la soupe,
Y se prennent une madone de cuillère
Et v'là le Panisse qu'il est pas fier,
Y jure franchement les morts
Ceux là là qui z'ont raison et ceux là là qui z'ont tort,
Les fraîches et les pas mûrtes encore,
Çui qui rente et çui qui sort.
Il avait la bouche en sang
Pasque le créponnet y'avait du verre dedans ;
Y lui vient les abeilles de celles qui piquent
Il a la rage, des nouveaux gros mots il en fabrique
Et y jure qu'y va faire un malheur
Et que même si y vient sa soeur,
Le garçon, y va s'l'envoyer chez Tadeau
Même si que c'est pas d'sa faute, ce vilain pas beau.
Le garçon y vient, y crache parterre
Et y lui crie de se taire
Atorment y va chercher son beau-frère
Çui là là qu'il est commissaire.
Panisse y se tait, y dit plus rien, et le fartasse
Eh ben ! y se commande une aut' glace.
moralité
Si que t'y as pas de beau-frère commissaire,
Dans la glace y faut jamais casser des verres.


YA LE MORT


A Bône, ya très longtemps,
Y avait deux hôpitals seulement :
Le Pont blanc et les Caroubiers
Et t'y allais où çà te plaît.
L'histoire qu'elle s'est passée
C'était aux caroubiers
Un soir qu'y faisait froid
Et qu'y z'étaient seulement trois
Le garde, le docteur et les malades
Qu'y z'aimaient tous les kaoulades.
Le garde il était devant la morgue
Là dedans où qu'on met ceux qui s'affoguent
Que là aussi y s'est caché le docteur
Pour lui faire un peu peur.
Le garde qu'on s'l'appelle Comptoir
A cause qu'il aimait boire,
Y s'mangeait une poire ou peut-être une pomme
Quan il entend une voix, le bonhomme
Qu'elle lui dit donne moi un bout
Ou je te mange tout.
Comptoir qu'il est pas peureux,
Juste un peu chkagueux,
Y se lève d'abord
Et y se met à crier " le con de vos morts "
Le mort il est pas mort
En jurant aujourd'hui encore
Que le mort il était pas mort.
Pour la morale de l'histoire,
Sachez que Comptoir y continue à boire,
Y passe son temps de retraite
A savourer son anisette.


TA RACE CON


Ya deux hommes qui sont descendus du bateau
Un dimanche qu'y faisait beau ;
Un il était gros et il avait toujours chaud,
Et l'aut' j'm'en rappelle c'était Alphonse Desdeaux
Qu'il écrivait y paraît des livres
Mais en tous cas, y savait vivre.
Le gros on s'l'appellait petit Tartar ou Tartarin
Pasqu'il était péteux et y connaissait rien ;
L'aut' on le respectait
Mais son nom on s'la renversé en Daudet.
Y disaient venir du midi, en vacances ;
Mais moi je crois pas, y venaient de France.
Le gros, il était impoli à de bon
Quan y disait je suis de ta race con
Tout ça pour dire qu'y venait chasser le lion,
Qu'y voulait en tuer tout un wagon
Et retourner avec les honneurs
Qu'on fait là bas aux grands chasseurs.
Mais nous, ces bêtes là, on connaît pas, Dio Bône
On en a jamais vu dedans les rues de la colonne
Et c'est pas au Cap qu'y en a
C'est sûr, ça.
Mais on voulait pas lui faire de la peine
Nous, on peut pas, ça nous gêne.
Comme il a jamais vu cette bête féroce
On l'y a dit va te la prendre dans l'os,
T'y auras un beau chacal,
C'est pas plus mal
Et en plusse qu'est ce que t'y en dis
On te donne en souvenir une descente de lit.
Et toi Alphonse que t'y es malin
On va te donner des lettres pour ton moulin.


VIVRE A BONE

Je ne suis pas de Bône
Mais qu'est-ce que je l'aime,
Et que dieu me pardonne,
Cela me pose problème.

La ville qui m'a vu naître
Est belle, elle est proprette
Je l'adore, plus peut-être
Mais Bône, c'est la coquette,
Celle qui donne le vertige
A tous et même aux romains
Qui dans leur prestige,
Se croyaient malins.

Je ne suis pas de Bône,
Mais c'est sûr, je n'aime qu'elle
Et si à son amour, je m'abandonne
C'est qu'elle est tellement belle.

Je me laisse vivre doucement
En parfaite harmonie
Avec l'écoulement du temps
Qui glisse et caresse ma vie
L'enveloppant dans l'iode
Prélevé dans une mer immense
Qui a traversé les modes
Pour survivre à toutes les décadences.

Je ne suis pas de Bône
Et qu'est-ce que cela peut faire
Il n'y a que vous que cela étonne
Moi, j'en ai fait mon affaire.

Le bon saint Augustin
Du haut de sa colline
Est encore témoin,
Il sait, il devine
Lui l'enfant de Taghaste
Que lorsqu'on a vécu à Bône,
On lui voue à jamais un amour plus vaste
Que celui des amants de Vérone.



Envoyé par l'auteur